(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)
(page 919) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Moor procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Vander Stichelen présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« La chambre des notaires de l'arrondissement de Liège demande une loi qui autorise les notaires à faire usage de certains actes authentiques sous seing privé ou venant de l'étranger, avant qu'ils aient été revêtus de la formalité de l'enregistrement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Holland, en faisant connaître que des personnes qui ont reçu la médaille de Sainte-Hélène n'en portent que le ruban, appelle l'attention de la Chambre sur cette contravention aux règlements. »
- Même renvoi.
« La veuve Verstraeten réclame l'intervention de la Chambre, pour que son fils Charles, milicien de la classe de 1855, soit exempté du service militaire. »
- Même renvoi.
Il est donné lecture de la lettre ci-après :
« Binche, 5 mai 1858.
« Monsieur le président,
« Le mouvement électoral du 10 décembre m'avait fait concevoir des espérances qui ne se réalisait et ne réaliseront pas, je me trouve dans la position équivoque de ne pouvoir mettre à la disposition d'un ministère que je n'ai pas reçu mission de combattre, un dévouement entier sans réserve.
« Cette situation froisse et entrave ma liberté d'action.
« Le seul moyen d'en sortir honorablement est de déposer mon mandat : c'est ce que je fais, en vous priant d'accepter ma démission de membre de la Chambre des représentants.
« Agréez, etc.
« A. Wanderpepen. »
- Pris pour notification.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la démission de notre honorable collègue M. Wanderpepen s'appuie sur des motifs qu'il doit, me semble-t-il, être permis d'apprécier en peu de mots.
L'honorable membre se retire, dit-il, parce que les élections du 10 décembre lui avaient fait concevoir d'abord des espérances qui ne se sont pas réalisées et ne se réaliseront pas.
Il serait intéressant de savoir quelles espérances l'honorable membre, avait conçues, quelles espérances ne se sont pas réalisées et ne se réaliseront pas. Ceci est resté à l'état de mystère dans la lettre de notre honorable et ancien collègue.
Un autre motif, et c'est surtout ce qui m'a engagé à prendre la parole ; un autre motif de la retraite de l'honorable représentant, c'est qu'il n'avait pas reçu mission du corps électoral de combattre le ministère et que cependant il ne pouvait pas mettre à la disposition du cabinet un dévouement entier, sans réserve.
Je pense, messieurs, que personne, en entrant dans cette enceinte, ne met à la disposition du ministère un dévouement entier et sans réserve ; sous ce rapport, tous les collègues de l'ancien représentant de Thuin se trouvent dans la même position que lui. Nul ne met ici, et le ministère ne le demande pas, nul ne met ici au service du ministère un dévouement entier, sans réserve.
Chacun apporte ici les principes qu'il a mission de défendre ; et personne, sur le banc des ministres, ne dédaigne assez le caractère des honorables représentants, pour espérer, encore moins pour exiger d'eux un dévouement entier, sans réserve ; ce dévouement entier, sans réserve, vous, comme nous, nous le consacrons exclusivement aux principes.
Si l'honorable et ancien député de Thuin avait une seule fois, pendant les quatre mois qu'il a passés dans cette enceinte, avait en une seule circonstance, exprimé une opinion, une espérance, nous aurions pu savoir en quoi consistaient et les espérances et les opinions de l’honorable représentant. Si ses opinions sont consciencieuses, comme je n'en doute pas, si l'honorable représentant de Thuin avait accepté son mandat avec la ferme volonté, comme c'était son devoir, de faire triompher ses principes, au lieu de se retirer, il aurait dû chercher à les faire prévaloir dans cette enceinte ; la Chambre, telle qu'elle est composée, n'est pas tellement ennemie des innovations, qu'une idée nouvelle produite par l'honorable membre eût été dans le cas de l'effrayer.
Mais l'honorable représentant n'a pas dit un seul mot, n'a pas ouvert une seule fois la bouche pour faire connaître l'ombre d'une opinion et il se désespère ; il croit que les espérances qu'il avait conçues ne se réaliseront pas. C'est trop exiger, ce me semble, que de prétendre que la Chambre réalisât des espérances, fît triompher des opinions qui n'ont en aucune manière été exprimées dans son sein.
Au surplus, l'honorable membre est très consciencieux, j'ai des motifs personnels de croire qu'il est resté bienveillant.
Malgré cette lettre dont vous venez d'entendre la lecture, lettre regrettable peut-être dans l'intérêt de son auteur, nous avons la preuve que l'honorable membre, s'il n'a pas promis un dévouement sans borne et sans réserve au cabinet, a cependant des sympathies qu'il a exprimées en termes bienveillants ; par conséquent il n'y a pas entre nous un abîme ; si je suis bien informé, il a même pris l'engagement de soutenir l'élection d'un candidat en communauté plus intime d'opinion avec le ministère.
Comme représentant et comme membre du cabinet, je n'ai rien autre chose à dire sur la lettre de l'honorable représentant.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition d'Enghien, le 30 avril 1858, le sieur L'hoir, ancien pharmacien à Enghien, réclame l'intervention de la Chambre, pour obtenir le payement des médicaments qu'il a fournis aux malades admis à l'hôpital civil d'Enghien pendant le premier semestre de 1854.
Messieurs, le non-paiement de la créance du sieur L'hoir est la conséquence d'un conflit entre l'administration du bureau de bienfaisance et le conseil communal d'Enghien.
Si je puis m'exprimer ainsi, on se rejette la balle : L'un prétend que c'est le bureau de bienfaisance qui est débiteur du sieur L'hoir ; l’autre prétend que c'est la commune qui doit le satisfaire. Vous comprenez que dans cette position le payement de la créance reste en souffrance. Il n'est pas juste que le créancier soit victime du conflit entre les deux administrations. Votre commission a l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre d. l'intérieur qui examinera à qui incombe la charge de liquider cette affaire.
M. J. Jouret. - J'appuie le renvoi de la pétition du sieur L'hoir au ministre de l'intérieur. Cette affaire n'est pas sans une certaine importance ; toutes les autorités compétentes ont émis leur avis sur la demande du sieur L'hoir, elles sont unanimes à déclarer que l'administration des hospices d'Enghien est dans son tort.
M. le ministre de la justice lui-même a été consulté par M. le gouverneur et, par une lettre du 26 février 1857, M. le ministre de la justice a répondu que les prétentions de l'administration des hospices étaient inadmissibles, et qu'il y avait lieu, pour mettre un terme au conflit qui s'est élevé, de prendre les mesures nécessaires pour que les hospices ne puissent se soustraire plus longtemps au payement d'une créance obligatoire pour eux. Cette décision de M. le ministre de la justice a été communiquée à l'administration intéressée, par le commissaire d'arrondissement ; mais, nonobstant cette décision, appuyée par MM. le gouverneur de la province et le commissaire d'arrondissement, l'administration des hospices d'Enghien persiste à ne pas vouloir payer la créance du sieur L'hoir.
J'insiste donc pour que M. le ministre de l'intérieur veuille bien accorder quelque attention à cette pétition ; je l'y engage d'autant plus, que l'administration des hospices d'Enghien paraît avoir été guidée en cette circonstance par des motifs qui n'ont rien de commun avec l'administration proprement dite ; je ne veux rien affirmer à cet égard, mais il serait très regrettable qu'un corps constitué quiconque pût impunément agir sous l'empire de considérations qui pourraient faire croire à un défaut d'impartialité. Je recommandé donc tout particulièrement cette affaire à M. le ministre de l'intérieur, et j’appuie la proposition de renvoi de la pétition à cet honorable ministre...
- Un membre. - Au ministre de la justice.
M. J. Jouret. - Et en même temps à M. le ministre de la justice.
M. de Muelenaere. - Je 'crois qu'il serait plus régulier de renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice. Cependant il s'agit, paraît-il, d'une affaire qui a quelque importance et il paraît y avoir du mauvais vouloir de la part de l'administration des hospices d'Enghien. Je demande le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.
- Cette proposition est adopte.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Ath, le 16 avril 1858, le sieur Adam, aubergiste à Ath, se plaint de l'augmentation à la contribution personnelle qu’on lui a fait payer et demande le remboursement de la somme qu'il a dû verser de ce chef.
Il s'agit dans l’espèce d'une fausse application de la loi de 1823 sur la contribution personnelle, qui a été modifié par la loi budgétaire de l'exercice 1831.
