(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 915) M. Tack procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est approuvée.
M. Tack présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Mertens prie la Chambre d'autoriser le département des finances à procéder à la vente publique des alluvions à endiguer à Santvliet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Osy. - Il y a deux ans, nous avons eu une pétition d'un membre du conseil provincial d'Anvers à cet égard. Depuis, l'affaire a été réglée, c'est-à-dire que le gouvernement a gagné son procès. Aujourd'hui le pétitionnaire demande que le gouvernement procède à la vente de ces alluvions, pour pouvoir rendre 700 à 800 hectares à la culture.
Je demande un prompt rapport, pour vendredi prochain, parce que si cette question n'était pas promptement décidée, toute la campagne prochaine serait perdue pour les travaux à faire.
- La proposition de M. Osy est adoptée.
« Des habitants d'Eeclo demandent une loi qui exempte des droits de timbre, d'enregistrement et de greffe, les actes relatifs à l'expulsion de certains locataires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition que je recommande à l'examen spécial de la commission.
« Le sieur Petersen, blessé de septembre, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le subside qui est accordé aux décorés de la Croix de Fer. »
- Sur la proposition de M. de Perceval, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Les membres du conseil communal et des habitants d'Erwelegen demandent l'uniformité de ressort pour les notaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le ministre de l'intérieur transmet à la Chambre 120 exemplaires de deux rapports sur la question de l'établissement d'une caisse centrale de pensions en faveur des secrétaires communaux, de leurs veuves et orphelins.
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
Il est fait hommage à la Chambre, par M. Mertens, de trois exemplaires d'une brochure sur la culture du houblon dans les bruyères.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Roulers, le 18 septembre 1856, des habitants de Roulers demandent que la juridiction de tous les notaires s'étende au moins à leur arrondissement judiciaire. »
Votre commission, messieurs, vu les nombreux rapports qui ont déjà été présentés par elle sur cette question, se borne à vous proposer le renvoi pur et simple de cette pétition à M. le ministre de la justice.
M. Rodenbach. - Messieurs, la requête sur laquelle on vient de tous faire rapport nous a été adressée par les notables habitants de la ville de Roulers. Ils demandent, conjointement avec les notables de douze autres communes, des modifications à la loi sur le notariat.
Comme M. le ministre de la justice, dans une précédente séance, a promis d'étudier et d'examiner cette grave question sur laquelle les notaires eux-mêmes ne sont pas d'accord, je me bornerai pour le moment à appuyer de toutes mes forces le renvoi de la pétition à son département.
M. Van Cromphaut. - Messieurs, déjà, le discours du Roi, à l'ouverture de la session législative de 1854-1855, annonçait que l'institution du notariat avait donné lieu à des travaux dont les résultats seraient soumis aux délibérations de la Chambre. On reconnaît de toutes parts que la loi sur la matière est incomplète aujourd'hui et qu'elle exige quelques modifications, autant dans l'intérêt du public, que pour le respect dû à cette institution. De nombreuses pétitions arrivent journellement à la Chambre. Quelques-unes renferment d'utiles et judicieux enseignements dont le gouvernement a pu faire son profit.
Des abus nombreux sont mis au grand jour, et les moyens d'y remédier sont assez clairement établis dans plusieurs de ces pétitions, et dans différentes brochures qui ont été publiées.
Les notaires de campagne se trouvent dans une position pénible : il ne leur est pas permis d'instrumenter en dehors de leur canton, tandis que les notaires des grandes villes exercent leur ministère dans toute une province, et ceux de la capitale dans tout le royaume : les grandes fortunes se concentrent dans les grandes villes ; toutes les grandes affaires profitent à ces derniers, et les notaires de campagne qui doivent réunir les mêmes capacités et les mêmes qualités que ceux des grands centres, végètent dans leur petit rayon où ils n'ont que des affaires de très mince importance, puisque toutes les grandes ventes se font dans les grandes villes. Une autre considération, c'est que les notaires de campagne et ceux des petites villes ne trouvent plus de commis, à moins de leur payer un traitement élevé en dehors de toute proportion, à cause que ces derniers sont obligés de suivre un cours à l'université pendant plusieurs années, pour obtenir le grade de candidat. Il y a des avantages réels pour les notaires des villes universitaires ; leurs écritures se font pour ainsi dire gratuitement ; les étudiants se font inscrire chez eux comme stagiaires, et ils fournissent leur travail sans honoraires pendant leurs études.
Je me plais à croire que le travail du gouvernement ne sera pas resté stérile, et que les chambres des notaires du royaume auront été consultées sur ces innovations et sur les modifications ayant pour but de sauvegarder les intérêts du public, de garantir aux importantes fonctions de notaire toute la protection qui leur est due, et d'équilibrer les pouvoirs des notaires de campagne avec ceux des villes. La Constitution proclame les Belges égaux devant la loi ; qu'il n'y ait donc point d'exception pour la classification des notaires qui doivent avoir le même droit les uns comme les autres, puisqu'on exige d'eux les mêmes connaissances.
Le notariat a besoin d'être relevé. Il a subi des atteintes graves dans ces derniers temps par des abus fréquents qui ont jeté la déconsidération dans certaines localités sur cette institution. Aussi la justice poursuit-elle impitoyablement et avec raison toutes les irrégularités qui se découvrent. Mais si d'un côté il est permis d'être sévère à l'égard de ces fonctionnaires, il devrait y avoir aussi des mesures répressives contre ces agents d'affaires qui sont leurs concurrents et qui ne sont soumis à aucun règlement de l'espèce : c'est une justice qu'il ne faut pas oublier dans le projet de loi qui sera soumis à nos délibérations.
Je pourrais présenter un grand nombre d'autres observations utiles, mais je n'abuserai pas des moments de la Chambre aujourd'hui : je me réserve de les produire lorsque nous serons appelés à discuter la nouvelle loi en projet. J'espère que l'honorable ministre de la justice saisira la Chambre du projet de loi dont il s'agit dans le courant de la présente session. Il est temps de mettre un terme à la déconsidération d'une institution aussi respectable, et à l'inégalité des pouvoirs de ces fonctionnaires : qu'il soit donc fait droit aux réclamations reconnues fondées dans l'intérêt du public et dans l'intérêt des notaires en général.
Pour tous ces motifs, j'appuie le renvoi des pétitions, sur lesquelles il vient d'être fait rapport, à M. le ministre de la justice, et j'engage l'honorable ministre à examiner ces diverses réclamations avec toute la bienveillance qu'elles méritent.
M. Lelièvre. - Je me bornerai à appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur les graves questions que soulèvent les pétitions et je le prie de s'occuper le plus tôt possible d'un projet de loi qui révise la législation en vigueur.
J'espère que, conformément aux promesses qu'il a faites au sein du Sénat, le gouvernement fera étudier la question et saisira la Chambre d'une proposition de loi qui est attendue depuis longtemps.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, je crois cette discussion anticipée. Puisque M. le ministre nous a promis d'ici à peu de temps un projet de loi sur cette question, je crois qu'il faut attendre la présentation de ce projet. La discussion aujourd'hui serait oiseuse et inopportune.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, le gouvernement n'a cessé de se préoccuper de la question dont la Chambre s'occupe en ce moment.
Je ne rentrerai pas dans le fond même de la question et je suivrai en cela le conseil de l'honorable M. Vander Donckt qui reconnaît que la discussion serait prématurée.
Toutefois j'appelle de nouveau l'attention de la Chambre sur les sérieuses difficultés de cette question. Elle a déjà été agitée dans cette enceinte, et chaque fois j'ai saisi l'occasion de démontrer combien elle est compliquée. Il n'y a pas de question où les opinions soient plus contradictoires. Je trouve la preuve de cette divergence dans les pétitions mêmes dont la Chambre entend le rapport en ce moment : les unes demandent la juridiction des notaires par arrondissement, d'autres la juridiction par canton avec certaine extension dans les cantons limitrophes ; quelques-unes demandent purement et simplement la révision de la loi ; enfin il en est qui demandent le maintien du statu quo. Vous voyez, messieurs, combien il importe d'agir avec circonspection et de se défier de l'esprit d'innovation.
Comme je viens de le dire, le gouvernement s'occupe avec sollicitude de cette question. J'ai voulu m'éclairer des avis des autorités judiciaires et j'ai appelé leur attention sur les différentes solutions proposées, sur le maintien du statu quo, sur le ressort par canton, sur le ressort par arrondissement, sur le ressort par canton mixte ; plusieurs rapports me (page 916) sont parvenus ; j'attends les autres ; mais je puis déclarer dès à présent que les corps judiciaies se montrent, en général, opposés à toute espèce d'innovation, et lorsque ces avis seront soumis à la Chambre, elle hésitera, j'ose le dire d'avance, à loucher à la loi de ventôse au XI.
Pour cette question, comme dans beaucoup d'autres, au premier aspect l'innovation parait aussi simple qu'avantageuse ; elle a un côté qui plaît aisément ; mais quand on va au fond des choses, beaucoup d'inconvénients, d'abord inaperçus, apparaissent et font réfléchir. Je ne m'engage donc qu'à une chose : c'est d'examiner avec le plus grand soin et de proposer des modifications, si l’utilité dans l'intérêt public en est démontrée, mais je ne puis rien promettre au-delà.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée de Roulers, le 23 janvier 1857, des habitants de Roulers prient la Chambre de maintenir la circonscription cantonale actuelle des notaires, et d'examiner s'il ne conviendrait pas de fixer un taux invariable d'honoraires dans les ventes publiques. »
Conclusions ; Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée du 25 janvier 1857, le bourgmestre et des habitants de Lierde-Sainte-Marie, Hemelveerdeghem et Ophasselt, demandent la révision de la loi du 25 ventôse an XI. »
« Même demande d'habitants de Steenhuyze. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée de Deflinge, le 30 janvier 1857, les membres de l'administration communale et des habitants de Deftinge demandent que la juridiction de tous les notaires s'étende à leur arrondissement judiciaire. »
« Même demande d'habitants des cantons de Ferrières et de Louvegné, de Hulste, Heule, Opbrakel, Xhoris, My, Vieuxville, Nederbrakel, Paricke, Smeerhebbe-Vloersegem et Grootenberghe. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée de Gand, le 18 janvier 1857, le sieur Lallen présente des observations sur la nécessité d'interdire les changements de résidence des notaires ; d'établir l'unité du ressort ; d'augmenter le nombre des notaires dans les communes où il est insufflant, et d'éta bbr l'incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de membre du conseil communal ou d'agent salarié par la commune. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée de Seraing, le 11 février 1857, des habitants de Seraing demandent que les stagiaires au notariat soient nommés par ordre d'ancienneté ; qu'il n'y ait qu'une seule classe de notaires ; que le tarif de leurs émoluments soit uniforme, et que les notaires soient répartis dans les cantons, à raison de la population. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition datée de février 1857, des propriétaires dans le canton de Dour demandent l'uniformité de juridiction pour tous les notaires. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. « Par pétition sans date, le sieur Kina réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une somme que lui doit la commune d'Onkerzeele, indépendamment des intérêts, depuis le 30 mai 1848 et des frais judiciaires. »
Le pétitionnaire s'adresse à vous, messieurs, afin d'obtenir, par votre intermédiaire, le payement que lui doit la commune d'Onkerzeele, de la somme de sept mille cinq cent dix-neuf francs soixante centimes (fr. 7,519 60 c), indépendamment des intérêts depuis le 30 mai 1848 et des frais d'un procès qu'il a été obligé de soutenir contre ladite commune, pour la construction d'une nouvelle église audit Onkerzeele et dont il s'est rendu adjudicataire par procès-verbal du 9 juillet 1846.
N'ayant depuis reçu aucun payement ni solution sur cette affaire, il prend de nouveau recours vers vous, et il vous prie de prendre des mesures propres à le faire rentrer dans ses fonds.
Messieurs, c'est une question assez importante. La commune d Onkerzeele a fait construire une nouvelle église. Les travaux ont été mis en adjudication ; le pétitionnaire, ayant accepté les conditions du cahier des charges, a été déclaré adjudicataire et l'église a été construite. La commune refuse maintenant de payer au pétitionnaire une somme de plus de 7,000 francs qui lui reste due. Un jugement a été rendu en sa faveur par le tribunal de première instance et confirmé par la cour d'appel ; de manière que l'affaire est passée en force de chose jugée. Eh bien, la commune d'Onkerzeele se borne à opposer des refus à toutes les demandes que lui adresse le sieur Kina, a l'effet d'être payé.
Il y a réellement une lacune dans la loi. Il n'y a pas moyen de forcer cette commune au payement de la somme dont la justice a reconnu qu'elle était débitrice. Non seulement le pétitionnaire ne reçoit pas le capital, mais on ne lui paye pas même les intérêts.
Evidemment il y a quelque chose à faire. Ce n'est pas la première affaire de ce genre dont la Chambre est saisie ; j'ai déjà eu l'honneur de présenter un rapport à la Chambre sur une réclamation analogue d'un autre pétitionnaire.
Quoi qu'il en soit, la commission des pétitions se borne à vous proposer le renvoi pur et simple de la pétition du sieur Kina à M. le ministre de l'intérieur ; cependant elle engage ce haut fonctionnaire à prendre des mesures pour que force reste à la loi et que les jugements rendus par les tribunaux puissent être exécutés à la charge de ceux contre lesquels ils sont lancés.
M. Lelièvre. - Je crois devoir appuyer les conclusions de la commission. La question soulevée par la pétition concerne non seulement les communes, mais tous les établissements publics. Il y a quelque temps, on a signalé l'un de ces établissements se refusant à satisfaire à des condamnations judiciaires prononcées par des décisions en dernier ressort. Il n'est pas possible qu'en Belgique des communes ou d'autres corporations éludent les sentences prononcées par les tribunaux. Un tel état de choses serait un véritable désordre social. Les décisions judiciaires doivent être exécutées, et si la législation actuelle. est insuffisante pour arriver à ce résultat, il est essentiel de la réviser et de combler la lacune qu'elle peut présenter. Déjà cette question a été examinée par le département de la justice, qui reconnaîtra bien certainement que l'ordre de choses dont se plaint le pétitionnaire ne saurait être toléré dans une société civilisée, pour laquelle la justice n'est pas un vain mot.
La commission propose le renvoi au ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau les documents demandés hier par l'honorable M. de Perceval.
M. de Naeyer. - L'intention de la Chambre est sans doute d'ouvrir une discussion générale sur le chapitre IV, frais d'administration dans les provinces ?
