(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)
(page 1013) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Van Hechem, ancien capitaine administrateur d'habillement, demande, une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Wortel demandent la construction de la section du canal de la Campine comprise entre Turnhout et Anvers. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Dinant prient la Chambre de voter, au budget de 1859, la somme nécessaire pour établir une deuxième traverse dans cette ville. »
M. Wala. - Les travaux réclamés par les pétitionnaires sont extrêmement nécessaires et de la plus grande utilité. Il est urgent qu'ils s'exécutent. Je demande un prompt rapport sur cette pétition.
M. Lelièvre. - J'appuie la demande de M. Wala qui, est parfaitement fondée.
- La pétition est renvoyé à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Fafchamps transmet à la Chambre copie d'un rapport adressé à M. le ministre de l'intérieur, sur le point de savoir s'il est réellement l'inventeur de la machine à vapeur d'exhaure à traction directe. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, avant de vous présenter les prompts rapports demandés à la commission des pétitions, je me permettrai une observation.
Dans la séance d'hier, notre honorable président m'a appelé à la tribune pour présenter des rapports de pétitions. C'était par erreur, j'ai pris la liberté de le lui faire remarquer. Cependant des journaux de la capitale, entre autres l'Observateur, ont dit que je n'avais pas mon dossier et que c'était pour ces motifs que je n'avais pas présenté de rapports.
Je tiens à rectifier cette erreur et j'espère que MM. les journalistes qui se sont rendus coupables de cette infidélité la redresseront, car je n'étais pas chargé de présenter des rapports, ils étaient déjà faits antérieurement.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Hasselt, le 16 mars 1858, le docteur Willems demande qu'il soit nommé une nouvelle commission pour se prononcer sur sa découverte de l'inoculation de la pleuropneumonie de l'espèce bovine.
Messieurs, ce n'est pas une question nouvelle. Déjà le pétitionnaire a adressé à la Chambre plusieurs requêtes pour demander que l'on poursuivît avec plus de diligence les expériences sur l'inoculation de là pleuropneumonie épizootique. Plusieurs rapports ont été présentés par la commission qui a été instituée. Le pétitionnaire s'est d'abord adressé à la Chambre pour se plaindre d'une espèce de partialité de la part de cette commission. L'honorable ministre de cette époque a institué une nouvelle commission, et celle-ci s'est livrée de son côté à des expériences. Ces expériences ont donné lieu à de nouveaux rapports qui ne sont pas encore concluant. Le pétitionnaire s'adresse de nouveau à la Chambre pour demander qu'une autre commission soit nommée, et qu'elle continue, qu’elle renouvelle les expériences pour arriver en définitive à un résultat quelconque.
Messieurs, quant à moi personnellement, je crois que le moment m'est pas favorable pour continuer ces expériences, car il arrive un temps où les épizooties comme les épidémies ont épuisé leur virulence et je crois que c'est là la situation actuelle ; les cas qui existent sont des cas isolés et la maladie ne règne plus épizootiquement, elle doit plutôt être considérée aujourd'hui comme une maladie sporadique. Je crois que, dans cet état de choses, l'institution d'une nouvelle commission ne produirait pas de fruit.
Par pétition datée de Hasselt, le 6 février 1858, un grand nombre de fabricants de sucre, distillateurs, cultivateurs et propriétaires, à Hasselt, appellent l'attention de la Chambre sur les heureux résultats qu'ils ont obtenus du système d'inoculation inventé par le docteur Willems.
Messieurs, ces pétitionnaires ont été antérieurement contraires plutôt que favorables au système du docteur Willems ; maintenant ils y sont très favorables. Ils se louent beaucoup des expériences faites dans leurs étables et ils disent qu'ils ont obtenu les plus heureux résultats. La commission a des doutes à cet égard ; elle croit plutôt que la maladie cesse spontanément parce qu'elle a épuisé la plus grande partie de sa force et de sa virulence.
Dans d'autres pays, en Hollande, par exemple, on a obtenu des résultats très heureux, et des récompenses honorifiques ont été accordées à l'inventeur de ce système.
Maintenant, messieurs, faut-il continuer les expériences dans l'état d'arrêt qui existe aujourd'hui, ou bien faut-il attendre que l'épizootie règne de nouveau avec intensité ? Nous pensons qu'il faut laisser à M. le ministre de l'intérieur le soin de résoudre cette question et, à cet effet, lui renvoyer la pétition.
Par pétition datée de Hasselt, le 18 avril 1858, les sieurs Platel, Vau Vinckeroy et Wittouck communiquent à la Chambre leurs observations sur le rapport annuel de la commission de la pleuropneumonie.
Ces pétitionnaires se plaignent à leur tour de ce qu'on n'a pas été assez impartial. Quelques-uns d'entre eux ont adressé à la commission une lettre dont ils ont demandé l'insertion dans le rapport annuel de la commission. La commission n'a pas jugé à propos de déférer au vœu des pétitionnaires, mais dans cette lettre ils se plaignent de ce que l'on n'a pas suivi avec tout le soin et tout le zèle possible les expériences dont la commission était chargée.
Dans cette occurrence, la commission des pétitions conclut au renvoi pur et simple de ces requêtes à M. le ministre de l'intérieur.
M. de Renesse. - Messieurs, déjà, à plusieurs reprises, j'ai cru devoir, dans l'intérêt de l'agriculture, attirer l'attention toute particulière de la Chambre et du gouvernement sur la méthode de l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines, inventée par M. le docteur Willems, de Hasselt.
A la séance du 19 avril 1856, j'ai fait ressortir que, d'après le troisième rapport de la commission, chargée par le gouvernement de faire une enquête sur les effets de l'inoculation, il avait été, notamment, constaté chez les principaux distillateurs et engraisseurs de bétail du Brabant que, par le système de M. le docteur Willems, l'on avait obtenu les résultats les plus favorables, et les déclarations de ces distillateurs et engraisseurs, consignées au rapport, prouvaient, en outre, qu'ils étaient tous partisans de l'inoculation, et que si, dorénavant, des bêtes bovines, dans leurs étables, venaient à être frappées de cette cruelle épizootie, auparavant si désastreuse pour les intérêts agricoles, ils s'empresseraient de nouveau de recourir à ce moyen prophylactique, afin de préserver leurs troupeaux de la contagion ; il en est même qui ont formellement déclaré que, sans l'inoculation, ils n'auraient plus osé exposer leurs capitaux pour l'engraissement du bétail.
Par la requête du 6 février 1858, sur laquelle la commission des pétitions vient de présenter son rapport, quatre-vingt-quinze distillateurs, engraisseurs et cultivateurs, des différentes parties du pays, viennent publiquement exprimer à la Chambre que la première industrie du pays, l'agriculture, recueille les plus grands bienfaits du système d'inoculation dû à l'intelligente invention, au généreux désintéressement, de M. le docteur Willems, et que, dans les pays étrangers, des commissions officielles qui ont eu à apprécier sa valeur, ont, sans exception, proclamé la vertu prophylactique de l'inoculation, tandis qu'en Belgique la commission instituée près du département de l'intérieur semble vouloir éloigner toute solution de cette grave question, si intimement liée aux intérêts agricoles, puisque, d'après son rapport du 6 mai 1857, elle déclare « qu'il est impossible d'affirmer si cette vertu prophylactique existe réellement, et elle propose l’institution d'expériences directes, dans l'impossibilité où elle se trouve de résoudre le problème qu'elle a mission d'éclaircir. »
En examinant cependant, sans prévention aucune, le quatrième rapport de cette commission, il doit paraître d'une criante évidence pour tout homme impartial et pratique non imbu d’idées théoriques, mais s'appuyant plutôt sur les faits très nombreux constatés aussi bien en Belgique qu'à l'étranger, que l'on ne peut plus contester le moyen préservatif de l'inoculation ; et, en effet, il résulte surtout de l'enquête instituée à Hassett :
« 1° Que la maladie de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines a commencé à décliner vers le moment où l'on a appliqué l'inoculation ;
« 2°Que jamais on n'y a vu une bête, inoculée avec succès, contracter la pleuropneumonie ;
« 3° Qu'au cas contraire, les bêtes non inoculées sont devenues malades ;
« 4° Que, cependant elle ne sévit plus dans les étables où l’inoculation n'est pas pratiquée. »
La commission dit, en outre, dans ce rapport, que « dans les étables de M. J. Van Vinckenye, nous avons vu des bêtes inoculées atteintes de la maladie ; mais il paraît que l'opération n'avait pas été suivie de succès, et, d'après les artisans de l'inoculation, elle avait été mal pratiquée. »
Dans l'annexe n°1, jointe au rapport, se trouve un étal statistique fourni par M. Louis Van Vinckeroye, l'un des premiers et des plus (page 1014) éclairés distillateurs de Hasselt, qui constate que « cette ville possédait, en 1856, à peu près, dans son centre de 1,800 à 2,000 têtes de bétail, dont environ 1,400 à 1,600 ont été inoculées et-300 à 400 non inoculées.
