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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1007) M. Calmeyn procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Calmeyn présente l'analyse des pièces présentées à la Chambre.

« Des propriétaires, industriels, exploitants de minerais et commerçants à Joncret, prient la Chambre de donner une application temporaire aux nouveaux droits de douane sur la fonte et le fer, d'autoriser le gouvernement à augmenter ces droits dans certaines limites et de permettre la sortie de tous les minerais de fer, moyennant certains droits de douanes. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des juges de paix dans l'arrondissement de Termonde demandent une augmentation de traitement et la révision du tarif. »

- Renvoi à la commission du projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Le sieur Gins, géomètre de deuxième classe à Mons, demande que le prix des extraits du plan cadastral soit abandonné aux deux géomètres attachés à chaque bureau et aux aspirants géomètres. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des juges de paix dans le Hainaut prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Renvoi à la commission du projet de loi sur l'organisation judiciaire.


Par dépêche du 9 mars, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur Pierrepont, demandant que les militaires qui obtiennent des congés puissent jouir du transport gratuit par le chemin de fer pour se rendre dans leur famille.

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1857

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du budget des travaux publics pour l'exercice 1857.

La section centrale propose le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du budget, des pétitions qui lui ont été renvoyées.

- Cette proposition est adoptée.

M. Osy. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Pour que la discussion soit aussi claire que possible, il serait bon de décider que nous aurons une discussion générale spéciale sur le chemin de fer et les postes lorsque nous arriverons au chapitre IV, et que la discussion générale sur l'ensemble du budget ne portera que sur les autres chapitres.

J'en fais la proposition à la Chambre.

M. de T'Serclaes, rapporteur. - J'appuie la motion de l'honorable M. Osy. Il est dans les usages de la Chambre d'ouvrir une discussion générale sur le chemin de fer, on peut en faire de même pour les autres services. La marche indiquée par l'honorable membre me paraît propre à faciliter nos travaux. On a remarqué, bien souvent, que les observations qui sont présentées dans la discussion générale s'appliquent à certains chapitres du budget et se reproduisent de nouveau lorsque l'on arrive aux articles ; d'autre part, il arrive aussi que la Chambre ne tient pas compte des observations énoncées en discussion générale, lorsque l'on en vient aux votes des crédits.

Il est d'autant plus nécessaire, pour le budget qui nous occupe, d'adopter un ordre particulier dans la discussion, qu'il faut nécessairement se rendre compte des nombreux transferts proposés par le gouvernement ; ces transferts s'appliquent pour la plupart à l'administration du chemin de fer. Il me semble donc que la Chambre devrait différer l'examen du chapitre premier jusqu'à la discussion du chapitre IV. On pourrait s'occuper en premier lieu du chapitre II.

M. Vermeire. - Je ne sais si je dois accueillir la motion que vient de faire l'honorable M. Osy. Je crois que la discussion générale doit s'appliquer à tout le budget. Ainsi je demanderai aux honorables membres qui font cette proposition de quoi ils veulent qu'on s'occupe dans la discussion générale. Il y a, dans le budget, plusieurs chapitres, qui ont chacun leur spécialité. Si l'on ne peut s'en occuper dans la discussion générale, celle-ci devient impossible.

Je crois qu'il faut suivre les usages et laisser chacun libre d'embrasser, dans la discussion générale, toutes les parties du budget.

M. Lelièvre. - Je crois devoir appuyer les observations de l'honorable M. Vermeire.

Il n'y a nul motif de restreindre la discussion générale dans certaines limites. Tous les membres de la Chambre ont le droit de présenter leurs observations relativement aux divers services ressortissant au département des travaux publics, à la marche du gouvernement et à tous les actes du ministre.

A quel titre donc, au mépris de tous les précédents, ne laisserait-on pas à chacun de nous la latitude qui n'a cessé d'être décrétée en semblable occurrence ?

Il me paraît qu'aucun motif sérieux n'appuie la motion de M. Osy, et je pense qu'il est impossible de ne pas se conformer à la marche suivie jusqu'à ce jour.

M. Osy. - Mon seul but était d'abréger nos discussions. Il est certain que si l'on s'occupe du chemin de fer dans la discussion générale, les mêmes observations seront reproduites au chapitre IV.

Du reste, puisqu'il y a opposition, je n'insiste pas.

M. Rodenbach. - Messieurs, le but que l'honorable M. Osy a en vue ne serait pas atteint par la proposition qu'il a faite ; loin d'être abrégée, la discussion serait allongée. D'ailleurs, personne n'est inscrit sur le chapitre du chemin de fer…

M. le président. - Pardon.

M. Rodenbach. - Peu importe ; il y a déjà 27 ans que la Chambre suit un mode différent de celui qu'on propose aujourd'hui, et je ne vois aucun motif pour déroger à nos précédents.

M. de Brouckere. - Messieurs, cette discussion me paraît sans objet. Il est dans nos usages qu'une discussion générale s'établisse sur l'ensemble du budget, mais il est également dans nos usages qu'il y ait ensuite une discussion générale sur chacun des articles importants du budget. C'est ainsi que nous venons de discuter encore le budget de l'intérieur.

Eh bien, lorsque la discussion générale sur l'ensemble du budget est ouverte, il est impossible d'interdire aux orateurs de parler sur le chemin de fer ; mais il doit être convenu que, malgré ce qui aurait été dit sur le chemin de fer dans la discussion générale, on se réserve d'ouvrir une discussion spéciale sur le chapitre concernant le chemin de fer. Je crois que c'est la seule manière de procéder. Après cela, s'il est entendu qu'on agira de la sorte, les orateurs useront, quant au chemin de fer, d'autant de réserve qu'ils le jugeront à propos dans la discussion générale du budget.

M. Osy. - Je retire ma proposition.

M. le président. - La proposition est retirée.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il se rallie aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je me rallie aux propositions de la section centrale et il n'y a aucun inconvénient à ce que la discussion s'ouvre sur son projet. Je me réserve, dans la discussion, de présenter des observations sur deux points à l'égard desquels je ne suis pas entièrement d'accord avec la section centrale.

M. le président. - En conséquence, la discussion générale s'établit sur le projet de la section centrale.

La parole est à M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Messieurs, le budget des travaux publics me donne l'occasion de présenter quelques observations auxquelles donnent lieu certaines mesures prises dans le courant de l'année dernière par M. le ministre des travaux publics, mesures qui ne me semblent pas conformes aux dispositions législatives en vigueur.

La loi du 2 mai 1837 sur les mines autorise le gouvernement à décréter pour cause d'utilité publique, après enquête préalable, l'établissement de chemins de facilité pour l'exploitation des concessions de mines accordées en vertu de la loi du 21 avril 1810.

Une commission d'enquête ayant été nommée et ayant émis son avis sur la question de savoir si l'établissement d'un chemin devait être ordonné en exécution de la loi de 1837, M. le ministre a pensé que l'instruction était irrégulière parce que tous les membres de la commission n'avaient pas assisté à la délibération.

Dans l'opinion du gouvernement, la présence de tous les membres est indispensable, et si l'un d'eux est absent ou empêché, la majorité même de la commission ne peut prendre une résolution.

Cette décision, qui a fait naître un conflit entre le gouvernement et la députation permanente du conseil provincial de Liège, consacre, selon moi, une violence formelle de toutes les règles administratives.

Quand une commission est chargée d'une mission quelconque en matière administrative, elle est investie d'un droit de juridiction comme collège ; or les principes de la législation ancienne et moderne ont toujours admis qu'en ce cas il suffit de la présence de la majorité des membres pour délibérer.

C'est là une règle générale dont on trouve des traces dans toutes les lois organiques.

(page 1008) Quand le législateur a voulu qu'un corps administratif ne pût prendre une décision qu'à certain nombre de membres, il a eu soin d'exprimer son intention en termes formels, par exemple en ce qui concerne le conseil des mines ; mais les corps les plus élevés de l'ordre administratif pouvant délibérer légalement, lorsque les membres composant la majorité se trouvent présents, il n'est pas raisonnable d'admettre un principe contraire, lorsqu'il s'agit d'une simple commission d'enquête.

Cela est d'autant plus incontestable que la loi du 2 mai 1837 ne détermine même pas la forme de l'enquête en matière de mines et que dès lors il n'existe sur ce point ni loi ni arrêté dérogeant aux principes ordinaires en matière administrative, chaque fois qu'un corps quelconque est appelé à délibérer.

Les députations permanentes des conseils provinciaux, les corps politiques et administratifs investis des missions les plus importantes peuvent prendre des résolutions dans l'hypothèse dont nous nous occupons, et l'on serait plus rigoureux à l'égard d'une commission d'enquête appelée à émettre un simple avis.

Ce système admis par M. le ministre me paraît dénué de fondement, et comme il s'agit d'une question de principe qui peut se présenter fréquemment, j'ai cru devoir appeler sur ce point l'attention de la Chambre et du gouvernement.

La jurisprudence que je combats aurait, du reste, pour résultat d'entraver l'instruction des affaires et pourrait, sous ce rapport, donner lieu à de sérieux inconvénients.

Je considère donc la décision portée sur cette question comme erronée et il faut bien le dire, c'est là une innovation malheureuse qui n'est justifiée par aucun précédent.

Depuis quelques années, je n'ai cessé de me plaindre de l'inexécution de la loi de 1851 sur les travaux publics, en ce qui concerne la ville de Namur. On avait destiné à l'amélioration de la Sambre près de cette ville, une somme importante. Les travaux n'ont pas été exécutés et on ne nous a donné aucune compensation.

Dernièrement il s'agissait de l'ouverture de la rue de l'Escalier, qui devait donner un accès facile vers la station de l'Etat. Eh bien, le gouvernement exige que la ville de Namur, déjà obérée par suite de la confiscation des anciennes routes dont on s'est emparé à son préjudice, fasse les frais nécessités par des travaux, et il oublie qu'il est notre débiteur par suite de la privation des avantages que nous avait assurés la loi de 1851.

Toutes les faveurs du gouvernement sont réservées aux localités importantes, et, en ce qui concerne les villes de second ordre, on se croit même dispensé à leur égard des devoirs de la plus simple justice.

Les abords de la station de Namur présentent des dangers sérieux pour la sûreté publique, il serait temps de faire cesser cet état de choses.

Je prie le gouvernement de s'occuper de cet objet et de ne pas attendre que des accidents funestes se soient produits.

Depuis longtemps aussi les intérêts de notre cité réclament l'établissement d'un entrepôt que l’extension des relations commerciales rend indispensable. Déjà de nombreuses demandes ont été adressées au gouvernement. J'espère qu'enfin M. le ministre daignera les prendre en considération.

Il est certain que des considérations graves exigent qu'on agrandisse la station de notre ville. L'instruction qu'ordonnera le gouvernement sur ce point démontrera combien il est urgent de faire exécuter les travaux que je signale, et il est fâcheux que des mesures aussi nécessaires éprouvent des retards qui compromettent d'importants intérêts.

J'ajouterai une observation générale concernant les diverses branches de services ressortissant au département des travaux publics.

A mon avis, le gouvernement devrait être sobre de contestations judiciaires. Il ne cesse de soutenir des procès pour des affaires de peu d'importance, ce qui occasionne à l'Etat des frais considérables, témoin les divers crédits qu'on ne cesse de demander.

Il devrait exister au département des travaux publics, comme à celui des finances, une commission du contentieux qui examinerait avec soin les affaires et ne les déférerait aux tribunaux que dans le cas où il existerait des chances très probables de réussite et seulement lorsqu'un intérêt sérieux est engagé dans le débat.

Je me bornerai pour le moment à ces observations ; je me réserve d'en présenter d'autres lors de la discussion des articles du budget.

M. de Paul. - Messieurs, je crois devoir profiler de l'occasion que présente la discussion générale du budget des travaux publics pour appeler l'attention de l'honorable M. Dumon et celle de so honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, sur le peu de cas qu'on semble faire de la voirie vicinale, lorsqu'il s'agit de l'établissement de chemins de fer ou d'autres travaux publics.

Je m'explique. Lorsqu'un chemin de fer est décrété, le concessionnaire présente au département des travaux publics un plan détaillé, savamment conçu ; ce département le soumet à un long et mûr examen, et ce n'est qu'après de très longues formalités qu'il est approuvé.

Mais dans la formation de ce plan et dans l'examen qui en est fait, on ne s'occupe nullement des nombreux chemins vicinaux que la nouvelle voie doit traverser.

Aussi qu'arrive-t-il ? L'entrepreneur se met à l'œuvre ; le premier chemin vicinal qu'il rencontre, il le coupe, il l'intercepte, il le détourne, et tout cela sans remplir aucune formalité.

Le bourgmestre intervient, il est vrai ; il réclame au nom de la loi ; mais ordinairement on l'envoie se promener sans façon ; ou bien, on cherche à l'amadouer, en lui promettant une station ou un point d'arrêt ; ou bien encore on le menace, on lui dit : « Si vous êtes récalcitrant, nous allons congédier tous nos ouvriers, nous allons, d'une manière ou d'autre, nuire aux intérêts de vos administrés ! » Et le pauvre bourgmestre est obligé de laisser faire !

Si les agents de la voirie se mettent de la partie, alors on commence à entrer en pourparlers, on promet de faire des plans, de remplir les formalités prescrites par la loi du 10 avril 1841, pour la suppression ou le détournement des chemins vicinaux ; mais en attendant on passe outre. Si l'administration locale n'emploie pas les grands moyens, n'arrive pas avec force gendarmes pour empêcher la continuation des travaux, il advient que le chemin de fer est complètement terminé avant qu'on ait songé à rétablir convenablement la circulation sur le chemin vicinal ; et encore arrive-t-il souvent qu'une réparation complète n'est jamais obtenue. Le gouvernement se dessaisit des cautionnements déposés par les concessionnaires ; le chemin de fer est reçu officiellement et définitivement, et les communes ont beau réclamer, on ne les écoute plus.

Permettez-moi de vous citer à cet égard un fait dans lequel je suis intervenu :

Pendant l'hiver de 1849, l'entrepreneur du chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes ouvre une tranchée de 5 à 6 mètres de profondeur, dans le chemin de grande communication de Thuin vers la frontière de France (je préside le comité administratif de ce chemin).

Sur mon avis, le bourgmestre de la commune veut s'opposer à ce travail mon autorité. On lui répond par la menace du renvoi immédiat de tous les ouvriers, et par la promesse de remplir sans retard les formalités voulues par la loi. Le bourgmestre dut laisser faire.

On établit alors un pont en bois, qui quoique provisoire et dangereux, doit servir pendant 5 ou 6 ans. Sans avis ni autorisation aucune, on construisit un viaduc dans de mauvaises conditions pour le chemin vicinal. En 1852, intervint un arrêté royal prescrivant les travaux de raccordement à ce viaduc. En 1855 seulement, la compagnie concessionnaire se mit à exécuter ces travaux, non pas tels qu'ils sont prescrits, mais tels que la compagnie le trouva bon ; et aujourd'hui encore ils sont inachevés, malgré les incessantes réclamations de la commune, du comité administratif du chemin vicinal, du gouverneur du Hainaut, et du conseil provincial.

