(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 927) M. Tack procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Tack communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des agents forestiers de l'inspection d'Arlon prient la Chambre d'améliorer leur position. »
« Même demande de gardes forestiers du cantonnement de Bouillon et de Villers-sur-Semois. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'augmentation de traitement des employés inférieurs de l'Etat.
« Le sieur Charles Ritterhaus, attaché à la sérénissime maison d'Arenberg en qualité d'inspecteur forestier, né à Elberfeld (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Vilain XIIII, forcé de s'absenter, demande un congé de huit jours.
- Ce congé est accordé.
La discussion continue sur le chapitre IV, « frais de l’administration dans les provinces. »
M. Rogier. - Messieurs, je ne viens pas faire d'opposition à l'augmentation proposée au budget. Je suis disposé à voter toutes les dépenses dont l'utilité me sera démontrée. Cependant, en votant cette augmentation, je ne puis me dispenser de la subordonner à quelques réserves et à quelques observations.
Messieurs, depuis quelques années il y a une tendance marquée à grever le budget de l'intérieur de nouvelles dépenses. On critique quelquefois la propension du pouvoir à tout centraliser et d'autre part, chaque année, on centralise de nouvelles dépenses au département de l'intérieur, pour ne pas parler des autres budgets.
A une époque, messieurs, où l'on trouvait le budget de l'intérieur surchargé de dépenses exagérées, dans les années 1848 à 1852, le budget, ainsi qu'on l'a fait observer hier, était de beaucoup inférieur au budget d'aujourd'hui. Ainsi, en 1851, le budget s'élevait à la somme de 6,160,000 francs.
Si M. le ministre de l'intérieur ne nous demande pas quelques nouveaux crédits, car depuis la présentation du budget il est revenu plusieurs fois à la charge, et si le budget reste dans les limites aujourd'hui proposées, il s'élèvera pour 1857 à 7,805,000 francs, c'est-à-dire à 1,645,000 francs de plus qu'en 1851, époque à laquelle, comme j'ai l'honneur de le rappeler, ou le trouvait déjà surcharge de dépenses exagérées. Mais, ainsi qu'on l’a fait observer hier, ce budget de 1851 qui était de 6,160,000 francs s'est élevé pour 1852 à 6,510,000 francs. L'augmentation de 350,000 francs provenait de l'application de la loi sur l'enseignement moyen.
Le budget de 1852, augmenté de la dépense de l'enseignement moyen, comparé au budget qui nous est présenté, offre encore une infériorité de 1,295,000 fr., soit de 1,300,000 fr., ou un cinquième en moins.
Voici le chiffre du budget de l'intérieur dans les dix dernières années : 1847, 6,478,000 fr. ; 1848, 6,315,000 fr. ; 1849, 6,074,000 fr. ; 1850, 5,977,000 fr. ; 1851, 6,160,000 fr., 1852, 6,510,000 fr. ; 1853, 6,678,000 fr. ; 1855, 7,893,000 fr. ; 1856, 7,401,000 fr. ; 1857, 7,805,200 fr.
On voit dans quelle proportion le chiffre du budget s'est successivement accru depuis cinq ans. Je veux croire que cet accroissement de dépenses n'a pas eu lieu sans profit pour le pays. Je veux admettre que beaucoup d'améliorations, d'innovations utiles ont été introduites. Je n'ai pas à les énumérer ; elles ne se présentent pas à mon esprit. Mais, enfin, je constate ce fait que le budget se trouve augmenté depuis 1852 de 1,300,000 francs.
L'honorable M. de Renesse, qui signalait hier ces augmentations, voudra bien remarquer que les dépenses relatives à l’enseignement moyen ne sont pas comprises dans ce chiffre de 1.300.000 francs ; que si on les y comprenait, il y aurait près de 1,800,000 francs de différence.
Aussi j'engage l'honorable membre à ne pas diriger contre la loi de l'enseignement moyen le reproche qu'il a adressé hier aux augmentations du budget. J'espère que si l'on venait à proposer de modifier cette loi dans un sens que je n'ai pas besoin d'indiquer, qui d'ailleurs ne paraît pas être l'intention de M. le ministre de l'intérieur, l'honorable membre persistera à voter avec ses amis les principes qu'il a adoptés en 1850.
Messieurs, en 1848, époque à laquelle on parlait beaucoup de la nécessité des économies, des économies notables ont été introduites dans les budgets. Depuis lors on a continué de s'élever contre ce qu'on appelait l'excès des dépenses, et sous les administrations qui se sont succédé depuis 1852, de nouvelles économies ont été faites ; il est juste de les placer à côté des 1,300,000 fr. d'augmentation.
Le budget de l'Intérieur portait une allocation pour distribution d'engrais dans trois de nos provinces qui en avaient grand besoin, la province de Luxembourg et une partie des provinces de Liège et de Namur. On a supprimé cette allocation. De ce chef on a introduit une économie de 75,000 francs.
Au moyen d'une autre allocation du budget, on distribuait parmi les habitants des campagnes des livres qui mettaient à leur portée les connaissances de l'agriculture. Cette mesure entraînait une dépense de 3,000 fr. On a rayé cette dépense du budget.
Il y avait aussi un musée populaire, qui répandait parmi les populations le sentiment de la nationalité, le goût de la lecture, du bon dessin, la connaissance de l'histoire, des hommes et des lieux les plus remarquables du pays. Il coûtait 3,000 fr. au budget, on a supprimé ces 3,000 fr.
Tout cela fait une réduction totale de 81,000 fr. Il faut tenir compte de ce grand progrès dans la voie des économies.
Pour le dire en passant, je ne sais pas ce qu'est devenu depuis lors le musée populaire.
Il a été livré à l'industrie particulière, et je dois dire que le premier numéro qui a paru dans ces nouvelles conditions se distinguait par un calendrier en l'honneur de l'immaculée conception.
Messieurs, l'honorable M. Osy, non pas, je dois le dire, avec la ferveur d'autrefois, mais avec une modération toute paternelle, a trouvé le budget trop élevé, et avec une grande douceur de formes...
M. Osy. - C'est de la discussion générale, et nous sommes au chapitre relatif à l'administration des provinces. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Rogier. - C'est à M. le président à me rappeler au règlement, si je m'en écartais.
M. de Naeyer. - Je dois vous faire remarquer que vos observations portent sur le budget en général.
M. Osy. - C'est la discussion générale qui recommence. L'honorable M. Rogier revient non seulement sur la discussion générale, il revient sur le passé.
Il ne peut être en ce moment question que de l'administration des provinces, et j'engage M. le président à ne pas laisser égarer la discussion. Sans cela nos débats ne finiront jamais.
M. Rogier. - Je suis surpris de la motion de l'honorable M. Osy. Hier, l'honorable M. de Renesse a invoqué les mêmes faits que l’invoque aujourd'hui et l'honorable M. Osy s'est tu. Est-ce parce que l'honorable M. Osy n'avait pas été nommé ? Mais il me semble que lorsqu’il est question de dépenses, le nom de l'honorable M. Osy se présente naturellement.
M. Osy. - Je n'ai pas peur que vous m'attaquiez.
M. Rogier. - Je suis convaincu que vous avez du courage. Vous l'avez prouvé en mainte circonstance.
Messieurs, je constate ce que l'honorable M. de Renesse a constaté hier et on ne l'a pas interrompu. Il s'agit d'augmentations nouvelles au budget de l'intérieur. Je compare les dépenses des différents budgets. Je suis dans la question et je suis persuadé que M. le président m’interpellerait si je m'en écartais.
M. de Naeyer. - Il ne s'agit en ce moment que de l'administration des provinces.
M. Rogier. - Je compare les budgets, je constate des dépenses et je le dis encore, l'honorable M. de Renesse m’a mis sur la voie sans qu'on l'ait rappelé au règlement. Mes observations gênent-elles quelqu’un ? J'aurais déjà fini, si l'on ne m'avait pas interrompu.
L'honorable M. Osy, qu'il me permette de le nommer encore une fois, a annoncé qu'il voterait pour l'augmentation destinée aux gouverneurs provinciaux, mais qu'il ne voterait pas l’augmentation destinée à l’enseignement moyen.
M. Osy. - Je n'ai pas dit cela.
M. Rogier. - L'honorable M. Osy a combattu l’augmentation proposée au budget de l'intérieur en vue des professeurs des établissements moyens.
M. Osy. - J'ai demandé que cette proposition fît l'objet d’une loi spéciale.
(page 928) M. Rogier. - L'honorable M. Osy a combattu cette allocation au budget de l'intérieur ; il a dit : Je voterai l'augmentation en faveur des employés provinciaux et je ne voterai pas, au budget que nous discutons, l'augmentation en faveur des professeurs de l'enseignement moyen. Je pense que je suis dans la question. Pour moi, je voterai en faveur des professeurs de l’enseignement moyen, parcs qu'ils ont droit aussi à la sollicitude de la Chambre. Non seulement le corps professoral de renseignement moyen a droit à cette sollicitude, mais aussi le corps professoral des universités, et si j'ai un regret à exprimer, c'est que nous ne puissions étendre noire sollicitude à cette multitude de fonctionnaires inférieurs qui rendent des services si signalés au sein de nos communes, aux instituteurs primaires. C'est une classe qui mérite aussi tout l'intérêt de la Chambre.
M. Coomans. - Nous l'avons dit cent fois.
M. Rogier. - Je suis charmé de me trouver d'accord avec vous sur ce point.
Voilà donc des dépenses que je voterais sans réserve, parce que je les considère comme utiles et comme justes.
M. le ministre de l'intérieur nous en offre en perspective de nouvelles. il nous a dit hier que la plupart des traitements des fonctionnaires publics sont insuffisants, et que le moment viendrait où il faudrait les augmenter par voie générale, et surtout les traitements des employés inférieurs ; cela a été dit hier et l'on n'a pas prétendu que cela fût étranger à la discussion spéciale du chapitre IV.
Eh bien, je suis de cet avis : les traitements des fonctionnaires publics sont, en général, insuffisants ; ils le sont, non seulement pour les fonctionnaires inférieurs, mais aussi pour les fonctionnaires supérieurs de l'administration, à partir des ministres ; pour les membres de la cour judiciaire, à partir de la cour de cassation ; pour les fonctionnaires de l'enseignement public, à tous les degrés. Je dis que si nous devons notre sollicitude aux employés inférieurs de l'administration, nous la devons aussi aux fonctionnaires supérieurs. Il y va de l'avenir administratif du pays, de son avenir judiciaire, il y va de l'avenir de l'instruction publique.
Prenons-y garde : avec des traitements insuffisants, nous amènerons successivement et par nécessité des hommes insuffisants à la tête de toutes les carrières publiques du pays. C'est là un grave danger, il ne faut pas que les carrières publiques deviennent en quelque sorte le refuge de tous ceux qui ont échoué ou qui ne se croient pas les capacités nécessaires pour réussir dans les carrières particulières.
Nous aurons à examiner les propositions ultérieures que nous fait entrevoir le gouvernement pour l'augmentation des traitements de tous les fonctionnaires. Nous pourrions applaudir jusqu'à un certain point à cette initiative, mais c'est à une condition : c'est qu'à côté de l'initiative des dépenses viendra se joindre l'initiative des ressources et qu'en entraînant le pays dans des dépenses considérables mais utiles, je le reconnais, on ne laissera pas le trésor dans une situation mauvaise et qu'on aura la force de demander de nouvelles ressources au pays quand on viendra nous demander de nouvelles dépenses.
Messieurs, l'on a indiqué hier, parmi les moyens qui pourraient être employés à améliorer le sort des employés des gouvernements provinciaux, deux remèdes : la simplification de l'administration et la diminution du nombre des employés.
J'avoue que je partage entièrement l'opinion qui a été exprimée sur l'utilité, la possibilité, l'efficacité de ces remèdes. Sans doute, ainsi que l'a fait observer judicieusement mon honorable ami, M. Tesch, nous sommes dans un pays de publicité, de contrôle, où l'on exige beaucoup de l'administration.
Nul doute que nos administrateurs de tous les degrés ne soient très occupés, non seulement de ce qui est de l'essence même de l'administration, mais encore d'une masse de renseignements à fournir, de tableaux à dresser, etc. ; c'est là un genre d'occupation qui n'existe pas dans d'autres rays dont l'administration n'est pas soumise à un contrôle public.
Mais, quoi qu'il en soit de cette besogne toute spéciale à notre pays, nous croyons qu'il y a dans les rouages administratifs une simplification à introduire ; nous croyons qu'il y a dans le personnel des réductions à opérer à mesure qu'elles deviennent possibles, car les positions acquises doivent être respectées. Le grand nombre d'employés fait qu'on ne peut pas les rétribuer tous convenablement, que les chefs, qui sont le grand ressort dans les administrations, n'ont pas un traitement suffisant et que les employés inférieurs sont obligés de végéter avec une mesquine rétribution.
