(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 73) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)
M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il lit le procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des étudiants à l'université de Louvain demandent qu'à la session de Pâques 1859 il y ait des jurys d'examen pour l'admission à tous les grades académiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Matterne, cultivateur à Orsinael-Gossenhoven, réclame contre le montant de sa contribution communale et demande la restitution de ce qu'il a payé en trop. »
- Même renvoi.
« Le sieur Auguste Diewan, rentier à Bruxelles, né à Krumbach (Autriche), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants de Cortemberg demandent que M. le ministre de l'intérieur soit invité à se prononcer sur ses intentions relatives aux réclamations qui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »
« Même demande d'habitants de Blanden. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Rasschaert prie la Chambre d'améliorer la position des commissaires de police faisant fonctions du ministère public près les tribunaux de simple police. »
- Même renvoi.
M. le Bailly de Tilleghem. - J'appuie cette pétition, et je demande que la commission des pétitions soit priée de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 109 exemplaires de la publication : Renseignements statistiques recueillis par le département des travaux publics pour l'année 1857. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« Le sieur Ed. Ducpetiaux fait hommage à la Chambre, de son ouvrage, intitulé : La Question de la charité et des associations religieuses en Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Verhaegen, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« M. de Moor, obligé de s'absenter pour deux jours, demande un congé. »
- Accordé.
M. Lelièvre. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau huit rapports sur des demandes de naturalisation.
M. Thienpont. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau trois rapports sur des demandes de naturalisation.
- Ces divers rapports seront imprimés et distribués. La Chambre les met à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - M. le ministre de la justice désire-t-il que la discussion s'établisse sur le projet du gouvernement ou sur celui de la commission ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que la discussion s'établisse sur le projet du gouvernement.
M. le président. - La discussion s'établit, en conséquence, sur le projet du gouvernement.
- La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la parole, on passe aux articles.
« Art. 132. Quiconque, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, aura attaqué l'autorité constitutionnelle du Roi, l'inviolabilité de sa personne, ou les droits constitutionnels de sa dynastie, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs. »
M. de Muelenaere. - Messieurs, dans un titre précédent, nous avons cherché à prémunir contre toute attaque, contre toute violence, la personne du Roi et des membres de sa famille.
Ces dispositions étaient dictées par des considérations d'intérêt public faciles à apprécier.
Maintenant nous entrons dans un autre ordre d'idées ; il ne s'agit plus de la personne du Roi et des membres de sa famille ; il s'agit des droits que le Roi tient de la Constitution.
D'après l'article 132, « quiconque, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, aura attaqué l'autorité constitutionnelle du Roi, l'inviolabilité de sa personne, ou les droits constitutionnels de sa dynastie, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs. »
Messieurs, dans deux lois successives, une loi de l'ancien royaume des Pays-Bas et dans le décret du Congrès national du 29 juillet 1831, on trouve la même disposition, à peu de chose près, avec cette différence que dans ces deux textes de loi on avait expressément stipulé que pour encourir les pénalités prononcées par l'article il fallait avoir agi méchamment.
Cette expression semblait rendre clairement la pensée du législateur et tracer la limite qui existe entre le délit et l'exercice d’un droit constitutionnel de libre discussion. La suppression de ce mot, dans le projet qui nous est soumis, a été mal interprétée dans une partie du public ; elle a donné lieu même à des accusations assez graves contre le rapporteur de la commission.
Cependant, permettez-moi de faire observer que, dans la pensée de la commission et du gouvernement, par la suppression du mot « méchamment », on n'a nullement entendu aggraver la disposition des lois antérieures.
Si nous consultons le rapport de la commission, voici ce qu'on y lit : « Il est à remarquer que les attaques ne sont réprimées par notre article que quand elles ont eu lieu méchamment ; l'intention criminelle est une des conditions essentielles des délits qu'il prévoit. Ainsi, la libre discussion est toujours un acte licite, et l'exposé d'un système théorique ne sort pas des limites d'une controverse permise aux écrivains. »
L'exposé des motifs, messieurs, s'explique d'une manière non moins précise. Il nous apprend que le mot « méchamment » qui se trouve dans quelques lois antérieures, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, a été supprimé à l'exemple du projet de 1834 et de la loi du 6 avril 1847 et que ce n'est pas sans raison, dit l'exposé de motifs, car toute attaque suppose nécessairement une intention coupable. Ainsi pour qu'on tombe sous l'application des pénalités prononcées par l'article 132, il faut nécessairement que l'attaque ait été faite méchamment, il faut nécessairement qu'il y ait une intention coupable et criminelle ; dès lors il est évident pour moi qu'il n'y a dans la rédaction de l'article 132, aucune aggravation réelle.
Le développement d'un système théorique, la discussion loyale des droits que la Constitution confère au Roi, restent des actes parfaitement licites.
Cependant j'ai cru qu'il était indispensable qu'on s'expliquât, à cet égard, en séance publique et que le gouvernement lui-même déclarât que c'est bien dans ce sens qu'il comprend la disposition, si toutefois il ne juge pas à propos de rétablir le mot méchamment dans le projet. Ce qui mettrait un terme à toutes les discussions et à toutes les récriminations ultérieures.
M. Lelièvre, rapporteur. - La question soulevée par l'honorable M. de Muelenaere ne peut faire naître aucun doute sérieux. Le délit dont s'occupe notre article n'existe que lorsque l'inculpé a commis le fait avec intention criminelle ; il doit donc avoir agi méchamment. Du reste, cette intention est comprise sous la dénomination du mot coupable qui est énoncée dans la question soumise au jury. Le fait dont nous nous occupons appartient à la juridiction des cours d'assises ; par conséquent le jury sera interrogé sur la culpabilité ; or l'intention méchante est une condition essentielle de cette culpabilité. Il est dès lors entendu que si l'on n'énonce pas le mot « méchamment », c'est qu'on le considère comme étant inutile.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'admets tout à fait l'opinion émise par l'honorable M. Lelièvre et qui, d'ailleurs, est exprimée et dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la commission.
Il y aurait, à mon avis, un inconvénient à introduire dans cet article le mot « méchamment », car il faudrait alors le reproduire à peu près dans tous les autres articles de la loi. Ainsi, par exemple, si l'on dit : Quiconque aura méchamment attaqué l'autorité du Roi, il n'y a pas de raison pour ne pas dire aussi : Quiconque aura méchamment commis un meurtre. (interruption). Cela est incontestable, puisque le meurtre commis par imprudence n'est pas placé sur la même ligne que le meurtre commis avec intention. II y aurait donc un inconvénient sérieux à introduire ce mot dans la loi, attendu qu'on pourrait soutenir que là où ce mot ne se (page 74) trouverait pas, il suffirait du fait purement matériel pour être réputé coupable. C'est pour ce motif surtout, qu'on a supprimé le mot « méchamment ». Du reste, je le répète, toute attaque suppose nécessairement une intention coupable.