« Des 1,400 à 1,600 inoculées, une seule contracta la maladie, tandis que des 300 à 400 non inoculées, il y en eut 103 qui la contractèrent
D'après le rapport présenté le 27 juillet 1857, par M. l'inspecteur vétérinaire Verheyen, et l'enquête non contradictoire, faite par lui en Hollande, il |paraîtrait « que dans ce pays l’on n'est pas unanime pour attribuer l'existence de la maladie à un virus permanent, et que l'inoculation y soulève le doute et l'incertitude. »
Contrairement à cette assertion, il résulterait d'après l'extrait d'un rapport sur la mission remplie pareillement en Hollande, par M. le docteur Crocq et M. le professeur vétérinaire Gandy (octobre 1856), « que la commission d'Utrecht a généralement reconnu que les bêtes inoculées sont restées saines, tandis que les autres soit devenues malades. En Frise, les effets de l'inoculation sout généralement très favorables, les bêtes inoculées ne contractent la maladie que dans la proportion de 10 pour 100 tout au plus, tandis que les non-inoculées la contractent parfois dans le rapport de 50 pour 100. »
Il est, en outre, renseigné dans ce rapport que dans les Pays-Bas « plusieurs états provinciaux ont voté des sommes assez importantes pour encourager les inoculations, pour décerner des primes aux cultivateurs qui, à leur frais, auraient fait inoculer le plus de bétail. »
D'après d'autres documents officiels, publiés par le Congrès néerlandais d'économie rurale, tenu en 1857 à Deventer (Overyssel), et où se trouvaient réunies les sommités agricoles et vétérinaires de la Hollande, il a été constaté « que jusqu'à présent l'inoculation est le meilleur remède préservatif ; elle peut arrêter la propagation de la pleuropneumonie et enfin vaincre la maladie. »
Dans un autre document du 10 octobre 1857, émané de la commission instituée, dans la Hollande méridionale, pour la propagation de l'inoculation, adressé aux états députés de cette province, la commission « constate avec plaisir que les opérations, dans le courant de l'année précédente, ont produit un effet tellement salutaire, que les demandes pour faire pratiquer gratuitement les inoculations ont été si nombreuses qu'elle s'est vue dans le cas, à la fin de l'année, de ne pouvoir donner suite à quelques-unes de ces demandes, parce que, d'après ses calculs, les sommes mises à sa disposition n'étaient pas suffisantes pour subvenir aux frais de toutes les inoculations.
« L'inoculation du virus pneumonique, comme moyen préservatif contre cette maladie, ayant été pratiquée sur une grande échelle, presque dans toute la province, il en résulte que des faits cités, l'on peut attribuer à l'inoculation une vertu préservative. «
Ainsi, d'après les extraits de presque tous les documents officiels, dont je viens de parler à la Chambre, il me paraît démontré qu'il n'y a que la commission belge qui n'ait pas encore cru pouvoir former une conclusion sur l'efficacité de ce moyen prophylactique.
En effet, le cinquième et dernier rapport de la commission, qui vient de nous être distribué, constate que la majorité de la commission persiste dans son doute sur l'efficacité de l'inoculation, et, en outre, que ce travail n'a réellement reçu l'approbation que des membres scientifiques ; les trois autres membres, plus spécialement pratiques, n'ayant pu, par un empêchement, prendre part à la séance du 3 avril 1858, où le rapport a été discuté et approuvé, ils avaient cru devoir prévenir d'avance M. le président de cette commission, de leur impossibilité d'assister à cette réunion, et néanmoins, en l'absence de ces quelques membres, plus particulièrement intéressés à la pratique de l'inoculation, l'ayant observée chez eux depuis plusieurs années aussi bien qu'ailleurs, la majorité de cette commission a formulé ses conclusions peu favorables et plutôt hostiles à l'inoculation de la pleuropneumonie des bêtes bovines.
Cette manière d'agir de la majorité de cette commission doit avoir une certaine signification dont, pour le moment, je ne veux tirer aucune conclusion ; je laisserai à la minorité de cette commission à s'expliquer à cet égard, comme elle vient de le faire, d'ailleurs, par la requête qu'elle a adressée à la Chambre pour lui permettre d'apprécier la véracité de ce rapport qui traite d'une question des plus importantes pour l'industrie agricole.
MM. Platel, L. Van Vinckeroye et Wittouck, membres de cette commission, n'ayant pu assister à la discussion de ce rapport, ont cru devoir communiquer à la Chambre, sous la date du 18 avril 1858, copie de leur lettre du 6 avril 1856, écrite à M. le président de cette commission, d'où il résulte :
« 1° Que l'interprétation donnée aux faits favorables à l'inoculation, cités au rapport, n'est pas toujours exacte ni bienveillante ;
« 2° Que nous y avons remarqué l'omission de documents officiels ;
« 3° Que les conclusions ne découlent pas rigoureusement des prémisses ; qu'elles sont parfois en désaccord avec l’ensemble des faits relatés aux documents officiels, et qu'elles s'écartent, sans que nous puissions en apprécier les motifs, de celles formulées dans le rapport de 1856 ;
« 4° Que les conclusions ne sont nullement conformes à nos convictions et en contradiction avec les expériences. »
« Ils déclarent devoir présenter ces observations dans l'intérêt de la vérité, et pour les motifs y énoncés ils auraient voté contre l'adoption du rapport, dans le cas où ils auraient pu assister à la séance.3
Cette déclaration de ces trois membres pratiques de la commission me semble être d'une certaine importance ; elle permettra à la Chambre de ne pas se laisser guider uniquement dans son appréciation par un rapport tout hostile à la méthode prophylactique inventée par M. !e docteur Willems.
Aussi, les partisans de cette méthode, qui l'ont vu exercer depuis plusieurs années, peuvent affirmer que la plupart des hommes pratiques de ce pays-ci et les commissions officielles, surtout en Hollande, paraissent actuellement favorables à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines.
Lorsque nous voyons, messieurs, les hommes les plus honorables, aussi indépendants de caractère que de position, des différentes provinces du royaume, s'adresser à la Chambre des représentants et déclarer publiquement à la face du pays qu'ils ont foi dans la vertu préservative de l'inoculation pratiquée chez eux depuis plus de cinq années ; lorsque les personnes le plus directement intéressées, incapables de poser un acte aussi grave par pure complaisance ou par flatterie, tels que distillateurs, engraisseurs et cultivateurs, hommes pratiques et juges impartiaux, croient devoir, dans l'intérêt de la vérité et de la première industrie du pays, l'agriculture, certifier que la valeur du procédé Willems doit être considérée comme pleinement résolue, je crois que nous ne pouvons rester indifférents à cette manifestation si loyale, si libre, et à cette marque si publique de reconnaissance ; nous devons nous y associer, et appeler toute la sollicitude du gouvernement, sur le système d'inoculation dû à l'intelligence de l'un de nos compatriotes, M. le docteur Willems, dont le mérite a déjà été apprécié dans d'autres pays, et honoré par un gouvernement voisin.