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. de Renesse. - Messieurs, faisant partie de la minorité de la section centrale qui a cru devoir s'opposer à presque toutes les nouvelles demandes de crédits, successivement postulés, surtout pour l'augmentation des traitements de différentes catégories d'employés ressortissant au département de l'intérieur, je tiens à motiver publiquement mes votes.
Depuis plusieurs années, les fonctionnaires des gouvernements provinciaux se sont adressés à la législature, pour obtenir une amélioration de position ; ils ont exposé que, depuis l'organisation des provinces, sous le gouvernement des Pays-Bas, leurs traitements sont restés fixés au même taux, tandis que depuis 30 ans, la cherté de la vie a considérablement augmenté, et notamment pendant ces dernières années.
Pour faire en partie droit à la demande de ces fonctionnaires, les Chambres avaient alloué, au budget de 1856, une somme de 32,000 fr., à titre provisoire, destinée à être répartie au marc le franc entre les provinces, et elles avaient demandé à l'honorable ministre de l'intérieur de vouloir s'occuper d'une nouvelle réorganisation définitive du personnel des administrations provinciales ; c'est d'après ce nouveau règlement que l'on nous demande, comme charge permanente, une somme de 55,180 fr., en y comprenant une augmentation de 2,000 fr., pour porter à quatre le nombre des divisions dans la province de la Flandre occidentale.
Si je ne devais prendre en considération que les traitements peu élevés des fonctionnaires provinciaux, l'ancienneté de service de beaucoup d'entre eux, je m'adjoindrais volontiers à la majorité de la section centrale pour allouer le chiffre supplémentaire demandé ; mais ayant, avant tout, à peser mûrement les charges nouvelles et permanentes qui en résulteraient pour le trésor public, je ne puis, au moment où nous avons un déficit des années antérieures de près de 22 millions de francs, consentir à augmenter encore les charges de nos budgets de dépenses qui tendent de nouveau à s'accroître chaque année, et, sous ce rapport, je n'ai qu'à citer celui de l'intérieur qui, en 1849, avait été fixé au chiffre de 6,074,265 fr.33c, et se trouverai 'maintenant porté, pour 1857, par les augmentations successives, à la somme de 7,805,206 fr. 70 c ; ainsi, en plus, 1,730,943 fr. 37 c.
Je sais qu'une grande partie de cette augmentation provient de crédits accordés pour l'instruction publique, et notamment pour l'enseignement moyen, dont l'allocation au budget de 1814 ne se montait qu'à 281,000 fr., tandis qu'actuellement, d'après le rapport de la section centrale, ce crédit serait porté, pour 1857, à 784,578 fr. ; c'est ainsi que l'Etat supporterait dorénavant plus de la moitié des charges de l'instruction moyenne, tandis qu'avant 1850 les communes, les villes et les provinces y contribuaient pour la plus large part : il en résulte que l'intervention de l'Etat entraîne nécessairement l'augmentation des charges de nos budgets ; et quant à moi, si la loi de l'instruction moyenne était encore à voter, je ne lui donnerais plus mon assentiment ; si donc, sous ce rapport, les dépenses du budget de l'intérieur ont dû subir une assez forte augmentation, il fallait, d'un autre côté, chercher à restreindre toutes les dépenses facultatives, et il me paraît que sur une somme d'environ 8 millions, il doit y avoir possibilité de trouver certaines réductions qui auraient pu compenser les augmentations postulées pour le personnel des gouvernements provinciaux et pour quelques autres employés inférieurs. Je crois aussi devoir faire observer à la Chambre qu'en 1849, lorsque l'opinion publique s'était fortement prononcée pour introduire des économies dans les différentes administrations du pays, le budget de l'intérieur avait dû subir une diminution de 241,699 fr. 7 c. ; les autres budgets des dépenses supportèrent pareillement de fortes réductions, entre autres celui des finances, qui fut diminué d'une somme d'au-delà (erratum, page 937) de 900,000 fr., à réaliser, (page 917) toutefois successivement, et cependant cette administration si importante n'a.pas été désorganisée malgré la suppression de beaucoup d'employés ; elle ne fait que progresser dans la bonne gestion de nos recettes publiques, et si depuis elle a demandé une minime augmentation de personnel, ce n'était que pour assurer la meilleure surveillance de certaines fabriques et pour procurer de plus fortes ressources au trésor de l'Etat ; si donc le département des finances a pu réaliser des économies très notables sur son personnel si nombreux, pourquoi ne pourrait-on pas aussi réaliser de pareilles économies sur les différentes administrations ressortissant au département de l'intérieur, notamment dans celles des provinces, et, en diminuant le nombre des employés de ces administrations, l'on améliorerait, par ce moyen, le traitement des fonctionnaires restants ; il me semble qu'il vaut mieux avoir un certain nombre de bons employés, bien rétribués, qu'un plus grand nombre de médiocres, et sous ce rapport, le gouvernement ferait bien de suivre l'exemple des différentes sociétés qui préfèrent la qualité à la quantité des fonctionnaires.
Pourquoi ne pourrait-on pas essayer un système d'abonnement pour le personnel des gouvernements provinciaux, comme cela existe, dans ce pays-ci, pour les commissariats d'arrondissements, et en France, depuis de longues années, pour les employés des préfectures ?
Ce système mérite d'être examiné sérieusement, il fera cesser toutes les réclamations qui, sans cesse, sont adressées aux Chambres ; lorsque MM. les gouverneurs auront à leur disposition une somme déterminée pour le personnel de leurs bureaux, ils pourront arranger leur budget économique de manière à n'avoir que le nombre strictement nécessaire d'employés pour la bonne et prompte expédition des affaires ; l'on ne créera plus, comme cela est déjà arrivé, des places pour des parents ou pour les fils de personnes influentes.
Si, dans ce moment, l'on augmente d'une manière permanente les traitements des fonctionnaires provinciaux, l'on ne pourra se refuser de faire aussi droit à la demande des employés des commissariats d'arrondissement ; il est certain que le taux des abonnements n'est plus en rapport avec les dépenses réelles faites par la plupart des commissaires pour indemniser leurs employés de leurs travaux si utiles ; car, avec les secrétaires communaux, ils sont réellement les chevilles ouvrières de l'administration inférieure et méritent, aussi bien que les secrétaires communaux et d'autres fonctionnaires si nécessaires et si modestes, les instituteurs communaux, d'obtenir une amélioration de position.
Tout s'enchaîne dans l'administration d'un pays ; si l'on touche à une catégorie de fonctionnaires, si l'on accorde à l'une un supplément de traitement, il faut aussi suivre l'ordre hiérarchique et accorder, indistinctement, une amélioration à tous les autres fonctionnaires et employés ; ils y ont autant de droit que ceux pour lesquels l'on nous demande des crédits supplémentaires.
Pour arriver à ce but, il faudrait que le gouvernement fît faire une réorganisation générale de toutes les administrations, en simplifiant les rouages administratifs, en diminuant la bureaucratie poussée outre mesure, qui est une des plaies sociales, et surtout pour les administrations communales ; l'on parviendrait à introduire des économies notables dans les dépenses de nos différents budgets, on trouverait ainsi les moyens de faire face à l'amélioration de la position de tous les fonctionnaires et employés sans avoir besoin d'augmenter les charges du trésor ; car, sous ce dernier rapport, il faut aussi prendre en considération la situation peu aisée de la grande masse des contribuables qui, par les différentes crises que le pays a eu à subir, a été rudement frappée, a droit de demander que l'on n'augmente pas toujours les dépenses de l'Etat, et par suite les contributions déjà assez lourdes.
Mais, pour que MM. les ministres puissent s'occuper eux-mêmes utilement de cette réorganisation générale, dans un sens plus économique, il faudrait réellement que les sessions parlementaires n'eussent plus une si longue durée ; actuellement, la plupart des sessions se prolongent de sept à huit mois, c'est beaucoup trop ; si, surtout, elles sont stériles en bonnes lois, comme cela n'arrive que trop souvent ; aussi, les discussions, en grande partie, traînent trop longtemps, notamment lorsque l'esprit de parti s'en mêle, et, je dois le dire avec conviction, si ces luttes stériles devaient se continuer de session en session, il est à craindre que le pays se lasserait d'un régime parlementaire qui coûte beaucoup et ne produirait plus rien d'utile pour le bien-être général. Il faudrait alors, nécessairement, une réforme dans le parlement ; ce que l'on pourrait éviter par un meilleur emploi dans la répartition du temps destiné aux travaux parlementaires, réellement utiles au pays, au lieu de le consacrer aux luttes de partis si peu fructueuses aux véritables intérêts nationaux.
Quant à moi, je désire sincèrement que les sessions des Chambres soient dorénavant moins longues, et surtout mieux remplies ; alors le gouvernement aurait lui-même le temps nécessaire pour préparer de bons projets de loi, et pour réorganiser plus économiquement les différentes administrations de l'Etat.
En attendant que cette réorganisation puisse avoir lieu, ce qui est dans le désir de beaucoup de membres de la législature et ce qui a été formellement demandé par la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'augmentation de certains traitements, je crois devoir m'abstenir de voter des dépenses nouvelles et permanentes à moins qu'elles ne soient réclamées pour le bien ou pour la défense du pays.
M. de Naeyer. - Un amendement vient d'être déposé qui est ainsi conçu :
« Nous demandons que le Brabant reçoive pour le traitement des employés et gens de service la même somme que le Hainaut.
« Signé : Thiéfry, Mascart, Verhaegen, de Steenhault. »
M. Thiéfry. - La grande majorité de cette Chambre a déjà reconnu la nécessité d'augmenter les traitements des employés des gouvernements provinciaux. La diminution du nombre des employés réclamée par l'honorable préopinant, n'est pas possible, au moins dans le Brabant. Elle a déjà été réalisée. Le même accord n'existe pas en ce qui concerne l'ordre de l'importance relative des provinces. Mes collègues du Brabant et moi, nous nous acquittons d'un devoir en présentant des observations fondées sur leur classification. On ne place pas le Brabant sur la même ligne que le Hainaut, bien que la population y soit plus nombreuse ; les contributions foncières, personnelles et les patentes d'un produit plus élevé de 1,600,000 fr., et quoi qu'il en coûte davantage aux employés pour vivre à Bruxelles.
Ces considérations militent déjà en faveur de l'amendement que nous avons présenté. M. le ministre de l'intérieur, répondant à la section centrale, a dit que la principale base de la répartition a été l'importance de la besogne administrative. Eh bien, messieurs, je m'appuierai encore sur cette base pour réclamer de la Chambre un acte de justice.
Il me suffira de citer quelques faits que j'ai puisés dans des documents officiels qui ont été publiés.
Le nombre des instructions pour obtenir l'autorisation d'établissements insalubres est plus élevé dans le Brabant que dans toutes les provinces réunies.
Les brevets d'invention, les travaux pour prison, sont plus considérables dans le Brabant que dans tout le reste du pays.
La population de Vilvorde, des Petits-Carmes et bientôt celle de Louvain, formeront un total plus élevé que la population des prisons de tout le royaume.
Il y a 1,600 détenus à la Cambre, tous donnent lieu à une longue instruction pour connaître le domicile de secours, et ce chiffre de 1,600 dépasse le total des dépôts de Mons, Bruges et Hoogstraeten.
La position centrale de la capitale donne lieu à plus de rapports de la police, que dans tous les autres gouvernements.
Les ports d'armes et les passeports sont plus nombreux dans le Brabant.
La garde civique et la voirie donnent lieu à plus de besogne.
Les réclamations contre les impôts s'élèvent à 800 dans le Brabant, elles ne sont que de 600 dans le Hainaut.
Le budget de la province de Brabant s'élève à la moitié du montant de celui du ministère de l'intérieur, tandis que le budget du Hainaut n'est que la moitié de celui du Brabant, le 'travail de la comptabilité a par conséquent plus d'importance dans le Brabant.
Le corps des ponts et chaussées surveille les houillères et les hauts fourneaux qui sont des établissements stables ; tandis que l'industrie du Brabant fait surgir une infinité de fabriques, d'ateliers qui absorbent un temps et des courses considérables et occasionnent beaucoup de besogne aux employés de la province.
Pour vous convaincre, messieurs, que mes observations sont d'une parfaite exactitude, j'invoquerai le témoignage d'un homme que vous connaissez tous ; sa droiture et sa justice ont été souvent appréciées dans cette enceinte. M. Liedts a administré les deux provinces, il est donc le fonctionnaire le plus compétent pour juger du travail des employés. Il a écrit à M. le ministre de l'intérieur :
« C'est une erreur matérielle que de prétendre que les affaires qu'où traite dans le Brabant sont moins nombreuses et exigent un personnel moins nombreux qu'à Mons. Si l'on veut bien me mettre en présence du gouverneur de cette province, je suis persuadé que je l'en ferai convenir. J'ai administré les deux provinces et je suis très bon juge en cette matière. »
Je fais ici un appel à la conscience de M. le ministre de l'intérieur, et je lui demande si ce qu'a écrit M. Liedts, si ce que j'ai dit moi-même n'est pas de la plus exacte vérité ? Oui, messieurs, je ne crains pas d'être démenti par l'honorable ministre, l'importance et le nombre des affaires traitées au gouvernement provincial du Brabant occasionnent plus de besogne que dans le Hainaut.
Il est donc juste de mettre ces deux provinces sur la même ligne. Tel est le but de notre amendement.
Mais nous ne voulons pas que la somme réclamée pour le Brabant puisse être obtenue au détriment de la majoration pétitionnée pour les autres provinces.
M. Lelièvre. - Je crois devoir faire remarquer au gouvernement que le projet de réorganisation, en ce qui concerne les employés provinciaux, n'a pas fait à la province de Namur la position à laquelle elle a droit.
Si l'on prend pour base de la répartition l’importance du travail, et c'est là évidemment une base équitable, on sera convaincu que peu de provinces peuvent, sous ce rapport, déduire des titres égaux à ceux qui militent en faveur de notre province. Il est évident que ce n'est pas le chiffre de la population qui peut être pris, en cette matière, pour point de départ.
En effet, de quoi s'agit-il ? On veut accorder aux employés une équitable rémunération.
Or, pour que cette rémunération soit, conforme aux principes de justice distributive, il est clair que c'est à l'étendue de la besogne, que c'est à la nature du travail qu'on doit, avoir égard.
(page 918) Dans la province de Namur, il existe une quantité de communes présentant des difficultés sérieuses d'administration, et par suite il y a de ce chef pour les employés provinciaux une augmentation notable de besogne. Il est clair qu'on ne peut perdre de vue ces difficultés.
D'un autre côté, il est certain qu'on a établi entre certaines provinces et la nôtre une différence assez considérable que rien ne justifie.
