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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 969) M. Crombez, secrétaire, procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes.

« Les gardes forestiers de la brigade de Paliseul demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit pour augmenter les traitements des employés inférieurs de l'Etat.


« Des habitants d'Ypres demandent la libre entrée permanente, du fer et de la houille. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.

« Des secrétaires communaux du canton de Seneffe demandent que la loi fixe le minimum de leurs traitements, et qu'il soit en rapport avec l'importance de leur besogne. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Marmillion, combattant de la révolution, demande la croix de Fer et la pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Loiselet demande que tous les décorés de la croix de Fer soient admis à la pension de 250 francs, et que les pensions qui ne seraient pas réclamées servent à un fonds destinée aux combattants nécessiteux, non décorés. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Druart et Sainclelette, membres du conseil d'administration de la caisse de prévoyance des ouvriers carriers du Hainaut ; demandent un subside en faveur de cette caisse. »

- Même renvoi.

M. Ansiau. - Je prie la Chambre de vouloir décider que cette pétition fera l'objet d'un prompt rapport. Elle intéresse au plus haut point une industrie considérable, et les ouvriers nombreux attachés à cette industrie ont le plus grand intérêt à ce que la question soit décidée dans le sens indiqué par la pétition.

M. Lelièvre. - J'appuie les observations de l'honorable M. Ansiau.

- La proposition de M. Ansiau est adoptée.


« Le sieur Dams, directeur du fourneau de Roly, prie la Chambre de donner une application temporaire aux nouveaux droits de douanes sur la fonte et le fer, d'autoriser le gouvernement à augmenter ces droits dans certaines limites et de permettre la sortie de tous les minerais de fer moyennant certains droits de douanes. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des officiers pensionnés présentent des observations à l'appui de leur demande tendante à ce que les dix années de service accordées par la loi de 1854 soient comptées indépendamment de toute année de service précédemment acquise. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIV. Poids et mesures

Discussion générale sur le chapitre XIV

La discussion est ouverte sur ce chapitre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs à l'occasion du chapitre qui concerne les poids et mesures, je crois utile de donner quelques explications relativement à une question qui a été, à diverses reprises, agitée dans cette enceinte. Je veux parler de l'emploi de la balance romaine.

Lorsque, la dernière fois, les pétitions relatives à cet objet ont été analysées à la Chambre, on a paru désirer, et c'était le sens d'une motion faite par l'honorable M. de Perceval, que le gouvernement fît faire une enquête dans les moulins mêmes pour voir si réellement il y a dans les moulins à vent et en bois des obstacles insurmontables à l'adoption de la bascule ou de la balance à fléau, et s'il faut absolument que pour les moulins établis dans ces conditions on maintienne la balance romaine.

J'ai délégué deux fonctionnaires parfaitement au courant de la question, à l'effet d'aller visiter quelques moulins, surtout dans les parties du pays qui avaient envoyé à la Chambre le plus grand nombre de pétitions. J'ai reçu, il y a deux jours, le rapport de ces fonctionnaires.

Ils ont visité dans le Brabant et dans les Flandres quinze moulins aux environs de Bruxelles, de Gand, d'Audenarde et de Renaix.

La conviction qu'ils ont acquise par les conversations qu'ils ont eues avec les meuniers, c'est que, en général, les motifs pour lesquels les meuniers tiennent à l'usage exclusif des balances romaines sont, d'abord, la routine ; ensuite, l'appréhension des dépenses à faire pour acheter une balance nouvelle. Et puis, il est permis d'affirmer qu'il existe une espèce d'entente et de coalition entre les meuniers qui se sont donné le mot et qui ont signé, les uns par complaisance, les autres par entraînement, les pétitions envoyées à la Chambre.

En même temps que MM. les délégués de l'administration ont fait une visite dans ces quinze moulins, ils ont été visiter un autre moulin, dans le Brabant, à Tourinnes-Saint-Lambert. Un meunier de cette localité avait écrit au gouvernement pour dire qu'il pratique son industrie depuis 23 ans, que depuis 23 ans il se sert de balances à bras égaux et qu'il n'en est jamais résulté le moindre inconvénient.

Ils sont allés voir ce moulin, et le résultat de cette espèce de contre-enquête combinée avec les renseignements recueillis dans les moulins où l’on se sert de balances romaines, ce résultat peut se formuler dans les quatre conclusions qui terminent le rapport de MM. les délégués :

« 1° Une balance à bras égaux peut être placée dans les moulins à vent en bois, sans y causer d'encombrement ;

« 2° Le meunier peut, à lui seul, diriger son travail et effectuer les pesées ;

« 3° Les ébranlements du moulin ne sont pas un obstacle à cette opération ;

« 4° Les pesées fournies par une balance ordinaire, pendant que le moulin travaille, ont une précision bien supérieure à tout ce que l'on peut désirer. »

Voilà donc les objections faites dans toutes les pétitions et reproduites dans la Chambre, complètement détruites par l'examen minutieux des faits. Voilà le gouvernement parfaitement renseigné sur la valeur de l'opposition que rencontre l'exécution de la loi.

Cependant, il y aurait peut-être moyen d'arriver à une mesure qui pourrait concilier jusqu'à un certain point les exigences de la loi avec les habitudes de ces industriels ; ce serait de les engager à adopter une nouvelle balance à bascule d'invention toute récente et qui, ayant à peu près la forme de la balance romaine, n'en offre pas les inconvénients.

Voici ce que disent, sous ce rapport, les fonctionnaires qui avaient été chargés de faire l'enquête :

« Nous saisissons cette occasion, M. le ministre, pour émettre un avis qui se rattache, indirectement il est vrai, à la mission que vous nous avez fait l'honneur de nous confier. Dans notre opinion, il serait très utile de propager, parmi les meuniers qui font usage des romaines, la connaissance de la bascule à fléau. L'analogie étroite qui existe entre ces deux instruments rendrait presque insensible la transition de l'un à l'autre ; et plusieurs meuniers, auxquels nous avons expliqué la construction et l'emploi de la bascule à fléau, nous ont paru disposé à l'adopter sans grande résistance. »

Voici maintenant, la description que MM. les délégués font de cet instrument :

« Cet instrument est de la même dimension que la romaine. Il peut, comme elle, se suspendre dans l'angle de droite du moulin. Il n'en diffère qu'en un seul point : le poids curseur et les graduations du fléau sont supprimés, et l'extrémité du grand bras est muni d’un petit plateau destine à recevoir des poids dont la valeur est la dixième partie de celle du fardeau pesé. Les romaines existantes pourraient même être transformées, à peu de frais, en bascules à fléau. »

Ainsi, messieurs, autoriser la continuation de l'usage des balances romaines paraît au gouvernement une chose impossible, après cette enquête minutieuse qui vient d'avoir lieu.

Si, maintenant, les industriels, pour éviter de grands frais, pouvaient transformer leurs romaines en bascules à fléau, instruments qui n'offrent pas les inconvénients de la romaine, mais qui présentent les avantages que les meuniers attribuent à la romaine, le gouvernement ne verrait aucun motif de s'opposer à l'introduction de ces nouveaux instruments.

M. Vander Donckt. - Je commence par remercier l'honorable ministre d'avoir bien voulu faire une enquête et s'occuper de l'examen de cette question.

Je le remercie encore de ce que, ne se restreignant pas systématiquement aux balances à bascules et aux balances à bras égaux, il veut bien, admettre quelques modifications, si elles sont compatibles avec les dispositions de la loi.

Mais le motif principal pour lequel j'ai demandé la parole ne se rattache pas seulement aux meuniers, quoiqu'ils soient peut-être la catégorie d'industriels qui souffre le plus de la suppression de cette manière de peser ; il se rattache encore à une autre pétition que j'ai eu l'honneur d'analyser dans une séance précédente et qui émanait d'industriels et commerçants d'écorces.

Pour peser des écorces dans le Luxembourg et dans toutes les localités très boisées, les écorces doivent se sécher pendant la bonne saison, et chaque ouvrier a sa tâche dont il doit retirer son salaire, salaire qui n'est fixé que sur la pesée, après que l'écorce est séchée ; ordinairement, on faisait ces pesées à la balance romaine.

Non seulement, il est impossible de transporter la balance à bras, dans les bois et dans les terrains accidentés, mais il faut un trépied, qu'il faut déplacer à chaque instant ; là les inégalités du terrain rendent ce moyen difficile et même impossible, cet autre inconvénient, dont j'ai signalé toute l'importance lorsque j'ai analysé cette pétition. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point, parce que les pétitions sont renvoyées aux ministères où elles sont enfouies dans les cartons.

Je prie M. le ministre de vouloir bien examiner si le moyen qu'il vient d'indiquer peut suppléer au défaut de balance romaine pour la pesée des écorces.

M. de Smedt. - Messieurs, j'ai vu avec peine que l'honorable ministre de l'intérieur vient de critiquer assez sensiblement ceux des intéressés qui ont pétitionné pour la conservation des balances dites romaines.

D'après ce que M. le ministre vient d'avancer, les meuniers qui ont pétitionné, et qui se trouvent dans toutes les parties du pays, auraient été poussés à faire ce pétitionnement ; ils l'auraient fait par complaisance. Ces pétitionnaires, d'après le dire du ministre, tiendraient uniquement à la conservation de cette espèce de balance par routine, pour éviter de faire la dépense du placement d'une autre espèce de balance, ce serait là le seul motif pour lequel les meuniers se sont déclarés contre la suppression de la balance romaine.

J'ose assurer que tout ce que le ministre vient d'avancer sur le pétitionnement qui a eu lieu et qui continue toujours pour conserver la balance romaine, est formellement inexact, et la Chambre doit savoir que c'est par nécessité, par la conviction qu'ont les meuniers qui exploitent des moulins à vent construits en bois, qu'ils ne peuvent utilement faire usage d'autres balances.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - J'y ai fait, au contraire, accueil.

M. de Smedt. - M. le ministre dit encore que deux personnes qu'il avait chargées de faire des investigations avaient visité quinze moulins et que partout ils avaient acquis la conviction qu'il y avait grande facilite de placer des balances à bascule et des balances à bras. Eh bien, je répondrai à M. le ministre que je me suis rendu dans différents moulins, et que j'ai pu m'assurer, par moi-même, que les réclamations étaient fondées et qu'il y a impossibilité de placer dans les moulins soit des balances à bascule, soit des balances à bras, que la chambre des moulins qui doit emmagasiner toujours une certaine quantité de grains ou de farine, est trop petite pour y placer d'autres balances que celle qui y a toujours été en usage.

D'ailleurs ou doit reconnaître, quoi qu'en disent les personnes qui ont visité les quinze moulins, que, par l'ébranlement du moulin, quand il y a pas de vent, il n'y a pas possibilité de tenir les balances à. bras assez en repos pour peser exactement ; et pour ce qui regarde la balance à bascule, l'arrêté même met obstacle à son usage dans les moulins, parce qu'il défend de faire usage des bascules pour les pesées qui sont en-dessous de cinquante kilogrammes et que, cependant les pesées qui ont lieu dans les moulins sont presque toujours au-dessous de ce poids de cinquante kilogrammes.

Et pour ce qui concerne l'arrêt, auquel tient M. le ministre contre les romaines, je commence par lui dire que celui qui, le premier, est en contravention à la mesure du département de l'intérieur, c'est l'honorable ministre qui siège derrière le chef du département de l'intérieur, c'est le ministre des travaux publics, contre lequel son collègue de l’intérieur devrait commencer par exercer sa mesure d'extirpation. En effet, les balances romaines sont journellement employées dans les stations des marchandises des chemins de fer, et y sont employés très utilement, sans plainte, ni de la part de l'administration, ni de la part du public. Ces balances servent cependant pour peser les marchandises, qui se transportent par les chemins de fer et pour, d'après le poids, établir le montant que l'on exige pour le transport. (Interruption.)

(page 971) M. Rodenbach. - Voilà un argument qui répond au dire du ministre.

M. de Smedt. - Je suis allé voir cette balance à la station de Bruxelles, où je l'ai vue fonctionner, et je n'ai entendu que des éloges sur l'usage de cette balance. J'engage M. le ministre à faire examiner aux stations ces balances et on pourra se convaincre que ces balances fonctionnent très bien et ne donnent pas lieu à des pesées inexactes.

M. le ministre nous a fait connaître l'avis des deux savants qui ont été chargés de faire l'enquête. Ces savants n'ont pas exposé les inconvénients pratiques de l'usage des romaines ; on n'en a pas indiqué jusqu'à ce jour et pour ma part, je crois qu'on n'en indiquera pas... Faisons comme en France où l'on a conservé ces balances.

Qu'est-ce qu'a dit la France ? Tâchons de perfectionner la balance romaine pour qu'elle soit exacte, car ce sont des balances mal faites qui sont folles et qui prêtent à la fraude. Mais on est parvenu à les faire si bien qu'elles fonctionnent librement. On n'emploie que ces sortes de balances sur les marchés au lin ; ils ne peuvent pas en employer d'autres. C'est à tel point que si vous supprimez l'usage de ces balances, on ne pourra plus tenir de marché au lin en plein air, comme cela existe à Alost et dans d'autres villes des Flandres.

On prétend que c'est la balance romaine qui prête le plus à la fraude ; c'est une erreur, car c'est celle qui est le plus contrôlée ; il n'est pas un campagnard qui n'ait chez lui une balance romaine, et quand il va au moulin il commence par peser la mouture.