Si le nombre des employés était moindre, on pourrait améliorer leur situation sans grever le trésor public. S’il m’était permis de citer un exemple à l’appui de mon opinion, je dirais qu’en 1848-1849, il a été possible de diminuer le personnel de l’administration centrale du département de l'intérieur de 14 employés qui, soit par décès, démission ou déplacement avaient cessé d'en faire partie et qui n'ont pas été remplacés ; leur traitement a été réparti entre les employés restant ; l'administration n'en a pas souffert, au contraire. Si l'on veut que les employés travaillent avec ardeur, il va de soi qu'on doit les rétribuer avec une juste équité, ce qui devient impossible quand les traitements se répartissent entre un trop grand nombre de participants.
Je ne suis pas plus que d'autres partisan de voir les budgets de l'Etat en général et celui de l'intérieur en particulier s'accroître d'année en année, je voudrais qu'on pût le dégrever de toutes les dépenses qui ne lui incomberaient pas directement.
Ainsi, pour l'objet qui nous occupe, je ferai remarquer que les employés provinciaux sont des employés mixtes. Ils ne sont pas seulement au service de l'Etat, ils s'occupent aussi des affaires de la province ; ils traitent, il est vrai, des affaires qui sont envoyées aux provinces par le gouvernement, mais ils traitent aussi des affaires purement provinciales et ces dernières ne sont pas inférieures en importance et en nombre aux affaires gouvernementales. Dans cette situation, serait-il extraordinaire de mettre à la charge des provinces une partie des traitements des employés provinciaux ?
On parle de provinces dont la richesse peut être qualifiée de californienne ; si elles ont tant d'argent, ne pourraient-elles en donner quelque peu aux employés provinciaux et dégrever d'autant le budget de l'Etat ?
Les employés communaux sont aussi, sous certains rapports, des employés mixtes ; car ils sont aussi chargés de travaux pour le gouvernement central, indépendamment des affaires purement communales qu'ils ont à traiter, et cependant ils sont exclusivement payés par la commune, ils ne reçoivent rien de l'Etat.
Puisqu'il est établi que les employés provinciaux ont des traitements insuffisants, les provinces, surtout les provinces riches, ne pourraient-elles leur faire la gracieuseté d'un supplément de traitement ? Si le traitement de ces employés reste exclusivement à la charge du trésor, que répondre aux employés des commissariats d'arrondissement qui demandent à être rangés parmi les fonctionnaires de l'Etat et payés par le budget ? Bientôt les fonctionnaires municipaux demanderont aussi à être transformés en employés de l'Etat et à figurer au budget de l'intérieur.
Je sais que plusieurs provinces ne sont pas riches, mais je sais aussi que les ressources de l'Etat ont des limites et que si on ne venait pas toujours s'adresser à l'Etat, si on voulait décentraliser l'administration, tout en centralisant la politique, le nombre des employés diminuerait et leur traitement pourrait être élevé à un taux suffisant.
On se récrie contre la centralisation administrative et chaque année on vient demander de grossir les dépenses administratives à charge du budget de l'Etat.
On a indiqué comme moyen économique un système qui a été pratiqué autrefois dans le pays et qui existe encore en France, c'est l'abonnement : on voterait une allocation au gouverneur des provinces, qui la répartirait comme ils l'entendraient entre les employés qui leur seraient nécessaires.
Je ne veux me permettre aucune allusion désagréable pour qui que ce soit. Je consulte seulement les penchants de la nature humaine, et je suis convaincu qu'à l'aide de l'abonnement, les fonctionnaires publics trouveraient moyen de faire d'aussi bonne besogne, de la faire aussi bien et aussi vite et en introduisant même des économies, en se contentant de budgets modérés.
Ce n'est pas un moyen que je propose, je l'indique après ceux qui l'ont déjà indiqué et j'observe qu'en fait, il existe pour une autre classe de fonctionnaires, pour les commissaires d'arrondissement. Les commissaires d'arrondissement ont un abonnement avec lequel ils payent leurs employés ; el je pense que les employés des commissaires d'arrondissement travaillent autant que les autres. Je crois que si on rapprochait les dépenses provinciales des dépenses des commissariats d'arrondissement, on trouverait une grande différence relative en moins pour ces derniers. Je crois que MM. les gouverneurs eux-mêmes accueilleraient sans déplaisir un pareil système.
En attendant, messieurs, comme il y a urgence de venir en aide aux fonctionnaires dont le traitement est insuffisant, je voterai l'augmentation demandée. Je dois cependant y mettre deux conditions.
D'abord je demanderai à M. le ministre de bien vouloir nous fixer définitivement, après qu'il se sera fixé lui-même, sur le chiffre qu'il nous propose.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je l'ai fait hier.
M. Rogier. - Vous nous avez posé des alternatives. Vous avez dit : Si je présente tel chiffre, j'arriverai à donner une satisfaction assez générale. Si je présente tel autre chiffre, cette satisfaction sera plus complète.
Avez-vous un chiffre ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je l'ai proposé hier à la Chambre.
M. de Naeyer. - M. le ministre de l'intérieur a présenté un amendement qui est imprimé.
Il propose de porter à 59,000 fr. le chiffre de l'article 14 pour le Brabant, à 39,000 fr. le chiffre de l’article 32 pour le Luxembourg et à 42,000 fr. le chiffre de l’article 35 pour Namur.
M. Rogier. - Je n'avais pas vu que M. le ministre de l'intérieur eût présenté un amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - A la fin de mon discours, je suis arrivé à des conclusions.
M. Rogier. - Vous nous avez dit : Si je présente tel chiffre, les provinces seront à peu près satisfaites. Si j'en présente tel autre, elles seront moins satisfaites.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Immédiatement après mon discours, j'ai proposé l'amendement.
(page 929) M. Rogier. - Nous voilà donc fixés sur le chiffre, pour autant qu'il soit définitif.
Ma seconde condition, c'est que M. le ministre de l'intérieur veuille bien se charger de sa besogne et non l'imposer à la Chambre.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit hier : Cette répartition est extraordinairement difficile. Elle va me susciter beaucoup d'embarras ; chargez-vous-en, je le préfère. Nous ne sommes pas ici pour faire la besogne de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - La répartition existe au budget. Je demande la continuation de l'état des choses.
M. Rogier. - Il s'agit d'un crédit extraordinaire qui a été très discuté entre les provinces. Vous reconnaissez vous-même qu'il est très difficile de le répartir, et c'est parce que cela est très difficile que vous dites à la Chambre : Chargez-vous-en.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je propose les chiffres.
M. Rogier. - Vous voulez donc charger la Chambre de faire le travail de l'administration ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Elle fait cette besogne chaque année, je le répète ; vous votez tous les ans les chiffres pour les employés provinciaux.
M. Rogier. - Vous voyez que ce mode ne vaut rien, puisque chaque année, c'est une source de discussions interminables. Vous reconnaissez que la répartition est très difficile et vous voulez en charger la Chambre ; mais ce qui est difficile pour le ministre le sera bien plus pour la Chambre qui n'est pas apte à faire ce genre de travail. Quant à moi, je ne puis me charger de ces fonctions que veut m'attribuer M. le ministre de l'intérieur.
Je les lui laisse sous sa responsabilité. Lorsque nous aurons voté la somme, c'est à M. le ministre à la répartir avec justice, avec équité entre les diverses provinces. Si nous sommes tenus de faire ce travail, nous pourrons avoir cinq ou six jours de discussion, car je ne vois pas deux provinces d'accord sur la répartition. C'est donc à M. le ministre de l'intérieur à la faire, et je demande qu'il ne recule pas devant cette obligation.
Ce n'est pas un travail herculéen que de répartir cette somme de 50,000 à 60,000 francs entre les provinces. Il y a des choses beaucoup plus difficiles à faire. Dans tous les cas, c'est de l'essence de l'administration.
M. le ministre de l'intérieur paraît prendre en mauvaise part ce que je dis. Mon intention n'est pas de le fâcher. Je vote ce qu'il demande ; et, de plus, je lui accorde une marque de confiance, puisque je dis que la Chambre ne doit pas faire ce que M. le ministre de l'intérieur peut faire mieux qu'elle. Il n'y a pas là, ce me semble, de quoi se fâcher.
M. le ministre de l'intérieur voudra bien me permettre une dernière observation.
M. le ministre de l'intérieur est un ministre de conciliation, c'est-à-dire un ministre qui concilie. Il nous a, dans le temps, donné le programme d'un ministère de conciliation. Il nous a dit que ce ministère se révélait, se caractérisait par l'initiative, par la résistance, par la direction.
Pour l'initiative, nous pensons que M. le ministre doit, à l'avenir, en prenant l'initiative des dépenses, prendre aussi l'initiative des recettes. Pour aujourd'hui, nous lui laissons l'initiative de la répartition des dépenses qu'il nous demande et je crois que nous le renfermons dans son rôle.
Quant à la résistance, à la direction, nous avons été témoins, ces jours passés, d'une discussion qui n'a pas révélé d'une manière brillante le principe d'un ministère de conciliation, M. le ministre de l'intérieur a peu résisté et n'a rien dirigé du tout.
Il nous avait proposé une loi très-importante, et de cette loi si importante, pas un article n'est resté debout. Un seul cependant ; c'est celui par lequel le gouvernement a demandé de dépouiller ses propres universités des bourses dont elles jouissaient pour les accorder à des universités qui n'en avaient nul besoin. (Interruption.)
M. de Mérode-Westerloo. - Ce n'est pas la question.
M. Rogier. - Ce sera très court. Je vais avoir fini.
Messieurs, voilà en quoi a consisté la résistance et la direction de M. le ministre de l'intérieur dans ce débat si important.
Maintenant il s'agit d'une question de minime importance, de ce qu'on pourrait appeler une pure misère administrative, il s'agit de répartir 50,000 à 60,000 fr. entre neuf provinces et M. le ministre recule. Il ne se sent pas la force de diriger cette grande affaire ! En vérité, c'est pousser trop loin l'abstention. Il me semble que lorsqu'on s'est annoncé avec de si hautes prétentions, avec d'aussi belles intentions, si l'on ne parvient pas à exécuter son programme dans les hautes régions, il faudrait au moins se retrancher dans les régions inférieures et là du moins tâcher d'exercer cette initiative, cette résistance et cette direction qui sont l'emblème des ministères de conciliation.
M. de Smedt. - Messieurs je rentrerai dans le débat qui a commencé hier.
Cependant je rencontrerai une observation de l'honorable M. Rogier. Il paraît que l'honorable membre trouve qu'il faut encore augmenter le traitement des employés. Messieurs, cela est très facile à dire, mais c'est plus difficile à exécuter. On voudrait que tout le monde mangeât au râtelier de l'Etat ; maïs c'est la fourniture du fourrage qui offre le plus de difficultés.
Dans ce moment les contributions sont fort élevées et les denrées sont très chères. Et qui paye les contributions en Belgique ? Qui paye la contribution foncière ? Ce sont les propriétaires qui souffrent beaucoup.
Messieurs, j'ai demandé hier la parole au moment où M. le ministre de l'intérieur nous a proposé une nouvelle augmentation de 9,000 fr. pour les dépenses administratives des provinces. C'était une espèce de surprise.
La première proposition qui nous a été faite a été examinée par les sections et par la section centrale ; on était renseigné. Mais aujourd'hui il s'agit d'une proposition improvisée qu'il nous est impossible d'apprécier.
J'ai surtout été fort étonné de voir que la majeure partie de cette augmentation était allouée au Brabant. Déjà on a fait à cette province une part exceptionnelle, et ici je me permets d'établir une comparaison entre le Brabant et la Flandre orientale.
M. le ministre de l'intérieur nous a lu hier un plaidoyer complet de M. le gouverneur du Brabant.
Certainement cet honorable gouverneur a raison de plaider sa propre cause. Mais si l'on avait soumis ces observations à M. le gouverneur de la Flandre orientale, je suis persuadé qu'il les aurait rencontrées victorieusement.
Ainsi la population est beaucoup plus forte dans nos Flandres que dans le Brabant.
Nous avons six arrondissements, le Brabant n'en a que trois.
Nous avons cinquante-trois cantons judiciaires, le Brabant en a quarante.
Nous avons trente-deux cantons de milice, le Brabant n'en a que vingt-deux.
Si je passais en revue toutes les branches de l'administration, je pourrais prouver d'une manière irréfutable que l'administration est beaucoup plus compliquée en Flandre que dans le Brabant.