Enfin, c'est également chez nous que l'on trouve un très grand nombre de communes, ce qui doit également être pris en considération pour procéder équitablement.
L'année dernière, lors de la discussion du budget de l'intérieur, nous avons développé ces considérations. Nous ne craignons pas de les recommander à l'examen de M. le ministre, qui reconnaîtra bien certainement que la position des employés de la province de Namur doit être autre que celle leur faite par le projet de réorganisation.
M. de Brouckere. - Messieurs, de toutes les classes d'employés, il n'en est aucune qui soit plus digne de la bienveillante attention du gouvernement et de la Chambre, que celle à laquelle se rapporte l'augmentation de crédit demandé par M. le ministre de l'intérieur ; aussi, je commence par adresser à M. le ministre de sincères félicitations de la bonne pensée qu'il a eue d'améliorer le sort de ses employés.
Pour apprécier, messieurs, tout ce qu'il y a en eux de zèle et d'abnégation, il faut avoir vécu avec eux, et c'est ce que j'ai fait, ayant été gouverneur de deux provinces.
De toutes les études auxquelles ils se livrent, de tout le travail qu'ils font, l'honneur revient à d'autres. Il n'est pas de travailleurs auxquels on puisse appliquer avec plus de raison ce dicton : Sic vos non vibis.
Ces fonctionnaires entrent jeunes dans l'administration, ils y passent leur vie entière ; et quel est le maximum des appointements auxquels ils peuvent arriver ? 4,000 francs.
Dans chacune des provinces à la tête de l'administration desquelles j'ai eu l'honneur de me trouver, il y avait, dans le personnel des bureaux, des employés qui y étaient depuis plus de 40 ans et c'étaient des hommes d'un mérite très distingué, et qui, s'ils avaient couru une autre carrière, fussent arrivés aux positions les plus élevées.
Eh bien, après ces 40 ans d'une vie aussi modeste que laborieuse, le maximum de ce qu'on donne à un chef de division dans les administrations provinciales est de 4,000 fr. C'est donc avec raison que le gouvernement a proposé une augmentation de l'allocation destinée à rémunérer cette classe de fonctionnaires, et je suis persuadé que la Chambre suivra M. le ministre de l'intérieur dans la voie où il est entré.
Messieurs, l'honorable M. Thiéfry a pris la parole pour démontrer que l'augmentation que l'on se propose d'accorder à la province de Bradant n'est pas suffisante. Si j'ai bien compris l'honorable M. Lelièvre, il n'est pas content non plus de la part que l'on fait à la province de Namur. La Flandre orientale se plaindra tout à l'heure par l'organe d'un des membres de sa députation. Le Luxembourg a envoyé sa députation permanente à Bruxelles pour réclamer auprès de M. le ministre de l'intérieur. En un mot, aucune province, si je ne me trompe, n'est satisfaite de la part relative qui lui est faite dans la somme globale de 51,180 fr. demandée par M. le ministre de l'intérieur.
Chacun va donc parler, selon le proverbe, pour son clocher. Je tâcherai, messieurs, d'arriver tout à l'heure à une proposition qui peut-être donnerait au ministre le moyen de contenter tout le monde, sans grever le budget d'une somme beaucoup plus forte.
Mais qu'il me soit permis de dire aussi deux mots pour mon clocher à moi. J'y suis forcé malgré moi, messieurs, parce que l'honorable M. Thiéfry a pris à partie la province qui m'a envoyé dans cette enceinte. Je lui dois quelques mois de réponse.
L'honorable M. Thiéfry a pris pour base de comparaison, entre ces deux provinces, la population plus grande et les contributions plus considérables dans le Brabant que dans le Hainaut.
Je sais très bien, messieurs, que la population du Brabant est un peu plus forte que celle du Hainaut ; mais pour établir une comparaison juste, il faut d'abord déduire, au point de vue de l'administration provinciale, les grands centres ; car je ne pense pas que l'honorable M. Thiéfry, ni aucun autre membre de la Chambre, prétendra qu'une ville de 120 ou de 130 mille âmes donne à une administration provinciale autant de travail que 120 ou 130 communes habitées chacune par 1,000 habitants. Si donc on veut faire des comparaisons, il faut que nous commencions par défalquer du chiffre de la population les chefs-lieux de province ; et quand on fait cette défalcation, voici à quels résultats on arrive.
La province de Hainaut, en défalquant les habitants de son chef-lieu, a 651,234 habitants. La Flandre orientale, après cette même défalcation, en a 615,417 et le Brabant en a 553,728, c'est-à-dire que le Hainaut, toujours défalcation faite des habitants du chef-lieu, a une population supérieure à celle de la Flandre orientale, de 35,817 habitants, et supérieure à celle de Brabant de 97,452 habitants.
Vous parlerai-je du nombre des communes qui est encore un des principaux éléments qu'il faut consulter pour savoir quel travail arrive à l'administration provinciale ! Il y a dans le Hainaut 428 communes ; et de ces 428 communes, il y en a 218 qui ont moins de 1,000 habitants.
J'ai été à la tête de deux provinces ayant à peu près le même nombre d'habitants, la province d’Anvers et la province de Liège.
M. Thiéfry. - Combien y a-t-il de communes dans le Brabant ?
M. de Brouckere. - Il y en a 338 ; différence avec le Hainaut, 90.
Dans la province de Liège, il y a, si je ne me trompe, à peu près 400 communes, à coup sûr entre trois et quatre cents. Et savez-vous combien il y a de communes dans la province d'Anvers ? 150 et quelques-unes.
J'ai donc pu juger par moi-même combien l'administration d'une province divisée en un grand nombre de communes est plus facile, moins laborieuse que celle d'une province divisée en un plus grand nombre de communes.
Quant à ce qui regarde les affaires que l'on a à traiter dans les diverses provinces, pour vous donner une idée de celles dont l'administration provinciale du Hainaut a à s'occuper, permettez-moi de vous citer seulement deux ou trois chiffres qui ne laissent pas que d'avoir un certain intérêt.
Le 31 décembre 1855, puisqu'on a parlé d'établissements insalubres et d'autres dont l'autorité supérieure a à s'occuper, il y avait dans la province de Hainaut 1,203 machines à vapeur d'une force totale de 39,600 chevaux. Or, vous savez quelles instructions il y a à faire, et pour l'établissement des machines à vapeur et pour tous les changements que l'on y fait et pour mille choses qui se rapportent aux établissements oh ces machines sont en fonction.
La production de la houille seule, dans le Hainaut, a été, en 1855, de 73,367,954 hectolitres, c'est-à-dire que la production de la houille dans la province de Hainaut est supérieure à celle de toutes les mines de la France. Et si, à cette production, vous ajoutez les autres productions du Hainaut, celle de la fonte surtout, vous arrivez à un bien autre résultat.
Aujourd'hui quand on veut parler d'une contrée exceptionnellement riche, exceptionnellement féconde, c'est toujours la Californie que l'on cite. Eh bien, je tiens de la bouche de l'employé supérieur du ministère de l'intérieur le plus compétent que, tous calculs faits, le sol du Hainaut produit plus, année courante, que la Californie.
Je demande s'il y a une seule province qui puisse établir une lutte avec celle de Hainaut.
Du reste, je ne prolongerai pas ces comparaisons. Je n'en aurais établi aucune si je n'avais été précédé par d'autres orateurs. Je parle maintenant en général.
Je vous disais que les employés provinciaux étaient dignes d'une sollicitude toute particulière. Tous, nous savons qu'ils sont astreints à un travail fort peu récréatif ; qu'ils sont obligés de travailler la plus grande partie de la journée ; car, en province, on se rend plus tôt dans les bureaux et l'on y reste plus tard.
Comment ces employés sont-ils en général payés ? J'ai ici un tableau qui se rapporte à la province dont je viens de parler. Vous allez en juger.
Les chefs de division ont, terme moyen, 3,575 fr. Quand un fonctionnaire arrive là, il a son bâton de maréchal, il n'a plus aucun espoir d'amélioration et il y arrive après 25 ou 30 ans d'un pénible labeur.
Les chefs de bureau ont, terme moyen, 1,957 fr.
Les premiers commis, 1,366 fr.
Les deuxièmes commis, 1,037 fr.
Les troisièmes commis, 657 fr.
Et., les expéditionnaires, qui sont au nombre de dix, ont, chiffre moyen, un appointement de 275 francs.
Peut-on laisser les choses dans cet état ? Cela est impossible. Et remarquez-le bien, les améliorations que l'on demande sont encore excessivement modérées. Car si la Chambre qui, sur ce point, ne rencontrerait pas de contradiction de la part de M. le ministre de l'intérieur, élevait le chiffre destiné à la province de Hainaut au taux que cette province le demande, 61,840 fr., voici comment les fonctionnaires seraient payés : les chefs de division n'auraient aucune augmentation.
Les chefs de bureau arriveraient de 1,957 fr. à 2,400 fr. ;
Les premiers commis de 1,366 fr. à 1,500 fr. ;
Les deuxièmes commis de 1,037 fr. à 1,300 fr. ;
Les troisièmes commis seraient portés de 657 fr. à 825 fr. ;
Et les expéditionnaires auraient 400 fr.
Messieurs, je voudrais mettre un terme aux luttes qui ont déjà commencé et qui vont se continuer entre les diverses provinces. Pour atteindre ce résultat, voici l'amendement que je proposerais à la Chambre et sur lequel je demanderai à dire deux mots. Car, remarquez-le bien, nous voulons faire quelque chose dans l'intérêt des provinces, dans l'intérêt des administrés, dans l'intérêt des fonctionnaires, et la mesure que l'on propose ne contentera personne.
Voici ma proposition, je prie la Chambre de m'écouter avec indulgence, et, je le répète, je dirai deux mots pour l'appuyer.
Je propose que la somme de 53,180 francs, demandée par M. le ministre de l'intérieur soit portée à 65,000 francs. C'est une augmentation de moins de 12,000 francs. La répartition de cette somme serait abandonnée à M. le ministre de l'intérieur.
Si la Chambre voulait adopter cet amendement, je suis persuadé qu'il y aurait moyen de faire droit à toutes les réclamations fondées qui se sont fait jour ou qui pourront encore être produites. Et je l'avoue, avant de présenter mon amendement, je suis descendu auprès de M. le ministre de l'intérieur pour savoir si sa manière de voir concordait (page 919) avec la mienne sur ce point, et je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur prendra la parole pour s'opposer à l'amendement que je propose.
On vous a parlé, messieurs, d'un abonnement à accorder aux gouverneurs, et c'est mon honorable voisin qui vous en a entretenus. L'abonnement peut convenir pour les commissaires d'arrondissement qui ont deux ou trois employés. Mais comment voulez-vous donner aux gouverneurs, par une espèce de forfait, une somme quelconque avec laquelle ils devraient subvenir à tous les besoins de l'administration ? Premièrement les bureaux n'ont pas à travailler seulement avec le gouverneur de la province. Ils ont à travailler avec les députés des divers cantons, et surtout avec la députation permanente et le greffier provincial.
Or, si vous aviez dans une province un gouverneur voulant (ce qui serait certainement dans son droit), voulant faire des économies sur la somme qui lui serait allouée, ce gouverneur serait en lutte perpétuelle avec son personnel et avec les membres de la députation. Et puis, messieurs, à chaque changement de gouverneur, les arrangements du gouverneur sortant ne conviendraient pas à son successeur. Or, on ne reste guère, en moyenne, gouverneur dans la même province, pendant plus de 4 à 5 ans, terme moyen, et dès lors tous les 4 ou 5 ans vous auriez l'administration provinciale bouleversée.
Je le répète, messieurs, ce système ne peut pas s'appliquer à une administration aussi importante, aussi compliquée et dont le personnel est aussi nombreux.
Messieurs, je ne solliciterai pas plus longtemps votre attention. J'insiste pour que la Chambre veuille bien donner un accueil favorable à un amendement qui ne grèvera le budget en plus que d'une somme inférieure à 12,000 fr. El savez-vous, messieurs, entre combien d'employés cette somme serait répartie ? Entre plus de 400. (Interruption.) Voici mon point de départ. Dans la province de Hainaut, il y a 48 employés, y compris, bien attendu l'huissier et le messager ; je crois donc être dans le vrai en estimant, pour les neuf provinces, le nombre d'employés à 400. Maintenant voulez-vous réduire le chiffre à 300 ? Les 12,000 fr. seraient donc répartis entre 300 employés ; ce qui ferait, terme moyen, 40 fr. pour chaque employé.
M. Vander Donckt. - Il est toujours fâcheux, messieurs, de voir de semblables conflits s'établir entre les diverses provinces. Chacun fait valoir ses droits et ses griefs. La Flandre orientale, qui avait peut-être le plus de motifs pour réclamer contre l'ancien état de choses et contre la proposition faite pour l'avenir, la Flandre orientale n'a pas encore élevé la voix. Je vais donc tâcher de faire comprendre à la Chambre combien cette province est traitée injustement.
On a parlé, messieurs, de traitements de 275 fr., eh bien, dans la Flandre orientale il y a des employés qui travaillent gratuitement pendant des années, dans la perspective d'être admis un jour comme fonctionnaires de la province et de toucher alors un traitement.
On a dit, messieurs, que l'administration des mines, etc., exige un travail considérable ; mais tient-on compte à la Flandre orientale de l'administration des wateringues qui n'existe que dans les deux Flandres, et qui exige un personnel nombreux, possédant des connaissances spéciales ?
Pour la milice, messieurs, il y a dans la Flandre orientale beaucoup plus de personnes peu moyennées qui servent pour d'autres et notamment pour des habitants du Hainaut. Cela exige encore un grand surcroît de travail qui n'existe pas dans les autres provinces.
Enfin, messieurs, il y a l'administration de la bienfaisance, les dépôts de mendicité et les domiciles de secours.
Vous savez tous que le nombre des indigents est extrêmement considérable dans les Flandres ; or, les dépôts de mendicité et les questions de domicile de secours donnent lieu à un travail très étendu.
Vous voyez, messieurs, par ces exemples, quels sont, au point de vue de l'administration, les besoins de la Flandre orientale. Je n'hésite pas à dire que le travail y est plus considérable que dans aucune autre province.
J'ai entendu un honorable membre dire : Réduisez le personnel et payez-le bien ; simplifiez les rouages administratifs.
Cet honorable membre se met parfaitement à l'aise ; il y a, par exemple, le Limbourg et peut être la province d'Anvers où le travail est infiniment moindre ; dans le Brabant, au contraire, la besogne est considérable, mais je n'hésite pas à dire qu'il est plus considérable encore dans la Flandre orientale.
