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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 959) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.

Il présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Claes demande que les contrôleurs de tous les services de l'administration des finances soient admis à partager au crédit demandé en faveur des employés inférieurs de l'Etat, ou que, du moins, on leur accorde une indemnité pour couvrir leurs frais de tournées. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'augmentation des traitements des employés de l'Etat.


« Des juges de paix dans l'arrondissement de Turnhout demandent une augmentation de traitement et l'uniformité du tarif en matière civile. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Le sieur Vanaughem soumet à la Chambre un projet de loi relatif à la substitution et au remplacement des miliciens. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée.


« Le sieur Mathieu, praticien vétérinaire, à Blaugies, demande d'être admis à l'examen pour être reçu en qualité de maréchal vétérinaire ou, du moins, d'être autorisé à traiter les chevaux et les bestiaux malades, en attendant l'arrivée d'un médecin vétérinaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Louis-Joseph Désiré Derudder, cultivateur à Oostkerke, né à Cappellebrouck (France), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Loret, facteur d'orgues à Bruxelles, demande à être chargé de construire le grand orgue à placer à Sainte-Gudule. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le ministre de l'intérieur transmet à la Chambre 108 exemplaires de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels, relativement à l'examen des comptes des associations de prévoyance pour 1855.

- Distribution aux membres de la Chambre.

Projet de loi provisoire sur les jurys d’examen universitaire

Rapport de la section centrale

M. de Theux dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi tendant à maintenir pour la première session de 1857 le mode de nomination établi provisoirement par l'article 40 de la loi du 15 juillet 1849.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et le met à l'ordre du jour après la discussion du budget de l'intérieur.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Légion d'honneur et croix de fer

Articles 49 et 50

M. Maertens. - J'ai été chargé par la section centrale du budget de l'intérieur de faire rapport sur les divers amendements au chapitre X. Je demande à la Chambre de lui donner lecture de ce rapport.

Messieurs, la section a pris communication des diverses propositions qui lui avaient été renvoyées et qui avaient pour but d'augmenter les crédits des articles 49 et 50 du budget de l'intérieur. La proposition de l'honorable M. de Perceval tendait à réunir les articles 49 et 50 et d'en augmenter le chiffre de 100,000 fr., pour allouer des pensions non seulement aux décorés de la croix de Fer, mais encore aux blessés de septembre qui n'avaient pas reçu cette distinction.

On s'est occupé d'abord de la première partie de cet amendement qui alloue la pension de 250 fr. à tous les décorés de la croix de Fer sans distinction.

Cette proposition a été écartée à l'unanimité des membres présents.

On s'est fondé sur le motif que la croix de Fer était en principe une récompense purement honorifique, et que si on s'est départi de cette idée par la suite, on ne l'a fait que par considération pour la position malheureuse de quelques citoyens qui avaient reçu cette distinction. Mais comme il résulte des observations présentées par le gouvernement que la somme portée au budget est insuffisante pour donner cette pension à tous ceux auxquels leur position de fortune donne droit à la réclamer, la section centrale par cinq voix et une abstention s'est ralliée à la proposition du gouvernement. En conséquence le crédit de l'article 49 sera augmenté de 15,000 fr. et porté à 170,000 fr.

Quant à la seconde partie de l'amendement de l'honorable M. de Perceval, tendante à augmenter le crédit de l'article 50 pour venir au secours des blessés de septembre qui n'avaient pas reçu la décoration, elle a été écartée à l'unanimité des membres présents.

On a pensé qu'il était impossible, d'après les renseignements fournis par le gouvernement, de connaître le nombre exact de ceux qui pouvaient réclamer leur part dans ce subside ; que, du reste, la section centrale était incompétente pour se livrer à un travail aussi long que celui de vérifier les titres des réclamants, puisque les bases d'appréciation lui échappaient ; elle a cru enfin, qu'un pareil travail ne pourrait être fait que par une commission spéciale qui devrait réviser complètement ce qui avait été fait par celle instituée en 1833 et 1834, et qui avait scrupuleusement examiné les titres de tous les réclamants.

La section n'a plus eu à s'occuper de la proposition de l'honorable M. Dumortier, puisqu'elle tombait devant le rejet de celle de l'honorable M. de Perceval.

- La Chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement de l'examen du chapitre X.

M. de Perceval. - L'augmentation de crédit que j'ai eu l'honneur de proposer par mon amendement au chapitre X, a pour but de faire étendre la munificence nationale sur deux catégories de citoyens qui ont droit à la reconnaissance publique : c'est aux décorés de la croix de Fer d'abord ; c'est ensuite à trois groupes bien déterminés, bien distincts de blessés et de combattants de septembre.

La section centrale me fait le reproche de rester dans le vague par mon amendement. Je lui réponds que je demande la pension civique, et que je mets sur la même ligne les décorés de la croix de Fer et trois catégories de citoyens qui ont défendu, en 1830, au péril de leurs jours la cause de la révolution.

Le premier groupe, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire dans la séance d'avant-hier, comprend les officiers volontaires qui ont été brevetés. Ils sont au nombre de 15 ou 20 tout au plus.

Le second groupe comprend les blessés et combattants inscrits au fonds spécial ; il se compose de 105 citoyens.

Enfin le troisième groupe réunit les combattants faits prisonniers les armes à la main et envoyés sur les pontons à Anvers. Ils sont au nombre de 12.

Des 100,000 fr. dont je propose d'augmenter le crédit, je distraits 40,000 fr. qui serviront à donner la pension civique à ces trois catégories bien déterminées, et je consacre 60,000 fr. à l'augmentation du crédit qui est pétitionné au budget pour la pension de 250 fr. aux décorés de la croix de Fer.

Ainsi, messieurs, il est clair que je ne puis accepter ce reproche de rester dans le vague ; je désire que la législature mette sur la même ligne trois catégories de personnes qui ont rendu, en 1830, des services signalés à la patrie, et qu'elle alloue la pension de 250 fr. aux décorés de la croix de Fer qui n'en jouissent pas.

Qu'il me soit permis de soumettre une observation à l'honorable ministre de l'intérieur.

Il demande une augmentation de 15,000 fr. pour accorder la pension à 60 décorés de la croix de Fer, qui sont en instance pour l'obtenir.

Mais en dehors de ces 60 demandes, il en est d'autres qui pourront se produire et parvenir au gouvernement. Si ces demandes sont appuyées sur des droits incontestables, M. le ministre pourra-t-il refuser la pension de 250 fr. qui lui sera réclamée par de braves combattants ?

Je dis à l'honorable ministre : en présence de cette perspective qui se réalisera, ces 15,000 fr. ne suffiront pas ; je l'engage donc à augmenter le crédit et à accepter mon amendement.

Le débat paraît se concentrer sur la question de savoir s'il faut accroître le nombre des pensions aux décorés de la croix de Fer. Mais, à côté de cette question qui a son intérêt, il en est une autre que j'ai soulevée l'année dernière à l'occasion de la discussion de la loi du 24 mai ; je veux parler des réclamations des officiers de volontaires brevetés, des blessés et des combattants de septembre.

Quelle position la Chambre a-t-elle prise à cette époque ? Par l'organe de la section centrale, elle a dit au gouvernement : « Vous examinerez ces réclamations, car elles renferment quelque chose de fondé. » Par l'organe de plusieurs de mes honorables collègues, les droits que les pétitionnaires faisaient valoir ont été vivement appuyés. Et qu'a répondu le gouvernement ? Il nous a dit : » J'accepte le renvoi et j'examinerai ces demandes avec une sympathique bienveillance. »

Eh bien, je ne me contente plus de cas paroles prononcées il y a un an. Le moment est venu d'agir par des actes, et je mets aujourd'hui la gouvernement en demeure de remplir ses engagements. Que me fait à moi ce brillant langage : « J'examinerai avec une sympathique bienveillance les demandes des blessés et combattants de septembre » quand M. le ministre de l'intérieur ne vient pas avec un acte pour sanctionner ces pompeuses paroles ? Le gouvernement a accepté cette mission, et dans mon opinion, il doit la remplir. J'ai hâte d'ajouter que je nourris l'espoir qu'il la remplira avec patriotisme. Ne voyons-nous pas, en effet, assis au banc ministériel deux membres du cabinet, décorés tous deux des insignes de cet ordre national qui nous rappelle de si glorieux souvenirs ? Ne comptons-nous pas comme conseillers de la couronne d'honorables membres connus pour leur patriotisme éprouvé ?

Messieurs, je ne puis comprendre l'existence d'un ordre national qui (page 960) ne concède de pensions civiques que partiellement et pour autant que le titulaire soit dénué de fortune.

Et puis, l'on vient déclarer que cette pension accordée aux décorés de la croix de Fer, à titre d'aumône, constitue une récompense nationale ! Ces deux ordres d'idées jurent de se trouver ensemble. Quand on décrète une récompense civique, ce n'est pas à titre de secours qu'il faut la donner aux titulaires. Non, il faut reconnaître le môme droit pour tous, car des services identiques doivent avoir des récompenses identiques.

Mon amendement s'explique par les discours qui ont été prononcés dans cette Chambre en faveur des officiers de volontaires et des blessés et combattants de septembre ; il a sa raison d'être dans le langage tenu par le gouvernement lui-même, et je ne puis croire que la Chambre se refuse à l'accepter.

Les législatures précédentes ont été si larges et si généreuses quand il s'est agi de récompenser les services rendus au pays, après la conquête de son indépendance, qu'il me paraît impossible de ne pas sanctionner les mesures que je propose.

Si nous parcourons les Annales parlementaires, et que nous nous reportons au temps où l'on discutait, dans cette assemblée, la loi sur les pensions ministérielles, nous y trouverons de nombreux arguments invoqués pour que les hommes politiques qui ont été ministres pendant deux ans soient mis dans une position convenable, digne, et en rapport avec la haute mission qu'il ont remplie. On a donc décidé qu'il leur serait alloué une pension de 6,000 francs ; on ne disait pas alors qu'il n'y aurait que les hommes politiques dénués de fortune qui pourraient réclamer le bénéfice de cette pension ; on a généralisé le principe et l'on a vu des hommes d'Etat jouissant d'un revenu considérable, exiger en leur faveur l'application de cette loi.

A une autre époque nous avons connu la Chambre plus généreuse encore ; elle a accordé au général polonais Schrzynecki pour 24 heures de service, une pension de 6 mille francs ! La législature a naguère pensionné très largement tous les officiers polonais qui servaient dans noire armée ; elle est très large, très généreuse quand elle s'occupe de dotations ; et aujourd'hui qu'il s'agit de ceux qui ont créé l'ordre des choses actuel, de ceux qui nous ont donné une patrie, qui ont combattu pour l'indépendance du pays, qui nous ont fait enfin ce que nous sommes, la Chambre déclare qu'il faut être pauvre pour toucher une malheureuse pension de 250 francs ! elle déclare qu'en dehors des décorés de la croix de Fer, aucune pension civique ne sera accordée, soit aux officiers de volontaires, soit aux combattants ou aux blessés de septembre !

En vérité, la position que veut prendre la Chambre me fait éprouver un douloureux serrement de cœur. Je dis que quand on a été si prodigue pour récompenser les services rendus quand le pays jouissait paisiblement des bienfaits de son indépendance, on doit être je ne dis pas généreux, mais justes pour les services rendus quand il s'agissait de nous créer une patrie et de conquérir cette indépendance !

Je termine en déclarant que j'abandonne l'appréciation de mon amendement au patriotisme éclairé de la Chambre.

M. Rodenbach. - Messieurs, il me reste peu de chose à dire après le discours de l'honorable préopinant ; les sentiments qu'il vient d'exprimer sont nobles et éminemment patriotiques. J'espère que la Chambre ne voudra pas laisser dans l'oubli des hommes qui ont combattu pour notre indépendance. Je regrette, avec l'honorable préopinant, que la section centrale n'ait jugé à propos d'accorder que les quinze mille francs demandés par le ministre ; mais j'ai été étonné d'entendre les arguments que l'honorable rapporteur a allégués à l'appui de ses conclusions ; il vous a dit que le travail qu'il faudrait faire serait trop long et trop difficile. (Interruption.)

Ainsi, parce qu'un travail serait long cl difficile, faudrait-il pour ce motif rejeter un amendement ? Il faudrait de meilleurs arguments, il me semble, pour combattre cette proposition. Je ne dis pas que le travail à faire ne sera pas difficile ; mais la parole ministérielle de l’an passé, que vient de rappeler l'honorable préopinant, subsiste, elle a été imprimée au Moniteur officiel. Il y a des hommes qui, combattant aux frontières, n'ont pas songé à venir solliciter des grades ou des croix dans les antichambres... (Interruption.)

Cette expression m'a échappé dans l'improvisation, j'en conviens ; mats je ne m'attendais pas à voir la section centrale montrer une si étroite parcimonie envers des hommes de la révolution.

Il est possible que j'aille trop loin. Mais il n'en est pas moins vrai que l'an passé le ministère a fait des promesses. Si j'ai bonne mémoire, dais la dernière session, on a demandé qu'on s'occupât de ces hommes de la révolution qui sont dans le besoin.

Il y a, à tous les budgets, un fonds spécial pour les fonctionnaires qui n'ont pas droit à la pension. Et pour ces hommes qui ont été blessés, qui ont combattu pour la patrie et qui sont dans le besoin, vous n'accorderiez rien ! Je ne puis croire que la Chambre refuse quelques subsides pour ces malheureux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable préopinant vient de dire que le gouvernement est engagé. L'honorable M. de Perceval, lui aussi, rapportant les paroles prononcées l'année dernière, par mon honorable collègue M. le ministre des finances, il dit qu'il ne suffit pas de phrases patriotiques et bienveillantes, mais qu'il faut des actes.