Et pour en terminer enfin avec cette question si longtemps controversée, par les deux commissions successivement nommées par le département de l'intérieur, je crois, dans l'intérêt de l'agriculture, devoir demander l'institution d'une commission d'hommes nouveaux, restés jusqu'ici en dehors de la polémique surgie à l'égard de l'inoculation de la pleuropneumonie des bêtes bovines, et que de nouvelles expériences directes et contradictoires soient faites conformément à la demande de M. le docteur Willems.
M. Faignart. - Messieurs, les pétitions sur lesquelles l'honorable M. Vander Donckt vient de présenter un rapport sont de la plus haute importance ; comme l'a dit l’honorable M. de Renesse, elles ont trait à une des branches les plus intéressantes de l'agriculture.
Chacun de vous a sans doute entendu dire et répéter souvent que depuis l'inoculation pratiquée d'après le système du docteur Willems, la mortalité parmi les bêtes bovines est incontestablement diminuée de beaucoup.
L'honorable rapporteur prétend que le moment n'est pas favorable pour tenter de nouvelles expériences. Je ne vous entretiendrai pas de ce qui a été fait ; cependant rien n'a été concluant, d'après les rapports qui nous ont été fournis. Il y a eu des divisions dans la commission, comme vous venez de l'entendre par une seconde pétition ; la minorité de la dernière commission a protesté centre le travail de la majorité.
Je pense qu'on doit tenir un peu compte des membres qui ont fait partie de cette commission. Je n'accuse ici personne ; je ne veux pas insinuer qu'il y a eu partialité ; toutefois, les trois membres de la minorité sont, si je ne me trompe, distillateurs, par conséquent engraisseurs de bestiaux et pratiquant l'inoculation ; ils ont été appelés, depuis quelques années, à faire de nombreuses expériences, et je sais de science certaine que ces expériences leur ont été effectivement profitables. A entendre l'honorable rapporteur, le moment n'est pas favorable, et j’espère bien qu’il ne le sera plus jamais, parce qu’on continue d’inoculer, malgré l’avis des vétérinaires et des membres de la majorité de la commission.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On n'empêche pas d’inoculer.
M. Faignart. - Je dis donc que la maladie ne règne plus avec la même intensité qu'autrefois ; et pourquoi ? Parce qu'on pratique l’inoculation.
Je puis vous l'affirmer : vous auriez beau offrir 20,000 francs et plus peut-être, à des distillateurs qui ont l'habitude d’avoir beaucoup de bétail dans leurs étables ; vous auriez beau, dis-je, leur offrir cette somme pour renoncer à l'inoculation ; ils ne l'accepteraient pas.
Donc ils connaissent leurs intérêts ; ils doivent les connaître ; eh bien, j'affirme que je connais plusieurs distillateurs qui ne consentiraient pas à renoncer à faire usage de l’inoculation, leur donnât-on 25 mille francs.
Messieurs il en vrai que plusieurs commissions ont été nommées et ont fonctionné ; s'il n'y avait pas eu de commission nommée, je n'en demanderais pas ; les commissions qui ont été nommées n'ont pas donné des résultats concluants, c’est-à-dire que la majorité souvent hostile au système Willems, l’a combattu prétendant que ce n'était pas un préservatif : comme il y a eu des commissions nommées, je crois qu'il est indispensable qu'il y en ait encore au moins une. Cette question a été longtemps controversée, elle l'est encore ; si j'ai bien compris, M. le ministre a dit qu'il n'y avait rien à faire à cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n’ai pas pris la parole.
M. Faignart. - J’avais cru comprendre ainsi une interruption. Si je me suis trompé, tout est dit.
()page 1015) Je disais donc, comme il y a eu des commissions instituées qui n'ont pas conclu d'une manière positive, je demande qu'on en institue une nouvelle, composée de membres nouveaux afin de mettre le gouvernement à même de renseigner les nombreux intéressés, car ces intéressés ne sont pas seulement les possesseurs de bestiaux ; ce sont tous les habitants de la Belgique ; tout le monde est intéressé ; il faut que cela soit examiné de près. Ce sera un bienfait pour le pays quand on saura qu'on peut avec certitude pratiquer l'inoculation.
Je persiste donc à demander l'institution d'une nouvelle commission composée de membres n'ayant figuré dans aucune commission antérieure. Je désire aussi qu'elle soit composée principalement de propriétaires de bestiaux.
Ceux-là qui ont leurs intérêts engagés sauront dire la vérité ; l’intérêt est un puissant mobile ; ils vous diraient qu'ils ne faut pas inoculer leur bétail par plaisir. Voilà ce qu'ils diraient. J'insiste pour que cette commission soit nommée et le soit prochainement. Quoique M. le rapporteur dise que le moment n'est pas favorable, je pense qu'il ne le sera jamais plus qu'aujourd'hui, car si on continue l’inoculation, la maladie dont on s’est avec raison plaint depuis longtemps ne reparaîtra plus, du moins avec la même intensité.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, il n'y a pas de maladie qui ait plus d'analogie avec la vaccine que l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative. Or, comment peut-on apprécier la valeur de la vaccine ? C'est quand la petite vérole règne épidémiquement dans les populations.
Il en est de même pour l'épizootie, et je ne suis nullement étonné de voir l'honorable préopinant insister comme il le fait pour que, sans désemparer, on procède à de nouvelles expériences ; pourquoi ? Parce que l'épidémie ne règne pas, parce que l'épizootie ne se manifeste plus aujourd'hui, et parce que les expériences seraient, par cela même, très favorables en ce moment. Ah ! pour lui et pour les partisans de cette méthode, je comprends que le moment soit favorable pour les expériences ; mais il ne l’est pas pour les personnes impartiales, il ne l'est pas pour les personnes de l'art, il ne l'est pas pour le gouvernement, parce que le gouvernement a besoin de constater officiellement et d'une manière incontestable l'efficacité du moyen curatif de l'épizootie, alors qu'elle règne épizootiquement parmi le bétail.
C'est alors et alors seulement et non pas en inoculant la maladie quand elle n'existe que sporadiquement et ne se manifeste qu'à des intervalles peu fréquents, qu'il est possible de faire des expériences sérieuses et concluantes.
L'honorable membre attribue à l'inoculation l'absence de l’épizootie en ce moment ; il peut parler en connaissance de cause de ce qui se passe dans sa localité ; mais je pourrais lui désigner des provinces entières où l'inoculation n'est pas pratiquée et je n'hésite pas à dire que de tous nos détenteurs de bétail, et l'on sait s'ils sont nombreux, il n'y n'en a peut-être qu'un centième qui ait fait usage de l'inoculation.
Il est donc prouvé à toute évidence que l'absence de toute épizootie intense dans le moment actuel tient à d'autres causes qu’à l'inoculation-.
Je désire, avec l'honorable préopinant, que de nouvelles épizooties ne se manifestent plus ; mais ce n'est là qu'une espérance, et rien ne me prouve que cette maladie n'est pas à nos portes et ne nous menace pas de nouveau de ses ravages d'ici à une époque peut-être rapprochée. Eh bien, ce n'est que si cette éventualité venant à se reproduire qu'on pourrait de nouveau sa livrer à d'utiles expériences.
Maintenant, je suis de l'avis des hommes les plus compétents, des docteurs en médecine comme des artistes vétérinaires, que le moment est mal choisi pour faire ces expériences, et j'engage vivement le gouvernement à dissoudre la commission existante et à attendre un moment plus favorable pour en instituer une nouvelle.
Du reste, on a satisfait déjà au désir de l'honorable membre : une première commission a été instituée ; des pétitionnaires ont insinué toute espèce de soupçons sur cette première commission, ils l'ont accusée de partialité. Je ne sais pas non plus pourquoi on devrait laisser peser de tels soupçons sur cette commission qui a, je crois, agi consciencieusement et avec un entier désintéressement. Les membres de cette commission n'avaient pas plus d'intérêt que vos distillateurs à faire le contraire de ce que vos distillateurs soutiennent.