On appuie beaucoup sur l'importance de la province ; mais ce qu'on connaît moins, c'est le travail des employés dans les bureaux des provinces et une juste comparaison entre les provinces sous ce rapport. Je recommande ces réflexions à la Chambre et au gouvernement.
M. de Naeyer. - Voici un amendement qui vient d'être déposé :
« Nous demandons que le Luxembourg reçoive, pour le traitement de ses employés provinciaux et gens de service, la même somme que le Limbourg. »
« Signé : Victor Tesch, Lambin, Ed. de Moor. »
M. Tesch. - Messieurs, dans la répartition des.sommes affectées aux dépenses des administrations provinciales que M. le ministre de l'intérieur a présentée à la Chambre, le Luxembourg figure tout à fait en dernière ligne. Le Luxembourg reçoit 4,000 fr. de moins que la province qui vient immédiatement avant lui, que le Limbourg, qui reçoit trente-neuf mille francs. J'ignore quelles ont été les bases de cette répartition, j'ignore les raisons qui ont fait admettre une semblable classification, aucun document ne nous a été communiqué qui pût nous éclairer à ce sujet, je suis donc forcé de procéder par comparaison, de raisonner par analogie.
Je n'entends pas disputer aux autres provinces la part qui leur est faite ; il n'entre dans mes intentions aucun esprit de jalousie ; si je fais des comparaisons, c'est que tout autre moyen d'appréciation fait défaut.
Si je compare entre eux le Luxembourg et le Limbourg, je trouve la première de ces provinces supérieure à l'autre sous le rapport de la population et sous le rapport du nombre d'arrondissements. Quant aux communes, si l'on ne voit que les chiffres, le Limbourg en compte 203 et le Luxembourg 193 ; mais, en réalité, les intérêts communaux sont si multiples, si divers, si compliqués dans différentes communes du Luxembourg, que chaque section est une véritable commune ; chaque section a ses revenus à part, ses propriétés à part, des obligations, des charges à part, et doit avoir son budget à part.
Je pourrais citer, par exemple, la commune que j'habite et qui se compose de six sections ; eh bien, plusieurs de ces sections ont des propriétés qui leur appartiennent exclusivement ; d'autres ont des propriétés indivises, en outre des propriétés particulières ; une autre n'a pas de propriétés du tout et doit pourvoir aux dépenses communales par une cotisation personnelle ; toutes ont un budget à part, de sorte que presque chaque commune se subdivise en plusieurs véritables communes distinctes, et que, par suite, nous avons dans le Luxembourg, ce qui n'existe dans aucune des autres provinces, c'est-à-dire 500 et des budgets pour près de 200 communes. Ainsi, sous ce rapport, il est peu de provinces, même celles qui sont de beaucoup supérieures en population et en industrie, qui donnent autant de travail à l'administration provinciale que le Luxembourg.
Je ne puis donc me rendre compte des raisons qui ont déterminé le gouvernement à placer la province de Luxembourg sur une autre ligne que la province de Limbourg.
Si, maintenant, je compare les positions des employés dans les deux provinces, je trouve des raisons très fortes pour mettre tout au moins la province de Luxembourg sur la même ligne que la province de Limbourg. D'abord, dans le Luxembourg, le nombre des employés a été réduit autant que faire s'est pu, de sorte qu'on ne peut jamais espérer d'arriver, au moyen d'extinctions, de réductions, à améliorer la position des employés restants. Il est incontestable que le nombre des employés a été tellement réduit dans cette province, qu'on ne pourrait le diminuer d'un seul, sans entraver le service ; le Luxembourg en a 4 ou 5 de moins que le Limbourg.
J'appelle l'attention très sérieuse du gouvernement et de la Chambre sur la position comparative des employés dans les deux provinces. Ce n'est pas pour faire une réclame électorale que je prends la parole en ce moment, c'est un acte de justice que je pose ; et si ce motif n'existait pas, je ne prendrais pas la parole.
Eh bien, quelle est la position des employés dans les deux provinces ?
Dans le Luxembourg, un chef de division a 2,000 francs ; dans le Limbourg, le fonctionnaire de cette catégorie a 3,000 francs, mais il y en a qui ont un traitement de beaucoup supérieur. Un chef de bureau reçoit : dans le Luxembourg, 1,800 francs, et dans le Limbourg au moins 2,000 francs. Ainsi, la position des employés dans le Luxembourg est de beaucoup inférieure à celle des employés dans le Limbourg, et cependant cette dernière province reçoit de nouveau une part plus forte dans la répartition de l'augmentation qui est proposée, de sorte que la différence ne fera qu'augmenter. Cela ne me paraît pas admissible. Je crois que, pour être juste, on doit tout au moins placer le Luxembourg sur la même ligne que le Limbourg.
Il est encore une considération qui milite en faveur de ma proposition, c'est qu'il est à ma connaissance personnelle que la plupart des employés provinciaux du Luxembourg ont déjà 25, 26 ou 27 années de service ; il en est qui ont cette ancienneté dans leur grade ; il en est qui étaient déjà en fonctions à Luxembourg avant 1830 et qui sont venus à Arlon ; or, le traitement maximum de ces fonctionnaires est de 2,000 fr. Il me paraît extrêmement injuste de traiter les employés du Luxembourg moins favorablement que ceux des autres provinces qui ne l'emportent sur le Luxembourg sous aucun rapport et où déjà la position des employés est beaucoup plus avantageuse que celle de leurs collègues dans le Luxembourg.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, comme l'a dit l'honorable M. de Brouckere, il y a peu de fonctionnaires publics qui aient plus excité et qui méritent davantage la sollicitude de la Chambre que les employés des gouvernements provinciaux. La preuve en est dans les tentatives qu'on ne cesse de faire depuis dix ans pour améliorer leur position. Malgré les sentiments de bienveillance dont on a toujours été animé à leur égard, on a voulu avant tout arriver à un projet de réorganisation ; mais il semble que jusqu'aujourd’hui les recherches faites dans ce but ont à peine abouti.
Dès 1847, lors de la discussion sur le budget de l’intérieur, le ministre de l'époque déclarait qu'il s'occupait d'un projet de réorganisation des administrations provinciales, que des renseignements étaient demandés à ce sujet aux gouverneurs et que quand toutes les (page 920) réponses seraient parvenues au département, l'affaire ferait l'objet d'un examen approfondi. La même promesse a été répétée chaque année, sans être suivie d'effet ; l'année dernière seulement on a voté une augmentation de 32,000 fr., mais à titre provisoire.
La majorité de la section centrale dont je suis en ce moment l'organe a été inspirée par les mêmes idées de sympathie pour les employés dont il s'agit lorsqu'elle a adopté la proposition faite par le gouvernement. Elle l'a acceptée de confiance, sans entrer dans les détails parce qu'elle a pensé que la Chambre ne doit pas faire de l'administration. Il lui a paru impossible de procéder par elle-même à un travail de répartition à défaut des avis des parties intéressées, ou d'autres bases d'appréciation, que le gouvernement seul avait à sa disposition. Elle a d'autant plus été amenée à adopter les propositions du gouvernement, que celui-ci a pu s'éclairer des travaux de la commission spéciale instituée à cet effet, travaux qui ont pu lui servir de guide assuré pour atteindre le but commun que nous nous proposons, c'est-à-dire l'amélioration du sort des employés provinciaux, tout en respectant dans la répartition les règles les plus strictes de l'équité.
Il y a surtout une considération qui a déterminé le vote de la section centrale, c'est qu'il s'agissait, en adoptant aujourd'hui le crédit, de mettre un terme aux réclamations incessantes. Ce qui se passe aujourd'hui à la Chambre prouve que la section centrale a eu raison, car à peine la discussion est-elle ouverte que de toutes parts on réclame.
Le Brabant, le Hainaut, les provinces de Namur et de Luxembourg, toutes prétendent être mal partagées ; je ne sais pas dès lors pourquoi, comme l'a insinué l'honorable M. de Brouckere, moi, député de la Flandre orientale, je ne viendrais pas réclamer à mon tour ; car, si une augmentation se justifie pour les autres provinces, elle doit se justifier dans la même proportion, pour celle que je représente plus spécialement. Si M. le ministre de l'intérieur est prêt à accepter les divers amendements qui seront présentés, je me joindrai à mes honorables collègues de la Flandre orientale, pour déposer également une proposition qui aura pour objet d'attribuer à cette province le chiffre de 10,000 fr. (au lieu de 7,000) qui lui était primitivement alloué.
Il résulte de tout cela que la majorité de la section centrale avait agi prudemment en adoptant le chiffre du gouvernement, pour mettre un terme aux demandes d'augmentation qu'elle prévoyait devoir se produire ; elle a cru en même temps qu'elle pouvait adopter, en toute confiance, une répartition conforme aux idées de justice et d'équité dont était animée la commission spéciale qui avait été chargée de l'examen de la question.
Je crois donc, messieurs, que la Chambre ferait chose fort sage, si elle est décidée à améliorer le sort des employés des provinces, de voter le chiffre proposé par le gouvernement et admis par la section centrale. Si on demande trop, comme dans les sessions précédentes, je crains qu'on pourrait bien n'avoir rien. C'est dans l'intérêt des employés dont il s'agit que je parle ; car voilà dix ans qu'ils attendent ; j'espère donc, messieurs, que vous leur donnerez une preuve de votre sympathie, en votant, à titre permanent, la somme proposée qui leur donnerait enfin une juste et légitime satisfaction.
M. Wasseige. - Moi aussi, messieurs, j'ai la plus vive sympathie pour les employées des administrations provinciales, et je suis prêt à voter toute somme raisonnable qui sera demandée pour améliorer la position de ces employés. Si cependant la Chambre ne croyait pas devoir admettre l'augmentation de douze mille francs proposée pour faire droit aux réclamations des provinces qui ne se croient pas suffisamment partagées dans le tableau de répartition de l'allocation proposée par le gouvernement, ce ne serait pas une raison pour rejeter toute espèce d'augmentation réclamée pour telle province qui aurait été reconnue être mal partagée.
C'est pourquoi je me permettrai de dire quelques mots en faveur de la province de Namur. La répartition de l'augmentation de 51 mille francs demandée par le gouvernement laisse subsister entre la plupart des provinces la même différence que celle existant actuellement. Ainsi entre le Hainaut et le Brabant, il y avait un écart de 3,200 fr., maintenant cet écart est de 3 mille francs ; entre le Brabant et la Flandre orientale l'écart était de 4,500 fr. il est maintenant de 4,000.
Enfin, les augmentations ont été faites proportionnellement et toutes les provinces ont conservé leur position relative ; une seule exception a été faite à ce mode de répartition et c'est au détriment de la province de Namur.
Avant le projet d'augmentation il y avait entre la province de Namur et la province de Flandre occidentale une différence de 5,300 francs ; après l'augmentation, elle arrive à 8 mille francs, c'est-à-dire que l'écart se trouve augmenté de 2,700 francs et, je le répète, la province de Namur est la seule des neuf provinces à laquelle on ait fait une semblable position, les autres ont obtenu une augmentation proportionnelle, elles sont restées relativement dans la même situation, la province de Namur seule se trouve distancée de celle qui la précède de 2,700 francs en plus.
C'est une véritable injustice à l'égard de cette province. Je viens demander à la bienveillance de la Chambre de la faire disparaître, le gouvernement paraît avoir pris pour base principale, sinon unique, de la répartition, la population ; si cette base doit servir, elle ne doit pas être unique, ni même trop prépondérante ; les autres bases qu'on devrait admettre seraient toutes en faveur de la province de Namur ; ainsi c'est, après le Hainaut, celle des neuf provinces qui compte le plus grand nombre de communes, elle a 346 communes tandis que le Hainaut en a 400 et quelques, la province de Namur sous ce rapport vient en seconde ligne. D'un autre côté les communes de la province de Namur ont des biens communaux très considérables dont l'administration soulève, de nombreuses questions d'affouage, de défrichement, d'extraction de minerais, qui donnent beaucoup de besogne à l'administration provinciale. Il y a même ceci à remarquer, quant à l'extraction du minerai de fer, c'est que cette province fournit les 71 centièmes du minerai qui s'exploite dans toute la Belgique ; la loi sur les défrichements, qui y a été exécutée sur une grande échelle, donne aussi beaucoup de travail. Si ces considérations avaient été appréciées comme elles doivent l'être, on n'aurait certes pas augmenté l'écart qui existait entre l'allocation de la province de Namur et celle de la Flandre occidentale.
Une dernière observation : une des bases d'appréciation les plus certaines me paraît être sans contredit le nombre des pièces expédiées sur une année. Eh bien, ce nombre dépasse le chiffre de 28,000 dans la province de Namur, tandis qu'il n'atteint pas celui de 18,000 dans le Limbourg, qui cependant ne reçoit que mille francs de moins que Namur.
Quoi qu'il en soit, bien loin de vouloir demander qu'on diminue les allocations accordées aux autres provinces, je serais disposé à voter toutes les augmentations qui seraient aussi bien justifiées que celle que je réclame ; mais je voudrais que toutes les provinces fussent équitablement traitées, et qu'on donnât à chacune ce qui est nécessaire pour son administration ; or avec la répartition telle qu'elle est faite aujourd'hui, non seulement les employés de la province de Namur ne pourront jamais obtenir le maximum fixé par le projet d'arrêté soumis à votre appréciation, mais ils ne pourront jamais obtenir le minimum indiqué dans le règlement qui a été communiqué à la législature en 1855.
Telle ne peut pas être l'intention du gouvernement ni de la Chambre ; ils ne peuvent pas vouloir que les employés n'aient jamais l'espoir d'arriver au minimum fixé pour leur traitement. C'est pour réparer cette injustice, qui me paraît flagrante, que j'ai cru devoir dire quelques mots en faveur de la province de Namur.
M. Osy. - Je sais que les employés et fonctionnaires de la province d'Anvers réclament comme les autres une amélioration de position et ils en ont le droit ; mais ici je me pose en défenseur des intérêts du trésor. L'affaire a été instruite par le gouvernement. M. Piercot avait proposé une augmentation de 62 mille francs. Cette proposition n'a pas été accueillie par la Chambre.
Le gouvernement a fait un nouveau travail où les besoins de toutes les provinces ont été examinés et il a proposé une augmentation de 51 mille francs. Je voterai cette somme, mais je suis décidé à voter contre la proposition des députés du Hainaut, parce que je suis persuadé que quand vous voteriez 63 mille francs au lieu de 51, on ne serait pas plus content et qu'il faut un terme aux dépenses qui augmentent d'année en année.
