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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 février 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 869) M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Tack donne lecture du procès-verbal delà séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des juges de paix dans l'arrondissement de Malines prient la Chambre d'améliorer leur position. »

« Même demande des juges de paix dans l'arrondissement de Marche. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Des juges de paix dans l'arrondissement de Charleroi demandent que les juges de paix soient assimilés, quant au traitement, aux juges de première instance, et que le tarif de leurs honoraires soit uniforme. »

- Même renvoi.


« Le sieur Paul Wambach, musicien gagiste au 10ème régiment de ligne né à Albsbausen (Hesse électorale), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Clercx, juge de paix du canton d'Achel, propose des modifications aux articles 68 et 293 du projet de loi sur l'organisation judiciaire et prie la Chambre d'examiner s'il ne conviendrait pas de rendre les juges de paix compétents en matière commerciale au même degré qu'en matière civile. »

- Renvoi à la commission du projet de loi.

M. Lelièvre. - Je recommande cette pétition à l'examen particulier de la commission. Elle mérite, à tous égards, une attention particulière.


« Des habitants d'Omal demandent que leurs enfants puissent continuer à recevoir l'instruction gratuite à l'école primaire de Tourinne et qu'une indemnité de ce chef soit assurée à l'instituteur communal. »

« Le conseil communal d'Oraal déclare appuyer cette demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres des conseils communaux de Barvaux-Condroz, Scy, Pessoux, Leignon, Corneux et Achène demandent que la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg établisse une halte dans le village de Leignon. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Thibaut. - Il s'agit de l'établissement d'une station au chemin de fer du Luxembourg. Comme les travaux de cette ligne avancent rapidement, il peut y avoir urgence à ce que la pétition soit connue de la Chambre et du gouvernement.

Je propose donc de prier la commission de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Vanderauwera, décoré de la croix de Fer, commis des douanes pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour être admis au bénéfice de la loi du 27 mai 1856, ou, du moins, pour que sa pension soit portée aux deux tiers de son traitement fixe. »

- Même renvoi.


M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 110 exemplaires du tome IX du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture contenant l'exposé de la situation de l'agriculture pendant l'année 1855. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 70,000 francs au département des travaux publics.

- La Chambre ordonne l'impression etla distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi modifiant la loi sur les brevets d’invention

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Pas tout à fait, M. le président. Je désire donner quelques explications.

La section centrale est d' accord avec le gouvernement sur la nécessité de modifier l'article 22 de la loi sur les brevets d'invention. En effet, messieurs, cette disposition a été trouvée, par l'expérience qui a été faite, trop rigoureuse dans ses conséquences pour certains brevetés.

Ainsi les brevetés qui, dans le mois de l'échéance, n'avaient pas payé la taxe que l'article 3 de la loi leur impose, étaient, quelque légitimes que fussent d'ailleurs les motifs de non-paiement, déchus de tous droits à l'exploitation exclusive de leurs brevets.

Il y a eu des exemples fréquents que le non-paiement de cette taxe a été occasionné par ces circonstances de force majeure, soit par suite de maladie ou d'absence, soit par ignorance d'une loi encore nouvelle ou par oubli ; et le gouvernement a pensé qu'il était trop rigoureux de vouloir que les brevets fussent nuls de plein droit, lorsque le payement de la taxe n'avait pas été fait d'une manière stricte et rigoureuse, dans le délai laissé par la loi.

Le gouvernement avait donc proposé de remplacer l'article 22 de la loi par une disposition accordant six mois après l'échéance du terme fixé pour le payement de la taxe, mais en imposant cependant comme pénalité le payement du double de l'annuité exigible.

La section centrale a proposé d'imposer comme pénalité le payement de l'annuité exigible, plus une somme de dix francs. Le gouvernement se rallie à la proposition de la section centrale. Je crois en effet que cette pénalité est suffisante.

Une deuxième question a été soulevée par la section centrale. C'est celle d'un avertissement préalable à donner aux brevetés.

Jusqu'à présent, il n'y avait pas d'avertissement préalable, ou plutôt il y en avait un ; mais il n'était pas prescrit par la loi. C'était un avertissement, pour ainsi dire, administratif.