Dans un moulin à vent et en bois il est impossible de faire fonctionner une balance à bras égaux ; il en est de même de la balance à fléau. L'arrêté dit que les balances romaines ne pourront être employées pour des poids inférieurs à 50 kilog. et, comme je viens encore de le faire remarquer, c'est précisément pour les petits poids qu'on s'en sert dans les moulins. La place manquerait pour y faire fonctionner une balance à bras.

M. le ministre nous dit qu'on a visité 15 moulins et qu'on s'est assuré du contraire. Mais comment a-t-on visité ces moulins ? Les moulins en pierre sont hors de cause ; on a vu, dit-on, un moulin où il y avait une balance à bras ; on ne nous dit pas si ce n'était pas un moulin en pierre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - C'est un moulin en bois et à vent.

M. de Smedt. - Soit, mais un seul fait ne suffit pas pour renverser les réclamations de tous les autres meuniers.

La France n'aurait pas conservé ces balances s'il n'y avait pas eu utilité, avantage même à le faire. Mais j'engage M. le ministre à faire examiner les perfectionnements qu'on y a apportés ; il verra qu'elles ne peuvent plus être un moyen de fraude. J'espère qu'il ne persistera pas à vouloir supprimer les balances romaines.

L'article 22 de la loi sur les poids et mesures prescrit au gouvernement de mettre en usage le plus promptement possible le système décimal métrique.

Eh bien, la balance romaine permet de mettre immédiatement ce système en usage ; avec la balance à bras égaux, on peut se servir de toute espèce de poids, tandis qu'avec la balance romaine décimalement graduée, vous forcez immédiatement les particuliers à faire usage du système décimal métrique et c'est là l'objet de votre loi, et je soutiens que c'est par la romaine qu'on sera le plus tôt accoutumé au système décimal, car on est obligé d'en faire usage, selon que la balance est graduée et on ne peut pas la remplacer par une romaine qui ne serait pas graduée d'après le système décimal. C'est à quoi le gouvernement devrait avoir égard, et sur quoi j'attire l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur.

M. Magherman. - Messieurs, je viens aussi remercier M. le ministre de l'intérieur de l'enquête qu'il a bien voulu ordonner sur les lieux mêmes, en ce qui concerne l'usage des balances romaines dans les moulins. Je suis d'autant plus satisfait des résultats qui ont été obtenus, que M. le ministre a pu acquérir la preuve, par le rapport de ses agents, qu'il y avait quelque chose de fondé dans les réclamations produites dans la Chambre. La preuve en est dans la disposition que ces agents ont rencontrée chez ces meuniers à adopter le nouvel instrument de pesage dont vient de nous entretenir M. le ministre. Si les meuniers sont disposés à adopter ce nouvel instrument, c'est qu'ils ne repoussent pas systématiquement la balance à bascule ou la balance à bras qu'on aurait voulu leur imposer. Pourquoi sont-ils disposés à adopter la nouvelle balance ? C'est parce qu'elle n'apporte pas le même encombrement dans leur moulin que l'instrument qu'on veut leur imposer. Ce seul fait prouve qu'il y a réellement quelque chose de fondé dans la réclamation des meuniers.

Messieurs, je trouve qu'il y a en général une tendance trop prononcée dans l'administration des poids et mesures à introduire des innovations, à introduire des changements dans le système métrique, et ces changements entraînent toujours des dépenses pour les assujettis. C'est ce qui les fait réclamer, les fait murmurer, et ce qui rend le gouvernement plus ou moins impopulaire.

Ce n'est pas seulement pour les balances que ces tendances se manifestent. Cela arrive aussi pour les poids et mesures. De temps en temps on impose des changements qui sont onéreux pour les assujettis ; tantôt c'est cette forme de mesure que l'on veut, tantôt c'est telle autre. Ce qu'on veut aujourd'hui, on l'abandonne le lendemain. Aujourd'hui, par exemple, on prescrit des poids coniques, demain on prescrit de poids de forme octogone, le surlendemain on revient sur la matière et ce qu'on avait prescrit la veille on le défend. Il en est de même des mesures de capacité. Tantôt on prescrit pour les liquides une mesure ronde, sans déversoir ; le lendemain on prescrit une mesure à déversoir.

Ce sont des changements qui ne s'introduisent pas sans frais pour les contribuables.

J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce point. Je l'engage à aviser aux moyens d'empêcher ces vexations qui rendent l'administration impopulaire.

- La discussion est close.

Articles 77 à 79

« Art. 77. Traitement des vérificateurs et d'un aspirant vérificateur des poids et mesures : fr. 53,400. »

- Adopté.


« Art. 78. Frais de bureau et de tournées : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 79. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre XV. Instruction publique. Enseignement supérieur

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, le gouvernement, comme vous avez pu le voir, a proposé pour l'enseignement supérieur une augmentation de 12,000 fr., nécessitée par les développements qu'a pris l'école des mines, des arts et manufactures de Liège. C'est une augmentation de dépense dont nous avons lieu de nous féliciter, parce qu'elle prouve l'état de prospérité auquel cette institution est arrivée, grâce à la bonne direction donnée aux études.

Messieurs, pour l'université de Gand, un besoin s'est aussi révélé et je dois l'expliquer en quelques mots.

Un sous-ingénieur, M. Dauge, a été détaché, il y a quelques années, comme répétiteur à l'école du génie civil de Gand. Ce sous-ingénieur continuait de recevoir, sur le budget du département des travaux publics, un traitement d'attente de 1,000 francs.

L'année dernière, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, l'honorable M. Osy a fait la motion de supprimer, le plus tôt possible, ces traitements d'attente. C'est en conséquence du désir manifesté par la Chambre et auquel mon honorable collègue, M. le ministre des travaux publics, a tenu à satisfaire, qu'on a voulu régulariser la position de ce sous-ingénieur.

Mon honorable collègue, M. le ministre des travaux publics, a donc fait savoir au département de l'intérieur que, pour régulariser la position de ce sous-ingénieur, il y avait ou à le faire rentrer au service actif dans l'administration des ponts et chaussées, ou à imposer au ministère de l'intérieur le payement intégral du traitement de ce fonctionnaire, et par conséquent à supprimer les 1,000 francs alloués au budget des travaux publics.

M. l'administrateur-inspecteur de l'université de Gand m'a fait savoir que ce répétiteur est un fonctionnaire capable et dévoué, dont le départ serait très regrettable et dont, au contraire, la conservation serait une chose très heureuse pour l'école spéciale. J'ai pris, en conséquence, la résolution de demander à la Chambre une augmentation de 1,000 fr., afin de pouvoir parfaire le traitement de ce répétiteur à l'école du génie civil et faire cesser ainsi ce qu'il peut y avoir d'irrégulier dans sa position actuelle.

Un autre sous-ingénieur, détaché à l'école du génie civil, n'a touché jusqu'à présent qu'un traitement de 1,500 fr. Il est depuis un certain nombre d'années employé comme répétiteur. Les autres fonctionnaires de la même catégorie reçoivent tous un traitement de 2,000 fr. M. l'administrateur inspecteur a insisté auprès de moi pour que je voulusse bien donner à ce sous-ingénieur, M. Yerstraete, une position analogue à celle qu'occupent tous ses collègues. C'est dans ce but que j'ai l'honneur de proposer pour lui une augmentation de 500 fr. ; ce qui fait ensemble 1,500 fr. à ajouter, pour l'université de Gand, aux 12,900 fr. que le gouvernement a demandés pour les écoles spéciales de Liège.

Messieurs, la Chambre vient, il y a quelques semaines, de voter pour la distribution de bourses en faveur de l'enseignement supérieur, l'adoption d'un régime nouveau. Jusqu'à présent, comme vous le savez, les bourses de l'Etat étaient partagées entre les deux universités de l'Etat ; chacune de ces universités avait 30 bourses de 400 fr. A ce régime la Chambre a décidé de substituer le régime de la distribution égale entre les quatre universités ; soit 15 bourses par université.

Messieurs, il a été dit aussi et stipulé même dans un article des dispositions transitoires, que les jeunes gens qui jouissent actuellement de bourses continueront à en jouir tant qu'ils réunissent les conditions indispensables.

En supposant donc que la loi soit votée et mise en vigueur, il faut établir un système de transition entre l'application de ces deux régimes. Vous savez qu'il existe au chapitre XVIII du budget de l'intérieur : lettres et sciences, un crédit de 4,800 fr. que l'on accorde comme subside à des élèves de l’enseignement supérieur libre. Quand la loi nouvelle sera votée et mise en vigueur, ce subside n'aura plus sa raison d'être en faveur de l'enseignement libre. Mais je propose de le conserver provisoirement, au moins pendant trois ans, pour opérer la transition (page 972) entre le régime actuel de la collation des bourses et le régime nouveau.

On compte, messieurs, que chaque année, dans l’état actuel des choses, six bourses deviennent vacantes à chacune des deux universités de l'État. Il y a 30 bourses pour chaque université et en comptant, en général, le cours complet d'études à cinq ans, cela fait six bourses qui deviennent vacantes par année, soit 12 sur l'ensemble des 60 bourses conférées.

Pendant trois ans, les bourses qui deviendront vacantes devront, dote être conférées à des jeunes gens qui appartiennent aux deux institutions libres, afin d'arriver ainsi au chiffre des 15 bourses par université. Mais vous comprenez que si, pendant trois ans, les universités de l'Etat restaient sans bourses nouvelles, ne jouissant que des bourses de continuation, on créerait un état de choses intolérable pour les universités de l'Etat.

Pendant trois ans elles n'auraient plus aucune bourse de nouvelle collation, c'est-à-dire que tous les jeunes gens qui commencent leurs études aux universités de l'Etat n'auraient plus aucun espoir, pendant trois ans, de jouir d'une bourse. Nous ne pouvons sanctionner un pareil état de choses.

Il faudra donc maintenir, pendant trois ans, au chapitre des lettres et sciences, un subside pour l'enseignement supérieur, afin que sur ce crédit de 4,800 fr., on puisse pendant trois ans accorder chaque année 6 bourses de 400 fr. à des élèves qui commencent leurs études dans chacune des deux universités de l'Etat.

Messieurs, lorsque j'ai défendu le nouveau régime que la loi sur les grades académiques a inauguré, je l'ai fait par un esprit de justice et de respect pour la véritable liberté. Mais aujourd'hui il me semble que tous aussi nous devons vouloir que la transition du régime actuel à ce régime nouveau ne devienne pas pour les universités de l'Etat une cause d'infériorité et de défaveur. C'est le but des observations que je viens de faire et qui tendent à maintenir pendant trois ans le crédit de 4,800 fr. qui figure aujourd'hui au budget.

- La discussion est close.

Article 80

« Art. 80. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 81

« Art. 81. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 580,790.

« Charge extraordinaire : fr. 5,550. »

M. Rogier. - M. le ministre de l'intérieur vient de proposer une augmentation de 1,500 francs pour l'université de Gand. Cette augmentation est destinée à faire cesser, dit-il, ce qu'il y a d'irrégulier dans la position de certains professeurs attachés à l'école du génie civil. M. le ministre de l'intérieur n'ignore pas qu'il existe aussi à l'université de Gand d'autres positions qu'il serait nécessaire de régulariser. A diverses époques, messieurs, depuis 1850 la Chambre a été saisie de propositions relatives à l'augmentation du crédit destiné aux universités et notamment à l'université de Gand.

L'honorable M. Manilius, entre autres, avec l'énergie qu'il apportait dans la défense de tous les intérêts qui lui étaient confiés, l'honorable M. Manilius avait fait des propositions pour régulariser la position de plusieurs agrégés qui se trouvaient en fonctions depuis un certain nombre d'années, qui remplissaient les fonctions de professeurs et qui, jusque-là, ne jouissaient que de traitements tout à fait insuffisants ; l'honorable M. Manilius, je dois le dire, était soutenu par ses honorables collègues d'alors dont quelques-uns font encore partie de la Chambre.

En 1850 il a été nommé à Gand divers agrégés, deux notamment à la faculté de philosophie et lettres.

C'étaient des hommes jeunes qui se recommandaient par des titres scientifiques spéciaux ; l'un était docteur en droit, docteur en lettres et docteur en sciences administratives et politiques ; l'autre avait fait avec la plus grande distinction des études universitaires en Allemagne où il avait obtenu plusieurs médailles. Lorsque ces deux jeunes gens furent appelés à l'université de Gand, ils n'y entrèrent qu'à titre d’agrégés et furent chargés de cours importants, avec promesse formelle d'être nommés professeurs extraordinaires à la suite d'un stage de quelque durée.

Ce stage, messieurs, a une durée de près de sept ans, et ils sont restés dans la même position. La loi sur l'enseignement supérieur n'est pas exécutée à Gand. Dans la faculté de philosophie, aux termes de l'article 10, il faut 9 professeurs ; en fait il n'y en a que 7. L'article 10 est impératif. Le gouvernement a, de plus, fa faculté d'augmenter d'un ou de deux professeurs, suivant les besoins de l'enseignement, le minimum fixé par l'article 10.

Les deux agrégés dont il s'agit remplissent en réalité les fonctions de professeurs, ils ne suppléent pas des professeurs en fonction, ils ne donnent pas des cours entièrement nouveaux ni en concurrence avec d'autres ; ils remplissent effectivement les fonctions de professeurs.