Messieurs, on a parlé des mines du Hainaut. Il est vrai que c'est une administration très importante pour cette province. Mais la Flandre a l'écoulement des eaux de tout le pays, elle a une quantité de rivières, elle a ses digues et ses polders. Certes, cette administration est aussi difficile et demande pour la Flandre un nombre d'employés aussi considérable que pour les autres provinces et surtout pour le Brabant qui n'a rien de semblable.
Il me semble que M. le ministre, qui a habité une localité de la Flandre, doit comprendre la différence qu'il y a pour l'administration entre cette province et celle de Brabant.
Messieurs, comme une foule d'amendements ont surgi en faveur des employés des administrations des diverses provinces, je me permettrai d'en proposer un autre pour ma province. Je proposerai une augmentation de 3,000 fr. Vous aurez encore entre le Brabant et la Flandre une différence de 6,000 fr. Il est inconcevable qu'on veuille accorder au Brabant une pareille augmentation, alors que l'administration y est moins compliquée, moins difficile que celle des autres provinces !
M. Moncheur. - La Chambre est saisie de deux propositions. La première est celle de l’honorable M. de Brouckere et autres représentants du Hainaut qui proposent d'élever le chiffre du crédit demande par M. le ministre de l'intérieur pour améliorer la position des employés provinciaux, à la somme de 63,000 fr. en laissant la répartition de cette somme aux soins de M. le ministre de l’intérieur. La seconde est celle de M. le ministre de l'intérieur lui-même qui propose d’élever au chiffre de 59,000 fr. la somme destinée au Brabant, à 39,000 fr. celle du Luxembourg et à 42,000 fr. celle qui serait dévolue à la province de Namur. Quant à moi, je déclare que je voterai pour le chiffre de 65,000 francs ; et je le ferai par deux motifs.
Le premier c'est qu'il faut autant que possible, selon moi, localiser les détails de l'administration et que, par conséquent, il faut faire une position honorable aux employés qui se livrent au travail ardu de cette administration locale.
Le second, c'est que je suis très convaincu que la position des employés provinciaux, telle qu'elle est aujourd’hui, n'est pas tenable, que leur travail n'est pas suffisamment rétribué et qu’il faut que nous leur venions en aide d'une manière un peu efficace.
C'est pourquoi, messieurs, j'espère que la somme de 65,000 francs d'augmentation générale sera adoptée par la Chambre.
Pour ce cas, et comme la distribution en serait abandonnée à M. le ministre de l'intérieur, je crois devoir ajouter encore quelques observations à celles qui ont déjà été faites par mes deux honorables collègues de Namur, pour prouver que l'on n'a pas fait, même au moyen de l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, tout ce que la justice réclame pour cette province.
En effet, messieurs, c'était par une véritable erreur que l'on avait, dans le premier travail ministériel, laissé un écart de 8,000 fr. entre la province de Namur et celles de Flandre occidentale et d'Anvers, qui venaient immédiatement avant elle, alors que, dans l'état actuel des choses, cet écart n'est que de 5,300 fr. M. le ministre de l'intérieur l'a reconnu et je le remercie de la bienveillance avec laquelle il a écouté, dans son cabinet, nos observations à cet égard ; mais, messieurs, le chiffre de 2,000 francs d'augmentation qu'il propose pour l'avenir laisse encore la province de Namur de 700 fr. au-dessous de la position respective qu'elle occupe aujourd'hui, eu égard aux deux provinces précitées. Et pourtant aucun fait nouveau quelconque ne justifie, certes, (page 930) cette différence. C'est le contraire, car la province de Namur, qui croît en prospérité, qui renferme un grand nombre d'usines, de mines, de minières et de carrières, continue à être l'une de celles dont l'administration est la plus compliquée.
Ses communes sont au nombre de 346 et elles donnent lieu, par l'importance et par la nature même des propriétés qu'elles possèdent, à une besogne extrêmement considérable. Il se traite, dans les bureaux de cette province, un nombre d'affaires qui dépasse le chiffre de 28,000 par an. Dans ce nombre, les affaires qui prennent leur source dans les biens communaux, comptent pour beaucoup. On objecte que beaucoup de ces communes ne sont pas populeuses ; mais si petite que soit une commune, elle donne lieu, comme une plus grande, à l'examen d'une foule d'affaires qui tiennent nécessairement à l'administration communale.
Ainsi, comptabilité, organisation des écoles, bureaux de bienfaisance, partage des fruits communaux, milice, correspondance sur des objets d'administration générale, statistique, tout doit se faire dans une petite commune comme dans une grande. D'un autre côté les petites communes n'ont pas généralement l'avantage d'être administrées par des hommes versés dans la science administrative ; il en résulte des difficultés qui ajoutent encore à la besogne à laquelle leur administration donne lieu.
Mais il est surtout une remarque, messieurs, que je vais vous faire et qui vous promet a à l'évidence que, même avec le chiffre qui serait alloué à la province de Namur par l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, cette province ne serait pas traitée comme la justice exigerait qu'elle le fût. Voici celle remarque. Les employés de l'administration provinciale de Namur ont, en moyenne, un traitement de 1,290 fr. ; tandis que dans le Luxembourg la moyenne des traitements est de 1,458 fr. ; cependant la province de Luxembourg va obtenir une augmentation de 7,200 fr., alors que la province de Namur n'obtiendra qu'une augmentation de 6,000 fr.
M. Tesch. - Qu'on réduise le nombre des employés.
M. Moncheur. - Cela est facile à dire, mais non point à faire. Je ne refuserai pas à la province de Luxembourg l'augmentation qu'on propose pour elle, mais en établissant un parallèle entre cette province et celle de Namur, je prouve qu'on fait, pour la première, plus qu'on ne fait pour la seconde. Oh ! je conçois fort bien qu'on pourrait élever la moyenne des traitements, si, comme on le conseille, tout simplement, on réduisait le nombre des employés ; mais, ce moyen est absolument impossible à mettre en pratique. Dès lors, il est clair que jamais les traitements des employés de la province de Namur ne pourront être élevés au niveau de ceux des traitements dont jouiront les employés de l'administration luxembourgeoise.
La même inégalité et, je dirai, la même injustice se font remarquer si on établit la comparaison entre la province de Namur et presque toutes les autres provinces du pays. Je ne citerai que celles d’Anvers et de Brabant. La moyenne des traitements est de 1,404 fr. dans la province d’Anvers et de 1,555 fr. dans celle de Brabant ; eh bien, la dotation de la première de ces provinces sera encore élevée de 7,000 fr. ; et celle de la seconde de 9,525 fr., tandis que, comme nous l'avons vu, Namur ne verra sa dotation augmentée que de 6,000 fr.
J'ai dit, messieurs, qu'il serait impossible de réduire le nombre des employés de la province de Namur, et, en effet, j’ai été à même de m'en convaincre pendant les douze années que j'ai fait partie de la députation permanente de cette province ; j'ai vu ces employés généralement surchargés de besogne. Souvent à l'époque des sessions du conseil provincial, je les ai vus travailler jusqu'à 9 et 10 heures du soir pour expédier les affaires.
M. de Renesse. - Cela dure huit jours.
M. Moncheur. - Sans doute, ils ne travaillent pas constamment ainsi en dehors des heures de bureau, mais je puis dire que, dans les temps ordinaires ils sont occupés, sans relâche, depuis 9 heures du matin jusqu'à 4 heures après midi. J'ai connu un des employés principaux qui est littéralement mort à la tâche.
Il est donc impossible de songer à réduire le nombre de ces employés.
Voilà, messieurs, les observations que j'avais à soumettre à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre.
Je le fais en toute confiance, persuadé que, si la Chambre alloue au gouvernement une somme ronde, il voudra bien les prendre en sérieuse considération et accorder à la province de Namur une augmentation proportionnée à son importance administrative et réclamée par la justice distributive.
Si la proposition formulée par l'honorable M. de Brouckere n'est point adoptée, je devrai bien me rallier à l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ; car je comprends que dans les dispositions où se trouve la Chambre une proposition d'augmentation combattue par le gouvernement n'aurait pas de chance de succès.
C'est, du reste, un point sur lequel il y aura peut-être lieu de revenir plus tard.
M. de Steenhault. - J'ai demandé la parole hier, pour répondre à quelques honorables membres qui avaient critiqué la comparaison faite par l'honorable M. Thiéfry, et notamment à l'honorable M. de Brouckere, qui, pour faire valoir les droits du Hainaut, n'a rien trouvé de plus plaisant que de comparer cette province à une nouvelle Californie. Aujourd'hui que le gouvernement reconnaît les droits du Brabant, toute discussion devient inutile, et je me borne, pour ma part, à formuler le vœu que le gouvernement maintienne son amendement dont l'adoption lui permettra de rendre cette justice tardive à la province de Brabant.
M. de Bronckart. - Messieurs, j'ai demandé la parole dans la séance d'hier, lorsque j'ai entendu l'honorable ministre de l'intérieur me dire que je me plaçais à un point de vue d'extrême défiance vis-à-vis de MM. les gouverneurs, pour apprécier le projet de règlement organique des administrations provinciales.
J'ai lieu d'être surpris, messieurs, de l'imputation de l'honorable ministre. Je n'ai pas dit un mot duquel il soit possible d'inférer que je tiendrais MM. les gouverneurs en suspicion. J'ai dit tout le contraire. J'ai dit que j'avais la plus entière confiance dans leur parfaite loyauté. Mais ce que je dis et ce que je répète aujourd'hui, c'est que toute autorité est jalouse de ses attributions ; c'est que cela est de son essence, et qu'il est nécessaire qu'il en soit ainsi. J'ai ajouté que c'est au gouvernement à tenir compte de cette nécessité. Il n'y avait donc, messieurs, dans mes paroles rien, absolument rien de désobligeant pour MM. les gouverneurs.
Maintenant l'honorable ministre me reproche encore d'avoir apporté beaucoup de sévérité dans l'appréciation du règlement dont il s'agit.
Messieurs, je n'ai mis dans cette appréciation ni sévérité ni complaisance.
J'ai dit sincèrement et loyalement ce que j'en pensais. C'est le droit et le devoir de tout représentant. D'ailleurs, messieurs, veuillez le remarquer, l'honorable ministre a bien voulu me donner raison sur presque tous les points ; il résulte, en effet, des explications qu'il a bien voulu nous donner, que son intention est d'introduire tant de changements dans son projet de règlement, qu'il sera entièrement méconnaissable, c'en sera un autre, tout différent. Avais-je donc tort de dire que, tel qu'il est aujourd'hui, c'est une œuvre informe ?
Un mot encore, messieurs. Je suis certain que l'honorable ministre tiendra tous les engagements qu'il a pris en ce qui concerne les modifications à apporter au règlement réorganique des administrations provinciales. J'ai à cet égard la plus entière confiance en lui. Mais les destins sont changeants, et la confiance que j'ai dans l'honorable ministre, je pourrais fort bien ne pas l'avoir dans son successeur.
Je persiste donc à croire que la Chambre fera chose sage en ne votant cette année encore, qu'à titre provisoire, la partie du crédit destinée à l'amélioration du sort des employés provinciaux.
La Chambre, avant de prendre une résolution définitive, doit avoir la certitude que les fonds votes par elle seront employés exclusivement et surtout efficacement au but auquel elle les destine. Cette certitude, elle ne peut l'avoir que lorsqu'on lui aura communiqué un règlement définitif ; alors seulement elle agira en connaissance de cause.
Il est bien entendu, messieurs, que je n'entends parler que du vote de la somme de 53,180 fr. proposée par le gouvernement, de commun accord avec la section centrale ; mais je ne puis, en aucune façon, donner mon adhésion à des augmentations improvisées qui se produisant avec beaucoup trop de facilité dans la Chambre et sur lesquelles il n'y a eu d'examen ni dans les sections ni en section centrale.
M. Laubry. - J'hésite à prendre la parole, parce que la discussion a été déjà fort longue. Permettez-moi, cependant, de vous présenter quelques observations, je serai court.
Messieurs, la Chambre paraît en général d'accord, que le crédit de 51,180 francs proposé par le gouvernement pour l'augmentation des traitements des employés provinciaux n'est pas suffisant. En effet, messieurs, si vous voulez améliorer la position des employés provinciaux, si vous voulez les rémunérer convenablement, en tenant compte des nécessites du temps, il faut majorer le crédit à porter au budget.
L'honorable M. de Brouckere, d'autres collègues du Hainaut et moi, nous avons eu l'honneur de vous présenter un amendement tendant à ce que le montant du crédit proposé par le gouvernement fût porté à 65,000 francs, en laissant au ministre le soin d'en faire la répartition.