Messieurs, c'est précisément ce que le gouvernement a compris et le gouvernement a posé un acte.

Que disait-on l'année dernière à l'occasion de la loi du 27 mai 1856 ? On disait et avec raison : nous venons de voter dix années de pension supplémentaire à ajouter aux années ordinaires pour ceux qui ont rempli des fonctions publiques, ne convient-il pas, à plus forte raison, de chercher à faire quelque chose pour les hommes qui, n'ayant pas droit à la pension, ne pourront avoir ces dix années supplémentaires et qui n'ont jamais rien touché sur le trésor public ? N'est-il pas convenable qu'ils obtiennent une récompense nationale sous une forme quelconque ?

Le gouvernement s'est pénétré de ce sentiment ; il s'est livré à l'examen de ce qu'il y avait à faire pour favoriser la catégorie des personnes auxquelles on s'était intéressé et avec raison. Les 60 décorés de la croix de Fer auxquels le gouvernement propose maintenant d'accorder les 250 fr., sont précisément des personnes qui se trouvent dans ce cas.

Ce sont des citoyens qui n'ayant pas accepté de fonctions publiques, n'auront pas droit à une pension et ne pourront jouir du bénéfice de la loi de l'année dernière.

Le gouvernement a dit : le nombre des demandes instruites est de soixante. Nous allons pour ces personnes, dont la position est actuellement connue et vérifiée, proposer une pension de 250 fr.

Et pourquoi le gouvernement a-t-il circonscrit son action dans ce cercle restreint ? Par une prudente réserve que vous comprendrez tous. J'avoue sincèrement qu'en dehors des titres constatés par la commission des récompenses nationales en 1833 et 1834, il est fort difficile d'arriver à un travail qui offre des garanties d'exactitude et de justice.

Et s'il s'agissait de nommer une commission spéciale de personnes que l'on prierait de vouloir se livrer à un examen nouveau des titres des hommes de 1830, je suis convaincu qu'on ne trouverait pas un fonctionnaire qui voulût accepter une pareille mission. Ce serait un dédale inextricable. Il serait impossible de sortir aujourd'hui des embarras d'un pareil examen.

L'honorable M. de Perceval est allé plus loin. Il veut d'abord accorder la pension de 250 fr. à tous les décorés de la croix de Fer, et il en fait une question de principe ; il ne veut pas que l'octroi de la pension soit subordonné à la condition que le décoré soit peu favorisé de la fortune.

Je vous ai dit à quoi cela vous mène. Car une fois que l'on établit l'admission à la pension de tous les décorés de la croix de Fer, tous finiront par l'accepter. Ce sera bientôt considéré comme un droit qu'il serait absurde de ne pas réclamer. Vous auriez à payer 250,000 fr. de plus, rien que de ce chef. Que si vous admettez que tous les décorés ne demanderont pas la pension, pourquoi commencer par décider que c'est une récompense nationale que tous les décorés indistinctement peuvent réclamer ? Pourquoi proclamer un principe qu'on sait ne pas devoir recevoir d'application ?

Messieurs, en ce qui concerne l'extension demandée par l'honorable M. de Perceval de cette pension de 250 fr. à tous les décorés indistinctement, le gouvernement ne pourrait s'y rallier.

Il faut rester dans les termes dans lesquels cette pension a été accordée jusqu'à présent. Il faut qu'il soit constaté que les décorés sont peu favorisés de la fortune. Nous avons en ce moment 60 demandes de décorés qui se trouvent dans cette position.

Mais qui vous dit, objecte l'honorable membre, que d'ici à peu de temps d'autres demandes ne vous arriveront pas. Pour y satisfaire, nous avons les extinctions annuelles. Ensuite, s'il y a constatation de droits réels d'une part et de privations, de souffrance dans les familles d'autre part, on peut chaque année, sous ce rapport, examiner encore la question et voir ce qu'il y a lieu de faire.

Les extinctions, qui sont aujourd'hui de 13 ou 14 annuellement vont devenir plus fréquentes à mesure que les décorés avancent en âge.

En dehors de ces décorés que l'honorable M. de Perceval propose de faire jouir tous indistinctement du bénéfice de la pension de 250 fr., il y a ce qu'il appelle les trois autres groupes d'hommes de la révolution.

Messieurs, j'ai dit la première fois, et je répète aujourd'hui, que, en dehors des services constatés officiellement à l'époque où ils ont été rendus, le gouvernement ne peut qu'errer à l'aventure, et je serais tenté de décliner la responsabilité de tout examen qui devrait reposer sur d'autres bases.

En ce qui concerne ces trois groupes, c'est, d'abord, une erreur de les considérer comme des groupes complètement distincts.

Il y a là des hommes qui figureraient dans plus d'une de ces catégories et qui toucheraient plus d'une pension si la proposition de l'honorable membre était adoptée.

L'honorable M. de Perceval dit qu'il n'y a rien de vague dans cette proposition. Je trouve, au contraire, que tout y est vague, que tout y est incertitude.

Ainsi. le premier groupe ne comprend, d'après l'honorable M. de Perceval,. que 10 personnes. Eh bien, tout indique que le nombre de ces officiers brevetés de la révolution est plus considérable. Maintenant pourquoi voudrait-on créer 10 années de pension supplémentaire pour ce groupe ? Remarquez bien, messieurs, que la plupart des officiers de la révolution ont été admis dans l'armée, ont fait leur carrière militaire et sont aujourd'hui ou bien encore au service ou bien pensionnés.

Ensuite, le plus grand nombre a été décoré et peut toucher la pension de 250 francs.

(page 961) Quant à ceux qui ont quitté le service presque immédiatement après la révolution, je ne sais pas pourquoi nous devrions aujourd'hui récompenser des personnes qui ont quitté le service ? Pourquoi devrions-nous réparer l'erreur qu'ils ont commise en abandonnant la carrière militaire ?

Je ne parle pas de ceux qui peuvent avoir été éloignés de l'armée pour d'autres causes, s'il y en a qui se trouvent dans ce cas.

Le deuxième groupe est celui des blessés de septembre, inscrits au fonds spécial.

L'honorable membre croit qu'il n'y en a qu'une centaine. Je puis certifier qu'il y a 258 personnes de cette catégorie qui touchent des secours sur le fonds spécial, sans compter ceux qui viendraient encore. Car aujourd'hui ce qu'on donne sur le fonds spécial est trop peu de choses pour attirer les demandes ; mais si nous augmentions la somme, le nombre des réclamants deviendrait beaucoup plus considérable.

Qu'entend-on par blessés ? Il y a d'abord ceux qui ont été blessés grièvement, ceux dont les blessures ont occasionné une incapacité de travail.

Ceux-là ont tous une pension civique d'un franc par jour ; ils ont obtenu cette pension immédiatement après la révolution, et leur position a été régularisée par la loi du 11 avril 1835. Les autres sont décorés de la croix de fer, si leurs titres ont été vérifiés, et touchent alors la pension de 250 fr. ; mais si leurs titres ont été trouvés défectueux, ou si par l'une ou l'autre circonstance, ces titres ont été présentés tardivement, ce n'est pas un motif pour leur accorder aujourd'hui une pension ; seulement on leur accorde un secours, à eux et à leurs veuves.

Et ici, messieurs, je dois m'élever contre une accusation que s'est permise, déjà à deux reprises, M. Rodenbach, et qui consiste à dire que ceux qui ont obtenu la croix de Fer ont intrigué dans les antichambres.

Au nom de la dignité du pays, je dois protester contre cette assertion ; je suis convaincu que la commission spéciale a examiné consciencieusement les titres qui ont été produits devant elle.

Reste, messieurs, le troisième groupe auquel s'intéresse M. de Perceval, ceux qui ont été faits prisonniers. L'honorable auteur de la proposition croit que leur nombre ne s'élève qu'à 15. Il me serait difficile de contester d'une manière positive l'exactitude de ce chiffre ; mais j'ai ici un document officiel comprenant les noms des citoyens qui ont été envoyés sur les pontons à Anvers ; ils étaient 107. Je ne pense pas, d'après le calcul des probabilités, que ce nombre de 107 puisse être réduit aujourd'hui à 15.

Ensuite, parmi ces personnes il y en a encore qui sont décorés de la croix de Fer et qui touchent la pension de 250 francs.

Messieurs, il me peine vraiment d'avoir à marchander ainsi avec les citoyens qui peuvent avoir des titres à la reconnaissance du pays. Je regrette qu'on ne puisse pas mettre la main sur les titres des vrais défenseurs du pays, qui peuvent avoir été oubliés dans la distribution des récompenses nationales. Je le regrette sincèrement et je voudrais de tout mon cœur, qu'il fût possible de faire le triage d'une manière consciencieuse. Je voudrais que pas une de ces misères respectables ne demeurât dans l'oubli. Mais, messieurs, nous devons savoir à quoi nous nous engageons, et je ne pense pas qu'un ministre quelconque osât accepter aujourd'hui la responsabilité d'un triage de ce genre.

La proposition de l'honorable M. de Perceval tendrait d'ailleurs à la suppression du fonds spécial. Or, ce serait là, pour faire plus de bien à quelques individus, rendre impossible toute espèce de secours à une masse d'autres personnes. Je disais tout à l'heure que sur le fonds spécial on donne des secours à 258 blessés et, bien plus, on donne sur ce même fonds spécial, des secours à 97 veuves de blessés, ainsi qu'à huit familles d'orphelins. Voilà les bienfaits, les secours nationaux qui deviendraient impossibles par la suppression du fonds spécial.

Je crois donc, messieurs, que le gouvernement a tenu ses promesses. Le gouvernement a proposé des pensions pour soixante hommes de la révolution qui ne sont pas compris dans la loi du 27 mai 1856. Mais il s'est prudemment renfermé dans la liste des personnes dont les titres ont été officiellement constatés.

En dehors de ceux-là, il peut y avoir des droits méconnus, oubliés, je le regrette sincèrement, mais comme la distinction est impossible, le gouvernement ne peut pas aller au-delà de la proposition qu'il a soumise à la Chambre.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, quelques observations échappées à l'honorable M. Rodenbach et qui avaient pour objet de critiquer les paroles que j'avais prononcées comme rapporteur de la section centrale, exigent de ma part une courte réponse.

L'honorable membre ayant mal saisi la portée des expressions dont je m'étais servi, a eu l'air de prétendre que la section centrale n'avait pas assez de patriotisme pour vouloir examiner la question à fond, qu'elle avait reculé devant la longueur du travail et qu'elle avait trouvé plus commode de rejeter la proposition, sans autre examen.

Messieurs, telle n'a pas été la pensée de la section centrale ; celle qui l'a dominée est une pensée de patriotisme : elle s'est dit que s'il s'agissait de rendre justice à ceux qui ont combattu pour l'indépendance nationale, pas un seul ne devait être oublié ; mais elle a cru en même temps qu'il ne fallait pas marcher aveuglément, accueillir toutes les réclamations qui se produisent, mais n'accorder la récompense qu'à ceux qui l'ont méritée et qui peuvent le prouver par des titres authentiques.

Voilà, messieurs, dans quel sens je me suis exprimé lorsque j'ai dit que pour accorder des pensions civiques aux blessés de septembre qui n'ont pas reçu la croix de Fer, les renseignements soumis à la section centrale n'étaient pas suffisants pour constater le nombre exact de tous ceux qui pouvaient y avoir droit ; que, de cette manière, il lui était impossible pendant le peu de temps dont elle pouvait disposer, de se livrer à la révision complète des travaux de la commission instituée en 1833.

D'ailleurs, telle n'était pas sa mission, car elle n'avait pas le droit de s'ériger en commission des récompenses ; elle devait se borner à examiner la proposition de l'honorable M. de Perceval et voir, si, dès aujourd'hui, elle pouvait accepter le chiffre proposé. Or les données fournies à cet égard n'étaient pas du tout concordantes, car d'après les chiffres de l’honorable M. de Perceval, le nombre des participants n'avait été que de 127, tandis que d'après les renseignements de M. le ministre de l'intérieur, il s'élève à peu près à 300.

Dans cette alternative, pouvions-nous prendre une décision ? La section centrale a fait ce que fera sans doute la Chambre : c'est de dire que le fonds spécial actuel doit être maintenu ; mais, comme l'a dit l'honorable ministre de l'intérieur, si, à la suite d'un examen ultérieur, il est prouvé qu'il est des hommes qui ont rendu réellement des services et qui ont été oubliés dans les récompenses, la Chambre ne se refusera jamais à allouer les sommes destinées à récompenser ces citoyens.

Quant aux décorés de la croix de Fer, la section centrale ne peut accepter non plus la proposition de l'honorable M. de Perceval ; elle s'est ralliée à celle de M. le ministre de l'intérieur, parce qu'elle a cru que la Chambre qui avait institué cette récompense nationale était aussi patriotique que celle au milieu de laquelle nous siégeons aujourd'hui ; qu'elle a pu apprécier aussi bien que nous ce qu'il fallait faire pour ceux auxquels elle accordait cette distinction.

Dans l'origine elle avait un caractère purement honorifique, car beaucoup de personnes qui avaient droit à la croix de Fer n'auraient pas voulu de pension. Quand elles se sont lancées dans le mouvement révolutionnaire, elles n'avaient d'autre mobile qu'un patriotisme des plus désintéressés, et auraient regardé comme une injure la récompense pécuniaire qu'on leur aurait offerte.

Au reste, la section centrale reconnaît qu'il faut venir en aide à ceux des décorés de la croix de Fer qui sont dans le besoin et qui n'ont pas la pension ; son désir est qu'on la leur accorde. Si les 15,000 francs d'augmentation que M. le ministre de l'intérieur demande ne suffisent pas, qu'on augmente cette somme jusqu'à concurrence de celle dont on peut avoir besoin ; car il entre dans la pensée de tous qu'on accorde la pension à ceux des décorés qui ont des titres à cette faveur, parce qu'il ne faut pas que des citoyens belges aussi honorables puissent gémir dans la misère. Voilà les idées qui ont dominé la section centrale et non pas celles que, par erreur sans doute, l'honorable M. Rodenbach. lui a attribuées.