Enfin, après huit ans d'attente, l'autorité supérieure informe la commune qu'elle doit poursuivre devant les tribunaux l'exécution de l'arrêté royal de 1852 ! Mais la commune n'a pas le premier denier pour entamer le procès ; le chemin vicinal, qui a coûté de gros subsides au trésor public, au trésor de la province et aux caisses des communes qu'il traverse, restera dégradé et continuera à présenter de véritables dangers pour la circulation.

Autre fait : Il y a quelques mois, les chemins vicinaux de six ou sept communes de mon arrondissement se trouvaient détournés, interceptés par les travaux d'un chemin de fer en construction ; ce n'est qu'au moyeu de procès-verbaux et de gendarmes qu'on est parvenu à décider l'entrepreneur à remplir les formalités prescrites par la loi du 10 avril 1841. Je ne sais où en sont les choses aujourd'hui.

Dans l'une de ces localités, la construction du chemin de fer a nécessité des transports considérables de terre et autres matériaux qui ont tellement détérioré, effondré un chemin vicinal nouvellement empierré que la circulation y est devenue impossible. L'administration communale a vainement réclamé une indemnité ; elle s'est alors adressée à la députation permanente qui a cru pouvoir, s'appuyant sur la loi de 1841 faire estimer le dommage et délivrer contrainte pour le recouvrement de l'indemnité ; mais le tribunal a annulé cette contrainte. De telle sorte qu'aujourd'hui la commune se trouve avec un chemin impraticable malgré toute la dépense qu'elle avait faite pour son amélioration.

Evidemment, je ne rends pas les honorables ministres responsables de ces faits ; je les cite pour établir qu'il est indispensable qu'il y ait, outre les départements des travaux publics et de l’intérieur, une entente complète pour sauvegarder les intérêts de la voirie vicinale quand il s'agit de la construction d'un chemin de fer et d’autres travaux publics.

Il ne m'appartient pas de déterminer les mesures à prendre à ce sujet ; mais il me semble qu'elles sont non seulement nombreuses, mais très faciles.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à vouloir bien se mettre en rapport avec son honorable collègue et à faire en sorte que des faits de l'espèce que je signale ne se reproduisent plus. Il sera très facile au pouvoir central d'obtenir justice de tous ces petits méfaits qui pour les communes sont choses extrêmement importantes et qu'elles doivent souffrir, en criant, c'est vrai, mais en criant en pure perte.

M. Mascart. - Messieurs, dans la séance du 15 mai dernier, sur la proposition de l'honorable M. Frère, la Chambre a renvoyé à la section centrale le projet de loi portant concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw.

Chacun de nous se rappelle quels sont les motifs qui ont déterminé la Chambre à prendre cette résolution. Le coût de la ligne était contesté, on n'avait pas la garantie qu'elle dût coûter 15,500,000 fr. et partant que le nombre des annuités à payer aux concessionnaires n'était pas trop considérable.

(page 1009) Depuis lors, l'administration des ponts et chaussées a dû faire le devis de la dépense. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si le travail de son administration a été transmis à la section centrale, et en même temps si ce projet de loi sera de nouveau soumis aux délibérations de la Chambre pendant la session actuelle ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je commencerai par répondre aux observations qui vous ont été présentées par l'honorable M. Lelièvre, parce qu'à mes yeux elles sont les plus importantes en ce sens qu'elles touchent à une question de principe où l'honorable député de Namur pense que le gouvernement a posé des actes qui sortent de la saine interprétation des lois existantes.

Le fait auquel il a fait allusion est celui-ci : que le département des travaux publics s'est refusé à accorder l'autorisation de construire un chemin de fer pour l'exploitation d'une mine, parce que l'avis de la commission sur cette affaire n'avait pas été pris en présence de tous les membres de la commission. Il pense, et il a développé ses moyens, que cette manière d'agir est contraire non seulement à la loi, mais aussi à la saine interprétation qu'il faut lui donner.

Vis-à-vis de l'honorable M. Lelièvre je suis toujours très embarrassé de répondre, parce qu'il passe sa vie dans l'étude des questions de droit et, pour ma part, j'y ai été jusqu'à présent assez étranger.

Celte défiance de moi-même m'impose une réserve très grande, quand il s'agit de traiter des questions de l'espèce, et je ne prends jamais de résolution sans m'être entouré de tous les renseignements. Aussi c'est ce que j'ai fait dans le cas actuel. Je ne m'en suis pas rapporté à l'avis des fonctionnaires de l'administration centrale chargés ordinairement d'examiner ces questions, et cependant ils sont très compétents. Mais je me suis encore éclairé de l'avis de l'avocat du département des travaux publics. J'ai provoqué une consultation délibérée de trois avocats, précaution que l'on prend quand il s'agit d'un mineur et j'ai de plus requis du département de la justice son avis sur cette question, parce qu'elle était controversée et qu'à mes yeux elle présentait un certain caractère de gravité.

Eh bien, messieurs, je n'ai pas eu de peine à m'éclairer ; car les avis ont été unanimes, et les raisons sur lesquelles ces avis étaient basés me donnaient lieu encore de les approuver sans aucune espèce de répugnance.

En effet, de quoi s'agissait-il dans cette affaire ? Il s'agissait du droit d'expropriation pour un intérêt qui est quelquefois général, mais qui, bien plus souvent encore, n'est qu'un intérêt particulier ; car si l'exploitation des mines est d'intérêt général, l'exploitant a souvent une très bonne part dans les bénéfices. Ainsi il s'agit de savoir si l'on peut recourir à cette mesure extrême de l'expropriation pour un intérêt où le côté général n'est pas souvent le plus important.

Dans la composition d'une commission d'enquête destinée à éclairer l'administration sur des faits de cette importance, où des intérêts si divers sont en présence, les plus grandes précautions sont toujours prises pour que tous les intérêts soient convenablement représentés ; or, il va sans dire que si, pour des causes indépendantes de la volonté de certains membres de la commission, celle-ci n'en réunit qu'un nombre très restreint, il y a des intérêts majeurs qui ne sont pas représentés ou qui ne sont pas représentés dans une proportion juste et équitable, dans la proportion de la part qu'ils ont dans la solution de la question.

Messieurs, cette manière de voir était encore appuyée par des précédents posés dans des cas analogues. Ce n'est pas la première fois que devant les tribunaux de Belgique et devant les tribunaux français l'interprétation de la loi s'est présentée. Les faits ne se sont pas toujours présentés dans les mêmes circonstances, mais ils ont souvent offert une grande analogie, et toujours les tribunaux ont décidé que les formalités prescrites par la loi étaient essentielles, et que leur omission liait le pouvoir et l'empêchait de prendre une résolution. Car, messieurs, veuillez le remarquer, ce n'est pas ici une enquête administrative simple ; c'est en quelque sorte une enquête judiciaire, une enquête où il s'agit de décider de la propriété d'autrui.

Enfin, messieurs, il est rationnel de prétendre que le ministre des travaux publics, qui a le droit de proposer au Roi le refus de l'autorisation, avait bien le droit d'exiger un supplément d'enquête, afin d'être plus complètement renseigné, alors qu'il s'agissait de prendre une mesure extrême, c'est-à-dire de décréter une expropriation, soi-disant dans un intérêt public, mais bien plutôt peut-être dans un intérêt particulier, comme cela arrive souvent, je le répète, en matière de mines.

Le rôle de l'administration consistait à tenir la balance entre tous les intérêts, et le moins qu'on pouvait faire, avant de prendre une détermination aussi importante que celle-là, était d'avoir un avis inattaquable, et je crois qu'en demandant une nouvelle instruction, je n'ai rien fait d'exorbitant. En effet, qui donc pouvait être lésé d'un supplément d'instruction ? Une commission d'enquête a été nommée pour éclairer le gouvernement. La commission n'a pas réuni un nombre de membres suffisants pour que je me sois cru convenablement éclairé. Une nouvelle enquête ne nuit à personne. Les intérêts véritables seront représentés dans la nouvelle commission comme dans l'ancienne ; l'essentiel est que la lumière se fasse complètement.

Ainsi je pense que j'ai agi conformément à la loi, conformément aux précédents posés par les tribunaux et conformément à l'équité.

Messieurs, l'honorable M. Lelièvre avait bien raison de demander que la discussion générale soit ouverte ; car son discours a touché à presque tous les points de l'administration des travaux publics ; il a même touché à des points qui me sont complétement étrangers. L'honorable M. Lelièvre a fait intervenir dans son discours le percement de portes à travers les fortifications, l'ouverture de la rue de l'Escalier, enfin la création d'un entrepôt à la station de Namur. Ces intérêts sont très respectables ; mais je ne crois pas le moment venu de les traiter, le département des travaux publics n'a presque rien à y voir. Peut-être sur le choix d'un emplacement pour l'entrepôt, son avis pourra-t-il être utile ; mais encore une fois le moment n'est pas venu de traiter cette question.

L'honorable M. Lelièvre pense aussi que tous les fonds alloués par la loi de 1851 pour l'amélioration de la Sambre doivent être appliqués à la ville de Namur et aux environs et il ne fait aucun cas des dépenses faites pour l'amélioration de la navigation et l'écoulement des eaux, mesures qui ont été prises sur tout le cours de la rivière. Cependant l'honorable M. Lelièvre sait probablement que l’administration n'est pas restée inactive, que les fonds ne sont pas restés sans emploi : d'année en année on apporte des améliorations considérables au cours de la Sambre ; des redressements y ont été opérés ; tous les ponts qui, par leur trop faible débouché, entravaient la navigation ou l'écoulement des eaux, ont été démolis et reconstruits ; et il y a lieu d'espérer que bientôt la Sambre aura reçu toutes les améliorations dont elle est susceptible.

L'honorable membre pense encore que la station de Namur n'a pas reçu tous les développements nécessaires. Je reconnais volontiers que cette station est destinée à un grand avenir ; plusieurs lignes de chemins de fer très importantes viendront s'y joindre ; lorsque cette jonction sera opérée, il y aura lieu d'augmenter les moyens de garage et de stationnement dont on dispose. C'est une affaire que l'administration ne perdra pas de vue ; et déjà le département des travaux publics a ouvert des négociations avec les compagnies concessionnaires pour donner à frais communs à la station de Namur un développement en rapport avec son importance.

L'honorable M. de Paul a traité une question très importante, mais qui n'est pas non plus entièrement du ressort du département des travaux publics, car les faits qu'il signale sont plutôt des abus qu'une conséquence naturelle des actes posés par ce département. En effet, messieurs, tous les chemins de fer concédés sont décrétés par une loi, cette loi impose l'obligation de faire le chemin de fer et fixe les points principaux qu'il doit traverser ; ensuite le tracé est soumis par les concessionnaires et approuvé par un arrêté royal pris en exécution de la loi. Ce tracé approuvé, les concessionnaires sont obligés de soumettre à l'approbation du département des travaux publics les plans de tous les ouvrages d'art qui doivent se trouver sur la ligne.

Le département des travaux publics n'admet pas que l'approbation du tracé et l'approbation des plans emportent, pour les concessionnaires, la faculté de les exécuter sans se soumettre aux autres lois qui pourraient exister sur la matière.

Ces approbations ne portent que sur ce qui est relatif à l'exploitation du chemin de fer et à la sécurité des voyageurs ; mais si les ouvrages d'art ont des rapports avec les chemins vicinaux ou avec les cours d'eau, dont l'administration n'appartient pas au département des travaux publics, les concessionnaires, pour agir régulièrement, ont à se pourvoir auprès de l'autorité compétente, à l'effet de faire approuver soit le détournement de chemins vicinaux ou de cours d'eau, soit le raccordement de ces chemins avec le chemin de fer, soit les mesures projetées pour assurer l'écoulement des eaux.

Toutes les compagnies, je le sais, ne se sont pas conformées à cette obligation, et, à cet égard, une enquête simultanée est ouverte au département de l'intérieur, au département des travaux publics et au département de la justice, parce qu'il s'agit aussi de questions de principe. Cette enquête a pour but de rechercher ce qu'il conviendrait de faire pour sauvegarder les intérêts auxquels l'honorable député de Thuin a lait allusion et pour prévenir les conflits comme ceux dont il a parlé.

L'honorable membre a cité des cas où, après bien des promesses illusoires, les communes n'ont pas obtenu justice. Je pourrais, messieurs, citer d'autres communes qui pendant bien longtemps ont empêché l'exécution des chemins de fer, et tenu les compagnies en échec ; au nom de leur droit de propriété sur les chemins vicinaux ou les cours d'eau, ces communes ont forcé les compagnies à passer par leurs conditions ; et celles-là n'ont certes pas vu leurs intérêts compromis. Cela prouve que le vice est, non pas dans la loi, mais dans l'exécution qu'elle reçoit quelquefois.

Chaque fois qu'on s'adressera aux tribunaux, je crois qu'on obtiendra une sentence exécutoire contre les compagnies qui porteraient atteinte à la propriété des communes ou qui violeraient la loi sur les chemins vicinaux. Mais, je le répète, messieurs, comme les procès sont difficiles et coûteux, les trois départements s'efforceront de trouver un moyen plus facile de résoudre la question,

L'honorable M. Mascart me demande où en est le projet de loi sur le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. Conformément à l'engagement que j'avais pris devant la Chambre, j'ai envoyé au corps des ponts et chaussées les plans et devis qui m'ont été remis par les demandeurs en concession, afin qu'un travail fait sur les lieux puisse éclairer suffisamment la Chambre sur le coût probable de cette ligne.

(page 1010) Ce travail m'est parvenu il y a quelque temps, et les demandeurs en concession m'en ayant demandé communication, j'ai déféré à ce vœu. Jusqu'à présent ce travail ne m’a pas été renvoyé. Quand il me sera revenu je soumettrai au conseil des ministres les mesures qu'il y aura lieu de prendre. Pour le moment il m'est impossible de me prononcer.

M. de La Coste. - Messieurs, le budget des travaux publics embrasse tant d'objets différents, que la discussion générale se réduit ordinairement à une discussion de détails. Je me proposais donc de faire ce qu'ont fait d'honorables collègues, c'est-à-dire d'adresser quelques questions à l'honorable ministre des travaux publics sur un point qui a été ajourné l'année dernière et à l'égard duquel on devait s'attendre à voir le gouvernement soumettre une proposition à la Chambre, dès l'ouverture de la session. Je veux parler du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, proposé avec d'autres lignes, l'année dernière. Cependant, messieurs, je vois très peu de représentants de Bruxelles sur leurs bancs, je n'y vois pas notamment l’honorable M. Orts et l'honorable M. Rogier qui ont pris part à la décision qui a été prise. Comme la présence de ces honorables membres serait très utile, j'attendrai qu'ils soient ici pour faire mes interpellations.

M. Lelièvre. - La question que j'ai soulevée dans la discussion générale intéresse la Chambre au point de vue du principe qui est en litige.