En 1855, l'honorable M. Dedecker disait :

« Parmi ces agrégés il en est qui ont des titres actuels à une promotion, il en est d'autres qui peuvent encore, pendant quelque temps, se contenter d'une augmentation d'indemnité. »

L'honorable M. Dedecker disait cela dans la séance du 26 janvier 1855.

Voilà deux ans que ces paroles ont été prononcées, et ce quelque temps me semble avoir suffisamment duré.

L'honorable M. Dedecker ajoutait : « Ce qui importe c'est beaucoup moins de faire des économies que de donner un bon enseignement. » Or, je demande si, en laissant dans cette position provisoire, précaire, deux hommes distingués qui sans doute remplissent leurs fonctions à la satisfaction du gouvernement, puisque d'année en année ils y ont été maintenus, je demande si en faisant cela on ne sacrifie pas à des raisons d'économie l'intérêt même de la science, l'intérêt de l'enseignement.

L'honorable M. Dedecker propose une augmentation de 1,500 francs peur certains membres de l'université de Gand. Je demande s'il voit de l’inconvénient à joindre à cette première augmentation une augmentation nouvelle qui serait destinée à régulariser d'autres positions que celles auxquelles il a fait allusion, positions qu'il avait lui-même l'intention de faire cesser dans un bref délai.

Il n'y aurait pas même d'augmentation pour le budget, si les fonds qui étaient destinés à des bourses pour les universités libres se trouvaient transférés du chapitre des lettres au chapitre des universités. Mais d'après la proposition que vient de nous faire l'honorable M. Dedecker, cette allocation destinée aux bourses des universités libres serait transitoirement transformée en allocation pour bourses attribuées aux universités de l'Etat. Ce régime transitoire durerait pendant trois ans. Mais enfin cette allocation disparaîtra du budget dans trois ans.

C'est justement le montant de cette allocation que je voudrais porter au budget des universités. A l'article 81, « traitement des fonctionnaires et employés des deux universités » au lieu de 1,500 fr. que propose l'honorable M. Dedecker, pour régulariser certaines fonctions, je propose d'admettre l'augmentation de 4,500 fr. à l'aide de laquelle il pourrait régulariser deux autres positions.

J'attendrai les observations que pourra me faire M. le ministre de l'intérieur ; j'espère qu'il ne s'opposera pas à ma proposition ; je compte aussi sur l'appui de ceux qui, à toutes les époques, n'ont cessé de demander au gouvernement de donner cette satisfaction à des hommes distingués de l'enseignement supérieur, appartenant à l'université de Gand.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Rogier vient demander une augmentation pour le personnel des universités de l'Etat, afin de faire disparaître une espèce d'illégalité qui existe et contre laquelle je n'ai cessé de réclamer depuis mon entrée dans cette enceinte.

Il y a quelques années, la position, sous ce rapport, du personnel des universités était réellement intolérable et contraire à la loi. Les titulaires de plusieurs cours étaient de simples agrégés ; ils rendaient d'utiles services à l'enseignement, et il y en avait, même parmi les plus distingués, qui ne recevaient qu' une indemnité de 1,000 francs.

Cet état de choses, qui a duré pendant longtemps, a fait l'objet de nos réclamations sous le ministère de l'honorable M. Piercot, comme sous celui de l'honorable M. Dedecker ; et ce dernier, je dois le reconnaître, a fait disparaître en grande partie la situation pénible dans laquelle se trouvaient quelques-uns de ces agrégés, en les nommant professeurs.

Comme l'honorable M. Rogier vient de le faire remarquer, il importe de faire disparaître complètement cet état de choses, car il avait été convenu, dans les sessions précédentes, qu'on y mettrait un terme.

En effet, c'était une injustice réelle que d'appeler des jeunes gens à donner des cours avec l'espoir d'être nommés professeurs dans un avenir plus ou moins prochain, et de les laisser dans une condition d'infériorité, quant au traitement et à toutes les autres prérogatives attachées au professeur. Il me semble que lorsque le gouvernement appelle un homme dans cette carrière, et qu'après quelques années d'agrégat, il donne des preuves évidentes de capacité, il importe qu'on lui donne une position stable, surtout quand on se renferme dans les limites de la loi.

Or, comme l'a dit l'honorable M. Rogier, le nombre des professeurs qu'on doit nommer dans les universités de l'Etat n'est pas atteint, et parmi les titulaires des cours obligatoires, il en est qui ne sont qu'agrégés. J'insiste pour que cette anomalie disparaisse, et j'espère que M. le ministre de l'intérieur s'empressera de faire droit à nos réclamations.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, à en croire l'honorable M. Rogier, il semblerait que la position faite à certains professeurs de l'université de Gand soit une position tout à fait exceptionnelle. Il n'en est rien. Ces honorables professeurs ne sont pas dans une autre position que la plupart des autres fonctionnaires, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas espérer d'arriver, du jour au lendemain, à la meilleure position dans la partie de l'administration à laquelle ils sont attachés. Certainement, si l'on pouvait, sans trop grever le budget, améliorer la position de tous ces fonctionnaires et surtout de ceux qui ont embrassé la carrière de l'enseignement où ils rendent d'utiles services au pays, on ne demanderait pas mieux.

Mais il me semble rationnel de mettre un peu de prudence et de circonspection dans l'amélioration des diverses positions. Il faut que, dans chaque carrière, on sache un peu attendre. Du reste, dans la carrière de l'enseignement supérieur, on a attendu moins que dans d'autres carrières.

On a fait beaucoup pour les professeurs de l'enseignement supérieur.

En 1854, on a augmenté le crédit du personnel des universités de (page 973) l’Etat d'une somme de 20,000 francs. Celte augmentation avait été motivée sur la considération que voici.

Jusqu'à l'année 1854 on avait imputé sur le crédit affecté au service ordinaire, les traitements complémentaires dont il est question dans le deuxième paragraphe de l’article 9 de la loi sur l'enseignement supérieur. Ces traitements complémentaires, réservés par la loi aux professeurs ordinaires exclusivement, peuvent aller jusqu'à 10,000 francs par université. On a trouvé quelque chose d'irrégulier dans l'imputation faite de ces traitements complémentaires sur le crédit du service ordinaire. Mon honorable prédécesseur a dès lors proposé et obtenu dans le budget de 1854 un crédit spécial de 20,000 francs (10,000 francs par université) pour l'exécution du deuxième paragraphe de l'article 4 de la loi.

Ce vote législatif a rendu disponible sur le crédit du service ordinaire une somme assez considérable qui a été employée à améliorer la position, soit de professeurs extraordinaires, soit d'agrégés dans les deux universités.

En 1855, à la suite de la discussion qu'a rappelée l'honorable M. Rogier et à laquelle j'ai pris part, on a accordé une augmentation de 28,000 fr. pour le personnel des deux établissements.

Voilà ce qui a été fait depuis trois ans. Cela n'est-il pas fort satisfaisant pour le corps professoral des universités de l'Etat ? Je crois que très peu de carrières ont été traitées d'une manière aussi favorable.

Depuis trois ans, cinq professeurs extraordinaires ont été nommés professeurs ordinaires à l'université de Gand, et six professeurs extraordinaires ont été promus à l'ordinariat à l'université de Liége.

Depuis trois ans, le gouvernement a nommé professeurs extraordinaires six agrégés de l'université de Gand et sept agrégés de l'université de Liège. C'est là un avancement beaucoup plus rapide que dans aucune autre carrière.

Je le sais, la position d'agrégé a ses inconvénients, surtout pour ceux d'entre eux qui sont chargés de cours obligatoires et qui devraient pouvoir jouir plus tôt des avantages qui sont accordés aux professeurs, mais ces agrégés, en acceptant cette position, ont su à quoi ils s'engageaient ; c'est une carrière qu'ils ont librement choisie. Ils doivent avoir un peu de patience.

D'ailleurs, leur position, en général, a été améliorée aussi, il y a deux ans, par l'augmentation de leur indemnité.

Du reste, il est à espérer que cette situation viendra bientôt à cesser pour la plupart d'entre eux. Il n'y a plus à Gand que trois agrégés et il y en a encore huit à Liège.

Je le répète, on a beaucoup fait depuis trois ans pour le corps professoral de nos universités. Je ne sache pas que jamais, à aucune époque, les professeurs des universités de l'Etat aient eu autant de motifs de satisfaction, autant d'occasions d'avancement que depuis trois ans.

Faut-il aller au-delà ? Je ne le pense pas. N'oublions pas que la mort ne se charge que trop bien de créer des chances de promotions. Nous n'avons malheureusement qu'une trop déplorable mortalité à constater dans le corps professoral. Nous sommes trop frappés des vides qui se font parmi ses membres, et ce n'est pas sortir de mon sujet que de dire que le corps professoral de l'université de Liège a fait récemment des pertes qu'il sera difficile...

M. Delfosse. - Dites impossible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Oui, impossible de réparer ! Je suis heureux de saisir cette occasion pour rendre du haut de la tribune nationale un hommage posthume au savant illustre et distingué par les plus nobles qualités de l'esprit et du cœur qui vient, ces jours derniers, d'être enlevé si inopinément à l'admiration et à l'affection de tous. (C'est vrai ! c'est vrai !)

Je pense donc qu'il n'y a, pour le moment, rien à faire d'extraordinaire pour les professeurs de nos deux universités ; car je suppose que l'honorable M. Rogier n'a pas voulu faire une proposition exceptionnelle pour quelques agrégés de Gand.

Je ne concevrais pas, en tout cas, qu'on ne voulût pas faire pour l'université de Liège ce qu'on propose de faire pour l'université de Gand.

Je ne puis donc me rallier, du moins pour le moment, à la proposition faite par l'honorable M. Rogier. Si, plus tard, l'année prochaine même, par suite d'une instruction régulière indispensable dans ces sortes d'affaires, il est prouvé au gouvernement qu'il y a nécessité, au point de vue de l'enseignement, de prendre des mesures, le gouvernement ne s'y refusera pas.

Il sera heureux de pouvoir donner cette nouvelle preuve de sympathie au corps professoral.

Mais, dans l'état actuel des choses, il m'est impossible d'admettre la proposition de M. Rogier.

M. Dumortier. - Après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur, je puis me borner à dire quelques mots. L'honorable auteur de la proposition me semble avoir perdu de vue que le budget est une loi d'application. (Interruption.) Vous prétendez que le budget n'est pas une loi d'application ?

- Un membre. - Nous demandons l'application de la loi.

M. Dumortier. - La loi organique porte : Il y a dans chaque université neuf professeurs en sciences, huit en philosophie, huit en médecine et sept en droit.

D'après l'article précédent, les professeurs portent le titre de professeurs ordinaires ou extraordinaires. Les professeurs ordinaires jouissent d'un traitement fixe de 6,000 fr., et les professeurs extraordinaires d'un traitement de 4,000 fr.

Le gouvernement pourra augmenter le traitement des professeurs ordinaires de 1,000 à 5,000 francs lorsque la nécessité en sera reconnue et sans que l'augmentation totale de dépenses résultant de ce chef puisse, en aucun cas, excéder la somme de 10,000 francs pour chaque université.

Avec les budgets que vous avez votés, vous avez fait face aux besoins de la loi organique. Le budget actuel n'est qu'une loi d'application. La loi organique est là ; vous ne pouvez rien y changer au moyen de votre budget.

Il y a une autre considération, comme vient de le dire M., le ministre ; depuis six ans, nous avons fait tout ce qui est possible pour les professeurs des universités ; ce n'est pas moi qui me poserai en adversaire des hommes de la science, mais je ne veux pas davantage me poser en adversaire du peuple, or c'est le peuple qui paye les impôts ; il faut tâcher de concilier les intérêts du peuple qui paye avec ceux de la science.

Quand on suit une carrière où l'avancement est aussi rapide que vient de vous le faire remarquer M. le ministre de l'intérieur d'après des documents officiels, on serait mal venu à se plaindre.

Comment ! chaque année vous avez dans chaque université cinq personnes qui obtiennent de l'avancement, c'est-à-dire un sixième du personnel.

Remarquez que l'avancement n'est pas peu de chose, il est de deux mille francs ; d'après la moyenne des dernières années, cinq personnes obtiennent de l'avancement. Que les professeurs aient un peu de patience, pour avoir de l'avancement, qu'ils attendent leur tour.

Lorsque le moment d'être mis à la pension arrive pour les professeurs, il n'est pas de fonctionnaires de l'Etat qui soient aussi bien traités, ils obtiennent l'éméritat qui leur donne droit au maximum de leur traitement.

Ce traitement pour le professeur émérite peut aller jusqu'à 8 mille francs ; c'est une position exceptionnelle ; il est pénible d'entendre, dans le sein de la représentation nationale, accuser la Chambre de manquer de sympathie pour le corps professoral, quand elle lui fait une position exceptionnelle.

Si vous voulez que les professeurs inculquent à leurs élèves l'amour de nos institutions, ne représentez pas le point culminant de nos institutions, la Chambre des représentants, comme leur étant hostile.

Nous avons fait pour le corps professoral plus que pour aucune autre catégorie de fonctionnaires de l'Etat ; leur traitement est élevé, leur avancement plus rapide que dans une autre carrière, et quand ils cessent leurs fonctions nous leur donnons l'éméritat qui ne se trouve nulle part. Nous pouvons nous en tenir aux observations présentées par M. le ministre de l'intérieur et voter les chiffres que le gouvernement a proposés.