M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai pas jeté de blâme sur la section centrale. Loin de moi cette idée. Mais, comme vient de le dire l'honorable rapporteur, les membres de la section centrale n'ont eu que peu de temps pour s'occuper de cette affaire ; le rapport a dû être fait verbalement à la Chambre. Mais, quoi qu'on dise, je suis convaincu qu'en dehors des 60 décorés qui auront une part dans les 15,000 francs, il y en a qui ont femme et enfants et qui sont au comble de la misère. Ce sont cependant des hommes qui ont reçu de légères blessures dans les combats de la révolution et qui ont plus ou moins de titres. Si les fonds de la caisse des secours ne sont pas suffisants pour secourir ces infortunés combattants de septembre, qu'on s'empresse d'augmenter le crédit en leur faveur.

Je l'ai déjà dit : dans tous les budgets il y a des allocations peur des personnes qui n'ont pas droit à la pension. Pourquoi ne pourriez-vous pas prendre une mesure semblable dans l'intérêt de ceux qui ont combattu pour la cause de l'indépendance, alors qu'ils sont dans une position gênée ?

Messieurs, quand j'ai parlé des intrigants d'antichambre, j'ai mis peut-être un peu de rudesse dans l'expression de ma pensée. Je maintiens cependant que chaque révolution a ses hommes du lendemain et que ceux-ci tirent presque tous les avantages de la révolution, tandis que des hommes qui ont défendu leur pays au péril de leur vie sont souvent oubliés ou peu récompensés. On remarque parfois dans l'armée, surtout en temps de guerre et en temps de révolution, que les militaires qui ont d'excellents états de services ne sont pas toujours les plus courageux. Et voilà ce qui m'a fait parler des intrigants d'antichambre.

Permettez-moi une comparaison : vous voyez très souvent d'honnêtes gens se mettre en voyage sans passeports, et ils sont souvent inquiétés, tandis que des hommes suspects sont presque toujours en règle. Eh bien, je dis que bien des fois on a vu dans les révolutions que les hommes du lendemain ont obtenu toutes les faveurs, alors qu'on oubliait ceux qui ont combattu vaillamment pour leur patrie.

M. Rogier. - Messieurs, j'ignore à quel propos l'on vient, à une si longue distance des travaux de la commission des récompenses, diriger contre elle une accusation aussi peu mesurée et aussi peu justifiée que celle que vient de réitérer l'honorable M. Rodenbach. Je ne (page 962) pense pas qu'à aucune époque et dans aucun pays, les services rendus dans des circonstances révolutionnaires aient été appréciés avec autant de bienveillance et d'équité, aient été généralement récompensés avec plus de libéralité. Il serait très difficile de citer une révolution aussi radicale que la nôtre qui ait laissé si peu de traces de mécontentement parmi les hommes qui y ont pris part. C'est donc à tort que l'on viendrait récriminer contre les Chambres qui représentent le pays. Les hommes de la révolution, en général, n'ont pas à se plaindre du pays...

- Un grand nombre de membres. - C'est très vrai !

M. Rogier. - En ce qui concerne les combattant, ceux qui ont été blessés sont tous, sans exception, admis à la pension.

S'il est des blessés dont les blessures sont constatées et qui n'ont pas de pension, eh bien, qu'ils se présentent et qu'ils en demandent ; sous aucun ministère on n'a jamais songé, je pense, à refuser des pensions aux blessés.

En second lieu, tous les blessés ont été, en principe, admis à la décoration de la croix de Fer ; de ce chef, ils jouissent aussi de la pension de 250 francs. Je sais qu'il est des blessés qui n'ont pas obtenu la croix de Fer, non parce qu'ils abandonnaient aux hommes du lendemain les antichambres du gouvernement provisoire qui, par parenthèse, n'en avait pas, mais parce qu'il y avait, pour les exclure de la décoration, des motifs tout personnels que je n'ai pas besoin de mentionner ici.

D'autres ont pu être, dans le grand nombre, oubliés ou omis ; mais, à mon avis, les blessés qui n'ont pas été décorés par suite de ces diverses circonstances devraient recevoir la pension de 250 fr., comme s'ils étaient décorés.

Voilà en général la position des blessés. Comme blessés, ils jouissent de la pension civique ; comme décorés de la croix de Fer, ils jouissent de la pension de 250 fr. et ceux d'entre eux qui occupent des fonctions d'un ordre inférieur en cumulent le traitement avec la pension de blessé et avec celle de décoré.

Ce cumul est une exception introduite et maintenue en faveur des hommes de la révolution, je ne crois pas qu'ils aient à se plaindre sous ce rapport.

Sans doute, tous les combattants n'ont pas été blessés, et tous les combattants n'ont pas été décorés ; mais il faudrait fermer les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître qu'un très grand nombre de combattants, d'hommes de la révolution qui n'ont pas été blesses ou décorés sont entrés dans les fonctions publiques.

A toutes les époques, sous tous les ministères, on s'est attaché à donner autant que possible des positions administratives aux hommes de la révolution. L'armée en compte un grand nombre. Nos chefs de corps, nos généraux même sont, pour la plupart, des hommes de la révolution ; dans la douane, au chemin de fer, dans les diverses administrations, on compte un grand nombre d'hommes de la révolution. On ne peut faire un reproche au pays de les avoir oubliés ; aussi avez-vous vu que les hommes de la révolution, en général, sont restés attachés à nos institutions et n'ont pas occasionné les embarras dont les gouvernements d'autres pays ont eu à souffrir.

Je rends hommage aux sentiments qui animent l'honorable M. de Perceval, je lui sais gré de la persistance qu'il met à se poser en défenseur des hommes de la révolution, je serais même prêt à m'associer à toutes les propositions destinées à réparer les injustices ou les omissions partielles qui peuvent avoir été commises ; il n'est personne de nous qui voudrait accepter la solidarité d'une omission ou d'une injustice. Si donc il est des hommes de la révolution qui soient dans le besoin...

M. Rodenbach. - Il y en a qui vont mendier.

M. Rogier. - Je sais que nous sommes parfois visités par des mendiants, mais ce sont des gens qui spéculent sur le patriotisme des membres de la Chambre ; il faut se garder de ces spéculateurs qui viennent après 27 ans faire appel au patriotisme des membres des Chambres sous prétexte d'injustice dont ils auraient été victimes et de réparation qui leur est due. Si ces individus ont des titres, qu'ils les fassent valoir ; et si ces titres sont fondés, on leur rendra justice.

Mais ces mendiants sont désavoués par la plupart de leurs camarades.

M. Rodenbach. - Je le sais !

M. Rogier. - Alors pourquoi les appuyez-vous ?

Il ne faut pas permettre qu'on abuse du mot patriotisme. S'il est des hommes qui, ayant combattu, non en paroles mais en action, peuvent fournir des preuves réelles de leur concours et sont dans le besoin, rien de plus juste que de les comprendre dans le fonds spécial des combattants. Si ce fonds est insuffisant, que le ministre de l'intérieur en demande l'augmentation, on l'accordera.

Je le répète, les blessés décorés jouissent en général de deux pensions et les blessés décorés qui sont en fonctions jouissent de leur traitement et des deux pensions, du moins pour les employés inférieurs ; pour quelques-uns même le traitement atteint encore un taux assez élevé.

Il est malheureusement impossible d'accorder des récompenses à tous les combattants en général. Ce n'est pas après 26 ans qu'on pourrait faire un pareil travail ; et malgré sa bonne volonté, M. le ministre de l'intérieur ne s'y engagera pas, et je ne pense pas que M. Rodenbach veuille aller jusque-là.

J'en reviens aux blessés non décorés. La commission des récompenses a siégé un an, elle a examiné tous les titres avec le plus grand soin. S'il est des blessés, et il y en a, qui n'aient pas pu être décorés à raison d'omissions involontaires ou de considérations particulières et qui se trouvent dans une position peu aisée, qu'on les assimile aux décorés pour la pension.

Je demande à M. le ministre si c'est dans ce sens qu'il se propose de faire emploi du fonds destiné aux décorés ; je voudrais qu'il en prît l'engagement, ce serait une catégorie nouvelle, participant à l'allocation. Mais la mesure serait parfaitement juste et n'entraînerait pas une forte augmentation de crédit.

Maintenant, en dehors de ces catégories, y a-t-il des hommes qui ont rendu des services spéciaux et signalés, et qui se trouvent dans une position malheureuse ?

S’il en est, qu'on propose en leur faveur des lois spéciales ; qu'ils se présentent, qu'ils fassent valoir leurs titres ; qu'on y fasse droit et que nous n'ayons pas chaque année à entendre accuser la représentation nationale d'ingratitude vis-à-vis des hommes de la révolution. Je considère ce reproche comme généralement injuste.

La représentation nationale n'est pas responsable des cas exceptionnels qui n'ont pas été soumis à son appréciation. Pour ceux-là, je le répète, que le ministre vienne faire des propositions spéciales à la Chambre, la Chambre ne se refusera pas à récompenser des services qui n'auraient pas été récompensés jusqu'ici, pourvu qu'on apporte des preuves respectables et qu'on n'écoute pas le premier venu qui se prétend oublié ou méconnu. Pour tout le reste, je m'associe aux sentiments qui ont Perceval.

M. de Perceval. - Tout en remerciant l'honorable M. Rodenbach de son patriotique concours, je dois cependant exprimer le regret que j'éprouve des récriminations intempestives qui lui sont échappées sans doute malgré lui, et qu'il a adressées au gouvernement et à la législature.

Quant à moi, je n'hésite pas à le proclamer bien haut, si j'ai embrassé la cause des citoyens patriotes qui, en 1830, ont contribué à fonder l'ordre de choses actuel, c'est que je veux honorer la révolution dans la personne de ceux qui l'ont faite.

Et je ne suis nullement, en traitant cette question, animé d'un vain désir de popularité. Si la popularité m'arrive, c'est bien ; mais je ne courrai jamais après elle, et surtout je ne lui sacrifierai jamais des idées que je crois justes et équitables.

Le fonds spécial aux blessés de septembre accuse au budget un chiffre de 22,000 fr. Mais ce que M. le ministre de l'intérieur n'a pas fait connaître, et ce qu'il importe à la Chambre de savoir, c'est qu'il faut déduire de ces 22,000 fr. une somme de 4,325 fr. pour frais divers et personnel, dont voici le détail :

Personnel de l'administration du fonds spécial, 1,500 fr.

Messagers, 636 fr.

Secours variables, frais d'enterrement, etc., 2,186 fr.

Total 4,322 fr.

Il faut donc défalquer cette somme des 22 mille francs. Dès lors vous n'avez plus à distribuer comme indemnités et secours que 18,000 fr. environ.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - 20,000 fr.

M. de Perceval. 20,000 fr., soit ! Je trouve cette somme insuffisante pour soulager d'honorables infortunes et pour venir au secours des blessés et des combattants dont les titres sont irrécusables, officiels cl qui ont été reconnus par la commission des récompenses nationale en 1834.

En voulez-vous un exemple ? Je tiens en main le dossier d'un combattant de septembre. Il a assisté aux combats de Dieghem, d Eppeghem et de Waelhem. Il a, de plus, été blessé au bras au Parc de Bruxelles. Savez-vous quelle indemnité on lui a accordée ? Pendant six mois il a été en instance et il a dû adresser deux requêtes au département de l'intérieur ; enfin, il y a quinze jours, il a reçu l'énorme somme de 10 francs ! N'est-ce pas honteux et dérisoire en même temps ? Je mets le dossier, messieurs, à votre disposition.

Le combattant dont je parle a le malheur d'être un citoyen extrêmement modeste, qui n'a jamais caressé le désir d'obtenir un signe distinctif, qui a pu se suffire à lui-même jusqu'à ce jour, à l’aide de son travail, et qui ne s'adresse au gouvernement que parce que la crise alimentaire pèse de tout son poids sur sa famille.

Et quelle est la récompense qu'il reçoit après avoir fourni des preuves incontestables du patriotisme qu'il a montré en 1830 On lui alloue une somme de 10 fr. !... De ce fait je tire la conséquence logique, que le fonds spécial est insuffisant, et pour remédier à ce déplorable état de choses, je dépose un sous-amendement.

La moyenne des secours que reçoivent les combattants et les blessés de septembre, ne dépasse pas 45 fr. par an. Est-ce là une récompense nationale ? Evidemment, non, et je suis convaincu que la Chambre est de mon avis.

Je propose donc d'augmenter d'une somme de 40,000 fr. le fonds spécial aux blessés de septembre, et d'en porter le chiffre à 62,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - La discussion est à peu près circonscrite dans la demande d'une augmentation du chiffre alloué pour je fonds spécial.

(page 963) Il faut se rendre compte de l'origine du fonds spécial : il a été créé primitivement par voie de souscription, au moment de la révolution. Lorsque ce fonds a été épuisé, la législature a accordé un chiffre normal pour remplacer ce qui venait à faire défaut du chef des souscriptions particulières. A qui est attribué le fonds spécial ? Aux blessés, mais à ceux qui ne tombent pas dans la catégorie des personnes blessées grièvement et à qui leurs blessures ont occasionné une incapacité de travail. Celles-ci ont reçu immédiatement la pension civique d'un franc par jour.

Le fonds spécial est donc réparti entre les personnes blessées légèrement. Dans l'origine, on a probablement admis avec assez de facilité cette catégorie de blessés, parce qu'ils avaient droit non à la pension, mais à un simple secours ; car l'on a même été très large aussi pour l'admission des blessés ayant droit à la pension.