Il y a quelques années les dépenses du département de l'intérieur s'élevaient de 150 à 160 mille francs.
On a demandé un crédit supplémentaire de 30 mille francs, ce qui a porté l'allocation à 190,000 fr. ; on ne s'en est pas tenu là, car la somme votée hier approche de 210 mille francs.
Je me rappelle avoir rencontré un ancien ministre de l'intérieur, aujourd'hui à l'étranger, qui me disait que si on lui donnait 100,000 fr. pour bien administrer les bureaux du département de l'intérieur, il s'en chargerait. Aujourd'hui nous sommes arrivés à près de 210 mille fr. Soyez persuadés que plus vous accorderez, plus on vous demandera. Il n'y a pas douze ans que l'administration centrale ne coûtait que 100 mille francs, depuis la dépense a toujours été en augmentant. Je voterai pour les 51 mille francs, comme le propose la section centrale, à la condition qu'on n'y reviendra plus et que l'allocation sera considérée comme la dotation définitive des administrations provinciales.
Comme vous l'a dit l'honorable rapporteur, nous ne pouvons pas faire de l'administration. Nous ne pouvons savoir si telle province doit avoir, dans l'augmentation de 51,000 fr., 1,000, 2,000 ou 3,000 fr. de plus ou de moins.
C'est au gouvernement à savoir les besoins de chaque province. Je crois que cette augmentation est suffisante et que lorsque les employés sauront qu'elle est définitive, ils seront satisfaits.
Il est temps, messieurs, de nous arrêter dans la voie des dépenses ; car de la manière dont nous y allons, je ne sais où nous arriverons. N'oubliez pas qu'on nous demande encore 1,200,000 fr. pour augmenter les traitements des fonctionnaires de l'Etat, dans lesquels on ne comprend pas ceux des provinces. Les dépenses du pays deviennent chaque jour plus considérables.
Je voudrais que les fonctionnaires de l'Etat fussent bien rétribués, mais je voudrais que le nombre en fût réduit. Je suis persuadé que si, comme en France, nous avions un abonnement, le travail se ferait beaucoup mieux qu'aujourd'hui avec moins de fonctionnaires. On a parlé de 48 employés dans une province, je suis persuadé que si l'on avait un abonnement avec 36 employés ; le travail se ferait bien et ces employés seraient bien rétribués.
Je voterai les 51,000 fr. d'augmentation proposés par le gouvernement. Mais je repousserai la demande d'augmentation de 12,000 fr. que nous font d'honorables députés du Hainaut.
(page 921) M. Verhaegen. - Je ne prends pas la parole pour appuyer la demande d'augmentation faite par d'honorables collègues du Hainaut. Je crains que la Chambre ne soit pas disposée à voter cette augmentation. Mais je viens demander qu'il y ait pour la répartition une justice distributive.
Il est évident, d'après les raisons qui vous ont été données par mon honorable ami, M. Thiéfry, que la province de Brabant ne peut pas, avec l'augmentation qui lui est réservée, satisfaire aux besoins du service.
Dès lors il s'est présenté naturellement à l'esprit du chef de cette province l'idée de faire une comparaison entre le Brabant et le Hainaut précisément parce qu'il avait administré l'une et l'autre de ces provinces.
L'honorable M. de Brouckere a aussi administré deux provinces, celle de Liège et celle d'Anvers. Il a donc pu également établir une comparaison entre ces deux provinces.
Mais la comparaison dont nous a parlé l'honorable M. Thiéfry, quant à la province de Brabant et à celle de Hainaut, pouvait être parfaitement faite par l'honorable M. Liedts, dont vous connaissez l'impartialité et la justice. Or, l'honorable M. Liedts, dans une lettre qu'il a écrite à M. le ministre de l'intérieur, s'est expliqué d'une manière très nette.
« Pourquoi, dit-il, l'importance administrative du Brabant arrive-t-elle ici en troisième ligne ? Se fonde-t-on sur la population ? Mais avant deux ans, le Brabant, déjà plus peuplé que le Hainaut, aura dépassé la Flandre orientale. On oublie qu'une grande partie de l'augmentation de la population du pays afflue chaque année vers le Brabant et que cette province aura bien près d'un million d'âmes dans dix ans.
« Ce n’est pas non plus, je pense, parce que la vie est moins chère à Bruxelles qu'à Mons ou à Gand. C'est donc parce que les affaires qu'on y traite sont moins nombreuses, exigent un personnel moins nombreux qu'à Gand ou à Mons.
« Or, c'est là une erreur matérielle, et si on veut bien me mettre en présence des gouverneurs de ces deux provinces, je suis persuadé que je les ferai convenir du contraire.
« Il n'y a de comparaison sérieuse à établir qu'entre le Brabant et le Hainaut et comme j'ai administré les deux provinces, je suis certes bon juge en cette matière. »
Voilà pourquoi on a apporté dans cette discussion une comparaison entre la province de Brabant et celle de Hainaut. Et qu'on ne vienne pas nous parler de ces affaires nombreuses qui se traitent au sujet des concessions de mines. Aujourd'hui, les concessions sont à peu près toutes accordées et il ne s'agit plus de venir nous en parler pour grossir le nombre des affaires.
Il y a d'ailleurs pour cela des administrions particulières comme il y en a pour les wateringues.
Mais si l'on attache peu d'importance aux populations des chefs-lieux, qu'il me soit cependant permis de dire qu'il faut en attacher à la population d'une capitale. Car c'est là qu'affluent ce grand nombre d'individus qui occasionnent beaucoup de besogne et de recherches, surtout quant aux questions qui se rattachent au domicile de secours, à la police, etc.
Au reste, toutes les raisons données par l'honorable M. Thiéfry n'ont pas été rencontrées par l'honorable M. de Brouckere et je ne reviendrai pas sur ce point. Mais je pense que nous faisons ici en dernière analyse de l'administration et qu'il vaudrait beaucoup mieux que la Chambre n'en fît pas et laissât au gouvernement le soin de la répartition d'après certaines bases que nous établirions.
Ainsi, l'honorable M. de Brouckere vous a dit tantôt que ce n'est pas seulement à la population qu'il faut attacher de l'importance, que c'est aussi au nombre des communes. Je veux bien ajouter aux deux bases admises par le Brabant, cette autre base du nombre des communes. Laissons au gouvernement le soin de répartir la somme qu'il nous propose entre les diverses provinces, d'après ces trois bases, la richesse présumée, la population et le nombre des communes.
Dans tous les cas, reste l'amendement de l'honorable M. Thiéfry. Il ne comporte pas une augmentation sur le chiffre proposé par le gouvernement. Il demande simplement que la province de Brabant soit mise sur la même ligne que celle de Hainaut.
On propose pour la province de Brabant 56,000 fr. comme pour celle du Hainaut. Le résultat de l'amendement de l'honorable M. Thiéfry doit être de donner 57,500 à chacune de ces deux provinces.
M. de Theux. - Nous avons déjà entendu une très longue discussion sur cette question. Mon intention n'est pas de la prolonger. Cette première discussion relativement au traitement des employés provinciaux a eu lieu lorsqu'une première demande nous a été présentée par l'honorable M. Piercot. A la suite de cette discussion, le gouvernement s'est entouré de nouveaux renseignements et je crois qu'il est mieux à même que la Chambre d'apprécier les bases d'une répartition équitable.
Quant à fixer dans le budget les bases de répartition, je ne puis y consentir. Je me rappelle très bien que lorsqu'on a suivi cette marche pour la répartition des traitements et des indemnités pour les commissariats a arrondissement, on a trouvé qu'il y avait eu plusieurs erreurs résultant forcément des dispositions législatives qui avaient été adoptées pour cette répartition.
Je crois donc ne pouvoir rien faire de mieux, dans cette situation que de m'en rapporter à la proposition du gouvernement qui, à la suite d'une discussion assez longue, a fait un nouvel examen et nous a soumis sans partialité, sans esprit de localité, une répartition que nous pouvons croire fondée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, comme l'ont fait remarquer quelques honorables préopinants, la question de la réorganisation des administrations provinciales a été agitée depuis bon nombre d'années.
J'ai été heureux, pour ma part, d'y pouvoir proposer à la Chambre une solution qui me semble équitable.
Je devais bien m'attendre et je m'attendais, en effet, à des réclamations nombreuses de la part de presque toutes les provinces.
Il est impossible de proposer un travail de répartition reposant sur des bases si peu certaines et difficilement appréciables, sans soulever des réclamations. Cependant, ce n'est pas sans avoir consulté les chefs d'administration de toutes nos provinces que le gouvernement a abordé cette matière délicate ; mais la question s'est successivement élargie, comme cela arrive d'ordinaire.
Au début, on ne se préoccupa que de l'uniformité à introduire dans l'organisation des administrations provinciales. Par une circulaire du 15 octobre 1846, un de mes honorables prédécesseurs appela l'attention des gouverneurs des provinces sur la nécessité d'arriver à une plus grande uniformité dans l'administration des provinces. Il y avait, en effet, messieurs, une grande diversité dans les administrations provinciales : chaque gouverneur ayant été jusqu'ici, en quelque sorte, omnipotent pour l'organisation de ses bureaux.
Un autre de mes honorables prédécesseurs, par une circulaire en date du 11 juin 1851, indiqua aux gouverneurs les principes qui devaient présider à cette organisation uniforme.
Un troisième de mes prédécesseurs, par une circulaire en date du 9 janvier 1854, est entré dans la même voie et a été même plus loin. Il a soumis aux gouverneurs des provinces un avant-projet de réorganisation. Cet avant-projet a été examiné par les gouverneurs, qui, en général, s'y sont ralliés. Cette réorganisation qui devait entraîner une dépense nouvelle de 62,122 francs fut même soumise à la Chambre ; mais aucune suite n'y fut donnée.
Par arrêté du 6 novembre 1854, une commission de sept membres fut nommée à l'effet d'élaborer un projet de réorganisation. Celle commission présenta son projet dès le 15 décembre.
Elle avait pris généralement pour point de départ l'organisation de l'administration centrale du département de l'intérieur. Les mêmes dénominations étaient admises : chefs de division, chefs de bureau, premiers, deuxièmes et troisièmes commis et expéditionnaires. Ce travail, uniforme quant à l'établissement des grades, devait cependant conserver une partie variable d'après l'importance de chaque province. C'est de là qu'est née la grande difficulté consistant à régler le nombre proportionnel, pour chacune des provinces, des fonctionnaires de chaque grade.
Aussi longtemps qu'il ne s'agissait que d'établir le cadre, la chose était facile ; mais lorsqu'il fallait le remplir, les difficultés se sont présentées, parce que, il faut bien le reconnaître, les bases d'une appréciation rigoureuse manquent. Il est fort difficile de dire quelle est l'importance relative de chacune des administrations provinciales. Aussi longtemps qu'il ne s'agit que de calculer le nombre de communes, la population, le nombre d'employés, le nombre d'affaires traitées, la chose est assez facile ; mais quand il faut apprécier et comparer l'importance générale de chaque province au point de vue administratif, alors la question devient plus difficile.
Chaque province, en effet, se fait remarquer par une importance d'une nature spéciale. Ainsi, dans le Hainaut et dans la province de Liège, c'est l'administration des mines et la métallurgie qui fournissent des éléments importants à l'administration. Dans les deux Flandres c'est l'agriculture, c'est l'industrie manufacturière, c'est l'administration des polders et des wateringues, ce sont surtout les difficultés relatives à la bienfaisance publique nées du paupérisme qui a désolé ces provinces pendant un certain nombre d'années. Dans la province de Namur ce sont les biens communaux ; dans le Luxembourg, c'est l'administration forestière ; dans la province d'Anvers, c'est le commerce.
Quant au Brabant, cette province est le centre de la plupart des administrations, c'est le siège d'affaires très considérables. Il est donc extrêmement difficile de comparer les différentes provinces au point de vue de l'importance administrative, et dès lors, il me semble que le gouvernement devait prendre pour point de départ l'organisation actuelle, l'importance relative de chaque administration telle qu'elle se trouve aujourd'hui constituée.
En effet, messieurs, il faut bien supposer que les organisations actuelles sont le résultat des besoins que l'expérience a révélés. Je sais très- ien que dans telle province il se peut que le gouverneur ait organise ses bureaux avec plus d'économie, avec plus d'intelligence qu'on ne l'a fait dans telle autre province ; mais il est très difficile de rechercher les motifs qui ont fait régler tous les détails de chaque administration. Il fallait donc tenir compte de ce qui existe aujourd'hui et maintenir le rapport actuel entre les différentes administrations.
De là, messieurs, est née une autre difficulté qui se manifeste aujourd'hui dans la discussion. C'est qu'on s'est mis à comparer les différentes (page 922) administrations. Jusqu'à présent on n'avait pas été frappé de cela. Chaque année la Chambre, en votant les crédits destinés aux administrations provinciales, ratifiait par son vote des inégalités qui, aujourd'hui paraissent choquantes et que nous avions acceptées depuis 25 ans. Aujourd'hui on veut, brusquement, les faire disparaître.
Ainsi, messieurs, voilà la marche qui a été suivie dans l'instruction de cette affaire. Au début ou se préoccupait de la nécessité d'établir une certaine uniformité dans l'administration de toutes les provinces. Plus tard, c'est-à-dire depuis deux ans, on voulait dans un but d'humanité, dans un but de justice, saisir l'occasion de cette réorganisation pour améliorer la position des employés des administrations provinciales.
Et, en effet, messieurs, depuis longtemps la Chambre est saisie de réclamations dans ce sens, et, à chaque occasion, elle a manifesté ses sympathies pour ce genre de fonctionnaires ; môme les demandes spéciales qui ont été faites en leur faveur ont toujours été écartées par les promesses faites qu'on allait procéder à la réorganisation des administrations.
L'amélioration de la position des fonctionnaires a donc constamment été ajournée jusqu'à l'exécution de cette promesse de réorganisation. Il est dès lors très naturel que le gouvernement se soit préoccupé de cette question, et qu'il ait voulu, non seulement rendre l'administration uniforme, mais saisir cette occasion d'améliorer la position des employés.
En effet, une préoccupation semblable nous a animés à l'égard d'autres catégories de fonctionnaires ; et bien qu'en dise l'honorable M. Osy qui pense qu'il est temps de s'arrêter dans cette voie, je crois, au contraire, qu'on ne fait que commencer et qu'il faudra, dans un avenir prochain, améliorer la position de la plupart des fonctionnaires. Il est évident que presque tous les traitements ont été établis à une époque qui est déjà bien loin de nous et qu'ils ne sont plus du tout en rapport avec les nécessités de la vie actuelle.