Ainsi, en marge des brevets accordés se trouvaient reproduit les articles 22 et 23 de la loi. L'article 22 portait :

« Le brevet sera nul de plein droit en cas de non acquittement, six mois après l'échéance, de la taxe fixée à l'article 3. Celte nullité sera rendue publique par la voie du Moniteur. »

Il y avait donc un avertissement, une mise en demeure en quelque sorte perpétuelle ; le breveté savait effectivement qu'il était obligé de payer sa taxe, sous peine, en cas de non-paiement, d'être déchu du droit d'exploiter exclusivement son brevet.

La section centrale pense qu'il n'y a pas lieu de se contenter de cet avertissement inscrit sur le brevet même ; elle demande qu'on décide par la loi même qu'il y aura un avertissement préalable fait par le receveur ; elle va jusqu'à indiquer la manière dont l'avertissement devra être donné. Ce sera par une lettre chargée à la poste.

Je ne sais trop si je dois me rallier à cette proposition ; d'un côté, j'y vois un bien en ce sens que cet avertissement sera une garantie de plus pour les brevetés ; mais d'autre part, c'est encore multiplier les écritures et les formalités.

De plus, il est à remarquer que lors de la discussion même du projet de loi sur les brevets, l'honorable M. de Steenhault avait proposé d'introduire cet avertissement préalable dans la loi et qu'après un débat sur la question, l'honorable membre a spontanément retiré sa proposition. Et remarquez qu'à cette époque, il y avait plus de motifs d'introduire cet avertissement préalable qu'il n'y en a en ce moment, puisqu'il s'agit, par la modification proposée aujourd'hui, d'accorder des facilités nouvelles aux brevetés.

Quoi qu'il en soit, en considérant que la plupart des brevets se prenant à Bruxelles, il n'y aura, à proprement parler, un surcroît de besogne que pour un seul receveur, je ne m'opposerai pas à l'amendement de la section centrale ; seulement je demanderai que l'on supprime les mots « par lettre cachetée à la poste ». C'est un détail d'administration qui ne doit pas trouver place dans la loi.

Une autre partie de la rédaction proposée par la section centrale exige encore un mot d'explication de ma part.

« Le titulaire... (dit la section centrale)... devra, sous peine d’être déclaré déchu des droits... etc. »

Il faut supprimer le mot « déclaré » et se borner à dire « sous peine d’être déchu ». L'esprit de la loi est que la déchéance ait lieu de plein droit. Il y a d'autant plus de motifs de supprimer ce mot que les déchéances figurent au Moniteur d'après un paragraphe subséquent.

La rédaction proposée par la section centrale se termine par ces mots:

« La déchéance des brevets sera rendue publique, par la voie (page 870) du Moniteur. Il en sera de même, lorsque, en vertu des dispositions qui précèdent, le breveté aura été, sur sa demande, relevé de la déchéance. Il en sera de même, lorsque, en vertu des dispositions qui précèdent, le breveté aura été, sur sa demande, relevé de sa déchéance.

Mais, à proprement parler, personne ne sera relevé de la déchéance, la loi devant même s'appliquer aux titulaires de brevets qui depuis quelques années n'ont pas payé leur taxe, on ne peut pas dire qu'on va les relever de la déchéance. Comme le gouvernement avait l'intention de soumettre la question à la législature, il n'a prononcé jusqu'ici aucune déchéance.

Il me semble donc que l'expression relevé de la déchéance ne serait pas tout à fait exacte ; il n'y a pas lieu de relever d'une déchéance qui n'a pas été prononcée, du moins administrativement. A parler strictement, il est vrai, le paragraphe peut être nécessaire puisqu'il était dit, à l'article 22 qu'il s'agit de modifier, que le brevet est nul de plein droit, en cas de non-paiement de la taxe dans le mois de l'échéance.

M. Lelièvre. - Comme l'a fait remarquer M. le ministre de l'intérieur, il existe une différence assez notable entre le projet du gouvernement et la rédaction proposée par la section centrale.