Si je suis bien informé, on n'a pas accordé sur le fond spécial la pension de 250 fr. à des blessés qui n'étaient pas décorés. L'honorable M. Rogier assure que des exceptions ont été faites par lui à cette règle, et qu'il y a maintenant quelques blessés qui touchent cette pension.

Je sais qu'il y a des blessés qui touchent sur le fond spécial jusqu'à 300 fr. ; d'autres également en fort petit nombre qui y obtiennent un secours de 200 fr., parce que, bien qu'ils n'aient pas été blessés grièvement, ils ont des titres qui ont été vérifiés dès l'origine, sans qu'ils aient obtenu la décoration de la croix de Fer.

M. Rogier. - Ils doivent être assimilés aux décorés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je n'ai jamais entendu parler de l'application de ce principe.

Il me serait très difficile d'en accepter la responsabilité, et d'assimiler avec des décorés de la croix de Fer, certains blessés secourus sur le fonds spécial.

Quant à l'augmentation du chiffre du fonds spécial, je ne saurais, pour le moment du moins, m'y rallier. Je ne me refuse pas à examiner s'il peut être utile d'augmenter la somme de 22,000 fr. portée au budget pour le fonds spécial. Je suis d'avis que tous les services qui ont été rendus à la cause de la révolution doivent être convenablement récompensés.

C'est un titre d'honneur pour le pays, pour la législature et pour le gouvernement de le faire.

M. de Perceval. - Acceptez alors mon amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne le puis. Je ne connais même pas les calculs d'après lesquels il est proposé.

Messieurs, avant de terminer, permettez-moi de dire aussi un mot de la position faite aux hommes de la révolution. Déjà l'honorable M. Rogier en a parlé en termes éloquents.

Il ne faut pas laisser accréditer l'opinion que la Belgique a été ingrate envers les hommes de septembre. Comme l'a dit l'honorable M. Rogier, il n'y a pas de pays qui ait été plus reconnaissant pour les hommes de la révolution, et qui ait eu moins d'hommes du lendemain.

Messieurs, rappelons en quelques mots ce qui a été fait pour les hommes de septembre.

Dès 1830, au moment même de la révolution, une pension civique fut instituée pour ceux qui furent blessés grièvement dans les glorieuses journées de septembre. Un fonds spécial fut créé en faveur d'autres catégories de combattants.

Le gouvernement adopta, au nom de la patrie, les enfants de ceux qui furent tués dans les combats de la révolution. Il accorda des pensions et des secours aux veuves, aux mères, aux aïeux même des victimes. Il étendit sa sollicitude sur leurs familles, jusqu'à fournir des moyens d'établissement aux orphelins des hommes de la révolution.

En 1833, on institua la croix de Fer ; 1,094 hommes de la révolution reçurent cette distinction nationale.

En 1842, à cette distinction purement honorifique, on attacha 100 fr. de pension pour ceux qui étaient peu favorisés de la fortune.

En 1854, cette pension fut élevée de 100 à 250 francs.

L'année dernière, nous avons, dans un moment de générosité patriotique, accordé dix années supplémentaires de pension à ajouter à la pension ordinaire des hommes de 1830 qui ont été admis dans les administrations publiques.

Et, à ce propos, il est bon de faire remarquer que dans toutes les administrations, depuis le haut de l'échelle jusqu'au bas, dans toutes les fonctions, on trouve les hommes de la révolution. Partout le souvenir de 1830 a été glorieusement conservé par le gouvernement ; et quant à moi, quand il m'est possible, dans les mille détails de l'administration, de faire quelque bien aux hommes sortis des rangs de la phalange des combattants de la révolution, je me ferais un crime de ne pas les préférer aux autres, à parité de titres.

Ainsi, au nom de la Chambre, au nom du pays, je dois protester contre les accusations de ceux qui prétendraient que le pays s'est montré ingrat envers les hommes de 1830.

M. Orts. - Je ne crois pas qu'il soit entré dans l'intention de ceux qui ont fait entendre des réclamations en faveur des hommes de la révolution, d'accuser le gouvernement et le pays d'ingratitude envers eux. Mais tout le montre est convaincu que quelque soin qu'ait pris le gouvernement à toutes les époques, de se montrer juste et reconnaissant envers les hommes de la révolution, il a pu se glisser des erreurs dans l'appréciation des services rendus. L'honorable M. Rogier qui, mieux que tout autre, peut apprécier les hommes et les choses de 1830, a lui-même reconnu que des erreurs des omissions lui avaient été postérieurement signalées, qu'il avait cherché à les réparer, et qu'il pouvait encore en exister.

Dans ces derniers temps, des réclamations nombreuses ont surgi et ont été portées devant nous. M. le ministre de l'intérieur reconnaît qu'il peut y avoir quelque chose de fondé, au moins exceptionnellement, dans ces réclamations. Eh bien, pour qu'on en finisse une bonne fois avec ces réclamations qui, en définitive, sont douloureuses pour le pays, parce que la plupart d'entre elles sont peu justes, sont imméritées, M. le ministre ne pourrait-il prendre l'engagement, d'ici au budget de 1858 qui nous sera présenté dans le cours de cette session, d'opérer une sorte de vérification administrative sur le degré de réalité de ces plaintes qui sont nombreuses ? Ce serait un moyen de justification pour nous, et une preuve péremptoire à l'appui de ces protestations patriotiques qui se sont fait entendre tout à l'heure contre le reproche d'ingratitude adressé au gouvernement et à la Chambre belge.

L'honorable M. de Perceval a signalé un autre résultat fâcheux, et il veut le faire disparaître à l'avenir à l'aide de l'augmentation du crédit proposé.

L'honorable membre a constaté que ceux qui reçoivent des secours du budget dans les limites du crédit actuel, arrivent à une moyenne qui est évidemment trop minime. Ne l'oublions pas, d'après ce que nous a dit M. le ministre de l'intérieur, aux yeux du gouvernement même, les secours qui sont distribués dans les limites du budget, sont distribués des hommes qui y ont droit et qui en ont besoin. Or, leur accorder annuellement en moyenne 45 fr., c'est un secours dérisoire.

Il y a donc là encore quelque chose à faire. Si le chiffre proposé par l'honorable M. de Perceval est trop élevé en présence des besoins réels, il est incontestable que le chiffre actuel est inférieur à ce qu'il devrait être ! Eh bien, entre le chiffre actuel qui est un minimum par trop bas et le chiffre proposé par l'honorable M. de Perceval qui est peut-être un maximum exagéré, je n'en sais rien, M. le ministre de l'intérieur ne pourrait-il trouver une moyenne qui lui permît d'être juste sans aller au-delà de ce qui convient de faire en présence des finances du pays ?

Il y a là réellement quelque chose à faire. Le gouvernement devrait prendre une mesure pour mettre les secours au niveau des besoins ; il aurait ainsi le droit de dire à tout le monde que les plaintes qui se produisent sont injustes, qu'elles sont fondées sur des services exagérés et que la Belgique, comme toujours, a le droit de dire qu'elle est restée reconnaissante et juste envers les fondateurs de noire nationalité.

M. Rogier. - J'insiste en deux mots sur mes observations premières. En principe, tous les blessés avaient droit à la décoration. C'était la règle suivie par la commission des récompenses que j'ai eu l'honneur de présider. S'il en est qui n'ont pas obtenu la décoration, il semble juste au moins qu'ils jouissent de l'avantage pécuniaire attaché à la décoration. J'engage M. le ministre de l'intérieur à examiner jusqu'à quel point il peut les comprendre tous, sans exception, dans le crédit destiné à la pension de 250 fr. S'il y a une augmentation à demander de ce chef, j'engage M. le ministre à la demander. S'il lui est difficile dans le moment actuel de se prononcer, M. le ministre vient de manifester de si bons sentiments, qu'il ne refusera pas, j'espère, l'examen que je lui propose.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne me refuse pas d'examiner ; mais il m'est impossible de prendre l'engagement d'arriver à tel ou tel résultat.

M. le président. - La parole est à M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - M. le ministre de l'intérieur s'engage à examiner pour l'année prochaine ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Oui.

M. de Brouckere. - En ce cas je renonce à la parole.

- La discussion est close.


M. le président. - M. de Perceval retirant son premier amendement, nous n'avons plus qu'à voter pour l'article 49 que sur le chiffre proposé par le gouvernement.

« Art. 49. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires et des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; subsides à leurs veuves ou orphelins : fr. 170,000. »

- Adopté.


« Art. 50. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles : fr. 22,000. »

M. de Perceval a proposé de porter ce chiffre à 62,000 francs.

- La proposition de M. de Perceval n'est pas adoptée.

Le chiffre de 22,000 francs est adopté.

Chapitre XIII. Industrie

Discussion générale

(page 1001) C'est avec peine que je vois dans le rapport de la section centrale que l'on demande à réduire l'allocation en faveur de l'industrie linière, de manière à la faire disparaître dans peu de temps.

Je crois que cette proposition est due surtout au libellé vicieux de l'article.

Il y est dit que le subside de 80,000 fr. est destiné à venir au secours de la classe des tisserands et des fileuses. C'est une erreur. Il est très vrai que cette allocation a pris son origine dans la crise de l’industrie linière, crise qui, lors de la maladie des pommes de terre, a été extrêmement violenté dans les Flandres.

Les ministres de cette époque, l'honorable M. de Theux et surtout l'honorable M. Rogier, ont pris des mesures pour obvier aux grandes misères des Flandres, et parmi les mesures qui ont été adoptées, une des principales et des plus efficaces a été l'introduction des ateliers d'apprentissage.

Ces ateliers d'apprentissage peuvent être considérés comme constituant l'enseignement professionnel, le tissage des lins, laines, cotons, soie, etc., etc.

Eh bien, messieurs, permettez-moi quelques points de comparaison. Le gouvernement a fait beaucoup de sacrifices pour les écoles en général, en faveur des enfants de la classe ouvrière, surtout dans les villes. Eh bien, messieurs, là on a fait et l'on fait encore journellement des sacrifices très considérables ; nous avons d'abord l’enseignement primaire. Je ne critique pas, je fais une simple comparaison. Vous avez donc en premier lieu l'enseignement primaire. Certainement c’est là un enseignement des plus utiles, mais en définitive l’enseignement primaire et même l'enseignement moyen conduisent tout bonnement, quand on n'a pas d'autres ressources, à mourir de faim, tandis que l'enseignement professionnel procure aux jeunes gens des moyens d'existence pour l'avenir.

Le gouvernement subsidie encore des écoles industrielles, des écoles du génie civil, des cours publics au musée d'industrie de Bruxelles, les écoles des arts et manufactures et des mines à Liège, les écoles des beaux-arts, l'institut commercial, les écoles d'agriculture vétérinaire, agricoles et horticoles, militaires, des instruments aratoires, de navigation, etc. Voilà toute une série d'écoles que le gouvernement subsidie et entretient à grands frais, et presque toutes ces écoles se trouvent dans les grandes villes. Elles ont certainement un grand but d'utilité ; mais lorsqu'on fait tant de sacrifices pour les jeunes gens appartenant aux grandes villes, ne nous est-il pas permis de réclamer aussi quelque chose pour l'enseignement professionnel des enfants de nos ouvriers campagnards ? Remarquez, messieurs, que la plupart des sacrifices que fait le gouvernement sont dans l'intérêt des enfants appartenant aux classes aisées, à ceux qui jouissent d'une certaine aisance ; il est impossible, en effet, d'être admis dans la plupart des écoles que je viens d'énumérer, sans subir des examens préalables, c'est à-dire sans posséder des connaissances préliminaires qu'on ne peut acquérir qu'à grands frais, tandis que l'enseignement professionnel des campagnes a pour but principal de soustraire à la misère h s jeunes gens de la classe ouvrière et inférieure.

Ces ateliers d'apprentissage, messieurs, sont donc un bienfait immense pour les campagnes. Comme j'ai eu l'honneur de le dire, c'est l'honorable M. Rogier qui en a pris l'initiative, et permettez-moi de citer les paroles qu'il a prononcées en 1852 au sujet de ces ateliers dont on provoquait déjà la suppression. Répondant à l'honorable M. Osy qui avait qualifié le subside destiné à ces écoles, de prime à l'industrie, l'honorable M. Rogier disait :

« Les ateliers dont il s'agit constituent une sorte d'enseignement professionnel pour les ouvriers, pour les enfants d'ouvriers. D'après le compte rendu que j'ai distribué aux Chambres dans le courant de l'année dernière on a pu se convaincre des excellents résultats obtenus par l'établissement de ces ateliers d'apprentissage. »

Eh bien, messieurs, c'est certainement là le plus grand bien qu'on ait pu faire. Et aujourd'hui la section centrale espère que ce crédit pourra être insensiblement réduit, de manière à disparaître eu peu de temps ! Mais, messieurs, les mêmes motifs qui existent pour l'instruction primaire et pour toutes les autres écoles subsidiées par l'Etat existent pour l'enseignement professionnel.

Est-ce que les générations ne se succèdent et ne se renouvellent pas constamment ? Comment est-il admissible qu'on veuille supprimer l'enseignement professionnel qui est fait pour les classes pauvres, tandis que toutes les autres écoles resteraient en possession de leurs subsides ? Ces derniers subsides sont permanents ; ceux, au contraire, qui sont destinés à l'enseignement professionnel du tissage sont portés à la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

(page 1002) Je crois que c'est là une erreur et que cette erreur provient surtout de la rédaction vicieuse du libellé. J'appelle l'attention spéciale de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de modifier à l'avenir ce libellé dans ce sens-ci : « subsides pour l'enseignement professionnel du tissage. »

En effet, je ne vois pas pourquoi on supprimerait une allocation, indispensable aux classes populaires ; on s'apitoie sur le sort de ces classes, on veut les soulager de toutes manières ; je ne critique pas ; mais je ne comprends pas que, quand il y a moyen de procurer aux enfants des classes pauvres un état, grâce auquel ils pourraient un jour détenir des citoyens utiles et se soustraire à la misère ; je ne comprends pas qu'on voulût supprimer la plus utile de ces allocations, en maintenant toutes les autres.