M. de Muelenaere. - Nous sommes parfaitement d'accord.
- L'article 132 est mis aux voix et adopté.
« Art. 153. Sera puni des mêmes peines quiconque, par un des moyens énoncés en l'article précédent, aura attaqué les droits ou l'autorité des Chambres, ou la force obligatoire des lois. »
- Adopté.
« Art. 154. Toute offense commise publiquement envers la personne du Roi, par des paroles, des gestes ou des menaces ; par des écrits, des imprimés, des images ou des emblèmes quelconques, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs. »
- Adopté.
« Art. 155. L'offense commise publiquement, par un des moyens indiqués à l'article précédent, envers les membres de la famille royale ou envers le régent, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à. trois ans et d'une amende de cinquante francs à deux mille francs. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense qu'au lieu d' « envers les membres de la Famille royale », il faut dire « envers l'héritier présomptif de la Couronne, la Reine, les parents et alliés du Roi en ligne directe, les frères du Roi ayant la qualité de Belge ou envers le régent. »
Nous devons mettre notre disposition en harmonie avec les articles 97 et 98 déjà votés. II faut désigner clairement quels sont les membres de la Famille royale que nous entendons protéger par notre disposition.
M. Van Overloop. - Je me proposais de présenter la même observation que l'honorable M. Lelièvre.
L'article 98 que nous avons adopté dans la séance d'hier porte : « L'attentat contre la vie de la Reine, des parents et alliés du Roi en ligne directe, des frères du Roi, ayant la qualité de Belge, contre la vie du régent ou contre la vie des ministres, etc. » Maintenant, l'article 135 que nous discutons ayant le même objet, dans un autre ordre d'idées, que l'article 98, il me semble qu'il faudrait mettre cet article 135 en harmonie avec l'article 98.
Je pense que cette observation, qui ne porte d'ailleurs que sur une forme de rédaction, sera admise par M. le ministre de la justice.
M. Vander Stichelen. - Il faudrait, pour être logique, ajouter après le mot « ministres », ceux-ci « réunis en conseil ou remplissant les pouvoirs constitutionnels du Roi ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demanderai que l'on renvoie cet article à la commission pour qu'elle le mette en rapport avec la disposition que nous avons adoptée hier.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 136. Sera puni des peines portées en l'article précédent quiconque, par l'un des moyens ci-dessus, aura publiquement offensé les Chambres ou l'une d'elles.
« La poursuite de ce délit n'aura lieu que sur la réquisition de la. Chambre qui se croira offensée. »
La section centrale propose d'ajouter les dispositions suivantes :
« L'outrage adressé par paroles, gestes ou menaces à un ou plusieurs membres de l'une des deux Chambres dans l'exercice de leurs fonctions, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à mille francs.
« Les coups portés à un membre de l'une des deux Chambres dans l'exercice de ses fonctions seront punis d'un emprisonnement de deux mois à deux ans.
« Si les coups ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans. »
M. Van Overloop. - Messieurs, je ne sais pas quelle est l'opinion du gouvernement relativement à l'amendement de la commission, mais je crois que sile gouvernement se rallie à la disposition qu'elle nous propose, il y aura lieu de compléter cette disposition.
Ainsi aux termes des articles 222, 223,224 du Code pénal qui nous régit actuellement, dispositions qui du reste sont reprises dans le projet de loi qui nous est soumis en ce moment, les magistrats de l'ordre administratif et judiciaire et même les officiers ministériels et tous les agents dépositaires de la force publique sont garantis par des peines, contre les outrages leur adressés dans l'exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Si vous admettez la proposition de la commission, qu'arrivera-t-il ? C'est que les membres des Chambres ne seront pas autant protégés qu'un simple officier ministériel. Il y aurait donc dans la loi une anomalie que l'on doit, me semble-t-il, prévenir.
On peut certes critiquer et critiquer d'une manière même très vive les actes, les discours, les pensées émises par un représentant ; mais il y a évidemment une grande différence entre critiquer les actes, les discours d'un représentant et outrager la personne d'un représentant.
Je le répète, je ne connais pas l'opinion du gouvernement, relativement à la proposition de la commission. Mais s'il ne croyait pas que les mots « ou à l'occasion de leurs fonctions » dussent être ajoutés, il faudrait nécessairement qu'on donnât quelques explications sur les mots « dans l'exercice de leurs fonctions ».
Ces mots peuvent être interprétés dans un sens large ou dans un sens étroit.
Si on les interprète en ce sens qu'il faut, pour qu'un individu tombe sous l'application de la loi, qu'il ait injurié un représentant pendant qu'il siège dans cette enceinte, si, dis-je, on les interprète dans ce sens restrictif, l'amendement de la commission me paraît inutile. En effet, l'injure adressée à un représentant pendant qu'il siège serait une véritable offense publique à la Chambre et tomberait par conséquent sous le paragraphe premier de l'article 136.
Si, au contraire, on entend les mots « dans l'exercice » en ce sens qu'ils frapperaient l'individu qui aurait, par exemple, injurié un représentant se rendant à la Chambre pour y exercer ses fonctions, ou sortant de la Chambre après y avoir exercé ses fonctions ; si l'on entend les mots « dans l'exercice » en ce sens large, dans ce cas, il importe qu'on le dise, car, en matière pénale surtout, il faut être clair. Je dis donc : Si l'on n'entend pas ces mots : « dans l'exercice de ses fonctions » dans le dernier sens que je viens d'indiquer, il me semble que la proposition de la commission est parfaitement inutile ; si, au contraire, on les entend de cette manière, alors il faut pour être clair, ajouter : « ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. »
Je le répète, messieurs, si l'on n'ajoute pas ces mots à la proposition de la commission, nous tomberons dans cette anomalie qu'un simple officier ministériel, un agent dépositaire de la force publique sera mieux protégé qu'un membre de la Chambre.
Je soumets ces observations à M. le ministre de la justice, et j'espère qu'il nous donnera des renseignements complets à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Tesch) dépose plusieurs amendements dont il demande le renvoi à la commission et qui sont ainsi conçus :
« Art. 136. § 3. L'outrage adressé par des faits, gestes ou menaces, etc., sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans.
« Supprimer les mots : et d'une amende de vingt-six francs à mille francs.
« § 4 in fine. D'un emprisonnement d'un an à cinq ans.
« § 5 in fine. Sera puni de la réclusion.
« § additionnel. Les coupables sont en outre punis d'une amende de 100 à 2,000 francs.