D'après le projet amendé, le défaut de payement de la taxe ne fait pas encourir la déchéance de plein droit. Il autorise seulement le gouvernement à prononcer la déchéance, de sorte que le breveté peut ne pas en subir les conséquences, s'il paye avant que l'arrêté prononçant la pénalité soit inséré au Moniteur.

Au contraire, d'après le projet du gouvernement, la déchéance a lieu de plein droit par la seule expiration du terme, sans qu'il soit besoin de mise en demeure ultérieure. Je pense avec M. le ministre de l'intérieur que c'est à ce dernier parti qu'il faut s'arrêter.

Je propose, en conséquence, d'énoncer la phrase en ces termes : « Sous peine d'être déclaré déchu de plein droit des avantages que lui confère son titre, « afin qu'il soit bien certain que la demeure ne peut être purgée et que la déchéance est encourue même avant la publication de l'arrêté royal. »

Je dois aussi faire remarquer que la rédaction de l'article 7 proposée par la section centrale présente une lacune en ce qu'elle n'énonce pas quel est le juge de paix qui devra recevoir le serment. Il faut nécessairement dire que c'est le juge de paix du canton dans lequel l'expertise doit avoir lieu. Sans cela il existerait une véritable lacune dans la loi nouvelle, et nous serions bien loin d'améliorer l'ancienne sous ce rapport.

Il est impossible de substituer à une rédaction claire et précise de la loi en vigueur une formule vague qui peut donner lieu à des difficultés.

M. Vermeire. - Messieurs, le différend qui existe encore entre le gouvernement et la section centrale sur la question qui nous occupe, est de peu d'importance. M. le ministre de l'intérieur croit que les brevetés qui n'ont pas encore payé la taxe annuelle, pourront reconquérir, pour le passé comme pour l'avenir, tous les droits attachés à leurs titres, lorsqu'ils remplissent les obligations qui leur seront imposées par la loi en discussion.

Je ne pense pas que la loi en discussion puisse avoir cette portée, car ce n'est pas seulement des droits, du breveté qu'il peut être question ; ceux des tiers y sont également engagés.

Ainsi, dans la supposition qu'un breveté eût encouru la nullité ou la déchéance de son brevet, pour non-accomplissement des obligations qui lui sont imposées par la loi ; et que, par le projet en discussion, lorsqu'il aura acquis force de loi, il recouvrât les droits qui lui ont été conférés par son titre primitif, ceux-ci, toutefois, ne pourraient lui être acquis que du jour où il aurait été relevé de la déchéance ou de la nullité ; et tous les faits posés par des tiers en opposition aux droits du breveté, durant le temps de la nullité ou de la déchéance, doivent rester intacts et inattaquables, car, dans tous les cas, ce ne peut être que du jour où il aurait reconquis tous ses droits que le breveté pourrait les exercer.

Pour ce motif, et afin que des tiers ne soient point induits en erreur, il est indispensable qu’une mention spéciale en soit faite au Moniteur.

En ce qui concerne l'avertissement préalable, je crois que si la perception de la redevance avait été confiée au percepteur des contributions, la mise en demeure aurait pu être supprimée, les moyens coercitifs usités pour la rentrée des impôts pouvant en tenir lieu. (Interruption.)

Ce n’est pas un impôt ; car on peut se dispenser de payer en renonçant aux droits acquis par le brevet. Maintenant si la section centrale a indiqué le mode d'avertissement par lettre chargée à la poste, c'est parce que l'on en fait usage dans certaines circonstances.

Quand on avertit par lettre chargée à la poste, on peut s'assurer si l'avertissement est parvenu à sa destination, parce que, contre la remise du chargement, le destinataire en donne reçu sur le livret du facteur.

Si l'avertissement est donné par lettre ordinaire mise à la poste, comment pourra ou savoir que celle-ci est parvenue à destination ?

Je pouvais donc croire que le mode indiqué par la section centrale était simple et pratique. Mais, puisque le gouvernement en juge autrement, et qu'il déclare faire usage d'un moyen qui assurera l’avertissement préalable, je ne crois pas devoir insister et j'accepte la suppression des mots « par lettre chargée à la poste. »

Je termine en faisant encore observer que, pour sauvegarder tous les intérêts qui peuvent être engagés dans la question, il est de toute nécessite que le Moniteur publie le nom des brevetés et l'objet des brevets, qui seront, en vertu de la présente loi, relevés de la déchéance.