Il sera donc impossible de se refuser à procéder à la révision de la plupart des traitements, et surtout des traitements des fonctionnaires inférieurs qui sont les plus dignes de nos sympathies, parce qu'ils éprouvent des souffrances réelles et qu'ils sont généralement dans une position pécuniaire peu compatible avec la dignité des représentants du pouvoir.
Aujourd'hui la question de la réorganisation des administrations provinciales est entrée dans une troisième phase. L'extension qu'elle a prise résulte d'une préoccupation qui ne s'était pas manifestée jusqu'à présent. Aujourd'hui on s'est mis à faire des comparaisons entre les crédits alloués aux diverses provinces, et ce sont ces comparaisons qui engendrent en ce moment les propositions d'augmentation.
J'ai eu l'honneur de dire aussi que le gouvernement, dans ses propositions, ne s'était pas placé à ce dernier point de vue. Il avait pris comme point de départ les crédits ordinaires, tels qu'ils ont été votés depuis 25 ans, sans se laisser guider par une pensée de comparaison entre ces diverses allocations de crédits, sans se préoccuper aussi de l'idée de les établir, si l'on veut, d'une manière plus juste et plus équitable. Si l'on entre dans cet ordre de considérations, j'avoue qu'il est difficile de justifier quelques-uns des chiffres proposes par le gouvernement.
Le gouvernement, de l'aveu de MM. les gouverneurs, avait divisé les provinces en six provinces notablement plus importantes et trois autres provinces d'une importance moindre. L'augmentation proposée pour chacune des six grandes provinces allait de 6,000 à 7,000 francs. Ainsi, l'augmentation proposée était : de 7,000 francs pour la province d'Anvers ; de 6,425 francs pour le Brabant ; de 6,700 francs pour la Flandre occidentale ; de 7,000 francs pour la Flandre orientale ; de 6,160 francs pour le Hainaut et de 7,200 francs pour la province de Liège. Dans les trois provinces d'une moindre importance, l'augmentation proposée allait de 3,000 à 4,000 francs.
Dans la fixation de ces augmentations proposées, le gouvernement avait pris pour point de départ les crédits ordinaires, tels qu'ils ont été votés depuis 25 ans, et avait cherché à maintenir entre ces crédits les différences qui jusqu'ici n'avaient pas occasionné de réclamations. Aujourd'hui, on veut se rendre compte de ces différences. C'est plus complet, et plus juste, je l'avoue, surtout si l'on veut faire un travail définitif, ce qu'on désire généralement, et si l'on veut prévenir des réclamations incessantes dans l'avenir. Envisageant les choses à ce point de vue, je ne vois plus pourquoi, par exemple, il doit y avoir un écart de 4,000 francs entre le crédit alloué pour le Hainaut et celui alloué pour le Brabant. Il me semble bien difficile de justifier cette différence.
Le Hainaut, il est vrai, a 407 communes, tandis que le Brabant n'en a que 330 ; le Hainaut a 21 villes, tandis que le Brabant n'en a que 8. Le nombre des employés provinciaux est beaucoup plus considérable dans le Hainaut qu'il ne l'est dans le Brabant. Le Hainaut a une industrie dont l'importance n'échappe à personne et qui occasionne aussi l'instruction d'un grand nombre d'affaires administratives. Cependant, d'autre part, M. le gouverneur du Brabant m'a transmis des observations dont je ne puis méconnaître la justesse. Je demande à la Chambre la permission de lui donner lecture d'une partie de la lettre du gouverneur, et l'assemblée sera, je pense, convaincue qu'il n'y a pas de motifs pour donner au Brabant une position inférieure à celle du Hainaut.
« Il n'y a de comparaison sérieuse à établir qu'entre le Brabant et le Hainaut, et, comme j'ai administré les deux provinces, je suis, certes, bon juge en cette matière ; or, je le dis avec la plus entière conviction, aujourd'hui que les procédures administratives, du chef de concession de mines, sont terminées ; qu'il n'y a plus de mines à concéder et for peu à régulariser, le travail que cette industrie fournit encore à l'administration provinciale est largement compensé par d'autres travaux administratifs plus fréquents dans le Brabant que dans le Hainaut ; citons quelques exemples choisis parmi ceux dont chaque département ministériel peut vérifier l'exactitude.
« Affaires étrangères. Le ministre a une correspondance plus active avec le gouverneur du Brabant qu'avec tout autre. Le Brabant est la province où se trouvent les hommes et les choses au sujet desquels les légations étrangères demandent le plus de renseignements.
« Intérieur, La garde civique, la voirie, les établissements incommodes et insalubres, les ports d'armes, les brevets d'invention, etc., etc. toutes ces branches et cent autres ont dans le Brabant une plus grande importance qu'ailleurs. Quelques-unes même y donnent lieu à plus de correspondance que dans toutes les autres provinces réunies.
« Finances. Les décisions à porter sur les réclamations en matière d'impôts sont plus nombreuses ici que dans aucune province ; elles sont dans la proportion de 800 dans le Brabant, 600 dans le Hainaut, 400 dans la Flandre orientale.
« Budget. Le budget des dépenses de la province s'élève à la moitié du chiffre du budget du département de l'intérieur. Vous pouvez juger d'après cela à quelles écritures une pareille comptabilité donne lieu ; le budget du Hainaut ne dépasse pas le tiers de celui du Brabant, celui de la Flandre n'en atteint pas le sixième.
« Travaux publics. Aucune province ne présente un aussi grand développement de routes de l'Etat et de la province que dans le Brabant. Aucune province ne voit s'élever autant de constructions le long de la grande voirie et ne donne lieu, par conséquent, à autant de demandes d'alignements. Ces innombrables demandes, dont chacune exige une instruction, ne figurent pas dans le Brabant au nombre des affaires jugées par la députation permanente ; il en est autrement dans le Hainaut, et c'est ce qui explique que le chiffre des affaires portées devant la députation du Hainaut dépasse, en apparence celles du Brabant.
« Justice. Les questions en matière de domicile de secours, parfois très difficiles et qui réclament toujours une instruction assez longue, sont plus multipliées dans le Brabant que dans tout le reste du royaume. La population de la Cambre équivaut presque à celle de tous les autres dépôts de mendicité réunis.
« A la prison de Vilvorde va s'en joindre une autre non moins grande, celle de Louvain. On délivre ici cinq fois autant de passeports que dans le Hainaut.
« La capitale seule et ses faubourgs donnent lieu à un échange de lettres avec l'administration de la police, aussi nombreux que toute une province.
« Il y a plus de bourses d'études à Bruxelles et à Louvain, dont les actes et la comptabilité sont sous la tutelle de la députation permanente que dans le Hainaut et la Flandre réunis.
« Guerre. Les travaux administratifs que cette branche de service fait naître sont partout en rapport avec la population ; or, je le répète, dès aujourd'hui la Flandre orientale, province presque exclusivement agricole, a seule une population plus forte que celle du Brabant et cela ne sera plus en 1858.
« De quelque manière, M. le ministre, que j'envisage la question, il m'est impossible de trouver un seul motif qui justifierait une allocation de 54,425 fr. seulement au Brabant quand on reconnaît que 59,785 fr. sont indispensables au Hainaut et 55,550 fr. à la Flandre orientale. »
Messieurs, il en est de même, je dois le reconnaître, de la comparaison faite entre le Luxembourg et le Limbourg. L'écart entre les crédits alloués à ces deux provinces a été jusqu'à présent de 4,000 francs ; il serait encore de même d'après les propositions du gouvernement.
M. de Theux. - Les loyers sont très chers à Hasselt.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il me serait impossible, je l'avoue, de justifier cet écart. M. le gouverneur et la députation du Luxembourg ont fait valoir les raisons qu'a reproduites ici l'honorable M. Tesch contre cet écart ; et je ne vois pas de motifs, je dois le dire, d'accorder au Limbourg un crédit plus élevé qu'au Luxembourg. Je ne veux sans doute pas proposer de diminuer la dotation du Limbourg ; mais, je le répète, il n'est pas possible de justifier la différence qui existe entre les allocations votées à ces deux provinces, quand on compare bien tous les éléments de la question, toutes les bases d'appréciation, et il est impossible de méconnaître qu'il y a lieu de placer ces deux provinces sur la même ligne quant aux crédits à leur allouer.
Pour la province de Namur, je crois aussi, avec l'honorable M. Wasseige, que le gouvernement a introduit un écart beaucoup plus considérable que celui qui existe aujourd'hui et qu'on a essayé de maintenir proportionnellement entre les diverses provinces.
Ainsi, d'après les crédits proposés par le gouvernement, l'écart entre toutes les provinces sera à peu près le même qu'aujourd'hui.
La province de Namur, au contraire, qui ne diffère maintenant de la province de Flandre occidentale, qui vient immédiatement avant, que de 5,300 francs, va avoir un écart de 8,000 francs. Cet écart me paraît beaucoup trop considérable. Il y a encore à dire, en faveur de la province de Namur, que le nombre des communes y est exceptionnellement grand.
(page 923) Je sais bien que la plupart de ces communes, ne sont pas très-importantes au point de vue de l'administration ; mais, si petite que soit une commune, elle a, comme la plus grande, des relations obligées avec l'administration provinciale, et ces relations nécessitant souvent le même travail que s'il s'agissait d'une commune plus grande.
J'avais donc pensé qu'il y avait lieu de proposer quelques modifications dans le sens des observations que je viens de présenter. Il en résultera, je le sais, une augmentation de 8,000 à 9,000 fr. et l'on arrivera à un chiffre de 60,000 francs Les propositions primitivement faites par les gouverneurs se résumaient en une somme de 6,000 et des francs ; et c'est dans ce sens que l'honorable M. Piercot avait proposé d'accorder un crédit nouveau au budget de 1855.
J'avais essayé de réduire la dépense et la commission spéciale nommée en 1854 avait proposé un chiffre de 48,000 fr. ; mais à la suite d'observations qui ont été faites immédiatement par certains gouverneurs, j'avais cru devoir ajouter à cette somme 3,000 fr., dont 2 ;000 fr. pour la Flandre occidentale et 1,000 pour le Brabant. Lorsque j'ai communiqué ces diverses propositions à MM. les gouverneurs, des réclamations me sont arrivées de toutes parts ; j'ai examiné ces réclamations et je viens de faire connaître à la Chambre le résultat sincère de mes recherches.
Si la Chambre veut tout simplement améliorer la position des employés tout en maintenant la proposition entre les diverses administrations provinciales, telle qu'elle existe aujourd’hui, le chiffre de 51,000 francs suffit. Mais si à l'occasion du travail de réorganisation que nous faisons, nous voulons nous rendre compte des différences qui existent entre les crédits alloués pour les diverses administrations provinciales, et établir entre elles une proportion plus équitable, il faut alors aller au-delà de ce que propose le gouvernement.
Je demanderai donc qu'on mette le Brabant sur la même ligne que le Hainaut, on accorderait donc 59,000 fr. à ces deux provinces ; le Luxembourg serait placé sur la même ligue que le Limbourg, 39,000 francs ; enfin la province de Namur obtiendrait une augmentation de 2,000 fr., de sorte que l'ensemble du crédit s'élèverait à 60,180 fr.
Messieurs, j'aime mieux que la répartition entre les provinces soit faite par la Chambre elle-même ; je ne tiens nullement à obtenir les pouvoirs illimités que veut bien m'accorder l'honorable député de Mons, parce que j'entrevois parfaitement toutes les difficultés que je rencontrerais dans cette répartition.
Je préférerais donc que la Chambre établît elle-même cette répartition.
- Plusieurs voix. - Ce serait faire de l'administration.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je n'en disconviens pas ; mais puisque nous avons commencé, pourquoi n'irions-nous pas jusqu’au bout ?
Il ne s'agit d'ailleurs que de fixer un chiffre pour chaque province ; le reste de la réorganisation des administrations provinciales est une affaire du gouvernement.
M. Rousselle. - Je considère, comme tout à fait inacceptable, la proposition que vient de faire M. le ministre de l'intérieur de laisser à la Chambre le soin d'établir les répartitions entre les diverses provinces. J'avais déjà demandé la parole quand l'honorable rapporteur de la section centrale avait aussi engagé la Chambre à voter la répartition qui est consignée à la page 8 de son rapport, parce que je la trouve entachée des mêmes vices que les répartitions précédentes. La Chambre se souviendra que depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte je me suis constamment élevé contre l'inégalité de la répartition faîte entre toutes les provinces des sommes affectées au traitement des employés des administrations provinciales. La répartition nouvelle partant généralement des mêmes bases, je dois également l'attaquer.
Je me suis procuré à la cour des comptes le tableau des employés provinciaux le plus récent ; celui que je tiens en main a été formé pour le mois de janvier dernier, il en résulte qu'il y a 315 agents répartis dans les neuf provinces, tant employés que gens de service ; la somme proposée par la section centrale monte à 428,000 fr. qui donnerait une moyenne par agent de 1,358 fr. 73 c. Voici maintenant le résultat de la répartition entre les diverses provinces.
Quatre provinces dépassent cette moyenne, ce sont : le Brabant qui a par agent 1,555 fr. 55 c. Le Limbourg a 1,500 fr., le Luxembourg, 1,458 fr. 53 c., Anvers 1,454 fr. 54 c.
Cinq provinces n'atteignent pas la moyenne : la Flandre orientale n'a que 1,333 francs, la Flandre occidentale 1,330 francs, la province de Namur 1,290 fr. 32 cent., le Hainaut 1,255 fr. 32 c. et Liège 1,214 fr. 28 cent.
Il me paraît que ces chiffres constatent suffisamment le défaut de bases justes et équitables et qu'ils me dispensent de rencontrer les observations comparatives qui ont été produites jusqu'ici dans la discussion.
La Chambre ne possède pas les éléments nécessaires pour faire une répartition fondée sur les principes de la justice distributive ; elle doit donc s’abstenir. Pour la faire il faut tenir compte d'une foule de considérations que le gouvernement seul est à même d'apprécier.
Si nous entrions dans le débat, vous verriez s'élever une foule de réclamations, de contredits qu'il nous serait impossible d'apprécier. Du reste, c'est là une matière administrative ; et nous devons soigneusement éviter de faire de l'administration dans la Chambre ; bornons-nous à faire de la législation et à apprécier les propositions générales que nous fait le gouvernement pour les dépenses de l'Etat, en lui laissant le soin de faire la répartition des crédits votés.