« Art. 138. Ajouter : et d'une amende de vingt-six francs à mille francs.
« Art. 151. § 2 in fine. La peine sera l'emprisonnement de deux mois à deux ans et une amende de vingt-six francs à mille francs.
« Art. 152. § additionnel. Les coupables seront en outre punis d'une amende de cent francs à mille francs.
« Art. 153. Ajouter : Sans préjudice de l'amende prononcée par l'article précédent. »
- Le renvoi à la commission est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je pense qu'il est entendu que la commission examinera la question soulevée par M. Van Overloop.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission s'est déjà occupée de cette question. Je pense que quand on aura examiné les amendements que je viens de déposer, la discussion pourra avoir lieu beaucoup plus utilement sur les différentes dispositions de l'article.
M. Van Overloop. - Je me rallie complétement aux observations de M. le ministre.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai présenté mes amendements pour mieux graduer les peines comminées contre ceux qui auraient outragé, frappé ou blessé des membres des Chambres.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie, messieurs, à la rédaction de l'article 137, proposée par la commission.
M. le président. - La commission propose de rédiger l'article 137 comme suit :
« Dans les cas prévus par les cinq articles précédents, les coupables pourront, en outre, être placés sous la surveillance spéciale de la police, pendant cinq à dix ans et condamnés à l'interdiction de tout ou partie des droits politiques et civils, conformément à l'article 44 du présent Code. »
- L'article ainsi rédigé est adopté.
« Art. 138. Lorsque, par attroupement et violence ou menaces, on aura empêché un ou plusieurs citoyens d'exercer leurs droits politiques, chacun des coupables sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je proposerai d'ajouter à l'emprisonnement une amende qui pourrait être portée de 26 fr. à 1.000 fr.
(page 75) Je crois qu'il est utile de mettre à côté de la peine corporelle la peine pécuniaire, afin de laisser au juge plus de latitude.
C'est une modification que je propose au projet du gouvernement lui-même. Si le principe est adopté, il y aura lieu de l'introduire dans d'autres articles et notamment dans les articles 139 et 140.
A chacun de ces articles, je proposerai d'ajouter une amende de 50 fr. au minimum et de 3,000 fr. au maximum.
J'ai parlé de cette modification à l'honorable rapporteur de la commission, il s'y est montré favorable.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense qu'il est utile de prononcer une peine pécuniaire en même p que celle d'emprisonnement, eu égard à la nature du fait prévu par notre disposition. Je me rallie donc à l'amendement du gouvernement.
M. Verwilghen. - Messieurs, j'ai cherché vainement, dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la commission, la raison pour laquelle on a substitué le mot « violence » aux mots « voies de fait » employés par les rédacteurs du Code pénal. Il me semble que les mots « voies de fait » ayant une signification, une portée plus large, s'appliqueraient à plusieurs cas qui ne me paraissent pas pouvoir être compris dans le mot « violence » Ainsi, par exemple, la séquestration de certains électeurs, pendant le cours des opérations électorales, ne me paraît pas tomber sous l'application de l'article, tel qu'il est proposé par la commission, d'accord avec le gouvernement. L'emploi des mots « voies de fait » ne permettrait évidemment pas aux auteurs d'un acte aussi grave d'échapper à l'application de la peine que commine l'article 138 du projet.
En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre, que l'expression adoptée par les rédacteurs du Code pénal soit maintenue et que les mots « voies de fait » soient dans l'article substitués au mot « violence ».
M. Lelièvre, rapporteur. - Le mot « violence » me paraît mieux préciser le fait que nous voulons réprimer ; l'expression « voies de fait » est trop vague ; elle peut donner lieu à certain arbitraire, tandis que le mot « violence » est clair et précis ; il indique clairement l'acte que la loi veut atteindre.
M. Dolez. - Messieurs, je crois que le mot « violences » doit être maintenu, par cela même qu'il est plus étendu que les mots « voies de fait ». Un exemple vous en donnera la preuve : montrer le poing à quelqu'un, c'est une violence, ce n'est pas une voie de fait. Or, il est dans la pensée du projet de punir la violence, même dans l'exemple que je viens d'indiquer.
Comme, du reste, un changement est proposé à l'article par M. le ministre de la justice, il serait peut-être bon de renvoyer l'article à la commission, avec d'autres dispositions qui ont déjà fait l'objet d'une pareille décision.
C'est ainsi, par exemple, que nous aurons à examiner dans la commission si le mot « violence » doit être maintenu au singulier ou mis au pluriel. Je crois qu'ici le singulier et le pluriel n'ont pas tout à fait la même signification.
Je propose, en conséquence, à la Chambre, de renvoyer à la commission l'article 138 avec les amendements nouveaux proposés par M. le ministre de la justice et par l'honorable M. Verwilghen.
M. Verwilghen. - Je me rallie à la proposition de M. Dolez.
- La proposition de M. Dolez est mise aux voix et adoptée.
En conséquence, la rédaction de l'article 138 est renvoyée à la commission pour examen ultérieur.
« Art. 139. Si ce délit a été commis par suite d'un plan concerte pour être exécuté, dans une ou plusieurs communes, chacun des coupables sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme je l'ai annoncé, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'ajouter à l'article 139 une peine pécuniaire qui sera de 50 fr. au moins et de 3,000 fr. au plus. Si l'article 138 a été renvoyé à la commission en ce qui concerne la peine de l'amende que j'y ai proposée, il y a lieu de renvoyer également l'article 139 et l'article 140 à la commission.
M. le président. - On pourrait voter les articles, avec la réserve que si le principe de l'amende est admis dans l'article 138, on ajoutera la peine pécuniaire aux articles 139 et 140. (Assentiment.)
- L'article 139 est mis aux voix et adopté sous cette réserve.
« Art. 140 (projet du gouvernement). Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans, tout citoyen qui, chargé, dans un scrutin, du dépouillement des billets contenant les suffrages des citoyens, aura falsifie ces billets, on en aura soustrait de la masse, ou en aura ajouté, ou aura inscrit sur les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés. »
« Art. 140 (projet de la commission). Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans, tout citoyen qui, étant chargé, dans un scrutin, du dépouillement des billets contenant les suffrages des citoyens, sera surpris falsifiant ces billets, ou en soustrayant de la masse, ou y en ajoutant, ou inscrivant sur les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Il est entendu que dans le sens de notre article le délit doit être constaté au moment où il a été commis ou au moins avant la dissolution de l'assemblée électorale ; telle est déjà la jurisprudence en vigueur sous l'empire du code pénal, et cette jurisprudence, nous entendons la maintenir.
C'est donc en ce sens que notre article est soumis au vote de la Chambre.