Je crois donc que l’on a même eu tort de dissoudre cette première commission. Quoi qu’il en soit, une seconde commission a été instituée et l'on vient également en demander la dissolution et jeter ainsi un blâme indirect sur ses membres.
Eh bien, messieurs, je signale à la Chambre cette étrange manière de procéder, qui consiste à critiquer une institution, parce qu'on n'en a pas obtenu les satisfactions qu'on en attendait. Encore, une fois, je ne m’oppose pas à ce que de nouvelles expériences aient lieu, mais je demande qu'elles soient du moins faites dans des conditions favorables, et si le résultat est favorable, le pays en sera informé. Mais qu'on attende un peu. Pourquoi telle impatiente ? Pourquoi tel empressement et cette persistance à pousser à des expériences ?
Je crois qu'il est sage que le gouvernement continue à consulter la commission existante et attende des moments favorables pour recommencer les expériences, s'il y a lieu.
M. de Theux. - En appuyant le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur, conformément aux conclusions de la commission, je n'entends pas demander à la Chambre de se prononcer sur la marche à suivre par le gouvernement dans cette question. Mais comme il s'agit d'un grand intérêt agricole, je me permets d'exposer à la Chambre ma manière d'apprécier la marche qui devrai être suivie à cet égard.
Je suis parfaitement d'accord avec la commission quant aux opinions qu'elle a exprimées aux pages 4, 26 et 132 de sou rapport, que le seul moyen d'élucider la question, c'est d'avoir recours à des expériences directes faites sous ses yeux, d'après les règles qu'elle aurait tracées et qui auraient été admises contradictoirement avec ceux qui veulent obtenir une décision qui jette la lumière sur cette question.
La commission évalue que pour faire ces expériences directes d'une manière convenable, il faudrait faire une dépense de 18 mille francs, et que ces expériences pourraient être terminées dans le délai de six mois ; que si, contre son attente, un nouveau délai pouvait être nécessaire, s'il fallait recourir à de nouvelles expériences, il faudrait pendant un second semestre faire une dépense de 10,000 francs. Certes, la somme n'est pas considérable en présence du grand intérêt agricole qui est eu jeu.
Si cependant le gouvernement veut adhérer à l'opinion émise par M. le rapporteur qu'il y aurait lieu, vu la diminution de l'intensité de l'épizootie, de suspendre les expériences que la commission elle-même réclame, je ne m'y opposerais pas. Mais en ce cas je dirai avec l'honorable rapporteur : Que le gouvernement dissolve la commission et qu'il attende d'autres circonstances pour en instituer une nouvelle qui ferait, alors des expériences au flagrant de l'épidémie.
Aujourd'hui, messieurs, l'épidémie règne encore fortement en Hollande, et là des expériences se font en grand. Il est probable qu'avant que le gouvernement institue ici une nouvelle commission, la question sera résolue eu Hollande par la pratique et par l'adhésion des hommes de l'art. Mais ce que je ne pourrais admettre, ce serait que la commission, sans faire de nouvelles expériences, restât instituée pour faire des rapports sur des faits qui se passent dans le pays ou à l'étranger et qu'elle n'a pas appréciée elle-même, pour faire des rapports sur des écrits qui se publient soit dans le pays soit à l'étranger, parce que ce serait ouvrir la porte à des discussions éternelles très passionnées et sur lesquelles le public ne pourrait pas se prononcer. Car pour que le public puisse prononcer sur des discussions qui auraient ce caractère de polémique ardente, il faudrait qu'il eût sous les yeux tous les documents sur lesquels les écrivains seraient en discussion et en polémique. Or, c'est ce qui n'est pas.
Déjà dans les divers rapports qui ont été publiés, on a souvent parlé des opinions qui ont été émises dans le pays ou à l'étranger, de rapports faits à l'étranger. Mais ces rapports n'ont pas été imprimés et nous ne pouvons savoir lequel des deux partis a raison dans cette polémique, parce que les documents nous manquent.
Nous devrions continuer à nous en rapporter à l'opinion de l'un ou de l'autre parti, favorable ou défavorable à l’inoculation. Un tel procédé ne pourrait qu'entraîner une perte de temps, soit pour les membres de la commission, soit pour les partisans de l'inoculation.
Dans cet état de choses, je me rallierais plutôt à l'avis subsidiaire que la commission émet dans son rapport, page dernière. Il y est dit que si le gouvernement n'a pas l'intention d'instituer des épreuves directes, mieux valait abandonner la question à l'opinion des savants et des intéressés, comme on le fait dans d'autres matières, médicines ou autres. Ceci me paraîtrait plus raisonnable, et quant à moi je m'en contenterais en attendant qu'il survînt, ce que je ne désire pas, des circonstances tellement graves que le gouvernement jugeât nécessaire d'instituer une nouvelle commission pour suivre par des expériences directes les effets de l'inoculation.
On a semblé douter, messieurs, que le docteur Willems eût lui-même une foi entière dans la pratique de l'inoculation. Un seul fait suffit pour répondre à cela : c'est que M. le docteur Willems a écrit à l'honorable ministre de l'intérieur M. de Decker, pour lui offrir, dans le cas où la Chambre ne ratifierait pas l'excédant des dépenses qui devaient résulter de la continuation des expériences, de se porter personnellement garant du payement des frais. Cette lettre existe. Je m'en suis informé auprès de l'honorable M. de Decker qui a reconnu le fait. La commission l'a contesté, et elle était en droit de le contester, parce que cette lettre ne se trouve pas au dossier.
Et pourquoi ? Parce que l’honorable M. de Decker avait déjà décidé la vente du bétail qui était soumis à l'expérimentation, disant que le crédit était épuisé et qu'il n'avait pas cru devoir revenir sur l'ordre donné de procéder à la vente du bétail, d'autant plus qu’il s'apercevait qu'il y avait dans la commission des tiraillements qui ne faisaient pas espérer un dénouement qui eût répondu à l’attente du gouvernement. Voilà, messieurs, l'exactitude des faits.
D'ailleurs, il serait absurde de supposer qu'un homme qui a le grade de docteur en médecine, qui a une clientèle très nombreuse, voulût patronner un système, demander des expériences sur des faits qu’il ne croirait pas lui-même concluants. Il serait par trop absurde de prêter à un homme de cette considération un tel procédé. Et puis, messieurs, il ne faudrait pas seulement le prêter au docteur Willems ; il faudrait encore le prêter, et c'est ce qu'on a semblé plus ou moins insinuer, à tant d'honorables industriels qui se sont adressés à la Chambre pour demander l’institution de nouvelles expériences, qui pratiquent l'inoculation à leurs risques et périls et à leurs frais.
(page 1016) On sait en effet, que l'inoculation qui, dans l'opinion des intéressés, procure de si grands avantages à ceux qui la pratiquent, entraîne cependant quelques inconvénients, quelques accidents sur certaines têtes de bétail, et ensuite il faut payer l'artiste vétérinaire chargé de la pratiquer. Et l’on croirait que tant d'industriels haut placés, qui connaissent parfaitement leurs intérêts, qui ont le sentiment de leur dignité, se prêteraient à des actes de complaisance, consentiraient à prôner un système qui n'aurait pas leur confiance. Messieurs, c'est là une absurdité à laquelle jamais je ne pourrai croire.
L'inoculation est pratiquée en Hollande et elle y est pratiquée d'année en année, sur une échelle plus considérable. Je viens de lire un document hollandais, qui a été publié tout récemment. C'est un rapport adressé aux états provinciaux de la Hollande méridionale, une des principales provinces du royaume des Pays-Bas, par une commission qui avait été instituée par l'assemblée générale des états, à l'effet de faire des essais du système de l'inoculation.
Les états avaient voté un subside de 4,000 florins, ayant pour objet d'indemniser les artistes vétérinaires qui pratiqueraient gratuitement l'inoculation, et ultérieurement d'indemniser les propriétaires d'animaux qui éprouveraient quelque accident résultant de l'inoculation. Cette commission a opéré pendant les années 1855 et 1856 et elle a obtenu des résultats tels, que les demandes d'inoculation gratuite ont dépassé de beaucoup les limites du crédit affecté par les états provinciaux à cette épreuve.