L'article qui a été inséré dans la loi budgétaire est conçu comme (page 920) suit : « Il est accordé aux contribuables soumis à l'impôt personnel, la faculté d'établir leur cotisation, en ce qui concerne les quatre premières bases de l'impôt, savoir : la valeur locative, les portes et fenêtres, le foyers et le mobilier, conformément à ce qui a été fixé en 1831, à moins qu’il n'ait été fait à leurs bâtiments d'habitation des changements notables qui en auraient augmenté la valeur.
Dans la séante du 10 mars 1854, à propos de la discussion de la réforme de cette loi, M. le ministre des finances s'exprimait ainsi :
« Aujourd’hui, d'après la loi budgétaire de 1831, il est permis à chaque contribuable qui habite une maison de se référer, pour la valeur locative, à la déclaration des années antérieures, pour autant que la valeur locative imposable soit restée immuable. »
Le pétitionnaire prétend que le contrôleur Hubert, à Lessines, aurait arbitrairement augmenté sa contribution personnelle.
Il prétend avoir fait sa déclaration conformément à celle de l'année précédente et avoir été surtaxé par le contrôleur de la division. Si cela est, et s'il n'y a pas eu de changements dans les bâtiments de l'habitation du pétitionnaire, la loi a été mal appliquée et il y a lieu de rendre justice au contribuable.
Votre commission a donc l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre des finances, avec demande d'explications, afin qu'il veuille bien faire examiner si les faits allégués sont exacts et, dans ce cas, rendre justice au pétitionnaire.
M. de Muelenaere. - Je demanderai à M. le rapporteur de bien vouloir nous dire si la déclaration dont il s'agit se rapporte aux quatre premières bases de la contribution.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Oui.
M. de Muelenaere. - Alors j'appuie le renvoi à M. le ministre des finances.
M. Frison. - Messieurs, j'appuie les conclusions de la commission et je vous demande la permission de présenter quelques observations à l'appui de celles de l'honorable rapporteur.
Le pétitionnaire a évalué son mobilier au même taux que les années précédentes. D'après la loi de 1831, le fisc est obligé d'accueillir l'évaluation conformée celle de l'année précédente. Le contrôleur des contributions, en ne se conformant pas à cette disposition de la loi de 1831, a commis un excès de pouvoir que l'honorable rapporteur de la commission vient de signaler à l'attention de M. le ministre des finances.
J'espère que M. le ministre voudra bien s'assurer si son subordonné est resté dans les limites de la loi. Il est trop scrupuleux observateur de la loi pour ne pas se charger de ce soin avec empressement.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Fontaine-l'Evêque, le 18 avril 1858, le sieur Finet demande une augmentation de pension pour les aveugles.
Le pétitionnaire vous expose l'état gêné dans lequel se trouvent des hommes qui, en obéissant à la loi, en servant dans la milice, ont contracté au service la maladie qui les a privés de la vue pour le reste de leur vie. Il prétend que pour ceux surtout qui sont mariés, la minime pension qui leur est accordée est insuffisante. Il demande donc, tant pour lui que pour ceux qui partagent son infortune, que la Chambre veuille aviser à améliorer leur position par l'augmentation de leur pension.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre de la guerre.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie d'autant plus cette requête, qu'il est à ma connaissance que plusieurs de ces personnes, privées de la vue, qui ont femme et enfant, ne peuvent réellement pas subvenir à leurs besoins, à l'aide de leur pension, en présence de l'augmentation du prix des denrées. Puisqu'on améliore la position des petits employés, je crois qu'il faut également améliorer la position des malheureux qui ont perdu le sens précieux de la vue, surtout si l'on considère qu'ils sont dans l'impossibilité d'exercer aucune profession.
J'ajouterai que pour les motifs allégués, il conviendrait de réviser la loi sur les pensions dans l'intérêt des aveugles.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Dinant, le 28 avril 1858, le chef de bureau et les employés du commissariat de l'arrondissement de Dinant demandent que leur position soit améliorée.
Les pétitionnaires se fondent sur les motifs exposés dans les nombreuses pétitions que nous avons déjà reçues d'autres arrondissements. Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre de l'intérieur.
M. Lelièvre. - Les employés du commissariat de l'arrondissement de Namur ont formé la même réclamation. Je recommande les pétitions à M. le ministre de l'intérieur, qui voudra bien y faire droit. Du reste, elles sont évidemment fondées sur les plus justes motifs.
M. Wala. - Je m'associe, messieurs, aux observations que vient de présenter l'honorable M. Lelièvre et j'ajoute que les droits des employés du commissariat ont déjà été reconnus dans le rapport de la section centrale sur le budget de l'intérieur pour 1858. Ce rapport dit en effet :
« La situation de ces employés est précaire sous tous les rapports ; le gouvernement semble avoir compris qu'il serait juste de leur donner une position convenable dans le présent et de leur assurer des garanties pour l'avenir.
« Par circulaire du 7 octobre 1856. M. le ministre de l'intérieur a consulté MM. les gouverneurs de province sur |es meilleures mesures à prendre pour obtenir ces résultats. Le résumé de l'enquête faite, à cette époque, est analysé dans les annexes au projet de budget (p. 53). Mais aucune proposition formelle n'étant faite par le gouvernement, la section centrale, tout en reconnaissant que ces employés modestes et utiles ont droit à la sollicitude de l'administration, a cru devoir s'abstenir de prendre une initiative qui appartient à M. le ministre de l'intérieur. »
Voici maintenant, messieurs, ce que disait M. le ministre de l'intérieur dans la séance du 8 février dernier, lors de la discussion du budget dont je viens de parler :
« On voudrait qu'ils devinssent fonctionnaires de l'Etat, et qu'ils fussent placés sur la même ligne que les fonctionnaires et employés des gouvernements provinciaux. Ce serait, je crois, une véritable amélioration au point de vue administratif ; s'ils étaient, comme les fonctionnaires de l’Etat, nommés par arrêtés royaux et s'ils avaient un traitement fixé par des règlements, leur position gagnerait en indépendance, en dignité et surtout en sécurité. »
En présence de ces paroles de M. le ministre de l'intérieur, j'ai la confiance qu'il ne manquera pas de s'intéresser au sort des employés dont il s'agit et qu'il ne tardera plus à prendre, en leur faveur, l'initiative qui lui appartient.
M. de Terbecq. - J'appuie fortement les observations que les honorables membres viennent de présenter, en faveur des employés des commissariats d'arrondissement.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Luesemans dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur l'augmentation du personnel de divers tribunaux.
- La Chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
L'art. 2 a été amendé, il est définitivement adopté en ces termes :
« Art. 2. Aucun conseil de prud'hommes ne peut être établi que par une loi.
« Cette loi en détermine le ressort.
« Un arrêté royal règle le nombre des membres et la composition de chaque conseil.
« Seront entendus au préalable, la députation permanente du conseil provincial, la chambre de commerce de la circonscription où le conseil de prud’hommes doit être établi, ainsi que le conseil communal du siège de l'institution. »
L'article 3 a été amendé ; il est définitivement adopté dans les termes suivants :
« Art. 3. Les conseils de prud'hommes sont formés, non compris le président et le vice-président, s'ils sont nommés en dehors du conseil, de six membres au moins et de seize au plus, choisis moitié parmi les chefs d’industrie et moitié parmi les ouvriers.
Art. 4. Par chefs d'industrie on entend : les fabricants ou les directeurs-gérants d'établissements industriels, les exploitants, ingénieurs, directeurs et sous-directeurs des travaux de mines, minières, carrières et usines minéralurgiques, et les armateurs et propriétaires de bateaux de pêche maritime.
« Par ouvriers on entend : les artisans, les contre-maîtres, les ouvriers à livret, et les patrons et pêcheurs inscrits au rôle d'équipage d'un navire de pêche. »
- Définitivement adopté.