En adoptant ce chiffre, il est possible de faire droit aux diverses réclamations qui se sont produites, notamment à celle de la députation permanente du Hainaut, qui est juste et parfaitement fondée, ainsi que vous l'a démontré un honorable collègue.
L'honorable ministre de l'intérieur était hier disposé à accepter notre amendement ; s'il n'avait pas changé d'avis, le Hainaut pouvait être satisfait, tout en donnant satisfaction aux autres provinces. Mais non, il a cru devoir demander que le crédit de 51,180 fût porté à 60,180, et si sa proposition est acceptée, trois provinces seulement verront leur allocation majorée. Ce sont le Brabant, Luxembourg et Namur, à l'exclusion du Hainaut qui bien certainement a autant des droits à la bienveillance du gouvernement.
Je ne veux pas contester l'importance relative de chaque province en général, mais pour être justes vous devez admettre, messieurs, que ce n'est qu'après, un examen sérieux et après avoir consulté toutes les bases d'appréciation, entendu les avis contradictoires des gouverneurs que le gouvernement s'est décidé à donner au Hainaut le premier rang, et à lui allouer le chiffre le plus élevé dans la répartition.
Ce chiffre est insuffisant, il faudrait porter l'allocation pour le (page 931) Hainaut de 6,160 à 9,000 francs ; alors seulement les employés obtiendraient le minimum attaché à leur grade, ainsi qu'il a été établi dans un tableau annexé à la pétition qui a été adressée à la Chambre par la députation permanente de cette province.
Un honorable député de Bruxelles vous disait tout à l’heure que l'honorable M. de Brouckere avait fait une plaisanterie en qualifiant la province de Hainaut de Californie.
L'honorable M. de Brouckere n'a eu qu'une intention, c'est de dire que la province de Hainaut avait une industrie florissante qui se développe tous les jours, qu'à raison de ce développement considérable, les affaires s'y multipliaient, et qu'il fallait tenir compte de ce fait, lorsqu'il s'agissait d'apprécier le travail administratif de la province.
Il est évident qu'à ce point de vue l'administration provinciale du Hainaut mérite toute la bienveillance de la Chambre ; cette administration se compose de 48 employés zélés et capables ; le nombre, comme vous voyez, est très restreint. Ces employés peuvent à peine suffire aux exigences du service.
Ils sont très mal rétribués, ainsi que vous l'a fait voir hier mon collègue de Mons en vous citant le montant de leurs traitements.
Vous voulez améliorer la position de ces employés à qui nous portons tous une vive sollicitude, eh bien, c'est le moment de le leur prouver en votant notre amendement.
Pourquoi l'honorable ministre doit-il s'arrêter à demander une majoration de 9,000 fr. ? En s'arrêtant à ce chiffre il ne satisfait que quelques provinces et expose le Hainaut à ne pas voir sa réclamation accueillie.
En adoptant au contraire notre amendement, on pourra faire droit à toutes les réclamations. J'espère que la Chambre ne se ralliera pas à la proposition de l'honorable ministre de l'intérieur, qu'elle votera notre amendement ; elle posera un acte de justice dont le pays vous sera reconnaissant, car il est de toute équité que des fonctionnaires capables et zélés soient rétribués convenablement.
L'honorable M. Rogier disait tout à l'heure qu'il serait possible de mettre à charge des provinces une partie des traitements de leurs employés.
C'est sans doute là une mesure que je ne pourrais jamais admettre et qui très probablement ne rencontrerait pas d'accueil sur nos bancs.
Mais si la loi le permettait, la position financière du Hainaut que l'on comparait à une Californie n'est pas assez prospère pour intervenir par la plus petite somme dans le payement des employés de l'administration provinciale, surtout depuis que par une décision de la Chambre que je déplore ; on lui a enlevé il y a quelques années les ressources que lui procurait le canal de Condé.
Aujourd'hui, ce n'est qu'à l'aide d'emprunts, de très grands sacrifices et d'économie que cette province parvient à subvenir aux exigences de son service.
Messieurs, je crois que la Chambre ne peut ni ne doit s'occuper d'administration ; c'est au ministre, comme nous l'avons demandé, à faire la répartition du crédit à allouer aux employés provinciaux. Nous discuterions encore longtemps sans aboutir ; car chaque province trouvera un défenseur pour réclamer en sa faveur ; et je crois que la Chambre désire en finir avec cette question.
L'honorable ministre qui a tous les documents nécessaires, qui a entendu les diverses réclamations qui ont surgi pendant le débat et dont il tiendra compte, peut avec de la bonne volonté satisfaire tout le monde en restant dans la limite du chiffre de notre amendement.
J'espère que l'honorable ministre qui a accueilli avec tant d'empressement la demande des honorables députés de Bruxelles, tiendra à cœur de ne pas se montrer moins favorable aux justes réclamations du Hainaut, et qu'il se ralliera à notre proposition.
M. de Theux. - Messieurs, je n'ai qu'une observation à faire. Hier et aujourd'hui plusieurs orateurs ont basé leur argumentation sur la moyenne des traitements des employés de chacune des administrations provinciales. Je pense que cette base d'appréciation n'est pas fondée en raison. En effet, il faut dans chaque administration provinciale le même nombre de chefs de service qui ont un traitement plus élevé que les employés inférieurs ; et il faut ensuite un nombre plus ou moins grand d'employés, suivant le nombre plus ou moins grand des affaires à traiter. Il n'y a donc pas d'argument à tirer de la moyenne des traitements des diverses provinces ; il faut tenir compte de la besogne des fonctionnaires d'un ordre plus élevé, d'une part, et de celle des employés subalternes d'autre part.
M. Rodenbach. - Messieurs, il a surgi depuis hier une demi-douzaine d'amendements ; tous ces amendements ont pour objet des augmentations en faveur de toutes les provinces. Mais si nous entrons dans cette voie, nous ne pourrons pas nous borner à augmenter les traitements des employés des gouvernements provinciaux ; nous devrons augmenter aussi les traitements des employés de la douane, de l'administration des contributions indirectes, de l'enregistrement, de l'ordre judiciaire ; en un mot, de toutes les administrations.
Or, si l'on majorait tous les employés du gouvernement, dont le nombre se monte à plusieurs milliers, il faudrait augmenter les contributions d'un à deux millions.
Je le demande, le moment serait-il opportun d'imposer de nouvelles charges aux populations éprouvées par trois années calamiteuses ?
Chaque année, on vient nous proposer de nouvelles augmentations ; en six ans, le budget de l'intérieur a été augmenté de 1,200,000 fr., soit 200,000 francs par an. Je ne parle pas des autres budgets dont nous ne nous occupons pas pour le moment. Mais, à mon grand regret, on les a également augmentés.
Messieurs, il est temps que nous nous arrêtions dans cette voie. Si l'on ne songe pas à introduire des économies je voterai contre toute augmentation ; cependant, comme la grande majorité se montre disposée à augmenter les traitements des employés des gouvernements provinciaux, je voterai pour le chiffre le moins élevé.
M. de Naeyer. - Voici un amendement qui a été déposé par M. de Bronckart :
« Je demande que l'augmentation soit fixée à 51,185 francs, chiffre proposé par la section centrale. Je demande, en outre, que l'augmentation qui sera votée par la Chambre soit placée dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires. »
- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker) - Messieurs, avant d'aller plus loin, je crois qu'il est nécessaire de prémunir la Chambre contre une erreur qui paraît avoir été commise par la section centrale.
Les augmentations, telles qu'elles ont été proposées il y a deux ans, l'année dernière et cette année, se rapportent aux crédits ordinaires qui ont été alloués jusqu'ici à chaque province.
En dehors de ces crédits ordinaires, il y a, dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires, deux crédits spéciaux pour les deux Flandres, de 3,000 fr. et de 3,150 fr.
Il n'est jamais entré dans les intentions du gouvernement de supprimer ces deux allocations extraordinaires, accordées, il y a quelques années, à ces provinces, du chef de l'augmentation de besogne résultant de la nécessité d'organiser des mesures administratives spécialement destinées à combattre le paupérisme. Les propositions d'augmentation faites par le gouvernement se rapportent donc aux seuls crédits ordinaires ; les deux crédits extraordinaires dont je viens de parler doivent être maintenus. S'il en était autrement, les administrations provinciales des deux Flandres seraient victimes de la réorganisation que j'ai eu l'honneur de proposer.
M. de Bronckart voudrait placer provisoirement le crédit nouveau dans la colonne des charges extraordinaires. Je comprends la pensée qui a dicté cet amendement, mais son honorable auteur devra convenir qu'il faut, une fois pour toutes, vider cette question ; sinon ce sera à recommencer chaque année les mêmes discussions. Dans l'intérêt du gouvernement et de la Chambre, comme dans l'intérêt des administrations provinciales, il faut une bonne fois en finir.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, il n'est nullement entré dans la pensée de la section centrale de supprimer les allocations extraordinaires et temporaires précédemment accordées aux deux Flandres. Les amendements qu'elle a proposés au chapitre IV, ne concernent que les charges ordinaires et permanentes. Elle a pensé qu'il était convenable de répartir les crédits réclamés à titre permanent par le gouvernement, entre les provinces, d'après le tableau que le ministre avait pris pour base de sa demande.
Mais, je le répète, quant aux allocations portées à la colonne des charges extraordinaires et temporaires pour les deux Flandres, dans l'intérêt du développement de l'industrie linière, elles ont été maintenues par la section centrale.
M. David. - Je ne veux pas entrer dans la discussion du fond de la question ; mon seul but en prenant la parole est de motiver le vote négatif que j'émettrai sur les propositions d'augmentation qui vous sont faites. Je suis aussi partisan que qui que ce soit dans la Chambre de l'amélioration du sort des fonctionnaires publics en général, et des fonctionnaires de la province en particulier, mais mon système consiste dans un autre moyen que celui qui nous est proposé.
Ce système, qui du reste est appuyé par la grande majorité de la Chambre améliorerait la position des fonctionnaires d'une manière plus efficace que tous les palliatifs qu'on propose aujourd'hui. L'honorable M. Osy nous a dit et plusieurs honorables membres ont répété après lui que le seul moyen d'améliorer le sort des employés est d'en diminuer le nombre et d'augmenter considérablement le traitement de ceux qui resteront en fonctions.
De cette façon vous ne devrez pas grever le trésor public, comme vous le faites aujourd'hui, sans venir en aide à ceux que vous voulez favoriser.
En effet, qu'est-ce que vous voulez qu'obtiennent les fonctionnaires quand vous répartirez entre eux une modique somme de cinquante et un mille francs ?
Si le gouvernement entrait dans la voie que je lui indique avec plusieurs honorables membres, il est entendu qu'il ne serait porté atteinte à aucun droit acquis, que les positions seraient respectées ; on n'opérerait les réductions de personnel qu'au fur et à mesure des décès, mises à la pension ou passage dans d'autres branches du service public.
Ce système, devant lequel on recule, pourrait être exécuté s'il se rencontrait une main assez ferme pour l'entreprendre ; nous en avons un (page 932) exemple dans la grande réforme introduite en 1849 au ministère des finances. Lorsque le ministre réduisit le nombre des receveurs, on prétendit que les recettes souffriraient. Au lieu de baisser, les recettes ont continué à aller en augmentant.
Je voterai contre l'augmentation proposée pour le personnel des administrations provinciales, et contre toute augmentation du même genre, parce que je veux forcer le gouvernement à adopter le seul moyen rationnel, efficace, d'améliorer la position des fonctionnaires publics.
M. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole pour répondre aux honorables orateurs qui ont cherché à réfuter une partie du discours que j'ai prononcé hier, pas même pour rencontrer l'éloquente philippique de l'honorable M. de Steenhault ; je veux seulement dire deux mots pour démontrer à la Chambre qu'il est plus convenable de voter une somme globale, que de faire dès aujourd'hui la répartition de l'augmentation que nous allons voter.
M. le ministre de l'intérieur, en présentant son budget, avait demandé une augmentation de 51,000 fr. environ.
Remarquez que M. le ministre avait de prime abord fait la répartition de cette somme, et cependant dans la séance d'hier, cette répartition ainsi faite par lui, M. le ministre l'a complètement bouleversée, car il a reconnu que les écarts qu'elle offrait n'étaient pas justes, et il a proposé des augmentations en faveur de trois provinces, le Brabant, le Luxembourg et Namur. Quelle est la conséquence à tirer de cette nouvelle proposition ? C'est que M. le ministre n'est pas encore complètement renseigné sur la position relative des diverses provinces.
Je suis persuadé que si la Chambre ne fait pas elle-même la répartition, comme je la convie à ne pas la faire, je suis persuadé, dis-je, que M. le ministre, qui est revenu d'une première opinion dans la séance d'hier, changera encore de manière de voir après un nouvel examen et arrivera à une répartition plus juste.