M. Rogier. - L'honorable préopinant vient de nous dire que le budget est une loi d'application et que ma proposition est dès lors déplacée.

S'il m'avait fait l'honneur de m'écouter, il aurait vu que c'est précisément parce que le budget est une loi d'application que ma proposition est à sa place. Je me suis plaint de la non-exécution de la loi sur l'enseignement supérieur.

En effet, cette loi fixe à huit le nombre des professeurs de la faculté de philosophie et lettres ; or cette faculté à l'université de Gand n'en compte que six effectifs. Si l'on veut l'application de la loi, il faut donc nommer à Gand deux professeurs de plus ; deux cours principaux sont confiés depuis bientôt sept ans à deux simples agrégés.

La loi exige qu'il y ait huit professeurs au moins ; le gouvernement peut même aller jusqu'à dix quand le besoin s'en fait sentir ; je propose de porter le nombre des professeurs au minimum fixé par la loi ; et l'on ne peut dire que ce soit aller trop loin. Je regrette que M. le ministre de l'intérieur croie devoir faire ici de la résistance ; je croyais que, dans les termes modérés où je m'étais renfermé, j'aurais rencontré l'appui de M. le ministre de l'intérieur.

On nous dit que des sommes assez élevées ont été votées les années précédentes, et qu'elles ont été réparties entre les professeurs. Mais qu'est-ce que cela fait à la position des deux agrégés qui ont droit au titre de professeurs et au traitement de professeurs extraordinaires, et qui occupent des positions précaires depuis sept ans ? Quand ils ont été nommés, c'était à la condition d'obtenir, après une épreuve de quelque durée, les avantages des fonctions qui leur étaient attribuées.

Celte position ne leur a pas été faite. Cependant ils ont été reconnus capables, puisqu'ils sont depuis bientôt sept ans en exercice.

L'augmentation que je demande n'est pas considérable ; elle ne constituera pas à toujours une augmentation au budget, puisque au chapitre des sciences et des lettres, il y aura une réduction de 4,500 francs à faire, du chef des bourses accordées aux élèves de l'enseignement libre. Cette allocation disparaîtra dans l'avenir. Donc on ne peut alléguer contre ma proposition la raison d'un accroissement de dépenses. Je propose, par un transfert, le maintien au budget de 4,500 francs destines à disparaître du budget. Or, cette somme était acquise à la science, et je veux lui maintenir cette destination.

M. le ministre de l'intérieur propose une augmentation pour l'école du génie civil de l'université de Gand. Pourquoi n'étend-il pas cette (page 974) demande aux autres facultés de l'université ? Pourquoi ? Qu'il en donne le motif. Est-ce parce que les agrégés dont il s'agit appartiennent à la faculté de philosophie et lettres, laquelle n'est pas en odeur de sainteté ? (Interruption.) Si ce n'est pas pour cela, qu'on dise pour quel autre motif.

On vient demander une augmentation pour un membre d'une université, appartenant à une école spéciale. Pourquoi ne fait-on pas la même demande pour deux agrégés qui, depuis sept ans, remplissent les fonctions de professeur à la faculté de philosophie et lettres ? Ce n'est pas là de l'impartialité, ce n'est pas là de la fermeté, ce n'est pas là de l'indépendance.

L'un de ces agrégés a été désigné, il est vrai, dans un mandement épiscopal. (Interruption.)

Oui, et je ne vous apprends rien de nouveau. L'un de ces agrégés a été désigné, dans un mandement épiscopal, à l'animadversion publique pour avoir développé une thèse de philosophie sur le jeûne. (Interruption.) Ce n'est pas un motif pour le maintenir au régime du pain sec pendant plus de sept ans. (Nouvelle interruption.)

Je dirai, pour mettre toutes les consciences à l'aise, que cet agrégé, homme très laborieux et très instruit, on l'a fait passer à un autre cours, celui de la littérature latine, qu'il donne avec beaucoup de distinction.

Ainsi, messieurs, vous pouvez en toute sûreté de conscience lui assurer une meilleure position. Il ne parlera plus de jeûne à l'avenir. (Interruption.)

Quant à l'autre agrégé, son enseignement était, semble-t-il, suffisamment orthodoxe. Il n'a pas été mis à l'index.

Je soumets ma proposition à la bienveillance, à la justice de la Chambre. Si elle n'est pas admise, nous attendrons. Comme ce n'est pas une simple question de personne que je plaide, je regrette une chose, c'est d'être en quelque sorte un défenseur isolé... (Dénégation de la part de plusieurs membres), d'être un défenseur à peu près isolé des intérêts de l'université de Gand.

A une autre époque, les représentants de cette localité si importante aidaient leur collègue dans la défense de leurs intérêts. Je ne fais pas un crime à ces honorables collègues de leur silence, Ils doivent avoir de bonnes raisons pour se taire. Mais je regrette d'être à peu près le seul défenseur d'un intérêt aussi vital pour Gand.

L'honorable M. Dedecker vient de déplorer avec raison les pertes successives que nos universités ont éprouvées. Eh bien, il faut tâcher de réparer autant que possible les pertes morales que fait notre enseignement supérieur. Il faut s'efforcer d'y rattacher de jeunes professeurs de capacité et d'avenir. Il ne faut pas les décourager par un déni de justice trop longtemps prolongé.

Il y a deux ans, M. le ministre de l'intérieur a dit lui-même que la position de ces agrégés devait être améliorée dans quelque temps. Je dis que le moment est venu d'améliorer leur position, de les maintenir dans une université où ils remplissent leurs fonctions d'une manière tout à fait satisfaisante.

Voudrait-on que ces jeunes gens, par suite d'un découragement bien naturel, abandonnassent l'université ? Croit-on qu'il soit très facile de trouver des hommes capables ? Je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur rencontre facilement des successeurs aussi capables que les professeurs que nous avons eu le malheur de perdre.

Eh bien, prenons garde aussi de ne pas décourager et éloigner ceux qui peuvent aussi jeter de l'éclat sur nos universités, qui peuvent y appeler et y maintenir les élèves.

Messieurs, si M. le ministre de l'intérieur voulait écouter les sentiments naturels qui s'annoncent comme généreux, et il a déclaré vouloir être généreux surtout en matière d'enseignement, je crois qu'il devrait adopter ma proposition.

Je ne la fais pas dans des termes exagérés. Je tâche de concilier les esprits le plus possible ; et j'engage M. le ministre de l'intérieur à revenir sur sa décision et à s'associer à ma proposition.

Si, dans tous les cas, il ne s'associe pas à l'augmentation que je propose et qui, en définitive, n'en est pas une pour le budget, je l'engage à voir s'il ne pourrait, sur les ressources disponibles du budget des universités, introduire cette amélioration que lui-même a promise et qui est attendue depuis sept ans.

M. T'Kint de Naeyer. - L'honorable M. Rogier a fait appel aux membres de la députation gantoise qui, à une autre époque, ont soutenu les intérêts de l'enseignement supérieur, en réclamant la régularisation de la position des agrégés. Je croyais alors et je persiste à croire que le gouvernement a fait chose sérieuse en nommant des agrégés et qu'il avait implicitement contracté l'obligation de leur accorder l'avancement qu'ils méritent.

Si l'honorable préopinant croit devoir prendre aujourd'hui l'initiative d'une proposition favorable à l'université de Gand, il voudra bien reconnaître que nos efforts n'ont pas été inutiles pour obtenir du cabinet actuel la nomination comme professeurs extraordinaires d'un certain nombre d'agrégés qui attendaient leur promotion depuis longtemps.

La loi de l'enseignement supérieur doit être exécutée ; je ne puis donc, en ce qui me concerne, que me rallier à une proposition qui contribuera à amener ce résultat.

M. de Smedt. - Messieurs, nous venons de recevoir une leçon de l'honorable M. Rogier. Cela ne m'étonne pas. Mais je déclare que je ne suis nullement décidé à être attelé à son char.

Peut-on se plaindre réellement de la manière d'agir du gouvernement envers l'une ou l'autre université de l'Etat ? Je ne le pense pas. On vient d'ailleurs de vous dire que l'université dont on s'occupe a été mieux partagée que l'autre université de l'Etat.

Messieurs, je voterai pour les propositions du gouvernement. C'est le gouvernement qui doit savoir quels sont les besoins des universités qui sont sous sa direction. Si j'ai d'ailleurs une opinion à émettre, je dirai que ce n'est pas en augmentant de quelques centaines de francs le traitement d'un professeur, mais que c'est en maintenant une sévère discipline parmi les élèves des universités de l'Etat, que l'on assurera la prospérité de ces établissements. Oui, messieurs, c'est là le bon moyen de faire prospérer les universités de l'Etat, car quand il y aura une bonne discipline dans les établissements, et qu'ils seront accessibles à toutes les familles, que la prospérité aura lieu efficacement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je ne crois pas devoir défendre davantage la position que le gouvernement a prise dans cette discussion. Je veux seulement répondre à quelques objections qui ont été faites par l'honorable M. Rogier.

L'honorable M. Rogier me demande : Puisque vous proposez quelques augmentations pour régulariser la position de quelques répétiteurs de l'école du génie civil, pourquoi n'étendez-vous pas la mesure aux autres facultés ? Je vous l'ai dit dans les observations que je viens de présenter ; c'est que pour l'augmentation proposée pour Liège aussi bien que pour l'augmentation proposée pour Gand, j'ai pour guide l'avis de l'autorité qui représente le gouvernement auprès de ces universités.

M. Rogier. - Vous connaissez la situation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je connais parfaitement la situation. Je sais qu'il y aurait des améliorations de position à réaliser sans doute.

M. Rogier. -Vous avez dit vous-même, il y a deux ans, que cette position ne durerait que quelque temps.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Oui ; mais je vous dirai à mon tour : Puisque vous êtes en train d'être généreux, il ne faut pas l'être à demi. Or, vous ne l'êtes pas même à demi.

Il y a à l'université de Liège des professeurs extraordinaires et des agrégés en plus grand nombre qui méritent, autant que ceux de Gand, l'avancement que l'honorable M. Rogier se borne cependant à réclamer pour Gand seul.

Ainsi, s'il y a quelque chose à faire, il faut le faire non seulement pour Gand, mais aussi pour Liège, et je vous déclare que ce n'est que dans ce sens que je prends l'engagement de faire étudier sérieusement pour le budget prochain ce qu'il y a faire pour améliorer la position de quelques professeurs ou agrégés.

Il y a à Liège de jeunes professeurs qui constituent précisément pour le corps professoral cette phalange de l'avenir que l'honorable M. Rogier voudrait voir créer à nos universités, et ils rendent d'immenses services à l'université de Liège. On peut dire qu'ils sont pour beaucoup dans l'état de prospérité dont jouit cette institution nationale.

Eh bien, si l'on veut être juste, si l'on veut réellement ne se préoccuper que des intérêts de l'enseignement, il faut étendre le bienfait des encouragements officiels à l'université de Liège comme à l'université de Gand ; et, je le répète, c'est dans ce sens que je prends volontiers l'engagement d'examiner la question soulevée par M. Rogier.

Maintenant pour les employés appartenant à la partie administrative des universités, le gouvernement vous a proposé, pour cette année, une augmentation, 5,550 fr. à répartir entre les deux universités. Celte répartition a dû se faire proportionnément à l'importance du traitement dont jouissent ces employés inférieurs. On n'a donc pas pu songer à réformer, dans ce travail, ce qui peut se présenter comme anomal on injuste par suite de la comparaison soit d'un traitement avec l'autre, soit des traitements analogues d'une université à l'autre. Cela devrait faire l'objet d'un grand travail de révision. S'il y a de erreurs à réparer, on verra.

M. Delfosse. - Vous avez dû recevoir une réclamation de quelques employés de l'universilé de Liège.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - J'ai reçu, en effet, une réclamation de trois employés de l'université de Liège et il me paraît qu'il y a quelque chose de fondé dans cette réclamation. Cependant je dois faire remarquer que, si d'une part les fonctions des réclamants sont mieux rétribuées à Gand qu'à Liège, l'université de Liège sous d'autres rapports, jouit d'avantages que ne partage pas, au même titre, l'université de Gand. C'est à examiner.

En finissant, je prie l'honorable M. Rogier, comme toute la Chambre, de croire que, quant à moi, je vois ici l'intérêt de l'enseignement supérieur de l'Etat, intérêt que je ne sacrifierai à personne, mais que je ne veux pas non plus défendre dans le sens des préoccupations personnelles de l'un ou de l'autre membre de cette Chambre.

M. Rogier. - La proposition que j'ai l'honneur de faire tend à augmenter l'article 81 de 4,500 fr.

M. Orts. - Je prends la parole, non pas pour rouvrir le débat dont vous venez d'entendre la conclusion, par la présentation de (page 975) l'amendement de l'honorable M. Rogier, amendement que j'adopterai, parce qu'il est indispensable que la position des agrégés soit améliorée dans les universités de l'Etat.

Je n'ai aucune espèce de prédilection pour l'une ou l'autre de ces universités. Je crois que la mesure doit être générale. Mais il faut commencer par quelque chose et je commencerai par l'université de Gand.

Mais, puisque M. le ministre de l'intérieur semble se plaindre de l'insuffisance de son budget pour faire face à la réclamation qui vient de se produire, j'appellerai son attention sur une économie qui mettrait à sa disposition une certaine somme et qui pourrait se réaliser sur le chapitre de l'enseignement supérieur.