M. le président. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il au projet de la commission ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président, avec l'interprétation que vient de lui donner l'honorable M. Lelièvre.
M. Allard. - Messieurs, l'article 140 a pour but de punir ceux qui falsifient des billets ; mais il y a d'autres moyens de fausser le résultat des élections que d'introduire des bulletins dans l'urne ou de les falsifier. II y a encore ce cas-ci : un président omet de lire un nom sur des bulletins, ou ajoute une qualification à un nom qui est seul sur un bulletin ; eh bien, il falsifie, il fausse, selon moi, le résultat de l'élection, et je demande si on ne pourrait ajouter : « ou aurait faussé le résultat de l'élection par un moyen quelconque » ; par exemple, s'il ne lit pas le prénom ou s'il le change. C'est mon expérience qui me fait demander qu'on ajoute quelque chose à cet article ; ainsi dans une élection communale présidée par un homme très honorable, où il y a des listes de huit ou dix noms, il est arrivé trois ou quatre fois que le prénom n'a pas été lu ; c'était certainement sans mauvaise intention ; mais il peut arriver qu'en omettant cinq ou six fois des prénoms on fausse le résultat de l'élection. Si l'omission est faite méchamment, elle doit être punie.
M. Dolez. - Le danger signalé par notre honorable collègue doit difficilement se produire en fait, car à côté du président qui ouvre et lit les bulletins se trouve le contrôle des scrutateurs ; mais si une coupable entente s'établissait entre le président et les scrutateurs pour altérer la lecture des bulletins, il y aurait là une véritable falsification de bulletin et l'article que nous discutons serait applicable. La falsification de bulletin ne consiste pas seulement dans l'altération matérielle des noms sur le papier ; lire autre chose que ce qui est écrit sur le bulletin et le faire méchamment, c'est le falsifier, et cet acte, je le répète, tombe sous l'application de la disposition.
Les appréhensions de l'honorable préopinant peuvent donc être écartées, puisqu'il y est pourvu par la disposition qui vous est soumise.
Je ne pense pas qu'il y ait lieu de la changer, sa portée me paraît aussi précise que suffisante.
Puisque j'ai la parole, je demande la permission de proposer un léger changement de rédaction ; il consisterait à substituer aux mots : « tout citoyen étant chargé », ceux-ci : « Quiconque étant chargé. »
Comme il n'y a que des citoyens qui puissent être appelés à remplir les fonctions de scrutateur, il n'y a pas de difficulté à substituer le mot « quiconque » aux mots « tout citoyen » et la rédaction y gagnera.
M. Magherman. - Je conçois la sévérité de la première partie de l'article 140 parce que là le membre du bureau remplit une mission officielle ; mais il n'en est pas de même dans la disposition pénale de l'article qui est ainsi conçue : « ou aura inscrit sur les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés. »
Les membres du bureau n'ont pas la mission d'inscrire les noms sur les bulletins des électeurs ; en fait cela ne se présente jamais ; les électeurs qui ne savent pas écrire s'adresseront de préférence pour écrire leur bulletin à tout autre qu'à un membre du bureau ; s'ils s'adressent à un membre de bureau, c'est comme citoyen et non comme membre du bureau ; je ne vois pas pourquoi on se montrerait plus sévère à leur égard s'ils n'exécutent pas fidèlement ce qui leur est demandé, qu'à l'égard de tout autre citoyen.
Cette disposition, ce me semble, trouverait mieux sa place dans l'article suivant.
M. Dolez. - Je ne crois pas que les observations de l'honorable préopinant soient fondées ; un membre du bureau qui est spécialement chargé de veiller à la sincérité de l'élection, et qui, loin de remplir cette noble mission, pose volontairement des faits destinés à en falsifier les résultats, doit être plus sévèrement puni que le citoyen qui n'a pas cette mission ; il y a là une circonstance aggravante qui doit entraîner une aggravation de peine. C'est donc avec raison que le projet a placé sur deux lignes différentes le membre du bureau et le simple citoyen qui inscrivent sur des bulletins d'électeur des noms autres que ceux qui leur ont été donnés.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je partage complétement l'avis de l'honorable M. Dolez. Le membre du bureau qui commet le fait dont il s'agit se rend coupable doublement parce qu'il manque aux fonctions dont il est investi et trahit la confiance de la loi ; en conséquence il y a aggravation de la faute à raison du caractère public dont il est momentanément revêtu.
- Le changement de rédaction proposé par M. Dolez est mis aux voix et adopté.
L'article 140 ainsi amendé est également adopté.
« Art. 141. Toute autre personne coupable des faits énoncés dans l'article précédent sera punie d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. »
M. le président. - A cet article, M. le ministre propose également d'ajouter une amende de 26 fr. à 1,000 fr.
- Cet article, ainsi modifié, est adopté.
(page 76) « Art. 142. Quiconque, dans les élections, aura acheté ou vendu un suffrage sera puni d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 143. Dans les cas énoncés aux cinq articles précédents, les coupables seront en outre condamnés à l'interdiction du droit de vote, d’élection et d'éligibilité pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
- Adopté.
« Art. 144. Toute personne qui, le jour de l'élection, aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant, arborant ou affichant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera punie d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 145 (projet du gouvernement). Quiconque, n'étant ni électeur ni membre d'un bureau, entrera, pendant les opérations électorales, dans le local de l'une des sections, sera puni d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
« Art. 145 (projet de la section centrale). Quiconque n'étant ni membre d'un bureau, ni électeur, entrera, pendant les opérations électorales. dans le local de l'une des sections, sera puni d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le projet du gouvernement portait : « Quiconque n'étant ni électeur ni membre d'un bureau, etc. »
La section centrale propose de dire : « Quiconque n'étant ni membre d'un bureau ni électeur » ; et voici les motifs qu'elle donne de ce changement :
« Il est utile de faire remarquer que l'électeur a le droit de se rendre dans tous les bureaux où se fait le dépouillement des billets ; sa qualité d'électeur lui donne le droit de surveiller les opérations électorales, même dans les sections où il n'est pas appelé à déposer son bulletin. Cela résulte, d'ailleurs, des termes de notre disposition qui n'établit aucune distinction sous ce rapport, et fait dépendre le droit d'entrer dans le local de l'une des sections, de la seule qualité d'électeur. »
C'est là, messieurs, le motif de la modification. On a voulu lever tout doute sur la question de savoir si un électeur peut aller dans une section où il n'est pas appelé à déposer son bulletin, et c'est pour cette raison qu'on a mis le mot « électeur » avant les mots « membres d'un bureau ». Je pense que ce changement peut être admis.