Je sais que, par la dernière proposition qu'il a faite, M. le ministre a mis trois provinces hors de cause.
Par ce nouvel amendement qui a été proposé hier, on a en vue de favoriser le Brabant, le Luxembourg et la province de Namur. Je ne m'oppose en aucune manière au bien qu'on veut faire à ces provinces.
Je n'ai mis aucune espèce de jalousie dans les paroles que j'ai prononcées ; j'accède très volontiers aux propositions qui sont faites en faveur de ces trois provinces ; mais je prétends que parmi les six autres provinces il en est qui sont lésées par cette nouvelle répartition ; je prétends que la justice distributive n'existe plus et je désire qu'elle soit rétablie.
Je ne demande aucun engagement ; je conjure seulement la Chambre de ne point voter aujourd'hui une répartition sur laquelle il n'y aurait plus moyen de revenir ; qui deviendrait définitive et qui consacrerait de véritables injustices.
Je ne veux pas raviver la lutte qui s'est engagée malgré moi entre les représentants des diverses provinces ; mais je me fais fort de démontrer à M. le ministre de l'intérieur quels sont les titres particuliers de la province qui m'a envoyé dans cette enceinte. J'ai ici des chiffres devant les yeux ; je n'en dirai pas un mot parce que j'insiste de nouveau pour que la répartition ne se fasse pas par la Chambre.
Un mot encore, messieurs, avant de terminer. Un de nos honorables collègues vous a parlé de la possibilité qu'il y aurait, selon lui, de mettre une partie des traitements des employés provinciaux à la charge des provinces. Qu'on fasse une proposition dans ce sens ; je l'examinerai.
Je dois dire qu'au premier aperçu la mesure ne me semble pas absolument impraticable, du moment qu'elle serait générale, et non pas exceptionnelle ; mais je n'y vois pas non plus de grands avantages ; car si toutes les provinces devaient payer leurs employés, ce serait à peu près comme si l’Etat les payait.
Je ne vois pas trop l'avantage qu'aurait le contribuable à verser son argent dans la caisse provinciale plutôt que dans la caisse de l’Etat.
M. Coomans. - Cela lui est bien égal.
M. de Brouckere. - C'est aussi mon avis ; il en coûte autant au contribuable de payer dans une caisse que dans l'autre. Du reste, je le répète, quand on fera une proposition dans ce sens, je l'examinerai sans parti pris ; mais on ne peut évidemment pas songer à obliger une province à payer ses employés alors que cette mesure ne serait pas générale, cette province fût-elle plus californienne encore qu'elle ne l'est.
Voilà ce que j'avais à répondre à ce passage du discours d'un de mes honorables voisins.
M. Pierre. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je ne me suis, assurément, point montré prodigue des deniers publics dans le vote des allocations budgétaires et des autres dépenses extraordinaires. Chaque fois qu'il s'est agi d'une question d'équité, je n'ai cependant jamais hésité à voter les fonds demandés. Or il s'agit ici, avant tout, d'une question d'équité. On a fait aux employés provinciaux du Limbourg une position de traitement plus convenable, plus avantageuse, plus favorable, qu'aux employés provinciaux du Luxembourg. Cet état de choses eût été rationnel, juste, équitable, si les conditions du travail des bureaux provinciaux et de la vie matérielle eussent été différentes. Mais il n'en est point ainsi, car s'il existe une différence, c'est plutôt dans le Luxembourg que les travaux dont je parle sont plus multipliés, plus nombreux, plus variés. Les bases de ces travaux, indiquées dans la pétition des employés provinciaux du Luxembourg, qui nous est parvenue, ne laissent aucun doute à cet égard. Quant aux conditions de la vie animale, de la vie matérielle, elles ne sont point meilleures à Arlon qu'à Hasselt. Mon assertion n'est pas contestable ; comme l'a dit hier mon honorable ami M. Tesch, il n'y a point de ville en Belgique où les loyers soient plus élevés qu'à Arlon, eu égard aux proportions de la population. On le voit, il y aurait injustice distributive de ne point faire disparaître l'inégalité qui existe entre le traitement des employés provinciaux du Luxembourg et celui des employés provinciaux du Limbourg, puisque l'occasion propice nous est offerte ; loin de moi la pensée d'amoindrir le traitement destiné à ces derniers ; je ne le crois certes point trop élevé. Je me borne à m'associer à l'amendement que vous ont présenté hier mes honorables collègues de la province de Luxembourg, tendant à faire cesser l'inégalité dont je viens de vous entretenir et qui est diamétralement opposée aux vrais principes d'équité distributive. L'adoption de cet amendement par la Chambre ne peut être douteuse, puisque M. le ministre de l'intérieur a reconnu lui-même, de la manière la plus explicite, que l'écart de 4,000 fr. constituant la différence entre les traitements dont il est question, n'est point justifiable et n'a point de raison d'être.
- La discussion est close.
M. de Naeyer. - Il y a un grand nombre d'amendements qui se rapportent aux articles du chapitre IV. La Chambre aura, je pense, à se prononcer sur ces amendements à mesure que nous en viendrons aux articles auxquels ils ont irait. Il en est deux cependant qui font exception, ce sont ceux des honorables MM. de Brouckere et de Bronckart. L'amendement de M. de Brouckere a un caractère général ; il s'applique à l'ensemble du chapitre IV.
Je crois, par conséquent, qu'il faudrait le mettre d'abord aux voix.
Voici cet amendement :
« Nous proposons que la somme de 51,185 francs, demandée par M. le ministre de l'intérieur, soit portée à 65,000 francs. La répartition de cette somme serait abandonnée au ministre. »
M. Rogier. - Je demande qu'on procède par division et qu'on vote séparément sur la question de chiffre et sur la question de répartition, en commençant par celle-ci.
M. de Bronckart. — La seconde partie de mon amendement s'applique également à celui de l'honorable M. de Brouckere, c'est-à-dire que la Chambre ne voterait le chiffre qu'à titre provisoire.
M. Calmeyn, rapporteurM. Vandenpeereboom. - Il y a deux questions dans l'amendement de M. de Brouckere ; la question de chiffre et celle de principe. Il faut évidemment voter séparément sur ces deux questions, ainsi j'admets l'amendement quant à la question de répartition, mais je ne suis pas disposé à accorder 65,000 fr., alors que le gouvernement n'en demande que 51,000.
M. Verhaegen. - Il convient, je pense, de voter d'abord sur le mode de répartition.
M. Rogier. - C'est aussi mon avis, car si on admet la répartition par le gouvernement, je voterai toute la somme parce que je crois que le gouvernement en fera un bon emploi ; tandis que si on vote d'abord sur le chiffre, je ne voterai pas celui de l'honorable M. de Brouckere.
M. de Naeyer. - Je vais donc mettre aux voix la question de savoir si la répartition sera abandonnée au gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Puisque la Chambre paraît d'accord à abandonner la répartition du crédit au gouvernement, je déclare ne plus m'y opposer, maintenant surtout que la discussion a répandu sur la question des lumières dont le gouvernement pourra tirer son profit.
- La proposition de M. de Brouckere est mise aux voix par appel nominal.
71 membres prennent part au vote.
33 adoptent.
38 rejettent.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Allard, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Lexhy, de Moor, de Paul, Desmaisières, de Steenhault, Dubus, Faignart, Lange, Laubry, Lebeau, Lesoinne, Licot de Nismes, Maertens, Matthieu, Moncheur, Pierre, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Tesch, Thiéfry, Van Cromphaut, Verhaegen, Vervoort et Wasseige.
Ont voté le rejet : MM. Boulez, Coppieters 't Wallant, David, de Breyne, de Bronckart, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Malou, Moreau, Osy, Rodenbach, Sinave, Tack, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Renynghe et de Naeyer.
M. de Naeyer. - Nous passons maintenant à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
Le chiffre est de 60,185 francs.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. de Naeyer. - M. de Bronckart a proposé de porter ce chiffre dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires.
- Cette proposition est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
« Province d’Anvers
« Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,300. »
- Adopté.
« Province de Brabant.
« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 49,575. »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »
- Adopté.
« Province de Flandre occidentale.
« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,300. »
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250. »
- Adopté.
« Province de Flandre orientale.
« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 45,000.
« Charge extraordinaire : fr. 3,150. »
M. de Naeyer. - Il y a ici un amendement de M. Desmet.
M. de Smedt. - Je le retire.
- L'article est adopté.
« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »
- Adopté.
« Province de Hainaut.
« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
Art. 23. Traitement des employés et gens de service 52,840. »
- Adopté.
« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,930. »
- Adopté.
« Province de Liège.
« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 43,800. »
- Adopté.
« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »
- Adopté.
« Province de Limbourg.
« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 35,500. »
- Adopté.
« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 12,497. »
- Adopté.
« Province de Luxembourg.
« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 31,800. »
- Adopté.
« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »
- Adopté.
« Province de Namur.
« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »
- Adopté.
M. de Naeyer. - L'article 37 est celui qui a été adopté tout à l'heure.
M. Brixhe. - Messieurs, dans la discussion du chapitre IV on a beaucoup parlé de la classification des employés provinciaux et l'on a eu raison. Mais s'il est une classification qui appelle une révision et mérite le bon vouloir du gouvernement, c'est certainement celle des commissariats d'arrondissement.
Je ne viens point ici mal à propos faire de l'administration et je me garderai d'improviser des propositions qui seraient inopportunes à l'occasion du budget et dont, faute d'éléments suffisants, on ne pourrait d'ailleurs rien attendre aujourd'hui.
La classification des commissariats d'arrondissement laisse beaucoup à désirer ; et maintes fois, dans cette enceinte, des réclamations se sont produites à ce sujet. Je rappellerai que depuis plusieurs années notre honorable collègue, M. Dedecker lui-même, a vivement rompu bien des lances pour redresser les torts de cette classification.
Aussi, c'est avec confiance que je prie aujourd'hui M. le ministre de vouloir bien nous donner quelques explications et nous dire si, conservant la même sollicitude, il espère pouvoir parvenir a corriger les disparates choquantes d'une classification qu'il n'est guère possible de maintenir plus longtemps, parce qu'elle repose sur des bases vicieuses.
A la vérité, la chose n'est pas tout à fait aussi aisée qu'elle le semble à première vue, je le sais bien ; mais cela seul, je n'en doute pas, ne saurait suffire pour rebuter l'honorable ministre, et je le prie de vouloir bien faire connaître à la Chambre ses intentions et nous laisser entrevoir au moins ses vues sur une matière qu'il a plusieurs fois traitée avec une parfaite connaissance el un zèle auquel il semble que ses actes doivent enfin correspondre.
Puisque j'ai la parole sur le chapitre V, je dois en quelques mots rencontrer l'article 39 du budget.
En effet, si je ne me trompe, c'est à l'occasion de cet article que M. le ministre de l'intérieur doit donner les explications qu'il a promises à la Chambre sur les pétitions des employés des commissariats d'arrondissement dont on nous a rendu compte dans une séance précédente.
Je crois que la Chambre entendra aussi avec intérêt les explications de l'honorable ministre, car il s'agit d'une classe d'employés qui, autant que ceux des provinces, sont dignes de la bienveillance du gouvernement et par l'utilité de leurs modestes travaux si mal rétribués et par l'état d'abandon où on les laisse quand l'âge ou les infirmités les chassent de leurs emplois chétifs et précaires.
Le langage chaleureux de plusieurs membres en faveur des employés provinciaux est, certes, parfaitement fondé ; et cependant, je dois le dire, on n'a pas prononcé une parole qui ne soit exactement applicable aux employés des commissariats d'arrondissement.
Je me plais donc à croire que M. le ministre va exprimer tout autre chose que de l'indifférence pour ces intéressants pétitionnaires dont il se fera un devoir, je n'en doute pas, d'étudier la triste position afin de l'améliorer, surtout s'il est possible de le faire sans grossir son budget. Un travail sur cet objet devient véritablement nécessaire, et je désire qu'il ne se fasse plus longtemps attendre.
(page 934) J'attends et j'écouterai avec reconnaissance une réponse bienveillante de la part de l'honorable ministre sur les deux points sérieux que je viens de soumettre à sa justice.
M. de Lexhy. - Messieurs, j'appuie les considérations qui viennent d'être émises par l'honorable M. Brixhe, relativement aux employés des commissariats d'arrondissement. Une partie de ces considérations avaient déjà été fournies par plusieurs de nos collègues et entre autres par l'honorable M. Allard, lors de la discussion du rapport qui nous a été présenté sur les pétitions de ces employés : je crois donc inutile de les faire valoir de nouveau devant vous.
