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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 24 mars 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 544) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces approuvées à la chambre

M. Crombez communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Seghers, combattant de la révolution, demande la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Laforêt demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires. »

« Par trois pétitions, des habitants de Frasnes, Gossoncourt et Braives font la même demande. »

- Même renvoi avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil de prud'hommes d'Ypres présente des observations relatives au projet de loi sur les conseils de prud'hommes. »

- Renvoi à la section centrale qui' sera chargée de l'examen du projet de loi.


« Le sieur Nicolas Leyden, hôtelier à Virton, né à Saeul (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Pinget demande l'abrogation de la loi sur la milice. •

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Il est fait hommage à la Chambre, par le docteur Willems, de 108 exemplaires d'une nouvelle brochure qu'il vient de publier sur l'inoculation de la pleuropneumonie et les travaux officiels concernant cet objet »

- Distribution aux membres de la Chambre.


M. de Naeyer. (pour une motion d’ordre). - Il s'est glissé dans les Annales parlementaires (séance du 23 mars 1858) une erreur dont je crois devoir demander la rectification en séance publique, parce qu'elle porte sur des points assez essentiels.

On me fait dire à la page 538, paragraphe 9, que « je m'associe complètement à l'opinion de M. Wellens dont l'honorable M. Wolters a accepté l'autorité. »

Pour que les positions soient bien nettes, voici la vérité.

Je n'ai aucun motif quelconque de croire que M. Wolters aurait accepté l'autorité de M. Wellens. En second lieu, je ne puis m'associer en aucune façon à l'opinion de M. Wellens, opinion qui ne m'est connue que par pièces et morceaux, c'est-à-dire par les quelques citations qui ont été faites à la fin de la dernière séance.

En troisième lieu, je crois devoir me rallier à l'opinion de M. Wolters, parce que je dois supposer que cet ingénieur, ayant consacré vingt à trente ans de sa vie à l'étude de la situation hydraulique des Flandres, n'admet la canalisation de la Dendre qu'avec les travaux et dépenses complémentaires qui sont indispensables pour sauvegarder les intérêts et les droits du territoire en aval ; travaux et dépenses qui grandissent en importance suivant l'importance qu'on donne à la navigation. Il y a quelques autres erreurs moins importantes, que j'indiquerai dans un erratum.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice xxxx

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IIII. Mines

Article 46

« Art. 46. Personnel du conseil des mines. Traitements : fr. 42,100. »

M. Lelièvre. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une question que j'ai déjà signalée au gouvernement.

Aux termes de la loi du 2 mai 1837, le gouvernement ne peut accorder des concessions de mines que sur l'avis conforme du conseil des mines.

Il résulte de cette disposition, qu'il peut s'élever, entre le conseil des mines et le département des travaux publics, un véritable confit, dont la conséquence serait de laisser enfouies des richesses minérales d'une valeur considérable.

Je pense qu'il devrait exister une autorité, appelée en ce cas à statuer sur le débat.

II n'est pas possible qu'un simple avis du conseil des mines ait pour résultat de rendre une mine inexploitable, par le seul motif que ce corps serait en dissentiment avec le gouvernement, relativement aux individus qui doivent avoir la préférence au sujet de la concession.

Je prie M. le ministre de bien vouloir examiner cette question, qui s'est déjà produite, et qu'il serait convenable de résoudre, de manière à sauvegarder les intérêts importants engagés en semblable matière.

Il me semble qu'une autorité, par exemple la cour de cassation, devrait être appelée à prononcer définitivement.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, les attributions du conseil des mines sont déterminées par la loi. Les choses sont ainsi que les a présentée l'honorable M. Lelièvre, c'est-à-dire que les concessions sont soumises à l'avis du conseil des mines et que le gouvernement ne peut pas accorder la concession d'une mine contre l'avis du conseil. Si l'avis du conseil est favorable à la concession, le ministre a le droit d'apposer son veto et de laisser cet avis sans suite. Mais à cela se borne l'action du gouvernement.

Lorsqu'on a réglé la législation sur la matière, on a voulu que les choses fussent ainsi. S'il y avait des inconvénients à l'état actuel des choses, il y aurait lieu de faire une proposition. Mais ce n'est pas incidemment à l'occasion du budget que je puis prendre aucune espèce d'engagement à cet égard.

M. Lelièvre. - Je connais parfaitement que, sous notre régime actuel, la législation dont parle M. le ministre est bien celle qui est en vigueur. Mais c'est cet ordre de choses que je veux innover, parce qu'il me paraît vicieux et pouvoir donner lieu à de graves inconvénients. A mon avis, il doit exister une autorité qui soit appelée à vider le conflit qui peut s'élever entre le conseil des mines et le gouvernement. C'est sur cette question que j'appelle l'attention du gouvernement.

M. B. Dumortier. - La question qu'agite l'honorable membre a été vivement et longuement discutée dans cette enceinte, lors de la création du conseil des mines, et ce n'est pas sans de graves motifs qu'on l'a résolue dans le sens de la loi.

En effet, il est excessivement important que nous ne voyions pas, en Belgique, faire à l'aide des mines qui se trouvent sous le sol des actes de générosité ministérielle, comme cela s'est fait dans certains pays. C'est pour cela que la loi a stipulé que le ministre ne pouvait accorder de concessions sans l'avis conforme du conseil des mines. C'est une disposition excellente, une disposition qui fait honneur au pays et qui n'a pas permis qu'à aucune époque, ou pût élever, à cet égard, le moindre soupçon contre le gouvernement.

Je maintiens donc que cette disposition est excellente, et qu'il n'y a pas lieu d'en revenir. Je reconnais qu'il peut y avoir des conflits entre le consul des mines et le gouvernement ; le gouvernement peut être d'un avis, le conseil des mines d'un avis opposé, quant à la personne qui a droit à la concession ; mais qu'arrive-t-il alors ? C'est qu'on ne donne pas la concession. Or, cela ne cause aucun préjudice à l’État ; mais ce qui causerait un grand préjudice à l’État, ce serait que le gouvernement pût donner des concessions de richesses minérales par favoritisme. Il importe de conserver à la Belgique la dignité, la pureté, l'honorabilité qui ont toujours fait sa force vis à-vis des pays étrangers, et c'est pour cela qu'il n'y a pas lieu d'apporter à la toi la modification que réclame l'honorable membre.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 47 à 50

« Art. 47. Personnel du conseil des mines. Frais de route : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 48 Personnel du conseil des mines. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 49. Subside aux caisses de prévoyance et récompenses aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 50. Impressions, achats de livres, de cartes et d'instruments ; publication de documents statistiques, encouragements et subventions, essais et expériences : fr. 7,000. »

- Adopté.

Article 51

« Art. 51. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines et salaires des expéditionnaires employés par les ingénieurs : fr. 146,000. »

M. Ch. Lebeau. - Je désire, messieurs, appeler l'attention du gouvernement sur la position du personnel de l'administration des mines ; ce personnel, messieurs, est peu nombreux ; il ne se compose que de 46 fonctionnaires en tout : 2 ingénieurs en chef, 6 ingénieurs (page 545) de district, 8 ingénieurs de troisième classe et 30 sous-ingénieurs. Comme vous le voyez, messieurs, il y a peu d'emplois supérieurs et beaucoup d'emplois subalternes. C'est assez dire que l'avancement n'est pas rapide.

Ce ne serait rien si ces fonctionnaires jouissaient d'un traitement qui leur permit de vivre. Mais il n'en est pas ainsi, car depuis les ingénieurs en chef jusqu'aux sous-ingénieurs, les traitements sont insuffisants ; ils ne sont pas en rapport avec les services que les fonctionnaires rendent à l’État, avec les dangers qu'ils courent ni avec le rang qu'ils doivent occuper dans la société ; ils ne sont pas en rapport surtout avec les traitements ou plutôt avec les salaires qu'ils pourraient obtenir dans l’industrie privée.

Aussi, messieurs, voyons-nous à chaque instant des fonctionnaires des mines abandonner leur emploi pour entrer dans les établissements particuliers.

C'est à ce point qu'aujourd'hui le personnel n'est plus complet, et je pense qu'il sera difficile au gouvernement de pouvoir le compléter. Ce n'est pas avec un traitement de 1,600 fr. par exemple qu'un sous-ingénieur de troisième classe peut suffire à ses besoins, alors surtout que, d'après les arrêtés organiques, ils ne peuvent ni faire le commerce, ni occuper aucune fonction salariée, ni se charger d'aucune direction ou administration.

En présence de cette interdiction, il serait tout naturel que le gouvernement accordât à ces fonctionnaires un traitement au moyen duquel ils puissent vivre, d'autant plus que dans les localités industrielles la vie animale est très chère.

J'espère que le gouvernement aura égard aux observations que je viens d'avoir l'honneur de présenter et que dans le prochain budget ou plutôt par des arrêtés réglementaires il augmentera les traitements du personnel du corps des mines.

M. Allard. - Le fait que vient de signaler l'honorable M. Lebeau est également à ma connaissance. Il est certain que le gouvernement ne sait plus trouver d'officiers des mines, il y a eu depuis 3 ans dans la province de Hainaut 27 mutations, sur un personnel de 20 fonctionnaires. Quatorze ont quitté l'administration pour entrer dans des établissements particuliers, et le gouvernement n'a pu les remplacer que par treize.

Or, messieurs, il faut remédier à cet état de choses dans l'intérêt, non pas des exploitants, comme le disait tout à l'heure un honorable voisin, mais dans l’intérêt de la sûreté des 100,000 ouvriers mineurs, que nous avons dans le pays, de la sûreté publique, des besoins des consommateurs et du bon aménagement des mines ; car vous, ne l'ignorez pas, messieurs, les officiers des mines doivent faire exploiter les mines jusqu'à ce qu'elles soient épuisées. Il n'est pas permis aux exploitants d'abandonner l'exploitation de telle ou telle bure, lorsque cette bure ne leur rapporte pas assez, ou que même elle est onéreuse. Ce sont les officiers des mines qui surveillent les exploitants, et c'est dans l'intérêt de nos 100,000 ouvriers mineurs, je le répète, et non dans celui des exploitants, que j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la grande difficulté que rencontre depuis quelque temps le recrutement du corps des mines.

M. Rodenbach. - Je m'associe aux efforts que l'on fait, dans l'intérêt des officiers des mines, ainsi que des 100,000 ouvriers mineurs que nous possédons ; à ce point de vue, il est désirable qu'on puisse augmenter le traitement des membres du corps des mines. Il me semble, messieurs, qu'on pourrait combiner cette augmentation avec une majoration de la redevance des mines. En effet, cette redevance, telle qu'elle est fixée aujourd'hui, n'est pas considérable à proportion des centaines de millions que l'industrie des mines comporte. Il a déjà été question dans cette enceinte, il y a quelques années, d'une augmentation sur cet article du budget des voies et moyens.