M. de Theux. - J'approuve complétement la disposition de l'article, mais je pense que pour éviter des condamnations auxquelles on ne s'attendrait pas, par suite de la tolérance qui a été accordée jusqu'à présent dans certaines localités, il serait bon qu'une grande publicité fût donnée à cette disposition pénale.
La loi actuellement en vigueur défend déjà l'entrée des bureaux électoraux à toute personne non électeur. Mais il n'est pas moins vrai que dans beaucoup de bureaux on laisse entrer, outre les électeurs, des curieux et quelquefois même ceux qui n'ont d'autre but que d'influencer les élections ; de sorte qu'il serait très utile que la disposition que nous allons voter reçût toute la publicité désirable afin que personne ne pût prétexter d'ignorance.
M. de Luesemans. - L'article 145 en discussion, qui n'est, je pense, que la reproduction de l'article 15 de la loi du 1er avril 1843, a été interprété dans certaines localités avec une rigueur évidemment exagérée. Ainsi j'ai vu s'élever dans un bureau électoral une réclamation au sujet de la présence dans ce bureau de gens de peine qui s'y trouvaient pour leur service. La disposition ne peut évidemment pas être appliquée de cette façon. Toutefois, il serait bon que le gouvernement s'en expliquât, afin de lever tout doute dans l'avenir.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La loi n'a évidemment pas pour but et ne peut pas avoir cette portée d'empêcher l'accès d'un bureau électoral à un individu qui y serait forcément appelé par son service. Ainsi, par exemple, qu'un accident survienne dans un bureau électoral et qu'un médecin non électeur doive être appelé, il est évident que ce médecin ne tombera pas sous l'application de la loi.
- L'article 145 est adopté.
« Art. 146 (projet du gouvernement). Lorsque, dans le local où se fait l'élection, l'un ou plusieurs des assistants donneront des signes publics, soit d'approbation, soit d'improbation, ou exciteront au tumulte, de quelque manière que ce soit, le président les rappellera à l'ordre. S'ils continuent, il sera fait mention de l'ordre dans le procès-verbal, cl, sur l'exhibition qui en sera faite, les délinquants seront punis d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
M. le président. - La commission propose la rédaction suivante :
« Lorsque, dans le local où se fait l'élection, l'un ou plusieurs des assistants donneront des signes publics, soit d'approbation, soit d’improbation, ou exciteront au tumulte, de quelque manière que ce soit, le président les rappellera à l'ordre. S'ils continuent, il sera fait mention de l'ordre dans le procès-verbal, et les délinquants seront punis d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »
La commission propose donc la suppression des mots : « et, sur l'exhibition qui en sera faite ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que la commission de la Chambre propose la suppression de ces mots parce qu'elle craignait qu'ils n'eussent pour objet de proscrire la preuve contraire qui pourrait être faite par les prévenus. Telle n'était cependant pas l'intention des rédacteurs de cet article. Ils voulaient simplement exiger que le procès-verbal fût exhibé, afin de prouver qu'il y avait été fait mention de l'ordre auquel le prévenu avait été rappelé, laissant du reste celui-ci entier dans tous ses moyens de défense. Je crois donc devoir maintenir la rédaction du gouvernement.
M. Lelièvre. - S'il est bien entendu que les délinquants pourront débattre, par une preuve contraire, ce qui est contenu au procès-verbal, je ne vois pas d'inconvénient à maintenir la rédaction du gouvernement. L'explication de M. le ministre de la justice est conforme à la pensée de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est simplement pour obtenir la reproduction du procès-verbal constatant que les individus ont été rappelés à l'ordre et que, ce nonobstant, le tumulte a continué.
- L'article 146 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 147. Sera aussi punie d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, toute distribution ou exhibition d'écrits ou imprimés injurieux ou anonymes, de pamphlets ou caricatures, dans le local où se fait l'élection. »
- Adopté.
« Art. 148. Tout particulier qui, par des violences ou des menaces, aura contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d'exercer un culte, d'assister à l'exercice de ce culte, de célébrer certaines fêtes religieuses, d'observer certains jours de repos, et, en conséquence, d'ouvrir ou de fermer leurs ateliers, boutiques ou magasins, et de faire ou de quitter certains travaux, sera puni, pour ce seul fait, d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »
M. le président. - La commission propose la suppression des mots : « pour ce seul fait ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à cette suppression.
- L'article 148, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 149. Ceux qui, par des troubles ou des désordres, auront empêché, retardé ou interrompu les cérémonies ou les exercices religieux qui se pratiquent dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
M. le président. - Voici la rédaction proposée par la commission :
« Ceux qui, par des troubles ou des désordres, auront empêché, retardé ou interrompu les cérémonies ou les exercices religieux qui se pratiquent dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte seront punis d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Une erreur d'impression s'est glissée dans la rédaction proposée au nom de la section centrale. Au lieu de six jours, il faut lire : « huit jours ». C'est, en effet, le minimum des peines correctionnelles.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission propose de réduire le maximum de la peine d'emprisonnement à trois mois, au lieu d'un an. Je me rallie à ce changement.
- L'article 149, proposé par la section centrale, est adopté.
« Art. 150. Sera punie des mêmes peines toute personne qui, par voies de fait, par paroles, par gestes ou par menaces, aura outragé les objets d'un culte, soit dans les lieux destinés ou servant actuellement à son exercice, soit à l'extérieur de ces lieux, dans des cérémonies publiques de ce culte. »
M. le président. - La commission propose la rédaction suivante :
« Toute personne qui, par des faits, par parole, gestes ou menaces, aura outragé les objets d'un culte, soit dans les lieux destinés ou servant actuellement à son exercice, soit à l'extérieur de ces lieux, dans les cérémonies publiques de ce culte, sera punie d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs et d'un emprisonnement de quinze jours à six mois. »
(page 77) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la rédaction de l'article 150 proposée par la commission. Seulement je demanderai que dans la rédaction la peine pécuniaire soit mentionnée après la peine corporelle et qu'on dise : « d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 26 à 500 fr. »
- L'article de la commission ainsi modifié est adopté.
« Art. 151. Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an, celui qui, par voies de fait, par paroles, par gestes ou par menaces, aura outragé le ministre d'un culte salarié ou subsidié par l'Etat, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
« Si l'outrage a eu lieu dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte et pendant la célébration des offices, la peine sera l'emprisonnement de six mois à trois ans. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Art. 151. Sera puni des mêmes peines celui qui, par des faits, par paroles, gestes ou menaces, aura outragé le ministre d'un culte salarié ou subsidié par l'Etat, dans l'exercice de ses fonctions. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission a supprimé le second paragraphe de l'article 151. Je pense cependant qu'il doit être maintenu. Car l'outrage adressé à un prêtre dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte, me semble une circonstance aggravante du délit et exige qu'une pénalité plus forte soit prononcée.