Nous avons, messieurs, auprès de chacune de nos universités, en dehors du personnel enseignant, un fonctionnaire spécial, qui est l'administrateur inspecteur. Nous avons donc deux inspecteurs pour les deux établissements à inspecter. En 1849, lors de la révision de la loi sur l'enseignement supérieur, la section centrale, à l'unanimité de ses membres, avait proposé de réduire à un le nombre des inspecteurs de l'enseignement supérieur. En présence des proportions données à l'inspection de l'enseignement moyen et à celle de l'enseignement primaire, cette proposition était juste et légitime et elle aurait produit une économie de 8,000 francs, car ces fonctionnaires touchent un traitement de 6,000 fr., plus 2,000 fr. pour inspecter les écoles spéciales.

D'un autre côté, messieurs, cette mesure mettrait à la disposition du gouvernement les locaux destinés au logement de l'un des administrateurs-inspecteurs, et à Liège ces locaux seraient d'une grande utilité, puisque M. le ministre se plaint de l'insuffisance des locaux de l'université de Liège. Il y a là des améliorations nécessaires, commandées par les circonstances, mais qui seraient plus faciles à réaliser si l'on pouvait disposer des bâtiments de l'université qui sont affectés au logement de l'administrateur-inspecteur.

En 1849, messieurs, la question que je viens de reproduire ne fut pas résolue.

La Chambre s'arrêta devant une première considération présentée par M. Rogier et qui était celle-ci : il y avait deux titulaires et la suppression de l'une des places aurait, par conséquent, nécessité un traitement d'attente ; l'économie n'aurait donc pas été si considérable. Aujourd'hui, messieurs, si je suis bien informé, cet obstacle viendrait à disparaître, l'un des administrateurs inspecteurs étant à la veille d'obtenir sa retraite.

On ajoutait, en 1849, que la question n'avait pas été étudiée par le gouvernement. La proposition émanait, en effet, de l'initiative de la section centrale, ou plutôt d'une section aux vues de laquelle la section centrale s'était ralliée.

L'honorable M. Rogier termina en demandant du temps pour examiner la question, et c'est dans l'attente de cet examen ultérieur que la Chambre s'abstint de prendre une décision. Aujourd'hui, messieurs, on a eu le temps d'examiner la question, aujourd'hui l'inspection de l'enseignement moyen est organisée et l'on peut d'autant mieux apprécier ce qui est relatif à inspection de l'enseignement supérieur ; aujourd'hui, enfin, il n'est plus question de toucher à une position personnelle quelconque : la place est devenue libre, le terrain est déblayé.

Je demande, en conséquence, à M. le ministre de l'intérieur s'il ne pourrait pas prendre ces 8,000 fr. pour améliorer la position de certains membres du corps professoral si dignes de toutes les sympathies de la Chambre et du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, j'ignore si la question que vient de soulever l'honorable M. Orts a fait réellement l'objet d'un examen au département de l'intérieur. Jusqu'à présent mon attention n'a pas été éveillée sur ce point.

Il est vrai, messieurs, que l'un des fonctionnaires dont il s'agit est affligé d'une affection grave qui, peut-être d'ici à quelque temps, nécessitera une détermination de la part du gouvernement. Cependant jusqu'à présent, cet honorable fonctionnaire n'a pas donné sa démission ni demandé sa retraite.

La mesure indiquée par l'honorable M. Orts serait-elle bien dans l'intérêt de l'enseignement supérieur ? Certainement, il en résulterait une économie ; mais l'honorable membre doit désirer, comme moi, qu'on ne se préoccupe de cette question d'économie qu'après avoir surtout garanti les intérêts de l'enseignement supérieur.

Or, messieurs, la présence de l'administrateur-inspecteur semble devoir être essentiellement permanente au milieu du corps professoral. Il faut que, par des relations de tous les jours, il puisse connaître et apprécier les professeurs ; il faut qu'il puisse, autant dans l'intérêt des études que dans celui de l'administration dont il relève, exercer sur eux une influence légitime.

Et puis, je ne vois pas comment il serait possible de faire faire la besogne qui incombe aux administrateurs-inspecteurs, par un seul fonctionnaire voyageant sans cesse d'une université à l'autre.

Il y a, d'ailleurs, je ne dois pas le rappeler à l'honorable M. Orts, l'article 25 de la loi sur l'enseignement supérieur qui dit positivement qu'un administrateur-inspecteur est attaché à chaque université, et ce serait encore là un motif pour ne pas introduire ici brusquement une si grave modification.

Toutefois, messieurs, je verrai s'il reste au ministère de l'intérieur des traces d'un examen auquel on se serait livré et je ne refuse pas d'examiner à mon tour si l'idée que l'honorable M. Orts a reproduite peut se réaliser sans que l'on sacrifie en quoi que ce soit les intérêts de l'enseignement supérieur.

M. Lelièvre. - Je dois motiver le vote que j'émettrai sur l'amendement de l'honorable M. Rogier.

Je déclare d'abord que, dans mon opinion, toute question personnelle est entièrement étrangère à ce débat. Il ne s'agit purement et simplement que d'exécuter la loi, non seulement vis-à-vis de l'université de Gand, mais également en ce qui concerne l'université de Liège. Il s'agit d'attribuer aux professeurs de l'enseignement supérieur les avantages que leur confère une loi formelle.

Or, n'est-il pas vrai qu'une disposition claire et précise exige qu'il y ait un nombre déterminé de professeurs dans certaines facultés ? Je demande à quel titre cette prescription n'est pas exécutée ? Qu'on veuille me dire quels motifs sérieux justifient l'inexécution d'une disposition législative dont l'importance ne saurait être méconnue.

Ne perdons pas de vue, en effet, qu'on ne saurait assez favoriser l'instruction publique et que la justice ne peut permettre de frustrer les professeurs de cet enseignement des avantages qui leur sont assurés par la loi.

Du reste, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas d'admettre pour l'université de Gand un régime qui ne serait pas appliqué à celle de Liège.

Ces deux universités doivent évidemment être placées sur la même ligne.

En conséquence, si je vote l'amendement de M. Rogier, c'est à la condition formelle que le chiffre proposé profitera à chacune des universités de l'Etat.

M. Rogier. - Messieurs, je propose une augmentation de 4,000 francs, qui n'en sera pas une, en réalité, puisque la même somme doit devenir disponible au budget.

M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il y a aussi des besoins à satisfaire en ce qui concerne l'université de Liège ; je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre de l'intérieur donne satisfaction à ces besoins, mais je demande qu'il fasse cesser une injustice et une illégalité en ce qui concerne l'université de Gand.

L'honorable M. Dedecker lui-même vient de faire une proposition qui a pour but de faire cesser une irrégularité, pourquoi ne fait-il pas cesser du même coup une autre illégalité ?

Je n'en dirai pas davantage, la Chambre décidera.

M. de Theux. - Messieurs, je crois que les demandes d'augmentation de traitement doivent surtout émaner de l'initiative du gouvernement, et que ce n'est pas à la Chambre qu'il appartient d'improviser des propositions de cette nature. Cela peut convenir à quelques personnes, pour se procurer une espèce de popularité ; mais telle ne doit pas être la marche de nos délibérations, c'est le gouvernement qui connaît les titres de chaque individu et les besoins du service.

Quant à des agrégés qui ont donné des cours pendant un temps plus ou moins long sans avoir le traitement de professeurs cela, s'est pratiqué depuis 1835 sans discontinuité ; dès la publication de la loi de 1835, il y a des agrégés qui ont donné des cours qui auraient pu être donnés par des professeurs ordinaires ou extraordinaires et on ne s'en est pas plaint. C'est au gouvernement, lorsqu'il trouve qu'il y a lieu d'accorder soit une indemnité, soit une promotion de demander les fonds nécessaires.

Jusqu'à présent, messieurs, nous avons été très larges en ce qui concerne les fonds destinés à l'enseignement supérieur.

La loi de 1835 divisait les professeurs en professeurs ordinaires et professeurs extraordinaires. Dans la pensée des auteurs de la loi il devait y avoir autant de professeurs extraordinaires que de professeurs ordinaires ; aujourd'hui, le nombre des professeurs ordinaires est beaucoup plus considérable que celui des professeurs extraordinaires.

En diverses occasions, on a augmenté les allocations. Je crois qu'il faut une fin à cet état de choses ; ou tout au moins que le gouvernement vienne à démontrer à la Chambre que le crédit est insuffisant.

Jusque-là, pour ma part, je ne voterai pas un centime d'augmentation sur la proposition de quelque membre que ce soit de cette assemblée.

M. de Brouckere. - Messieurs, grand partisan de l'enseignement donné par l’Etat, je serai toujours disposé à faire tout ce qui sera demandé pour améliorer cet enseignement. Dans une séance précédente, la Chambre a émis un vote par suite duquel on a réduit les avantages dont avaient joui jusqu'ici les universités de l'Etat. Ce vote, je dois le dire, m'a été fort pénible. Aussi, je suis disposé, chaque fois que l'occasion s'en présentera, à accorder aux universités de l'Etat une compensation, sous quelque dénomination que ce soit.

Je suis donc, je le répète, assez porté à voter le supplément d'allocation proposé par l'honorable M. Rogier ; mais je subordonne mon vote à cette condition bien expresse, qu'il est entendu que l'allocation n'est pas plus votée en faveur d'une des deux universités qu'en faveur de l'autre, et surtout qu'elle n'est pas spécialement applicable à certains professeurs. Je vote l'allocation en ce sens, qu'elle sera employée par le gouvernement dans l'intérêt de l'enseignement supérieur.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Rogier, tendant à augmenter l'article 81 d'une somme de 4,800 francs est mis aux voix par appel nominal.

(page 976) Voici le résultat de cette opération :

85 membres répondent à l'appel nominal.

39 répondent oui.

46 répondent non.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Lexhy, Delfosse, de Moor, de Paul, de Perceval, de Steenhault, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jouret, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, Moreau, Orts, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Verhaegen et Delehaye.

On répondu non : MM. Wasseige, Wautelet, Boulez, Coomans, Crombez, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Licot de Nismes, Magherman, Malou, Matthieu, Moncheur, Osy, Rodenbach, Thibaut, Van Cromphaut, Vanden Brandon de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Van Tieghem et Vermeire.

- L'article 81 primitif (580,790 fr.), augmenté : 1° de 5,550 francs ; 2° de 9,900 francs ; 3° de 1,500 francs, mis aux voix est adopté, au chiffre total de 597,740 francs, dont 5,550 francs à la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

Articles 82 à 86

« Art. 82. Bourses. Matériel des universités : fr. 121,240 fr. (y compris les 3,000 fr. demandés en plus par le gouvernement et acceptés par la section centrale). »

- Adopté.


« Art. 83. Frais de route et de séjour des membres des jurys d'examen pour les grades académiques et pour le grade de professeur agrégé de l'enseignement moyen de l'un et de l'autre degré ; salaire des huissiers des jurys, et matériel : fr. 52,000. »

- Adopté.


« Art. 84. Dépenses du concours universitaire et frais d'impression des Annales des universités de Belgique : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 85. Frais de rédaction du deuxième rapport triennal sur l'état de l'enseignement supérieur. (Article 30 de la loi du 15 juillet 1849.) Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 86. Frais d'impression de ce même rapport (charge extraordinaire) : fr. 4,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Instruction publique. Enseignement moyen

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Osy. - Messieurs, le gouvernement nous a proposé, le 3 décembre dernier, une augmentation au crédit des athénées et à celui des écoles moyennes.

J'ai voté l'augmentation demandée par le gouvernement pour l’enseignement supérieur, parce que nous ne dérogions point par là à des lois existantes ; mais je ne puis pas voter les augmentations proposées pour le personnel des athénées et des écoles moyennes.

La loi du 1er juin 1850 fixe la moyenne du subside que le gouvernement peut accorder : 30,000 fr. par athénée et 4,000 fr. par école moyenne. Ainsi, c'est une véritable modification à une disposition de la loi du 1er juin 1850 que le gouvernement vient vous proposer. Lui-même, en quelque sorte, a reconnu la forme irrégulière dans laquelle da proportion est faite ; il a porté l'augmentation dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

Le gouvernement doit, ou faire modifier la loi du 1er juin 1850, ou faire payer ce supplément par les communes. Ne perdez pas de vue que nous nous bornons à allouer des subsides aux communes pour les athénées et pour les écoles moyennes. Rappelons-nous qu'il y a des membres dans cette Chambre qui ont voté la loi du 1er juin 1850, en grande partie parce que les limites de l'intervention pécuniaire de l'Etat y étaient fixées ; si l'on avait voulu élargir ces limites, ils auraient voté contre la loi. On ne peut donc pas incidemment, dans un budget, modifier cette disposition de la loi. Je ne me refuse pas à examiner le projet de révision de la loi du 1er juin 1850, que le gouvernement pourra nous présenter ; mais pas plus que la section centrale, je ne puis voter pour l'augmentation qui nous est demandée d'une manière irrégulière dans le budget.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, permettez-moi de rencontrer en quelques mois les observations que vient de reproduire l'honorable M. Osy.