Je recommande à M. le ministre des travaux publics d'examiner simultanément les deux questions.

M. d'Hoffschmidt. - Je m'associe aux observations que vous ont présentées les honorables MM. Ch. Lebeau et Allard.

Il est certain que le corps des mines est un des plus mal payés de la Belgique. Les sous-ingénieurs de troisième, de deuxième et de première classe, par exemple, ont respectivement 1,000, 2,000 et 2,400 francs. On attend longtemps la position de sous-ingénieur de première classe ; cette position exige beaucoup de capacité et donne beaucoup de besogne. Arrivé là, on doit quelquefois attendre pendant dix ans avant d'obtenir le grade d'ingénieur de troisième classe, et savez-vous ce qu'on obtient dans cette nouvelle position ? Une augmentation de 200 francs.

Il est clair que lorsqu'un ingénieur trouve à se placer ailleurs plus avantageusement, il saisit l'occasion avec empressement.

Je serais donc heureux de voir le gouvernement ne pas oublier les officiers des mines, quand les finances de l’État permettront de s'occuper de l'amélioration du sort d'un certain nombre de fonctionnaires publics.

M. Moncheur. - Messieurs, je pense aussi qu'on doit améliorer la position des ingénieurs des mines ; car, dans l'état actuel des choses, les bons sujets trouvent à se placer d'une manière plus avantageuse dans l’industrie particulière que dans le génie des mines. Mais je ferai remarquer à M. Rodenbach qu'on peut facilement améliorer la position des officiers des mines sur le fonds spécial provenant des redevances des mines, et je puis rassurer complètement l'honorable membre sous ce rapport, car il n'est pas exact de dire, comme il l'a dit, que les redevances des mines ne produisent presque rien. Les redevances des mines qui, aux termes de la loi, sont uniquement destinées à payer les dépenses relatives à l'administration des mines, rapportent une somme presque double de celle qu'exige ce service ; il sera donc très facile de prendre sur cette somme celle qui serait nécessaire pour améliorer la position des fonctionnaires de cette administration, et le trésor public profitera encore d'un excédant considérable.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Ce n'est pas moi, messieurs, qui viendrai contester ce qu'ont dit les honorables préopinants de l'insuffisance des traitements des officiers des mines.

Mais, messieurs, quel que soit le chiffre auquel il soit possible de porter ces traitements, l'inconvénient qu'on signale et qui consiste en ce que l'industrie attire à elle les officiers des mines qui lui conviennent, cet inconvénient subsistera toujours, car jamais l'administration ne pourra offrir à ces fonctionnaires des traitements de nature à arrêter ces désertions.

Si les traitements des officiers des mines sont particulièrement insuffisants, il en est de même pour d'autres fonctionnaires de l’État ; c'est là ce qui rend l'application du remède si difficile. Je puis me joindre aux orateurs que vous avez entendus pour reconnaître le mal, mais je ne sais si ces honorables membres seraient disposés à appliquer le remède tel qu'il doit l'être, c'est-à dire d'une manière générale.

On a dit que le corps des mines était désorganisé ; c'est une erreur. Nous avons regretté le départ d'officiers capables, mais le corps n'en a pas été désorganisé pour cela ; le quatorzième ingénieur qu'on a signalé comme manquant vient d'être nommé ; sans doute ce sont des agents expérimentés qui partent pour faire place à des agents nouveaux, et le service en souffre quelque peu ; c'est un mal de la situation auquel nous tâcherons de porter remède.

- L'article 51 est mis aux voix et adopté.

Article 52

« Art. 52. Frais des jurys d'examen et des conseils de perfectionnement ; missions des élèves ingénieurs de l'école spéciale des mines : fr. 6,000. »

- Adopté.

Articles 53 à 56

« Art. 53. Commission des procédés nouveaux. Frais de route et de séjour : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 54. Commission des procédés nouveaux. Matériel, achats de réactifs, d'appareils, etc. : fr. 1,400. »

- Adopté.


« Art. 55. Commission des annales des travaux publics. Frais de route et de séjour : fr. 1,100. »

- Adopté.


« Art. 56. Commission des annales des travaux publics. Publication du recueil, frais de bureau, etc. : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Chemin de fer. Postes. Télégraphes. Régie. Services d'exécution

Discussion générale

M. Vermeire. - La discussion du chapitre IV du budget des travaux publics, relatif à l'exploitation du chemin de fer, me fournit l'occasion d'examiner les améliorations dont, d'après moi, ce servie î' public est encore susceptible.

Lorsque nous consultons le compte commercial de l'exploitation du chemin de fer, nous sommes surtout frappés de ce fait : que le chemin de fer qui, depuis 1837 à 1855, a laissé des déficits assez considérables, s'est relevé de telle sorte que, pour les exercices de 1854 et de 1855, il a présenté un excédant de produits sur les dépenses, et que, pour celui de 1856, une situation inverse s'est de nouveau présentée.

Je dois cependant faire remarquer, messieurs, que la comptabilité commerciale appliquée à l'exploitation du chemin de fer est très rigoureuse, en ce sens qu'elle porte au débit du compte d'exploitation les capitaux afférents à l'amortissement du capital emprunté pour la construction du réseau national et néglige d'inscrire au crédit toutes les sommes que l'exploitation devrait recevoir du chef de transports gratuits, de transports à prix réduit, et du transport des dépêches de la poste, de quelques autres encore.

Je viens de dire, messieurs, que de 1837 à 1855 le déficit a été assez considérable. En 1854, le bon, en tenant compte de tous les éléments de dépense que je viens de citer, était de 1,651,552 francs ; en 1855 il dépassait déjà 2,100,000 francs, et en 1856, nonobstant la recette extraordinaire qui a été perçue à l'occasion des fêtes de juillet, lesquelles ont eu pour résultat une augmentation de transport de plus de 4,500,000 voyageurs, il y a eu, de nouveau, un déficit que le compte rendu publié par le gouvernement, évalué à 202,234 francs 38 cent. En voici le décompte (Note du webmaster : ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée)

Le gouvernement attribue ce déficit : 1° à l'extension des voies mises en exploitation durant le cours de cette année ; 2° aux résultats défavorables donnés par le chemin de fer de Dendre-et-Waes ; 3° à la concurrence de lignes particulières.

Est-ce à dire, messieurs, que l'exploitation du chemin de fer, en présentant un résultat si fâcheux pour ce dernier exercice, laisse à désirer ? Je ne le pense pas ; car en comparant les produits d'un chemin de fer belge aux produits d'un autre chemin de fer, on tombe, ce me semble, dans une erreur d'autant plus profonde, que les conditions d'exploitation diffèrent davantage. C'est ainsi que nous avons entendu souvent comparer les produits du railway belge aux produits du chemin de fer du Nord en France. Mais on oublie que le réseau belge s'exploite dans des conditions toutes différentes que cette ligne privilégiée qui a pour aboutissants de grands centres de population et d'affaires. En effet, messieurs, si nous divisons le réseau exploité par l’État, nous trouvons les mômes différences dans les produits partiels. C'est ainsi que la ligne du Nord, de Bruxelles à Anvers, qui n'a qu'un développement de 80 kilomètres, produit au-delà de 5,800,000 fr. ; que celle du Midi, dont la longueur est de 163 kilomètres, produit 6 millions seulement ; que celle de l'Ouest, dont l'étendue est de 344 kilomètres, ne produit que 4,250,000 fr. ; et enfin que celle de l'Est produit 3,600,000 fr., c'est à-dire que le produit kilométrique, non compris la recette faite pour le service international, varie de 105,000 à 11,000 fr. par kilomètre.

En présence du résultat défavorable que nous remarquons pour l'exploitation de la dernière année, il me semble qu'il est temps de prendre des mesures pour que les recettes du chemin de fer de l’État se relèvent. Car si le déficit devait continuer, il est certain que nous nous trouverions de nouveau en présence de cette triste éventualité : où de voir remettre en question l'exploitation du chemin de fer par l’État, ou de de voir abandonner celle-ci en faveur des compagnie particulières.

J'ai beaucoup réfléchi à un mode de tarification qui me paraît de nature à donner de bons résultats : celui d'appliquer des péages aux distances prises à vol d'oiseau. L'honorable M. Manilius en a déjà parlé dans une séance précédente. Il me semble que l'on pourrait combiner des tarifs plus simples que les tarifs existants en supprimant les frais accessoires qui figurent dans le tarif actuel et qui en rendent l'application fort difficile. On pourrait reporter ceux-ci sur l'unité de la taxe.

Mais, pourrait-on objecter, l'application d'un tarif pris à vol d'oiseau ruinerait, du coup, les concessions particulières. Je crois que cet argument serait plutôt spécieux que vrai, en fait. Lorsque le gouvernement a accordé les concessions, il ne s'est pas dessaisi du droit d'apporter des modifications à son tarif. D'autre part, si ces modifications étaient apportées au tarif du gouvernement, les compagnies pourraient s'y conformer. Elles auraient toujours sur l'exploitation de l’État, les avantages qui résultent du moindre parcours, et cet avantage le gouvernement ne peut le racheter que par un soin plus grand à apporter à la régularité avec laquelle il doit exploiter.

Or, je me plais à le reconnaître, le gouvernement s'acquitte de ce devoir d'une manière satisfaisante. L'absence de plainte en est, pour moi, une preuve irrécusable.

Messieurs, je crois que le gouvernement devra entrer dans le système que j'indique, plus tôt qu'il ne le pense, s'il ne veut voir péricliter entre ses mains l'exploitation du chemin de fer. J'ajouterai que l'administration a déjà fait un premier pas dans cette voie. Car les tarifs ne sont plus appliqués d'après les parcours effectués, mais d'après des tarifs que je nommerai conventionnels.

En effet on a les distances réelles, et les distances légales, c'est-à-dire les distances raccourcies sur lesquelles on applique les tarifs. II ne s'agirait donc que d'entrer un peu plus avant dans cette voie et de se mettre en mesure de soutenir la concurrence.

Dans la séance du 27 février dernier, je me suis plaint assez amèrement de ce que le gouvernement applique des tarifs différentiels exceptionnellement à certaines stations. Des investigations auxquelles je me suis livré, il résulte que tous les ministres qui se sont succédé au département des travaux publics se sont toujours prononcés en faveur de tarifs uniformes appliqués dans des conditions égales d'exploitation.