Seulement je proposerai de modifier la peine et de la porter à un emprisonnement d'un mois à deux ans et à une amende de 26 fr. à 1,000 francs.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense qu'effectivement, une peine plus sévère doit être prononcée, si l'outrage a eu lieu dans un édifice destiné au culte et pendant la célébration des offices, parce qu'évidemment c'est là une circonstance aggravante qui imprime au délit un caractère particulier de gravité.
Toutefois, je suis d'avis que dans l'amendement proposé par M. le ministre, on devrait se borner à comminer la peine d'un mois à un an d'emprisonnement, ce qui est précisément le double du minimum et du maximum proposés par la section centrale au premier paragraphe de notre disposition. La peine dont je parle est d'ailleurs tout à fait suffisante.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense qu'il faut maintenir dans le premier paragraphe la peine d'emprisonnement de deux mois à un an. Car le fait ici me paraît plus grave que celui prévu par l'article 150.
L'article 150 prévoit l'outrage par voies de fait, paroles, gestes ou menaces, à l'égard d'objets d'un culte. L'article 151, au contraire, prévoit l'outrage vis à-vis d'un ministre du culte. Il me semble que le fait de l'outrage envers le ministre d'un culte est plus grave que celui de l'outrage envers un objet inanimé, envers un objet du culte. C'est pour cela qu'il faut maintenir une peine plus forte.
M. Lelièvre, rapporteur. - Voici le motif qui a servi de base à la résolution de la section centrale :
Nous avons pensé qu'il ne fallait pas aggraver les peines prononcées par le Code pénal en vigueur. Or, ce Code punit de la même peine les outrages envers les objets du culte et ceux envers les ministres de ce culte.
Je ne vois aucun motif de renchérir sur la rigueur de nos lois qui ont toujours suffi pour la nécessité d'une juste répression en cette matière.
Je maintiens donc l'amendement de la section centrale, et je ne conçois pas pourquoi nous établirions entre deux faits une différence qui n'est pas sanctionnée par la législation en vigueur, alors qu'on ne peut signaler aucun inconvénient de l'ordre des choses actuel.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La commission a proposé la suppression des mots : « ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ». Je me rallie à cette proposition.
- L'amendement proposé par la section centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. de Muelenaere. - M. le ministre se rallie à la suppression des mots « ou à l’occasion de l'exercice de ses fonctions ». En présence des observations que vous a faites tantôt l'honorable M. Van Overloop, ne conviendrait-il pas de renvoyer cet article à la commission ?
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense que le' renvoi de l'amendement à la section centrale est complétement inutile. En effet, la question soulevée par M. de Muelenaere a été examinée et longuement discutée en section centrale.
Nous avons pensé unanimement que les mots « à l'occasion de l'exercice de ses fonctions » devaient disparaître.
La Chambre lira les développements de cette opinion aux pages 10 et 11 de mon rapport. Voici comment s'exprime le rapport :
« La commission a été d'avis qu'il n'y a lieu à prononcer une peine spéciale que quand il s'agit d'outrages adressés aux ministres d'un culte dans l'exercice de leurs fonctions, et à ce point de vue, elle pense que le projet est allé trop loin, quand il étend la répression spéciale aux outrages commis à l'occasion des fonctions de ces ministres. En effet, quand les ministres d'un culte se trouvent dans l'exercice de leurs fonctions, cette circonstance résulte d'un fait patent qu’il est impossible de méconnaître. En ce cas, les ministres de la religion sont identifiés avec le culte lui-même. L'outrage et les violences dont ils peuvent être l'objet doivent être considérés comme entravant l'exercice même du culte.
« Mais, quand il s'agit d'actes commis à raison de l'exercice des fonctions ecclésiastiques, le même motif cesse d'exister. Les fonctions religieuses ne sont ni définies, ni reconnues par la loi. Elles échappent au contrôle de la puissance publique.
« Dès lors, elles ne sauraient être l'objet d'une protection spéciale.
« Hors de l'exercice de leurs fonctions, les ministres du culte ne sont plus que de simples citoyens. Ils doivent donc être placés sous l'empire du droit commun.
« C'est ainsi qu'un arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 1847 décide que la preuve des faits diffamatoires, dirigés contre les ministres du culte, ne peut être établie par témoins, par la raison qu'il ne s'agit pas de fonctionnaires publics, mais bien de citoyens remplissant un ministère purement spirituel.
« Mais s’il en est ainsi, à quel titre, au point de vue des délits commis envers eux, assimilerait-on les mêmes ministres à des agents de l'Etat dont les attributions sont nettement définies par la loi et soumises au contrôle incessant de l'autorité publique ?
« A ces considérations, il faut ajouter encore que l'exercice des fonctions spirituelles ne peut être contrôlé par le pouvoir civil à qui les moyens font défaut pour prévenir les abus qui pourraient se produire sous ce rapport. En conséquence, la loi ne peut s'immiscer dans cet ordre de choses pour le régler en quoi que ce soit.
« L'opinion qu'adopte la commission est surtout incontestable sous l'empire de notre Constitution qui considère les ministres des cultes comme absolument indépendants des pouvoirs publics. La loi ne voit plus en eux que de simples citoyens qui sont suffisamment protégés par les règles du droit commun.
« Du reste aucune nécessité ne justifie la modification apportée par le projet aux dispositions du Code pénal en vigueur qui ont toujours été considérées comme suffisantes. Il n'existe donc aucun motif sérieux légitimant à cet égard une innovation dans les principes de notre législation. En conséquence, la commission propose de rétablir l'article 262 du Code pénal dont elle ne croit pas devoir aggraver la disposition. »
Hors de l'exercice de leurs fonctions, les ministres des cultes ne sont plus que de simples particuliers ; dès lors une protection spéciale ne leur est pas due.
D'ailleurs la loi n'ayant aucun moyen de contrôle sur leurs actes posés en dehors de cet exercice, il est clair qu'ils ne peuvent être assimilés à des fonctionnaires publics.
Je le répète, la commission a sur ce point une opinion bien fixée, parce que la question dont il s'agit a été l'objet d'un examen approfondi. Il est donc inutile de nous renvoyer de nouveau la disposition dont nous nous occupons.
M. de Theux. - Comme il y a une partie de l'article voté, je pense qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer l'article à la commission. Mais comme il s'agit d'un amendement, ou pourra y réfléchir d'ici au second vote. Si l'on trouve qu'il y a lieu d'apporter une modification à la rédaction, il sera toujours temps de le proposer au second vote.