On doit reconnaître que la position qui est faite à ces utiles agents est complètement injuste : d'une part, on leur dénie le caractère de fonctionnaires publics et d'autre part, on les soumet à des incompatibilités qui les privent de certaines ressources sur lesquelles leur aptitude pourrait leur permettre de compter. C'est là une situation anormale et radicalement contradictoire.
La nature du travail de ces agents est à peu près la même que celle des travaux des employés des administrations des provinces qui sont considérés comme fonctionnaires publics ; il y a donc injustice flagrante à refuser aux employés des commissariats la qualité de fonctionnaires publics et à ne pas leur conférer toutes les prérogatives qui sont attachées à cette qualité.
Dans la séance d'hier et dans celle d'aujourd'hui, on a parlé, incidemment, il est vrai, du système d'abonnement comme mode de rétribution des employés des provinces et des commissariats, sans que ce système ait été préconisé d'une manière absolue. A ce propos, on a cité l'exemple de la France. Je ferai remarquer que pour pouvoir invoquer l'exemple de l'étranger, il faut que les positions et les institutions soient identiques. Or, elles sont loin de l'être dans l'espèce.
En France, la centralisation administrative est arrivé à son apogée : la vie départementale et la vie communale y sont très faibles, tandis que, chez nous, elles sont heureusement douées d'une grande puissance. Il en résulte que les travaux administratifs dans nos provinces sont plus importants et plus considérables que dans les départements français. L'importance de ces travaux exige nécessairement des administrations fortement organisées ; or il n'y a pas d'administration sérieuse, si le sort des employés n'est pas établi sur des bases solides. Selon moi, messieurs, le système d'abonnement est destructif de toute organisation solide des administrations.
Je crois que la grande majorité de mes collègues partage mes vues à cet égard.
Si l'abonnement repose sur un principe vicieux, vous devez le repousser aussi bien pour les arrondissements que pour les provinces.
Je ne me dissimule pas, messieurs, qu'en conférant aux employés des commissariats d'arrondissement la qualité de fonctionnaires publics, on sera fatalement amené à augmenter le chiffre qui figure au chapitre XXXIX, mais il s'agit d'une question de justice et d'équité, et l'on ne doit jamais reculer devant aucune dépense dans de semblables questions.
Je vous signalerai, messieurs, un fait qui existe probablement dans beaucoup d'arrondissements du royaume, et que je puis affirmer en ce qui concerne mon arrondissement. C'est que le chiffre alloué aux commissaires à titre d'émoluments pour frais de bureau est tellement insuffisant, que ces fonctionnaires sont obligés de sacrifier une partie de leurs traitements pour augmenter quelque peu le chétif salaire de leurs employés.
C'est là un fait déplorable. Il ne faut pas mettre des fonctionnaires dans la pénible alternative de manquer à un devoir d'humanité envers leurs employés ou d'abandonner une partie notable de leurs traitements qui ne sont pas trop élevés.
Je crois donc que les employés des commissariats sont entièrement dignes de vos sympathies et j'espère que vous leur en donnerez des marques, de même que vous venez de vous efforcer d'améliorer la position si pénible et si malheureuse des employés provinciaux.
On élabore, en ce moment, un règlement organique pour les administrations provinciales : j'invite le gouvernement à examiner sérieusement s'il ne serait pas rationnel de créer une hiérarchie comprenant tous les employés administratifs depuis l'arrondissement jusqu'au ministère et d'établir ce que j'appellerai les cadres de la légion administrative.
Je soumets ces idées au gouvernement et j'espère qu'il s'efforcera de les amener dans le domaine de la réalité.
M. Rodenbach. - Messieurs, trente-deux pétitions nous ont été adressées de la part des employés des commissariats d'arrondissement, dix-neuf commissaires d'arrondissement ont même appuyé ces demandes. Nous avons reçu également un grand nombre de requêtes de secrétaires communaux, qui sollicitent, comme les employés des commissaires d'arrondissement des modifications dans leur position. Je crois même qu'un rapport, sur cette question, a été renvoyé naguère à M. le ministre.
On voudrait, messieurs, qu'il y eût pour ces divers employés une caisse de retraite, alimentée par des retenues, comme il en existe dans beaucoup d'autres administrations. On a aussi fait remarquer que le gouvernement accorde des pensions aux employés des procureurs du roi, bien qu'ils soient nommés par ces fonctionnaires. On pourrait citer encore les employés des directeurs et inspecteurs des contributions, ceux des gouverneurs provinciaux et beaucoup d'autres fonctionnaires appartenant à diverses administrations ; tous ces employés ont des caisses de retraite, tandis que les secrétaires communaux et les employés des commissaires d'arrondissement en sont privés et se trouvent pour ainsi dire réduits à la misère quand ils arrivent à un âge avancé. J'appelle toute l'attention du gouvernement sur ce point : il ne faut pas qu'en Belgique des hommes qui ont rendu des services à leur pays puissent être exposés à manquer du nécessaire. Il s'agit, messieurs, de pères de famille et autres personnes qui n'ont qu'un traitement de 1,000 à 1,200 fr. et même moins.
Il y a un antécédent, messieurs, à l'appui des réclamations dont je viens de parler : dans la Flandre occidentale on a établi une caisse de pensions pour les secrétaires communaux. C'est sous l'administration de l'honorable M. de Muelenaere que cette caisse a été instituée, et il paraît qu'elle marche bien.
Le gouvernement doit s'être occupé de cette question, car il a été saisi d'un grand nombre de demandes. Je désirerais savoir quelle est son opinion.
M. de Breyne. - Messieurs, en 1847 quand arriva au pouvoir le ministère du 12 août, nous étions sous l'impression d'une crise financière, d'une crise commerciale, d'une crise industrielle et d'une crise alimentaire.
Il s'agissait d'employer des remèdes héroïques pour tirer la nation de cette espèce de torpeur dans laquelle elle se trouvait ; eh bien, au nombre des remèdes auxquels le ministère d'alors eut recours, figurait notamment la réduction des dépenses. A cette époque les économies étaient à l'ordre du jour ; au lieu de voter des dépenses incessamment, comme nous le faisons depuis quelques années, on cherchait alors à diminuer tous les budgets.
Au nombre des économies que fit le ministère, se trouva un remaniement des commissariats d'arrondissement. Quelques districts furent joints à d'autres ; dans la Flandre occidentale de huit arrondissements on en fit cinq.
On réunit Ostende et Bruges, Roulers et Thielt, Dixmude et Furnes. Les titulaires furent mis en disponibilité ou placés dans d'autres positions.
Alors surgit une question de résidence. Dixmude prétendit que le commissaire de l'arrondissement Dixmude-Furnes devait résider à Dixmude ; Furnes, au contraire, soutint que l'ancienne résidence devait être maintenue.
Les mêmes prétentions réciproques se sont élevées en ce qui concerne Thielt-Roulers. Je crus à cette époque devoir réclamer ici en faveur de l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte, la résidence du commissaire d'arrondissement. Je prouverai que l'arrondissement de Dixmude est beaucoup plus peuplé que celui de Furnes ; que la ville de Dixmude, chef-lieu de district, est le centre des deux arrondissements. Je démontrerai que la ville de Furnes se trouverait au contraire, adossée, d'un côté, à la mer ; de l'autre, à la frontière française.
Je prouverai que les communes les plus populeuses se trouvent dans l'arrondissement de Dixmude et sur les points les plus éloignés de l'arrondissement de Furnes. En effet, les grandes communes de Handzaeme, Cortemarcq, Couckelaere, etc., sont à plus de 6 lieues de Furnes, tandis qu'elles ne sont distantes de Dixmude que de 2 1/2 lieues en moyenne.
J'ai fait voir aussi, par un état statistique, que l'arrondissement de Dixmude était plus salubre que celui de Furnes, que le séjour de Dixmude était préféré par tous les fonctionnaires publics. (Interruption.) Ceci est de notoriété publique et je le maintiens. Quand le gouvernement nomme un fonctionnaire à Furnes, ce fonctionnaire n'y va qu'à regret...
M. de Perceval. - Et il y meurt jeune, témoin le dernier commissaire d'arrondissement.
M. de Breyne. - C'est vrai. Eh bien, malgré toutes nos réclamations, bien que nous ayons prouvé à l'évidence que la résidence du commissaire d'arrondissement devrait être à Dixmude, jamais on n'a fait droit à nos observations.
On a objecté qu'il se trouve un tribunal à Furnes, et qu'il faut que le commissaire d'arrondissement réside dans la localité où siège le tribunal.
Mais les considérations que j'ai fait valoir pour que la ville de Dixmude fût déclarée chef-lieu de l'arrondissement administratif, je pourrais les invoquer jusqu'à un certain point pour que cette ville soit déclarée chef-lieu de l'arrondissement judiciaire. Toutefois mes exigences ne vont pas si loin ; en défendant ici les intérêts de mes commettants, je ne veux pas enlever tout avantage à mes voisins ; je demande qu'on suive les règles de la justice distributive.
On a ajouté que Furnes est le chef-lieu d'une ancienne châtellenie, que cette ville a toujours été le siège d'une juridiction.
Je le reconnais, mais quelle était l'étendue de cette ancienne châtellenie ? C'était le tiers à peine des deux arrondissements.
Voici, messieurs, ce qui est arrivé : le commissaire de l'arrondissement de Dixmude a été déplacé, comme l'a été le commissaire de l'arrondissement de Roulers.
Celui des deux arrondissements de Dixmude et de Furnes qui est resté titulaire était établi dans cette dernière ville, comme celui de (page 935) Roulers-Thielt, avant la réunion de ces deux arrondissements, était établi à Thielt.
Celui de Furnes s'était fait bâtir une maison magnifique ; eh bien, il a démontré au gouvernement que, s'il devait quitter Furnes pour venir résider à Dixmude, il perdrait 60 p. c. au moins sur sa propriété. Je crois que c'est une des grandes considérations qu'on a fait valoir pour que la résidence continuât d'être fixée à Furnes.
Maintenant, messieurs, la place est vacante, et je pense que M. le ministre de l'intérieur ne tardera pas à nommer un nouveau titulaire. Je désire que, puis qu'il n'y a pas de droits acquis...
- Un membre. - Puisqu'il n'y a pas de maison bâtie.
M. de Breyne. - Soit ! puisqu'il n'y a aucun intérêt privé engagé, je prie M. le ministre de l'intérieur d'examiner avec impartialité si la résidence du nouveau titulaire ne devrait pas être dans l'intérêt public fixée à Dixmude. Dans tous les cas, en supposant que M. le ministre désire ne pas se prononcer et ne pas trancher la difficulté, je demande qu'il laisse la liberté du choix au titulaire et qu'il autorise celui-ci à résider, soit à Dixmude, soit à Furnes. Je suis certain que ce fonctionnaire ira résider là où l'appellent les véritables besoins des administrations ; alors on ne verra plus, comme précédemment, les administrés sacrifiés à l'administrateur, et en agissant ainsi, M. le ministre de l'intérieur fera un acte de bonne administration.
M. Calmeyn. - L'honorable M. de Breyne vient d'insister auprès du ministre de l'intérieur pour obtenir le transfert à Dixmude du chef-lieu du commissariat du district de Furnes et Dixmude.
Je n'entrerai pas, comme l'a fait l'honorable membre, dans des explications topographiques sur la situation respectives des communes vis-à-vis des villes de Furnes et de Dixmude qui, du reste, se trouvent placées toutes deux aux extrémités de l'arrondissement. Ces explications ne pourraient être suffisamment comprises par les membres de cette Chambre, la plupart d'entre eux étant étrangers à ces localités.
Il me suffira, pour faire apprécier la valeur de la réclamation qui est faite, de citer la décision qui a été prise à ce sujet par le conseil provincial delà Flandre occidentale.
Vous vous rappellerez qu'en 1849, sur la proposition d'un membre de cette Chambre, l'honorable M. Jacques, le gouvernement a demandé l'avis des conseils provinciaux sur l'utilité qu'il y aurait à établir l'uniformité entre la circonscription des arrondissements administratifs et judiciaires du pays.
Cette uniformité de circonscription comprenait évidemment la réclamation produite aujourd'hui, puisque la ville de Dixmude, qui a été momentanément chef-lieu d'un commissariat de district, fait partie de l'arrondissement judiciaire de Furnes.
Jamais occasion plus belle ne s'offrit à la ville de Dixmude pour formuler les motifs de ses prétentions et réclamer devant le conseil provincial, juge compétent des intérêts locaux.
Eh bien, en cette circonstance pas une voix ne s'est élevée en faveur de cette demande.