L'article 6 (ancien article 7) a été amendé, il est définitivement adopté en ces termes :
« Art. 6. Pour pouvoir être porté sur la liste des électeurs, il faut :
« 1° Appartenir à une des catégories énoncées à l'article 4 :
« 2° Etre Belge par la naissance ou par la naturalisation ;
« 3° Etre âgé de 25 ans accomplis ;
« 4° Etre domicilié dans le ressort du conseil et exercer effectivement son industrie ou son métier depuis quatre ans au moins ;
« 5° Savoir lire et écrire. »
« L'article 7 (ancien article 8) a été amendé ; il est définitivement adopté, en ces termes :
« Art. 7. Seront portés de droit sur les listes électorales, s'ils réunissent d'ailleurs les conditions exigées par l'article précédent :
« a. Les chefs d'industrie admis au nombre des notables pour l'élection des membres des tribunaux de commerce ;
« b. Les ouvriers qui ont obtenu la distinction spéciale instituée pour l'habileté et la moralité, par l'arrêté royal du 7 novembre 1847 ;
« Ceux qui peuvent prouver qu'ils ont opéré à la caisse générale de retraite ou à une caisse d'épargnes, le versement d'une somme de deux cents francs au moins ;
« Ceux qui ont obtenu, par un arrêté royal, une récompense pour acte de courage et de dévouement.
(page 921) L'article 8 (ancien article 6) a été amendé ; il est définitivement adopté en ces termes :
« Art. 8. Les administrations communales dressent, dans leurs circonscriptions respectives, des listes provisoires d'électeurs choisis parmi les personnes remplissant les conditions déterminées à l'article 6. Ces listes comprennent aussi les électeurs de droit, mentionnés à l'article 7.
« La députation permanente du conseil provincial fTait la révision des listes provisoires, statue sur les réclamations et arrête les listes générales. Ces listes sont déposées au secrétariat de la commune du siège de l'institution et, par extraits, aux secrétariats des autres communes du ressort du conseil
« Les listes générales sont permanentes sauf les radiations et les inscriptions, lors de la révision à laquelle il est procédé tous les trois ans du 1er au 15 août. »
Le fond de l'article reste le même ; la rédaction seulement a été améliorée.
M. de Muelenaere. - Je remarque, M. le président, que vous ne lisez pas l'article tel qu'il est dans le document qui nous a été distribué. Est-ce qu'il y aurait un nouvel amendement ?
M. le président. - Il a été convenu que la rédaction des articles serait revue en section centrale. La section centrale a revu l'article 6 et elle propose de le rédiger dans les termes dont je viens de donner lecture.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - D'après l'aride adopté au premier vote, les listes générales, après révision des listes provisoires, devaient être arrêtées du 1er au 15 août par la députation du conseil provincial ; nous proposons de retrancher ces mots : « du 1er au 15 août, » et de ne pas fixer d'époque pour la révision, parce que, si on la fixait, on s'exposerait à devoir attendre parfois une année pour constituer un nouveau conseil de prud'hommes. Les listes générales seront reéisées à une époque qui sera déterminée suivant les convenances.
Ensuite au lieu de faire procéder à cette révision tous les trois ans « du 1er au 15 juillet », nous proposons « du 1er au 15 août » ; nous retardons la révision d'un mois parce que du 1er au 15 juillet, le conseil provincial est réuni.
Nous avons ensuite effacé « les réclamations gui pourraient lui avoir été adressées ».
- La nouvelle rédaction de l'article 6 devenu 7 est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Les articles 8, 9, 10 et 11 n'ont pas été amendés.
M. Vander Stichelen. - Je proposerai une transposition consistant à placer les articles 10 et 11 avant l'article 9. Cela me paraît plus logique.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 12. Les membres du conseil ne peuvent être parents ou alliés, jusqu'au deuxième degré inclusivement. Si des parents ou allies à ce degré sont élus au même tour de scrutin, celui qui a obtenu le plus de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages, le plus âge est préféré. »
La section centrale propose de dire :
« Les membres du conseil ne peuvent être parents ni alliés, etc. »
- L'article 12 ainsi modifié est adopté.
Les articles 13, 14 et 15 n'ont pas été amendés.
« Art. 16. Les assemblées peuvent être divisées en autant de sections que la députation permanente le juge nécessaire, en raison du nombre des électeurs.
« Il est assigné à chaque section un local distinct.
« Le classement des électeurs par sections s'opère en suivant l'ordre alphabétique. »
M. le président. - Un paragraphe a été retranché de cet article ; il était ainsi conçu : « Dans aucun cas, une section ne peut être composée de plus de 400 membres. »
- L'article adopté au premier vote est définitivement adopté.
« Art. 19. Il est procédé aux élections par scrutin de liste. Nul n'est élu, au premier tour de scrutin, s’il ne réunit plus du tiers des voix.
Si tous les membres du conseil n'ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau principal fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix.
« Cette liste contient deux fois autant de noms qu'il y a encore de prud'hommes à élire. Les suffrages ne peuvent être donnés qu'à ces candidats.
« La nomination a lieu à la pluralité des votes.
« S'il y a parité des suffrages, le plus âgé est préféré. »
M. le président. - Au deuxième paragraphe, au lieu de « une liste des personnes », la section centrale propose de dire : « des candidats de la même catégorie ».
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Au paragraphe 3, le gouvernement propose de dire : « Cette liste contient, s'il est possible, etc. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comme les élections se feront par un nombre très restreint d'électeurs, si on exige que la liste contienne deux fois autant de noms qu'il reste de prud'hommes à élire, il pourrait arriver qu'on ne pût pas trouver assez de noms pour avoir une liste double. Supposons qu'il y ait six prud'hommes à élire, qu'il y ait sept candidats, et que quatre seulement soient nommés au premier tour, il resterait trois candidats qui n'auraient pas eu la majorité.
Vous devriez faire une liste de six candidats ; or par suite de billets blancs il pourra arriver que deux seulement aient été désignés au premier tour ; dès lors, la loi ne pourrait pas être exécutée. A l'impossible nul n'est tenu ; c'est pourquoi nous proposons d'ajouter : « s'il est possible. »
- L'article 19 est mis aux voix et définitivement adopté avec les modifications indiquées ci-dessus.
« Art. 21. Dans le cas où les collèges auraient été divisés en sections, le résultat du vote dans chacune d'elles sera immédiatement transmis aux bureaux principaux où se fera le dépouillement. »
M. le président. - On propose de dire : « Dans le cas où les assemblées auraient été divisées en sections, etc. »
- Personne ne demande la parole ; l'article ainsi modifié est définitivement adopté.
« Art. 22. Les procès-verbaux de l'élection rédigés et signés séance tenante par les membres de chaque bureau principal, les procès-verbaux des sections ainsi que les listes des votants et les listes des électeurs seront adressés, dans le délai de trois jours, à la députation permanente du conseil provincial. Un double des procès-verbaux, rédigé et signé par les membres de chaque bureau principal, sera déposé au secrétariat de la commune, siège du conseil de prud'hommes, où chacun pourra en prendre connaissance. »
- Personne ne demande la parole ; l'article 22 est définitivement adopté.
L'article 23 n'a pas été amendé.
« Art. 24. La députation permanente du conseil provincial peut, dans les quinze jours de la transmission du procès-verbal, annuler l'élection d'office par arrêté motivé et pour irrégularité grave. Passé ce délai, l'élection est réputée valide s'il n'y a pas eu réclamation de la part des intéressés ou opposition de la part du gouverneur. Dans l'un ou l'autre, de ces derniers cas, la députation est tenue également de prononcer dans le délai de quinze jours, à partir du dépôt de la réclamation à l'administration provinciale ou de l'arrêté d'opposition. Le gouverneur peut, dans les huit jours qui suivront celui de la décision, prendre son recours auprès du Roi, qui statuera dans le délai de quinzaine à dater du pourvoi. »
M. le président. - On propose de rédiger comme suit la première phrase : « Dans les quinze jours de la transmission du procès-verbal, la députation permanente du conseil provincial peut annuler l'élection d'office par arrêté motivé et pour irrégularité grave. »
- L'article ainsi rédigé est définitivement adopté.
« Art. 25. Les prud'hommes et leurs suppléants prêtent le serment prescrit par le décret du Congrès en date du 20 juillet 5851, savoir : le président du conseil entre les mains du gouverneur ou de son délégué, et les autres membres, titulaires ou suppléants, entre les mains du président.
« Après la réception du serment, le conseil de prud'hommes est déclaré installé. »
M. le président. - On propose d'intercaler, après les mots « du gouverneur ou de son délégué », ceux-ci « le vice-président, etc. »
En second lieu on propose d'ajouter à la fin de cet article le commencement de l'article 75 ainsi conçu : « Tout prud'homme qui s'abstient de prêter serment est considéré comme démissionnaire. »
- L'article 25 ainsi complété est définitivement adopté.