Je demande donc que le gouvernement veuille examiner sérieusement s'il n'est pas indispensable de rendre permanente l'allocation destinée à l'enseignement professionnel.

Il n'est pas possible de continuer le système préconisé par la section centrale. A plusieurs reprises déjà on a fait la même proposition, proposition qui, ainsi que je l'ai dit, résulte de ce que l'allocation doit son origine à la grande crise alimentaire et linière des Flandres.

Mais on perd de vue que l'amélioration n'a plus la même destination, qu'elle a maintenant pour objet l'enseignement professionnel. Or, comme je l'ai dit, les générations se succèdent et se renouvellent, et il n'y a pas plus de motifs pour supprimer cet enseignement pour les classes indigentes que tous les autres enseignements subventionnés par le trésor.

Je bornerai là mes observations pour le moment.

(page 963) M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je dirai d'abord quelques mots au sujet de l'article 68 qui concerne le traitement de l'inspecteur et des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie.

La section centrale propose la suppression du comité consultatif ; elle maintient seulement le traitement de l'inspecteur et réduit ainsi le crédit à 3,000 fr.

Je regrette que la section centrale soit revenue cette année sur une question qui paraissait avoir été épuisée en 1856.

(page 964) La décision des affaires industrielles au département de l'intérieur a un côté administratif, mais elle a aussi un côté technique, et c'est sur cette dernière considération que je m'appuie, pour demander le maintien du comité consultatif.

Il est impossible que les employés ordinaires de l'administration prennent, en connaissance de cause, une détermination dans une foule d'affaires industrielles qui sont soumises à la décision du ministre de l'intérieur, parce que, pour se prononcer à cet égard, il faut absolument des connaissances techniques.

Or, c'est là le but de la mission que remplit le comité consultatif. Avant l'institution du comité en 1841, nous avions, mais sous un autre nom, ce cerne élément dans l'administration : il y avait deux aviseurs qui coûtaient à peu près autant que le comité qu'on a établi depuis.

En France, il existe aussi un comité consultatif des arts et manufactures ; et je suis persuadé que si je connaissais en détail les budgets des autres pays, je rencontrerais ce même élément dans les administrations centrales de tous les pays.

Y a-t-il, cette année, des motifs particuliers pour supprimer le comité ? Je n'en vois pas, pour ma part. La section centrale en articule cependant. Elle déclare qu'aujourd'hui le comité est inutile parce qu'il n'intervient plus pour les brevets.

Il est bien vrai que, d'après la nouvelle loi sur les brevets, l'administration n'est plus chargée de l'examen à fond des brevets. Mais chaque brevet n'en doit pas moins faire l'objet d'une vérification ; il faut s'assurer si les plans en sont dressés sur l’échelle métrique, si la description en est exacte. Remarquez qu'il en faut faire, en outre, une analyse pour la publication du brevet dans le Recueil officiel. Ce sont toutes opérations qui doivent être faites par des personnes ayant des connaissances techniques. Un employé du service ordinaire serait tout à fait incapable de faire ces vérifications et ces analyses.

Si l'on ne doit plus faire l'examen à fond des brevets, comme autrefois, en revanche le nombre des brevets qu'on demande a atteint des proportions considérables. Jadis on sollicitait 100 brevets au plus ; aujourd'hui on en sollicite jusqu'à 1,600, de manière que la besogne, loin d'être diminuée, s'est réellement accrue depuis un certain nombre d'années.

Le comité est encore devenu inutile, au dire de la section centrale, parce qu'il n'intervient plus pour la police des établissements insalubres ou dangereux.

C'est une erreur : le comité intervient encore pour chaque demande d'autorisation eu exploitation d'un établissement dangereux ou insalubre, ainsi que pour chaque demande en maintien d'autorisation ; ces autorisations ne s'accordent par le gouvernement, s'il y a lieu, qu'après un double examen fait, par le comité consultatif, au point de vue industriel, et par le conseil d'hygiène, au point de vue de la salubrité.

Il n'y a qu'une partie des attributions du comité consultatif qui ait réellement disparu, c'est l'examen des machines ou métiers perfectionnés dont on demande l'entrée en franchise de droit. Cela, du reste, constituait une partie peu importante de ses attributions. Le travail auquel le comité est obligé de se livrer est aussi important qu'il l'a jamais été. Le comité se réunit trois fois par semaine ; il examine un très grand nombre d'affaires, sur chacune desquelles, il doit rédiger un rapport, parfois fort détaillé, pour éclairer l'administration.

N'oublions pas que le comité est consulté très souvent par le département des finances pour des difficultés techniques que présente l'application de notre législation douanière. Presque tous les jours des affaires de ce genre me passent par les mains. Depuis quelque temps, un autre genre de questions se présente à son appréciation, ce sont celles que soulève l'exécution de l'article 40 de la loi de 1846 relative aux entrepôts.

La Belgique est entrée dans une voie nouvelle ; on permet maintenant l'entrée de matières premières à charge d'exportation. Le bénéfice de cet article 40 est réclamé par plusieurs industries, les demandes doivent être renvoyées à l'examen de ce comité. Les rapports qu'il fait se font remarquer par une grande intelligence des questions qui lui sont soumises.

Il me serait donc impossible de consentir à la suppression de ce comité. C'est là une question de responsabilité ministérielle. Il est impossible que le ministre s'occupe lui-même de toutes les questions qui sont du ressort de ce comité, et que, sans le concours d'hommes spéciaux, il les résolve convenablement.

(page 969) M. Vermeire. - Messieurs, à l'occasion de la discussion du chapitre XIII du budget de l'intérieur, je désire présenter quelques observations. Je ne proposerai pas d'amendement aux chiffres des allocations demandées par le gouvernement, mais je recommanderai à l'attention de M. le ministre de l'intérieur les observations que je me permets de soumettre à la Chambre.

Il y a, à l'article 68, un libellé : traitement de l'inspecteur et des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie, 7,600 fr. M. le ministre-vient de vous faire connaître quelles sont les attributions de ce comité. Si ces attributions sont aussi importantes, ce ne serait pas 7,600 fr. qu'il faudrait accorder, mais une somme beaucoup plus forte.

Je pense qu'il y a de l'exagération dans ces appréciations ; je ne saurais donc être d'accord avec M. le ministre de l'intérieur quand il croit qu'on doit maintenir les 3,000 fr. dont la section centrale propose la suppression ; car ce qui constituait la plus grande partie de la besogne de ce comité, c'était l'examen des demandes ayant pour objet d'introduire dans le pays, en franchise de droits, les machines et les métiers perfectionnés, demandes sur lesquelles il y avait souvent des contestations avec la douane ; or, cette loi étant abrogée, le comité n'a plus à connaître de ces questions.

L'examen des demandes de brevets l'occupaient aussi ; mais depuis la promulgation de la loi nouvelle, le comité n'a plus à examiner si les brevets sont demandés à tort ou à raison ; car les brevets étant concédés aux risques et périls des demandeurs, tout examen préalable est interdit au gouvernement.

Si, donc, le gouvernement se livre à une instruction préalable sur une demande de brevet, et qu'il ne l'accorde qu'en vertu de cet examen, il paraît lui donner une valeur que celui-ci ne comporte point, les droits acquis des tiers devant toujours être respectés dans ces sortes de concessions.

A l'article 69, on demande une augmentation de trois mille francs pour rétribuer deux sous-chefs à l'institut supérieur de commerce d'Anvers.

Je ne sais pas ce que l'institut commercial d'Anvers a de Commun avec l'industrie. L'enseignement industriel serait-il confondu avec l'enseignement commercial ? Cette augmentation ne me parait pas suffisamment justifiée par le rapport de la section centrale.

Cette augmentation me semble d'autant moins justifiable, que l'institut d'Anvers existe depuis plusieurs années et que, sans cette augmentation, il a, dans le passé, donne de bons résultats ; il n'y a donc, d'après moi, aucun motif d'allouer ce surcroît de dépense.

A l'article 71, je trouve : Subside en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses, distribution de métiers, etc., 80,000 fr.

Cette allocation vient d'être défendue par mon honorable collègue, M. Vander Donckt. Je regrette de ne pouvoir me rallier aux considérations qu'il a fait valoir. Il me semble qu'on demande trop ou trop peu.

En effet, ces 80 mille francs sont demandés, d'abord, pour l'industrie linière ; en second lieu, pour les tisserands et les fileuses ; ensuite pour la distribution de métiers, et, enfin, il y a un et cœtera dont je ne connais pas l'importance.

Je ne sais s'il peut résulter quelque avantage de ce subside pour l'industrie linière.

Je conçois que, en 1847, quand l'industrie linière avait considérablement perdu de sa valeur par suite de l'introduction de la filature à la mécanique ; à cette époque où. une disette affreuse sévissait sur les Flandres, je conçois, dis-je, qu'on ait pu alors accorder des subsides pour venir en aide à la classe malheureuse ; mais je ne pense pas que l'allocation de 80 mille francs qu'on demande aujourd'hui soit utile, il me paraît même qu'elle doit former obstacle au développement des industries privées, qui se créent et qui prospèrent sans l'intervention du gouvernement.

Du reste, les ateliers d'apprentissage qui existent encore au moyen de ces subsides, n'y trouveront pas un aliment assez substantiel et ne peuvent manquer de mourir bientôt. Il me paraît donc inutile de prolonger inutilement leur agonie ; et, pour ce motif, j'engage le gouvernement à examiner la question de savoir si, au point de vue de l'intérêt général, il ne conviendrait pas de supprimer ces allocations.

(page 964) M. Boulez. - Messieurs, je viens appuyer brièvement les observations que vient de faire mon honorable ami M. Vander Donckt, relativement aux subsides des ateliers d'apprentissage ou écoles professionnelles et combattre celles de M. Vermeire.

Ces institutions contribuent considérablement à perfectionner et à développer l'industrie du tissage dans le pays, non seulement de la toile, mais de toutes espèces de tissus, procurant des ressources à la classe moyenne et indigente des habitants des Flandres.

Car, veuillez remarquer, messieurs, que les enfants (autrefois vagabonds) dès l'âge de 11 ans, trouvent à s'occuper à un travail utile et lucratif pour leurs parents, et lorsqu'ils sont parvenus à un âge plus avancé, ils peuvent se créer une position honorable et s'établir avantageusement par les connaissances qu'ils ont acquises dans ces ateliers. Il serait à désirer que le gouvernement donnât une plus grande extension à ces établissements dans l'intérêt de notre industrie et de notre commerce, et qu'on puisse les joindre aux écoles primaires, car, veuillez le remarquer, messieurs, pour fabriquer les tissus compliqués, il faut savoir lire, écrire et calculer. Nous avons dans la commune de Deerlyk, arrondissement de Courtrai, une école primaire et un atelier, nouvellement construits, où l'instruction scientifique et l'industrie du tissage sont réunies et font des progrès remarquables. Cette commune était une des plus pauvres de l'arrondissement, et actuellement, il n'y existe plus un seul mendiant, grâce à cette industrie ; maintenant qu'on est parvenu à fabriquer toutes espèces de tissus, tant en toiles qu'en étoffes de soie, laine, coton et étoffes à pantalons pour l'exportation, il est à prévoir qu'avant quelques années nous parviendrons à soutenir la concurrence contre les fabriques de Roubaix et de Tourcoing.

Il est donc vivement à désirer que le crédit à allouer pour ces institutions soit augmenté et qu'il reste permanent, car je considère cette dépense aussi utile pour la classe ouvrière (qui est le plus grand nombre) que les fonds que le gouvernement consacre annuellement pour l'instruction en général, et c'est le seul moyen d'extirper le paupérisme dans les Flandres.

(page 1002) >M. Vander Donckt. - Je ne puis laisser passer sous silence les paroles que vient de prononcer mon honorable collègue M. Vermeire, et je suis douloureusement affecté quand je remarque que c'est toujours de ce malencontreux arrondissement de Termonde, de ces localités les plus florissantes des Flandres, que nous viennent ces oppositions si peu fondées, si peu rationnelles, contre l'institution des ateliers d'apprentissage qui a porté les plus heureux fruits. Je suis heureux de voir que l'honorable ministre de l'intérieur, qui appartient à ces localités, ne partage pas l'opinion de ses collègues à cet égard. Je lui rends volontiers justice sur ce point. Je dois cependant le lui dire, c'est parce que le libellé est mal rédigé qu'on revient toujours sur les encouragement» accordés à l'industrie linière ; car il ne s'agit pas de cela, puisque la somme est répartie entre les divers ateliers d'apprentissage pour le tissage non seulement du lin, mais de la soie, de la laine, du coton, de» tissus mélangés, des printanières, et comme vient de le dire mon honorable collègue, de tous ces tissus au moyen desquels nous faisons concurrence aux articles de Roubaix.

Je le répète, les subsides que le gouvernement accorde à la classe pauvre, pour les enfants des ouvriers de nos campagnes sont certainement les plus utiles. Ceux qui se justifient le mieux, puisque, en stricte droit, le gouvernement ne devrait venir en aide qu'à ceux qui ne peuvent pas, au moyen de leurs propres ressources, faire ce qui est nécessaire pour se créer une industrie ou un état.

Au moyen des subsides par lesquels le gouvernement est venu à notre secours, nous avons réussi à introduire les méthodes perfectionnées, à apprendre à travailler à façon sur échantillon, de manière à faire un travail uniforme, à faire de la toile qui peut soutenir la concurrence avec les toiles anglaises et que nous exportons aujourd'hui en Angleterre et même dans les colonies anglaises.