Il ne s'agit pas en effet de s'occuper d'intérêts particuliers qui doivent rester en dehors du débat, mais nous avons à examiner si le gouvernement exécute convenablement la législation en vigueur, et c'est sous ce rapport que je crois devoir combattre la jurisprudence admise par le département des travaux publics.

La loi du 2 mai 1837 exige qu'une enquête précède la déclaration d'utilité publique en matière de chemins utiles à l'exploitation de concessions de mines.

La loi ne trace aucune forme spéciale pour cette enquête, et, à ce point de vue, on ne conçoit pas que le gouvernement ail cru devoir considérer comme irrégulière une procédure dont aucun texte de loi ne s'occupait.

L'arrêté de 1836, antérieur à la loi sur les mines, n'était pas applicable à une enquête qui n'a été prescrite que par une loi subséquente.

Mais en supposant le contraire, il est évident que la commission nommée à l'effet d'émettre son avis, était un véritable collège administratif. Quel était le nombre de membres dont la présence était nécessaire pour une délibération ? C'est ce qui ne résultait d'aucun texte de loi. Par conséquent, l'on devait se référer aux principes généraux admis en matière administrative et par suite considérer comme valable toute délibération prise par la commission dans le cas où les membres composant la majorité se trouvaient présents. Il doit en être ainsi, puisque aucun texte' de loi n'exige un nombre déterminé.

Le système contraire aurait pour résultat d'entraver les affaires administratives. Il suffirait de la mauvaise volonté de l'un des membres de la commission pour rendre toute délibération impossible, mais la Chambre des représentants peut délibérer lorsque plus de la moitié des membres prennent part au vote. Il en est de même des députations permanentes et d'autres corps administratifs. Comment concevoir qu'il en soit autrement à l'égard d'une commission que n'émet qu'un simple avis, qui n'est appelée à donner que de simples renseignements ne liant pas le gouvernement ?

Cela est sur tout incontestable en présence de la loi du 2 mai 1837 qui ne trace aucune règle en cette occurrence. C'est donc s'ériger en législateur que d'exiger des formalités, à peine de nullité, qu'aucune disposition législative ne prescrit.

En l'absence de toute prescription formelle, il faut se référer aux principes généraux en matière administrative. Or ces principes, fondés sur notre ancien droit, n'exigent jamais pour la délibération d'un corps ou d’un collège que la présence de la majorité des membres qui les composent ; je ne puis donc que protester contre une décision qui est contraire à l'avis émis par le conseil des mines et que la députation permanente du conseil provincial de Liège refuse d'exécuter.

Quant à l'inexécution de la loi de 1851, en ce qui concerne la ville de Namur, le grief n'est que trop sérieux. M. le ministre ne peut ignorer qu'on avait alloué une somme considérable pour la dérivation des eaux de la Sambre près de la ville de Namur.

Ces travaux, attachés à notre cité, n'ont pas été exécutés. Eh bien, la justice permet-elle que l'on nous prive des avantages dont une loi spéciale nous avait dotés en compensation de travaux de toute nature accordés à d'autres localités ? Cet état de choses n'est pas conforme à la justice.

Il est impossible que si l'on laisse inexécutés les travaux projetés, l'on n'emploie pas la somme allouée en d'autres travaux utiles à la ville de Namur.

C'est donc à juste titre que je proteste contre la position que l'on persiste à nous faire contre toutes les règles de la justice distributive.

M. Moncheur. - Messieurs, j'ai une connaissance personnelle du fait particulier auquel l'honorable M. Lelièvre est venu faire allusion dans cette Chambre, et je déclare que M. le ministre des travaux publics a agi d'une manière parfaitement conforme à la loi et à la jurisprudence.

Il s'agissait dans telle affaire d'une expropriation pour cause d'utilité publique. Or, vous savez, messieurs, que toutes les formalités qui précèdent une expropriation pour cause d'utilité publique doivent être observées, à peine de nullité ; en d'autres termes, qu'elles sont substantielles.

Ce principe qui est constitutionnel et qui est, en outre, déposé dans, la loi du 17 avril 1835 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, doit surtout être rigoureusement observé, lorsqu'il est question d'une expropriation demandée par une société particulière, c'est-à-dire, comme l'a fait observer M. le ministre des travaux publics, plutôt dans un intérêt particulier que dans un intérêt général proprement dit.

Lorsqu'on a discuté et voté l'article 12 de la loi du 2 mai 1837 accordant, par un privilège tout spécial, l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur des charbonnages, il a été bien entendu que cette expropriation ne pourrait être accordée qu'après que le gouvernement se serait entouré des renseignements les plus nombreux et les plus scrupuleux sur la question de savoir si l'intérêt public exigeait réellement cette mesure extrême et s'il y avait nécessité de sacrifier la propriété particulière à cet intérêt public régulièrement constaté.

Or, pour que le gouvernement puisse s'entourer de ces renseignements, il a été décidé par le gouvernement, d'accord avec le conseil des mines, que l'arrêté du 26 novembre 1836, qui prescrit les formalités des enquêtes à remplir en pareil cas, devait être appliqué à cette matière.

Cet arrêté a été, d'ailleurs, visé dans la décision ministérielle qui a ordonné l'instruction de l'affaire dont il s'agit ; donc il était applicable spécialement à cette affaire. Eh bien, messieurs, une des dispositions de cet arrêté de 1836 porte que toute commission d'enquête appelée à donner son avis sur la question d'utilité publique, en matière d'expropriation, sera composée de sept membres au moins et de douze membres au plus.

Or, dans l'espèce, le minimum de sept membres avait été prescrit pour la commission d'enquête, et lorsque cette commission a siégé, ce minimum de sept membres n'a pas été atteint, puisque six membres seulement ont pu se réunir.

Il est donc évident que les prescriptions formelles de la loi n'ont pas été observées.

Messieurs, les lois et les ordonnances françaises sur l'expropriation pour cause d'utilité publique étaient basées absolument sur les mêmes principes que les nôtres : c'est-à-dire que, dans les cas semblables à celui sur lequel le gouvernement a eu à se prononcer, lorsqu'un seul des membres qui devaient composer la commission d'enquête n'y avait pas siégé, cette circonstance a toujours été considérée comme un vice radical de l'instruction et comme un obstacle insurmontable à ce que l'expropriation fût ordonnée, du moment surtout que la partie intéressée s'en plaignait.

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation de France ont établi cette jurisprudence qui est aussi celle de la Cour d'appel de Bruxelles.

Pour éviter en France les inconvénients que ce principe rigoureux, pouvait avoir dans la pratique, il a fallu qu'une loi nouvelle statuât que si, sur les sept membres dont se composait la commission d'enquête, cinq membres, si j'ai bonne mémoire, étaient présents aux opérations, on pourrait passer outre.

Il a fallu, je le répète, une loi spéciale pour qu'on pût dévier du principe contraire en France ; mais, en Belgique, une loi semblable n'existe pas et le principe reste dans toute sa rigueur.

Dans l'espèce à laquelle l'honorable M. Lelièvre a fait allusion, non seulement la commission d'enquête n'avait pas siégé au nombre complet de ses membres existants, mais encore la commission elle-même n'était plus au complet, l'un de ses membres étant décédé ; c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'elle n'existait plus aux yeux de la loi, puisque l'arrêté porte que semblable commission doit être composée de sept membres au moins, et non point de six.

C'est en vain que le préopinant a prétendu qu'il dépendrait, dans ce système, de la mauvaise volonté d'un des membres de la commission de faire avorter les projets les plus utiles du gouvernement. D'abord, je fais remarquer qu'il ne s'agissait pas dans l'affaire en question d'un projet du gouvernement ; mais en outre, lorsqu'un citoyen a accepté une mission publique, il doit la remplir.

Je suis convaincu, et c'est aussi l'avis des meilleurs jurisconsultes, que le membre d'une commission d'enquête qui, ayant accepté le mandat qui lui est conféré, refuserait de siéger sans un empêchement de force majeure, pourrait y être contraint ou qu'il serait passible d'une amende, comme un témoin qui refuserait son témoignage à la justice. Ce membre devrait donc, ou bien donner sa démission et se faire remplacer, ou bien remplir son office.

Il n'y a donc aucune espèce d'impossibilité ou même de difficulté à exécuter la loi ; et je dis qu'en présence de l'inobservance d'une des formalités substantielles de l'instruction, le ministre des travaux publics, suivant en cela l'avis de son collègue de la justice et d'une consultation de trois excellents jurisconsultes, a agi très sagement en n'exposant pas un arrêté royal à être cassé ou du moins jugé inopérant par les tribunaux.

En effet, messieurs, lorsqu'une société charbonnière ou même le gouvernement a obtenu du gouvernement un arrêté royal qui déclara qu'il y a utilité publique à exproprier tel ou ici terrain ; tout n'est pas dit encore, et aux termes de la loi du 17 avril 1835, il faut en outre que (page 1011) cette société ou même le gouvernement s'adresse au tribunal pour obtenir l'envoi en possession de ce terrain et faire régler l'indemnité contradictoirement avec l'exproprié. Et la première chose que le tribunal doit constater et déclarer formellement, c'est que toutes les formalités relatives à l'expropriation dont il a à s'occuper ont été observées. Or, il est bien clair que lorsqu'une formalité aussi substantielle que celle de la composition d'une commission d'enquête dont l'avis peut priver un particulier de sa propriété, n'a pas été observée, il n'y a aucun tribunal qui pourrait déclarer que les formes légales ont été suivies.

J'engage M. le ministre des travaux publics à agir toujours avec le même respect pour les lois protectrices du droit sacré de propriété.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

La discussion est ouverte sur les articles.

Chapitre premier. Administration centrale.

M. de T'Serclaes, rapporteur. - J'ai l'honneur de reproduire les observations que j'ai faites tout à l'heure. Le chapitre premie présente plusieurs transferts de crédit ; pour les expliquer, il est tout à fait nécessaire de se rapporter au chapitre IV.

En effet, la plupart des transferts proposés s'appliquent à l'administration du chemin de fer. Je demanderai donc que la Chambre passe immédiatement au chapitre II, et que l'on reprenne la discussion du chapitre premer lorsque l'on en sera venu à la discussion du chapitre IV.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je crois devoir appuyer cette proposition, car toutes les questions que peut soulever le chapitre premier se rapportent à la nouvelle organisation des chemins de fer. Tous les transferts proposés à l'article 2 ont pour objet de mettre en vigueur ce nouveau régime. Il faut donc absolument réunir les deux chapitres dans la discussion. Il serait impossible de se prononcer sur les transferts, alors qu'on n'aurait pas examiné auparavant la réorganisation de l'administration du chemin de fer ; et cette dernière question ne peut être examinée qu'au chapitre IV.

- La Chambre décide que la discussion du chapitre premier sera réunie à celle du chapitre IV et qu'elle passe immédiatement au chapitre II.

Projet de loi approuvant la convention portant abandon des droits de la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Mons à Manage

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je viens de recevoir avis que dans la séance de ce jour l'assemblée générale des actionnaires du chemin de fer de Mons à Manage a ratifié la convention conclue entre le ministre des travaux publics et (erratum, page 1032) la compagnie des chemins de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage portant abandon de tous les droits compétant à ladite société sur ce dernier chemin de fer.

Le Roi a chargé le ministre des finances et moi de présenter à la Chambre un projet de loi approuvant cette convention.

J'ai l'honneur de le déposer.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent sont renvoyés à l’examen des sections.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, ce projet présente un certain caractère d'urgence, je compte sur les bons soins de MM. les présidents des sections pour en hâter l'examen autant que possible.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section première. Ponts et chaussées
Discussion générale

M. de Moor. - Je crois devoir appeler l'attention du ministre des travaux publics sur une catégorie de fonctionnaires qui mérite toute sa bienveillance. Il s'agit des chefs de bureaux des neuf directeurs des ponts et chaussées en province. Nommés par arrêté royal, ces fonctionnaires sont qualifiés du titre d'agents et sont destinés à figurer parmi les pontonniers-éclusiers et autres agents subalternes de l'administration, aussi longtemps que l'on maintiendra la loi organique en vigueur.

Ce sont cependant, en général des hommes excessivement capables et utiles à la chose publique, ils sont condamnés à n'avoir jamais un traitement supérieur à 2,000 fr. et un grade plus élevé que celui de chef de bureau en province ; cela ne me paraît ni juste, ni équitable.

Leurs fonctions sont pourtant aussi importantes que celles des employés de même grade attachés à l'administration centrale et qui ne sont pas enfermés dans un cercle aussi étroit.

Je prie M. le ministre de voir s'il n'y aurait rien à faire en faveur de ces fonctionnaires qui rendent, on le sait, des services réels au pays.

Je les recommande tout spécialement à la bienveillance du gouvernement, bien convaincu que je suis qu'ils la méritent sous tous les rapports.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Les observations que vient de présenter l'honorable préopinant sont très justes ; les fonctions de chef de bureau de directeur des ponts et chaussées dans les provinces exigent des connaissances spéciales, une aptitude particulière, et l'avancement offert à ceux qui les exercent est excessivement restreint.

Je ne connais pas d'exemple qu'ils aient passé au-delà de ce grade. Je ne suis pas en mesure de faire connaître à la Chambre ce qui pourrait être fait pour eux, mais ils sont dignes de la sollicitude que vient de leur montrer l'honorable préopinant.

Article 7

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration de routes, construction de routes nouvelles, études de projets, etc. : fr. 2,673,309 65 c. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Plantations de routes : fr. 41,000. »

M. de Renesse. - L'article plantation de routes me fournit l'occasion de présenter à l'honorable ministre des travaux publics quelques observations sur la plantation, et surtout la surveillance des arbres sur les routes de l'Etat ; cette surveillance laisse à désirer, beaucoup de dégradations sont faites aux arbres ; il me semble qu'il faudrait une inspection faite, d'après un système bien arrêté ; car, actuellement, il arrive que les plantations dépendent de la connaissance plus ou moins agricole de MM. les ingénieurs des ponts et chaussées ; aussi, l'on voit souvent que les essences des arbres ne sont pas toujours bien choisies, et que l'on plante surtout des arbres qui sont restés trop longtemps dans les pépinières ; ces arbres ne peuvent prospérer, languissent, et ensuite, il faut les remplacer.

Parfois, l'on plante aussi des arbres d'une essence trop faible, le long des routes, où il y a beaucoup de passage de bétail ; c'est ainsi qu'il y a quelques années, l'on avait planté des arbres (larix) beaucoup trop faibles sur la route de Hasselt à Bilsen, qui, en grande partie, ont été détruits par le bétail qui parcourt cette route pour se rendre dans les prairies le long du Demer.

Le système de M. Stephens, que l'on a suivi pendant quelques années pour les élagages des arbres, a occasionné une assez grande perte à l'Etat ; beaucoup d'arbres sont presque entièrement perdus ; il faudrait tâcher de faire redresser ce mauvais élagage, car sans cela, ces arbres ne donneraient plus qu'un faible produit à la vente ; les arbres élagués d'après ce système n'ont guère que 15 à 20 pieds de tronc ; s'ils avaient été élagués d'après la manière ordinaire, ces arbres donneraient de plus belles et plus longues planches, produiraient dans le futur un revenu assez considérable, que l'on a même évalué, d'après une brochure publiée il y a quelques années, pouvoir se monter annuellement de 600,000 à 700,000 francs, tandis que l'évaluation du revenu actuel n'est que de 40,000 francs.