En agissant différemment on tombe dans les anomalies les plus flagrantes. Dans la séance du 27 février de cette année j'avais fait quelques observations au sujet d'un tarif de faveur appliqué à deux stations seulement. Le gouvernement avait répondu que cette faveur ne pouvait avoir de conséquence réelle, attendu qu'elle n'était accordée que pour approvisionner plus convenablement ces deux localités. Cela me paraissait impossible. Aussi les faits n'ont point tardé à me donner raison.

Car si les renseignements que j'ai reçus sont exacts (et je crois qu'ils le sont, on peut du reste les vérifier dans les registres de la douane) du 1er juillet au 31 décembre 1857, 1,743,000 kilog. ou 1,743 tonnes de charbon ont été expédiés sur Lokeren, parle chemin de fer de la Dendre à Lokeren ; on les a mis dans des bateaux qui les ont transportés de nouveau sur Termonde d'où on les a exportés sur la Hollande.

Il me semble qu'il serait beaucoup plus rationnel d'appliquer la détaxe à la station de Termonde et de ne pas faire voyager inutilement par chemin de fer et par bateaux, des marchandises pour le plaisir de les faire circuler.

Second fait.

Des habitants de Termonde ont fait arriver à la station de Zele une quantité d'environ 40 mille kilogrammes de charbons et les ont fait revenir par axe de Zele à Termonde. Je demande pourquoi ce même charbon, qui passe à côté de la porte du consommateur, doit faire inutilement ce va-et-vient.

Il faut donc, à moins qu'on ne préfère tomber dans les plus grandes absurdités, étendre la détaxe non seulement à quelques stations exceptionnellement, mais à toutes les stations qui se trouvent sur le réseau exploité par l’État.

Messieurs, je crois qu'il est nécessaire de réformer au plus tôt le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer, car ce tarif ne produit pas tout ce qu'il pourrait produire, et je pense qu'il serait possible d'y introduire des améliorations, non pas en l'élevant, mais en le simplifiant, en le réduisant même.

Ainsi, l'on devrait rendre impossible le groupement des petites marchandises ; car en le permettant, il en résulte que le chemin de fer transporte aux bas tarifs des marchandises qui, de leur nature, devraient se trouver dans une classe plus élevée.

Nous avons constaté bien souvent l'augmentation du transport de marchandises par le chemin de fer. Cette augmentation devrait donc, logiquement, se reproduire aussi pour les petites marchandises, et, cependant, c'est le contraire que l'on constate.

En 1852 (application du tarif de 1848), on a transporté par le chemin de fer 246,054 quintaux, qui ont produit 736,110 fr. ; en 1856 (application du tarif de 1853) peu favorable au mouvement des petites marchandises, on n'a plus transporté que 16,685 quintaux donnant comme recette seulement 214,388 francs.

Il est vrai qu'en 1850 on avait transporté 564,785 quintaux de marchandises qui avaient produit 521,434 francs et en 1856 (tarif de 1855) 722,008 quintaux, qui ont produit 1,141,960 fr. 97 c, soit en tout 810,837 quintaux, donnant une recette totale de 1,257,544 fr. 14 c. Ainsi, le résultat définitif est :

Augmentation de tarif, 125 p. c.

Amélioration de produit, 24 p. c.

De pareils résultats justifient pleinement la nécessité de changer au plus tôt cette tarification.

Messieurs, si certaines diminutions peuvent avoir des résultats très favorables aux transports, je dois cependant prémunir le gouvernement contre le danger qu'il y aurait à opérer trop facilement le déclassement des marchandises transportées aux trois tarifs en vigueur aujourd'hui.

Nous avons vu dernièrement des pétitions adressées à la Chambre demandant le transfert de certaines marchandises à un tarif moins élevé. Il y en avait une entre autres qui demandait l'application du tarif le plus bas aux bouteilles.

Or, si on entre dans ce système, on sera bientôt amené à opérer, par analogie, d'autres déclassements fort nuisibles aux recettes.

Voilà, messieurs, les observations que je crois devoir soumettre au gouvernement, en insistant de nouveau pour qu'il nous présente le plus tôt possible, et conformément aux prescriptions formelles de la loi de 1834, un projet définitif de tarification pour le transport des marchandises sur les chemins de fer exploités par l’État.

(page 551) M. Loos. - Messieurs, j'étais absent lorsque M. le ministre des travaux publics m'a fait l'honneur de répondre à quelques observations que j'avais présentées relativement aux transports par chemin de fer hollando-belge. Je regrette de devoir le dire, mais je ne puis me contenter des explications que l'honorable ministre a bien voulu me donner, je le puis d'autant moins qu'en me tenant pour satisfait, je paraîtrais n'avoir pas compris moi-même la gravité du fait que je suis venu signaler et des conséquences qu'il doit produire.

En effet, messieurs, je suis venu signaler à la Chambre qu'un port étranger se trouve, par le fait du gouvernement, mis en état de faire avec avantage la concurrence à un port belge, c'est-à-dire que le gouvernement a créé une prime en faveur d'un port étranger au préjudice d'un port belge, J'ai vu disparaître avec beaucoup de satisfaction les droits différentiels en faveur du pavillon belge, mais je vous avoue, messieurs, que je ne m'attendais nullement à les voir rétablir en faveur d'un port étranger et c'est, en définitive, là que nous aboutissons. C'est une prime que l'on accorde à Rotterdam contre le port d'Anvers.

Je connais parfaitement. messieurs, la composition des tarifs du chemin de fer et je sais qu'il faut avoir égard à la distance parcourue ; je sais aussi qu'il faut tenir compte des concessions qu'exigent les rapports internationaux ; je sais parfaitement cela, j'ai fait partie de la commission des chemins de fer et j'ai eu à m'occuper de l'élaboration de tarifs ; mais jamais que je sache, ou n'a fait de conventions internationales qui dussent avoir nécessairement pour conséquence, que les intérêts étrangers fussent favorisés au préjudice des intérêts belges.

L'honorable ministre nous a dit que c'était le résultat inévitable d'un tarif international, qu'il pouvait se glisser des anomalies de ce genre et que cela existait dans d'autres pays.

Pour justifier cette opinion, M. le ministre des travaux public nous a cité le tarif existant en France ; il a dit qu'on transportait à meilleur marché de Marseille à Strasbourg que de Paris à Strasbourg.

Messieurs, je comprends parfaitement que le gouvernement français veuille protéger les intérêts français, qu'il veuille avantager le port de Marseille, pour lui permettre de lutter contre celui de Trieste dans le transit du Levant vers l'Allemagne ; qu'à cette fin, il établisse des tarifs extrêmement réduits de Marseille à Strasbourg. Les conditions du transport déterminent les préférences qu'on donne à un port sur un autre.

Le gouvernement des Pays-Bas le comprend si bien que malgré les efforts que nous avons faits, nous n'avons pu réussir jusqu’à présent à obtenir l'autorisation de construire sur son territoire un chemin de fer pour arriver jusqu'au Rhin. C'est là notamment une des grandes difficultés qui avaient retardé les négociations pour le renouvellement du traité avec les Pays-Bas.

Le gouvernement belge avait formé la prétention, légitime, à ses yeux, d'établir le chemin de fer sur le territoire hollandais ; le gouvernement des Pays-Bas s'y est constamment opposé ; pourquoi ? Parce qu'il voulait nous empêcher d'arriver au Rhin à des conditions plus favorables que celles dont jouit la Hollande elle-même.

En Belgique, on fait le contraire ; on met le port de Rotterdam eu mesure d'importer des marchandises, pour les villes de l'intérieur du pays, à des conditions meilleures que ne peut le faire le port d'Anvers.

De ce train-là je ne sais ce que doivent devenir les intérêts commerciaux du pays. Dans beaucoup de circonstances, on a témoigné le désir de voir créer un ministère du commerce. J'apprécie tous les jours davantage la nécessité d'un pareil ministère. Là du moins les affaires commerciales auraient la chance d'être examinées avec soin et d'être traitées, au point de vue de l'intérêt commercial.

Je ne sais comment des faits semblables à eux que j'ai signalés ont pu se produire ; je ne comprends pas non plus que M. le ministre des travaux publics ait pu y rester indifférent. S'il était venu dire à la Chambre : « Je conviens que le fait est anomal, préjudiciable aux intérêts du pays, et je vais me hâter d'y mettre un terme, » je me serais montré satisfait ; mais dire que ce fait est normal, qu'il peut et doit exister, qu'il existe ailleurs, c'est dire en d'autres termes qu'on est décidé à rester dans cette position ou du moins qu'on ne se prépare pas à en sortir.

J'ai d'autant plus de motifs de croire qu'on veut persister dans ce système que je me suis aperçu, depuis que j’ai eu l'honneur de vous entretenir de ce qui concerne le chemin de fer de Rotterdam, que la même chose existait pour la France.

Le port d'Anvers est un port très important pour l'importation des vins de France Un service de bateaux à vapeur est établi pour desservir cet intérêt entre Bordeaux et Anvers.

Des bateaux à vapeur existent également entre Marseille et Anvers. Des compagnies particulières ont établi ce système de navigation afin d'importer en Belgique, à des conditions meilleures, les vins de France. Or, que fait le gouvernement belge ? Il fait pour Dunkerque ce qu'il a fait pour Rotterdam, il établit des primes pour les transports de Dunkerque vers les villes intérieures de la Belgique ; de telle sorte que les transports peuvent s'opérer à des prix plus bas qu'il n'est possible à Anvers de les effectuer.

Ainsi, dorénavant, pour importer les vins de France en Belgique, on empruntera le port de Dunkerque, et non pas celui d'Anvers, puisque le port de Dunkerque peut faire cette importation à des conditions plus économiques, grâce aux mesures prises par le gouvernement belge.

Je demande pardon à la Chambre d'insister sur ce point avec autant de persistance ; mais en agissant ainsi, il faut bien le dire, on méconnaît non seulement les intérêts du commerce, mais ceux du pays tout entier.

M. le ministre des travaux publics a dit que les prix de transport de Rotterdam dans l'intérêt de la Belgique présentent une petite différence en faveur du port d'Anvers, la chambre de commerce d'Anvers s'est adressée à l'honorable ministre ; j'ai sa réclamation en mains, et j'y cherche vainement cette différence qui existerait en faveur d'Anvers.

Ainsi de Rotterdam à Liège, il y a un centime de moins que d'Anvers à Liège. C'est peu en réalité ; de Rotterdam m pour Charleroi c'est la même chose. De Rotterdam à Namur, on compte 13 centimes de moins que d'Anvers à Namur, et de Rotterdam à Verviers 31 centimes de moins.