« Art. 26. Tous les trois ans, dans la première quinzaine du mois de septembre, les prud'hommes et leurs suppléants sont renouvelés par moitié.
« Les sorties ont lieu par séries composées de chefs d'industrie et d'ouvriers, en nombre égal.
« Lors du premier renouvellement, l'ordre de sortie est déterminé par le sort.
« Les membres sortants sont rééligibles. »
M. le président. - L'article 26 n'a pas été amendé, mais on propose de transposer quelques mots dans le second alinéa et de dire : « Les sorties ont lieu par séries composées en nombre égal de chefs d'industrie et d'ouvriers. »
- L'article ainsi rédigé est adopté.
L'article 27 n'a pas été amendé.
« Art. 28. Lorsque, par suite de décès ou de démission, le nombre des membres de l'une ou de l'autre catégorie du conseil, y compris celui des suppléants, se trouverait réduit de plus de moitié, les électeurs seront convoqués extraordinairement pour compléter le conseil.
« Tout membre élu en remplacement d'un autre membre ne demeure en fonctions que pendant la durée du mandat confié à son prédécesseur. »
M. le président. - On propose d'ajouter ici le second paragraphe de l'article 75 et de terminer l'article par l'alinéa suivant : « Tout prud'homme qui s'absente des séances pendant deux mois consécutifs, sans congé du conseil ou sans motifs légitime, pourra être déclaré démissionnaire par la députation permanente du conseil provincial. »
- L'article 28 ainsi complété est définitivement adopté.
(page 922) « Art. 29. Le président et le vice-président du conseil de prud'hommes sont nommés par arrêté royal, sur une liste double de candidats, présentés par le conseil dans son sein ou en dehors. La durée de leurs fonctions est de trois ans. Ils peuvent être nommés de nouveau. »
M. le président. - Au lieu de « sur une liste double de candidats présentés par le conseil dans son sein ou en dehors », on propose de dire : « sur liste double de candidats choisis par le conseil dans son sein ou en dehors. »
M. H. de Brouckere. - Le projet primitif du gouvernement conférait au conseil de prud'hommes le droit d'élire son président. J'avais proposé à la Chambre une disposition qui désignait le juge de paix comme le président-né du conseil de prud'hommes. Des objections m'ont été faites contre la généralité de cette disposition et il est intervenu un article en quelque sorte transactionnel, par suite duquel le gouvernement nomme le président du conseil, soit parmi les membres de ce conseil, soit en dehors.
J'accepte parfaitement, messieurs, cette disposition, mais je regrette que l'article porte que la nomination se fera sur une liste double présentée par le conseil.
D'abord on comprendra facilement qu'il n'arrivera que dans des cas très exceptionnels qu'un conseil appelé à faire une présentation pour son président, aille choisir des candidats en dehors de ces membres. Cependant le cas pourra se présenter ; mais, s'il se présente, ce sera particulièrement quand il y aura zizanie entre les patrons et les ouvriers membres du conseil. Or, il pourrait arriver que la moitié du conseil se prononce dans un sens, la seconde moitié dans l'autre ; et le gouvernement, dans ce cas, serait très embarrassé de prendre une décision.
Je crois qu'on lèverait toutes les difficultés en décidant que le gouvernement nommera le président et le vice-président, après avoir entendu le conseil, sans qu'il soit astreint à suivre la présentation que ce conseil lui ferait. Cependant si le gouvernement n'adopte pas ma manière de voir, s'il est décidé à défendre l'article tel qu'il est, je ne présenterai pas d'amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le projet primitif du gouvernement ne conférait pas, comme le pense l'honorable membre, la nomination du président au conseil de prud'hommes. Le projet du gouvernement lui conférait le droit de nommer le président, mais dans le sein du conseil. La transaction a consisté en ce que le gouvernement pourra nommer le président même en dehors du conseil. Mais comme c’était là s'écarter de l'esprit de l'institution, on a voulu avoir l'adhésion du Conseil de prud'hommes pour cet acte, et l'on a demandé que le conseil présentât des candidats.
Remarquez que la législation actuelle confère au conseil le droit de nommer son président, et je regrette qu'il ne puisse plus en être ainsi. Le gouvernement doit se mêler le moins possible de ces questions. Cependant l'honorable membre et l’expérience ont prouvé qu'il pouvait être nécessaire que l'autorité publique fût représentée jusqu'à certain point au sein de ces tribunaux de famille ; de là la nomination par le gouvernement.
L'expédient que propose l'honorable membre me paraît renfermer les inconvénients qu’il reproche au système du gouvernement. L'honorable membre ne veut pas que le conseil présente des candidats, parce que, s'il y a des divisions dans le sein du conseil, elles vont se produire à l'occasion de la présentation des candidats. Mais cet inconvénient se présentera également si le conseil est invité à donner son avis sur les candidats. Et que fera le gouvernement si le conseil donne un avis contraire à ses propositions ? Celui-ci imposera-t-il au conseil un président ? Evidemment non. Il ne voudra pas imposer au conseil un président qu'il repousserait. La demande d'avis, si elle est sérieuse, équivaut donc à une présentation de candidats.
Dès lors, pourquoi ne pas laisser cette compensation au conseil des prud'hommes qui, jusqu'ici, a été chargé de la nomination de son président ?
Je pense qu'il ne peut en résulter aucun inconvénient. Dans les localités où l'esprit public ou les convenances indiqueront un président hors du conseil comme meilleur, le conseil, obéissant aux besoins des localités, fera ses présentations en dehors du conseil.
L'honorable membre lui-même nous a dit que dans certaines localités les patrons et les ouvriers préféreraient un président pris hors du conseil.
Je crois donc devoir maintenir la transaction adoptée au premier vote.
M. H. de Brouckere. - Je n'ai jamais avancé que les prud'hommes préféreraient être présidés pr un étranger plutôt que par un de leurs membres. j'ai dit que dans certaines localités, lorsqu'un conseil de prud'hommes y serait établi, on préférerait que la présidence en fût déférée au juge de paix, plutôt qu'à un membre du conseil de prud'hommes. Mais je n'ai pas parlé et n'ai pu parler de l'avis éventuel que donnerait un conseil de prud'hommes.
Du reste, je maintiens mon opinion ; mais je ne présenterai pas d'amendement.
M. de Muelenaere. - L'institution dont nous nous occupons ne pouvant se maintenir que par le dévouement de chacun de ses membres, ce serait la fausser dans son principe que de vouloir lui imposer un président qui ne lui conviendrait pas. Il me semble que l'article 22, tel qu'il est aujourd'hui rédigé, satisfait à tous les besoins. Le gouvernement nommera un président parmi les candidats choisis par le conseil. On croit que le président, avec le prestige d'une nomination royale, aura peut-être plus d'influence sur ses collègues, que l'harmonie fera maintenue entre tous les membres du conseil, et que le service marchera ainsi de commun accord.
Je crois donc, qu'il faut maintenir la disposition telle qu'elle a été adoptée au premier vote.
- L'article est définitivement adopté.
L'article 52 est définitivement adopte avec les modifications apportées au premier vote.
« Art. 32. Le greffier, avant d'entrer en fonctions, prête, entre les mains du président du conseil, le serment prescrit par l'article 25, ci-dessus.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Il faut rétablir les mots « et le commis greffier ». Si le greffier doit prêter serment avant d'entrer en fonctions, il me semble qu'il doit en être de même pour le commis greffier.
M. Deliége. - J'ai vu, dans les justices de paix, assumer plusieurs commis greffiers pour une seule fois et jamais on ne leur a fait prêter serment.
M. le président. - M. le rapporteur, insistez-vous ?
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Non, M. le président. Je voulais seulement faire remarquer qu'il y a les mêmes raisons pour faire prêter serment à l'un et à l'autre.
M. Deliége. - Je ferai remarquer que chaque prestation de serment donne lieu à la rédaction d'un procès-verbal soumis au droit d'enregistrement : on conçoit que de sembla les formalités ne sont pas remplies par les juges de paix, lorsqu'ils assument quelqu'un pour remplir les fonctions de greffier pour une seule fois. Il n'y a pas de motif pour qu'il en soit autrement lorsqu'il s'agit des conseils de prud'hommes.
M. J. Jouret. - J'ai été juge de paix pendant 22 ans et toujours j'ai fait prêter serment au commis greffier assumé.
M. le président. - Il n'y a pas de proposition ; l'article est donc définitivement adopté avec la suppression des mots : « et le commis greffier ».