Aussi la commission a-t-elle conclu à ce que les états provinciaux cessassent leur intervention, attendu que dans ces deux années plus de dix mille inoculations ont été pratiquées, que les faits avaient parfaitement répondu à l'attente de l'assemblée et que dorénavant il est inutile d'imposer des sacrifices à la province, tous les intéressés étant suffisamment éclairés ou pouvant l'être et étant à même de faire les dépenses de l'inoculation.
Voilà, messieurs, les conclusions du rapport que cette commission a adressé aux états provinciaux le 10 octobre 1857.
Les résultats constatés de l'inoculation sont tellement favorables, que la commission dit dans son rapport que l'assemblée des états a atteint complètement le but qu'elle s'était proposé, c'est-à-dire la propagation de l’inoculation.
Dans ce pays, messieurs, l'honorable directeur de l'école vétérinaire, le docteur Didot est aussi favorable à l'inoculation. Le docteur Daumerie, vice-président de la société centrale d'agriculture, a également fait connaître son opinion favorable à l'inoculation. Plusieurs hommes distingués tant en Allemagne qu'en France et en Italie, se sont prononcées dans le même sens. Presque tous les industriels de Hasselt, où se trouvent un grand nombre de distilleries, pratiquent constamment l'inoculation.
Au commencement, quelques-uns y avaient renoncé ; mais, voyant les ravages de l'épizootie, ils sont revenus à l'inoculation, et depuis lors ils ne cessent de la pratiquer.
Il est vrai que quelques distilleries extra-muros ne l'ont pas pratiquée, mais les distillateurs de Hasselt sont fermement convaincus de l'utilité de l'inoculation.
Un de ces messieurs m'a écrit dernièrement qu'il estimait à 450,000 fr. par an les avantages qui résultent, pour l'industrie de cette localité, de la découverte du docteur Willems.
Il calcule sur 6,000 têtes de bétail à raison de 25 fr. tant à raison des pertes directe que du retard dans l'engraissement des bêtes saines avec des bêtes malades.
On a parlé, messieurs, de défaut de sincérité, on a dit que quand la maladie se manifeste, les distillateurs de Hasselt envoient le bétail atteint à Maestricht. Comment peut-on, messieurs, produire un semblable argument ? Comme si le bétail qui commence à être malade ne pouvait pas être vendu librement en Belgique ! On l'aurait envoyé à Maestricht de crainte que le mal ne fût constaté à l'abattoir de Bruxelles ! Cela n'est pas sérieux et et puis industriels du Brabant envoient-ils aussi leurs bêtes malades à Maestricht ?
On dit encore que l'inoculation ne se pratique pas pendant la saison des grandes chaleurs et que cependant le bétail engraissé pendant l'été ne devient pas malade. Mais on perd de vue que c'est surtout en octobre que les étables des distillateurs sont garnies de bétail à engraisser et que ce bétail a généralement subi l'inoculation avant l'époque des chaleurs.
De tous ces faits, messieurs, il résulte pour moi tout au moins une forte présomption en faveur du procédé de l'inoculation. On a beau dire que si le bétail inoculé ne contracte pas la maladie, ce n'est là qu'une preuve négative. Les preuves négatives ont une très grande valeur dans ce monde.
C'est ainsi que lorsqu'on isole le bétail malade et qu'on ordonne l'abattage, il n'y a là qu'une preuve négative, et cependant le gouvernement n'hésite pas à payer l’indemnité. Les preuves négatives jouent un très grand rôle dans les démonstrations. D'ailleurs, il est certain que jamais une opinion, quelque fondée qu'elle soit, quelque prouvée qu'elle puisse être, ne sera universellement partagée, universellement traduite dans les faits ; il n'y a que les vérités mathématiques qui sont admises sans contestation ; toutes les autres vérités sont toujours contestées par un certain nombre de personnes appartenant à la science ou non. C'est ce qui se voit en toutes choses.
Je ne me serais pas, messieurs, livré à toutes ces considérations si je n'avais vu l'impartialité du docteur Willems être l'objet d'attaques auxquelles j'ai cru qu'il était nécessaire de répondre dans l'intérêt de la vérité et dans celui du pays.
Pour moi, je désire que le système de l'inoculation obtienne la confiance générale, qu'il soit pratiqué le plus universellement possible. Je crois qu'il en résultera de grands avantages pour une foule d'industriels qui ont été dans le cas de subir autrefois des pertes considérables, à tel point que certains distillateurs de Hasselt déclaraient, il y a quelques années, que si la maladie continuait à sévir ainsi, ils devraient renoncer à leur industrie. J'ai dit.
M. le président. - La parole est h M. Faignart.
M. Faignart. - Messieurs, je ne veux pas prolonger cette discussion qui ne peut pas aboutir à un résultat pratique ; nous parlerons de cette affaire, les uns dans un sens, les autres, dans un autre sens. Après ce que vient de dire l’honorable M. de Theux, je renonce à la parole.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai besoin d'être éclairé par la Chambre sur la portée du renvoi au ministre de l'intérieur ; l’honorable rapporteur propose le renvoi pur et simple ; d'autres membres voudraient que par ce renvoi, le ministre de l'intérieur fût invité à nommer une nouvelle commission. Je ne puis pas accepter le renvoi dans ces conditions.
Un membre. - M. de Renesse a fait une proposition en ce sens.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis donc pas accepter le renvoi qui aurait une semblable signification.
Depuis un grand nombre d'années, diverses commissions ont été nommées ; des expériences nombreuses ont été faites ; des rapports volumineux ont été distribués ; j’ai ici en mains le cinquième rapport de la commission instituée près du ministère de l'intérieur ; ce rapport est de l'année 1858 ; il a été distribué aux membres de la Chambre.
Eh bien, la commission, instituée par le département de l'intérieur, n'est pas arrivée à des conclusions tout à fait favorables à l'inventeur du système. Il se plaint de la partialité de la commission ; il dit que les expériences ont été incomplètes ; il a adressé à la commission un très grand nombre de reproches qu'elle a cru devoir repousser avec beaucoup d'énergie. Je ne décide pas entre l'auteur du système et la commission.
Nommer une nouvelle commission dans ces circonstances, ce serait en quelque sorte jeter un blâme sur les membres de la commission actuelle, ce serait accepter les reproches qui lui ont été adressés eu contre lesquels elle se défend en termes très vifs.
Je demande aux membres de la Chambre quel rôle ils entendent assigner au gouvernement dans cette question. Hier, on a rejeté un crédit de 12,000 fr. dans un budget de 12 millions, parce que, disait-on, il fallait arrêter le gouvernement sur cette pente où il se laisse quelquefois aller trop facilement, il fallait l'empêcher d'intervenir dans des affaires qui, dit-on, ne le regardent pas, d'intervenir dans l'élève du cheval. Aujourd'hui il semble qu'on veuille que le gouvernement intervienne dans un genre d'affaires qui, selon lui, le concerne encore moins que l'élève du cheval.
Le système de l'inoculation, inventé par M. le docteur Willems a-t-il l'efficacité que l'honorable M. de Theux vient de lui assigner ? Les uns disent oui ; les autres disent non. La question est débattue. Je suppose que le gouvernement nomme une nouvelle commission ; eh bien, cette commission apportera des conclusions. Si ces conclusions sont conformes aux conclusions de la commission précédente, évidemment la nouvelle commission aura agi avec partialité, n'aura pas fait des expériences complètes.
Ce qu'on recherche, si je ne me trompe, dans la nouvelle pétition, c'est une commission qui apporterait des conclusions favorables au système. Eh bien, supposons une autre commission qui apporte des conclusions favorables au système ; après cela, qu'est- ce que le gouvernement aura à faire ? Le gouvernement proclamera-t-il l’infaillibilité du système ? Décrétera-t-il l'inoculation, telle qu'elle se pratique aujourd'hui ? Demanderait-on que le gouvernement rende l’inoculation obligatoire ?