Ces considérations me font appuyer de toutes mes forces l'amendement de M. de Brouckere, l'augmentation qu'il propose an chiffre voté jusqu'à présent par la Chambre serait répartie par le gouvernement sur les bases qu'il adopterait et qui auraient pour effet de redresser les inégalés existantes entre les diverses provinces. La somme demandée par l'honorable M. de Brouckere est presque la même que celle que M. le ministre vient d'indiquer. Je crois qu'il y a trop peu de différence pour que l’honorable ministre de s'y rallie pas.
Je convie donc la Chambre d'adopter la proposition de M. de Brouckere, car je crois que son adoption est le seul moyen de sortir de la difficulté où nous nous trouvons.
M. de Bronckart. -Messieurs, les honorables membres qui ont. pris la parole avant moi se sont beaucoup préoccupés de la répartition entre les provinces, de la somme à voter pour l'amélioration du sort des employés provinciaux, et fort peu de la répartition entre ces employés.
C'est là pourtant, à mon avis, le point important. Aussi ai-je demandé la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable ministre de l'intérieur nous dire que cette répartition se ferait équitablement, grâce aux mesures prises par le gouvernement, et grâce aussi au projet de règlement de réorganisation soumis à la Chambre comme annexe au projet de budget. Je ne partage pas la confiance de l'honorable ministre dans l'efficacité de ce règlement, attendu depuis à peu près dix ans, comme on vous le disait tantôt.
Certes si l'on devait juger de la bonté de ce règlement par son long et laborieux enfantement, on serait en droit d’en attendre des merveilles.
Malheureusement, il suffit d'y jeter un coup d'œil pour s'apercevoir tout d'abord qu'il ne répond en aucune façon ni aux intentions clairement manifestées par la Chambre, ni au double but qu'il devait atteindre dans l’opinion de l'honorable ministre de l'intérieur lui-même. Voici ce que disait l'honorable M. Dedecker dans la session dernière :
« Tout le monde gagnera, disait l'honorable ministre, à une organisation définitive. Et d'abord, MM. les gouverneurs, pour qu'on ne les soupçonne pas de chercher à abuser de la liberté dont ils jouissent par rapport aux promotions et aux traitements de leurs employés.
« Et puis les employés eux-mêmes, car il est bon que les cadres soient bien réglés et que les conditions d'avancement soient stipulées d'une manière précise, que les traitements soient équitablement fixés, afin que les employés trouvent des garanties équitables pour leur avenir. »
Ainsi, d'après l'honorable ministre, le règlement à intervenir devait avoir pour objet de fixer les traitements d’une façon équitable, afin de donner aux employés des garanties pour leur avenir, et ensuite de mettre MM. les gouverneurs à l’abri du soupçon de favoritisme. C'est là aussi, messieurs, ce que la Chambre veut et ce que les réclamants demandent. Mais je ne crois pas que l'honorable ministre puisse nous dire que le projet de règlement dont il a assumé la paternité, de confiance, je veux le croire, fasse droit à ces justes exigences. Il voudra bien, au contraire, reconnaître avec moi, que si ce règlement était appliqué, ce serait la consécration des abus contre lesquels on s'élève avec tant de raison, ce serait livrer les fonctionnaires auxquels on l'appliquerait pieds et poings liés à l'arbitraire ; ce serait, en un mot, créer une classe de parias dans l'administration.
Au point de vue de l'amélioration des traitements, de l'amélioration qu'on peut appeler principale, immédiate, que fait le règlement ? Messieurs, c'est presque à ne pas y croire, et c'est à ne pas oser le dire si l’on n'avait le texte sous les yeux. A de malheureux fonctionnaires qui viennent vous dire : « Nous vous donnons notre temps, notre intelligence, notre dévouement ; nous vous sacrifions tout cela, généreusement, sans marchander, et en retour vous nous laissez dans la misère. Le traitement que vous nous faites ne nous donne pas de quoi vivre, à plus forte raison de quoi élever nos enfants. Nos traitements sont encore aujourd’hui ce qu'ils étaient en 1815 ; tels d'entre nous, après 25, 30 et même 40 ans de services, ont un traitement de 1,000 à 1,200 francs, c'est-à-dire que vous nous mettez dans une position beaucoup plus défavorable que celle du dernier manœuvre. Cela n'est pas juste et nous réclamons. »
A cela le gouvernement répond par la voie de son règlement :
« Rassurez-vous, je viens porter remède au mal. Vous n'avez aujourd'hui que 1,200 francs après 50 ans de services. Je décrète dans ma haute sagesse que dans aucun cas, et jamais, vous ne pourrez en avoir plus de 4,000 fr. Après cela, si vous n’êtes pas satisfaits, vous êtes bien difficiles. »
Le règlement, messieurs, fixe, en effet, un maximum et pas de minimum ; c'est-à-dire qu'il n'est qu'un leurre. Si l'on avait voulu faire une chose sérieuse, ce n'est point un maximum qu'il fallait fixer, c'était un minimum. Il fallait ordonner qu'à tel grade correspondrait un traitement qui ne pourrait être en dessous d'un chiffre de... Alors vous eussiez fait quelque chose de sérieux. Vous assuriez le sort de vos employés et vous aviez une garantie efficace contre l'invasion des bureaux par une foule de gens dont les services sont, pour le moins, contestables et que les fonctionnaires utiles considèrent, à bon droit, comme une race (page 924) parasite qui, à leur grand préjudice, vient s'abattre sur le budget économique.
C'eût été là, je le répète, une garantie sérieuse, et c'eût été, de plus, se conformer à la volonté de la Chambre.
Car la Chambre n'entend pas que les bureaux provinciaux se peuplent indéfiniment. Elle n'entend pas voter annuellement des sommes considérables pour laisser à certains fonctionnaires le plaisir de les répartir, ou plutôt de les disséminer, de les éparpiller sans bénéfice pour personne. Elle s'en est clairement expliquée à diverses reprises, et il ne peut rester à personne le moindre doute que ce ne soit bien là sa volonté. Mais cette volonté ne paraît pas être celle de tout le monde ; et pour l'éluder, on a trouvé le leurre ingénieux, d'un maximum sans minimum.
Voilà pour la partie financière du règlement Voyons maintenant les garanties qu'il consacre pour l'avenir et l'avancement des employés. Messieurs, elles sont tout aussi efficaces.
Voici en quoi elles consistent.
A l'avenir les gouverneurs ne pourront plus nommer leurs employés, ou donner de l'avancement à ceux qui sont déjà en fonction, qu'après avoir pris l'avis d'une commission nommée ad hoc.
Mais comme il faut que MM. les gouverneurs puissent, à cet égard, continuer à faire ce qui leur plaira, ils nommeront les commissions et rédigeront le programme d'après lequel l'examen devra se faire. Ils nommeront ensuite, sur l'avis ou contre l'avis de la commission, selon leur bon plaisir, car ils ne sont nullement tenus à cet égard. C'est en un mot, messieurs, de l'arbitraire de la pire espèce, c'est de l'arbitraire sans responsabilité.
Telle est, messieurs, toute l'économie de ce règlement organique si longtemps attendu, qui ne ressemble à aucun autre ; c'est, on peut le dire, une œuvre informe, et en présence des intentions si clairement manifestées par la Chambre, on peut ajouter audacieusement dérisoire.
Une commission avait été nommée par le prédécesseur de l'honorable ministre de l'intérieur ; elle était composée d'hommes spéciaux et avait formulé un avant-projet qui donnait aux employés provinciaux et à l'Etat, quant à l'emploi des sommes qu'il allouait, des garanties sérieuses.
Le travail de cette commission fut communiqué à MM. les gouverneurs ; j'ignore si ce fut sur leur demande, toujours est-il qu'après cette première épreuve l'avant-projet dormit dans les bureaux, où il se trouve encore et d'où l'on aurait beaucoup mieux fait de l'exhumer, que de produire l'œuvre informe dont j'ai en ce moment l'honneur de tous entretenir.
Messieurs, on a beaucoup trop consulté les gouverneurs dans cette affaire. Ce n’était pas eux qu'il fallait exclusivement entendre. Lorsqu’en effet on se livre à une enquête, à une instruction quelconque, on n'a pas l'habitude de s'en rapporter seulement au dire des parties intéressées, ce serait un mauvais moyen pour arriver à la vérité. Demander aux gouverneurs ce qu'ils pensent d'un projet de règlement qui a pour but de restreindre leur autorité jusque-là arbitraire et s'en rapporter naïvement à leur réponse, me semble peu logique et peu raisonnable.
Ce n'est pas à dire, à Dieu ne plaise, que je mette le moins du monde en suspicion la parfaite loyauté de ces honorables fonctionnaires. Tant s'en faut : mais on sait que toute autorité est jalouse de ses prérogatives ; cela est de son essence, et il faut qu'il en soit ainsi, c'est au gouvernement à tenir compte de ce fait.
C'est ce qui m'avait porté 1 année dernière à engager très expressément M. le ministre de l'intérieur à consulter les députations permanentes. Mou honorable ami, M. Delfosse, joignit sa voix à la mienne Nous pensions que les députations permanentes qui sont le produit d'une double élection, présentent au moins autant de garanties d'honorabilité et de capacité que peuvent en faire supposer des fonctionnaires dont la nomination émane du gouvernement.
Il nous semblait que, dans la question qui nous occupe, il y avait tout à gagner à consulter ces corps, qui sont en rapports continuels avec les bureaux et qui, partant, sont tout aussi à même que MM. les gouverneurs d'eu connaître les besoins et le côté faible de leur organisation.
Le bon sens les indiquait donc comme devant être consultés ; la justice aussi, car ils sont plus désintéressés dans la question que MM. les gouverneurs. J'irai plus loin, messieurs, je dirai que les simples convenances en faisaient une loi au gouvernement.
En effet, les députations permanentes ont, à diverses reprises, soit qu'elles en prissent l'initiative, soit qu'elles ne fussent en cela que les interprètes des résolutions des conseils provinciaux, insisté auprès du gouvernement sur la nécessité d'améliorer le sort des employés provinciaux.
L'année dernière encore, si je ne me trompe, la députation du Hainaut a fait une démarche de ce genre, en exécution d'une décision du conseil provincial. Il me paraît donc que les convenances les plus élémentaires voulaient que les députations permanentes fussent consultées. Et je regrette, je regrette très profondément que l'honorable ministre de l'intérieur, qui, en maintes circonstances, a protesté dans cette enceinte de ses sympathies et de ses respects pour nos institutions communales et provinciales, n'ait pas saisi avec empressement l'occasion qui s'offrait tout naturellement d'en donner un gage en ce qui concerne les députations permanentes. Je le regrette d'autant plus, que les tendances du moment semblent être de laisser à l'écart les autorités relevant de l'élection ; et qu'il appartenait à M. le ministre de l'intérieur, qui se dit grand admirateur de nos libertés communales et provinciales, de protester par ses actes contre des prétentions insensées, qui peuvent tout au plus s'expliquer chez un fonctionnaire subalternes par l'étroitesse de vues, mais qui deviendraient un véritable danger si elles se manifestaient jusque dans le gouvernement. Ce n'est point à une intelligence aussi élevée que celle de l'honorable ministre de l'intérieur qu'il faut dire combien nos assemblées communales et provinciales sont un bouclier puissant pour le gouvernement, bouclier contre lequel viennent s'émousser bien des petits mécontentements, bien des oppositions inséparables de l'instinct de liberté, qui s'amoncelleraient chaque jour plus menaçants pour l'Etat, si nos conseils communaux et provinciaux ne leur servaient d'exutoires ; et je ne crains pas d'être démenti par l'honorable M. Dedecker, lorsque je dirai que ces institutions sont pour beaucoup, je ne dis pas pour tout, mais pour beaucoup dans les vingt-cinq années de paix et de tranquillité intérieure, dont la Belgique a joui au milieu des bouleversements survenus en Europe et produits, la plupart, précisément par cette centralisation excessive du pouvoir exécutif, au rétablissement de laquelle les gens aveugles seuls, je le répète, peuvent travailler chez nous.
En résumé, messieurs, le projet de règlement qui vous est soumis ne peut être pris au sérieux ; c'est un leurre et rien de plus. Je propose à la Chambre de ne pas y donner son approbation en votant définitivement le crédit demandé.
Je la prie de ne voter qu'à titre provisoire la partie du crédit destinée à l'amélioration du sort des employés provinciaux, et de charger le gouvernement de lui soumettre aussitôt que faire se pourra un autre projet de règlement plus efficace fixant un minimum de traitement, règlement sur lequel les députations permanentes seront préalablement consultées.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je tiens à répondre immédiatement au discours que vous venez d'entendre.
L'honorable membre a appelé l'attention de la Chambre sur le projet de règlement que le gouvernement a soumis, non au vote, mais à l'appréciation de la Chambre.
Ce sur quoi la Chambre a à voter, c'est le chiffre de l'allocation ; quant au projet de règlement, c'est un avant-projet que le gouvernement a soumis à l'étude, qu'il se propose de compléter, et qu'il convertira en arrêté sous sa responsabilité. La Chambre l'appréciera plus tard.
J'examinerai, du reste, ce qu'il peut y avoir de fondé dans les observations de l'honorable préopinant et j'en tiendrai compte quand il s'agira de rédiger l'arrêté de réorganisation.
Messieurs, le projet d'arrêté a été apprécié d'une manière bien sévère par l'honorable député de Liège. Cette appréciation, je ne saurais l'accepter comme équitable et fondée. L'honorable membre s'est placé à un point de vue tout différent du mien.
Tout dans ses observations respire une extrême défiance des gouverneurs ; moi, au contraire, je dois être animé et je suis animé d'un sentiment de confiance à leur égard. Là est la clef des observations présentées par l'honorable membre.
M. de Bronckart me reproche de n'avoir pas consulté les députations provinciales. J'aurais pu les consulter ; je n'ai aucun motif de ne pas le faire. J'avoue même que je me suis cru autorisé à croire que les observations que j'ai reçues des gouverneurs peuvent être considérées comme le résultat des conférences que ces hauts fonctionnaires ont eues à ce sujet avec les députations.
Du reste, rien ne m'empêche de demander l'avis de ces corps, que je respecte. Dieu me garde de rien faire qui soit contraire à leur autorité, dans les limites où la loi la circonscrit !
L'honorable membre a critiqué l'introduction de certaines modifications dans le nouveau projet d'arrêté, il aurait préféré sous quelques rapports le projet qui avait été formulé par la commission chargée de réorganiser les administrations provinciales.
C'est sur les observations des gouverneurs que j'ai cru devoir introduire ces changements.
Tout en réglant l'ensemble de l'administration dans les provinces, il faut laisser, dans les détails, une certaine latitude aux gouverneurs.