L'article 34 est définitivement adopté tel qu'il a été modifiée au premier vote.
M. le président. - L'article 36, qui était très long, a été divisé en 4 articles qui formeraient les article 36, 37, 38 et 39.
Voici quel serait l'article 36.
« Le conseil ne peut siéger que moyennant la présence d'un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers. Ce nombre est au moins de deux prud'hommes patrons et de deux prud'hommes ouvriers, quelque soit celui des membres dont se compose le conseil. Le président et le vice-président, s'ils ont été choisis hors du conseil, ne sont pas compris dans ce nombre.
« La présence du président et du vice-président est toujours requise. »
- Cet article est définitivement adopté.
« Art. 37. Chaque fois que les prud'hommes d'une des catégories se présenteront en nombre supérieur aux prud'hommes de l'autre catégorie, le conseil désignera de commun accord les membres de la catégorie la plus nombreuse, qui devront se retirer afin d'établir l'égalité.
« En cas de désaccord, les membres les plus jeunes ne prendront point part au jugement. »
M. de Bronckart. - Messieurs, l’article 37 fait naître dans mon esprit un doute, que je prie l'honorable ministre de l'intérieur et l’honorable rapporteur de la section centrale, de vouloir bien m'éclaircir. Ce doute, le voici :
Les prud'hommes qui, en vertu des dispositions de l'article 37, seront écartés du conseil de jugement, auront-ils, ou n'auront-ils pas droit à des frais de déplacement et à des jetons de présence ?
Si oui, n’est-il pas à craindre qu’un grand nombre de prud’hommes, alléchés par l’espoir d’une indemnité d’autant plus attrayante qu’elle pourrait toujours être touchée sans préjudice de la journée ordinaire, ne se présentent en masse à chaque convocation ? Si non, n’aurez-vous pas à craindre le résultat contraire ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cette observation trouverait mieux sa place à l'article qui concerne les jetons de présence.
M. le président. - M. de Bronckart veut-il remettre sa proposition jusqu'à la discussion de cet article ?
M. de Bronckart. - M. le président, je ne fais pas de proposition ; j'ai seulement voulu appeler l'attention de la Chambre sur les difficultés auxquelles donnera lieu, selon moi, l'exécution de l'article 37.
- L'article 37 est définitivement adopté.
« Art. 38. Si, au jour de l'audience, les membres présents ne se trouvent point dans les conditions requises pour siéger aux termes de l'article 36, les affaires seront remises à une prochaine audience.
« Si, à cette deuxième audience, la même circonstance se reproduisait, il pourra être passé outre an jugement des affaires remises, quelle que soit la composition du conseil, pourvu que le nombre des prud'hommes présents ne soit pas inférieur à quatre.
(page 923) M. Muller. - Messieurs, je demanderai une explication sur cet article.
Je pense que d'après l'article 36 tel qu'il a été d'abord adopté, le conseil de prud'hommes devait se composer de 2 membres de chacune des deux catégories, maîtres et ouvriers, plus un président ou un vice-président. Maintenant je vois dans la rédaction qui est actuellement proposée une modification grave en sens contraire, c'est-à-dire que le conseil pourra fréquemment être composé d'un nombre pair et que par suite de la disposition prévue, en cas de parité de suffrages, la voix du président sera alors prépondérante. Or, c'est ce qui ne devrait avoir lieu dans la rédaction primitive, qu'exceptionnellement, pour le seul cas où le conseil n'aurait pu se constituer en nombre supérieur à 4 membres.
Je demanderai quels motifs ont guidé le gouvernement et la section centrale dans la nouvelle modification qui est aujourd'hui proposée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la disposition sur laquelle on veut bien m'adresser une question, est votée déjà en principe. Ce ne serait pas un motif pour ne pas y revenir si elle n'était pas bonne, mais le gouvernement n'a rien à modifier. Voici ce que le gouvernement a toujours soutenu. Le conseil de prud'hommes est formé en nombre égal de patrons et d'ouvriers, 6, 8, jusqu'à 16 membres ; si le président est nommé en dehors du conseil, le conseil, composé, par exemple, de 8 membres, en aura 9, et le cas d'égal partage de voix n'est pas, dès lors, à prévoir ; si, au contraire, le président est nommé dans le conseil, il n'y aura, naturellement, que huit membres ; et dans ce cas, comme l'égalité de voix peut se présenter, on attribue au président la voix prépondérante.
Ainsi, sous ce rapport, nous n'avons rien modifié. L'art. 3 déjà le dit :
« Le conseil de prud'hommes, non compris le président et le vice-président, s'ils sont nommés en dehors du conseil, se compose de six membres au moins et de 16 membres au plus. »
« Non compris le président et h vice-président s'ils soit nommés en dehors du conseil », cela signifie que si le président et le vice-président sont nommés dans le conseil, le nombre des membres du conseil reste à 6 au moins et à 16 au plus.
M. Tack. - Messieurs, il me semble que la question est tranchée par suite de la modification qui a été apportée tantôt au premier paragraphe de l'article 36. Dans le texte primitif, il était dit : « le président et le vice-président. » On vient d'ajouter à ce texte les mots : « s'ils sont pris en dehors du conseil. »
Un débat s'était engagé entre l'honorable M. de Brouckere et M. le ministre de l'intérieur sur le point de savoir si les membres des conseils de prud'hommes siégeraient en nombre pair ou en nombre impair. Dans l'opinion de l'honorable M. de Brouckere, les membres du conseil devaient toujours siéger en nombre impair ; d'après M. le ministre de l'intérieur, le cas ne devait se présenter que quand le président était pris en dehors du conseil ; chaque fois qu'il était pris dans son sein, les membres du conseil siégeaient en nombre pair et alors le président avait voix prépondérante.
Maintenant le doute est levé par suite de l'addition des mots : « si le président est choisi en dehors du conseil. » De sorte que si j'ai bien compris la disposition, le conseil siégera toujours en nombre pair, sauf quand le président sera pris en dehors du conseil. Comme parfois dans le cas exceptionnel de l'avant-dernier paragraphe en discussion.
M. Muller. - Messieurs, quoi qu'en ait dit M. le ministre de l'intérieur, la modification proposée a une portée très grave. L'article 36, dans son premier paragraphe tel qu'il a été adopté, portait :
« Le conseil ne peut siéger que moyennant la présence d'un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers, indépendamment du président ou du vice-président. »
On ne distinguait pas si le présent et le vice-président étaient pris en dehors ou dans le sein du conseil.
Maintenant pour ceux qui partageaient l'avis qu'il convient qu'en général les tribunaux statuant sur des intérêts civils soient établis en nombre impair, c'est-à-dire que la voix prépondérante ne puisse avoir lieu que dans des cas exceptionnels ; pour ces membres la rédaction actuelle, telle qu'elle est proposée, laisse beaucoup à désirer.
Dans mon opinion, du moment où le président et le vice-président sont revêtus d'un caractère gouvernemental, si je puis m'exprimer ainsi, puisqu'ils sont nommés par le pouvoir, ils ne doivent plus être considères comme faisant partie des prud'hommes ; ils doivent être considérés comme un caractère spécial, et je maintiens que la règle doit être que les tribunaux doivent siéger en nombre impair.
La modification proposée aura pour conséquence que le nombre pair se présentera aussi fréquemment que le nombre impair, et que la voix du président sera prépondérante, chaque fois que le président aura été pris dans le sein du conseil.
J'exprime le vœu que la modification proposée ne soit pas adoptée.
J'admettrais la parité de suffrages et la voix prépondérante du président, dans une hypothèse seulement : c'est lorsque le conseil n'arrivait pas au nombre de quatre, sans l'adjonction du président. Mais, je le répète, il arrivera maintenant que le nombre pair se présentera aussi souvent que le nombre impair, et en définitive, ce qu'on a voulu obtenir disparaît en grande partie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'on veut maintenir le principe qui a été adopté, il est évident que le système vaut mieux que celui que l'on propose.
L'honorable M. Muller voudrait que le président, parce qu'il est revêtu d'un caractère gouvernemental, dût être considéré comme ne faisant plus partie des prud'hommes.