Si l'on ne s'était pas appliqué à former de bons ouvriers, il eût été impossible de maintenir l'industrie dans le pays.

On dit, on a répété plusieurs fois : Maintenant que cette crise est passée, il est temps d'en finir avec les subsides. Mais ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, les générations se succèdent. A mesure que les jeunes gens deviennent capables d'apprendre un état, les ateliers d'apprentissage leur en procurent le moyen par lequel ils peuvent, pour le reste de leurs jours, pourvoir à leur existence.

Pour le moment, je ne fais pas de proposition formelle, mais j'engage le gouvernement à changer le libellé de cet article et à proposer ce crédit comme allocation permanente au budget.

(page 964) M. Rodenbach. - Il y a quelques années, lors de l'époque calamiteuse que nous avons traversée, l'allocation pour les ateliers d'apprentissage s'élevait à 130,000 fr. Le fait est que ce subside a rendu un immense service à la population exubérante des Flandres, qui ne trouvait pas de quoi s'occuper dans ce temps-là. Il a bien fallu l'encourager par des subsides qu'on trouve énormes.

On a réduit ce subside d'année en année. C'est à tel point qu'il ne s'élève plus qu'à 80,000 fr.

Ces 80,000 fr. ne sont pas accordés à l'industrie linière. Cette industrie va très bien. Elle reçoit de nombreuses commandes. Mais il y a autre chose. Il y a les ateliers d'apprentissage et même de perfectionnement. C'est pour ces ateliers qu'on alloue une bonne part sur le crédit de 80,000 fr. qu'on porte au budget.

Figurez-vous qu'avec cette somme le gouvernement accorde des subsides à 48 ateliers dans la Flandre occidentale, à 32 ateliers dans la Flandre orientale et à 3 dans le Hainaut.

Messieurs, ces 80,000 fr. sont surtout destinés à apprendre un métier, à apprendre le tissage à ces populations vagabondes qui allaient mendier de village en village ; et c'est là un grand bienfait pour un pays aussi peuplé que les Flandres eu égard à l'étendue de leur territoire.

Messieurs, lorsque nous jetons un coup d'œil sur le budget, nous voyons que nous dépensons par année pour les athénées royaux 300,000 francs et pour les écoles moyennes 200,000 francs, et bien souvent encore on demande des suppléments. Il en est de même pour l'instruction primaire ; là encore et toujours on demande des augmentations de subsides alors que ce serait aux provinces et aux communes à soutenir ces établissements d'instruction.

C'est donc plus d'un demi-million que nous consacrons à développer l'intelligence. Je sais que l'instruction est nécessaire, mais je dois dire aussi qu'il faut, avant tout, tenir compte des réalités de la vie. Il faut, avant tout, que l’homme parvienne à gagner sa vie, et lorsqu'un malheureux n'a pas de quoi apprendre un métier, il faut qu'il soit secouru. Sans doute des personnes charitables viennent au secours des classes malheureuses, mais nous avons eu beaucoup de misères, les efforts de la charité privée s'épuisent et il faut que le gouvernement fasse quelques sacrifices. Les services qu'il rend sont considérables eu égard au chiffre dépensé.

Je ne demande pas le maintien de ce subside, je le répète, pour l'industrie linière ; je le demande pour diminuer le vagabondage, et ce but est en grande partie atteint par les ateliers.

Comme depuis quelque temps nous avons le bonheur de voir diminuer plus ou moins le prix des denrées alimentaires, notamment des céréales, j'espère que bientôt les Flandres arriveront au même degré de prospérité que d'autres provinces. Je voterai donc pour le chiffre de 80,000 francs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, les honorables MM. Vander Donckt et Vermeire ont présenté des observations dans un sens contraire relativement au crédit pour l'industrie linière et la classe des tisserands et des fileuses. Dans ce crédit se trouvent compris les ateliers d'apprentissage et de perfectionnement.

Je crois que la vérité est entre les opinions exprimées par ces deux honorables membres. L'honorable M. Vander Donckt a voulu prouver, une fois déplus, l'utilité des ateliers d'apprentissage. Mais il demande que le crédit, de temporaire, devienne permanent. Or, autant j'approuve la pensée de la création d'ateliers d'apprentissage comme mesure temporaire, autant j'abonderai dans le sens des observations de mon honorable ami M. Vermeire, pour critiquer la permanence de ces institutions.

Messieurs, de l'aveu de toutes les personnes compétentes dans les Flandres, les ateliers d'apprentissage ont rendu d'immenses services. Il est reconnu que tous les tisserands qui se sont perfectionnés dans (page 965) ces ateliers d'apprentissage ont du travail et du travail parfaitement rémunéré. On peut dire que les bons tisserands font encore défaut, à l’heure qu'il est, dans les Flandres. Partout où il y a de bons tisserands, ils sont sûrs d'avoir du travail et un prix rémunérateur de leur travail. Cela est tellement vrai, qu'une concurrence s'est établie et que ces tisserands non seulement ont surabondamment du travail à l'intérieur du pays, mais qu'ils en trouvent, à d'excellentes conditions, au-delà des frontières.

Pour ma part, messieurs, j'ai saisi toutes les occasions qui se sont offertes pour satisfaire au vœu exprimé par différentes communes des deux Flandres dans le but de voir s'établir des ateliers d'apprentissage là où il n'en existait pas encore ; mais toujours à l'état temporaire. Ainsi une partie du crédit de 1,500,000 francs qui a été accordé l'année dernière au gouvernement pour venir en aide aux classes nécessiteuses, a été employée par moi à aider, sons forme de frais de premier établissement, à la création d'un certain nombre d'ateliers d'apprentissage dans les deux Flandres.

Mais, comme je viens d'avoir l'honneur de le dire, le danger naîtrait du moment où l'on voudrait, d'une manière permanente, créer une espèce de concurrence officielle au travail libre. Ces institutions ont eu leur mission temporaire, leur but d'utilité, lorsqu'il s'est agi de transformer quelques-unes de nos industries, lorsqu'il s'est agi d'introduire dans nos Flandres d'autres industries encore que celles qui y étaient connues de temps immémorial.

La transformation de l'industrie linière d'une part, l'introduction de quelques industries nouvelles d'autre part, ont été un bienfait peur les Flandres. Mais l'intervention du gouvernement ne peut être permanente ; il faut qu'elle cesse avec les circonstances qui l'ont fait naître, et c'est dans ce sens que le gouvernement agit.

Car déjà j'ai cessé d'accorder des subsides à une dizaine d'ateliers d'apprentissage, parce que, dans les localités où ils se trouvaient, ce stimulant n'était plus nécessaire, et que, dans ces localités, soit par l'apprentissage fait dans ces ateliers, soit par la distribution d’instruments perfectionnés, il y avait déjà un noyau de bons tisserands. J’ai trouvé convenable de consacrer les fonds disponibles à introduire, dans des localités qui n’avaient pas encore joui de ce bienfait, l’organisation d'autres ateliers d'apprentissage.

Ainsi, si d'une part, je ne suis pas d'accord avec mon honorable collègue et ami, M. Vermeire, relativement à des ateliers d'apprentissage, d'autre part, je ne voudrais pas non plus satisfaire au désir de l'honorable M. Vander Donckt, qui voudrait rendre le crédit permanent.

Quant à la rédaction du libellé, il n'y est pas dit qu'il s'agit de secours en faveur des tisserands flamands ; il s'agit d'un subside en faveur de l'industrie linière et des tisserands en général. Je sais bien que ce n'est pas en faveur de cette seule industrie que ces subsides sont accordés ; mais c'est le libellé qui a été adopté dès l'origine, et je ne vois pas qu’il y ait nécessité de le modifier. Cette question est sans importance.

L’honorable M. Vermeire a parlé aussi de l’enseignement industriel et à ce propos, il a critiqué l’augmentation de 3,000 fr. proposée par le gouvernement pour l’institut commercial d’Anvers.

Messieurs, l'institut commercial d'Anvers est un établissement dont personne ne conteste l'utilité. Personne ne peut non plus contester la réalité des résultats heureux produits par cette institution. Nous en trouvons la preuve dans le nombre toujours croissant d'élèves qu'y envoient toutes nos provinces et tous les pays du monde. Nous en trouvons encore la preuve dans ce fait récent, que l'institut commercial d'Anvers est déjà cité aujourd'hui et accepté comme modèle dans d'autres pays.

Pourquoi ces 3,000 fr. en plus ? Parce qu'on avait constaté l'insuffisance du bureau de commerce. Il a fallu créer deux places de professeur pour la comptabilité et pour la correspondance, deux branches essentielles de l'enseignement commercial.

Ces branches, quoique très distinctes de leur nature, avaient été enseignées jusqu'à présent par un seul professeur, homme très distingué, mais qui ne pouvait évidemment suffire à lui seul à cet enseignement pour tant d'élèves. Il a donc fallu subdiviser ce bureau, et l'on a créé deux places de sous-chefs au bureau du commerce, l'une pour la comptabilité, l'autre pour la correspondance.

On a été d'autant plus empressés de créer ces deux places, qu'on avait sous la main deux hommes convenant parfaitement pour remplir ces fonctions, ce qui ne se présente pas toujours, car le succès de ces sortes d'établissements dépend presque toujours du personnel ; presque toujours ces institutions sont bonnes ou mauvaises dans leurs résultats d'après le choix heureux qu'on a pu faire du personnel dirigeant et enseignant.

La section centrale, messieurs, a proposé de supprimer dans le libellé de l'article 70 les mots : frais d'expertise des machines pour lesquelles on réclame l'exemption des droits d'entrée. En effet ces mots ne devront pas être maintenus pour l'avenir.

M. de Smedt. - J'imiterai la prudence de M. le ministre de l'intérieur ; je ne me prononcerai pas non plus sur l'utilité indispensable des ateliers d'apprentissage. J'ai demandé la parole pour appuyer le subside, non pas pour les ateliers d'apprentissage, mais pour les ateliers de travail. Nous avons dans nos campagnes de petits comités qui ont des écoles et qui font travailler. C'est là le grand moyen pour extirper la mendicité.

Mais j'ai aussi demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Vermeire venir chanter un De profundis sur le filage à la main. Cette industrie n'est pas morte ; elle vit encore un peu et elle est très utile pour le travail des campagnes ; je dois même déclarer avec plaisir que ce filage reprend. On commence encore à faire de bonnes toiles comme on en faisait anciennement, et pourquoi ? Parce que le consommateur demande de bonnes toiles comme autrefois ; et comme il y a beaucoup de demandes, le travail reprend. Dans beaucoup de communes les familles recommencent à filer et gagnent un bon salaire. Car lorsque dans une famille plusieurs membres peuvent gagner de 50 à 60 centimes par jour, cette famille peut vivre.

L'honorable M. Vermeire s'est donc trop hâté de chanter un De profundis sur cette belle industrie.

Messieurs, les subsides qui ont été accordés l'année dernière ont été fort utiles. Malheureusement dans plusieurs endroits l'application qu'on en a faite a laissé à désirer. Je voudrais, quant à moi, qu'on laissât la liberté du travail aux communes qui demandent des subsides. Les communes, les comités de charité, les comités de bienfaisance, les administrations doivent savoir ce qui est le plus utile pour la commune. Voici pourquoi je fais cette observation. Il est à ma connaissance qu'une commune a demandé un subside pour donner du travail aux pauvres. Elle demandait à en appliquer une partie à l'industrie dentellière et une autre au filage à la main. Le commissaire de district a répondu : Nous voulons bien accepter votre demande pour ce qui concerne l'industrie des dentelles, mais nous ne voulons pas l'accueillir en ce qui concerne le filage à la main.

J'ai trouvé cela fort étrange, surtout dans un pays où l'on file beaucoup ; c'est là purement et simplement du despotisme et j'appelle sur ce fait toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur. Certainement cela n'est pas conforme à sa manière de voir.

Tout à l'heure l'honorable M. Boulez nous a fait voir l'utilité des ateliers de travail. On y a introduit, messieurs, toute espèce de nouvelles fabrications et nous faisons de très grands progrès. Ainsi, Mouscron fait maintenant les articles de Roubaix et de Tourcoing et les Français viennent acheter les produits de Mouscron. La seule chose qui manque à cette localité, c'est l'eau.

J'appuie, messieurs, le maintien du subside ; il sera très utilement employé.

(page 969) M. Vermeire. - Messieurs, je ne désire faire qu'une simple observation. Je remercie M. le ministre de l'intérieur de la déclaration qu'il a faite, à savoir, que le crédit dont nous nous occupons en ce moment ne restera pas inscrit d'une manière permanente au budget et qu'il en sera effacé aussitôt que les circonstances le permettront.

Je crois, messieurs, que ces circonstances sont arrivées ou bien près d'arriver.

Lorsqu'on décompose le chiffre de 80,000 fr., il reste bien peu de chose pour encourager l'industrie. En effet, ces 80,000 fr. sont accordés pour l'industrie linière, pour des subsides aux tisserands et aux fileuses, pour des distributions de métiers, etc., pour des subsides aux ateliers d'apprentissage établis avec le concours du gouvernement.

Eh bien, dans la supposition que les ateliers d'apprentissage ne reçussent que le tiers de la somme pétitionnée, chacun d'eux obtiendrait environ 300 fr. par an. Cette somme est trop peu importante pour constituer un encouragement réel à l'industrie linière. Mais n'en fût-il pas ainsi, il n'en est pas moins vrai que tout subside accordé à une industrie, au détriment d'une autre industrie ; brise l'équilibre qui a existé entre elles et entrave l'industrie privée.

Il en a été ainsi dans une commune de mon arrondissement, où un atelier d'apprentissage subsidié par le gouvernement est venu se heurter contre l'industrie privée qui s'est retirée de la lutte... (Interruption.)