Je ne sais où M. le ministre des travaux publics a trouvé la petite différence qui serait acquise en faveur d'Anvers.

Voici ce qui existe pour la France : sur la ligne de Dunkerque vers la Belgique, les vins débarquant à Dunkerque sont placés dans la troisième classe, tandis que les vins, débarquant à Anvers, sont placés dans la première classe. Quatre barriques de vins venant de France par Dunkerque ne sont comptées que pour 1,000 kilogrammes, tandis que, débarquées à Anvers, on les compte pour 1,100 kilogrammes.

Il résulte de tous ces avantages qu'en réalité, il y a plus d'économie à recevoir des vins par la voie de Dunkerque que par celle d'Anvers ou d'Ostende.

On comprendrait que le gouvernement belge établit ses tarifs de manière à favoriser les ports belges contre les ports étrangers. Ce serait là une position naturelle, normale, à laquelle chacun de nous applaudirait.

A l'étranger, on fait tous les efforts et tous les sacrifices imaginables pour protéger les ports de mer ; j'ai déjà dit ce qu'a fait le gouvernement des Pays-Bas. En Belgique on fait tout le contraire ; on y travaille en définitive au profit de l'étranger.

J'espère que cette fois j'aurai été compris par M. le ministre dos travaux publics, j'espère qu'il mettra fin à une situation aussi déplorable.

Messieurs, je dirai que si je ne suis pas satisfait de l'explication que M. le ministre a donnée sur cet objet, je ne le suis pas davantage quant au transport des lettres. Il lui a fallu, pour avoir raison de mes allégations, les exagérer ; c'est une manière facile de les combattre. Je veux parier du transport plus fréquent que je désirerais voir exister entre les grands centres de population.

M. le ministre dit qu'il y a trente-six convois par jour qui arrivent à Bruxelles et que si on devait faire trente-six distributions de lettres il faudrait des bataillons de facteurs ; que ce ne serait pas travailler au profit de la poste et du trésor que de vouloir agir ainsi.

C'est là une exagération : ce n'est pas ce que j'ai prétendu ; j'ai prétendu que, comparativement à l'état de choses actuel, il y avait lieu d’apporter quelques améliorations par des distributions plus fréquentes.

Je crois qu'il existe deux ou trois trains qui transportent les lettres ente Bruxelles et Anvers ; il m'avait paru qu'on pourrait les expédier par quatre ou cinq trains sans qu'il faille pour cela nommer un agent de la poste de plus. Je suis persuadé qu'en facilitant ainsi les correspondances on travaillerait à augmenter les recettes de la poste et les bons résultats qu'on en attend.

J’avais indiqué d'autres points comme preuve qu'il y avait quelque chose à faire pour augmenter les produits de la poste ; j'ai voulu seulement appeler l'attention du gouvernement, sur ces quelques considérations afin de lui démontrer la possibilité d'améliorer les recettes en procurant plus d'avantage au pays.

Quant aux dépêches des pays transatlantiques, j'ai cherché si la réponse de l'honorable ministre pouvait me faire espérer qu'il mettrait un terme aux conditions onéreuses que nous subissons aujourd'hui.

M. le ministre a dit que c'était la faute des expéditeurs des lettres si, pour venir de New-York en Belgique, les lettres passaient par Paris, et que si on voulait les soustraire à ces promenades, il fallait écrire sur les lettres : »by intermediate bags » et ne pas les affranchir.

Pour la lettre dont j'ai parlé on avait donné parfaitement l'indication de la ligne qu'elle devait suivre. On avait mentionné qu'en débarquant à Liverpool ou à Londres, où arrivent les steamers, la dépêche devait être dirigée par Douvres sur Ostende, au lieu de la faire passer par Paris ; ensuite la lettre n'était pas affranchie.

Mais, dit-on, il aurait fallu mettre sur l'adresse : « Per intermediate bay ». Dans ce cas je crois toujours que c'est entre Calais et Paris que le (page 552 triage se serait fait. Tandis que les lettres pourraient venir à Douvres de là directement à Ostende, pour être distribuées en Belgique.

Je ne sais si l'indication donnée par M. le ministre ferait échapper à l'inconvénient et, dans tous les cas, ce triage aurait dû être signalé au public.

Il y a longtemps que le gouvernement aurait dû intervenir pour qu'on n'ait plus à subir les retards qui résultent de ces promenades. J'ai peine à croire que M. le ministre soit bien renseigné ; c'est une explication qu'on lui aura donnée dans son administration ; mais je doute que ce soit le véritable état des choses. Les lettres de New-York pour la Hollande débarquent à Liverpool comme les lettres destinées à la Belgique ; je ne pense pas qu'elles soient dirigées sur Paris. Elles sont, je crois, dirigées directement de Liverpool ou de Londres sur Rotterdam.

Je pense qu'en général les lettres arrivant pour les différentes parties du continent sont dirigées directement vers leur destination ; ainsi je ne crois pas que les lettres destinées pour les provinces rhénanes pas plus que celles pour la Hollande aillent à Paris. C'est un préjudice qui nous est imposé au profit de la poste française ; il fallait s'enquérir des moyens employés par d'autres pays, pour l'éviter s'adresser au gouvernement anglais ou celui des États-Unis, pour obtenir le même avantage : mais on est très peu soucieux des intérêts du commerce ; dans aucun département on ne s'en occupe ; l'industrie se trouve d'un côté et le commerce de l'autre, mais aucun ministre ne s'en occupe d'une manière spéciale ; nous devrons, je le répète, en venir un jour à créer un ministère du commerce. Alors les questions que nous débattons aujourd'hui et qui ont passé inaperçues recevront une solution satisfaisante.

Messieurs, il est encore un intérêt concernant la poste dont je dois entretenir la Chambre. Il existe à Bruxelles un bureau de poste appartenant au gouvernement qui est situé dans un endroit central et se trouve ainsi abordable avec facilité pour tous les habitants de la ville. Dans d'autres localités le gouvernement n'est pas propriétaire des bâtiments qu'occupe le bureau de poste, il les tient à bail et à l'expiration du bail on ne sait où ira se placer le bureau de poste. Dans une ville comme Anvers où la poste est d'un si grand intérêt pour la population, il n'est pas indifférent que le bureau soit situé à une des portes ou au centre de la ville.

Pendant longtemps nous l'avons eu dans un endroit central, mais si je suis bien informé, le bail que le propriétaire a consenti à prolonger de deux ans, ne sera plus renouvelé ; je me préoccupe de ce que fera le gouvernement, car à Anvers il n'est pas facile de trouver au centre de la ville des locaux pour un établissement semblable ; dans l'intérêt du gouvernement et des habitants d'Anvers, je désirerais voir le gouvernement acquérir un local dans un endroit convenable. Je le désire d'autant plus, qu'à l'expiration du bail, je suis convaincu que le gouvernement éprouvera les plus grands embarras.

J'ai indiqué une propriété qui pourrait servir en même temps de bureau pour la poste et pour les marchandises du chemin de fer, on ne possède pas de crédit au budget pour cet objet.

J'engage dès lors M. le ministre des travaux publics à demander un crédit spécial à la Chambre. Une occasion favorable se présente, qui peut ne plus s'offrir d'ici à longtemps ; il importe d'en profiter. A Anvers, à l'arrivée de chaque courrier il y a plus de cent commis de négociants qui attendent la distribution des lettres. Je suis convaincu que dans d'autres grandes villes, l'arrivée du courrier présente aussi beaucoup d'intérêt, et qu'il importe que le bureau de la poste soit bien situé. J'engage le gouvernement à profiter de l'occasion qui lui est offerte à Anvers d'établir dans d'excellentes conditions le service postal et d'en faire autant à Gand et à Liège.

(page 546) M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je regrette que les explications que j'ai eu l'honneur de donner, dans une séance précédente, aient paru complètement insuffisantes à l’honorable M. Loos, notamment sur l'objet principal de sa réclamation, le tarif mixte.

Je dois dire cependant que, malgré les observations qu’il vient de présenter, il m'est impossible de modifier l'opinion que j'ai exprimée en premier lieu ; je vais m'en expliquer de nouveau.

Au fond, je crois que l'honorable M. Loos et moi nous sommes beaucoup moins éloignés de nous entendre qu'il ne semble le supposer.

J'ai reconnu que le tarif différentiel avec la Hollande est plus favorable que le tarif intérieur. J'ai constaté que ce tarif, au point de vue de l'exploitation du chemin de fer, se justifie parfaitement ; mais j’ai ajouté qu'il s'agissait ici d'examiner si la question commerciale ne devait pas dominer la question d'exploitation, et que le gouvernement aviserait. Cette mesure existait quand j'ai pris la direction du département des travaux publics. L'honorable M. Loos a été surpris que, du jour au lendemain, on ne l'ait pas rapportée. Aujourd'hui encore, il a exprimé son étonnement de ce que je ne sois pas venu déclarer que je reconnaissais que cette mesure était mauvaise et qu'il fallait la corriger immédiatement.

(page 547) Mais, messieurs, quand on a la responsabilité des actes du gouvernement, on ne procède pas de cette façon. On dit que la mesure a passé inaperçue. Cela prouve donc qu'elle n'a pas fait tant de mal qu'on le prétend.

M. Loos. - Inaperçue au ministère.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Inaperçue à la chambre de commerce d'Anvers aussi ; car, dans notre pays, dès que l'on croit avoir découvert un abus de la part de l'administration, on a l'habitude de ne pas lui laisser le temps de prendre racine et l'on s'empresse ordinairement de le constater et d'en réclamer la réforme.

M. Loos. - Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je dis donc que la mesure existait quand j'ai pris la direction du département et qu'avant de la corriger, s'il y a lieu, il faut que j'aie le temps de me rendre compte du véritable état des choses. Je ne dis pas du tout que je la maintiendrai. J'ai commencé par dire qu'il y a ici une question d'intérêt commercial, je dirai même une question d'intérêt national qui, peut-être, doit passer avant la question d'exploitation, et que je me réservais de l'examiner.

II faut donc qu'on me laisse un temps moral pour me livrer à cet examen avant d'exiger, de ma part, une décision. La discussion du budget ne m'a pas permis encore d'en entretenir le conseil, et ce n'est qu'après le vote du budget que je pourrai songer à m'en occuper sérieusement.

L'honorable M. Loos s'élève avec beaucoup de force contre ce tarif différentiel ; mais, messieurs, l'honorable membre a rappelé lui-même qu'il a fait partie de la Commission chargée de la révision du tarif, et il doit savoir parfaitement que ce tarif présente bien d'autres anomalies. C'est ainsi, par exemple, que les habitants de Verviers payent le café qui leur vient d'Anvers plus cher que les habitants allemands, qui se trouvent cependant à quelques lieues plus loin. Cela est évidemment anormal, mais cela s'explique par des raisons particulières.