M. le président. - Il n'est pas dans les habitudes de la Chambre de considérer comme amendement les modifications auxquelles se rallie le gouvernement.
M. de Theux. - Je pense, M. le président, qu'il y a une distinction à faire : Lorsque le gouvernement s'est rallié avant toute discussion aux amendements de la section centrale, la discussion ne porte plus que sur les propositions de la section centrale ; mais lorsque le gouvernement, comme dans le cas actuel, où M. le ministre de la justice a demandé que la discussion s'ouvrît sur son projet, si le gouvernement, dis-je, ne s'est pas rallié aux amendements avant toute discussion, je pense que l'adhésion donnée ultérieurement à un amendement laisse subsister le caractère d'amendement. C'est ainsi, messieurs, que la question a toujours été résolue, et elle est très importante pour la jurisprudence de la Chambre.
M. le président. - M. le ministre de la justice a repoussé l'amendement général de la section centrale, mais il a admis une correction qui consistait à supprimer les mots : « ou à l'occasion de l'exercice. » L'amendement est donc, en définitive, proposé par M. le ministre lui-même.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai demandé que la discussion s'ouvrît sur le projet du gouvernement, parce que le projet se compose de nombreux articles, qu'il y a des amendements que j'adopte et d'autres que je n'adopte pas ; mais en ce qui concerne la disposition spéciale qui nous occupe, je m'y étais rallié après la discussion qui a eu lieu en section centrale et qui a été très approfondie. Les mots : « ou à l'occasion de l'exercice » ont été supprimés de commun accord, à raison des nombreux inconvénients auxquels ils pourraient donner lieu.
M. de Theux. - Je le répète, messieurs, j'ai fait surtout mon observation en vue de la jurisprudence de la Chambre ; je crois qu'il y aurait un grand danger à admettre que toutes les modifications acceptées par le gouvernement dans le cours de la discussion, doivent être considérées comme dispositions principales. L'harmonie de la loi pourrait en être troublée.
(page 78) Quand le gouvernement se rallie d'avance à toutes les modifications de la section centrale et que la discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale, alors toutes les dispositions de ce projet sont des propositions principales, et si le gouvernement propose des modifications, ces modifications constituent des amendements ; mais lorsque la discussion s'établit sur le projet du gouvernement, je pense que lors même que le gouvernement se rallie à un amendement quelconque, cet amendement n'en conserve pas moins son caractère d'amendement et doit être soumis à un second vote.
M. le président. - En définitive nous ne sommes pas en présence d'un amendement : l'amendement de la section centrale a été complétement rejeté, mais M. le ministre de la justice, usant de son droit, a modifié la rédaction du projet du gouvernement.
Je sais que dans les premiers temps de l'application du règlement, le système que rappelle M. de Theux a été généralement suivi, mais depuis plusieurs années on s'est écarté de cette jurisprudence.
M. Muller. - Je crois que l'opinion de M. de Theux doit être adoptée, car les garanties que veut le règlement disparaîtraient en partie, s'il en était autrement. On ne doit considérer comme projet du gouvernement que ce qui a réellement été admis par lui, avant toute discussion. Si, postérieurement, un ministre amende d'une manière quelconque un article, il tombe sous la loi commune des membres de la Chambre, qui proposent des amendements et ces amendements doivent, comme tous autres, être soumis à un second vote.
Incontestablement, messieurs, il est plus rationnel et plus prudent qu'il en soit ainsi.
Puisque j'ai la parole, messieurs, sur l'article en discussion, je présenterai une observation sur laquelle j'appellerai l'attention du gouvernement et de la section centrale.
Nous avons tenu en suspens une partie de l'article 156 par suite des considérations présentées par M. Van Overloop ; si maintenant nous adoptons, sans nous livrer à un examen comparatif, quant aux peines, les dispositions relatives aux outrages commis, tant contre les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fondions que contre la famille royale ou contre les membres des Chambres dans l'exercice de leurs fonctions, il arrivera, par exemple, que quand un membre de la législature sera outragé ou frappé au sein du parlement, que quand un membre de la famille royale sera, de même, outragé ou frappé, les auteurs de ces méfaits pourront être punis moins sévèrement que ceux qui auraient outragé un ministre du culte.
En effet, messieurs, d'après le projet l'offense commise contre un membre de la famille royale est punie d'un emprisonnement d'un mois à 3 ans, et lorsqu'il s'agit d'un ministre du culte, l'emprisonnement est de deux mois à un an.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quand il s'agit d'un ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions.
M. Muller. - Sans doute ; mais prenez l'article qui concerne les membres des Chambres, et vous verrez que l'outrage commis contre les membres des Chambres, dans l'exercice de leurs fonctions, n'est puni que de quinze jours à deux ans.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai déposé un amendement qui modifie les pénalités à raison même de la disparate que M. Muller signale en ce moment.
M. Muller. - Je suis heureux de ce que rappelle M. le ministre ; mais, ne l'ayant pas compris à une première et seule lecture, et le renvoi à la section centrale en ayant été ordonné, je conclus qu'il faut metlre tout cela d'accord ; je conclus surtout en m'étayant de ce fait, qu'en principe les amendements que le gouvernement introduit à son projet pendant la discussion doivent avoir le même caractère et le même sort que tous les autres amendements, c'est-à-dire être soumis à un second vote.
M. le président. - Si personne ne s'y oppose, il est entendu qu'au second vote on pourra revenir sur cette disposition.
Le second patagraphe est ainsi conçu :
« Si l'outrage a eu lieu dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte et pendant la célébration des offices, la peine sera l'emprisonnement de ... »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Voici les peines proposées.
Emprisonnement de deux mois à deux ans et amende de vingt-six francs à mille francs.
M. Dolez. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur la doctrine qui a été émise, tout à l'heure, par les honorables MM. de Theux et Muller, relativement à la nécessité du second vote pour les amendements présentés par MM. les ministres ; j'adopte entièrement cette doctrine ; je la crois la seule vraie.
Il me semble que, relativement à l'article 151, la prudence nous commande le renvoi à la commission.
La raison en est simple. Des amendements ont été proposés par M. le ministre de la justice à d'autres articles pour mettre cet articles en rapport avec l'article 151. On ne peut donc pas voter l'article 151 Il faut que toutes ces dispositions soient examinées simultanément et mises en harmonie les unes avec les autres.
- La Chambre consultée renvoie l'article 151 à l'examen de la commission.
« Art. 152. Quiconque aura frappé ces ministres dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de cet exercice, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans.
« Si les coups ont été portés dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte et pendant la célébration des offices, la peine sera l'emprisonnement d'un an à cinq ans. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Art. 152. Quiconque aura frappé ces ministres dans l'exercice de leurs fonctions, sera puni d'un emprisonnement de deux mois a deux ans.