J’admets que le gouvernement est loin d'être désintéressé dans la question .D'abord, il a à se préoccuper de toutes les questions qui se rattachent à la santé des hommes et à celle des animaux. Il a ensuite un intérêt financier dans la question, attendu qu'il est tenu de payer des indemnités pour bétail abattu dans les cas dont il s'agit ici.
Mais tout intéressé qu'il soit, il ne me semble pas que vous deviez le convier à décréter de son autorité et sur le rapport d’une commission, que tel ou tel procédé nouveau a un tel caractère d’efficacité, qu’il faut le proclamer comme une loi. (Interruption.)
Eh bien, voilà pourtant où l'on voudrait amener le gouvernement, en le forçant à nommer une nouvelles commission ; et, je le répète, dans quel but ? pour qu'une nouvelle commission vienne présenter des conclusions favorables. Aussi longtemps qu'une commission n’apportera pas des conclusions favorables, elle sera accusée de tous les méfaits, qu'on reproche à la commission actuelle.
Je m'étonne, au reste, qu'on fasse autant de bruit autour de cette question. Il y a un moyen très simple de recommander le système, c’est de l'appliquer. Il y a un moyen beaucoup plus efficace que toutes les lois et toute les déclarations du monde : c'est la guérison.
(page 1017) Que ce procédé fasse son chemin comme tous les procédés nouveaux, que le remède soit efficace, et tout sera dit ; il n'aura pas besoin des recommandations ni du gouvernement ni de tel ou tel membre de cette Chambre.
C'est le conseil que je donnerais à l'auteur et, à sa place, j'aurais renoncé à ce système de commission. Si le remède est efficace, qu'on le laisse agir, qu'on ne provoque pas de la part d'hommes de science et d'hommes pratiques des rapports qui peuvent compromettre ce système, qu'on renonce au désir de voir le gouvernement proclamer l'efficacité de son système, alors qu'il n'a pu apprécier jusqu'ici avec certitude les résultats qui paraissent si satisfaisants à certains membres.
Si le système est reconnu plus tard véritablement efficace, je comprends que le gouvernement intervienne pour faire décerner une récompense à l'inventeur.
M. Faignart. - On ne demande pas cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que demandez-vous alors ?
M. Faignart. - Je demande que le gouvernement patronne cette découverte.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La patronner ? Mais il faut pour cela que le gouvernement soit éclairé et convaincu ; or la commission qui a été nommée, apporte des conclusions qui l'engagent à s'abstenir.
M. Faignart. - La commission actuelle n'a pas achevé ses expériences.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous ne pouvez pas m’imposer d'office vos convictions personnelles.
Il faudrait que les riches propriétaires, que les hommes d'expérience, s'ils sont convaincus que la nouvelle invention est bonne et efficace, s'associassent pour récompenser l'inventeur.
Ce serait là aussi une action bonne et efficace. C'est un procédé que je recommande à ceux qui trouvent que le gouvernement se mêle de beaucoup trop de choses ; eh bien, qu'ils prennent dans cette circonstance le rôle du gouvernement. Ce serait un excellent antécédent.
Je n'ai pas besoin de dire que je n'ai aucun motif qu'ils conseillent de repousser à priori les réclamations de l'auteur de l'invention ; je serais très heureux et très fier pour le pays que cette invention pût recevoir l'adhésion unanime de tous les hommes de science et de pratique, mais jusqu'à présent, dans mon ignorance je dois m'en rapporter aux conclusions des commissions nommées par divers ministres, car cette question a occupé plusieurs cabinets.
M. de Renesse. - Elles n'ont pas été impartiales, cela résulte de tous les rapports.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis pas admettre qu'une commission composée de membres qui ne pouvaient avoir d'autre mission que de rechercher la vérité, puisse être accusée de partialité parce qu'elle n'apporte pas des conclusions favorables à un système.
Quant à moi, je répète que si le renvoi proposé doit avoir la portée de forcer le ministre à nommer une commission nouvelle, je ne puis l'accepter.
M. Vander Donckt, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour faire connaître l'intention de la commission qui n'est nullement de proposer le renvoi au gouvernement avec injonction de nommer une nouvelle commission.
Les conclusions sont le renvoi pur et simple à l'honorable ministre de l'intérieur.
L'honorable M. de Theux lui-même a dit que si le moment n'était pas favorable pour faire de nouvelles expériences, il demande qu'on dissolve la commission actuelle sans en nommer de nouvelle.
La question est indécise. Hippocrate dit oui ! et Gallien dit non ! entre ces deux autorités il faut que le temps décide ; il ne faut pas précipiter la chose. Comme je l'ai démontré, le moment n'est pas favorable pour faire de nouvelles expériences ; attendons, le temps nous instruira.
M. de Renesse. - Je ferai remarquer que la première commission, nommée en 1852 par M. Rogier, fut chargée de rechercher si effectivement l'inoculation était un moyen préservatif. Cette commission a existé pendant trois ans et a présenté trois rapports différents ; dans le dernier elle a déclaré que sa mission était terminée et elle a donné sa démission ; sur les instances de M. Willems, d'agriculteurs et de distillateurs, on a nommé une autre commission pour faire des expériences directes et contradictoires.
Quand on a nommé cette commission, on aurait dû la composer de personnes qui n'avaient pas pris part aux travaux de la première ; c'est ce qu'on n'a pas fait, c'est ce dont nous nous sommes plaints. On a nommé plusieurs membres de l'ancienne commission qui s'étaient déclarés hostiles à la découverte du docteur Willems.
Cette commission a fait des expériences, mais elle n'a pas terminé parce qu'il n'y avait plus d'argent.
Quand on en dépense tant pour des objets de luxe, lorsqu'il s'agit de l'intérêt de l'agriculture qui supporte la plus forte part des impôts, on peut bien dépenser quelques mille francs pour arriver à un résultat certain, comme on l'a fait d'ailleurs dans d'autres pays.
Ainsi, dans la Hollande méridionale et dans d'autres provinces, on a alloué plus de 20,000 florins des Pays-Bas, pour faire des recherches sur l'efficacité du procédé Willems, qui intéresse même l'hygiène et la santé publique ; car si des bêtes empestées sont vendues et livrées comme aliment à la consommation, la santé publique peut en être affectée. Nous avons donc la droit de demander qu'on fasse quelque chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que demandez-vous ?
M. de Renesse. - Nous demandons avec les hommes pratiques qu'une commission composée d'hommes nouveaux, qui ne se soient prononcés ni directement ni indirectement, soit chargée de faire des nouvelles expériences et de présenter un rapport.
Nous verrons si elle présentera les mêmes conclusions que. celle qui a donné le dernier rapport. D'après la minorité, ce rapport n'a pas relaté tous les faits officiellement constatés et il contient des inexactitudes. (Interruption.)
II résulte de tout cela que le gouvernement n'encourage pas l'inoculation ; si le gouvernement montrait de la bienveillance pour une invention si utile à l'agriculture, l'application s'en propagerait. D'après des rapports que nous avons vus, les expériences faites en Hollande ont été favorables.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On en a fait ici aussi.
M. de Renesse. - Elles n'ont pas été terminées et quand M. Willems a demandé qu'on les continuât, on a répondu qu'il n'y avait pas d'argent, et lorsqu'il a proposé de les faire à ses frais on ne lui a pas répondu. Nous sommes en droit de demander qu'on examine de nouveau la question. Puisque la commission actuelle n'a pas rempli son devoir et considère son travail comme terminé, qu'on la dissolve et qu'on en nomme une nouvelle.