Je crois donc devoir attirer l'attention toute particulière de M. le ministre des travaux publics sur la plantation, la surveillance et les élagages des arbres.

M. Mascart. - Presque chaque année, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, on demande qu'on restitue à l'agriculture la partie de la largeur des anciennes grandes routes devenue inutile par la diminution de la circulation des transports. La section centrale qui a examiné le budget en discussion demande de nouveau qu'un projet de loi relatif à cet objet nous soit présenté.

Messieurs, toutes nos routes de première classe et beaucoup de routes de deuxième classe ont été construites antérieurement à l'établissement de nos voies ferrées et d'un très grand nombre de nos canaux. On leur a donné une largeur qui était en rapport avec l'importance des transports qu'elles devaient faciliter.

Mais, par la canalisation de nos rivières et la création de nos canaux d'abord, par l'établissement des chemins de fer ensuite, la plupart de ces routes ont perdu la circulation qui avait motivé leur établissement. Pour un grand nombre d'entre elles, le passage d'une voiture de roulage ou de poste est un véritable événement. Mais s'ensuit-il, parce qu'elles ne sont plus utilisées comme elles l'étaient à une autre époque, qu'on peut les mutiler avantageusement au profit de l'Etat, en leur enlevant une partie de leur largeur qu'on restituerait à l'agriculture ? Je ne le crois pas.

Nos routes de première et de deuxième classe ont une largeur moyenne de 14 mètres environ. En les réduisant à 8 mètres qui est celle de nos voies vicinales de grande communication, l'excédant qu'on pourrait aliéner ne serait que de 6 mètres par mètre courant, soit de trois hectares par lieue, valant de 6,000 à 7,000 fr., ce serait déjà un assez pauvre résultat, en admettant que cette somme entrât tout entière dans les caisses de l'Etat. Mais il y aurait évidemment à décompter. Sur tous les points, et ils sont nombreux, où la route est établie en déblai profond ou en remblai élevé, dans la traverse des villages, en face des habitations isolées, les excédants de terrain ne pourraient pas être utilisés au profit de l'agriculture ; et en définitive au lieu de trois hectares, il n'est pas certain qu'on en eût un, valant 2,000 francs, par lieue de distance.

Mais prendrait-on un accotement tout entier de six mètres ou la moitié de chaque accotement, trois mètres de chaque côté ? Dans le premier cas, il est évident que la position de la route devrait être déplacée et reportée vers l'accolement conservé, opération qui entraînerait à une dépense excédant de dix fois peut-être le bénéfice réalisé par la vente des terrains.

Dans le second cas, l'assiette de la route serait conservée ; et les frais seraient moindres, mais que ferait-on de ces deux rubans de terrain n'ayant que trois mètres de largeur ? On ne pourrait jamais les vendre qu'aux propriétaires attenants, lesquels vous imposeraient leurs conditions, si tant est qu'ils consentissent à les acheter.

(page 1012) Ce n'est pas tout. La vente des excédants de terrain entraînerait inévitablement la destruction des plantations, qui, presque toutes, ont été faites sous le gouvernement actuel. Or, on sait qu'un arbre de haute futaie, à 15 ou 20 ans, ne vaut pas souvent ce qu'il a coûté : c'est seulement à cet âge qu'on peut dire qu'il est sauvé, qu'il se développe sans frais. Si l'on vendait aujourd'hui les arbres plantés le long des routes depuis 20 ans, je suis certain qu'on ne récupérerait pas ce qu'ils ont coûté, tandis que si on a la patience d'attendre trente ans encore, le pays trouvera là des ressources considérables. Pour s'en faire une idée, il suffît de remarquer qu'on compte environ 800 arbres par lieue. Dans trente ans chacun vaudra 50 francs au moins et les 800 arbres vaudront 40,000 francs.

Je ne m'oppose pas au vœu exprimé par la section centrale, quoique je sois convaincu que les routes doivent être maintenues telles qu'elles sont, dans l'intérêt du pays.

(page 1019) M. de Naeyer. - Mon intention n'est pas de combattre les observations que vient de présenter l'honorable M. Mascart ; je pense, au contraire, qu'elles sont généralement fondées.

A première vue, on peut penser qu'on n'a plus intérêt à avoir des routes aussi larges, maintenant que la circulation sur ces routes a beaucoup diminué ; mais quand on examine la question à fond, on trouve que cette mesure rencontrerait de très grands obstacles.

Peut-être, une autre mesure pourrait-elle être adoptée sans donner lieu aux mêmes inconvénients. Ce serait de rétrécir la partie pavée des routes où la circulation a considérablement diminué ; cela permettrait d'utiliser les grès devenus inutiles, pour paver des chemins vicinaux.situés dans le voisinage. Et il serait peut-être possible d'employer le terrain disponible à l'établissement d'une deuxième ligne de plantations. Quant à les réunir aux propriétés riveraines, ce serait, en général, une mauvaise opération qui ne couvrirait pas les frais qu'elle occasionnerait.

Je me bornerai à appeler l'attention de M. le ministre sur la question de savoir si la mesure que je viens d'indiquer ne pourrait pas être appliquée, je ne dis pas généralement, mais dans certains cas, là où évidemment les dimensions de ces routes sont hors de toute proportion avec les besoins de la circulation. Les pavés provenant du rétrécissement de la partie pavée de la route pourraient être mis à la disposition des communes gratuitement ou à certain prix qui ne serait pas trop élevé.

J'appellerai maintenant votre attention sur une erreur qui s'est glissée dans le rapport, en ce qui concerne l'article précédent : entretien ordinaire et amélioration des routes. Il s'agit de subsides à accorder sur l'allocation de 900,000 fr.

On a agité en section centrale la question de savoir s'il convient que le département des travaux publics puisse accorder sur ce crédit des subsides pour la construction de routes faites par les communes. La section centrale a été unanimement d'avis que, dans certaines conditions, le gouvernement ferait un emploi très utile, très convenable de ce crédit en accordant des subsides aux communes. Cela est énoncé à la page 11 du rapport qui porte : « La section centrale est unanime pour approuver l'allocation de subsides de 900,000 fr. dans les conditions ci-après : »

Là est l'erreur. La section centrale ne veut pas, comme on pourrait le croire d'après cette rédaction, qu'il soit accordé des subsides aux communes pour 900,000 fr. Elle veut seulement que le gouvernement puisse accorder des subsides sur ce crédit de 900,000 fr. Au lieu de : « L'allocation de subsides de 900,000 fr. », il faut donc lire : « L'allocation de subsides sur le crédit de 900,000 fr. »

(page 1012) M. de Smedt. - La question du rétrécissement des routes est, d'après moi, assez délicate, et qu'on ne peut juger légèrement. Il me semble que l'on ferait une chose très peu utile et même que l'Etat comme le public y perdrait beaucoup ; je dirai d'abord, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Mascart, que les plantations sont d'un produit qui n'est pas à dédaigner et que si l'on devait rétrécir les routes, on devrait souvent perdre les produits de la plantation, et comme l'honorable membre a aussi fait observer que les petits morceaux de terrains qu'on mettrait en vente, par le rétrécissement des routes, ne seraient que d'un faible produit.

Messieurs, ce ne sont pas seulement ces considérations qu'on peut faire valoir contre l'enlèvement de la largeur des routes, et, surtout, comme le voudrait l'honorable M. de Naeyer, de rétrécir aussi les pavés. Je crois, messieurs, qu'on donnerait un mauvais conseil au gouvernement et à l'administration en général, que de l'engager à rétrécir les pavés des routes, car en rendant les pavés à une petite largeur, vous allez doubler, et peut être encore plus, les dépenses de l'entretien des routes, car, quand les chemins pavés sont d'une petite largeur, on doit toujours tenir la même ornière, et cela fait que les routes se détériorent très vite et occasionnent de grandes dépenses d'entretien.

C'est le défaut qu'on rencontre aujourd'hui dans les chemins pavés des communes. On les fait ordinaire d'une petite largeur, ils se détériorent très vite et l'entretien devient ruineux pour les communes. Je crois donc qu'on ferait très bien de ne pas rogner les chaussées. Au contraire, j'engagerai les administrations communales à faire leurs pavés d'une plus grande largeur.

On a parlé aussi des plantations latérales des routes, on désirerait qu'il fût créé une inspection spéciale de la plantation des routes, c'est-à-dire qu'un inspecteur serait encore une lois nommé pour faire cette surveillance. Mais, messieurs, ce serait vraiment créer une nouvelle dépense à charge du trésor et cela sans aucun avantage pour l'Etat, car d'abord qu'est-ce qu'un inspecteur unique peut faire dans cette direction de ces plantations ? Absolument rien du tout Je pense que les cantonniers, les conducteurs et les fonctionnaires attachés à l'administration des travaux publics, seront très propres pour surveiller les plantations des routes ; chacun dans son canton sera plus à même de remplir cette besogne qu'un inspecteur général.

Je pense donc que le gouvernement pensera comme nous, que ce serait une place très inutile que cette place d'inspection générale des plantations des routes de l'Etat. Messieurs, les soins que, d'après moi, on devrait avoir pour les plantations, seront ceux de faire un bon choix dans les essences d'arbres que l'on plante. J'engage donc particulièrement l'administration des travaux publics à abandonner pour toujours le peuplier du Canada ; car on parle toujours de protéger l'agriculture. Eh bien, il n'y a pas d'ennemi plus nuisible à la production des terres que les plantations latérales des terres, en essence de peuplier du Canada ; les terres qui se trouvent le long des routes qui ont des plantations de ces arbres, à une distance de sept anciennes verges, ne produisent absolument rien et ce ne sont pas seulement les racines de ces arbres qui font un tort immense aux terres riveraines, mais aussi le dépôt des feuilles sèches de ces peupliers, etc. J'ai dit.

M. Dumortier. - Je ne puis partager l'opinion de mon honorable ami qui vient de se rasseoir, lorsqu'il dit que l'inspection des routes devrait appartenir aux conducteurs des ponts et chaussées. Les conducteurs des ponts et chaussées n'entendent rien à cela, c'est une affaire tout à fait à part de leurs travaux. Autre chose est d'élaguer des arbres et de profiler des routes avec soin, avec talent et intelligence.

Les plantations faites le long des routes de l'Etat, des canaux et des chemins de fer représentent un capital considérable, qui, s'il était bien administré, pourrait être pour l'Etat une source de revenu.

Le canal de Charleroi est bordé d'arbres dont le mode d'élagage fait peine à voir. A dix pieds au-dessus du sol on laisse pousser les branches. Il ne serait pas possible d'y trouver une planche. Si au contraire, par les soins d'un homme intelligent une bonne direction était donnée à l'émondage des arbres, tel arbre qui vaut à peine dix francs comme bois à brûler vaudrait jusqu'à cent francs pour faire des planches.

Je suis aussi opposé que qui que ce soit aux dépenses inutiles, mais une dépense qui doit conserver et rendre productif un capital de plusieurs millions est plutôt une économie qu'une dépense réelle. Un inspecteur qui veillerait à la manière dont se ferait l'émondage des arbres mettrait un terme à un état de choses qu'il importe de faire cesser dans 'intérêt du trésor public.

M. de T'Serclaes, rapporteur. - En rappelant le vœu que le gouvernement présente un projet de loi tendant à restituer les excédants de routes inutiles à la circulation, la section centrale a été frappée de cette circonstance, c'est que souvent les anciennes grandes routes ont une largeur double de celle que l'on donne aux routes nouvelles, et cela dans des localités où des chemins de fer parallèles ont absorbé tous les transports. D'autre part, l'expérience constate que dans les communes rurales, lorsqu'il se présente des excédants de chemins à vendre, ces aliénations se font presque toujours à des prix très avantageux pour les propriétaires. Lorsque l'administration du chemin de fer a fait vendre les terrains inutiles le long du railway, lorsqu'elle a rétrocédé à des particuliers des terrains acquis précédemment, elle a réalisé des sommes assez considérables.

C'est pour ces motifs que la section centrale a témoigné le désir que la question fût ultérieurement examinée.

L'année dernière, dans cette Chambre et plus encore dans une autre enceinte, il y a eu à ce sujet des observations échangées qui méritent considération.

La question de la revente des excédants de terrain est naturellement une question d'appréciation : ce qui convient dans une localité peut ne pas convenir dans une autre. Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement agisse et propose suivant les circonstances, et qu'il ne néglige pas, là où la possibilité en sera constatée, de faire fructifier des terrains absolument inutiles et improductifs aujourd'hui.

Un second point discuté par les honorables préopinants a trait à la surveillance des plantations ; la section centrale ou du moins plusieurs de ses membres en plaidant la cause d'un agent inspecteur, avaient en vue ce qui s'est passé dans cette Chambre en 1856 : l'année dernière, lorsque les frais de surveillant ont été supprimés, M. le ministre des travaux publics semblait convaincu de l'utilité qu'il y avait de confier la surveillance des plantations, exclusivement au point de vue de l'arboriculture, à un homme capable et intelligent ; il avait consenti à supprimer le traitement pour 1856, mais il n'avait pas voulu prendre d'engagement pour le budget actuel. Plusieurs de mes collègues en section centrale ont cru que sans revenir sur la décision prise, il y a trois ans, par la Chambre, décision par laquelle les trois inspections des plantations ont été supprimées, il y aurait cependant avantage à voir un service spécial de direction des plantations. Et pour mon compte particulier, j'appuierai les moyens qui seront proposés dans ce but.

Il me semble que dans l'intérêt de l'Etat il y a avantage à ne pas abandonner les opérations de l'élagage et de la plantation exclusivement aux agents des ponts et chaussées. Les études de ces agents sont tout à fait étrangères à la conduite des arbres, à la science de l'arboriculture, au choix des essences, aux meilleurs modes de plantation. Je crois qu'il faut pour cela un homme ayant fait des études spéciales. Il faut connaître les terrains et les essences qui leur sont propres. On voit bien des exemples d'arbres plantés dans des terrains tout à fait nuisibles à leur développement.

Un troisième point qui a occupé la section centrale et sur lequel je crois devoir appeler l'attention de la Chambre, est celui-ci. On s'est plaint que l'Etat ne se conforme pas, pour les plantations sur les routes publiques, aux distances qu'il prescrit lui-même aux propriétaires riverains : nous avons demandé de connaître les règles suivies à cet égard le long des canaux et le long des routes. Il résulte de la réponse du gouvernement, que sur un point qui intéresse à un haut degré l'agriculture, il n'y a pas de règle fixe et certaine.

Le gouvernement promet un examen. Je crois qu'il est de toute nécessité que l'on procède à une enquête dans les provinces pour connaître positivement les usages des lieux, et que le gouvernement, après avoir coordonné ces renseignements et consulté l'état de la législation, en arrive à une instruction formelle et catégorique qui coupe court aux difficultés.