Ainsi, dans le premier projet d'arrêté de réorganisation, nous avions proposé un minimum en même temps qu'un maximum.
Le gouvernement, dans le second projet, n'a plus fixé qu'un maximum, laissant au gouverneur le soin de voir quels seront les traitements d'un ordre inférieur qu'il jugera le plus convenable de donner.
Pour les grades inférieurs surtout, ce minimum doit pouvoir varier. Cela dépend de la besogne. Il y a des moments où elle est beaucoup plus considérable et où l'on peut trouver des expéditionnaires à très bon compte ; et, pour ne pas obliger les gouverneurs ou de renoncer au concours de ces agents provisoirement indispensables ou pour ne pas les forcer de donner un traitement minimum trop élevé pour un travail qui ne mériterait pas une telle rémunération, il faut nécessairement laisser une certaine liberté d'action aux gouverneurs.
L'article 4 du projet d'arrêté primitif portait que « le traitement ne peut pas être séparé du grade ». En principe, je crois cette prescription bonne ; mais, à cet égard encore, MM. les gouverneurs ont demandé que, de (page 925) temps à autre, il leur fût permis d'accorder un avancement en quelque sorte honorifique en attendant que l'augmentation pécuniaire s'ensuivît. Eh bien, messieurs, je ne sais pas s'il faut refuser aux gouverneurs ce moyen d'émulation. Ce système forme, pour ainsi dire, quelques échelons de plus dans la hiérarchie administrative, c'est-à-dire qu'il fournit un moyen particulier d'encouragement, et, à ce titre, il peut être parfois favorable.
Je sais qu'il peut aussi donner lieu parfois à certains embarras administratifs ; mais je ne pense pas que ce soit là un motif suffisant pour l'interdire absolument aux gouverneurs.
L'article 5 du projet du règlement primitif portait que les chefs de division et les chefs de bureau jouissant du traitement minimum de leur grade ne pourraient recevoir d'augmentation que lorsque les traitements de tous les autres employés auraient atteint le minimum affecté à leur grade. Celte prescription, je l'ai momentanément supprimée ; mais je suis d'avis de la rétablir parce que je la crois essentielle, surtout dans l'intérêt des employés inférieurs.
Du reste, ainsi que je l'ai dit, ce projet de règlement a été soumis à la Chambre pour qu'elle pût voir dans quel ordre d'idées la réorganisation uniforme des administrations provinciales aura lieu.
Je me réserve de l'examiner encore, et je n'éprouve aucune répugnance à consulter les députations permanentes avant de rendre ce projet définitif. Mais, encore une fois, si j'y ai introduit quelques modifications, c'est que je les ai crues et que je les crois encore dans l'intérêt de l'administration de nos provinces.
Je persiste à croire que les gouverneurs ne peuvent pas être liés par la moindre disposition du règlement, à ce point de voir leur autorité en quelque sorte réduite à néant et de n'avoir plus aucune espèce de liberté d'action quant à l'organisation intérieure de leurs bureaux.
M. de Kerchove. - M. le ministre de l'intérieur vient d'abréger beaucoup la tâche que je m'étais proposée. Le point essentiel, selon moi, c'est de ne pas annihiler l'autorité de l'administration. Aujourd'hui les gouverneurs sont le centre vers lequel rayonnent toutes les autres forces gouvernementales ; si donc on allait obliger les gouverneurs à s'entendre avec les députations, autrement que d'une manière officieuse, sur la nomination des employés, l'administration ne serait bientôt plus possible : au lieu de simplifier les rouages administratifs, on les aura tellement compliqués, qu'on aura créé un véritable dédale.
Je pense donc que le ministre doit, sous sa responsabilité, rester seul maître de régler les différents rapports qui doivent exister d'une part entre MM. les gouverneurs et d'autre part entre ces fonctionnaires et leurs subordonnés ; sans cela nous jetterons partout le désordre et la confusion, et nous aurons bientôt lieu de nous repentir de ce que nous aurons fait.
Il est une autre question à laquelle il me semble qu'on n'a pas fait assez attention ; je veux parler de la nécessité de simplifier les rouages administratifs.
Pendant 22 ans, j'ai appartenu, dans trois provinces, à l'administration provinciale ; j'ai, pendant plusieurs années, été appelé à instruire des questions administratives dans des arrondissements très importants tels que ceux de Bruxelles et de Louvain, ainsi que dans les provinces de Luxembourg et de Flandre orientale. Eh bien, j'ai pu constater l'énorme différence qui existe dans la manière d'instruire les affaires. Ici, elles s'instruisaient avec une rapidité remarquable, tandis qu'ailleurs elles donnaient lieu à une foule de complications de détail qui doublaient au moins la besogne.
Il faut donc de toute nécessité simplifier les rouages de l'administration, il faut par exemple étendre autant que possible l'emploi des formules imprimées en remplacement d'écritures parfaitement superflues et qui accroissent inutilement les difficultés d'examen des affaires. M. Liedts, qui est certainement un administrateur compétent, a introduit ce système au gouvernement provinciale du Brabant, comme il l'avait fait précédemment dans le Hainaut et il a lieu, j'en suis certain, de s'en féliciter hautement.
La simplification des rouages administratifs n'a pas seulement pour conséquence de diminuer la besogne, mais encore de permettre de réduire le nombre des employés et par suite de mieux rétribuer ceux qui restent.
A ce point de vue, il serait peut-être utile aussi d'obliger à un certain surnumérariat les jeunes gens qui commencent en province leur carrière administrative, sauf à leur donner ensuite un traitement convenable. Ils sauraient ainsi à quoi s'en tenir avant de s'engager dans cette carrière.
Ce système est en vigueur au département des finances, notamment ; là, il y a non seulement des surnuméraires, mais encore des aspirants surnuméraires. (Interruption.)
M. Rodenbach. - Le grade d'aspirant surnuméraire a été supprimé.
M. de Kerchove. - C'est possible ; mais il y a toujours des surnuméraires. Eh bien, je demande qu'on introduise le même grade dans les administrations provinciales, en assurant un traitement suffisant après l'épreuve du surnumérariat. Ce serait, selon moi, le meilleur moyen de prévenir les justes plaintes qu'adressent actuellement les employés provinciaux. La réduction du nombre des employés amènerait nécessairement une simplification des rouages administratifs ; et, tout en assurant une position convenable aux employés qui seraient maintenus, on obtiendrait encore, en dernière analyse, une diminution dans les dépenses des administrations provinciales.
M. Osy. - J'avais dit qu'il était temps de s'arrêter dans la voie de dépenses. M. le ministre de l'intérieur nous dit que le mouvement ne faisait que commencer. Je crois que ces deux opinions pourraient parfaitement se concilier, si l'on voulait, comme vient de le dire un honorable préopinant, entrer dans le système de la simplification des rouages de l'administration.
Nous voulons tous que les fonctionnaires soient bien payés, et je crois qu'en général ils devraient être mieux rémunérés qu'ils ne le sont. Mais, avant d'augmenter le budget, je voudrais que le gouvernement examinât s'il n'est pas possible de réduire le nombre des employés et de simplifier les rouages. Il y a vingt-cinq ans, on n'avait pas la lithographie, l'autographie, à l'aide desquelles on peut aujourd'hui se contenter d'un nombre d'expéditionnaires beaucoup moins grand, et malgré cela le nombre des employés est double.
Je suis persuadé, je le répète, que si le gouvernement le voulait, on pourrait diminuer considérablement le nombre des fonctionnaires, les rétribuer mieux, ce que je désire, et ne pas augmenter le chiffre du budget. Qu'on se rappelle ce qui s'est passé en 1849, lorsque tout le monde voulait des économies. On se plaignait que les receveurs de contributions étaient mal payés.
Qu'a fait l'honorable ministre des finances, M. Frère Orban ? Il a ajouté à certaines recettes deux, trois ou quatre communes, et les receveurs ont pu ainsi être bien payés, sans augmentation de dépenses pour l'Etat.
C'est là le système qu'il faut suivre. Ayez peu de fonctionnaires, payez-les bien et la besogne se fera.
J'ai été longtemps dans les affaires et j'ai toujours vu que dans les bureaux où il y avait un grand nombre d'employés, on travaillait peu, parce qu'alors chacun compte sur son voisin.
M. de Moor. - Je viens, par quelques mots, appuyer les observations qui vous ont été présentées par mon honorable ami, M. Tesch, et qui ont été reconnues parfaitement fondées par M. le ministre de l'intérieur.
L'écart de 4,000 fr. entre le Limbourg et le Luxembourg ne se justifie nullement. En effet, messieurs, les travaux dont les employés du gouvernement provincial du Luxembourg sont chargés sont aussi considérables et peut-être même plus considérables que ceux qui se font dans la province de Limbourg. Quelques comparaisons suffiront pour vous en donner la preuve.
Si le Limbourg a des distilleries importantes, le Luxembourg de son côté a de nombreuses ardoisières, un grand nombre de carrières de diverses natures, des usines sur tous ses cours d'eaux, des établissements de forgerie et de tannerie, etc.
Quant au nombre d'écoles, le Luxembourg l'emporte considérablement sur le Limbourg.
Si la Campine limbourgeoise a ses irrigations, notre province a l'examen des demandes en concession, le partage entre les habitants des biens communaux, les travaux de défrichement et de reboisement qui exigent de la part des employés des détails administratifs très nombreux.
En ce qui concerne l'administration forestière, il n'y a aucune comparaison à faire entre ces deux parties du pays. De toutes nos provinces celle de Luxembourg est certes la plus boisée et celle où les communes possèdent le plus de forêts. Les questions les plus délicates, celles des droits d'usage et d'affouage sont presque exclusivement du domaine de l'administration provinciale. Il n'est pas entré dans la pensée des signataires de l'amendement de réclamer contre la position faite au Limbourg, position qui ne nous paraît, du reste, pas trop élevée.
Je bornerai là mes observations et j'appellerai cependant avant de terminer l'attention de la Chambre sur un point que M. le ministre de l'intérieur a bien voulu lui soumettre ; à savoir que le Luxembourg, en raison de son importance administrative, ne doit pas être plus mal traité que le Limbourg. Je remercie M. le ministre de son bienveillant concours.
M. Tesch. - Messieurs, je désire dire un mot d'une question qui se présente tiès-souvent, mais qui d'ordinaire ne reçoit pas de solution.
Tout le monde veut la simplification des affaires ; mais quand on en arrive à la pratique, il n'y a personne qui sache indiquer les moyens d'amener cette simplification. Personne n'en produit la formule. J'espère que l'honorable M. de Kerchove voudra bien nous la donner.
M. de Kerchove. - Que l'on parcoure les exposés des administrations provinciales et les rapports des commissaires d'arrondissement depuis 25 ans, et l'on verra beaucoup de simplifications indiquées.
M. Tesch. - Je désire beaucoup que la question se produise ici. Comme l'honorable M. de Kerchove est au courant, j'espère que dans ta discussion du budget de l'intérieur il nous indiquera son moyen. On le discutera et tout le monde, j'en suis persuadé, l'adoptera s'il est bon.
Quant à moi, je ne crois pas à cette simplification, et la raison en est simple, c'est que tous les jours, le gouvernement, les administrations supérieures, les Chambres, le pays, par cela même qu'ils s'intéressent davantage aux affaires, veulent plus de détails, plus de (page 926) renseignements. Il n'y a pas de fait qui ne donne lieu à une statistique. On veut connaître toutes les affaires, même les moins importantes, on veut en connaître toutes les évolutions et cela n'est pas compatible avec une simplification dans les rouages administratifs.
A mon avis, le meilleur, je dirai le seul moyen de simplifier, c'est d'avoir des agents extrêmement intelligents ; mais pour avoir des agents intelligents, il faut deux choses. Il faut leur assurer une carrière et il faut donner de bons traitements. Eh bien, cela n'existe pas. Vos employés des gouvernements provinciaux, même quand vous les payerez mieux, seront encore très mal payés. Le maximum des traitements est fixé à 4,000 francs. Il est probable que les trois quarts et demi des employés n'y arriveront jamais.
L'avancement dans les bureaux provinciaux n'est donc pas une carrière. Dans d'autres branches de l'administration, cette carrière n'existe pas non plus.
Il y aurait un moyen peut-être de la créer, ce serait de nommer, parmi les employés provinciaux, les commissaires d'arrondissement, en s'attachant un peu moins.au côté politique de ces nominations. C'est une question qui mérite d'être examinée très sérieusement. On ouvrirait ainsi à ces employés une carrière qui engagerait les jeunes gens capables à entrer dans cette administration, dans laquelle ils n'entrent aujourd'hui qu'à défaut de tous autres moyens de se placer.
La position de membre de la députation n'est pas très brillante, au point de vue pécuniaire, mais elle est honorifiquement belle. Eh bien, elle échappe aussi aux employés provinciaux, parce qu'elle exige et l’élection au conseil provincial et l'élection à la députation.
Je crois donc qu'on n'obtiendra tout ce qu'on doit attendre des employés provinciaux qu'en les payant bien et en faisant ce qu'on ne fait pas aujourd'hui, en leur donnant la préférence pour certains emplois. Je connais des agents très intelligents qui, depuis 15 à 20 ans, restent chef de bureau ou chef de division et qui probablement mourront dans cette position. C'est certes là fort peu encourageant.
En ce qui concerne plus spécialement la proposition que j'ai eu l'honneur de faire avec quelques-uns de mes honorables collègues, M. le ministre de l'intérieur a bien voulu reconnaître la justesse des observations que j'ai présentées. Je l'en remercie sincèrement. Je suis convaincu qu'ultérieurement il en tiendra compte si, comme plusieurs membres le demandent, la répartition des sommes votées lui est laissée.
L'honorable M. de Theux a fait une objection. Il nous a dit que dans le Limbourg les loyers étaient très-chers ; je n'entends nullement contester l'assertion de l'honorable membre ; mais je dois dire que, proportion gardée de la population, il n'y a pas de ville en Belgique où les loyers soient aussi chers qu'à Arlon.
Ils y sont, proportion gardée, plus chers qu'à Bruxelles ; et beaucoup de personnes qui ont habité le Luxembourg peuvent vous certifier ce que j'avance. Cela est tellement vrai, que des employés du gouvernement provincial ont dû aller se loger à une demi-lieue, à une lieue d'Arlon, et s'astreindre à y venir par tous les temps, à retourner chez, eux la nuit, parce qu'ils ne pouvaient se loger à un prix raisonnable dans la ville.
Le motif qu'a fait valoir l'honorable comte de Theux pour le Limbourg, existe donc à plus forte raison pour le Luxembourg.
- La séance est levée à 4 heures et demie.