M. de Theux. - La commission des pétitions se borne à demander le renvoi au ministre de l'intérieur ; elle laisse à son appréciation de juger s'il convient de continuer ou non les expériences. L'honorable M. de Renesse et l'honorable M. Faignart ont engagé le ministre à instituer une commission nouvelle pour faire de nouvelles expériences. Je ferai observer que, sauf la nomination d'une commission nouvelle, les nouvelles expériences étaient désirées par la commission qui a déposé son rapport ; je lis à la page 4 :
« Dès le premier jour de son existence, la commission avait émis cette idée que les renseignements qu'elle pourrait recueillir ne seraient pas suffisants, mais que, pour atteindre son but, elle devait se livrer à des expériences directes. »
A la fin de l'année 1856, M. de Decker autorisa ces expériences. Je lis à la page 26 :
« La commission désirait ardemment de continuer des expériences qui promettaient un résultat utile, quoique incomplet, parce que son programme primitif avait été tronqué, mais devant la volonté formelle du ministre, elle dut se résigner et ainsi les expériences furent closes le 1er septembre 1857. »
Cette volonté formelle s'appuyait sur ce que les fonds du budget de l'intérieur étaient épuisés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans quel rapport cela se trouve-t-il ?
M. de Theux. - Dans celui que vous avez publié cette année.
A la page 132 la commission insiste de nouveau : « De nouvelles observations, de nouvelles expériences sont nécessaires avant de leur donner (aux conclusions) une autre forme. »
Après avoir émis ces conclusions, elle dit : « De nouvelles observations, de nouvelles extérieures sont nécessaires, afin de leur donner une autre forme. » Cependant, la commission s'est subsidiairement ralliée à une opinion, subsidiaire aussi, du docteur Wi.lems, qui déclarait que si le gouvernement jugeait plus à propos de faire des expériences directes, il laissait au temps et à la pratique le soin de résoudre la question.
Quant à moi, je n'insiste pas sur l'institution immédiate de nouvelles expériences, non plus que sur la formation d'une nouvelle commission ; je suis plus enclin à dire avec M. le rapporteur qu'il vaudrait mieux dissoudre la commission et laisser marcher les événements, d'autant plus qu'en Hollande la question est en permanence à l'ordre du jour ; et comme c'est là le siège principal de l'épizootie, je crois que les expériences qui se feront dans ce pays suffiront pour nous guider.
D’autre part, les industriels qui font inoculer continueront de le faire, et le jour viendra naturellement où des conclusions définitives pourront être basées avec certitude sur l'ensemble des faits recueillis par l'observation. Si la maladie se manifestait de nouveau avec grande intensité en Belgique, le gouvernement pourrait peut-être instituer alors une nouvelle commission. Quant à moi, je ne m'oppose nullement à la marche indiquée par M. le rapporteur de la commission, en son nom personnel, mais je tenais à citer une partie du rapport de la commission, pour justifier les opinions émises par les honorables MM. de Renesse et Faignart sur l'utilité de pousser tes expériences à bout, puisque la commission a déclaré elle-même qu'elles étaient insuffisantes et qu'elle avait dû les suspendre à défaut de fonds pour en payer les frais.
Voilà dans quel sens je me suis prononcé. Personnellement, je suis porté à croire que l'inoculation est utile et je me fonde principalement (page 1018) sur la pratique et sur les expériences qu'ont faites les industriels c'est à-dire les meilleurs juges de la question.
M. Faignart. - Si j'ai insisté pour qu'une commission nouvelle fût instituée, c'est particulièrement parce que la dernière n'a pas terminé son travail... (Interruption) Son travail n'est pas terminé puisqu'il ne conclut pas. J'ajouterai même qu'on n'a pas accueilli la proposition faite par M. le docteur Willems de supporter les frais des expériences qu'il avait fallu interrompre à cause de l'absence de fonds. J'ignore donc à quel motif il faut attribuer ce refus de laisser la commission en fonction.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois que le fait de cette offre de M. le docteur Willems a été contesté par la commission.
M. Faignart. - Il a pu être contesté, mais il n'était pas contestable, attendu que la preuve existe au ministère de l'intérieur.
M. de Theux. - L'honorable M. de Decker m'a affirmé hier encore qu'il a reçu la lettre de M. Willems mais qu'il ne l'a pas communiquée à la commission ; la commission était donc dans l'ignorance du fait.
M. Faignart. - Maintenant, M. le rapporteur dit que c'est une question de science ; je crois, moi, que c'est tout autant une question de fait. Comment ! vous voulez absolument que l'espèce bovine soit traitée par la science, par la théorie et vous voulez que les personnes de l'art puissent affirmer que, d'après la science, c'est un moyen de guérison.
Je ne trouve nullement que cela soit nécessaire. Selon moi, la guérison est la chose essentielle, quel que soit le moyen d'y parvenir. Dans le temps, messieurs, on a beaucoup contesté l'efficacité de la vaccine, il paraît même qu'on la conteste encore aujourd'hui, en Allemagne notamment ; mais il n'est pas moins vrai cependant que, grâce à cette opération un nombre considérable d'enfants ont été préservés de la mort Pour contester les avantages de la vaccine, on prétend qu'elle engendre des maladies qui se déclarent à un âge plus avancé. Je ne sais si cela est vrai pour l'espèce humaine, mais qu'importe, pour l'espèce bovine, que l'inoculation produise réellement de pareils effets : pourvu qu'elle préserve votre bétail jusqu'à l'âge où il doit être abattu, c'est tout ce que nous demandons, et il nous importe très peu que des maladies puissent naine de l'inoculation à un âge auquel nos bestiaux ne sont pas destinés à atteindre.
Je crois inutile d'en dire davantage. Bien que M. le ministre paraisse fort peu disposé à nommer une nouvelle commission, j'espère qu'il y réfléchira encore et qu'il ne perdra pas de vue cet important objet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que voulez-vous ?
M. de Mérode-Westerloo. - Des expériences directes.
M. le président. - Il n'y a pas de contre-proposition ; je mets donc aux voix les conclusions de la commission, qui sont le renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 28 avril 1858, le sieur Outshoorn demande à être admis au bénéfice de la loi du 1er mai 1842, qui alloue des indemnités pour pertes essuyées par le fait de la révolution.
Messieurs, cette affaire n'est pas nouvelle. Déjà, en 1848, le pétitionnaire s'est adressé à la Chambre parce que, selon lui, il ne tombe pas sous le coup de l'exception de la loi de 1842, qui exclut les Hollandais, avec lesquels nous étions en guerre en 1830, du partage des fonds alloués par la législature pour indemniser les négociants dont les marchandises se trouvaient à l'entrepôt d'Anvers.
Les sieurs Outshoorn frères sont nés en Hollande, mais ils habitaient Anvers au moment de la révolution ; ils faisaient partie, l'un dès 1810, les deux autres dès 1811, de la garde communale et ils se sont conduits comme de véritables Belges.
Ils ont essuyé des pertes assez fortes en 1830, par le désastre de l'entrepôt d'Anvers, et ils prétendent n'être pas passible de l'exemption établie pour les sujets d'origine hollandaise par la loi de 1842.
En 1848 ils ont présenté une pétition pour être relevés de cette exclusion et pour être admis à participer aux fonds qui ont été votés par la législature à cette époque. On a proposé alors l'ordre du jour sur leur pétition. Cette proposition a donné lieu à une très longue discussion et la Chambre a prononcé le dépôt de cette requête au bureau des renseignements.
Le pétitionnaire revient à la charge et réclame de nouveau sa part dans les fonds alloués par la législature. Mais il est à noter qu'en 1849 toutes les réclamations ont été analysées, que toutes les pertes ont été constatées, qu'une somme a été votée et a été répartie entre les ayants droit.
Le sieur Outshoorn ayant été exilé à cette époque comme étant né sujet hollandais, il s'agirait aujourd'hui de voter de nouveaux fonds pour indemniser le pétitionnaire qui prétend qu'une injustice a été commise à son égard et que, quoique né sur le territoire hollandais, il a toujours été sujet belge et s’est marié à une Belge.
Votre commission conclut au renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances.
M. Vermeire. - Ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, cette demande a fait l'objet de plusieurs pétitions à la Chambre. Elle est très ancienne, et je crois qu'il est utile de rappeler les faits en peu de mots.