Toute la question se réduit à savoir si, alors que la Chambre sera bientôt appelée à se prononcer sur les propositions du gouvernement en faveur des employés inférieurs de l'administration, il y aura lieu oui ou non d'étendre la mesure aux fonctionnaires appartenant à l’enseignement moyen. Je ne pense pas qu'on puisse se refuser à faire descendre le bienfait de ces propositions sur les professeurs de l'enseignement moyen. Je ne pense pas qu'on puisse songer à les exclure.

Y a-t-il un scrupule qui s'oppose à l'adoption de la proposition du gouvernement ? C'est pour cela que le gouvernement propose de placer cette allocation supplémentaire dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

De cette manière ce n'est pas une augmentation de la dotation légale des établissements d'enseignement moyen qu'on propose, mais un secours ou subside à une partie du personnel qui y est attaché.

L'honorable M. Osy se trompe sur la position de ces professeurs ; il voit en eux des fonctionnaires communaux ; il considère les athénées et les écoles moyennes comme des établissements communaux subsidiés par l'Etat.

Nous avons des établissements communaux d'enseignement moyen que subsidie le gouvernement, mais pour les athénées et les écoles moyennes, c'est l'inverse. Ce sont là des établissements de l'Etat que les communes subsidient. Il suffit de lire quelques articles de la loi sur l'enseignement moyen pour s'en assurer. L'article 9 paragraphe 2 dit positivement que les professeurs attachés à ces établissements sont des fonctionnaires de l'Etat.

Ils sont fonctionnaires communaux quand ils appartiennent aux établissements communaux ; mais ceux qui sont attachés aux écoles moyennes ou aux athénées sont fonctionnaires de l'Etat. D'ailleurs, l'article 11 dit : « La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement, qui en nomme tout le personnel. »

Ce personnel, l'Etat le paye indirectement par voie de dotation faite à l'une ou l'autre espèce d'établissement ; ses membres sont fonctionnaires de l'Etat et sous ce rapport ils relèvent du gouvernement.

C'est donc au gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour leur faire une position convenable. Un tel soin lui incombe bien plus qu'il n'incombe aux communes, comme paraît le croire l'honorable M. Osy.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, la section centrale ayant proposé le rejet de l'augmentation demandée par M. le ministre de l'intérieur, je dois donner à la Chambre quelques explications pour justifier ses conclusions.

Le crédit a été écarté par trois voix contre trois et une abstention. Le principal motif qui a dirigé les membres qui ont voté contre la proposition et le membre qui s'est abstenu, c'est que cette proposition est contraire à une disposition de la loi organique de l'enseignement moyen, attendu que les dépenses y ont été arrêtées par une dotation fixe et invariable sur laquelle on ne peut revenir sans modifier la loi elle-même.

Cependant, le gouvernement a cru pouvoir obvier à cette difficulté, en portant la somme dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

La section centrale a jugé ce procédé injuste en ce sens, que les augmentations demandées pour les autres fonctionnaires seraient accordées à titre permanent, tandis qu'on ne les aurait accordées qu'à titre temporaire aux fonctionnaires appartenant à l'enseignement moyen et que sous ce rapport ils seraient placés dans une position exceptionnelle.

Elle l'a considérée comme irrégulière, parce qu'il lui semble qu'il importe peu que l'allocation soit temporaire ou permanente, elle n'en existe pas moins, et constitue une véritable infraction à la loi précitée.

Si j'insiste sur les motifs qui ont guidé la majorité de la section centrale, c'est pour vous faire comprendre que c'est un scrupule de légalité qui seul l'a empêchée d'admettre cette augmentation, à la différence des autres demandes pour l'enseignement qui ont été adoptées à la majorité de 4 voix contre trois.

Du reste, le gouvernement lui-même, dans l'exposé des motifs de son amendement, reconnaît l'irrégularité de sa demande et croit sauver le principe en transportant le crédit d'une colonne à l'autre. Mais dans la pensée qui l'a guidé, il n'en est pas moins vrai que le crédit doit être considéré comme permanent, sous peine de commettre une injustice à l'égard de fonctionnaires qui ont autant de droit à notre sollicitude que tous les autres, que, par conséquent, sous ce rapport il y a autant de raisons d'admettre la somme demandée pour l'objet en discussion que pour les autres fonctionnaires du même ordre.

Telles sont les considérations que j'ai cru de mon devoir de soumettre à la Chambre pour faire comprendre l'espèce de contradiction qui semblait résulter des décisions de la section centrale.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai que peu d'observations à ajouter à celles qui viennent d'être développées par l'honorable rapporteur de la section centrale. M. le ministre a cru répondre aux objections faites, en disant que les professeurs et les régents des athénées et des écoles moyennes sont des fonctionnaires de l'Etat. Cette qualité, personne ne la leur conteste ; mais il importe de ne pas perdre de vue que pour le payement de leur traitement, les fonctionnaires publics dont il est ici question sont soumis à un régime tout spécial ; ils ne sont pas payés directement par le trésor public à proprement parler, mais sur le budget de l'éiablissement auquel ils appartiennent. En effet, la loi du 1er juin 1850 veut qu'il y ait un budget spécial pour chaque athénée ou école moyenne. L'article 18 de cette loi détermine clairement les recettes de ce budget qui se composent non seulement de l'allocation payée par le trésor public, mais en outre du subside payé sur la caisse (page 977) communale et des rétributions payées par les élèves, et l'article 19 déclare en termes non moins formels que les traitements du personnel enseignant et administratif doivent être imputés sur l'ensemble de toutes ces ressources ; et il est clair comme le jour que ce qui est vrai pour les traitements doit l'être également pour les augmentations de traitements ; l'accessoire doit suivre le sort du principal.

Or l'allocation payée par le trésor ne forme qu'une des ressources du budget des établissements qui nous occupent ; il y en a d'autres, notamment le subside qui doit être payé sur la caisse communale ; et les rétributions des élèves, et il est évident que pour rester fidèle aux principes de la loi de 1850 toutes ces ressources devraient contribuer à faire face aux nouveaux besoins qui se révèlent. Il est d'autant plus étonnant qu'on veuille faire peser ce surcroît de dépenses exclusivement sur le trésor public, que la loi de 1850 a eu soin de limiter positivement le contingent à fournir par l'Etat aussi bien pour les écoles moyennes que pour les athénées, en fixant un maximum qui ne peut pas être dépassé. En effet voici des dispositions on ne peut plus formelles :

Article 20 paragraphe 2 : « L'allocation portée annuellement au budget de l'Etat, en faveur des athénées, ne pourra excéder la proportion, en moyenne, de 50,000 fr. par athénée. » Le maximum des allocations pour les dix athénées du royaume est donc de 300,000, somme qui figure au budget dans la colonne des charges ordinaires et permanentes.

Pour les écoles moyennes, l'article 25 de la loi est tout aussi positif, voici comment il est conçu : « La somme allouée annuellement au budget de l'Etat, en faveur des écoles moyennes, ne peut excéder la proportion, en moyenne, de quatre mille francs par école. » Ce qui fait pour les 50 écoles moyennes établies dans le royaume une somme totale de 200,000 fr.

Or, encore une fois, cette somme figure au budget dans la colonne des charges ordinaires et permanentes, et il est évident que le gouvernement en ajoutant une somme quelconque dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires, transgresse les dispositions de la loi organique de l'enseignement moyen. Les conséquences de cette transgression seraient d'ailleurs que les augmentations de traitement dont il s'agit, et qui, dans l'esprit de la loi de 1850, doivent être supportées par le budget des athénées et des écoles moyennes, seraient payées exclusivement par le trésor public qui ne doit fournir qu'une part dans les recettes du budget des établissements qui nous occupent.

Ce serait donc une dérogation formelle à ce qui a été admis par la loi de 1850. Il a été reconnu par la section centrale que cette question était trop grave pour être traitée à l'occasion du budget.

La loi de 1850 est une loi organique qui a soulevé de très graves discussions. Un membre de la section centrale qui a concouru à l'adoption de cette loi a déclaré positivement que les dispositions limitatives que j'ai citées plus haut en ce qui concerne les sacrifices imposés au pays, avaient exercé une influence prépondérante sur le vote de la Chambre.

Je crois donc que ce n'est pas à l'occasion du budget que nous pouvons toucher aux principes qui ont été adoptés alors et déranger l'économie du régime qui a été en vigueur jusqu'ici.

S'il y a lieu d'augmenter les traitements, il faut que ce soit au moyen du budget des établissements dont il s'agit, et ce budget est un fonds commun alimenté à la fois par les allocations de l'Etat, par la caisse communale et par les rétributions des élèves.

Sous ce rapport, les dispositions de la loi sont assez sages. On a voulu intéresser les professeurs à la prospérité des établissements. Les rétributions des élèves concourent à augmenter les recettes du budget, et de cette manière il appartient aux professeurs de rendre plus considérables les ressources de l'établissement auquel ils sont attachés, par le zèle et le dévouement qu'ils apportent dans l'exercice de leurs fonctions et par la confiance qu'ils inspirent aux familles.

Voilà les règles établies par la loi de 1850. On ne peut y déroger légèrement aujourd'hui à l'occasion d'un budget.

M. Osy. - L'honorable M. de Naeyer vient, en réponse à M. le ministre de l'intérieur, de rappeler que les professeurs de l'enseignement moyen sont payés, non sur le budget de l'Etat, mais sur le budget des athénées et des collèges.

L'article 92 du budget porte : « Dotation des athénées royaux (article 20 de la loi du 1er juin 1850), 300,000 fr.» Or, l'article 20 fixe le chiffre de la dotation à 300,000 fr. Nous devons nous conformer à la loi organique, et ne pas allouer au budget une somme supérieure.

Si le gouvernement trouve que ces fonctionnaires sont mal payés, il doit s'entendre avec les conseils communaux pour leur faire payer davantage. Mais nous ne pouvons augmenter la dotation.

Vous savez que la loi de 1850 a été votée avec beaucoup de peine, et en section centrale un membre qui y a été favorable a déclaré qu'il aurait voté contre si elle avait imposé des sacrifices plus considérables au trésor public.

M. de Brouckere. - Malgré tout mon désir d'améliorer la situation des fonctionnaires de l'enseignement qui sont mal payés, il m'est impossible de voter la somme de 2,800 fr. demandée par le gouvernement. Non pas que je ne sois pas prêt à voter les sommes qui seraient demandées régulièrement ; mais je trouve que la demande est faite d'une manière irrégulière. La loi du 1er juin 1850 a déterminé la dotation accordée aux établissements d'enseignement moyen. Cette dotation n'est pas plus immuable que les lois en général ne sont immuables. Ainsi, par une loi nouvelle nous pourrions modifier le chiffre de la dotation. Mais nous ne pouvons le faire par le budget qui est une loi spéciale, une loi annuelle d'application.

Nous ne le pouvons pas davantage en portant l'augmentation dans la colonne des charges temporaires ; car si nous le pouvions, nous pourrions l'an prochain doubler la somme, la quadrupler l'année suivante et éluder ainsi complètement la loi.

Je ne vois pas pourquoi l'on ne comprendrait pas les professeurs de l'enseignement moyen dans la loi dont nous allons nous occuper sous peu de temps et qui a pour but d'améliorer la situation des fonctionnaires en général dont les traitements sont peu élevés.

Je suis prêt à voter les 2,800 fr. s'ils sont demandés d'une manière régulière. Mais il m'est impossible de les voter dans la forme dans laquelle ils sont demandés par M. le ministre de l'intérieur.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, dans la question qui nous occupe on doit se placer à un double point de vue, la question de forme et la question du fond.

Quant à celle-ci, tout le monde paraît d'accord et comprend la nécessité d'améliorer la position du petit personnel enseignant de nos athénées et de nos écoles moyennes.

Pour la question de forme, il n'en est pas ainsi ; d'honorables collègues pensent que la loi est violée, que tous nos précédents sont oubliés.

Je ne suis pas aussi effrayé ; il me semble que la marche suivie par M. le ministre de l'intérieur peut parfaitement se justifier, est parfaitement légale. Quelle est, en effet, l'objection qu'on nous fait ? On dit : la dotation de l'enseignement moyen est fixée par la loi ; c'est par une loi seule qu'on peut modifier cette dotation.

Messieurs, s'il s'agissait d'augmenter la dotation de l'enseignement moyen d'une manière permanente, je pourrais reconnaître que mes honorables adversaires sont dans le vrai. Mais aujourd'hui de quoi s'agit-il ? D'accorder à certains fonctionnaires trop peu rétribués, de l'avis de tout le monde, une indemnité qui peut-être ne sera que temporaire.

En d'autres termes, le gouvernement propose de faire cette année ce que la Chambre a bien voulu faire pendant deux exercices antérieurs. En 1856 et en 1855, il a été voté des crédits extraordinaires pour donner des indemnités aux petits employés de l'Etat. A cette époque, malgré la loi de i850, bien qu'il y eût une dotation fixe pour l'enseignement moyen, les régents et les instituteurs des écoles moyennes ont participé aux crédits alloués.

Aujourd'hui on propose d'améliorer d'une manière permanente la position de tous les employés inférieurs. Mais comme il semble, au point de vue légal, exister quelques doutes en ce qui concerne le personnel enseignant, M. le ministre de l'intérieur suit une autre marche. Il ne veut pas proposer de modifier la loi de 1850 ; il demande que vous accordiez temporairement des indemnités à des professeurs qui, je le répète, de l'avis de tout le monde, sont trop peu rétribués, et propose d'inscrire les indemnités au budget.