M. Muller. - Vous calculez l'égalité des deux catégories dans toutes les hypothèses, en y comprenant le président, tandis que de la première rédaction il résultait qu'il fallait y avoir un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers, abstraction faite du président qui devait toujours être là. C'est le système que vous changez par l'amendement actuel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La première rédaction n'étant pas suffisamment claire, c'est pour cela que nous l'avons modifiée, la pensée du gouvernement a toujours été celle-ci : faculté de choisir dans le conseil et en dehors du conseil. Si le gouvernement choisit le président dans le conseil, rien n'est changé quant au nombre des voix ; mais comme dans ce cas-là le partage égal des voix est possible, l’on réserve la prépondérance à la voix du président ; si, au contraire, le président est pris en dehors du conseil et que dès lors il apporte une voix faisant un nombre impair, il n'y a plus besoin de recourir à l'article qui accorde voix prépondérante au président.
Je ne vois aucun inconvénient au système que nous avons présenté.
M. Muller. - Je dis que l'article, tel qu'il avait été adopté lors du premier vote, n'avait pas la portée que vous lui donnez maintenant.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est pour cela que nous proposons la modification.
M. Muller. - Donc vous admettez que dans la plupart des cas la voix du président sera prépondérante ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'admets pas qu'il y aura presque toujours partage égal de voix ; ce sera, au contraire, là rare exception.
M. Tack. - Je répète que la question me paraît décidée par suite de l'adjonction des mots que j'ai cités tout à l'heure : Il n'y avait pas dans l'article ces mots : s'ils sont choisis en dehors du conseil ; on vient de les y ajouter sur la proposition du gouvernement ; de sorte que dans les cas les plus fréquents le consul siégera en nombre pair, et que le président aura voix prépondérante. Il faudrait donc revenir sur le vote de cette disposition additionnelle, si la chambre veut adopter le système que défend l'honorable M. Muller.
- L'article 38 est mis aux voix et définitivement adopté.
« Art. 36 (39). Le conseil ne peut siéger que moyennant la présence d'un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers. Ce nombre est au moins de deux prud'hommes patrons et de deux prud'hommes ouvriers, quel que soit celui des membres dont se compose le conseil. Le président et le vice-président, s'ils ont été choisis hors du, conseil, ne sont pas compris dans ce nombre.
« La présence du président ou du vice-président est toujours requise.
« Art. 37. Chaque fois que les prud'hommes d'une des catégories se présenteront en nombre supérieur aux prud'hommes de l'autre catégorie, le conseil désignera de commun accord les membres de la catégorie la plus nombreuse qui devront se retirer, afin d'établir l'égalité.
« En cas de désaccord, les membres les plus jeunes ne prendront point part au jugement.
« Art. 38. Si au jour de l'audience, les membres présents ne se trouvent point dans les conditions requises pour siéger, aux termes de l'article 36, les affaires seront remises à une prochaine audience.
« Si, à cette seconde audience, la même circonstance se reproduisait, il pourra être passé outre au jugement des affaires remises, quelle que soit la composition du conseil, pourvu que le nombre de prud'hommes présents ne soit pas inférieur à quatre.
« Art. 39. Dans le cas de l'article précédent, après la première audience, le greffier convoquera les prud'hommes par écrit et à domicile, pour l'audience suivante. Le bulletin de convocation devra être remis au moins trois jours francs avant celui de la réunion. Il fera mention de l'impossibilité où s'est trouvé le conseil de se constituer, et rappellera la disposition finale de l'article 38.
- L'article est mis aux voix et adopté.
L'article 37 devenu 40, n'a pas été amendé.
« Art. 38 (devenu 41). Les conseils de prud'hommes connaissent, dans les limites de leur ressort respectif, des contestations, soit entre ouvriers, soit entre chefs d'industrie et leurs ouvriers des deux sexes, pour tout fait d'ouvrage, de travail et de salaire, concernant la branche d'industrie exercée par les justiciables, quels que soient la demeure ou le domicile de ceux-ci.
« La compétence, quant au lieu, est fixée par la situation de la fabrique, et pour les ouvriers travaillant à domicile par l'endroit où ils exercent leur industrie ou leur métier. »
M. le président. - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose au premier paragraphe la suppression des mots « dans les limites de leur ressort respectifs et quels que soient la demeure ou le domicile de ceux-ci. »
Au premier vote en a retranché les mots : « soit entre ouvriers et apprentis » et plus loin « ou apprentis. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est entendu que les apprentis sont compris dans les ouvriers.
M. le président. - C'est ainsi que la suppression du mot « apprentis » a été expliquée.
(page 924) Au deuxième paragraphe, M. Janssens a proposé de substituer aux mots : « l'endroit où ils exercent leur industrie ou leur métier », ceux-ci : « l'endroit où ils remettent habituellement le produit de leur travail. »
M. Janssens. - J'ai fait remarquer, en proposant ce changement de rédaction, que souvent il se présenterait que des ouvriers attachés à une fabrique située dans un rayon de quelques lieues pourraient entrer dans la compétence d'un autre conseil que celui du lieu où ils prennent la matière première et apportent leur ouvrage ; ce qui présenterait des inconvénients. C'est pour les prévenir que j'ai proposé la modification que M. le président vient de vous faire connaître.
M. Allard. - J'appuie l'amendement proposé, je vais citer quelques exemples qui en démontreront l'utilité.
Les tisserands ne travaillent pas dans une fabrique, mais chez eux ; je suppose des ouvriers habitant Mouscron et allait chercher de l'ouvrage à Tournai, ils ne rapportent pas leur ouvrage ou le maître a des difficultés avec ses ouvriers ; le maître serait justiciable du conseil des prud'hommes de Courtrai ; c'est devant le conseil des prud'hommes de Tournai qu’il doit aller.
Mais, dit-on, un ouvrier peut recevoir de l'ouvrage de plusieurs fabricants : eh bien, il sera justiciable des conseils de prud'hommes dans le ressort desquels se trouveront situées les fabriques pour lesquelles il travaille.
Le manouvrier peut travailler pour Courtrai et pour Tournai, il sera justiciable des conseils de prud'hommes de Courtrai et de Tournai. Un fabricant ne peut pas être obligé de se rendre devant un conseil de prud'hommes d'un autre arrondissement, voire même d'une autre province que celle où il a son domicile. S'il en était autrement, on ne voudrait pas de vos conseils de prud'hommes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le principe de l’article 38 est que l'ouvrier soit justiciable du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel il travaille ; s'il travaille en fabrique, il est nécessairement justiciable du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel se trouve la fabrique. Nous ne voulons pas qu'il soit forcé à des déplacements pour venir soutenir nue contestation avec un entrepreneur qui demeure à 40 lieues peut être de son domicile.
Nous avons à Bruxelles des industriels qui font travailler des ouvriers dans les Flandres ; qu'il s'élève une contestation de quelques francs entre l'entrepreneur et un ouvrier, si l'ouvrier peut se présenter devant le conseil de prud'hommes de sa circonscription, il fera valoir ses droits ; mais si vous le forcez à venir à Bruxelles, il sera privé de toute espèce de recours vis-à-vis de son patron.
Le patron n'aurait pas à se déplacer si la contestation était portée devant le conseil de prud'hommes du ressort où réside l'ouvrier, car il a des agents qui le représenteront suffisamment. Il faut donc consacrer le principe que l'endroit où travaille l'ouvrier détermine le ressort du conseil devant lequel il doit se présenter. Sous ce rapport, je crois devoir maintenir la rédaction du gouvernement.
M. Manilius. - Je crois aussi qu'il n'est guère possible de faire comparaître l'ouvrier à une trop grande distance de l'endroit où il travaille. Mais je ne pense pas qu'à de rares exceptions près, cela soit à craindre ; quand il travaille pour un entrepreneur éloigné, il est sous la surveillance d’un agent qui donne la matière première et reçoit la marchandise fabriquée ; c’est à lui seul qu'il a affaire.
On pourrait restreindre l'amendement proposé et dire qu'il est justiciable du conseil du ressort dans lequel est situé le domicile du patron ou de son agent. C'est là, ce me semble, le moyen de tout concilier.
M. Janssens. - Je comprends parfaitement qu'on ne veuille pas obliger l'ouvrier à de grands déplacements pour défendre ses droits ; mais cet inconvénient n'est pas à craindre par mon amendement. Quand un fabricant donne de l'ouvrage à une grande distance il a, dans les localités où se trouvent ses ouvriers, un bureau, tenu par un agent, et c'est l'emplacement de ce bureau qui déterminera la compétence.