S'il y a dans le tarif avec la Hollande des anomalies d'un autre genre, qui soient nuisibles aux intérêts de la Belgique, on tâchera de les faire disparaître ; mais je dois faire remarquer que ce tarif, qui a été convenu par l'administration précédente, a une durée obligatoire de six mois ; il faut qu'il soit dénoncé dans ce délai avant de pouvoir être rapporté.

On a cité l'exemple du port de Marseille. On a dit que malgré l'immense crochet que font les transports de Marseille sur Strasbourg qui passent par Paris, ces transports coûtent moins que ceux qui s'arrêtent à Paris, et l'on a expliqué ce fait en disant qu'on avait voulu favoriser le port de Marseille. Or, il n'en est absolument rien ; ce n'est là qu'une des conséquences du tarif en vigueur. Ce qui le prouve, c'est que le même fait se produit sur d'autres points encore.

Ainsi, les houblons, les laines et divers autres articles venant de la Bavière et des autres parties de l'Allemagne transportés à l'intérieur de la France, payent une taxe beaucoup moindre que s'ils s'arrêtent quelques heures seulement à la station de Metz. Ce sont là des faits qu'on a eu tort, peut-être, d'établir, mais enfin cela prouve que la question n'est pas aussi simple qu'on paraît le croire, qu'elle mérite une très sérieuse attention et qu'avant de corriger la mesure existante il faut prendre le temps de la réflexion. C'est là tout ce que je demande.

L'honorable membre doit comprendre d'après cela que je ne me déclare pas du tout partisan du régime actuel, mais que je me réserve seulement de l'examiner attentivement avant de décider s'il faut le maintenir on bien le corriger.

L'honorable membre a fait remarquer qu'il n'avait pas demandé une immense multiplicité de facteurs. S'il a pu croire qu'il était entré dans ma pensée de donner une telle signification à ses paroles, je le regrette sincèrement, et je ne puis l'attribuer qu'à la façon dont je me serai exprimé. Je n'ai évidemment pas voulu donner aux paroles de l'honorable membre une portée dépassant les limites de ce qui est raisonnable. Quoi qu'il en soit, l'honorable membre voudrait seulement que l'on augmentât le nombre des tournées des facteurs dans les villes les plus importantes.

Il serait, je pense, assez difficile de satisfaire à ce désir, sans être entraîné à un surcroît de dépense assez considérable, par suite de la nécessité qui en résulterait d'augmenter encore le personnel.

Ainsi, à Bruxelles, par exemple, il y a, si je ne me trompe, quatre tournées par jour et chaque tournée dure trois heures, ce qui fait, par conséquent, un travail quotidien de 12 heures pour chaque agent. L'année dernière, la question a été soulevée de savoir si l'on ne pourrait pas améliorer le régime de distributions des lettres en ajoutant une tournée de plus. Eh bien, après un examen attentif, les fonctionnaires spéciaux, ceux qui sont le plus à même de juger une pareille question, et il y en a dans ce nombre qui, par leur longue expérience, doivent présenter toute espèce de garantie, tous ces fonctionnaires, dis-je, ont reconnu qu'il n'y avait pas d'amélioration à introduire dans le service de la poste à Bruxelles.

Je pense qu'il en est de même des autres villes importantes du royaume, pour lesquelles la question a été également examinée.

Ce n'est pas à dire, messieurs, qu'il n'y ait pas d'amélioration à apporter au service de la poste ; j'ai moi-même annoncé qu'il en est quelques-unes qui seraient introduites au premier moment opportun, et je ne me refuse certainement pas à examiner attentivement les observations de l'honorable M. Loos.

Je tiendrai le même langage en ce qui concerne la correspondance avec les États-Unis. Cependant, je suis obligé de maintenir ce que j'ai déjà dit, à savoir que la lettre reproduite par l'honorable membre ne portait pas l'indication nécessaire pour la faire comprendre dans le paquet dont le triage se fait sur le parcours de Calais à Paris.

On dit : Mais il y a sur l'adresse qu'il faut expédier par Douvres, Voici probablement ce qui est arrivé.

Il y a des heures différentes pour les départs des malles en destination de la France et de celles en destination de Belgique. Des sacrifices considérables ont été faits par l'office anglais pour le service des postes par Calais. Il y a donc des occasions beaucoup plus fréquentes d'expédition sur Calais que sur la Belgique ; il est possible que l'office expéditeur, suivant ce principe qu'il faut expédier, à moins d'indication contraire sur l'adresse, la lettre par le mode le plus prompt, ait expédié par sa malle allant sur Calais, malle qui porte un sac spécial pour la correspondance à destination des points secondaires entre Calais et Paris.

Ce sac est trié, ainsi que je l'ai dit, par le bureau ambulant pendant les trajet et les dépêches pour la Belgique restent à Lille. Par conséquent, malgré la recommandation de le faire passer par Douvres, si l'on avait mis sur l’adresse « per intermediate bag », cette lettre serait probablement arrivée plus tôt par la voie de France que si l'on avait suivi la ligne par Douvres.

Du reste je n'ai pas attendu jusqu'aujourd'hui. Il a suffi des observations faites par la chambre de commerce et par l'honorable membre. J'ai donné des ordres pour qu'on s'occupât immédiatement de cette affaire. Des instructions ont été données, et si des améliorations sont possibles de ce côté, nous les introduirons.

Déjà le ministère précédent a essayé de faire un arrangement postât avec les États-Unis. Jusqu'ici les négociations n'ont pas abouti. C'est pourquoi on ne peut affranchir les lettres pour la Belgique.

L'honorable membre a essayé de faire ressortir, par les faits qu'il a signalés, la nécessité de la création d'un ministère du commerce. Je ne m'arrêterai pas à cette question d'organisation. Il y aurait un ou plusieurs ministères du commerce, qu'il n'y en aurait pas moins, de temps en temps, des réclamations d'un côté ou de l'autre. On aurait peut-être à craindre qu'un ministère du commerce ne s'occupât beaucoup trop de commerce et d'industrie.

Je crois que ce qu'il y a de mieux, c'est qu'on laisse faire à ces deux branches importantes de la richesse publique, leurs affaires elles-mêmes, et que le ministère se charge de faire du gouvernement. Quand dans l'accomplissement de sa mission, l'administration manque en quelque chose, vous avez les réclamations des chambres de commerce, vous avez la grande publicité, vous avez les Chambres ; il est toujours possible de remettre l'administration dans le chemin où elle doit être, si elle s'en écarte un moment ou si elle s'endort en route.

L'honorable M. Loos a recommandé l’acquisition de locaux pour la poste dans les villes principales. Sous ce rapport, je partage tout à fait son avis. Je ne veux pas pousser ma déclaration plus loin. Mais certainement, si une occasion favorable se présente, je ne manquerai pas de la saisir, quoique aucun crédit ne soit porté au budget ; dans ce cas si j'avais un achat à faire, je le ferais sous réserve de l'approbation de la législature. Ce serait un achat conditionnel et vous auriez à décider si l'acquisition faite par l'administration mérite d'être approuvé.

L'honorable M. Vermeire a traité, différentes questions relatives à l'exploitation du chemin de fer.

Il a d'abord constaté que depuis deux ans, le chemin de fer présente un déficit, tandis que, les années précédentes, elle était sortie de ce déficit pour dresser un boni.

Messieurs, il est assez difficile d'apprécier d'une manière très exacte ce que produit le chemin de fer. C'est une question qui commence à s'éclaircir. Les documents qui ont été publiés sous le ministère de l'honorable M. Dumon, ont commencé à fournir des éléments d'appréciation assez utiles pour arriver à se rendre compte de la situation du chemin de fer.

Toutefois, il reste encore beaucoup de choses qui empêchent de déterminer bien exactement les revenus du chemin, de fer ; parce que, par suite des recommandations qui ont été faites par les Chambres mêmes dans le temps, on confond une certaine partie des dépenses qui devraient être portées du compte capital avec les dépenses de l'exploitation. De ce fait, il résulte ceci : c'est que si, dans une année, on fait beaucoup de travaux d'amélioration, si on fait, dans une proportion plus forte, de ces dépenses qui devraient, en bonne comptabilité, être portées au compte capital, on rend la situation du chemin de fer meilleur, mais, cela réagit immédiatement sur le produit annuel de l'exploitation, et, au lieu d'avoir une recette nette favorable, on trouve un déficit.

En réalité, ce déficit n'est qu'apparent. Vous allez comprendre quelle influence cela exerce sur les calculs. Je suppose qu'une somme de 1,000 fr. soit affectée à une dépense de capital. Si, au lieu de porter au compte annuel de l'exploitation 50 ou 60 fr., pour intérêt et amortissement, on porte en ligne de compte la somme principale de 1,000 fr., qui ne doit se faire qu'une fois, on surcharge indûment le compte de l'exploitation, et on arrive à un résultat très défavorable.

Si, au lieu de s'appliquer à une somme de, 1,000 fr., le fait s'applique à une somme beaucoup plus considérable, et c'est le cas, les résultats sont proportionnels.

(page 548) Cela dérange extrêmement les comptes et l'on ne peut pas s'en rapporter d'une manière trop absolue aux résultats qu'ils indiquent.

Je crois qu'en général notre chemin de fer est dans des conditions très favorables. Les dépenses qui ont été faites par améliorer les voies et le matériel, ont été faites avec discernement ; en sorte qu'aujourd'hui nous sommes beaucoup mieux outillés que nous ne l'étions autrefois.

L'honorable membre a constaté lui-même qu'il n'y avait plus de réclamations. Je crois que l'état du chemin de fer national se présente dans les conditions les plus tranquillisantes pour l'avenir.

L'honorable membre a parlé d’un tarif à vol d'oiseau. C'est une proposition qui mérite un examen très sérieux et je ne suis pas en mesure de lui répondre. Je ne crois pas que l'établissement de ce tarif ferait mauvais effet sur les recettes du chemin de fer de l’État ; mais il reste à voir s'il pourrait se combiner avec les concessions qui ont été accordées ou si d'autres inconvénients ne résulteraient pas de l'adoption de ce système.