Cette question est réellement digne de notre sollicitude.

M. Vander Donckt. - Je répondrai quelques mots aux honorables préopinants.

On a proposé de réduire la largeur de certaines routes qui sont beaucoup moins fréquentés depuis l'établissement des chemins de fer. Je crois que la vente de ces excédants de route ne rapporterait que fort peu de chose au trésor. D'abord chaque parcelle qui aboutit aujourd'hui à la route devrait conserver l'accès à cette route. Et de quel côté rétrécirait-on ? Des deux côtés ? Mais évidemment alors il faudrait laisser à chaque parcelle son chemin d'exploitation, et comme l'a très bien dit l'honorable M. de T'Serclaes, cette mesure ne pourrait être de quelque utilité que s'il s'agissait de la vente de parcelles très larges le long de la route. Ainsi dans les Flandres, par exemple, où les propriétés sont fortement morcelées, ces ventes ne rapporteraient presque rien.

Quant aux plantations, on a dit qu'il faudrait des hommes spéciaux, possédant des connaissances spéciales pour les diriger. Je ne suis pas de cet avis. S'il s'agit de rétablir encore un inspecteur ou plusieurs inspecteurs de plantations, je dis que ce serait une dépense inutile. Messieurs, les administrations communales ont aujourd'hui leurs plantations. La voirie vicinale est plantée, et en général quand on se rend dans les campagnes, il ne faut pas demander si c'est un chemin qui appartient aux communes ou un chemin qui appartient à l'Etat. Les chemins plantés par les communes ou par les provinces sont infiniment mieux soignés et mieux entretenus que les plantations de l'Etat. (page 1013) Pourquoi ? Parce que c'est le commissaire d'arrondissement, parce que c'est l'administration provinciale ou communale qui fait soigner l'élagage île ces plantations, que ce sont des hommes compétents qui habitent les localités mêmes qui s'occupent de ces plantations. Un inspecteur, quelque étendues que soient ses connaissances, est exposé à se méprendre bien souvent dans le choix des essences qui conviennent aux diverses localités.

Je crois qu'il vaudrait infiniment mieux charger les administrations communales, les commissaires d'arrondissement et les administrations provinciales de la surveillance des plantations des routes. Ils rempliraient cet office avec infiniment plus de sagacité que ne le feraient des inspecteurs spéciaux qui amèneraient une nouvelle charge pour le trésor et ne rempliraient pas le but que l'on en attendrait.

Je ne puis que me joindre aux honorables collègues qui ont demandé que le gouvernement examinât la question relative aux distances à observer entre les plantations des routes et les propriétés riveraines. J'ai déjà eu occasion, dans la session précédente, ainsi que mon honorable collègue, de présenter des observations à cet égard. Je crois que l'état actuel des choses laisse beaucoup à désirer. Il est plus que temps que le gouvernement étudie ces questions.

Messieurs, je crois que les observations qui ont été faites par la section centrale au sujet des subsides à accorder par le département des travaux publics, pour la construction de la voirie vicinale, sont très sages. Aujourd'hui que les grandes routes sont devenues généralement des chemins vicinaux et n'ont plus le même caractère qu'autrefois, il conviendrait que le département des travaux publics voulût examiner jusqu'à quel point il peut contribuer, par des subsides, à la construction des chemins vicinaux de grande communication.

M. David. - Je suis d'accord avec plusieurs des honorables préopinants sur ce point que des plantations bien faites et bien conduites le long des routes et des canaux peuvent acquérir une très grande valeur ; mais une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec ces honorables membres, c'est le moyen d'obtenir ces plantations belles, vigoureuses qui plus tard donneraient de grands produits au trésor. Les honorables membres, qui ordinairement combattent les augmentations de dépenses, convient le gouvernement à nommer une nouvelle administration des plantations. L'honorable M. Dumortier a parlé de directeurs ou inspecteurs spéciaux des plantations le long des routes et des canaux et j'ai cru entendre l'honorable M. de Renesse indiquer également ce moyen. Quant à moi j'ai toujours prétendu que puisque nous avons en Belgique une administration des eaux et forêts qui s'étend sur tout le pays et dont les agents sont véritablement compétents pour conduire les plantations, c'est à cette administration qu'il faudrait remettre le soin de choisir les essences convenables aux différents terrains où les plantations doivent se faire. Ce serait également l'administration des eaux et forêts qui devrait être chargée de régler les élagages et les soins à donner aux plantations. Quant à la répression des délits et des détériorations commis dans les plantations de l'espèce les cantonniers, qui pendant toute l'année se trouvent sur les lieux, seraient tout naturellement charges de l'exercer ; cette besogne rentre essentiellement dans leurs attributions et ils recevraient, s'il en est besoin, l'investiture nécessaire à cet effet.

Voilà, messieurs, quels sont selon moi les moyens d'obvier à la seule objection qui aurait pu être faite contre ce système, à savoir que les agents forestiers ne sauraient, parce qu'ils sont trop peu nombreux, surveiller d'une manière permanente et constante les plantations des routes, canaux et chemins de fer. D'après ce système les agents forestiers n'auraient qu'une mission temporaire, et les cantonniers seraient investis du service permanent de la surveillance en qualité de garde, fonction qu'ils peuvent parfaitement remplir tout en cassant les pierres et en se promenant sur les routes, le long des canaux et sur le tracé des chemins de fer.

M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour signaler un abus qui se commet parfois dans la Flandre occidentale. Lorsqu'on a raccommodé les pavés, il est d'usage de mettre dans les interstices du sable, mais lorsque le sable doit être pris à une distance plus ou moins éloignée, il coûte fort cher et il arrive qu'on le remplace par de la terre. Or dans un pays comme la Belgique où il pleut pendant dix mois de l'année, il résulte de ce système que certaines routes pavées ne sont plus pendant un laps de temps que de mauvais chemins de terre très boueux. J’appelle l'attention de M. le ministre sur cet abus et je me plais à croire qu'il donnera des instructions à ses agents pour le faire cesser.

M. Lesoinne. - Je pense, messieurs, comme plusieurs honorables membres viennent de le dire, que les plantations de long des routes et des canaux pourraient procurer des recettes assez importantes au trésor ; mais pour cela il faudrait que ces plantations fussent conduites avec discernement. Il faudrait qu’une personne compétente fût chargée de reconnaître les essences qui conviennent aux différentes natures de terrains, ainsi que de la surveillance de l'élagage ; et il est impossible, selon moi, que les agents des ponts et chaussées possèdent les connaissances nécessaires pour bien faire ce service.

Je ne partage pas non plus l'opinion de l'honorable M. David qui pense que les agents forestiers pourraient être charges de ce service et que cela pût se faire sans augmentation de dépense. Il faudrait nécessairement indemniser ces agents des soins qu'on exigerait d'eux pour la surveillance des plantations le long des routes et des canaux.

Je crois que l'on pourrait, sans, augmenter la dépense, pourvoir aux besoins du service dont il s'agit ; on pourrait, sans inconvénient, prendre sur le chiffre des plantations la somme nécessaire pour couvrir le traitement de l'agent qui serait chargé de cette surveillance, de cette manière il n'y aurait pas d'augmentation de dépense.

Si cette proposition avait des chances d'être appuyée par M. le ministre des travaux publics, je la soumettrais à la Chambre.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je crois que l'on se fait un peu illusion sur les ressources que le trésor public pourrait trouver dans les plantations le long des routes. Je sais bien que ces arbres sont très nombreux, mais il faut bien admettre aussi qu'ils n'ont pas une vie assez paisible pour pouvoir prospérer. Ils sont malheureusement trop tracassés par les passants, et il n'est guère possible de remédier à cet inconvénient, qui est inhérent à leur situation.

Maintenant j'admets volontiers avec l'honorable M. Dumortier que les agents des ponts et chaussées en général n'ont pas tout à fait les connaissances spéciales requises pour bien conduire les plantations. Je crois, d'un autre côté, que les administrations communales ne seraient guère impatientes d'être chargées de cette besogne.

Je pense en même temps qu'on n'améliorerait guère le sort des richesses végétales qui nous occupent en les confiant à la tendre sollicitude de MM. les commissaires d'arrondissement.

Quant aux gouverneurs, ils peuvent être très habiles à gouverner leurs provinces, mais l'aptitude spéciale à gouverner les plantations doit généralement leur faire défaut.

Cependant, messieurs, j'ai beaucoup de répugnance à demander un service spécial, car une fois que les services spéciaux ont pris racine au budget, ils se développent avec une exubérance de vitalité, qui leur fait pousser un nombre effrayant de branches gourmandes ; si nous pouvions donner à nos arbres la même vigueur de croissance, alors je concevrais les évaluations de recettes présentées que quelques honorables collègues ; malheureusement, il n'en est pas ainsi. Il est beaucoup plus facile de développer les services spéciaux avec la sève des budgets, que de faire croître vigoureusement les arbres le long des routes.

Messieurs, je crois que si l'on pouvait se borner à un seul agent ayant des connaissances spéciales positives, et remplissant d'ailleurs ses fonctions avec un grand dévouement, on pourrait faire une dépense utile. On dira qu'un seul agent c'est trop peu pour un million d'arbres ; mais remarquez, messieurs, qu'il ne s'agit pas d'une surveillance continuelle. Tout ce qui concerne la police resterait nécessairement confié aux cantonniers et aux agents ordinaires des ponts et chaussées. Il n'y a que deux opérations dans la conduite des arbres qui requièrent un homme spécial, savoir : la plantation et l'élagage. Or les plantations se renouvellent peut-être tous les 60 ans, l'opération qui doit avoir lieu chaque année est donc peu considérable, et encore il ne serait pas nécessaire que l'agent spécial fût chargé de tous les détails, il aurait à se prononcer surtout sur le choix des essences d'après la nature des terrains et toutes les circonstances locales.

Quant à l'élagage, il n'est plus nécessaire lorsque les arbres ont atteint un certain âge, et pour les arbres plus jeunes, il ne doit être pratiqué que tous les trois ou quatre ans suivant l'usage généralement adopté. Sous ce rapport, on diviserait donc les routes en quatre catégories dont une seule ferait chaque année l'objet principal des soins de notre agent spécial ; encore il ne serait guère question pour lui que de prescrire les bonnes méthodes, de choisir des élagueurs habiles auxquels il donnerait des instructions, et d'empêcher les mutilations qui n'ont lieu que trop souvent tous le nom d'élagage. Vous voyez que la besogne, renfermée dans ces limites, n'excéderait aucunement les forces d'un seul agent spécial et que même il resterait à celui-ci le temps pour visiter les arbres malades et renseigner l'administration sur les questions que des circonstances particulières pourraient faire surgir.

Toutefois, je n'ose faire aucune proposition formelle, car je crains qu'on n'aille plus loin, et si on va plus loin, on créera de nouvelles dépenses qui ne seront pas compensées par des avantages équivalents. Je me borne à soumettre mes observations à l'attention de M. le ministre.

M. Coomans. - Messieurs, plusieurs de nos grandes routes sont moins fréquentées que certains chemins vicinaux et peuvent être rétrécies ; on pourrait supprimer l'un des côtés, l'aliéner ou l'exploiter soi-même.

M. de Lexhy. - On pourrait supprimer le côté gauche.

M. Coomans. - Quant au rétrécissement du pavé, il devrait avoir lieu à mesure que des réparations seraient jugées nécessaires.

On parle beaucoup du produit énorme qu'on peut tirer des arbres le long des routes. Je suis loin d'être émerveillé de cette recette. Si les arbres peuvent rapporter beaucoup au gouvernement, il n'en est pas moins vrai qu'ils sont un impôt très lourd, une sorte de dîme qui pèse sur les cultures riveraines, sur des récoltes qui ne nous appartiennent pas.

Je suis si persuadé du tort que les arbres causent à l'agriculture, qu'il est douteux, à mes yeux, si, au point de vue général, national, il est d'une bonne spéculation de laisser les arbres s'élever à une grande hauteur sur les routes de l'Etat, ou même d'en planter.

Je verrais donc supprimer avec plaisir une des deux rangées d'arbres et j'affirme que les terrains supprimés se vendraient très cher aux propriétaires riverains, désireux de se débarrasser de l'ombre qui les gêne. Il va sans dire qu'on supprimerait l'accotement du nord où la rangée (page 1014) d'arbres nuit plus particulièrement et impose un sacrifice plus sensible aux cultivateurs.

Il n'y aura donc pas lieu à se lamenter sur les pertes que le trésor essuiera, puisqu'il y aura gain pour l'agriculture. (Interruption.)

Ne craignons pas de mettre les accotements en vente : ils se vendront très cher pour la raison que j'ai dite. D'un autre côté, l'entretien des routes rétrécies sera moins coûteux, et les accotements qu'on garderait pourraient recevoir de la futaie et de petites essences qu'on récolte tous les sept ou huit ans. En vain me dira-t-on que les routes ainsi rétrécies offriraient un aspect désagréable : le nombre des voyageurs est si petit sur celles dont je parle, qu'il n'y a pas lieu de se préoccuper de l'effet plus ou moins pittoresque qu'elles produiraient après avoir subi ces changements économiques.

M. de Brouckere. - Messieurs, je suis loin de prétendre que les observations qui ont été faites par plusieurs honorables membres sur ce que les plantations présentent de défectueux, soient absolument sans fondement. Mais je ne puis adhérer à aucun des moyens qui ont été présentés pour remédier au mal signalé.

D'un côté, on demande la création d'un inspecteur des plantations. Cette création serait complètement insuffisante pour le service qu'on attendrait de cet inspecteur ; ce serait faire trop ou trop peu. Si aujourd'hui on porte au budget les fonds nécessaires à la création d'un inspecteur des plantations, dès l'année prochaine M. le ministre des travaux publics sera obligé de demander un supplément d'allocation pour payer l'état-major de cet inspecteur, pour payer les frais de route et de séjour de tout cet état-major. On comprend, en effet, qu'un seul homme ne peut pas suffire à surveiller les plantations sur toutes les routes du pays.

Selon l'honorable M. David, on pourrait faire autre chose : ce serait de remettre la surveillance à l'administration forestière. Je crois que le remède serait pire que le mal. Les routes seraient alors confiées à deux administrations distinctes, appartenant même à deux ministères différents ; les conflits surgiraient de tous côtés, et je suis persuadé que les plantations n'y gagneraient pas.

Ce n'est pas une chose si excessivement difficile que de savoir quelles sont les essences qu'on doit planter sur chaque route. Si les ingénieurs en chef n'ont pas les connaissances nécessaires pour faire eux-mêmes le choix, qu'ils demandent conseil à des hommes compétents.

Il suffira que M. le ministre des travaux publics adresse des instructions très positives à ses subordonnés et leur enjoigne de ne jamais faire de plantations qu'après s'être entourés des renseignements nécessaires et avoir fait un rapport à l'administration centrale qui en décidera et qui pourra elle-même faire un supplément d'instruction. Je pense que les essences des arbres à planter sur nos routes se bornent à trois ou quatre ; le choix n'est donc pas excessivement difficile.