Je pense que pour rendre la loi plus claire, il faudrait rédiger l'article unique comme suit :

« L'article 7 de la loi du 24 mai 1854 est remplacé par la disposition suivante :

« (Proposition de la section centrale.) L'article 22 de la même loi est remplacé par ce qui suit : »

Viendrait ici la rédaction proposée par la section centrale en supprimant les mots « par lettre chargée à la poste ».

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - J'ai oublié de dire que je me ralliais au changement proposé aussi à l'article 7.

L'honorable M. Lelièvre a cru devoir proposer de dire : « déchu de plein droi »t. Je crois que cela est inutile. La suppression du mot « déclaré » aura la même portée et on ne peut guère dire : « sera déchu de plein droit du droit ».

- La discussion générale est close.

Vote de l’article unique

« La première partie de l'article proposé par la section centrale est rédigée comme suit :

« L'article 7 de la loi du 24 mai 1854 est remplacé par la disposition suivante :

« Les experts nommés par le président prêteront serment entre ses mains, ou entre celles du juge de paix à ce spécialement autorisé par lui, avant.... » (Le reste comme à l'article 7.)

- Cette disposition est adoptée.

La suppression des mots « par lettre chargée à la poste », dans la seconde disposition de l'article, est adoptée.

M. le président. - On a proposé aussi la suppression du mot « déclaré ».

M. Vermeire, rapporteur. - Je crois que le mot déclaré doit être conservé, parce qu'il y a deux modes d'après lesquels les brevets sont annulés. Les brevets sont annulés par les tribunaux et sont aussi annulés par le gouvernement. C'est ainsi que les commentateurs de la loi l'expliquent.

- La suppression du mot « déclaré » est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - D'après les votes que vient d'émettre la Chambre, la seconde partie de l'article serait rédigée comme suit :

« L'article 22 de la loi du 23 mai 1854 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

« Lorsque la taxe fixée à l'article 3 de la loi du 24 mai 1854, n'aura pas été payée dans le mois de l'échéance, le titulaire, après avertissement préalable, devra, sous peine d'être déchu des droits que lui confère son titre, acquitter, avant l'expiration des six mois qui suivront l'échéance, outre l'annuité exigible, une somme de dix francs.

« Les titulaires des brevets accordés depuis la mise en vigueur de la loi précitée, qui n'auraient pas payé, dans le délai légal, les annuités exigibles, conformément à l'article 3 de cette loi, seront relevés de la déchéance encourue, en payant dans les trois mois de la publication de la présente loi, outre les annuités exigibles, une somme de dix francs.

« La déchéance des brevets sera rendue publique par la voie du Moniteur.

« Il en sera de même, lorsque, en vertu des dispositions qui précèdent, le breveté aura été, sur sa demande, relevé de la déchéance. »

M. le ministre de l'intérieur a demandé la suppression du dernier paragraphe.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne m'oppose pas à son adoption.

- La disposition est adoptée.

L'ensemble de l'article est adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est adopté à l'unanimité des 64 membres présents.

Ces membres sont : MM. Thibaut, T’Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dedecker, de Kerchove, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Licot de Nismes, Loos, Magherman, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Osy, Rodenbach, Sinave, Tack et Delehaye.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère des affaires étrangères

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Sinave. - Je ne viens pas m'opposer à la demande de crédit qui nous est faite.

Depuis dix ans, j'ai réclamé la suppression des primes accordées à la navigation à voile. J'étais certain que tous les fonds qu'on emploierait pour protéger cette navigation ne produiraient aucun résultat. L'honorable ministre des affaires étrangères a bien voulu approfondir cette question, et j'ai vu avec satisfaction qu'il était d'avis de supprimer ces primes. Je l'en félicite sincèrement. Je crois que le pays applaudira à cette mesure.

(page 871) Qu'il me soit permis de faire un vœu que j'adresse principalement à l’honorable ministre des finances, concernant une autre prime autrement importante. Je veux parler de celle qu'on accorde au sucre. Cette prime est désastreuse pour le trésor. On peut calculer que depuis vingt-sept années que cette prime existe, elle a enlevé au moins une somme de 40 millions.