Il y a des ateliers dans la Flandre occidentale dont les propriétaires désirent se défaire, et qui, pour trouver plus facilement un acheteur, font valoir les subsides accordés par le gouvernement. (Interruption.)

Quand on voit se produire de pareils faits, je crois qu'il est temps que le gouvernement cesse d'intervenir dans le domaine des intérêts privés.

(page 965) M. de Haerne. - Messieurs, si les abus que vient de signaler l'honorable M. Vermeire étaient réels, surtout s'ils s'étendaient sur une échelle un peu considérable, je me rallierais à lui pour m'élever contre le subside ; mais s'il n'y a que quelques abus exceptionnels, chose possible, il faut tâcher de les supprimer et ne pas retirer un subside dont l'utilité, en général, ne saurait être contestée.

On s'imagine, messieurs, que les subsides dont il s'agit sont accordés à des particuliers et qu'ils permettent à ceux qui les reçoivent de faire concurrence à l'industrie privée. Si cet abus existait dans quelques endroits, il faudrait que le gouvernement le fît cesser ; mais en général ce sont des comités communaux qui reçoivent les subsides du gouvernement à l'effet de créer des établissements ou bien d'augmenter le nombre des métiers, ou bien encore d'organiser la direction ou l'apprentissage sous la surveillance d'un contremaître rétribué ; alors la fabrication se fait pour compte privé, en ce sens que l'un ou l'autre industriel, établi dans la localité, fait travailler dans l'atelier.

Souvent on s'adresse à deux ou trois fabricants ; il résulte de là que le subside est un encouragement accordé à la commune, pour l'aider à créer un atelier dans son sein. Cela ne peut donc faire concurrence à l'industrie privée.

Quel doit être le caractère des établissements de ce genre ? Selon moi, la règle exposée par M. le ministre de l'intérieur est bonne : il faut que l'administration tende à rendre, autant que possible, ces institutions privées. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Les ateliers subsides par le gouvernement sont communaux ; il faut tâcher de les rendre purement communaux ; à la longue, on y parviendra, lorsqu'ils pourront se passer de l'appui de l'Etat.

Il faut ensuite que les communes se dégagent aussi de cette charge en cédant les ateliers à des particuliers, comme il y en a déjà des exemples.

Dans le temps, des comités se sont formés pour l'encouragement du tissage et du filage à la main ; plusieurs de ces comités sont cédés aujourd’hui à l'industrie privée ; je me suis mêlé moi-même de quelques-uns de ces comités, qui sont aujourd'hui entièrement abandonnés à des particuliers.

C'est le but que j'ai toujours cherché à atteindre. Pour ma part, j'ai la conviction que ces institutions marchent mieux lorsqu'elles sont confiées à des particuliers.

Quant à l'application future du subside, je ne voudrais pas dire qu'il faudra en peu de temps diminuer les chiffres du crédit. Je sais qu'on peut abandonner certains comités à l'industrie privée ; mais il est des localités où des besoins incontestables se font encore sentir ; il en est d'autres où des besoins nouveaux se manifestent.

Je signalerai notamment une ville-frontière, la ville de Menin. Cette ville a demandé un subside pour ériger un atelier d'apprentissage. On y compte un millier d'ouvriers qui se rendent tous les jours de Menin et des environs en France, et qui reviennent le soir.

Vous comprenez qu'il est de l'intérêt de la localité de fixer cette (page 966) population mobile ; et comment la fixer ? Par l'érection d'un atelier d'apprentissage. C'est le meilleur moyen de conserver ces ouvriers dans le-pays et de les moraliser. Il y a donc là un but moral et un but industriel. C'est à ce double point de vue que je| demande le maintien du subside.

Un mot maintenant pour ce qui regarde le filage à la main. Cette industrie, prise en général, n'a jamais été une industrie isolée ; elle a été, il est vrai, une industrie spéciale dans certaines localités des Flandres, c'est-à-dire qu'elle a constitué dans ces endroits, pour une certaine classe de personnes, un moyen unique d'existence. Mais ce n'était pas la règle générale ; le filage à la main a été dans les Flandres une occupation subsidiaire à l'agriculture ; pourquoi ? Pour remplir les moments vides des occupations agricoles ; sous cette forme, l'industrie dont il s'agit existe encore, elle se développe même dans certaines localités, comme l'a dit l'honorable M. Desmet, et je suis convaincu qu'en se mariant à l'agriculture, elle ne périra pas entièrement, car elle est profondément enracinée dans les habitudes des Flandres, et serait très difficile à remplacer dans ses rapports avec les travaux des champs. Si le Flamand était moins laborieux, depuis longtemps cette manutention aurait été abandonnée au milieu de la crise qu'elle a subie précédemment ; mais comme on préfère travailler, si peu qu'on gagne, plutôt que de ne rien faire, on a continué ce travail comme secondaire.

Je pourrais vous citer des industriels qui ont encore aujourd'hui jusqu'à 1,500 fileuses qui travaillent pour leur compte. Ces ouvrières ne travaillent pas constamment, parce que, habitant la campagne, elles se livrent aux travaux agricoles, et dans les moments où les travaux de la campagne chôment, elles s'occupent du filage. Celte industrie, loin d'être morte, donne d'assez beaux salaires. C'est une garantie de plus en faveur de son maintien.

C'est une question qui ne doit pas être tranchée systématiquement. Aussi longtemps que ce produit sera demandé d'une manière spéciale, il est évident qu'il se confectionnera.

Ou ne doit pas plus abandonner le filage à la main, à cause du progrès de la filature mécanique, qu'on ne doit renoncer au tissage à la main, à cause du progrès que fait le tissage à la vapeur. Il faut marcher avec le progrès ; mais en conservant les spécialités demandées par le consommateur.

Le subside a été encore attaqué pour ce qui regarde certaines applications spéciales qu'on en a faites en dehors des ateliers d'apprentissage. Pour ma part, je crois que le crédit a reçu en général une application utile. Aussi, voterai-je pour le maintien du chiffre actuel, à moins qu'on ne me démontre par des faits précis et bien établis qu'il peut être diminué. Mais je répète que, si d'un côté certains besoins ont cessé, des besoins nouveaux se sont révélés d'un autre côté ; el il faut envisager la question dans son ensemble.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je remarque que la plupart des orateurs qui combattent l'existence des ateliers modèles n'en connaissent pas bien l'organisation. C'est ainsi que l'honorable M. Vermeire dit que parfois l'établissement d'un atelier dans une commune fait concurrence à l'industrie privée et que, par conséquent, les subsides du gouvernement, au lieu d'être utiles, deviennent nuisibles. Je ne sais s'il existe encore des ateliers de cette espèce ; mais un atelier modèle, pour être organisé conformément aux principes, doit être purement et simplement une école d'apprentissage. De même que, dans l'école primaire, on enseigne à lire et à écrire, de même dans l'atelier d'apprentissage, on enseigne aux enfants à travailler.

Je sais que dans le temps il y a eu quelques abus, qu'on a donné des subsides à plusieurs particuliers pour ériger des établissements. Mais on a abandonné ce système dont on a reconnu les vices ; et aujourd'hui, quand on établit un atelier modèle, c'est une véritable école où, comme l'a dit l'honorable M. de Haerne, tous les fabricants peuvent faire travailler comme ils l'entendent.

Je crois que ces institutions ont été extrêmement utiles aux Flandres. Je ne crains pas de le dire, ce sont l'établissement des ateliers d'apprentissage et l'autorisation accordée par le ministère du 12 août, d'introduire des fils anglais en entrepôt, qui ont réellement rendu aux Flandres un service éminent et qu'on ne doit pas oublier.

Eh bien, je crois que le moment n'est pas encore venu de supprimer le subside ; je crois qu'on doit continuer à encourager l'enseignement industriel ; car, après tout, une industrie, comme toutes choses, fait des progrès, et ces progrès doivent être enseignés à la classe ouvrière au moment où ils se produisent.

Tout le monde sait qu'avant d'adopter une méthode nouvelle, il faut qu'on en voie faire l'expérience sous ses yeux ; eh bien, c'est dans ces ateliers que ces expériences se font, et quand on a reconnu la bonté du procédé nouveau, il ne tarde pas à se vulgariser.

Quant à moi, je suis donc d'opinion que nous devons maintenir quelque temps encore les ateliers d'apprentissage. Ils ont rendu des services et ils continueront encore à en rendre ; les preuves sont incontestables. On vous a parlé de la prospérité de Mouscron, ce qu'on vous a dit est très exact ; eh bien, Mouscron doit toute sa prospérité aux ateliers d'apprentissage. Une autre ville des Flandres, qui a un représentant éloquent dans cette enceinte, l'honorable M. Rodenbach, la ville de Roulers était une ville perdue, les affaires marchaient on ne peut pas plus mal, presque tous les bras étaient inoccupés ; on y a introduit le premier atelier d'apprentissage, et grâce à cela, c'est aujourd'hui une des villes les plus industrielles des Flandres, et un grand avenir lui est réservé. Je ne pense pas qu'on puisse à présent supprimer ces ateliers qui ont été d'une si grande utilité pour le pays.

M. T’Kint de Naeyer. - Membre du comité de surveillance d'un atelier d'apprentissage, je puis dire que cet atelier, comme tous ceux que j'ai visités, est organisé de manière à ne pouvoir faire aucune concurrence à l'industrie privée En général, les conventions sont faites entre l'autorité provinciale et des fabricants.

Ces fabricants s'engagent à prendre dans leurs ateliers, à certaines conditions, un nombre déterminé d'apprentis. Quand ces jeunes gens ont terminé leur apprentissage, ils entrent comme ouvriers dans la fabrique, ou travaillent à façon dans leurs familles.

C'est dans ce dernier cas qu'il est nécessaire de leur faciliter les moyens de se procurer des métiers perfectionnés.

J'ai entendu un honorable membre critiquer cette destination du subside, mais je ferai remarquer que la distribution d'outils perfectionnés est le corollaire indispensable des ateliers d'apprentissage, le meilleur moyen d'en obtenir des avantages permanents.

A aucune époque peut-être ces ateliers n'ont été plus nécessaires que maintenant.

L'émigration de nos meilleurs tisserands vers la France est une chose connue. Les bras ne manquent pas, mais les ouvriers capables deviennent rares. Il ne faut donc rien négliger pour propager les bonnes méthodes el maintenir le rang que nous occupons dans le monde industriel. J'ai applaudi aux efforts qui ont été faits pour régénérer notre industrie linière. D'immenses progrès ont été réalisés, et j'espère, que le ministre actuel n'abandonnera pas la voie qui lui a été ouverte par ses prédécesseurs.

- La discussion sur le chapitre est close.

Article 68

« Art. 68. Traitement de l'inspecteur et des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie : fr. 7,600. »

M. de Naeyer, rapporteur. - Je désire dire quelques mois à l'appui des observations qui vous ont été présentées par l'honorable M. Vermeire sur l'inutilité du comité consultatif dont il est question dans cet article.

M. le ministre vous dit que ce comité est beaucoup consulté. Messieurs, je pense qu'il est consulté parce qu'il existe et qu'il porte le nom de comité consultatif. S'il n'existait point, on se passerait parfaitement de ses avis, et les affaires n'en marcheraient que mieux ; il y aurait un rouage inutile de moins à faire fonctionner.

Le comité est consulté notamment, à ce qu'il paraît, sur l'application des lois de douane. Quant à moi, je pense que le département des finances est parfaitement à même de faire une application judicieuse de toutes les lois dont l'exécution lui est confiée, et que tous ces recours d'un département à un autre amènent nécessairement des complications et des retards.

Dernièrement, à l'occasion d'une contestation en matière de douane qui n'était pas assez importante pour être portée devant les tribunaux, j'ai fait quelques démarches auprès du ministre des finances ; je crois lui avoir démontré que l'application qu'il paraissait vouloir faire de la loi était absolument arbitraire et contraire à toutes les règles d'une saine interprétation, et M. le ministre, sans méconnaître la valeur de mes observations, s'est borné, en quelque sorte, à répondre qu'il ne faisait que se conformer à l'avis du comité consultatif du département de l'intérieur ; il en résulte que tous ces rouages ne servent qu'à amoindrir et à déplacer la responsabilité de ceux qui sont chargés de l'exécution des lois.

M. le ministre vous a parlé de l'utilité de ce comité pour examiner les demandes d'autorisation pour l'érection d'établissements qui peuvent nuire à la santé publique. Il prétend que ces sortes de demandes doivent être soumises à un double examen ; d'abord au point de vue de la salubrité publique el ensuite au point de vue industriel. Je conçois qu'on fasse examiner une semblable demande au point de vue de la salubrité publique ; mais M. le ministre a dû reconnaître que, sous ce rapport, le comité est inutile, puisqu'un nouveau service a été créé l'année dernière.

Or, il n'y a plus rien à examiner, du moment qu'il est reconnu que l'établissement à élever n'est pas nuisible ; l'autorisation doit être accordée. Au point de vue industriel, qu'examinerait-on ? S'il n'y a pas déjà assez d'établissements de ce genre et s'il convient ou non d'en créer de nouveaux ! Mais ce serait évidemment contraire à la libre concurrence, qui est notre droit commun en matière d'industrie et de commerce.