Le conseil provincial à l'unanimité s'est prononcé pour le maintien de l'état actuel des choses, tout en émettant le vœu de voir se réaliser, à l'avenir, l'uniformité de circonscription des arrondissements administratifs et judiciaires, lorsque des réformes ultérieures auraient été opérées. Telles sont les conclusions du rapport et des procès-verbaux du 11 juillet 1849.
Ainsi, non seulement le conseil provincial veut actuellement le maintien du chef-lieu de commissariat de district à Furnes, mais il veut encore l'y conserver à l'avenir. Car ce serait s'opposer à cette uniformité de circonscription pour laquelle le conseil provincial émet un vœu, que de placer, dans une ville, le siège de l'autorité administrative et dans une autre, le siège de l'autorité judiciaire et cela dans le même arrondissement.
Or, voilà ce que demande M. de Breyne.
Une circonstance toute particulière dans cette affaire, et qu'il est fort curieux de mentionner ici, c'est que les conseillers provinciaux de la ville et du district de Dixmude étaient présents au conseil et ont voté contre les prétentions que l'on renouvelle en cette enceinte.
Messieurs, la ville de Fumes est depuis un temps immémorial le chef-lieu d'une juridiction administrative et judiciaire, elle peut donc invoquer en sa faveur une possession de plusieurs siècles.
La ville de Dixmude est loin de pouvoir invoquer de tels titres.
Avant notre réunion à la France en 1795, Dixmude n'avait jamais eu aucune juridiction qui s'étendît hors de son enceinte. Ce n'est que sous la république française, depuis la première circonscription cantonale, que la ville a été érigée en chef-lieu de justice de paix.
En 1818, cette ville devait paraître d'une importance bien minime, puisque les états provinciaux de la Flandre occidentale ne la placèrent même pas au nombre des douze villes qu'on se proposait de doter d'un commissariat de district. Malgré cette profusion de commissaires dans une seule province, puisque la Belgique entière n'en possède que vingt-six, on n'avait pas jugé la ville de Dixmude assez importante pour en faire un des douze chefs-lieux de district.
Ce ne fut qu'en 1823 que le gouvernement hollandais éleva la ville de Dixmude au rang de chef-lieu de district.
Mais à la première amélioration introduite dans la circonscription des commissariats de district, le commissariat de Dixmude fut supprimé et fut réuni de nouveau à celui de Furnes dont on l'avait détaché.
L'honorable M. de Breyne a déjà réclamé plusieurs fois devant cette Chambre à ce sujet, mais toujours sans succès. Il l'a fait sous le ministère de M. Rogier qui n'a pas jugé à propos de donner suite à sa demande.
Depuis 1849, époque à laquelle le conseil provincial a été appelé à se prononcer sur cette question, M. de Breyne a trouvé prudent de ne pas revenir à la charge. Il renouvelle aujourd'hui ses prétentions, mais je ne puis croire que ce soit sérieusement. Aucun fait nouveau ne s'est présenté ; toutes les voies de communication qui existent aujourd'hui, existaient déjà alors ou étaient sur le point de s'achever.
L'honorable membre aura voulu prouver à sa ville natale tout l'intérêt qu'il lui porte, le désir sincère de lui être utile ; ses administrés n'avaient pas besoin cependant de ce nouveau témoignage pour être convaincus de son dévouement.
Je termine, messieurs, je ne veux pas fatiguer davantage la Chambre en entrant plus au fond d'une question qui ne peut avoir un grand intérêt pour elle. Les quelques mots que je viens de prononcer doivent suffire pour l'éclairer.
M. Van Cromphaut. - Messieurs, dans une des séances précédentes, j'ai eu l'occasion de parler en faveur des employés des commissariats d'arrondissement, qui méritent l'attention de la Chambre et du gouvernement ; l'honorable M. Brixhe vient de prononcer un discours bien exprimé en faveur de ces fonctionnaires et je ne puis que me rallier à ses opinions.
J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien nous faire connaître les siennes, et qu'elles seront pleinement favorables aux intérêts des employés de cette catégorie qui me paraissent avoir le même droit que ceux des gouvernements provinciaux.
Messieurs, à l'occasion de la discussion du chapitre V, je me permettrai de rappeler à l'honorable ministre de l'intérieur les paroles bienveillantes qu'il a prononcées dans cette enceinte, dans la séance du 27 janvier 1854, en faveur des commissariats de district de Termonde et de Malines qui ont une grande importance. Ces arrondissements ont été placés dans la dernière classe, on ne peut expliquer pour quel motif. M. le ministre de l'intérieur d'alors, l'honorable M. Piercot, avait reconnu l'injustice flagrante à l'égard de quelques arrondissements, et notamment envers celui de Termonde ; l'honorable M. Dedecker a qualifié de déni de justice pour plusieurs fonctionnaires cette étrange anomalie.
Je n'ai aucun doute que mon honorable ami et collègue de Termonde ne soit animé des mêmes sentiments aujourd'hui ; mais peut-être qu'il a sentiment de délicatesse le retient en ce moment comme député de la même localité dont je défends les intérêts.
Je crois néanmoins pouvoir me rassurer sur les intentions de M. le ministre de l'intérieur, et je me berce de l'espoir qu'il saisira la première occasion pour remédier à l'injustice faite à ces deux arrondissements, dont l'importance n'est pas contestable. L'arrondissement de Termonde, qui compte 3 représentants et 1 sénateur, est un des plus industriels et des plus commerçants du pays.
L'agriculture y est poussée dans la perfection, et trois rivières, l'Escaut, la Dendre et la Durme, le traversent dans toutes ses parties, et y impriment une grande activité. Il est en outre doté d'un port qui tend à prendre de l'extension. Pourquoi alors le maintenir dans la quatrième classe ? Je borne ici pour le moment mes observations lesquelles, j'espère, ne seront pas perdues de vue par le gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je dirai quelques mots en réponse aux observations qui viennent d'être présentées par quelques honorables membres.
Je saisirai en même temps l'occasion de cette discussion pour fournir quelques explications que le gouvernement s'est engagé à donner sur des pétitions qui ont été adressées à la Chambre par des employés des commissariats d'arrondissement.
Parmi les observations qui ont été faites, il faut distinguer celles qui sont relatives à la classification des commissariats d'arrondissement, et celles qui se rapportent à la position des employés de ces commissariats.
Sur ta première question, je persiste à soutenir l'opinion que j'ai eu occasion d'émettre à diverses reprises dans cette enceinte, à savoir que la classification faite en 1849 a été, contre le gré de son auteur, incomplète et par cela même injuste dans ses résultats.
Ainsi, on a tenu compte, pour opérer cette classification, de trois choses : la population, le nombre des communes et l'étendue territoriale. Ces trois bases, sans doute, il faut les prendre en considération ; mais il ne faut pas les admettre d'une manière, si je puis m'exprimer ainsi, brutale ; il faut en apprécier la valeur relative. Ainsi, en supputant le nombre des communes, sans tenir compte de leur importance relative sous le rapport industriel et agricole, on risque d'être conduit à un résultat injuste ; il en est de même quant à l'étendue du territoire : il faut distinguer entre les territoires abandonnés qui n'ont pas besoin d'administration et des terrains fertiles donnant lieu à une foule de transactions dans les provinces les plus florissantes.
Il y a plus. Dans une pareille classification, il est essentiel de tenir compte des nécessités de la vie dans les chefs-lieux des divers arrondissements. C'est une considération qu'il ne faut pas perdre de vue quand il s'agit de fixer des traitements. Sous ces divers rapports, la classification actuelle des arrondissements laisse donc à désirer.
Que faut-il faire pour faire cesser cet état de choses ? J'ai examiné (page 936) attentivement cette question. Cet examen m'a convaincu qu'il est fort difficile de refaire une pareille classification, par cette raison que, s'il est facile de faire monter des arrondissements de la quatrième classe dans la troisième, il est impossible de faire descendre des arrondissements de la troisième dans la quatrième. Il y a là des faits accomplis contre lesquels la réforme irait infailliblement se heurter.
Comme, en définitive, il n'y a entre la troisième et la quatrième classe, que très peu de différence, mon honorable prédécesseur, avant de se retirer, avait émis au Sénat l'opinion qu'il y avait lieu de supprimer la quatrième classe et de reporter tous les commissariats de la quatrième classe dans la troisième. La Chambre sait que la différence entre les traitements affecté à ces deux classes est de 1,000 francs sur l'ensemble des sommes allouées à chaque commissaire d'arrondissement, tant à titre de traitement personnel que d'émoluments. La quatrième classe comprenant onze commissariats d'arrondissement, il y aurait lieu à une augmentation totale de 11,000 francs pour reporter tous les commissariats de quatrième classe dans la troisième classe. Ce serait là, selon moi, une mesure qui, en même temps qu'elle consacrerait un principe de justice, léserait le moins d'intérêts. Cependant, le, gouvernement ne s’est pas jusqu'à présent résolu à proposer à la Chambre ce changement de classification, parce qu'il croit que cette question devra être traitée en même temps que la question des employés mêmes.
Il est évident, messieurs, et je le faisais pressentir hier, que nous sommes arrivés à une époque où il faudra revoir la plupart de ces questions administratives. Déjà nous venons de le faire pour l’organisation des administrations provinciales, nous nous occupons maintenant de l'organisation des arrondissements. Tout à l'heure nous aurons à nous occuper des secrétaires communaux. Il est évident qu'à tous les degrés de la hiérarchie, il y a quelque chose à faire.
- Voix nombreuses. - Oui, oui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je regrette que tous ces besoins se manifestent à la fois ; mais la Chambre doit-elle reculer devant les difficultés que présente la solution simultanée de ces questions urgentes de leur nature ?
Maintenant que faut-il faire pour les employés ?
Les employés se plaignent de n'être point rémunérés suffisamment. Quand on voit quelle est, de par l'arrêté de 1849, la somme consacrée aux émoluments dd chaque commissaire d'arrondissement, on peut facilement se faire une idée de l'insuffisance des traitements accordés aux employés des commissariats. Aussi, ne trouve-t-on plus d'employés convenables, ou bien la plupart des commissaires d'arrondissement doivent-ils faire le sacrifice d'une partie de leurs traitements pour se procurer le nombre nécessaire de commis capables. Cette situation est d'autant plus pénible qu’on interdit aux employés des commissariats d'arrondissement l’acceptation de fonctions qu'ils seraient particulièrement aptes à bien exercer, telles que celles de receveurs et de secrétaires communaux ; aussi font-ils remarquer à bon droit que, de deux choses l'une, ou qu'il faut les considérer comme fonctionnaires ou bien, si on ne les considère pas comme tels, qu'il ne faut pas les frapper d'incompatibilités légales. S'ils ne sont pas fonctionnaires, il faut leur laisser le bénéfice de la liberté, si, au contraire, on les frappe d'incompatibilités légales, on reconnaît implicitement par là qu'ils sont fonctionnaires de l'Etat et il faut alors leur assurer des droits éventuels à une pension de retraite.
J'ai ouvert à la fin de l'année dernière une espèce d'enquête sur la position de ces employés. Par une circulaire du 7 octobre 1856, j'ai demandé aux gouverneurs, et, par eux, aux commissaires d'arrondissement, leur avis sur les moyens les plus convenables pour donner aux employés des commissariats d'arrondissement une amélioration de position, qui est dans les vœux, je pense, de la Chambre tout entière.
Je viens de recevoir, il y a quelques jours, les dernières réponses des gouverneurs. Je les ai fait analyser immédiatement. J'y trouve un accord complet sur ce point capital, qu'il y a lieu de considérer comme fonctionnaires publics les employés des commissariats d'arrondissement et de les rétribuer directement à charge du trésor public.
- Plusieurs membres. - C'est très juste.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Plusieurs chefs d'administration provinciale ont même été plus loin ; ils ont demandé au gouvernement de proposer, pour les commissariats d'arrondissement, une organisation dans le genre de celle qui vient d'être adoptée pour les administrations provinciales, c'est-à-dire, comportant des conditions d'admission, des cadres, un mode d'avancement, etc.
Il s'ensuivrait naturellement que ces employés étant considérés comme fonctionnaires publics et étant rétribués directement à charge du trésor public, ils auraient droit à une pension.
Cette question, je le sais, a été résolue contre les employés des commissariats d’arrondissement, en 1844, à l'époque de la discussion de la loi sur les pensions ; mais ce n'est pas là un motif, me semble-t-il, pour se refuser d'une manière perpétuelle à changer cette situation.
Nous avons, l’année dernière, provoqué l'application de la législation de 1844 pour les pensions aux professeurs des conservatoires royaux de Bruxelles et de Liège. Il est donc juste d'examiner s'il n'y aurait pas quelque chose d’analogue à faire pour les employés des commissariats d'arrondissement.