Messieurs, je n'ai pas examiné à fond le projet de loi concernant l'amélioration de la position des employés de l'Etat en général. Mais je suis bien convaincu que lorsque nous la discuterons, nous trouverons aussi un grand nombre d'employés dont le traitement avait été antérieurement fixé par une loi ; cependant nous voterons le crédit global demandé. Dernièrement encore, M. le ministre de la justice, lors de la discussion de son budget, a demandé un crédit pour améliorer la situation d'un certain nombre de fonctionnaires ressortissant à son département, des commis greffiers, si je ne me trompe, ou des secrétaires de parquet. Je n'ai pas vérifié si le traitement de ces fonctionnaires avait été fixé par une loi organique. Mais la Chambre ne s'est pas préoccupée de cette question et elle a amélioré leur position par le budget.

M. de Brouckere. - Il s'agissait des secrétaires des parquets et leur traitement n'était pas fixé par la loi.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, le gouvernement propose une augmentation de traitement pour les professeurs de l'enseignement moyen. Au chapitre précédent, l'honorable M. Rogier avait proposé une augmentation de traitement pour certains professeurs des universités. Ou lui a objecté qu'en pareille matière l'initiative doit venir du gouvernement ; maintenant c'est le gouvernement qui propose, et on oppose encore une fin de non-recevoir. Chaque fois qu'il s'agit de l'enseignement de l'Etat, tout le monde semble d'accord pour assurer à cet enseignement les sympathies les plus vives. Et lorsqu'on propose de faire quelque chose pour le personnel enseignant, de voter quelques crédits, on a toujours des objections à faire.

Messieurs, j'hésite donc à me rallier à la proposition de l'honorable M. de Brouckere, qui voudrait renvoyer à une autre circonstance la discussion de cette question. Je crains que plus tard on ne produise de nouvelles objections et que l'on ne perpétue un état de choses qui ne peut durer.

Messieurs, les membres qui siègent dans cette Chambre depuis 1850, doivent se rappeler dans quelle disposition d'esprit était la législature lorsqu'elle a voté la loi sur l'instruction moyenne. Le système des économies était alors pleinement en vigueur. On cherchait à réduire autant que possible toutes les dépenses de l'Etat.

Mais depuis cette époque on a pensé et le gouvernement croit aussi que ce système ne pouvait être complètement maintenu, que certains (page 978) traitements avaient été fixés beaucoup trop bas ; le gouvernement propose d’augmenter en général le traitement des fonctionnaires inférieurs de l’Etat. Je demande que l’on en agisse de même envers les professeurs de l'enseignement moyen du degré inférieur.

Il ne sera pas dit que la Chambre fera moins pour les hommes intelligents qui ont fait des études sérieuses, qui sont astreints à tenir un certain rang dans la société, qu'elle n'est disposée à faire pour les facteurs ruraux, pour les cantonniers, pour les douaniers et un grand nombre d'autres employés.

Messieurs, les régents des écoles moyennes et les instituteurs ont des traitements tellement minimes, qu'il leur est impossible d'exister. Il y a des traitements de 450, de 500 lianes. Certains régents même d'école moyenne ne touchent que 700 francs.

On dit : Que les communes accordent des suppléments de traitement. Mais permettez-moi de vous le faire remarquer, il s'agit ici de l'enseignement de l’Etat. C'est l'Etat qui a fixé le traitement des professeurs et qui a déterminé leur nombre. Les bureaux administratifs ne sont que des intermédiaires entre le gouvernement et l'école elle-même.

Peut-on exiger des communes de pareils sacrifices ? Evidemment non. L'Etat doit payer ses agents ; et quand il trouve leurs traitements insuffisants il doit les augmenter.

Il me semble que pour une question de forme, très controversée du reste, on ne doit pas priver des hommes qui sont dans une position pénible, des ressources dont ils ont absolument besoin pour remplir convenablement leurs fonctions.

M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable membre vient de rappeler la disposition d'esprit dans laquelle se trouvait la Chambre en 1850 au point de vue des économies. Effectivement, messieurs, j'avais le bonheur d'être alors dans cette Chambre, et je ne puis assez me féliciter de l'esprit qui la dirigeait en cette matière. Elle voulait éviter d'aggraver les charges des contribuables, et elle le voulait avec beaucoup de fermeté.

Je me rappelle qu’à cette époque un honorable collègue, beaucoup plus ancien dans cette Chambre que les nouveaux arrivés d'alors, disait aux membres nouveaux : Soyez sur vos gardes et tenez ferme, car bientôt vous verrez que, malgré vous, vous serez entraînés dans le système des dépenses.

C'est, messieurs, ce qui s'est réalisé. Vous voyez aujourd'hui l'honorable M. Vandenpeereboom arriver à vouloir des augmentations de dépenses.

Quant à moi, fidèle aux principes de 1850, je déclare que je désire ne pas voir les budgets s'accroître indéfiniment.

Messieurs, je me souviendrai toujours de nos budgets de 1831,1832, 1833, 1834. A cette époque le budget de ta Belgique ne s'élevait, si la mémoire ne m'est pas infidèle, au chiffre de 60 à 70 millions de francs.

Maintenant nous sommes arrivés à un budget de 130 millions de francs et nous sommes menacés de le voir augmenter de jour en jour. (Interruption.) Cela prouve la prospérité du pays, mais cela prouve aussi la prospérité du trésor public et le trésor public ne prospère qu'aux dépens des contribuables.

Maintenant, messieurs, lorsque nous fîmes cette loi de 1850, beaucoup de membres distingués de la Chambre furent effrayés de la dépense qui allait en résulter ; mais les défenseurs de la loi insistèrent surtout sur cette considération que la dépense était fixée d'une manière limitative, qu'on ne pouvait plus l'augmenter. Et en effet, messieurs, l'article 20 de la loi, qui traite des athénées, porte :

« L'allocation portée annuellement au budget de l'Etat en faveur des athénées ne pourra excéder la proportion moyenne de 50,000 francs par athénée. »

« Ne pourra excéder ». Voilà, je l'espère, une limitation bien positive. Or, vous avez dix athénées, c'est donc 300,000 francs que vous pouvez porter au budget comme vous l’avez fait, en effet, depuis 1850.

L'article 25 dit, à son tour :

« La somme allouée annuellement au budget de l'Etat eu faveur des écoles moyennes, ne peut excéder la proportion moyenne de 4,000 fr. par école. »

C'est toujours la même limitation : « ne peut excéder ».

Maintenant la Chambre peut-elle violer les lois ? Quant à moi, je ne le pense pas. Je crois que la Chambre doit donner l'exemple du respect de la loi. Si la loi n'est pas bonne, il faut la modifier. Mais on ne modifie pas une loi organique par la loi du budget.

Je me rappelle parfaitement, messieurs, que l'honorable M. Delfosse ayant proposé de réduire les traitements des membres de la cour des comptes, l'honorable M. Frère, alors ministre des finances, répondit que la proposition n'était pas admissible parce que les traitements étaient fixés par la loi et que par conséquent on ne pouvait y toucher que par une modification de la loi. L'honorable M. Frère avait raison et nous avons tous voté dans le sens de son observation.

D'ailleurs, ce qu'a dit l'honorable M. Vandenpeereboom sur l'insuffisance des traitements dont il s'agit, il l'a dit, certainement, avec une profonde conviction, mais avant de pouvoir partager cette conviction il faudrait que j'eusse été mis à même par des documents d'examiner la question.

D'un autre côté, messieurs, il s'agirait de savoir si l'on ne peut pas arriver à améliorer la condition des professeurs au moyeu d'une simplification des études. Nous ayons simplifié l'enseignement supérieur, et nul doute qu'il ne soit possible de modifier également l'enseignement moyen de manière à donner plus de force aux humanités.

Dans tous les cas, messieurs, comme l'a dit l'honorable M. de Brouckere, comme l'a dit en 1849 l'honorable M. Frère, la loi existe et nous devons être les premiers à la respecter.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable M. Dumortier vient de rappeler l'époque où l'on réclamait vivement des économies dais cette Chambre ; je crois, messieurs, que dans toutes les circonstances où il a été possible de réduire les dépenses je n'ai point failli à cette mission, aussi bien quand mes amis étaient au pouvoir que quand les bancs ministériels étaient occupés par mes adversaires.

Messieurs, je suis tellement convaincu de la nécessité de réduire autant que possible les dépenses de l'Etat, que lorsque la loi de 1850 a été présentée j'ai eu l'honneur de proposer un amendement ayant pour objet de réduire le nombre des institutions. J'ai rencontré alors l'opposition, non pas de mes amis politiques, mais des honorables membres qui siègent de l'autre côté de la Chambre, à l'exception toutefois de l'honorable M. Dumortier, de l'honorable M. Coomans et de l'honorable comte de Mérode, que nous regrettons tous.

Je ne pense pas, messieurs, qu'on puisse me reprocher d'avoir été, dans aucune circonstance, infidèle au principe d'économie qui me guidait lorsque j'ai fait cette proposition.

L'honorable M. Dumortier a dit qu'il ne pourra apprécier l'insuffisance des traitements des professeurs de l'enseignement moyen, que lorsqu'il aura les documents nécessaires pour faire cette appréciation.

Mais le gouvernement nous a fait distribuer des documents très complets qui établissent parfaitement la position des régents et instituteurs des écoles moyennes. Je regrette vivement que l'honorable membre n'ait pas consulté ces pièces.

J'espère, messieurs, que la Chambre ne voudra pas, pour une question de forme, laisser dans une position vraiment déplorable, des hommes qui ont droit à toutes nos sympathies. J'espère surtout que les membres de cette assemblée qui ont prouvé jusqu'ici qu'ils avaient peu de sympathie pour l'enseignement de l'Etat, en général, ne permettront, pas de croire que ce défaut de sympathie réagit sur les instituteurs eux-mêmes et qu'ils veulent, si je puis m'exprimer ainsi, soumettre le personnel enseignant à un jeûne rigoureux, afin de faire périr l’enseignement.

Si, contre toute attente, la proposition de M. le ministre n'était pas adoptée, je l'engagerais vivement à prendre d'autres mesures, soit à présenter une loi nouvelle, soit à proposer un amendement à la loi qui a pour objet d'améliorer la position des employés.

M. Dumortier. - Messieurs, personne plus que moi ne rend justice à la fidélité de l'honorable membre au principe des économies ; mais il doit se rappeler qu'à l'époque dont nous avons parlé beaucoup de membres demandaient des économies, qui paraissent aujourd'hui avoir changé d'avis. Ce n'est pas à l'honorable M. Vandenpeereboom que j'ai fait allusion. Quant à moi, je reste fidèle, comme l'honorable membre, au système des économies, et j'espère bien ne jamais m'en écarter.

Quant aux tableaux qui vous ont été distribués, je n'y vois guère figurer de traitements au-dessous de 1,200 à 1,500 fr. Or, je crois qu'on ne peut pas comparer à des manœuvres des personnes qui touchent de semblables traitements.

M. Delfosse. - J'ai toujours pensé et je pense encore que les Chambres peuvent, lorsqu'elles le croient utiles, modifier une loi par le budget, qui est aussi une loi. Je ne veux pas reproduire en ce moment cette question qui a été longuement discutée en 1849 et qui, quoi que l'on puisse dire, n'a pas été définitivement tranchée par la Chambre ; il serait d'ailleurs sans intérêt de s'en occuper en ce moment, la loi sur l'augmentation des traitements de certains fonctionnaires sera discutée dans quelques jours, au plus tard dans quelques semaines, si je ne me trompe, le rapport sera bientôt présenté ; on pourrait donc, sans dommage pour personne, ajourner la discussion de l'amendement de M. le ministre de l'intérieur pour le comprendre dans la discussion de la loi dont je viens de parler.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à retirer provisoirement son amendement et je propose, dès à présent, d'en ordonner le renvoi à la section centrale qui examine le projet de loi sur l'augmentation des traitements des petits fonctionnaires ; en agissant ainsi, M. le ministre de l'intérieur ferait une chose prudente, il mettrait fin à des dissentiments très vifs qui viennent de se produire et qui portent plutôt sur la forme que sur le fond.

M. Coomans. - Messieurs, il me semble que la solution naturelle de la question vient d'être indiquée par les honorables MM. Delfosse et Vandenpeereboom. Nous sommes unanimes sur le principe de l'amendement propose par le gouvernement, nous croyons tous que les régents des écoles moyennes et d'autres fonctionnaires attachés à l'enseignement officiel ne sont pas suffisamment rétribués et qu'il y a lieu de faire pour eux ce qu'on est décidé à faire pour d'autres fonctionnaires de l'Etat. C'est ma conviction.

Je dois déclarer cependant que les objections graves développées entre autres par MM. de Naeyer et de Brouckere. m'empêcheraient de voter pour l'amendement du gouvernement.

(page 979) Je ne suis pas de ceux qui ont voté pour l’enseignement moyen officiel et qui ont donné des proportions exagérées à cet enseignement ; mais je suis de ceux qui pensent que, quand on a des fonctionnaires, il faut les rétribuer ; j'appuierai toutes les propositions faites pour les fonctionnaires de l'enseignement primaire ; secondaire, et même supérieur, quand les circonstances le permettront et que de semblables propositions seront faites dans l'intérêt du corps enseignant et non dans un autre intérêt ; je voterai ces augmentations de dépenses pour les fonctionnaires, plutôt que pour l'enseignement même.