L'honorable membre a demandé en même temps la révision des tarifs par une loi. Je ne crois pas que le moment soit venu de fixer le tarif du chemin de fer par une loi. Je crois que le tarif du chemin de fer est susceptible de modifications, d'améliorations. Mais nous ne sommes pas arriver à une pratique assez complète pour pouvoir être bien sûrs des règles qu'il convient d'adopter définitivement. Dans ces conditions, je pense qu'il est bon de laisser une certaine latitude au gouvernement ; les changements qui sont introduits le sont toujours avec une grande publicité et peuvent toujours faire l’objet de critiques, si les honorables membres de la Chambre trouvent à y reprendre. Mais il y aurait des inconvénients assez graves à arrêter par une mesure aussi immuable que la loi, le tarif des marchandises, qui comprend une multitude de cas d'application.

J'en vois les inconvénients par le tarif des voyageurs, qui est infiniment plus simple.

Le tarif des voyageurs est arrêté par la loi. On a permis seulement au gouvernement d'accorder une réduction de 50 p. c. dans certains cas. Il arrive bien souvent des cas où le gouvernement voudrait pouvoir aller un peu plus loin et accorder remise entière.

Il arrive, par exemple, que des veuves, que des enfants d'ouvriers reviennent de France dans le dénuement.

Les chemins de fer concédés les amènent à la frontière gratuitement et lorsqu'ils touchent le sol belge, l'administration est obligée de les repousser, parce que la loi le veut ainsi, de les repousser, dis-je, et de les faire reconduire, soit comme vagabonds, soit aux frais des communes, jusqu'à leur destination.

Voilà l'un des inconvénients qui résultent d'un tarif fixé par la loi ; il se présenterait pour les marchandises des cas peut-être moins touchants, mais aussi infiniment plus fréquents. Il convient donc, pendant un temps plus ou moins long, de laisser une certaine latitude à l'administration.

L'honorable membre a cité un point qui mérite une attention très sérieuse, c'est le groupement des marchandises qui fait un tort considérable à l'administration ; s'il y avait moyen d'empêcher ce groupement par une mesure administrative, je le ferais immédiatement ; mais je crois que l'intervention de la législature est nécessaire, et je pense pouvoir faire prochainement une proposition à cet égard. Il ne faudra pas renvoyer cela à un tarif général, on pourra en faire l'objet d'une disposition spéciale.

L'honorable membre a critiqué certaines exceptions qui ont été faites pour le transport des charbons en destination des stations de Lokeren et de Zele.

J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer à la Chambre comment ces exceptions au tarif général ont été introduites. Les convois allant jusqu'à Lokeren et jusqu'à Zele ne transportaient rien ou à peu près rien ; la compagnie de Dendre-et-Waes, qui a une part dans les produits, offrit de supporter sur sa part une réduction assez notable ; elle pensait que par ce moyen l'on pourrait arriver à utiliser le vide des waggons.

L'administration, sous le ministère précédent, crut que cela était praticable, et la proposition fut acceptée. Ces transports n'ont jamais pris d'autre développement que celui-là, c'est-à-dire qu'on a comblé le vide des waggons.

Il est en effet résulté un petit bénéfice pour l’État et un petit bénéfice pour la compagnie. La chose est très insignifiante au point de vue de l’exploitation du chemin de fer, et si elle devait entraîner un dérangement des usages du commerce dans la contrée, je n'hésiterais pas à rapporter la mesure ; je le ferais surtout si, comme l'a signalé l'honorable membre, on transportait le charbon jusqu'à Lokeren pour le faire revenir par l'Escaut à Termonde ; cela serait en effet une fort excentrique.

Je crois, messieurs, qu'il est inutile de s'étendre davantage sur une mesure tout à fait exceptionnelle, je le répète ; si elle dérange d'une manière sensible aux habitudes et aux nécessités commerciales de la contrée, je la révoquerai.

Je crois, messieurs, que j'ai rencontré les observations principales qui ont été présentées.

M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, le déplacement de stations existantes et la création de stations nouvelles apportent dans les relations des localités avoisinantes une assez grande perturbation. Je me permettrai donc d'adresser à M. le ministre une interpellation relativement à une question de cette nature.

Il y a environ deux ans, messieurs, dans la discussion du budget des travaux publics, il a été question du projet que le gouvernement semblait avoir à cette époque de supprimer la station de Haecht, station intermédiaire entre Malines et Louvain et de là remplacer par deux haltes l'une à Wespelaer, l'autre à Boort-Meerbeeh.

Je crois qu'il ne s'agit plus aujourd'hui de supprimer la station de Haecht, mais je pense que le maintien de cette station ne fait pas obstacle à la création des deux haltes projetées d'abord. En effet, messieurs» on comprendrait difficilement la suppression de la station de Haecht ; située à égale distance entre Malines et Louvain, elle existe depuis l'établissement du chemin de fer ; elle est traversée par une excellente chaussée qui la met en relation avec toutes les localités des environs.

Pendant cette longue période de 20 à 25 ans, des relations nombreuses se sont établies entre les communes voisines et cette station, et on ne pourrait pas la supprimer maintenant sans causer un très grand préjudice à des intérêts fort respectables.,

Si donc, comme je le suppose, le projet du gouvernement est de maintenir, quant à Haecht, le statu quo, je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien, par quelques paroles rassurantes, faire cesser les inquiétudes que le projet dont je viens de parler avait fait naître. Je lui demanderai également de remplacer la mauvaise baraque en planches qui existe maintenant, par des constructions convenables, par des constructions qui puissent au moins abriter les voyageurs.

Je dois insister sur ce point, messieurs, qu'en demandant le maintien de la station de Haecht, je ne m'oppose pas aux autres haltes dont l'établissement avait été projeté. Je m'y oppose d'autant moins, que par suite des engagements pris à cet égard par le gouvernement, les communes ont fait des frais ; des terrains ont été achetés pour l'emplacement des stations nouvelles et on a mis la main à l'œuvre pour construire des routes pavées destinées à relier ces stations aux localités voisines.

D'ailleurs, messieurs, je crois qu'on peut fort bien établir trois stations entre Malines et Louvain ; sur d'autres parties du chemin de fer, les stations se trouvent aussi rapprochées.

Ainsi, par exemple, entre Malines et Anvers il y a trois stations : Duffel, Contich et Vieux-Dieu ; entre Malines et Termonde il y en a quatre : Cappellen, Londerzeel, Malderen et Buggenhout. Il en est de même dans beaucoup d'autres localités. D'ailleurs, je crois qu'en général plus il y a de stations, plus il y a d'affluents au chemin de fer.

Il est bien entendu que les haltes dont il s'agit ne doivent pas être desservies par les convois de grande vitesse, mais on pourra les organiser par les convois ordinaires et même les convois de marchandises, de manière qu'ils puissent s'arrêter pour prendre les voyageurs à ces stations Ce sont là, du reste, des questions toutes pratiques que j'abandonne à l'appréciation de M. le ministre.

Quant à présent, je lui demanderai seulement de vouloir nous donner l'assurance que la station de Haecht sera maintenue, afin de faire cesser les craintes qui existent à cet égard dans les communes intéressées, communes dont les autorités n'ont cessé de faire des démarches en ce sens auprès du département des travaux publics.

M. de Muelenaere. - Messieurs, je prends la parole pour recommander à l'attention de M. le ministre des travaux publics les observations que deux de mes honorables amis, M. Vander Donckt et Tack, ont présentées, dans une séance précédente, sur l'exploitation de la ligne d'Ingelmunster à Deynze et sur la manière dont s'y établit la correspondance. Ces observations sont très fondées.

La section d'Ingelmunster est une section concédée, mais une section concédée avec la jouissance d'un minimum d'intérêt ; et je crois que la compagnie touche actuellement, à peu de chose près, le minimum intégral de produit net.

Je suis loin d'en faire un reproche au gouvernement, puisque ce payement a lieu en exécution de la loi ; mais je pense que ce sacrifice qui incombe au trésor est assez considérable pour qu'on le fasse tourner quelque peu au profit du commerce et de l'industrie du pays, et en même temps au profit des localités que la ligne traverse et qu'elle est destinée à desservir.

Vous savez, messieurs, que les deux villes de Courtrai et de Thielt sont peu distantes l'une de l'autre ; qu'elles ont de nombreuses relations entre elles et qu'elles ont aussi des relations très suivies avec d’autres localités situées dans un rayon restreint, en deçà et au-delà de la frontière française.

Cependant, comme l'a dit l'honorable M. Tack, pendant toute la période d'hiver que nous venons de traverser, sauf le lundi, jour de marche pour la ville de Courtrai, il n'a pas existé un seul train direct entre Courtrai et Thielt.

Vous n'ignorez pas non plus que la ville de Thielt et les communes limitrophes ont des affaires suivies avec le chef-lieu de la Flandre orientale. Eh bien, il y a des plaintes générales sur les retards qu'éprouvent les voyageurs, tantôt à la station d'Ingelmunster, tantôt à la station de Deynze elle-même. Cet état de choses résulte de ce qu'il n'existe pas de coïncidence entre les départs et les arrivées.

Je n'accuse nullement l'administration de mauvais vouloir, mais je crois qu'elle a besoin d'être aidée et stimulée. Je sais qu'elle a annoncé dans les journaux que des changements seraient apportés à l'exploitation de cette ligne ; je pense même que ces changements ont pris cours à dater du 15 de ce mois ; mais il paraît malheureusement que ces modifications sont insuffisantes.

Je sais que la position actuelle de la compagnie n'est pas très bonne et qu'à ce point de vue elle mérite quelque indulgence ; je crois cependant devoir appeler l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux (page 549) publics sur les observations qui ont été produites. Pendant cette discussion, nous avons pu tous apprécier le désir qu'il a de bien faire et l'intelligence qu'il apporte dans la direction du département qui lui est confié ; je suis persuadé que s'il peut s'occuper de cette affaire, il parviendra à la régler d'une manière complètement satisfaisante.

Je n'ai pas la prétention de vouloir qu'on fasse droit à toutes les réclamations qui peuvent surgir ; car il y a quelquefois des réclamations exagérées ; mais je crois qu'il convient de faire ce qui est juste et raisonnable ; et c'est ce que je demande à M. le ministre des travaux publics.

M. le Bailly de Tilleghem. - J'ai demandé la parole pour appuyer les observations que M. le comte de Muelenaere vient de présenter.

Dans la séance d'hier j'ai eu l'honneur de remettre à M. le ministre des travaux publics une réclamation sur l'utilité et la convenance de joindre aux convois de marchandises, partant de Courtrai pour Gand, des voitures pour prendre, dans la station de Deynze, les voyageurs qui arrivent dans cette station des communes d'Ingelmunster, Meulebeke, Thielt, Aerseele et autres lieux environnants, pour les convois du chemin de fer de la Flandre occidentale, et j'ai beaucoup insisté pour recommander cette réclamation à la sollicitude bienveillante de M. le ministre.