Je me permettrai d'ajouter deux mots pour répondre à l'opinion que vient d'émettre l'honorable M. Coomans. J'espère bien que le gouvernement ne fera aucun accueil à des observations qui tendent à l’engager à rétrécir nos routes.

Ces routes présentent aujourd'hui le plus bel aspect, et vous iriez les rétrécir de quelques mètres ; pourquoi ? Pour vendre les parties supprimées aux propriétaires riverains qui en donneraient un prix élevé. Mais, messieurs, ils n'en donneraient pas un prix élevé, par une raison bien simple : qu'ils n'auraient pas de concurrents. A qui pourrait convenir une langue de terre qui aurait deux ou trois mètres de largeur, si ce n'est aux propriétaires riverains ?

Vous comprenez dès lors qu'ils feront la loi au gouvernement et que l'aliénation de ces langues de deux ou trois mètres ne produirait qu'un très petit résultat pour le trésor.

Le gouvernement ne sera pas probablement plus tenté de réduire les deux lignes d'arbres à une seule, car c'est alors que nous aurions des routes vraiment remarquables et qui par leur hideux aspect attireraient l'attention de tous les étrangers qui viendraient dans notre pays.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, le gouvernement, dans une autre enceinte, a eu l'honneur de faire connaître son opinion sur la question qui se discute en ce moment. Le gouvernement part de l'opinion émise par plusieurs honorables membres, que le bénéfice à retirer de la diminution de la largeur des routes serait loin de compenser les embarras et les pertes de toute nature que l'Etat éprouverait : il y aurait d'abord la perte d'une rangée d'arbres à laquelle un honorable préopinant a paru attacher un certain prix ; il y aurait ensuite l'obligation de faire des travaux de terrassement considérables sur une partie du parcours.

La mesure ne pourrait d'ailleurs s'appliquer que sur une partie assez restreinte du parcours, car il y a des habitations le long des routes et comme vous ne pouvez pas priver les riverains de l'accès à la route, vous seriez dans l'impossibilité de vendre le terrain à des tiers. Cette idée ne me paraît donc pas d'une réalisation possible. Ce n'est pas la seule qui ait été produite. L'honorable M. de Naeyer voudrait qu'on se bornât à rétrécir la chaussée, à démonter une partie du pavage et qu'on mît les pavés devenus inutiles à la disposition des administrations communales pour faire des routes vicinales. Cette remise aurait lieu à titre gratuit ou moyennant une rémunération peu élevée.

Je ne suis pas à même de faire connaître à la Chambre le résultat de l'expérience de ce genre d'opération, mais je sais qu'il a été tenté dans le Limbourg il y a 10 à 12 ans. On a réduit la largeur du pavé d'une portion des routes, les grès enlevés ont été portés à grands frais dans d'autres directions où on les a mis en œuvre.

Je n'ai pas, je le répète, de renseignements assez positifs sur les résultats de cette opération pour les faire connaître à la Chambre ; mais j'ai lieu de penser qu'ils n'ont pas été très avantageux, puisque l'opération n'a pas été continuée.

Une autre observation, qui a été faite par l'honorable M. Desmet, me paraît très juste : si vous ne conservez pas à la chaussée une certaine largeur, elle manque de solidité et l'entretien en devient très onéreux ; le voiturier n'a plus la latitude de choisir l'ornière qui lui convient et toutes les voitures ayant le même écartement, tous les frottements ont lieu au même endroit, toutes les voitures passent dans la même ornière et la route devient irréparable.

Si donc ce système était praticable, il y aurait encore de grandes précautions à prendre.

L'honorable M. de Naeyer pense que sur un des écartements on pourrait planter une deuxième rangée d'arbres.

J'hésite à me rallier à cette opinion, parce que si les deux rangées d'arbres longeant les deux côtés de la route sont d'une grande utilité pour le voyageur, elles nuisent à l'action du vent et du soleil qui sont un grand moyen de conservation. Les routes dont l'humidité est entretenue par les plantations qui les bornent sont d'une communication plus difficile et plus coûteuse ; aussi a-t-on déjà songé à supprimer les plantations le long de ces voies.

Mais on s'est arrêté, en dernier lieu, à une plantation largement espacée.

Certains honorables membres se sont occupés aussi du meilleur mode à suivre pour planter, entretenir et élaguer les arbres qui bordent les routes et les rivières. La première question qui se présente quand il s'agit de plantations, c'est le choix des essences.

Le peuplier, l'orme et le frêne sont les seules essences qui font les frais de ces plantations. Quelques membres voudraient voir planter aussi le chêne ; mais les résultats des essais qui ont été faits ne sont pas très favorables. C'est, du reste, facile à comprendre :

Le chêne qui croît lentement reste longtemps exposé à toutes les injures dont ont à souffrir les arbres placés le long des routes et dans le voisinage des habitations. Il est très important de choisir une espèce qui croît vite dans sa jeunesse, pour qu'elle soit le plus vite possible à l'abri de la malveillance.

Le chêne peut être planté le long des canaux, c'est l'emplacement le plus favorable. Il reste donc le peuplier, le frêne et l'orme pour les plantations le long des routes.

La plantation des peupliers du Canada a été l'objet de vives réclamations ; à la suite de ces doléances on a décrété en principe qu'autant que possible la plantation du peuplier du Canada serait abandonnée. C'est pour le trésor la renonciation à un grand revenu, car le peuplier du Canada croît rapidement. Mais si le gouvernement, qui renonce au droit de planter du peuplier du Canada le long de ses routes l'interdit aussi aux compagnies qui veulent construire des routes moyennant la concession de péages, la concession devient pour ainsi dire impossible.

Comme on retire de bien plus grands produits du peuplier du Canada que des essences dures, presque toutes les opérations de l'espèce sont entravées, par suite du refus du département des travaux publics, de permettre la plantation des peupliers du Canada. Je verrai s'il n'y a pas lieu de faire céder l'intérêt particulier devant l'intérêt général, et de permettre à l'avenir les peupliers du Canada.

On se récrie sur le ton que ces sortes de plantations font aux propriétés riveraines. Le Code civil a réglé le droit de plantation des propriétaires vis-à-vis les uns des autres ; l'Etat ne doit pas plus être privé de ce droit que les particuliers. Mon voisin a le droit de planter à deux mètres de distance de ma propriété, et l'Etat ne pourrait pas planter sur la route qui lui appartient, parce qu'il gênerait les propriétaires voisins. Je ne vois pas pourquoi en cette circonstance on mettrait l'Etat hors du droit commun.

Le droit est controversé quant aux anciennes plantations, mais quant aux nouvelles, elles ne présentent pas le moindre doute ; il faut se soumettre aux prescriptions du Code, se renfermer dans les limites qu'il prescrit.

Le fossé qui borde la route à 1 mètre 50 centimètres de largeur ; le fossé appartient à la route, et la plantation se fait à 50 centimètres de la crête du fossé ; par conséquent, le gouvernement obéit aux prescriptions de la loi, et peut planter ainsi autant que bon lui semble et toutes les essences qu'il juge à propos.

L'abstention de planter du peuplier du Canada est une concession gratuite que le gouvernement fait aux riverains.

Comme l'a dit M. de Renesse, les arbres plantés dans ces conditions doivent l'être à un âge assez avancé pour présenter une force, une vigueur de croissance, et surtout ils doivent avoir été élevés dans des terrains plutôt plus maigres, parce que s'ils sortent d'une pépinière à terrain gras, à terrain riche, lorsqu'on les transplante dans un terrain ordinaire, ils dépérissent. Ils doivent ensuite être entretenus convenablement.

Le système d'élagage a été l'objet constant des préoccupations de l'administration ; le système qui a été suivi a été l'objet de vives critiques ; ce n'est pas étonnant car plusieurs systèmes sont en présence. L'honorable M. de Renesse s'est plaint du mauvais état d'entretien des arbres (page 1015) qui bordent nos routes ; il l’a attribué au mauvais système suivi, et il a demandé qu'un remède y fût appliqué ; c'est ce qui a lieu.

On s'attache à suivre, dans l'élagage des plantations, le système généralement suivi en Belgique, le système forestier, et dans peu d'années il ne restera plus aucune trace du système qui a été suivi momentanément.

Ici se présentent naturellement les observations relatives au mode à employer pour exercer la surveillance.

Quelques personnes ont préconisé l'emploi d'un inspecteur. D'autres l'ont combattu. Je trouve dans ce qui se passe la preuve du peu d'efficacité d'un seul inspecteur pour neuf provinces.

Il n'y a pas un an qu'il a cessé ses fonctions, et le mal auquel on a fait allusion remonte précisément à cette époque. Je ne l'en accuse certainement pas, mais j'y trouve une preuve manifeste de l'inefficacité de la surveillance qu'il exerçait. On conçoit, en effet, qu'un seul inspecteur ne puisse faire l'inspection dans toutes les provinces, pendant le temps que se fait l'élagage. Très souvent, il arrivera quand le mal sera fait.

Si vous voulez une surveillance efficace des plantations, ce n'est pas un inspecteur qu'il faut, mais un directeur avec des aides.

Je pense que la Chambre a fait chose utile en rentrant dans les principes de la loi de comptabilité et en interdisant de payer un inspecteur sur les fonds destinés aux plantations ; car il ne faut pas perdre de vue que, si vous nommez un inspecteur, vous ferez peut-être de meilleures plantations, mais vous en ferez moins, puisque son traitement serait prélevé sur les frais des plantations.

Du reste, en arboriculture, on ne marche pas très vite. Il n'y a qu'un an que l'inspecteur est supprimé. Je ne verrais pas d'inconvénient à rester quelque temps dans le statu quo. Si l'expérience n'était pas satisfaisante, si malgré la surveillance du département des travaux publics, la situation des plantations ne s'améliorait pas, on pourrait prendre une détermination, en tenant compte des observations qui ont été présentées à la Chambre.

Je ne terminerai pas sans rencontrer une observation de l'honorable M. Rodenbach. J'ai vraiment de la peine à comprendre qu'un homme aussi sérieux vienne se rendre l'écho de réclamations telles que celle dont il a entretenu la Chambre. Les cahiers des charges disent que les interstices entre les pavés doivent être comblés avec du sable. L'honorable membre dit qu'ils le sont avec de la terre, il perd donc de vue que les entrepreneurs ne sont payés que sur des certificats de réception dans lesquels l'ingénieur en chef déclare qu'il a inspecté la route, et qu'elle est convenablement exécutée. Il est impossible de croire que des fonctionnaires honorables déclarent un fait qui ne serait pas vrai, et il m'est au moins permis de douter que l'abus soit réel.

M. de Steenhault. - Quelques honorables membres ont demandé que le gouvernement examinât à quelle distance il doit faire les plantations sur les routes. Je voudrais qu'il examinât aussi à quelle distance les propriétaires riverains sont obligés de planter. Ainsi on a exigé de plusieurs propriétaires qu'ils plantent à deux mètres de la route. Je crois que cette distance de deux mètres est parfaitement inutile.

Cela fait un tort immense à l'agriculture, et n'offre aucun avantage pour les routes. Je pense donc que M. le ministre pourrait faire examiner cette question en même temps. Elle a une importance plus grande qu'on ne s'imagine généralement.

On a parlé d'un service spécial pour la surveillance des plantations. L'année dernière, j'ai demandé que ce service fût supprimé. Je ne viens pas le soutenir cette année.

Je crois que le service des ponts et chaussées peut fort bien suffire à cette surveillance. L'élagage exige en quelque sorte des connaissances locales. Je crois que M. le ministre pourrait très bien donner des instructions pour que les agents des ponts et chaussées prennent dans chaque localité des renseignements auprès de personnes pratiques pour savoir quelles sont les essences les plus convenables et quel est le meilleur mode d'élagage.

Ainsi l'on en sortira très bien ; il est inutile d'organiser un service en définitive impossible ; car, comme l'a dit l'honorable M. de Brouckere, il est impossible qu'un homme surveille quelque peu les plantations de tout le pays.

M. Lelièvre. - Sous le rapport des plantations, je pense que le gouvernement doit être placé purement et simplement sous l'empire pu droit commun. En effet, les routes sont une propriété qui, relativement aux voisins, jouit de tous les avantages assurés aux propriétés ordinaires. Il est donc indubitable que le gouvernement peut faire des plantations, en se conformant aux règles qui doivent être suivies par les particuliers. Aucune disposition spéciale ne dérogeant au droit commun, c'est ce droit qui doit régir la matière.

Mais quelle distance doit-on observer pour les plantations ? M. le ministre pense qu'il faut se conformer à l'article 671 du Code civil. A cet égard il est à remarquer que cet article ne dispose que dans le cas où il n'existe pas des usages ou règlements déterminant la distance pour les plantations. Or dans les différentes parties du pays il existe des usages constants et reconnus sur cette matière. C'est ainsi qu'au pays de Liège la distance est déterminée par d'anciens règlements qui ont encore force de loi. Il en est de même dans la province de Namur. Il est, du reste, à remarquer que ces usages n'exigent pas une distance aussi grande que celle prescrite par le Code. C'est ainsi qu'à Namur la plupart des arbres de haute futaie peuvent être plantés à cinq pieds de l'héritage d'autrui, conformément au droit romain.

Ce n'est donc pas seulement aux règles du Code civil qu'il faut se référer, comme le pense M. le ministre, mais bien aux usages existants anciennement qui ont été maintenus par notre législation.

Quant à l'idée émise relativement à la vente de certaines parties des routes, je partage l'avis de l'honorable M. de Brouckere et je pense que ces aliénations ne produiraient que peu d'avantages, en présence des inconvénients qui résulteraient de cette mesure. Sans aucun doute, les portions de routes seraient vendues à vil prix. Voyez déjà ce qui se passe en matière de chemins vicinaux. Les parties des chemins supprimés s'aliènent pour des sommes insignifiantes. A plus forte raison en serait-il ainsi des routes, à l'égard desquelles les riverains ne rencontreraient aucune concurrence. C'est donc là une idée peu heureuse à laquelle, selon moi, l'on ne doit pas s'arrêter.

M. David. - En dépit, de ce qu'a dit l'honorable M. de Brouckere, je persiste à penser que le mode que j'ai indiqué est seul applicable pour améliorer sans frais nos plantations sur les routes, canaux et chemins de fer. Comment l'honorable membre a-t-il combattu ma proposition ? La seule objection qu'il ait faite est celle-ci : Ce système serait une source de conflits entre l'administration forestière et celle des ponts el chaussées. Mais y a-t-il jamais eu des conflits entre les fonctionnaires du département de l'intérieur ou de la justice et les ingénieurs des ponts et chaussées, détachés du département des travaux publics pour le service de la Campine ou pour la construction des prisons ? Il n'y en a eu aucun. Cette objection n'a donc pour moi aucune espèce de valeur.

Si vous insistez pour qu'un inspecteur spécial soit nommé, c'est afin d'obtenir un homme complètement spécial possédant d'immenses connaissances en fait d'arboriculture.

Je ne sais si un inspecteur spécial trouverait le temps de visiter nos plantations. Je ne le pense pas, le ministre non plus. Les divers orateurs pensent qu'une seule personne serait insuffisante.