Je pense que mon amendement est conçu autant dans l'intérêt des ouvriers que dans celui des maîtres Je citerai un exemple qui le prouvera. Je suppose des ouvriers de Waesmunster, travaillant pour un fabricant de St-Nicolas.
Ces ouvriers vont à Saint-Nicolas prendre les matières à tisser, et, c'est à Saint-Nicolas qu'ils rapportent le produit de leur travail ; à cette occasion une contestation s'élève, et, d'après la rédaction qu'on vous propose de sanctionner, le fabricant et l'ouvrier devraient se rendre à Termonde pour faire vider leur différend ; c'est évidemment, messieurs, rendre difficile le recours à l'intervention des prud'hommes.
M. David. - Je ne puis pas admettre l'amendement de l'honorable M. Janssens.
Il me semble que l'ouvrier doit être justiciable du conseil qu'il peut avoir contribua à élire Or, comme il est électeur dans la circonscription où il a son domicile, il ne faut point qu'il puisse être rendu justiciable d'une autre juridiction.
M. Lelièvre. - Je crois devoir aussi appuyer la rédaction du gouvernement, parce que l'amendement de M. Janssens est contraire au droit commun.
Il est évident que d'après les principes généraux l'ouvrier doit ressortir au tribunal de son domicile. Or, nous devons maintenir le droit commun, quand il n'existe pas une raison grave de dérogation, motif qui n'existe pas dans l'espèce.
- L’amendement de M. Janssens est mis aux voix et rejeté.
L'article, tel qu'il a été adopté au premier vote, est définitivement adopté.
M. le président. - Nous passons à l'article 39. Cet article est très long. On propose de le diviser en trois articles, comme suit :
« Art. 39. Sans préjudice des poursuites devant les tribunaux ordinaires, les conseils de prud'hommes pourront réprimer, par voie disciplinaire, tout acte d'infidélité et tout fait tendant à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier.
« La peine ne pourra excéder vingt-cinq francs d'amende. »
- Cet article est adopté.
« Art. 39bis. En condamnant à l'amende, les conseils de prud'hommes ordonneront qu'à défaut de payement dans la quinzaine, elle soit remplacée par la mise aux arrêts pendant un temps qui ne pourra excéder trois jours, sans qu'il soit nécessaire de signification des sentences contradictoires ni de mise en demeure.
« Le gouvernement déterminera le mode d'exécution des arrêts, de manière à ce qu'ils soient subis dans des locaux spéciaux.
« Le condamné peut toujours se libérer en payant l'amende. »
M. le président. - M. Lelièvre propose par amendement d'intercaler après les mots : « dans la quinzaine, » ceux-ci : « à dater du jugement s'il est contradictoire et de sa signification s'il est par défaut, etc. »
M. Lelièvre est admis à développer cet amendement.
M. Lelièvre. - Mon amendement se justifie facilement. Le délai de quinzaine ne peut courir qu'à dater de la signification du jugement, si celui-là est par défaut. En conséquence, l'addition est nécessaire. Il n'est pas possible que le délai pour l'exécution du jugement ou le payement de l'amende puisse courir avant la signification du jugement par défaut et même s'accomplir avant que le jugement soit passé en force de chose jugée.
II est donc essentiel d'adopter mon amendement, qui seul conserve l'harmonie entre les différentes dispositions. D'ailleurs, plusieurs lois contiennent l’énonciation que je formule en ce moment ; il en est ainsi de la loi de 1846 sur la chasse, du Code forestier et de beaucoup d'autres.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Nous sommes d'accord.
« Art. 39ter. L'appel des sentences qui prononceront l'amende, sera porté devant le tribunal civil de première instance de l'arrondissement du siège du conseil de prud'hommes. Il devra être formé, sous peine de déchéance, par une déclaration faite au greffe du conseil, dans le délai de huit jours à dater de la prononciation, ou de la signification du jugement s'il est par défaut. Il sera signifié au procureur du roi. »
M. le président. - M. Lelièvre propose par amendement de supprimer les mots : « il sera signifié au procureur du roi », si le second alinéa est maintenu et d'ajouter un paragraphe final ainsi conçu : « La personne condamnée par défaut par le conseil de prud'hommes pourra s'opposer à l'exécution du jugement par déclaration au bas de l'acte de signification ou par déclaration faite au greffe du conseil, dans les trois jours de la signification.
« L'opposition emportera de droit citation à la première audience. Elle sera non avenue si l'opposant n'y comparaît pas et le jugement que le conseil aura rendu sur l'opposition ne pourra être allégué par la partie qui l'aura formée, si ce n'est par appel, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. »
M. Lelièvre. - Mon amendement a pour objet de donner au condamné le droit d'opposition aux jugements par défaut. Effectivement, l'opposition est de droit commun et l'appel n'est jamais admis que subsidiairement, c'est-à-dire lorsque les voies ordinaires, notamment celles d'opposition, sont épuisées. Il me paraît essentiel de maintenir le principe qui est favorable au condamné, et lui permet de se présenter devant le conseil de prud'homme. Ce conseil, mieux informé, après avoir entendu la défense de l'inculpé, pourra réformer sa sentence, ce qui dispensera le prévenu de recourir à l'appel. Or, cette mesure, qui protège les intérêts des condamnés, doit d'autant plus être admise, qu’elle est conforme au droit commun.
Du reste, les formalités que je propose sont celles tracées par le Code d'instruction criminelle.
M. le président. - M. Savart propose de substituer dans le premier paragraphe mots « sans qu'il soit nécessaire » par ceux-ci : « sans qu'il soit besoin. »
M. Savart est admis à développer cet amendement.
M. Savart. - Il s'agit tout bonnement d'une substitution de mots qui ne me paraît pas avoir besoin de justification.
- L'amendement de M. Savart et adopté.
L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix ; il est aussi-adopte.
L'article 42, modifié au premier vote, est définitivement adopté.
M. le président. - Le gouvernement propose de placer entre les articles 43 et 44, et comme article spécial, le troisième paragraphe de l'article 82 ainsi conçu :
« Le conseil de prud'homales, en cas d'absence ou d'empêchement du mari ou du tuteur, peut autoriser la femme mariée ou le mineur ester en justice. »
- Cette proposition est adoptée.
(page 925) M. le président. - L'article 44 n'a pas été amendé ; mais on propose d'en supprimer les mots : « et en ce qui concerne », et de dire : « les dispositions qui régissent actuellement les attributions des conseils de prud'hommes sur les livrets d'ouvriers, les marques et les dessins de fabrique, demeureront en vigueur jusqu'à ce qu'il soit autrement statué. »
- L'article ainsi modifié est adopté.
Les articles 48, 49, 53, 54, 63, 65, 67 et 71, modifiés au premier vote, sont définitivement adoptés.
M. le président. - L'article 73 étant très long, on propose de le diviser comme suit :
« Art. 73. Les sentences prononcées par le conseil de prud'hommes sont signifiées à la partie qui a succombé. Les expéditions des sentences sont revêtues de la forme exécutoire.
« Ces jugements peuvent être mis à exécution vingt-quatre heures après la signification. »
« Art. 73 bis. Ne sera pas recevable l'appel des jugements mal à propos qualifiés en premier ressort, ou qui, étant en dernier ressort, n'auraient pas été qualifiés. Seront sujets à l'appel les jugements qualifiés en dernier ressort, s'ils ont statué, soit sur des questions de compétence, soit sur des matières dont le conseil de prud'hommes ne pouvait connaître qu'en premier ressort. Néanmoins, si le conseil s'est déclaré compétent, l'appel ne pourra être interjeté qu'après la décision définitive et conjointement avec l'appel de ce jugement.
« L'appel des jugements des conseils de prud'hommes ne sera pas recevable après les quarante jours qui suivront la signification. »
M. le président. - M. Savart propose d'ajouter au dernier paragraphe une disposition ainsi conçue :
« Les conseils de prud'hommes ne connaîtront pas de l'exécution de leurs jugements. »
M. Savart. - Je puise la raison d'être de mon amendement dans la définition même que l'honorable rapporteur nous a donnée des conseils de prud'hommes. Il nous a dit que c'étaient des tribunaux de commerce au premier rang. Or, il est écrit dans l'article 442 du Code de procédure civile que les tribunaux de commerce au second rang, que les véritables tribunaux consulaires ne connaissent pas de l'exécution de leurs jugements. Il me paraît, et cela n'est pas douteux, que la même règle doit s'appliquer aux conseils de prud'hommes.