M. Tack. - Messieurs, le département des travaux publics nous a fait distribuer des documents extrêmement précieux, extrêmement intéressants sur l'exploitation de nos voies ferrées.

Parmi ces documents figure d'abord le rapport sur la situation financière, du chemin de fer de l’État, à partir de l'origine de l'exploitation jusqu'à 1855. Ce rapport nous fait connaître le coût du premier établissement, l'actif et le passif de cet important service, les recettes et les dépenses annuelles. Le second document nous donne le compte rendu des opérations pour l'année 1856, et finalement le troisième contient tous les renseignements statistiques qui ont été recueillis par le département des travaux publics.

A l’aide de ces pièces qui font honneur au département dont ils émanent, chacun de nous peut, à un point de vue général, se faite une idée exacte des résultats de l'exploitation de nos voies ferrées ; chacun de nous peut se rendre compte des avantages et des désavantages qui résultent de l'exploitation par l’État et apprécier de près les rouages de cette machine si vaste et si compliquée. Toutefois, quelque complets que soient les renseignements, il n'est pas vrai de dire qu'il n'y manque rien. Ceux qui les ont rédigés le reconnaissent eux-mêmes et le déclarent dans la note préliminaire qui figure en tête de leur travail.

Il reste donc des lacunes à combler et ceci n'est pas étonnant ; le contraire devrait plutôt nous surprendre. J'en signalerai une que je voudrais voir disparaître dans le document que je citais tout à l'heure. Figure à la page 15, le tableau du mouvement et le produit du transport des marchandises, des équipages, des chevaux, des finances, etc. sur le chemin de fer de l’État, y compris la ligne de Dendre-et-Waes.

Parmi les articles qui m'ont le plus frappé, il en est trois sur lesquels l'honorable M. Vermeire a appelé, il y a un instant, l'attention de la Chambre ; ce sont les articles libellés sous la dénomination de : petits parquets, petites marchandises et finances et qui constituent ce qu'on pourrait appeler les petits transports.

Les petits paquets ont donné lieu à un mouvement de 1,250,337 kilogrammes, ils ont produit une recette brute de 223,04 fr. 32 c. Les petites marchandises ont provoqué un mouvement de 709,505 quintaux et ont produit une recette brute de 1,191,087 fr. 37 c.

Les finances accusent un mouvement de 214,934 groups de numéraire et ont fait réaliser une recette de 121,933 fr. 96 c.. soit un total pour les trois articles de 1,536,045 fr. 65 c. ou en chiffres ronds 1,600,000 francs.

Je désirerais qu'en regard de la recette de ces trots articles, on fît figurer la dépense à laquelle a donné lieu ce triple mouvement.

Cette décomposition des chiffres afférents à la dépense serait peut-être difficile ; je ne pense pas néanmoins qu'elle soit impossible. Si je tiens à ce que pareille distinction soit faite, c'est parce que je présume que les dépenses qui se rattachent au transport des petites marchandises et des finances équivalent presque à la recette et que le gouvernement ne réalise guère de grands bénéfices sur cette triple catégorie de service.

L'honorable M. Vermeire a tantôt indiqué des chiffres qui me donnent plus que jamais la conviction que je suis dans le vrai.

L'honorable membre vous, a dit qu'en présence d'une augmentation de tarif de 125 p. c. introduite, il y a cinq ans, on n'avait réalisé à l'heure qu'il est qu'une augmentation de recettes de 24 p. c, preuve que le mal n'est pas là où l'administration avait cru le découvrir. J'ai pour, ma part avancé qu'il se pourrait bien faire qu'en ce qui concerne le transport des marchandises d'un petit volume, la recette n'excède pas la dépense ; l'assertion peut paraître hasardée, exagérée. Mais remarquons que le camionnage qui à lui seul a occasionné pour 1858 une dépense de 350,000 fr., si on déduit cette somme de la recette brute de 1500,000, il ne reste plus que 1,250,000 fr. Puis il faut tenir compte des traitements payés aux nombreux employés occupés de l'expédition des petits colis ; ces traitements réunis forment une somme très ronde, car le plus grand nombre des employés qu'on rencontre dans les bureaux d'expédition des marchandises doivent consacrer leur temps aux écritures que nécessite l'expédition des petits transports plutôt qu'à la besogne résultant de l'expédition des grosses marchandises.

Ce service donne lieu à des complications sans fin, à des décomptes interminables avec les différentes compagnies appelées à partager les recettes. Ajoutez que les écritures doivent être portées sur les feuilles de route, sur les registres de l'administration, sur les états adressés à la cour des comptes et au gouvernement. Il y a là une source de dépenses considérable auxquelles il faut ajouter les frais de factage, le salaire des gens de peine, le coût de chargements et de déchargements multiples, les restitutions auxquelles le gouvernement est tenu du chef des avarias et des pertes, les frais de traction proprement dite, ensuite les frais généraux et autres. J'avais par conséquent quelque raison de croire que le bénéfice que le gouvernement réalise à l'aide du transport des petites marchandises est très minime si tant est que le service ne se résolve pas en résultat négatif.

Les 4ème et 5ème sections s'en sont alarmées ; la 4ème section demande, en effet, au gouvernement s'il n'y aurait pas lieu de modifier les conditions du transport des petites marchandises, et de prendre des mesures contre les commissionnaires qui usurpent une partie des droits de l’État ; la 5ème section propose de mettre en adjudication le camionnage.

M. le ministre lui-même vient de déclarer que s'il était en son pouvoir d'empêcher le groupement par des tiers des petites marchandises, il n'hésiterait pas à le faire. Messieurs, si mes prévisions sont exactes, si la dépense égale la recette ou à peu près, il y aurait peut-être une réforme plus radicale à introduire ici. Peut-être serait-ce le cas de ne pas se borner à mettre seulement en adjudication le camionnage, mais tout le transport des petits paquets, des petites marchandises et des finances. Au lieu de mettre obstacle à l'immixtion des particuliers ou des compagnies dans ces transports, ne serait-il pas plus rationnel d'appelée la concurrence de confier le transport à une compagnie ou à plusieurs. Aujourd'hui, beaucoup de transports échappent à l'administration du chemin de fer ou tout au moins elle ne recueille par le bénéfice qu'elle serait en droit d'en attendre.

Il n'est pas besoin de nommer la compagnie puissante qui opère avec succès à côté de l'administration du chemin de fer et qui emprunte pour cela les lignes de l’État. On sait quels développements elle est parvenue à donner au service qu'elle a établi ; mais si elle a réussi, c'est sans doute qu'elle est dans des conditions dans lesquelles ne se trouve pas et ne se trouvera probablement jamais l'administration du chemin de fer de l’État. En fait, cette compagnie jouit de la confiance du public, et le public s'obstine à réclamer ses services, à lui donner la préférence.

Cette confiance on ne la lui ravira point ; ces conditions auxquelles je faisais allusion ne sont pas faites pour l'administration du chemin de fer de l’État ; car avec notre système de comptabilité l'administration de nos chemins de fer doit justifier devant la cour des comptes de toutes ses recettes et de toutes ses dépenses jusqu'au dernier centime, elle doit en rendre raison à la Chambre et en rendre raison au public. Une administration particulière peut accorder des remises pour s'assurer des transports ; elle peut accorder beaucoup à la confiance qu'elle met dans la probité et dans l'intelligence de ses subordonnés.

L’État ne peut en faire autant, il faut qu'en tout il se conforme aux principes inflexibles de la comptabilité officielle dont la première règle est la publicité la plus large, la plus complète possible et l’inquisition la plus minutieuse et la plus gênante. Le gouvernement ne pourrait pas exercer sur la compagnie adjudicataire une surveillance très étroite, très sévère, contrôler les opérations de son trafic, constater le bénéfice net pour établir la part qui lui revient équitablement et celle qui revient à la compagnie.

En résumé, je pense que ce système, si tant est qu'il soit praticable, aurait pour avantage de donner un revenu certain à l'administration du chemin de fer, en place d'un revenu au moins problématique ; il aurait en outre pour conséquence de simplifier les ouvrages administratifs, et de permettre à l'administration du chemin de fer de l’État, de porter toute son attention, toute son activité, vers les grandes opérations, vers les transports intérieurs de grosses marchandises, de s'occuper plus spécialement des transports internationaux et de transit, ce sont là en définitive les grandes ressources du chemin de fer ; on dégagerait, au surplus, l'administration de beaucoup de responsabilisé et de beaucoup de soucis.

Je comprends qu'il sera difficile de fournie les renseignements que je demande, mais ce ne sera point impossible ; on pourrait se borner à donner des calculs approximatifs si pas mathématiquement rigoureux, mais tels au moins qu'ils puissent servir à faire des appréciations rationnelles.

J'appelle l'attention de M. le ministre sur ce point et j'insiste pour que les renseignements que je désire obtenir nous soient fournis.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je dois une explication à l'honorable M. Vanden Branden de Reeth à propos de la station de Haecht. J'ai eu déjà l'occasion de déclarer ailleurs qu'ici que cette station ne serait pas supprimée.

Il y a un engagement pris depuis longtemps pour l'établissement de stations à Boort-Meerbeek et à Wespelaer, mais cet engagcment.ne doit pas avoir pour conséquence la suppression de la station de Haecht. Cette station sera maintenue aussi longtemps qu'il y aura des voyageurs eu nombre raisonnable pour rendre nécessaire la halte des convois en cette localité. On pourra régler les convois de façon à faire l'arrêt tantôt à Wespelaer et tantôt à Haecht, de telle sorte qu'on puisse desservir ces localités de la manière la plus convenable sans nuire au service du chemin de fer.

(page 550) L'honorable M. de Muelenaere est revenu sur une observation présentée hier déjà par l'honorable M. Tack. Il s'est exprimé d'une manière trop bienveillante pour que je puisse songer à ne pas remplir l'obligation qui existe pour moi de faire tout ce qui dépendra de l'administration pour améliorer la coïncidence des convois sur le chemin de fer de la Flandre occidentale.

L'honorable M. Tack vient de me demander un renseignement qu'il serait bien difficile de produire.

II demande qu'on indique séparément ce que coûte le service spécial des petits paquets, lequel se trouve aujourd'hui confondu dans les services généraux de l'administration. Il a exprimé l'opinion que ce service ne rapporte pas ce qu'il coûte ou du moins que ce qu'il rapporte est très peu de chose.