Messieurs, le comité consultatif dont il s'agit a été créé par l'arrêté du 7 avril 1841, presque exclusivement dans le but d'examiner une foule de questions relatives aux brevets d'invention, qui sont longuement énumérées dans cet arrêté ; or, l'article 2 de la loi du 24 mai 1854, dit formellement que : « la concession des brevets d'invention se fera sans examen préalable, aux risques et périls du demandeur, sans garanties, soit de la réalité, soit de la nouveauté ou du mérite de l'invention, soit de l'exactitude de la description. »

La loi du 24 mai 1854 dit donc au gouvernement : Vous n'avez plus rien à examiner en ce qui concerne les brevets d'invention, vous devez vous borner à remplir à cet égard les fonctions d'officier de l'état-civil en enregistrant les nouveaux procédés et découvertes pour lesquels on demande des brevets, et M. le ministre nous répond que son comité consultatif examine plus que jamais. C'est dire en d'autres termes qu'il se livre à une besogne devenue absolument inutile.

(page 967) M. Osy. - Et les machines ?

M. de Naeyer, rapporteur. - M. Vermeire a déjà prouvé qu'à cet égard les attributions du comité consultatif ont complètement cessé par suite de la loi que nous avons votée à la fin de notre dernière session, j'en conclus qu'en définitive le comité consultatif n'a plus de raison d'être.

Sans doute, on peut toujours consulter, mais à force de consulter on complique les affaires souvent les plus simples et la multiplicité des avis n'a d'autre résultat que d'affaiblir et de déplacer la responsabilité ministérielle.

Je crois que nous ferons bien de supprimer une dépense de 3,000 fr., qui ne sert qu'à faire fonctionner un rouage devenu absolument inutile et par cela même nuisible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne tiens pas au maintien du comité consultatif par une obstination qui serait puérile. J'y tiens parce que je le crois nécessaire.

L'honorable préopinant dit que, si le comité n'existait pas, on ne le consulterait pas. Je suis tout à fait de son avis. Mais maintenant qu'il existe, on le consulte tous les jours, et, je pense, non sans fruit.

Il tient ses séances trois fois par semaine ; ses séances sont remplies parce que le nombre des affaires pour lesquelles des décisions sont demandées à l'administration augmente constamment.

J'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure que, quelle que soit la dénomination que vous donneriez au comité consultatif, il faudra bien que cet élément administratif existe. Je défie un ministre quelconque, ou les employés les plus intelligents de l'administration de comprendre certaines questions pour lesquelles il faut des connaissances techniques. Si vous voulez supprimer le comité consultatif, il faudra, sous une autre forme, faire la même dépense.

M. de Naeyer, rapporteur. - Pourquoi ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Parce que c'est un rouage indispensable.

Si vous voulez seulement conserver l'inspecteur, il faudra augmenter son traitement.

M. de Naeyer, rapporteur. - Pourquoi ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Parce que vous allez augmenter, tripler sa besogne, en supposant qu'il puisse la faire seul. C'est un des fonctionnaires les plus intelligents et les plus actifs du ministère. Depuis quinze ans, il a le même traitement. Pouvez-vous supprimer le comité consultatif, lui donner toute une besogne nouvelle, sans augmenter son traitement ? Ce serait impossible. Il me serait impossible d'accepter cette position pour un fonctionnaire élevé de mon département.

Quant aux autres fonctionnaires, vous pouvez les congédier du jour au lendemain ; il faudra leur accorder des traitements de disponibilité ou les mettre à la pension. Il faudra, de plus, créer l'équivalent du comité. La preuve, c'est qu'avant l'institution du comité consultatif il y avait au ministère de l'intérieur deux employés qui avaient ses attributions et qui s'appelaient aviseurs. Il existe encore, si je ne me trompe, au ministère des finances des employés du même genre, et qui sont consultés sur les questions spéciales.

J'avoue que pour les brevets il n'y a plus les mêmes occupations ; mais il y en a d'autres. On accorde maintenant 1,600 brevets par an, tandis qu'autrefois on n'en accordait que 2 ou 3 cents. Il faut examiner les brevets, rien que pour en faire la description et l'analyse et pour examiner s'ils sont faits d'après l'échelle métrique, condition indiquée par la loi, il y a différentes choses à vérifier qui supposent des connaissances techniques.

Messieurs, je n'insisterai pas davantage pour prouver l'utilité de ce rouage administratif. Il me semble que c'est au ministre à constater cette utilité plutôt qu'aux personnes étrangères à l'administration. C'est constamment, c'est tous les jours qu'on s'adresse au département de l'intérieur pour avoir l'avis du comité consultatif. Si le département des finances avait des employés possédant les connaissances techniques requises pour l'examen de ces questions, on n'aurait jamais songé à établir un comité consultatif au département de l'intérieur.

C'est précisément parce que les questions douanières doivent être examinées dans leurs rapports avec l'industrie qu'il faut des hommes qui n'aient pas des connaissances exclusivement financières.

Si j'insiste pour le maintien du comité consultatif, ce n'est pas pour diminuer ma responsabilité. C'est au contraire le sentiment de ma responsabilité qui m'engage à défendre l'institution, parce que je n'ai pas les connaissances techniques nécessaires pour résoudre les questions déférées au comité consultatif. Je n'y mets pas d'obstination. C'est la conviction qui me fait parler.

- L'article 68 est mis aux voix et adopté, après deux épreuves, avec le chiffre d« 7,000 fr. proposé par le gouvernement.

Articles 69 à 72

« Art. 69. Enseignement industriel : fr. 57,850. »

- Adopté


« Art. 70. Achat de modèles et de métiers perfectionnés, frais d'expertise de machines pour lesquelles on réclame l'exemption des droits d'entrée ; voyages et missions ; publications utiles ; prix ou récompenses pour des ouvrages technologiques ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; caisses de prévoyance : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 71. Subside en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses ; distribution de métiers, etc. ; charge extraordinaire : fr. 80,000. »

- Adopté


« Art. 72. Impression du Recueil officiel des brevets : fr. 7,000. »

- Adopté.

Article 73

« Art. 73 Personnel du bureau de la librairie ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, l'année dernière, l'honorable M. Verhaegen et moi, nous avons pris la parole à l'occasion de cet article ; je crois que les observations que nous avons faites sont restées debout et que nous devons y revenir.

Nous nous sommes plaint de l'état de détresse dans lequel se trouve la typographie en Belgique depuis le traité avec la France. Nous avons fait remarquer qu'il eût été à désirer que le gouvernement défendît dans les écoles de donner soit en prix, soit autrement, des ouvrages autres que ceux imprimés en Belgique.

Messieurs, la typographie est une des branches considérables du travail national, et il est évident qu'il est impossible de le sacrifier sans lui donner, au moins, une compensation quelconque. Des éditeurs sont surchargés d'ouvrages anciennement contrefaits, dont ils ne peuvent se défaire, parce que les marchés leur échappent tour à tour.

La France étendant ses traités contre la contrefaçon aux diverses contrées de l'Europe, met pour condition que les contrefaçons faites même dans les pays avec lesquels elle a des traités, ne pourront entrer.

Les éditeurs ont demandé au gouvernement l'autorisation de faire une loterie qui leur permettrait d'une part de venir en aide aux ouvriers typographes, et d'autre part de se débarrasser de ce trop-plein si considérable dont ils sont accablés. S'ils pouvaient réaliser ce trop-plein dont la vente disparaît chaque jour, ils pourraient entreprendre de nouvelles publications. Ils pourraient rentrer dans les capitaux dont la loi les a en quelque sorte privés.

Je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne donne pas l'autorisation qui lui est demandée. Car lorsqu'on a frappé sur une industrie et que cette industrie ne demande rien au trésor public pour se libérer, lorsqu'elle demande seulement à faire ce qu'on accorde en pareil cas à beaucoup de personnes, je ne vois pas pourquoi on hésite.

D'un autre côté, je dois déplorer que le gouvernement n'ait rien fait au sujet des livres qui servent à l'enseignement dans nos écoles et qui se donnent en prix. Nous avons tous le plus grand intérêt à ce que la jeunesse soit élevée dans des sentiments réellement nationaux. Or, ce n'est pas avec des ouvrages imprimés à l'étranger et dans lesquels notre pays est souvent représenté sous de très fausses couleurs, que la jeunesse puisera des sentiments de nationalité.

Il est temps que le gouvernement prenne des mesures pour que la jeunesse belge n'ait en prix dans les écoles que des ouvrages éminemment nationaux. Il est temps que les jeunes gens n'aient comme livres d'instruction que des ouvrages nationaux, surtout au point de vue des sciences historiques.

Je demande donc que le gouvernement nous dise ce qu'il a l'intention de faire sur ces deux points qui méritent, je crois, toute la sollicitude de l'assemblée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Dumortier a tort de croire que le gouvernement n'a rien fait sous le rapport de l'introduction des livres nationaux dans l'enseignement. Le gouvernement a usé de toute son influence pour que, peu à peu et autant que cela peut se faire, ou substitue les livres belges aux livres étrangers tant pour l'enseignement que pour les distributions de prix. Des circulaires ont été sous ce rapport émises par mon département pour appeler l'attention des autorités compétentes sur la nécessité de substituer les livres belges aux livres étrangers, et dans ces circulaires je m'appuyais précisément sur la pensée nationale qui anime l'honorable M. Dumortier. Ainsi le gouvernement n'est pas resté indifférent et inactif.

Mais vous comprendrez, comme moi, qu'il est impossible de substituer subitement et d'une manière forcée à des livres introduits par l'usage et souvent aussi par un sentiment d'économie, des livres exclusivement nationaux. Ces livres nationaux manquent d'ailleurs bien souvent. Dernièrement encore, le gouvernement vient de mettre au concours, d’après l’avis du conseil de perfectionnement pour l’enseignement moyen, la rédaction d’un livre consacré à l’enseignement dans un des cours les plus important de l’enseignement moyen, à la quatrième. S’il se trouve bien de ce premier essai, le gouvernement pourra entrer dans cette voie et encourager, par des concours ouverts à cet effet, la rédaction de livres classiques dans l'intérêt de l'enseignement belge.

(page 968) L'honorable M. Dumortier n'est donc pas autorisé à dire que le gouvernement n'a rien fait depuis l'année dernière et qu'il n'a pas tenu la promesse qu'il avait faite à la Chambre de veiller à ce que les livres nationaux fussent introduits, autant que possible, dans l'enseignement.

L'honorable M. Dumortier a parlé aussi d'une proposition qui a, en effet, été faite au gouvernement, d'établir une loterie pour la vente des livres des principaux fonds de librairie de la capitale.

Messieurs, ce projet est beaucoup plus vaste et plus compliqué que ne le croit l'honorable membre. J'ai déjà examiné sérieusement ce projet et je ne pense pas que le moment soit venu de me prononcer à cet égard. Certainement je désire vivement de venir en aide à l'industrie typographique, qui du reste ne souffre pas autant qu'on se plaît à le dire. Les souffrances qui existent aujourd'hui sont encore le résultat d'une surexcitation de production qui s'est fait remarquer il y a quelques années. S'il y a quelques souffrances, s'il y a des capitaux engagés avec exagération dans les fonds de librairie, c'est peut-être un peu le résultat de la précipitation que l'on a mise à se faire concurrence et à éditer sans des chances suffisantes de vente. Je crois que la plupart des éditeurs conviennent eux-mêmes que là est la véritable cause des embarras qu'ils éprouvent, et non dans la convention littéraire avec la France.

Du reste le nombre d'ouvrages belges qui a été déposé pendant l'année 1856 dépasse d'à peu près 100 le nombre d'ouvrages nationaux qui ont été déposés en 1855 ; ainsi sous ce rapport il y a encore un mouvement favorable à l'industrie nationale et à.la littérature nationale.

Aussitôt que j'aurai le loisir, je me propose d'examiner à fond la question qui m'a été soumise par les industriels de Bruxelles. Mais je ne dissimule pas à la Chambre que c'est une question très grave, question à laquelle se rattachent non seulement des intérêts industriels, mais des intérêts moraux.

M. Dumortier. - Je crois que les intérêts moraux ne se rattachent en aucune manière à la demande qui a été faite à M. te ministre, parce que les éditeurs ne demandent à mettre en loterie que les ouvrages sérieux.

M. Tesch. - La loi ne permet pas cela.

M. Dumortier. - Il y a toujours moyen d'en faire une.

Dans des circonstances extraordinaires, on prend des mesures extraordinaires.

Je dis donc que la question morale ; n'est pour rien engagée dans ceci. Les éditeurs de Bruxelles comprennent qu'il y a un genre d'ouvrages auxquels fait allusion M. le ministre de l'intérieur, qui ne pourraient entrer dans l'opération dont il s'agit et ils demandent à ce que ces ouvrages en soient exclus, à ce que la loterie soit seulement autorisée pour les ouvrages sérieux. Or il y a encombrement de ces ouvrages dans les librairies et cela provient précisément des traités qui se font contre la contrefaçon, traités en vertu desquels, les éditeurs belges ne peuvent plus exporter dans les pays où ils exportaient autrefois. Ils n'ont plus la vente en Belgique ; ils n'ont plus la vente à l'étranger et ils sont frappés précisément par le fait du traité, quoi qu'en dise M. le ministre.

Quant au second point, M. le ministre dit qu'il a fait des circulaires. Moi je demande s'il suffît de faire des circulaires pour engager à prendre tel ou tel livre ? Quand un gouvernement veut agir, ce n'est pas aux circulaires qu'il a recours. Il a le moyen des arrêtés. Un arrêté qui défendrait de donner en prix d'autres ouvrages que des ouvrages imprimés en Belgique, vaudrait mille fois mieux que toutes les circulaires possibles. Une circulaire, on la met de côté ; un arrêté, on doit s'y soumettre. Je crois que la librairie est dans un état assez périclitant, par suite du traité avec la France, pour que le gouvernement fasse en sa faveur quelque chose de plus sérieux que des circulaires.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 74 à 76

« Art. 74. Matériel du bureau de la librairie. (Charges extraordinaires) : fr. 3,000. »


« Art. 75. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 17,748. »

- Adopté.


« Art. 76. Musée de l’industrie. Matériel et frais divers : fr. 10,252. »

- Adopté.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.