M. Outshoorn, ainsi que deux ou trois habitants d'Anvers, avaient en 1830, des marchandises à l'entrepôt public de cette ville. Ces marchandises ayant été brûlées lors de l'incendie du mois de novembre de cette année, ils ont essuyé une perte plus ou moins considérable.
Lorsque en 1842 la loi sur les indemnités a été votée, on a excepté du bénéfice qu'elle consacre les habitants des Pays-Bas, parce que le gouvernement belge ayant, en 1839, fait un traité avec la Hollande dans lequel cet objet avait été réglé, c'était au gouvernement de ce dernier pays à indemniser ses nationaux.
Lorsque ces personnes, qui en Belgique sont considérées comme hollandaises, comme habitants des Pays-Bas, s'étaient adressées à ce gouvernement, celui-ci leur avait répondu : vous n'êtes pas Hollandais, vous êtes Belges ; et lorsque en Belgique elles réclament comme Belges, on leur dit également : Vous n'êtes pas Belges, vous êtes habitants des Pays-Bas. Elles sont ainsi ballottées d'une manière constante et ne sont pas indemnisées des pertes qu'elles ont essuyées.
Il est à remarquer, messieurs, que la loi qui a voulu indemniser tous les intéressés excepte de ses dispositions généreuses ceux qui doivent être considérés comme des nationaux ; qui ont en Belgique le siège de leur fortune et de leurs relations ; qui habitent le pays depuis 1810 ; qui ont épousé des femmes belges ; qui y ont toujours exercé leur commerce ; qui y ont même, pendant la révolution, payé de leur personne et de leur fortune.
C'est ainsi qu'à Anvers ils ont fait partie de la garde bourgeoise et ont toujours payé leur part dans les charges imposées aux Belges.
La question à examiner, messieurs, est celle de savoir, si l’on peut, raisonnablement exclure du bénéfice de la loi trois ou quatre citoyens qui se trouvent dans la position exceptionnelle que je viens d'indiquer. Sur quels motifs avouables pourrait-on baser une pareille exclusion ? Je n'en trouve aucun. Je crois donc devoir me rallier aux conclusions proposées par la commission des pétitions, et j'engage le gouvernement à examiner, avec impartialité et bienveillance, toutes les pièces qui sont jointes à la pétition.
M. H. de Brouckere. - Il n'y a, selon moi, aucune espèce de question à examiner, il est évident, d'après le rapport qui vient de nous être fait, que les pétitionnaires sont étrangers. Peu importe qu'ils aient habité la Belgique avant 1830, ils sont étrangers. Dès lors ils n'ont pas droit à l'indemnité.
Une première pétition a été l'objet d'une résolution qui n'était pas précisément un rejet, mais qui faisait assez entendre aux pétitionnaires qu'ils n'avaient aucune espérance à nourrir. Nous avons ordonné le dépôt au bureau des renseignements ; si aujourd'hui nous prenons une autre résolution, si nous renvoyons la pétition au gouvernement, nous donnerions aux pétitionnaires des espérances qui ne se réaliseront pas.
Je demande donc que nous prenions sur cette pétition la même décision que sur la précédente et que la Chambre se borne à ordonner le dépôt au bureau des renseignements.
M. Vermeire. - Je m'étonne que l’honorable M. de Brouckere, vienne s'élever contre le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, alors que précédemment il venait, lui-même, soutenir dans cette enceinte le droit du pétitionnaire.
Voici ce que disait l'honorable membre dans la séance du 20 janvier 1849 :
« J'admets volontiers, qu'en strict droit la nation n'était pas tenue à indemniser de toutes les pertes occasionnées par la révolution. Mais, selon moi, elle le devait en équité et en bonne politique. J'ai expliqué en comité secret les motifs de mon opinion.
« « Or, voici ce que fait le projet. Il établit des catégories entre les perdants : aux uns il accorde une réparation partielle ; aux autres, dont les pertes n'exigeaient pas moins d'égards, il refuse tout. Et, chose remarquable, les exclusions frappent sur des Belges ; les étrangers sont généralement admis. De là résulte cette double injustice que les perdants auxquels on refuse une part dans les huit millions, ne souffriront pas seulement de cette exclusion, mais devront encore contribuer comme les autres habitants du royaume au payement de ces huit millions. »
Comparer l'opinion émise en 1849, par l'honorable membre, à celle qu'il vient soutenir aujourd'hui, c'est, me semble-t-il, constater une contradiction flagrante. Quand le principe de l'indemnité est admis d'une manière aussi générale, il ne faut pas l'appliquer d'une manière restreinte ; surtout, contre des personnes qui sont considérées comme des Belges et qui, à cause même de cette nationalité qu'on leur attribue, sont exclues du bénéfice de l'indemnité dans leur pays natal.
M. H. de Brouckere. - Je me rappelle parfaitement ce qui s'est passé, quand la première pétition a été examinée. Il pouvait y avoir quelques doutes alors, il n'y en a plus aujourd'hui. Il est impossible que nous revenions sur une décision que nous avons prise en 1848. Cette question ne peut s'éterniser. La réclamation a été repoussée. Je puis dire qu'elle a été repoussée, puisqu'on n'a pas admis en 1848 le renvoi au gouvernement. Prendre aujourd'hui une autre décision, c'est donner aux pétitionnaires des espérances qui ne peuvent se réaliser. Que l’honorable M. Vermeire me dise à quoi bon encourager de nouvelles pétitions alors qu'il est certain que ces pétitions ne pourraient pas être accueillies. Ce serait éterniser un débat sans résultat possible.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Je dois à la vérité de déclarer que la première commission des pétitions avait proposé (page 1019) formellement l’ordre du jour et que ce n'est qu'après une très longue discussion qu'on en est venu au dépôt au bureau des renseignements. Cette fois, la commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.
- Le dépôt au bureau des renseignements est mis aux voix et adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 5 mai 1858, le sieur Jobard demande la suppression de l'article 23 de la loi sur les brevets d'invention, et prie la Chambre de relever les brevetés de la déchéance encourue du chef de cet article.
Le pétitionnaire se fonde principalement, messieurs, sur ce que la disposition de l'article 23 n'existe pas Angleterre et qu'il n'en résulte aucun inconvénient ; il dit qu'au contraire les industriels s'en trouvent très bien.
Votre commission, messieurs, conclut au renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense que la Chambre peut rester saisie de cette pétition. L'auteur est un fonctionnaire du département de l'intérieur, et il aurait pu fort bien adresser au ministre ses idées sur les améliorations dont il croit que la loi serait susceptible.
Je propose le dépôt au bureau des renseignements.
M. Lelièvre. - J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la pétition. Nous devons favoriser autant que possible les brevets d'invention, et d'un autre côté, les déchéances présentent quelque chose d'exorbitant, surtout lorsqu'il s'agit d'œuvres de la nature de celles dont s'occupe le pétitionnaire. Je demande donc que le gouvernement veuille examiner sérieusement les questions énoncées dans la pétition.
M. Rodenbach. - je pense, messieurs, que quand M. Jobard aura vu par les Annales parlementaires qu'on a l'intention d'examiner sa requête, qui est extrêmement judicieuse, il s'empressera de faire un rapport à M. le ministre et M. le ministre examinera sans doute la question avec toute l'attention qu'elle mérite. Le but du pétitionnaire sera donc atteint, que la pétition soit déposé au bureau des renseignements ou qu'elle soit renvoyée au ministre.
Dans tous les cas je recommande la requête à l'attention la plus sérieuse du gouvernement. Elle émane d'un homme compétent et si, comme je n'en doute pas, sa demande est fondée, M. le ministre ne manquera pas d'y faire droit. La disposition de l'article 23, dont M. Jobard demande la suppression, ne se trouve pas dans la loi anglaise, et en Angleterre les inventeurs sont protégés beaucoup plus efficacement qu'en Belgique.
- Le dépôt au bureau des renseignements est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures 1/4.