Il faut que tous les fonctionnaires de l'Etat soient mis dans une situation honorable et décente. Voilà pourquoi je me joins à d'autres honorables membres, pour engager le gouvernement à nous soumettre une proposition régulière, dût-elle être même plus efficace que celle dont il nous a saisis et que nous discutons en ce moment.

- La discussion générale est close sur le chapitre XVI.

La proposition de M. Delfosse est mise aux voix et adoptée.

En conséquence, les amendements proposés par le gouvernement aux articles 91 (dotation des athénées) et 92 (dotation des écoles moyennes) sont renvoyés à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif aux employés inférieurs de l’Etat.

La Chambre passe aux articles du chapitre XVI.

Articles 87 à 91

« Art. 87. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 88. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (Personnel.) : fr. 17,500. »

- Adopte.


« Art. 89. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 90. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur. : fr. 47,300. »

-Adopté.


« Art. 91. Dotation des athénées royaux (art. 20, § 2, de la loi du 1er juin 1850) : fr. 300,000. »

- Adopté.

Article 92

« Art. 92. Dotation des écoles moyennes (art. 25, § 1er, de la même loi) : fr. 200,000. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je persiste à croire que la proposition faite par le gouvernement à l'occasion de l'article qui est en discussion, ne consacre pas une illégalité. En effet, il ne s'agit nullement de modifier la dotation normale, légale, soit des athénées, soit des écoles moyennes ; il s'agit uniquement d'y ajouter, à cause de circonstances exceptionnelles, un subside d'un caractère également exceptionnel, jusqu'au moment où l'on régularisera cet état de choses, en augmentant la dotation des deux catégories d'établissements.

Mais puisque sur tous les bancs de la Chambre il règne une vive sympathie pour des fonctionnaires dont la position n'est réellement pas convenable et qui ont besoin de se sentir encouragés par la législature, il me semble que le gouvernement peut se rallier, dans l'intérêt même de sa proposition, à la motion que vient de faire l'honorable M. Delfosse. Je serais désolé de compromettre, pour une question de forme, l'amélioration de position proposée en faveur de fonctionnaires auxquels je m'intéresse particulièrement

M. de Perceval. - Pour maintenir l’enseignement moyen dans une situation prospère, il importe d’améliorer le sort des professeurs et d'augmenter dans ce but les traitements qui leur sont alloués aujourd'hui, traitements insuffisants, on doit le reconnaître. Il est nécessaire aussi d'assurer un casuel aux professeurs des écoles moyennes, en exécution du paragraphe 2 de l'article 17 de la loi du 1er juin 1850. Enfin, il serait opportun de procéder à la révision du classement des écoles moyennes, car ce classement présente des anomalies très grandes.

Entrons dans quelques détails :

Le premier paragraphe de l'article 17 de la loi du 1er juin 1850 porte :

« Les traitements du personnel des athénées et des écoles moyennes sont fixés par le gouvernement d'après l'importance des communes. »

Le tableau suivant que j'ai pris dans le rapport triennal sur l'état de l'enseignement en Belgique, présenté aux chambres législatives le 1er mai 1835, prouve que ce n'est pas l'importance des communes qui a déterminé le classement des écoles moyennes.

Nous avons trois degrés pour le classement des écoles moyennes. Les écoles moyennes de la catégorie inférieure sont au nombre le 24 ; celles de la catégorie intermédiaire, au nombre de 18 ; celles de la catégorie supérieure au nombre de 7.

Voici l'énumération et le classement :

Ecoles moyennes de la catégorie inférieure : Aerschot, Andenne, Braine le Comte, Couvin, Dinant, Fleurus, Fosse, Hal, Houdeng-Aimeries, Limbourg, Maeseyck, Marche, Namur, Neufchâteau, Nieuport, Péruwelz, Philippeville, Renaix, Rochefort, Rœulx, Saint-Hubert, Stavelot, Waremme.

Ecoles moyennes de la catégorie intermédiaire : Ath, Diest, Furnes, Huy, Jodoigne, Lierre, Malines, Mons, Pâturages, Saint-Ghislain, Saint-Trond, Spa, Tongres, Turnhout, Virton, Visé, Wavre et Ypres.

Ecoles moyennes de la catégorie supérieure : Alost, Anvers, Bruges, Gand, Louvain, Soignies, Thuin.

Dans la deuxième catégorie, nous trouvons : Saint-Ghislain, Virton, Visé, villes qui n'ont que 2,000 habitants chacune, à côté de Malines avec 30,000 et de Mons avec 20,000 habitants.

Calcule-t-on peut-être l'importance de l'école d'après le nombre d'élèves ? Voyons.

En 1854, l'école moyenne d'Ath comptait 120 élèves ; Furnes, 120 ; Huy, 150 ; Jodoigne, 141 ; Spa, 78 ; Virton, 62 ; tandis que l'école de Malines, comme les précédentes dans la deuxième catégorie, comptait au moins 230 élèves.

A la même époque, Thuin en comptait 116 ; Soignies, 69, et pourtant ces écoles se trouvent avec Anvers, qui avait 248 élèves ; Bruges, 169 ; et Alost, 147, dans la catégorie supérieure.

Je ne veux point tomber dans des redites en répétant les considérations émises par l'honorable M. Vandenpeereboom en faveur du corps professoral de l'enseignement. Je me contente de déclarer que je les approuve sans réserve. Comme lui, je suis d'avis que la position du personnel enseignant de nos écoles moyennes doit être améliorée. Leur mission est délicate, difficile, toute de dévouement et d'abnégation. Pourquoi ne pas, dès lors, leur donner un traitement qui les mette au moins dans une situation digne, en rapport avec l'importance de la mission qu'ils exercent ?

Je demande que M. le ministre de l'intérieur examine jusqu'à quel point il pourrait satisfaire aux désirs que je viens d'exprimer et que je résume avant de me rasseoir :

Amélioration du sort des professeurs, jouissance assurée et permanente d'un casuel à leur profit, et révision du classement des écoles moyennes. Il est juste que ces établissements soient mis en rapport avec l'importance des villes où ils ont leur siège, et avec le nombre d'élèves qui fréquentent ces établissements.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable membre demande qu'on vienne rendre compte aujourd'hui à la Chambre de la répartition des 50 écoles moyennes décrétées par la loi, entre les différentes villes du pays.

Je ne sais pas au juste quel principe a présidé à cette répartition. Elle doit avoir eu lieu d'après les propositions des communes. Ce sont les communes qui ont exprimé le désir de posséder un établissement de ce genre et qui ont offert de faire les dépenses convenables pour les organiser ; le gouvernement s'est entendu avec ces communes.

C'est là ce qui explique l'anomalie que l'honorable membre a signalée dans la classification de ces établissements ; cette classification dépend du plus ou moins de sacrifices que les communes ont consenti à s'imposer. Je sais que, depuis quelque temps, les communes, par motif d'économie, ont demandé de voir leur école moyenne descendre de la deuxième classe dans la troisième ; mais je ne sache pas qu'il y en ait qui demandent à passer d'une catégorie inférieure dans une catégorie supérieure.

Quant à la seconde demande de l'honorable, membre, je ne la comprends pas ; je ne sais pas ce qu'il veut dire par assurer un casuel aux professeurs. Les professeurs ont un traitement fixe et un traitement variable qui dépend de la prospérité relative dont jouit l’établissement. Le gouvernement ne peut rien faire pour assurer un casuel ; assurer emporte fixité, et ces mots « casuel » et « fixe » hurlent de se trouver ensemble.

- L'article 92, tel qu'il a été primitivement proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 93 à 98

« Art. 93. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 94. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 107,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 17,000. »

- Adopté.


« Art. 96. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi (charge extraordinaire) : fr. 13,978. »

- Adopté.


« Art. 97. Traitements de disponibilité : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 98. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques, subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre XVII. Instruction publique. Enseignement primaire

Discussion générale sur le chapitre XVII

M. Lelièvre. - A l'occasion des chapitres concernant l'instruction (page 980) publique, je crois devoir présenter quelques observations relatives à l'exécution qu'a reçue la loi du 23 septembre 1842 sur l'enseignement primaire.

Lorsqu'une commune, au lieu d'établir une école, a jugé convenable d'adopter une école privée, il s'est élevé la question de savoir si le conseil communal avait le droit de faire cesser l'adoption par sa seule volonté, ou si l'intervention du gouvernement était nécessaire.

Le gouvernement a pensé qu'il n'appartenait qu'au pouvoir central de révoquer l'adoption, et que le conseil communal ne pouvait, de sa propre autorité, remettre les choses sous l'empire de l'article premier de la loi du 25 septembre 1842.

Il m'est impossible de partager cette opinion qui me semble contraire aux vrais principes en cette matière.

Chaque commune est tenue d'avoir une école dirigée et administrée par les autorités locales.

C'est par une véritable faveur que l'on introduit une exception par l'article 3, permettant au conseil communal d'adopter une école privée.

Mais si c'est là une faveur, le conseil communal a droit d'y renoncer en tout temps, et il ne peut dépendre, soit du gouvernement, soit de la députation permanente, de l'astreindre à subir un ordre de choses exceptionnel.

Lorsque l'article 4 appelle l'autorité ministérielle à examiner, chaque année, s'il y a lieu de maintenir l'adoption, c'est exclusivement dans le cas où le conseil communal juge convenable de demander à pouvoir continuer l'adoption ; mais lorsque les autorités communales ont décidé que l'adoption de l'école privée ne doit plus avoir lieu, la députation n'a plus à intervenir, de même que le gouvernement, le conseil communal ayant le droit de renoncer à une véritable faveur introduite au profit de la commune.

Sans cela il dépendrait de l'autorité supérieure d'imposer à celle-ci un ordre de choses exceptionnel dont elle ne voudrait plus et le pouvoir central serait investi du droit exorbitant de forcer la commune à subir un régime contraire à l'article premier de la loi du 25 septembre 1812.

H m'est donc impossible de me rallier à la marche qui a été suivie l'année dernière par le département de l'intérieur qui, contre son intention sans doute, a porté atteinte aux libertés communales.

L'adoption d'une école privée est une faculté, une faveur accordée à la commune. Il doit être libre à celle-ci de la répudier en tout temps et de rentrer sous l'empire du droit commun.

Qu'on ne perde pas de vue que l'article 4 de la loi de 1842 n'appelle le gouvernement à intervenir que dans le cas où la commune sollicite le maintien de l'adoption ; mais on ne peut trouver dans la loi aucun texte qui justifie son intervention ou celle de la députation, quand la commune veut rentrer dans le système général et placer les choses sous l'empire du régime formant la base des dispositions relatives à l'enseignement primaire.

Je recommande ces considérations à l'attention de M. le ministre de| l'intérieur, qui, après avoir examiné sérieusement la question, reconnaîtra bien certainement que la loi de 1842 n'a pas été exécutée dans son véritable esprit.

Des conseillers communaux de Cappellen se sont adressés à la Chambre relativement à une école de filles, qui aurait été établie en cette localité nonobstant la résolution de la majorité du conseil communal.

En ce qui me concerne, je ne partage pas l'avis de la commission des pétitions qui a cru devoir appuyer cette réclamation.

Il doit être établi, dans chaque commune, au moins une école primaire (article premier de la loi du 23 septembre 1842).

La commune est tenue de procurer l'instruction gratuite aux enfants pauvres (article 4). Or, je n'admets pas que le conseil communal soit juge souverain de la question de savoir si l'école établie répond aux nécessités sociales et si, dans son organisation, elle ne compromet pas les principes de moralité qu'il appartient au pouvoir supérieur de sauvegarder. La séparation des filles d'avec les garçons dans les écoles primaires est une mesure réclamée par les intérêts de l'ordre le plus élevé. Une école dans l'établissement de laquelle ce principe serait méconnu, n'est pas celle qui répond aux vues qui ont dicté l'article 1er de la loi de 1842, et par conséquent, dans cette hypothèse, la commune ne peut être considérée comme ayant satisfait à ses obligations.

Dans l'esprit de la loi, il ne suffit pas d'établir une école quelconque, c'est une école convenable qui doit être érigée dans chaque localité ; et si cette prescription n'est pas remplie, l'autorité supérieure est tenue, de pourvoir à cet intérêt social de si grande importance.

Evidemment si l'école ne satisfait pas aux conditions essentielles qu'on a le droit d'exiger, c'est, aux yeux de la loi, la même chose que si l'école n'existait pas. Or, dans cette dernière hypothèse, l'article 12 de la loi de 1842 admet l'intervention de l'autorité supérieure.

Le conseil communal n'est pas juge en dernier ressort de la question de savoir si l'école établie dans la localité satisfait aux prescriptions légales et aux obligations imposées à cet égard à la commune. Sans cela, l'instruction primaire, qui est un intérêt social de premier ordre, pourrait être sérieusement compromise ; le conseil communal serait juge en sa propre cause, il pourrait rendre illusoire l'obligation incombant à la commune sans qu'il fût permis à l'autorité supérieure de faire cesser l'ordre de choses vicieux et même compromettant la moralité publique qui aurait pu être établi.

Je ne puis donc appuyer les réclamations des conseillers communaux, de Cappellen et, à mon avis, la députation permanente du conseil provincial d'Anvers a parfaitement apprécié les choses en portant, à l'unanimité, une décision fondée sur la saine interprétation de la loi de 1842.

- La séance est levée à 4 heures et demie.