La convenance d'une modification dans la position des employés des commissariats d'arrondissement a, du reste, été prévue à l'époque même de la discussion de la loi des pensions.
Ainsi, je lis dans le rapport présenté au Sénat par l'honorable M. de Haussy, rapporteur de la loi de 1844 :
« Une exception particulière avait été provoquée en faveur des employés des commissariats d'arrondissement comme faisant aussi partie de l'administration générale et étant rétribués par le trésor, sinon directement, du moins par l'entremise des commissaires d'arrondissement. Ces considérations n'ont pas prévalu. Mais votre commission pense qu'il y aurait lieu de régulariser par une loi la position de ces employés dont les fonctions se rattachent évidemment à l'administration générale et qui pourraient être payés directement par le trésor public qui les rétribue aujourd'hui d'une manière indirecte. »
Si donc on organisait aujourd'hui l'administration des commissariats d'arrondissement comme nous venons d'organiser les administrations provinciales, nous ne ferions que réaliser la pensée exprimée au Sénat par l'honorable rapporteur de la loi des pensions.
Messieurs, je n'ai pas encore pu, à l'heure qu'il est, songer à faire des propositions formelles dans ce sens, parce que les réponses de tous les gouverneurs me sont à peine parvenues et que les questions à résoudre sont assez graves pour être mûrement examinées. La Chambre comprendra, d'ailleurs que tout ne peut pas se faire à la fois. Cette année, nous avons régularisé et amélioré la position des fonctionnaires des administrations provinciales.
Je m'estimerai heureux de pouvoir arriver à un résultat analogue en faveur des fonctionnaires placés aux divers degrés de l'administration générale du pays.
Et pour ma part, je prends très volontiers l'engagement devant la Chambre de soumettre, à la discussion du budget de l'année prochaine, quelque chose d'analogue pour les commissariats d'arrondissement.
Je ne cache pas à la Chambre qu'il résultera de cette organisation un léger surcroît de dépenses. Certains gouverneurs ont soumis au gouvernement des projets presque complets, et d'après leurs prévisions, pour autant que j'ai pu les vérifier, il en résulterait une dépense d'une cinquantaine de mille francs pour tous les commissariats d'arrondissement du pays.
Du reste, je n'ai pas encore eu le temps d'examiner mûrement cette importante affaire. Je ne puis donc et ne veux prendre aucune espèce d'engagement. J'ai tenu seulement à prouver à la Chambre que cette question est, de la part du gouvernement, l'objet d'un examen sérieux. J'ai tout lieu d'espérer que, l'année prochaine, il me sera possible de lui proposer une organisation complète pour les commissariats d'arrondissement.
M. de Moor. - Et les secrétaires communaux ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - C'est une autre question sur laquelle je m'expliquerai tout à l'heure.
M. de Breyne. - Messieurs, permettez-moi un seul mot de réponse à mon honorable collègue de Furnes.
Ou l'honorable M. Calmeyn a voulu cacher la vérité, ou il ne sait pas ce qui s'est passé au conseil provincial en 1849.
Le conseil provincial n'a pas été appelé à émettre un vote sur la résidence du commissaire d'arrondissement. Il a été appelé seulement à émettre un vote sur une proposition de M. Jacques qui tendait à décider en règle générale s'il fallait mettre les arrondissements administratifs en rapport avec les arrondissements judiciaires. Il s'agissait donc de savoir si l'arrondissement administratif de Furnes et de Dixmude devait avoir la même circonscription que l'arrondissement judiciaire, et les conseillers provinciaux de Dixmude aussi bien que ceux de Furnes ne pouvaient pas admettre ce principe. Quel est, en effet, la situation de l'arrondissement de Dixmude ? Nous avons des communes qui appartiennent à l'arrondissement judiciaire de Furnes ; nous en avons qui font partie de l’arrondissement judiciaire d’Ypres ; nous en avons, enfin qui ressortissent à l'arrondissement judiciaire de Bruges. Ainsi adopter la proposition qui était faite, c'était amoindrir complètement l'arrondissement judiciaire de Furnes, et nos conseillers provinciaux ne pouvaient consentir à pareille mutilation.
J'ajouterai que mon honorable collègue n'a combattu aucun des arguments que j'ai émis. Il vous a dit ce qu’était Dixmude avant 1790. Ce n'est pas une honte pour une ville d’avoir été petite, il y a plus d'un demi-siècle, d'être devenue de jour en jour plus importante et d'avoir vu croître chaque année son industrie, son commerce et sa population ; au contraire, c'est une preuve que nous marchons avec le progrès ; et vous n'avez pu, mon cher collègue, en dire autant de votre ville de Furnes.
Aucun de mes arguments n'a été démoli. J'ai preuve que nous avons pour nous l'importance de la population ; que la ville de Dixmude est le point central des deux arrondissements, et pas un mot n'a été répondu à ces arguments.
Je terminerai en priant encore une fois M. le ministre de l’intérieur de bien vouloir examiner cette question, et je suis persuadé qu'après un examen attentif, il fera droit à ma demande.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je crois que c'est ici le lieu de donner quelques explications relativement aux mesures prises et à prendre dans l'intérêt des secrétaires communaux.
Messieurs, la position des secrétaires communaux m'a préoccupé dès mon entrée dans l’administration. Déjà le 19 juin 1855, j'avais demandé à MM. les gouverneurs quelques renseignements sur la position des secrétaires, leur âge, leur traitement, etc., afin de pouvoir réaliser la (page 937) pensée qui déjà avait préoccupé mes honorables prédécesseurs, de créer en faveur de ces employés communaux une caisse de retraite.
Le 7 juillet 1855, j'ai soumis les bases de l'institution de cette caisse de retraite à MM. les gouverneurs, avec prière de les communiquer aux conseils provinciaux qui allaient se réunir. Cet avant-projet, ainsi communiqué aux conseils provinciaux, fut approuvé par la plupart d'entre eux, qui promirent leur concours.
Sur ces entrefaites, dans le courant de novembre, des délégués des secrétaires communaux se réunirent en assemblée générale à Bruxelles. Une adresse fut publiée par eux et communiquée aux Chambres et au gouvernement.
Pendant la session dernière, les pétitions continuèrent d'affluer ici de la part des secrétaires communaux.
L'année dernière, le 10 mai 1856, j'instituai une commission chargée d'élaborer les statuts d'une caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux. Cette commission, composée d'hommes parfaitement au courant de la question à traiter, commença immédiatement ses travaux et les poursuivit avec zèle et intelligence. Elle m'adressa un premier rapport dès le 20 juillet 1856. Le 19 août suivant, j'envoyai ce rapport à tous les gouverneurs de province, avec prière de le communiquer aux députations permanentes et de vouloir me transmettre l'avis de ces collèges.
Ces avis des députations permanentes et des gouverneurs me sont revenus et, en général, ces réponses sont favorables. Cependant quelques-uns présentent des critiques sur l'application générale du système suivi pour l'établissement de cette caisse de retraite ; d'autres me soumettent des critiques de détail.
J'ai réuni de nouveau la commission spéciale et je lui ai communiqué les observations des députations permanentes. La commission s'est réunie immédiatement et elle m'a adressé, sous la date du 24 janvier dernier, son second rapport où elle s'attache à réfuter les objections faites par les députations permanentes à son projet. Ce rapport s'imprime dans ce moment et je pense que lundi les deux rapports de cette commission pourront vous être distribués.
- Plusieurs membres. - Ils nous ont été distribués hier.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - On m'avait dit qu'ils ne pourraient être prêts que pour lundi. J'avais donné l'ordre de presser autant que possible l'impression de cette dernière pièce. La Chambre pourra donc apprécier quelle est l'importance des travaux auxquels cette commission s'est livrée.
De mon côté, j'ai soumis les deux rapports de la commission à M. le ministre des finances, afin de le consulter, au point de vue financier, sur les statuts tels qu'ils ont été rédigés en dernier lieu par cette commission. J'attends que mon honorable collègue m'ait communiqué son avis pour décider s'il y a lieu de donner immédiatement suite à l'institution de la caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux.
Je pense, messieurs, que mon honorable collègue des finances tombera d'accord avec moi sur les conditions auxquelles on pourra établir cette caisse de retraite, et il est probable qu'il me sera possible encore, dans la présente session, de soumettre à la Chambre un projet de loi relatif à l'institution de cette caisse en faveur d'une catégorie nombreuse de fonctionnaires utiles dont la position est digne de tout notre intérêt.
M. Prévinaire. - La Chambre vient d'être saisie indirectement de trois propositions ayant une importance très grande ; il est fâcheux que notre attention soit appelée sur de semblables propositions sans qu'elles nous soient soumises d'une manière positive et régulière.
Quoi qu'il en soit, nous avons devant nous trois idées. La première est celle de détruire en grande partie la classification adoptée en 1849 pour les commissaires d'arrondissement, de faire passer onze de ces fonctionnaires de la quatrième classe dans la troisième et de grever de ce chef le budget d'une somme de 11,000 fr.
Je ne suis pas en général parcimonieux lorsqu'il s'agit de rémunérer les fonctionnaires ; je crois qu'il faut leur tenir compte des circonstances nouvelles dans lesquelles ils se trouvent ; cependant je ne puis pas me prononcer en ce moment sur la proposition dont je viens de parler.
A l'occasion de cette proposition M. le ministre de l'intérieur a critiqué les bases de la classification de 1849 ; mais je dois dire que sa critique a été assez faible ; si j'en parle, c'est parce qu'en 1849, j'ai eu l'occasion d'être rapporteur du budget de l'intérieur et, par conséquent, d'examiner de près la question.
M. le ministre a reconnu que la population doit être l'une des bases d'une semblable classification.
En effet, messieurs, l'un des services les plus importants des commissariats d'arrondissement concerne les opérations de la milice ; la population influe donc considérablement sur la besogne de ces administrations.
Le nombre des communes exerce tout à fait la même influence et doit dès lors être pris également en considération. Enfin l'étendue territoriale est aussi une base d'appréciation qu'il ne faut pas négliger.
J'arrive, messieurs, à la deuxième proposition indirecte de M. le ministre de l'intérieur. C'est celle qui a rapport aux employés des commissariats d'arrondissement. Cette proposition, messieurs, soulève une question de principes très grave ; jusque dans ces derniers temps les employés provinciaux avaient été considérés comme étant exclusivement les employés de MM. les gouverneurs des provinces ; leurs réclamations ont trouvé de l'écho dans cette Chambre, on a reconnu qu'il y avait lieu de faire quelque chose pour eux, qu'il ne fallait pas les abandonner complètement à l'arbitraire des gouverneurs, qu'il convenait d'établir un règlement uniforme qui, tout en laissant aux gouverneurs l'action qu'ils doivent exercer sur leurs employés, offrît cependant à ceux-ci de légitimes garanties.
Ce qu'on a fait pour les employés provinciaux, on veut l'étendre aux employés des commissariats d'arrondissement et ici, messieurs, la question se complique. Selon moi, les employés provinciaux sont beaucoup plus employés de l'Etat et doivent bien plus être salariés par l'Etat que les employés des commissariats d'arrondissement. Que sont, en effet, les commissariats d'arrondissements ? Ce sont des centres d'administration communale.
Or, si vous voulez appliquer aux commissariats d'arrondissement le principe admis pour les administrations provinciales, vous pourrez être entraînés à l'appliquer également aux employés communaux et surtout aux employés mixtes.
Ainsi, dans nos villes les commissaires de police servent à la fois les intérêts de l'Etat et les intérêts de la commune ; on pourrait très bien soutenir qu'il faut les traiter comme on veut traiter les employés des commissariats d'arrondissement.
Les mêmes observations, messieurs, s'appliquent au projet indiqué vaguement par M. le ministre en ce qui concerne les secrétaires communaux.
Je porte un très grand intérêt à ces fonctionnaires qui sont la cheville ouvrière des administrations communales ; ils remplissent une mission très importante au point de vue général, mais le gouvernement n'a aucune action sur eux et si vous voulez faire quelque chose en leur faveur, vous devez nécessairement passer par l'intermédiaire des communes ; sinon, vous auriez sur ces fonctionnaires une influence qui serait contraire à la liberté communale.
Je me borne, messieurs, à indiquer ces difficultés, puisque nous ne sommes saisis d'aucune proposition formelle.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker) présente un projet de loi tendant à maintenir pour la session de Pâques la loi du 15 juillet 1849 sur le jury d'examen et deux projets de lois relatifs à des délimitations de communes.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et les renvoie, le premier à la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la collation des grades académiques, les autres à une commission spéciale qui sera nommée par le bureau.
- La séance est levée à 4 heures et un quart.