L'honorable membre est entré dans différents détails pour arriver à cette conclusion que l’État ferait aussi bien d'abandonner cette partie de l'exploitation. Je ne partage pas du tout cette opinion. Les raisonnements qu'a présentés l'honorable membre ont été produits déjà dans l'intérieur même de l'administration ; mais j'ai toujours été d'une opinion diamétralement opposée. Je reconnais que le transport des petits paquets ne rapporte pas tout ce qu'il est susceptible de produire, mais ce n'est nullement là, selon moi, une raison pour le supprimer et pour le faire passer en des mains étrangères ; c'est une raison seulement pour améliorer cette partie du service afin d'en retirer tout le fruit qu'elle peut produire.

On a souvent émis la pensée autrefois que l’État était incapable d'exploiter, qu'il fallait traiter l'exploitation du chemin de fer commercialement et qu'il y aurait avantage à livrer notre railway à une société concessionnaire ; Ces idées, heureusement pour l'honneur et pour les intérêts du pays paraissent maintenant abandonnées ou du moins elles n'ont plus été reproduites depuis assez longtemps et j'espère qu'elles ne reparaîtront plus désormais. On a dû reconnaître sans doute que l’État ne pouvait pas abandonner l'exploitation du chemin de fer, ce puissant instrument de la prospérité publique, et, messieurs, l'exemple de la plupart des pays qui vous entourent est bien fait pour dissiper le doute qui pourrait subsister encore à cet égard dans certains esprits.

Ainsi, le gouvernement prussien poursuit le rachat des lignes ferrées établies par l'industrie privée sur son territoire. Quant à la France, vous savez quelles sont les tendances qui s'y manifestent ; on les a déjà signalées. Ici, nous sommes dans des conditions tout à fait spéciales et je constate que le gouvernement et les Chambres ont fait acte de haute sagesse et de prévoyance en ne se dessaisissant pas du réseau de chemins de fer que nous possédons.

Je disais donc, messieurs, qu'on avait renoncé à préconiser l'abandon du chemin de fer de l’État à l'industrie privée ; mais qu'arrive-t-il maintenant ? C'est que, voyant qu'on ne peut pas l'absorber en masse, on cherche à l'absorber en détail ; c'est là une tactique à laquelle je ne prêterai jamais les mains.

Je reconnais qu'il y a quelque chose à faire pour le transport des petits colis, c'est un point que j'examinerai ; mais je n'hésite pas à déclarer en même temps que je n'entrerai pas dans la voie indiquée par l'honorable préopinant.

On a parlé d'adjudication ! Mais, messieurs, ne comprend-on pas que, dans un pareil service, l'adjudication ne pourrait se faire que pour un terme assez long, puisqu'il faudrait créer un matériel et organiser un personnel considérable ? Et dès lors l'adjudication n'équivaudrait-elle pas à une véritable concession d'une partie du revenu du chemin de fer, partie peu considérable à l’heure qu'il est, bien qu'elle ne soit cependant pas dans des conditions aussi défavorables qu'on paraît le croire ; mais qui est susceptible d'accroissement dans l'avenir.

Du reste, s'il est possible d'établir ultérieurement, d'une manière quelque peu précise, la dépense spéciale de ce service, je me ferai un devoir de l'indiquer ; parce que, selon moi, le système le plus simple en même temps que le plus utile en fait d'administration, c'est de faire connaître avec exactitude tous les faits relatifs aux diverses branches de l'administration. Il faut que, dans les administrations publiques, tout se fasse au grand jour ; de cette manière chacun peut se rendre un compte exact des faits ; les discuter avec utilité et avec fruit en apportant dans le débat le contingent de son expérience et de ses connaissances particulières.

M. Rodenbach. - A propos du chemin de fer anglo-belge dans le centre de la Flandre occidentale, mes honorables collègues et amis le comte de Muelenaere, le baron le Bailly de Tilleghem et Vander Donckt ont présenté des observations très judicieuses auxquelles je me rallie entièrement. Je les compléterai, messieurs, en disant que Roulers, cette ville où l'activité commerciale et manufacturière est si grande, cette localité où il y a maintenant une douzaine de machines à vapeur, filatures de lin, de laine, manufactures, fabriques considérables de toile, etc., etc., éprouve, dans ses relations avec la ville de Gand, dont elle n'est éloignée que de neuf lieues, plus de difficultés pour voyager rapidement qu'avant l'établissement du chemin de fer. Autrefois, quand le service des messageries Van Gend et Cie et de Pierre Demeurisse desservait cette localité, les habitants de Roulers pouvaient aller à Gand, y traiter leurs affaires et revenir le même jour.

Depuis la mauvaise fixation des heures de départ du chemin de fer, cela n'est plus possible. La compagnie concessionnaire de ce chemin de fer jouit de la garantie d'un minimum d'intérêt pour les deux sections de Thielt et d'Ypres de la somme énorme de 306,000 francs. Il me semble, messieurs, que le gouvernement pourrait bien, en compensation du sacrifice énorme qu'il fait, exiger de la compagnie qu'elle organise son service d'une manière plus convenable et plus conforme aux importants intérêts des localités que son chemin de fer traverse. J'appelle sur ce point la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics et je me plais à croire que ce haut fonctionnaire daignera promptement accueillir ma demande. Je le répète, messieurs, c'est le vœu d'une ville qui progresse dans son industrie et dans ses manufactures, et elle a droit de faire connaître ses doléances par mon organe.

M. Loos. - Dans la crainte de fatiguer la Chambre, je n'aurais plus pris la parole dans cette discussion, si je n'avais entendu établir des analogies entre des faits qui, à mon sens, n'en ont pas du tout.

Que le gouvernement fasse des concessions pour attirer en Belgique le transit vers l'Allemagne, tout le monde le conçoit. M. le ministre nous a dit que les marchandises payaient moins cher pour aller d'Anvers en Allemagne que d'Anvers à Verviers. Je le répète, tout le monde comprend dans quel intérêt cette concession est faite. Mais on ne peut signaler ce fait comme ayant de l'analogie avec celui que j'ai cité. C'est un intérêt tout opposé qui a fait faire au gouvernement cette concession, c'est l'intérêt du chemin de fer et du port d'Anvers.

Messieurs, je n'ai pas accusé M. le ministre actuel d'avoir établi cette anomalie. Elle existait avant son arrivée à la tête du département. J'ai voulu seulement le rendre attentif à un fait qui, d'après moi, existe depuis beaucoup trop longtemps. C'est le 23 février qu'il a été signalé au gouvernement, et il me semble que du 3 février au 23 mars on aurait pu remédier à un état de choses qui n'aurait pas dû être maintenu deux jours après qu'il était signalé.

M. le ministre m'apprend qu'il faut six mois pour changer la convention. Je crois qu'en y regardant de près, il trouvera moyen de la modifier avant six mois, parce qu'il a été posé des actes contraires à la convention intervenue.

Quant aux marchandises venant de France, il y a encore ici un fait bien extraordinaire. II existe une ligne de bateaux à vapeur de Bordeaux à Dunkerque. Comment expliquer que le gouvernement veuille avantager la ligne de Bordeaux à Dunkerque, au détriment de la ligne de Bordeaux à Anvers ? C'est cependant ce qui se passe. Grâce aux concessions faites dans les tarifs des chemins de fer, il en coûte moins pour recevoir en Belgique les vins de Bordeaux, du Rhône, de l'Hérault et de l'Ardèche par Dunkerque que par Anvers ; parce qu'on a consenti à un état de choses tel, que les transports de Dunkerque à Bruxelles, à Liège, à Tirlemont, à Verviers, à Louvain, à Namur, etc., coûtent moins que d'Anvers vers ces localités. Ainsi la ligne qui est établie d'Anvers à Bordeaux doit nécessairement succomber devant la ligne de Bordeaux à Dunkerque.

Voilà le résultat de ces différences dans les péages. Chacun doit comprendre l'importance qu'il y a pour le pays, à ce qu'il soit mis un terme à un état de choses aussi anomal.

Quant aux lettres, pour terminer par un mot sur cet objet, l'honorable ministre a dit qu'on expédiait par la malle partant la première d'Angleterre.

Dans ce cas, nous devons nous attendre à voir un jour nos lettres des États-Unis nous arriver par Hambourg. Car il y a un service de malle entre l'Angleterre et Hambourg, et il pourrait se faire que le bateau pour Hambourg partît avant celui qui se rend à Calais ou à Ostende. Il existe là des faits que le département des travaux publics ignore complètement. Mais il est un fait incontestable, c'est que les lettres expédiées des États-Unis vers la Hollande arrivent directement d'Angleterre à Rotterdam.

Je le répète, si ces questions avaient passé par l'office d'un département du commerce, on n'arriverait pas à de semblables conséquences ; et s'il est vrai qu'il faille six mois pour dénoncer une convention internationale de chemin de fer, c'est une raison de plus pour que dans les conventions à faire, on médite mûrement les conditions à accorder. On consulte souvent les chambres de commerce sur des choses peu importantes. Il me semble que des conventions de la nature de celles que je viens d'indiquer sont assez importantes pour être soumises à l'avis des chambres de commerce.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Deux mots seulement. Les frais de transport de Dunkerque à l'intérieur du pays, d'après les renseignements que j'ai en main, ne sont pas du tout tels qu'on vient de les indiquer. Je comprends que les frais soient moindres pour la partie du pays qui avoisine la frontière. Mais de Dunkerque à Bruxelles, le fret est de 18 fr. 20 c ; d'Anvers à Bruxelles il est de 5 fr.50 c ; de Dunkerque à Liège il est de 23 fr. 30 c. et d'Anvers à Liège il est de 12 fr. 50 c. Différence dans le premier cas, 12 fr. 70 c. et dans le second 10 fr. 50 c.

Maintenant que les marchandises qui arrivent à la frontière, favorisées par des remises considérables de tarifs, coûtent moins que lorsqu'elles arrivent par Anvers ; c'est ce qu'on ne pourrait empêcher. J'ai dit qu'au point de vue de l'exploitation, le fait pouvait se justifier, mais qu'il y avait ici une question qui devait dominer la question d'exploitation, c'est la question commerciale. Celle-ci sera examinée. Je ne puis rien ajouter à cet engagement.

Quant aux lettres arrivant d'Angleterre qui pourraient arriver par Hambourg pour venir en Belgique, ii faut que je me sois bien mal (page 551) expliqué pour que l'honorable M. Loos ait pu ainsi interpréter ma pensée. Il est évident que j'ai voulu parler du moment d'arrivée des malles de la poste et non du moment du départ ; car il pourrait se faire qu'il y eût en Angleterre un départ pour la Chine avant le départ pour la France, et je n'ai nullement voulu dire que dans ce cas on expédierait les lettres par la Chine.

Maintenant que les lettres de Hollande ne passent pas par Paris, je veux bien l'admettre. La question est de savoir si elles arrivent à Rotterdam directement plus tôt que par Paris. La question est là.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.