Un autre danger plus grand que l'insuffisance du temps, c'est que si par malheur l'inspecteur que nommerait le ministre était une médiocrité, il abîmerait pour tout un aménagement, c'est-à-dire pour 60 ans tous les arbres de la Belgique.

Il y a une autre difficulté que présenterait la nomination d'un inspecteur, c'est qu'il devrait connaître toutes les localités de la Belgique, ce qui est pour ainsi dire impossible, tandis que les agents forestiers de chaque localité connaissent son sol, son influence climatérique. Bien mieux qu'un inspecteur attaché au département des travaux publics à Bruxelles, ils peuvent se rendre compte de ce qu'il convient de faire pour améliorer nos plantations.

Là se trouvent toutes les garanties que l'on recherche dans un inspecteur spécial ; à côté de cela arrive la question de dépense.

Je trouve que, puisque nous avons une administration ad hoc, une administration spéciale pour nos forêts, pour nos plantations, que celles-ci se trouvent le long des routes, des berges, des canaux ou des talus de chemin de fer, cela revient au même ; puisque nous avons, une administration toute spéciale dont les attributions tendent chaque année à diminuer, puisque chaque année une partie de nos forêts est défrichée ; je persiste à demander que M. le ministre charge cette administration au moins du choix des essences, du choix des plantations et du soin de ces plantations, et de leur élagage pendant les premières années.

Ces premières années passées, il n'y a, pour ainsi dire, plus de soins à donner aux arbres de futaie ; et les cantonniers peuvent dresser des procès aux personnes qui dégraderaient les arbres ou les couperaient.

M. Magherman. - M. le ministre des travaux publics vient de répéter devant la Chambre la déclaration qu'il a déjà faite à la section centrale, à savoir que pour les plantations on observe généralement les distances prescrites par l'article 671 du Code civil. Je crois que c'est le contraire qui a lieu et que ce n'est qu'exceptionnellement qu'on observe cette règle. En effet le long de la plupart des routes, quand elles ne sont pas construites en remblai ou en déblai, le fossé n'a qu'un mètre de largeur et l'on plante immédiatement sur les bords de la route ; de manière que dans la plupart des cas les plantations sont faites à une distance qui n'est que d'un mètre et quelques centimètres. Le contraire arrive là où les routes sont établies en remblai et en déblai, parce que le talus de la route ou la berge qui sépare la roule des champs riverains vient augmenter cette distance.

La prescription de l'article 671 du Code civil n'est pas une prescription absolue, et comme l'a observé l'honorable M. Lelièvre, certaines coutumes locales permettent de planter à des distances plus rapprochées. Je citerai le ci-devant pays d'Alost où l'ancienne coutume permet de planter à une distance de 3 pieds de la propriété riveraine.

Le gouvernement ne doit pas tenir trop rigoureusement à sou droit. Il doit rester à une distance convenable des propriétés riveraines, parce qu'il ne doit pas causer de dommages à ces propriétés et parce que, quel que soit son droit quant à la plantation, des propriétaires riverains peuvent l’obliger à raccourcir les branches qui s'étendent sur leurs champs, ce qui aurait pour résultat de nuire à la croissance des arbres et de rendre les plantations disgracieuses.

J'engage donc M. le ministre à porter son attention sur ce point et à (page 1016) chercher à concilier l'intérêt des cultures riveraines avec le strict droit du gouvernement.

-La discussion est close.

L'article 8 est mis aux voix et adopté.

Section II. Bâtiments civils
Article 9

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'État : fr. 100,000.

« Charges extraordinaires : fr. 10,000. »

M. de T'Serclaes, rapporteur. - A l'article 9, la section centrale a fait remarquer combien il serait désirable que le gouvernement prît la résolution de réunir dans un seul local les divers bureaux qui ressortissent au département des travaux publics.

Lorsque l'Etat a fait l'acquisition des hôtels Engler et Daubremé, l'intention du gouvernement et des Chambres était de rassembler dans un de ces hôtels tous les services dépendants du ministère des travaux publics ; des engagements formels avaient été pris à cet égard. L'année dernière, le ministre nous a présenté un projet de loi pour l'achèvement de la station du Nord, il comprenait dans ce projet un crédit destiné à agrandir et à élever les deux ailes de ce bâtiment, de façon à pouvoir| y établir, non seulement l'hôtel du ministre, mais encore tous ses bureaux.

Nous avons pris des renseignements sur les inconvénients de la dissémination actuelle ; nous avons acquis la conviction que l'état des choses existant aujourd'hui est tout ce qu'on peut imaginer de plus défectueux. Le ministre des travaux publics a ses bureaux répartis dans trois hôtels, situés à une grande distance les uns des autres ; le temps qu'on met à communiquer les ordres d'un hôtel à l'autre est un temps perdu pour le service public, et l'éloignement paralyse dans beaucoup de cas l'autorité dirigeante.

La section centrale ne s'est pas prononcée sur le parti à prendre ; cela appartient au gouvernement. Mais tous nous avons été frappés de cette idée : c'est qu'en tout état de choses, il faut achever la station du Nord. Cet achèvement est inévitable, il est nécessaire au service, il est nécessaire aussi pour la dignité du pays.

C'est par la station du Nord qu'arrive le plus grand nombre d'étrangers ; quelle opinion doivent-ils prendre de la prospérité de la Belgique, lorsqu'ils aperçoivent ce bâtiment inachevé depuis un si grand nombre d'années, cette espèce de ruine annonçant les abords d'une grande capitale ?

On a dit l'année dernière qu'il y avait des dépenses plus urgentes. C'est possible. Mais ici aussi il y a urgence d'agir dans l'intérêt bien compris de l'Etat. Il y a absolue nécessité d'achever le bâtiment de la station du Nord.

Je demande donc que le gouvernement prenne un parti le plus tôt possible pour concentrer dans un seul et même hôtel tous les services des travaux publics.

Nous croyons que l'état actuel des choses empêche la bonne organisation de ce département, nous sommes convaincus qu'il faut le faire cesser sans retard, et qu'il est possible, d'un autre côté, de réaliser de cette manière une économie bien entendue.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Il est très vrai que la dissémination des bureaux du département des travaux publics nuit beaucoup à la prompte solution des affaires et que les relations entre des bureaux situés à des distances aussi considérables sont pénibles et difficiles.

Il serait aussi très désirable, comme l'a dit un honorable membre et comme on l'a déjà fait remarquer dans une autre enceinte, de voir terminer le plus tôt possible le bâtiment central de la station du Nord. Mais la cause pour laquelle cet édifice n'est pas achevé est connue de la Chambre.

Dans le dernier crédit de 6 millions qui a été voté par la législature, les travaux des stations n'ont été compris que pour un million, et le service des voyageurs a paru devoir passer avant celui de l'administration. La plus grande partie de ce fonds est destinée à des stations dont il était impossible de reculer la construction ; je citerai notamment celles de Deynze, Courtrai, Quiévrain, Gosselies et d'autres encore.

Je pense que la nouvelle demande de crédit qui devra être faite pourra comprendre la somme nécessaire pour achever la station du Nord et pour permettre de réunir sous le même toit toutes les administrations ressortissant au département des travaux publics.

M. Osy. - Il est certainement à désirer que le gouvernement trouve les moyens d'achever la station du Nord. Mais je vois par le rapport qu'il serait question de l'agrandir et d'y loger le ministre ainsi que tous les bureaux.

Je me rappelle qu'en 1846, lorsqu'on nous a proposé d'acheter les hôtels de la rue de la Loi, on s'est appuyé sur l'utilité qu'il y aurait à réunir tous les ministères dans la même rue.

L'honorable M. Lebeau a vivement combattu l'opposition qui se manifestait alors, en insistant sur les avantages que présenterait cette réunion de tous les ministères pour la prompte expédition des affaires.

Aujourd'hui il paraît qu'on voudrait éloigner le ministère des travaux publics des autres ministères beaucoup plus qu'il ne l'est aujourd'hui. Qu'en résulterait-il ? C'est que les personnes qui viendraient à Bruxelles et qui auraient des affaires à traiter au ministère des travaux publics en même temps qu'au ministère des finances et à celui de l'intérieur, seraient retenues plus longtemps à Bruxelles.

Je crois que c'est un projet très malheureux que de vouloir agrandir encore la station du Nord. Je désire de tout mon cœur voir achever la station du Nord, mais si vous voulez y loger tous les bureaux et le ministre, la dépense sera énorme.

Il faut faire ce qui a été décrété en 1846, mettre les ministères des travaux publics et de la justice rue de la Loi et vendre les hôtels de la rue de la Régence et de la Place Royale, qui ont une très grande valeur.

M. David. - Messieurs, j'admets volontiers que si la station du Nord était achevée, ce serait un grand embellissement pour la ville de Bruxelles, et si l'on insiste autant sur l'achèvement de cette station, je pense que c'est principalement pour cela qu'on le fait ; mais pour moi, messieurs, je trouve qu'il faut faire les travaux indispensables avant les travaux de luxe et je considère l'achèvement de la station du Nord comme un simple travail de luxe.

L'année dernière on nous a demandé un crédit de 20 et des millions pour satisfaire, disait-on, à des besoins indispensables, comme doubles voies, augmentation du matériel, travaux de toute espèce sur les voies ; il n'était nullement question de la station du Nord, qu'on veut mettre aujourd'hui en première ligne. C'est ce que je combattrai aussi longtemps qu'il restera quelque chose d'indispensable à faire, surtout en ce qui concerne le matériel, qui continue toujours à être insuffisant.

Sur les 20 et des millions qui nous ont été demandés l'année dernière, nous n'en avons voté que 5 ; il resterait donc encore plus de 15 millions à accorder pour travaux indispensables. Eh bien, messieurs, je le répète, aussi longtemps qu'il restera de semblables travaux à faire je ne voterai pas de fonds pour travaux de luxe.

M. Malou. - Je demande, messieurs, que le gouvernement s'occupe une bonne fois de la question soulevée en ce moment et qu'il veuille bien enfin la décider. Il y a un peu plus de dix ans que les Chambres ont accordé les crédits nécessaires pour l'acquisition des hôtels Engler et d'Aubremé et elles les ont accordés à une condition, c'est que, dans un délai rapproché, fixé, je pense, à 4 ans, les deux ministères de la justice et des travaux publics seraient transférés rue de la Loi.

J'avais fait faire alors les devis, et si mes souvenirs sont exacts, la dépense devait s'élever à 600,000 ou 700,000 fr. Depuis lors il a été fait un autre devis qui s'élevait à un million et à cause des circonstances où l'on se trouvait, on a reculé devant la dépense. Aujourd'hui, d'après la section centrale, le devis est de 1,400,000 fr. Plus on diffère, plus il parait que la somme va croissant en raison directe du temps. Je demande, par mesure d'économie (et tout à l'heure je prouverai que c'est aussi une mesure de raison) qu'on décide la question le plus tôt possible.

D'un côté de la rue de la Loi il y a trois ministères, de l'autre côté il y a des constructions parfaitement symétriques où l'on peut également loger trois ministères. Cette propriété de l'Etat a été agrandie en 1846 du côté de la rue de l'Orangerie et pour avoir tout le terrain nécessaire aux trois ministères dont il s'agit il ne resterait à faire que des acquisitions fort peu considérables.

On dit que la dépense à faire s'élèverait à 1,400,000 fr., on pourrait dire tout aussi bien deux millions et demi, rien de plus facile. Ce que je demande, c'est que le gouvernement s'occupe de faire le transfert dans les meilleures conditions et dans les conditions les plus économiques. Au prix où sont aujourd'hui les terrains à Bruxelles et avec les propriétés que le gouvernement possède à Bruxelles, rien au monde n'est plus facile que d'atténuer cette dépense.

Ainsi, lorsque la question s'est produite on a parlé de transférer le gouvernement provincial dans l'hôtel qui est occupé aujourd'hui par le ministère des travaux publics ; s'il en était ainsi, l'hôtel du gouvernement provincial deviendrait disponible et on pourrait, par la vente des terrains, récupérer une grande partie de la dépense qu'exigerait le transfert des ministères de la justice et des travaux publics dans la rue de la Loi.

On a, messieurs, institué une commission pour examiner la question de la construction d'un palais de l'industrie et des beaux-arts ; si on tarde encore, si on ne veut pas examiner dans son ensemble ce que j'appellerai la question de premier établissement immobilier, il arrivera un moment où les emplacements seront occupés et où l'on payera infiniment plus cher qu'aujourd'hui ceux que l'on aurait besoin d'acquérir.

Ne pourrait pas approprier, par exemple, à une autre destination les terrains de l'hôtel actuel du ministère de la justice, ou bien vendre ces terrains et couvrir ainsi une partie de la dépense dont il s'agit ?

Il est certain que si l'on transfère les ministères de la justice et des travaux publics rue de la Loi, on rend deux hôtels disponibles et que de cette manière on peut retrouver une grande partie de la dépense qu'il faudra faire.

Je ne suis pas compétent, messieurs, et je crois que la Chambre elle-même ne peut pas, en ce moment, aborder à fond cette question, maïs je supplie le gouvernement de l'examiner une bonne fois et de proposer à la Chambre une solution d'ensemble.

Maintenant, messieurs, quant à la question spéciale qui concerne le ministère des travaux publics, il est évident qu'il y a des motifs d'une extrême puissance pour en finir aujourd'hui. Le ministère des travaux publics n'existe réellement pas : il y a trois agglomérats de bureaux qui sont obligés de prendra pour leur service des fonctionnaires spéciaux, rémunérés sur je ne sais quel article du budget, des fonctionnaires à (page 1017) quatre pattes, qui font la correspondance. Ainsi vous voyez à tout moment, dans Bruxelles, rouler les dépêches du ministère des travaux publics, et c'est à tel point, que, de compte fait, certaines lettres, avant d'être expédiées, font dans Bruxelles 10 kilomètres : la lettre est d'abord envoyée en minute à l'hôtel du ministre pour lui être soumise, elle est renvoyée à la station du Nord pour être copiée, elle est envoyée ensuite au ministre pour recevoir sa signature et enfin elle est renvoyée à la station du Nord pour être mise sous enveloppe. C'est là une organisation déplorable au point de vue de la célérité de l'expédition des affaires et au point de vue des frais. Je dis qu'il y a une extrême urgence d'en finir et réunir quelque part toutes les parties du ministère des travaux publics. Ce quelque part, où doit-il être ? Il doit être rue de la Loi, car je le répète, c'est pour cela que les Chambres ont autorisé l'acquisition des hôtels Engler et d'Aubremé. C'a été là leur motif déterminant.

M. Rogier. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable préopinant parler de la disponibilité éventuelle de l'emplacement occupé par le ministère de la justice. L'honorable membre a aussi parlé d'une commission nommée par M. le ministre de l'intérieur, à l'effet d'examiner les questions qui se rattachent à la construction d'un palais des beaux-arts. Je dois dire à la Chambre que d'après les conclusions de cette commission, les terrains occupés par le ministère de la justice trouveraient une destination utile pour la construction dont il s'agit ; que dès lors on ne pourrait pas en disposer, par voie de vente, pour un autre usage.