« Si les coups ont été portés dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte et pendant la célébration des offices, la peine sera l'emprisonnement de trois mois à trois ans. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la rédaction de la commission, sauf que je demande qu'on ajoute à l'article l'alinéa suivant :
« Les coupables seront, en outre, punis d'une amende de 100 à 1,000 fr. »
Il y a des articles précédents qui prévoient des faits moins graves et qui comminent des peines pécuniaires..
M. Lelièvre, rapporteur. - Je me rallie au système de M. le ministre. Je pense qu'il est convenable d'établir dans l'espèce non seulement une peine corporelle, mais aussi une peine pécuniaire. Le Code pénal révisé commine toujours des amendes pour des faits analogues.
M. Muller. - Messieurs, d'après les observations que j'ai soumises tantôt à la Chambre, il doit y avoir une échelle, au moins de concordance, entre les peines qui ont été tenues en réserve à l'article 136 et celles que comminent les articles 151, 152 et 153.
Le même motif qui a engagé la Chambre à renvoyer l'article 151 à la commission, existe pour qu'elle prenne une décision semblable à l'égard des deux suivants. L'un punit l'outrage, le second punit les coups, le troisième les blessures.
- La Chambre consultée renvoie l'article. 152 à la commission.
Il en est de même de l'article 153.
« Art. 154. Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou violences dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines, d'après les autres dispositions du présent Code. »
M. Pirmez. - Messieurs, cet article consacre un principe incontestable, c'est que lorsqu'un délit d'une certaine gravité est commis, ce délit ne peut pas être puni d'une peine moins sévère, parce qu'un délit moins grave se joint à ce délit principal.
Ainsi, il est clair que si un fait, puni d'une peine criminelle, par exemple, est commis contre un ministre des cultes dans l'exercice de ses fonctions, cette circonstance ne peut pas rendre inapplicable la peine criminelle, parce que l'on serait dans les cas prévus par les articles 152 et 153.
Il est donc incontestable que lorsqu'un fait constitue deux infractions, la peine la plus grave doit être appliquée.
Quant à la matière qui nous occupe, il n'y a pas la moindre difficulté à adopter l'article.
Mais on rencontre, dans une multitude de circonstances, cette réunion de deux infractions. Si la réserve de l'application d'autres peines doit être faite ici, elle doit l'être en prévoyant tous les faits auxquels certaines circonstances peuvent donner une nouvelle criminalité ; ce qui reviendrait à ajouter à presque tous les articles du code ces mots : « sans préjudice des peines plus graves prononcées par d'autres articles » ; ce qu'on n'admettra certainement pas.
La commission a dans différents cas décidé que cette réserve est inutile, parce que le principe dont elle serait la consécration est évident de soi.
L'insertion de la réserve quant à certains articles présente d'ailleurs un grand danger : c'est de donner lieu à l'argument à contrario lorsque la réserve n'est pas inscrite dans la loi.
La loi ne doit rien contenir de superflu ; on conclura nécessairement du texte que. je critique, que le principe n'était pas applicable sans son inscription dans notre article, et que par conséquent, il cesse de régir les matières où il n'est pas consacré.
Je demanderai que la Chambre réserve son vote sur l'article 154 jusqu'à nouvel examen de la commission.
M. Lelièvre, rapporteur. - Une disposition analogue est écrite dans le Code pénal en vigueur. C'est déjà là une grave présomption que notre article a son utilité. Effectivement son énonciation est loin d'être inutile. Les articles 151 et suivants tendent à accorder aux membres des cultes une protection spéciale. Or il convient de dire que par cette protection spéciale l'on ne déroge pas aux principes du droit commun. Sans semblable disposition on pourrait dire que notre titre contient un système complet qui ne permet pas de recourir en certaines circonstances aux lois générales.
On se prévaudrait du principe generi per speciem derogatur.
Eh bien, c'est pour prévenir semblable interprétation qu'on a énoncé notre disposition, c'est pour obvier à toute objection que notre article a vu le jour, et je pense qu'il y a lieu de le maintenir.
(page 79) M. Pirmez. - Nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable préopinant sur les principes. Il est clair que si le droit commun punit un délit commis contre un ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions d'une peine plus forte que les dispositions comprises dans le chapitre en discussion, c'est la peine la plus grave qui doit être appliquée. Il est incontestable que si un assassinat, par exemple, est commis sur la personne du ministre du culte, on ne pourra pas invoquer les dispositions de l'article 153 pour écarter la peine criminelle.
Ce sont là les principes que vient de soutenir M. Lelièvre ; bien loin de les avoir combattus, j'ai soutenu qu'ils sont tellement incontestables qu'il est inutile de les consacrer par une disposition particulière.
Il ne s'agit donc pas de la vérité de ces principes, mais il faut décider s'il est nécéssaire de les inscrire dans la loi.
J'ai signalé l'inconséquence qu'il y a à rappeler ces principes dans telle partie du Code pénal, et à ne pas les rappeler dans d'autres ; il faut adopter le même système pour toutes les parties de l'œuvre que nous discutons.
Comme il est impossible de les consacrer presque à chaque article, on ne doit les mentionner nulle part, parce cette vérité de raison sera nécessairement affaiblie par son insertion dans certaines matières.
Telle est l'objection que j'ai faite à la disposition de l'article 154, l'honorable préopinant ne me paraît pas y avoir répondu.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je persiste à penser que cet article a une utilité réelle, parce qu'il tend à bien préciser la portée du chapitre en discussion. Ainsi l'article 155 prévoit le cas où les coups ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie ; je suppose que dans ce cas l'on ait agi avec intention de donner la mort, on pourrait dire qu'alors encore notre article seul est applicable parce qu'il est spécial sur la matière, parce qu'il est général et absolu.
Il me paraît donc essentiel de dire que quand les faits commis contre les ministres des cultes sont punis de peines plus graves par le droit commun, ce sont les peines qui devront être appliquées, parce que nos dispositions spéciales ont eu pour but d'aggraver et non de diminuer la rigueur du droit commun.
Il ne peut du reste y avoir aucun inconvénient à ce que cette pensée du projet soit écrite dans la loi ; sans cela, je le répète, ou pourrait soutenir que dans tous les cas prévus par les dispositions que nous discutons, elles seules doivent recevoir leur application, parce qu'elles sont spéciales et dérogent ainsi aux lois générales.
(page 84) Le renvoi de l'article 154 à la commission est mis aux voix et prononcé.
La discussion est continuée à demain.
« M. Van Leempoel demande un congé pour motif de santé. »
- Accordé.
(page 79) La séance est levée à 4 heures et demie.