Messieurs, peut-être adopterez-vous mon amendement, et en cela vous ferez quelque chose de régulier Si vous rejetez mon amendement, parce que la chose est tellement évidente qu'il ne peut en être autrement, encore sa présentation aura eu cette utilité de provoquer des explications qui dissiperont tout doute ultérieur.
Je n'aurais pas proposé mon amendement si vous vous étiez bornés à dire que les règles à suivre devant les conseils de prud'hommes seront celles qui sont appliquées devant les tribunaux de commerce.
Mais puisque vous avez rappelé toutes les règles de procédure qui seraient observées devant les conseils de prud'hommes, si vous ne rappelez pas celle, qui s'applique aux tribunaux de commerce, il serait à craindre qu'on ne vînt soutenir plus tard que cette prohibition ne concerne pas les conseils de prud'hommes.
On comprend du reste que les conseils de prud'hommes ne peuvent pas connaître de l'exécution de leurs jugements.
Je suppose, par exemple, qu'à l'occasion d'une saisie faite en vertu d'un jugement du conseil de prud’hommes, on soutienne d'un côté la validité, de l'autre, la nullité de la saisie, il est bien certain que cette contestation doit être portée devant le juge civil. Il en serait de même si on voulait mettre un homme en prison dans un local autre que celui qui aurait été désigné par le gouvernement
Je demande donc que mou amendement soit admis ou du moins que le gouvernement explique les motifs qu'il y aurait de ne pas l'admettre. Je crois que l'amendement ne peut jamais être nuisible.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je crois, messieurs, qu'il n'y a pas d'inconvénient à adopter l’amendement ; il ne fait que rappeler un principe de droit qui est général et absolu.
Je ferai une observation concernant la rédaction de l'article 73. Il est dit à la fin du troisième paragraphe : « Néanmoins si le conseil s'est déclaré compétent, l'appel ne pourra être interjeté qu'après la décision définitive et conjointement avec l'appel de jugement. » Je proposerai de substituer le mot jugement à celui de décision.
M. Lelièvre. - Pour moi, messieurs, je considère l'amendement de M. Savart comme inutile. Aucune juridiction exceptionnelle ne connaît de l'exécution de ses jugements.
Or, la juridiction des prud’hommes en exceptionnelle, dès lors elle ne peut connaître de l'exécution de ses jugements.
C'est là un principe généralement reçu. Ainsi les juges de paix, les juges correctionnels sont dans le cas prévu par l'amendement. Il me paraît absolument inutile d’inscrire dans la loi une règle qui n'est que la consécration des principes généraux du droit ; il ne peut s'élever aucun doute sur ce point.
M. Savart. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à répondre ; ce que je propose de dire pour le conseil de prud'hommes, on l'a dit pour le tribunal de commerce.
Du reste, après les explications qui ont été données, je n'insiste pas.
- L'article est mis aux voix avec la substitution du mot jugement au mot décision. Il sera divisé en deux articles dont le premier comprendra les deux premiers paragraphes.
« Art. 74. Les sentences qui ne sont pas définitives ne sont point expédiées quand elles ont été rendues contradictoirement et prononcées en présence des parties.
« Dans le cas où la sentence, prononcée comme il est dit ci-dessus, ordonnera une opération à laquelle les parties devront assister, elle in diquera le lieu, le jour et l'heure, et la prononciation vaudra citation.
« Si le jugement ordonne une opération par des gens de l'art, le président du conseil de prud'hommes délivrera à la partie requérante cédule de citation pour appeler les experts si ceux-ci refusent de comparaître volontairement ; cette cédule fera mention du lieu, du jour et de l'heure, et contiendra le fait, les motifs et la disposition du jugement relatif à l'opération ordonnée.
Si le jugement ordonne une enquête, la cédule de citation fera mention de la date du jugement, du lieu, du jour et de l'heure.
- Définitivement adopté.
M. le président. - Ici viendrait un article composé des deux premiers paragraphes de l'article 82 qui sont ainsi conçus :
« Toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
« Peuvent néanmoins les dépens être compensés, en tout ou en partie, entre ascendants, descendants, frères et sœurs ou alliés au même degré ; les prud'hommes peuvent aussi compenser les dépens, en tout ou en partie, si les parties succombent respectivement sur quelques chefs. »
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je proposerai de rédiger le deuxième paragraphe de la manière suivante :
« Peuvent néanmoins les dépens être compensés, en tout ou en partie entre ascendants, descendants, frères et sœurs ou alliés au même degré, ou entre parties succombant respectivement sur quelques chefs. »
- L'article est adopté avec cette modification.
M. le président. - Les dispositions de l'article 75 ont été reportées en partie à l'article 28 et en partie à l'article 25.
M. le président. - Quant aux articles 76 à 81, on propose de les classer dans l'ordre suivant : 78, 79, 76, 77, 80 et 81.
« Art. 78. Sont exemptés des formalités et droits de timbre et d'enregistrement, les actes, jugements et autres pièces relatifs aux poursuites et actions devant les conseils de prud'hommes exclusivement, ainsi que les registres tenus par les prud'hommes et les extraits ou certificats desdits registres qui peuvent être délivrés par eux aux intéressés.
« Ces actes et pièces quelconques sont pareillement exemptés des formalités de l'enregistrement, excepté les citations, jugements et certificats, lesquels sont enregistrés gratis. »
- L'article 78 est mis aux voix et définitivement adopté, avec l'addition, proposée par M. le rapporteur, des mots : « des droits » avant le mot « enregistrement » dansl le premier paragraphe.
M. le président. - Viennent maintenant, dans l'ordre des numéros, les articles 79, 76 et 77. Les articles 79 et 76 n'ont pas été amendés.
« Art. 77. Il est alloué au greffier un traitement annuel à fixer par l'arrêté qui institue le conseil de prud'hommes.
« Ce traitement est à la charge de l'Etat.
« Les frais de papier, de registres et d'écritures, ainsi que les menus frais de bureau, sont supportés par le greffier. »
On a supprimé au premier vote dans le premier paragraphe les mots : et au commis greffier.
- L'article 77 est définitivement adopté, avec la suppression des mots indiqués ci-dessus et avec la substitution du mot « indemnité » au mot « traitement » dans les deux premiers paragraphes de l'article, substitution proposée par M. le ministre de l’intérieur.
Les amendements introduits lors du premier vote dans les articles 80 et 82 sont confirmés.
L'article 88, amendé lors du premier vote, est définitivement adopté dans les termes suivants :
« Art. 88 Sont maintenus et seront réorganisés conformément à la présente loi, les conseils de prud’hommes actuellement existants à Bruges, Gand, Courtrai, Ypres, Roulers, Alost, Lokeren, Renaix, Saint-Nicolas, Termonde, Anvers, Dour et Pâturages. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
75 membres sont présents.
52 répondent oui.
20 répondent non.
3 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat
(page 926) Ont répondu oui : MM. Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Lesoinne, Manilius-, Mascart, Moreau, Muller, Orban, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Renynghe, Wala, Coppieters 't Wallant, David, de Bast, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de Lexhy, Deliége, de Muelenaere, de Paul, de Perceval, Desmaisières, de Terbecq, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Goblet, Godin et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Janssens, Julliot, Moncheur, Notelteirs, Orts, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, de Baillet-Latour, de Bronckart, de la Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren et d'Ursel.
Se sont abstenus : MM. J. Lebeau, Pirson et Vermeire.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. J. Lebeau. - Messieurs, il y a dans la loi actuelle un grand nombre de dispositions qui me paraissent excellentes ; mais il y en a d'autres, et ce ne sont pas les moins importantes à mes yeux, qui me paraissent renfermer quelque danger. Je veux parler du système électoral. Toutefois l'expérience seule peut nous éclairer sur la portée de ces dernières dispositions.
Dans cette situation, j'ai cru devoir m'abstenir.
M. Pirson. - Messieurs, comme l'honorable M. Lebeau, je suis partisan en principe de l'institution des conseils de prud'hommes dont l'utilité est incontestable dans certaines localités ; je n'ai pas pu dès lors voter contre ; mais le projet renferme des dispositions qui, dans la pratique, peuvent donner lieu à de grands inconvénients ; c'est cette partie du projet qui m'empêche de voter pour.
M. Vermeire. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. de Boe. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- Impression, distribution, et mise à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 5 heures.