Une économie serait faite en ce sens que le gouvernement, en utilisant les terrains qui lui appartiennent, ne serait pas obligé de faire des acquisitions d'autres terrains très coûteux sur un autre point de la capitale.

Si les conclusions de la commission sont adoptées, le terrain occupé par le département de la justice serait utilisé et en y ajoutant les terrains adjacents et ceux occupés actuellement par les musées et par la bibliothèque royale, on aurait un emplacement qui suffirait amplement pour le dépôt de toutes les collections que nous possédons aujourd'hui, ainsi que pour les fêtes publiques et les expositions.

Je partage, du reste, l'opinion de l'honorable préopinant sur la nécessité de prendre un parti définitif relativement aux locaux que nous avons acquis en 1846, du temps de sou ministère. Voilà dix ans que ces locaux ont été achetés par l’Etat pour une destination spéciale qu'ils n'ont pas reçue. Il est plus que temps que le gouvernement s'occupe de leur donner cette destination.

Une sorte d'alanguissement semble peser sur tous les travaux publics qui intéressent la capitale. J'ai eu occasion d'en faire l'observation lors de la discussion du budget de l'intérieur, et puisque le débat est ramené sur ce point, je dois insister pour que le gouvernement recherche avec une activité persévérante les moyens de mettre un terme à l'état inachevé et d'abandon où sont laissés nos monuments publics.

La réponse que m'a faite dans la séance de samedi dernier M. le ministre de l'intérieur, en ce qui concerne le palais ducal, ne nous a rien appris, et puisque le département des travaux publics a dans ses attributions les frais de réparation el d'entretien de ce palais, je demanderai à l'honorable ministre quelle suite on entend donner aux travaux qui ont été effectués et qui se trouvent aujourd'hui, dit-on, suspendus ou abandonnés.

Il faut cependant qu'une suite quelconque soit donnée à ce commencement de travaux. Il y aura peut-être de nouveaux fonds à demander. Pour ma part, je les voterai, si on m'en démontre l'utilité, et si, à côté des dépenses, on nous donne des moyens efficaces pour les couvrir.

La question de l'appropriation du palais est importante pour la capitale ; elle l'est aussi au point de vue des arts en général. Dès qu'il sera achevé, il est probable que celui qui l'habitera fera des dépenses personnelles qui auront pour but d'encourager les arts. Lorsque, dans un pays comme le nôtre, les Chambres accordent des dotations, c'est pour que ces dotations reçoivent une destination d'utilité publique en quelque sorte, c'est pour que ceux qui en jouissent puissent, selon les impulsions de leur générosité et de leur goût, donner entre autres des encouragements aux artistes ; or, aussi longtemps que le palais sera inoccupé, les encouragements pour certains travaux artistiques pourront faire défaut. J'insiste pour que le palais de la rue Ducale reçoive le plus tôt possible la destination qu'on a voulu lui donner. Il y a quatre ans qu'on a mis la main à l'œuvre, et l'on semble moins avancé aujourd'hui que le premier jour.

M. de Brouckere. - Messieurs, je me joins à l'honorable M. Malou pour engager le gouvernement à user de tous les moyens en son pouvoir, afin d'arriver à un travail d'ensemble sur l'usage à faire des divers hôtels qui appartiennent au gouvernement. Depuis des années, nous discutons sur l'usage à faire de ces hôtels, et l'on ne décide rien.

Si le gouvernement veut bien s'occuper de ce travail qui, je le reconnais, sera assez difficile, je me permettrai de lui soumettre un système nouveau que je n'entends pas préconiser d'une manière absolue, mais qui amènerait une très grande économie.

Voici ce système :

On placerait les bureaux de tous les ministères dans les hôtels de la rue de la Loi, sans devoir y faire de grandes constructions. Les ministres ne seraient plus logés dans ces hôtels ; chaque ministre se réserverait, dans l'hôtel de son ministère, un cabinet de travail et des salons de réception ; et il recevrait sur les fonds de l'Etat une indemnité de logement.

Si on adoptait ce système, on pourrait vendre l'hôtel de la Place Royale et celui de la rue de la Régence. Cette vente produirait un capital considérable, et les intérêts de ce capital seraient plus que suffisants pour indemniser les ministres auxquels on ne donnerait plus de logement.

Vous feriez une autre économie annuelle ; vous pourriez diminuer les allocations qui figurent dans chaque budget pour l'entretien et l'ameublement des hôtels ministériels.

Je le répète, je ne fais qu'énoncer une idée ; je ne veux pas la développer davantage ; je demande seulement que le gouvernement veuille bien l'examiner quand il s'occupera d'un travail d'ensemble.

M. Dumortier. - Messieurs, il me semble bien difficile d'admettre que les ministres soient logés ailleurs que dans les hôtels de leurs ministères respectifs ; s'ils devaient se loger à distance, la besogne en souffrirait beaucoup ; ils ne pourraient pas donner à la chose publique tout le temps qu'ils peuvent y consacrer aujourd'hui.

Mais je me demande : Est-il bien nécessaire, parce qu'un ministre habite l'hôtel de son département, de lui réserver des appartements aussi nombreux et aussi vastes que ceux qui sont affectés à cette destination dans certains ministères ? J'avoue que ces logements ne sont nullement en proportion du traitement qui est alloué aux ministres.

Lorsque, dans l'ordre d'idées qui nous a dominés en 1831, nous avons fixé le traitement des ministres, nous n'avons pas voulu que les ministres représentassent ; mais s'ils ne représentent pas, ils n'ont pas besoin d'avoir ces salons sans fin qu'on trouve dans certains ministères. Ainsi, le ministère des finances occupe un hôtel excessivement vaste et qui n'est nullement nécessaire pour le logement d'un ministre.

Il se trouve, comme disait tout à l'heure mon honorable ami M. Malou, que vous avez trois ministères d'un côté de la Chambre et un seul de l’autre côté ; si la répartition des» locaux se faisait du côté où est le ministère des finances, comme de l'autre côté, vous auriez là de quoi mettre trois ministères et laisser à chacun un logement suffisant pour leurs besoins et pour les réceptions modestes qu'ils peuvent devoir faire, car il n'est pas nécessaire de donner aux ministres de vastes salons qui ne s'ouvrent jamais et qui restent complètement inutiles, complètement inoffensifs.

On va me dire que ces locaux ne suffiraient pas complètement pour placer les employés ; si les locaux manquent, il y a des jardins où l'on peut construire des locaux pour les employés en suivant le système adopté dans l'aile où se trouvent les ministères de l'intérieur, de la guerre et des affaires étrangères.

De cette manière vous trouverez facilement à placer tous les ministères. S'il manque quelques locaux, on peut louer quelques maisons rue de l'Orangerie qui pourrait servir à placer des bureaux. Vous aurez ainsi donné aux acquisitions que vous avez faites la destination que vous aviez de réunir les six ministères autour du palais de la nation.

Comme a dit M. Malou en transférant le ministère des travaux publics rue de la Loi et le gouvernement provincial à l'hôtel où se trouve aujourd'hui le ministère des travaux publics, vous aurez l'hôtel du gouvernement provincial que vous pourrez vendre.

Quant à l'hôtel occupé par le ministère de la justice, l'honorable M. Rogier a dit qu'il était question d'y faire des constructions considérables qui viendraient couvrir tout le terrain de bâtiments, puisqu'il ne resterait rien à vendre. Ces constructions gigantesques ne me paraissent pas de saison ; j'engage la commission, si elle veut aboutir à un résultat, à faire des choses modestes, à ne pas imiter ces architectes qui ont trompé la Chambre. Je crains que si le crédit est trop élevé, la Chambre ne le rejette. Quand on a reçu des leçons comme celles que nous avons eues, on devient défiant avec raison. Que ces messieurs de la commission fassent comme les officiers du génie, on n'a pas d'exemple qu'ils aient fait des devis exagérés. Quand nous voyons que ce qui devait coûter 300,000 fr. en coûte 1,100,000, on y regarde à deux fois avant de s'engager sur un devis d'architecte.

Si on arrive devant la Chambre avec des plans trop dispendieux, on pourra échouer devant l'assemblée.

Il est à regretter, quaut aux beaux-arts, que la Chambre n'ait pas voté les fonds pour racheter la construction de la dernière exposition d'il y a trois ans ; ces constructions pouvaient durer une vingtaine d'années ; dans l'intervalle on pouvait se reconnaître, et si des circonstances plus heureuses se présentaient, faire ce qu'on jugerait nécessaire.

Il faut prendre garde, je le répète, de trop demander. En demandant trop on court risque de ne rien obtenir.

L'honorable M. Rogier ne demande, dit-il, que des dépenses indispensables ; il vous demande l'achèvement de la station du Nord. Moi je demande, s'il y a quelques fonds disponibles, qu'on les applique auparavant à la station du Midi.

Il n'y a pas de station de village qui soit dans un pareil état. La station des Bogards est dans un état ultra déplorable ; quand on aura des fonds, j'insiste pour qu'on songe un peu à cette station. Vous n'avez pas même de gare pour mettre les voyageurs à l'abri de la pluie quand ils arrivent. Cette station, qui amène toute la population du Midi dans la capitale, je le répète, est au-dessous d'une station de village. Je ne (page 1018) suis pas partisan de la réunion des stations, je veux que nous fassions nos affaires pour nous et non pour les étrangers.

C'est une très grave question que celle de la réunion des stations. Je les laisse où elles sont,et je dis qu'il en est une dans un état si déplorable qu'il n'est pas de village qui en ait une aussi misérable.

Quant au palais de la rue Ducale, je désire qu'on le mette en état d'être habité par le duc de Brabant. Pour arriver à ce résultat, il faut faire les dépenses nécessaires ; mais il est à désirer qu'on ne crée pas des dépenses nouvelles et surtout de nature à nous entraîner à payer des millions. Quand on fera un devis, j'engage les ministres que la chose concerne à arriver avec des projets tellement bien étudiés, bien examinés, bien contrôlés,, qu'on soit sûr de ne plus voir les dépenses doublées et même triplées, comme cela n'est arrivé que trop souvent.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Depuis longtemps la question du transfert des ministres est à l'étude, et la divergence d'opinion qui se manifeste sur cette question montre qu'elle n'est pas aussi facile à résoudre qu'on peut le penser.

L'honorable M. Malou voudrait que tout le département des travaux publics fût concentré sous l'œil du ministre, et il indique un emplacement où il sera impossible de réaliser cette combinaison, parce que les hôtels qui se trouvent sur le côté droit du palais de la nation n'ont pas le même développement que ceux qui sont situés sur le côté gauche. La profondeur des terrains n'est pas à comparer, et malgré cela, le ministère de l'intérieur ne réussit pas à loger tous ses employés, il est obligé de louer un hôtel rue Royale.

Le ministère de la guerre, malgré les grands travaux qu'il a fait exécuter, occupe une maison très grande rue Royale. Le ministère des affaires étrangères a sa cour encombrée de constructions qui lui enlèvent presque tout son jour. Quelque grands que soient les jardins du ministère des finances, je n'espère pas pouvoir loger les bureaux des trois ministères dans la partie des hôtels qu'on vient d'indiquer.

L'honorable M. de Brouckere a émis une opinion qui permettrait d'atteindre ce but, ce serait de décharger l'Etat de l'obligation qu'il s'est imposée de loger les ministres, de les laisser dans leur habitation particulière et de ne leur donner dans ces hôtels ministériels qu'un cabinet et quelques salons de réception.

Ce système est nouveau, et je ne pourrais pas me prononcer maintenant sur la possibilité de le mettre à exécution.

Cependant, il me paraît nécessaire que ce soit examiné. Le meilleur moyen d'arriver à une solution convenable serait peut-être de nommer une commission dont feraient partie des membres de la Chambre, et qui examinerait ce qu'il conviendrait de faire.

L'honorable M. Malou pense que le transfert des ministères de la justice et des travaux publics dans les hôtels de la rue de la Loi, s'il était possible, pourrait se faire sans frais considérables, parce que l’Etat serait en possession de terrains qu'il pourrait vendre à des prix avantageux. Mais l'expérience prouve que lorsque l'Etat a des terrains disponibles, il se présente toujours tant d'amateurs pour en obtenir la possession, qu'il lui est impossible d'en retirer un prix avantageux. La vente de certains terrains de fortifications en est la preuve.

D'ailleurs, en supposant même que le gouvernement provincial puisse-être, comme on l'a dit, transféré à l'hôtel actuel du département des travaux publics, il n'en résulterait pas que l'on pourrait disposer de l'hôtel de la rue du Chêne ; car il y a là des questions de propriété en litige. On est donc arrêté par des difficultés de toute nature, difficultés d'argent, difficultés de droit.

Il en résulte que l'on hésite sur le parti à prendre. Puisque la Chambre ne paraît pas reculer devant la dépense, le mieux serait, je le répète, d'envoyer les divers projets à l'examen d'une commission.

Quant aux observations présentées par les honorables MM. Rogier et Dumortier relativement au palais de la rue Ducale, je regrette de ne pouvoir donner une réponse plus satisfaisante que celle donnée par mon honorable collègue M. le ministre de l'intérieur. Des difficultés ont surgi, et comme elles ne sont pas levées, je ne puis donner aucune assurance à. la Chambre sur l'époque à laquelle il sera possible de reprendre les travaux d'appropriation,

M. Malou. - Je n'ajouterai que deux mots. Je conviens que ce n'est pas le moment d'examiner cette question. Je ferai remarquer que les hôtels de la rue de la Loi derrière lesquels est la rue de l'Orangerie ont une profondeur au moins égale à celle des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur. On a même dû empiéter sur les terrains du ministère des affaires étrangères pour construire le palais du Sénat. Je me rappelle qu'en 1846 ces hôtels paraissaient parfaitement suffisants.

Il est vrai que, depuis, les bureaux ont pris un grand développement ; les terrains n'ont pu se développer dans la même proportion.

Mais enfin il est de fait que dans l'hôtel Engler, qui n'avait pas été construit pour faire des bureaux, il y a infiniment peu de bureaux. Il y a d'énormes salons où il y a un seul fonctionnaire. Mais qu'on approprie les locaux à leur nouvelle destination, et l'on y trouvera toute la place nécessaire pour les locaux.

Je me borne à prendre acte, comme on dit quelquefois, de la déclaration du ministre que la question sera examinée.

M. Rogier. - Ce n'est pas le moment de discuter le projet de la commission pour un bâtiment destiné aux collections. Mais si la commission s'est arrêtée au choix de l'emplacement du ministère de la justice, c'est par des vues d'économie, pour empêcher l'acquisition d'un terrain à des prix très élevés. La commission a été d'avis de ne pas donner à ce bâtiment des proportions telles, qu'il dût en résulter de fortes dépenses. Elle est d'avis qu'il faut réserver la dépense pour les travaux du dedans plutôt que pour la construction du dehors.

L'article 9 est mis aux voix et adopté.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.