L'honorable M. Mercier, avant d'occuper le banc ministériel, avait sa conviction à cet égard. Malheureusement depuis sa position nouvelle, il a une tout autre opinion.

Lors du vote de la dernière loi, l'honorable baron Osy nous a dit que c'était un million de moins pour ceux qui jouissent de la prime. C'est effectivement le résultat de la loi. Mais cette loi, que l'on appelle de transaction, ne devrait pas exister en Belgique. Elle autorise une catégorie de personnes à faire un commerce que je ne qualifierai pas.

Je ne demande pas que la loi soit modifiée immédiatement, puisqu'elle a été seulement votée l'année dernière. Mais je demande que, au bout de trois ans, M. le ministre avise au moyen de supprimer cette prime, et le pays applaudira à la mesure, comme il applaudit, aujourd'hui, à la résolution qu'a prise M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j'ai été étonné d'entendre les observations de l'honorable membre. Il paraît avoir complètement oublié la loi que nous avons votée dans la dernière session. Un des premiers objets de mes préoccupations a été de faire produire davantage l'accise sur le sucre, sans augmenter la quotité de l'impôt. Sans doute, il existe encore une prime, bien qu'elle soit beaucoup atténuée, mais il y a de grands intérêts engagés dans cette industrie du raffinage et le commerce de sucre ; il a fallu agir avec une certaine modération pour ne pas occasionner une perturbation regrettable.

Du reste, dans la discussion de la loi dont il s'agit, l'honorable membre n'a pas fait d'observations et il s'est bien gardé de présenter un amendement tendant à aggraver la position des raffineurs.

D'ailleurs, messieurs, ce n'est pas peu de chose que d'avoir obtenu un million d'augmentation sur le produit de cet impôt, en laissant subsister le droit existant.

M. Osy. - Je ne m'oppose pas non plus au crédit demandé par M. le ministre des affaires étrangères, parce que c'est une de ces anciennes affaires qu'il faut liquider ; mais j'ai demandé la parole, quand j'ai entendu l'honorable M. Sinave dire que les encouragements donnés par le gouvernement pour la navigation à voile n'avaient servi à rien. C'est à une grande erreur ; grâce à ces encouragements, nous avons aujourd'hui des navires qui se dirigent sur tous les points du globe et chargent les marchandises que nos industriels désirent exporter. Aujourd'hui le gouvernement peut, sans aucun inconvénient supprimer cette prime, mais, je le répète, elle a produit de très heureux résultats.

L'honorable M. Sinave a parlé aussi de la loi des sucres. Comme l'a très bien dit M. le ministre des finances, aussitôt qu'il a été au pouvoir, il s'est occupé de réaliser ce qu'il avait demandé comme député ; il vous a proposé une loi qui a augmenté d'un million le produit de l'impôt.

M. Sinave. - L'honorable ministre des finances a dit que je n'ai fait aucune réclamation. Il y a trois ans, quand nous avons discuté la loi sur les sucres, M. le ministre avait demandé, comme député, la suppression totale de la prime et j'ai présenté avec l'honorable M. de Brouckere un amendement dans ce sens, qui a réuni 35 voix. Depuis dix ans mes réclamations ont été constantes, je n'ai jamais laissé passer l'occasion de combattre cette malheureuse loi.

M. le ministre dit : J'ai fait produire un million de plus à l'impôt ; cela n'est pas exact ; vous avez ôté un million à ceux qui jouissent de la prime que vous leur accordez aux dépens des contribuables et comme il leur reste encore une marge énorme ils ne réclament pas. Mais je demande, moi, que la prime soit complètement supprimée, à l'égal de ce qu'on a fait pour les autres industries.

L'honorable M. Osy s'est attaché à justifier la prime accordée à la navigation ; eh bien, messieurs, à toutes les époques on a été obligé de chercher des chalands quand il s'est agi de donner la prime et la plupart du temps on n'a pas même trouvé de navires, parce que les navires n'avaient pas de marchandises à transporter.

Aujourd'hui, messieurs, on réclamera le maintien de cette prime.

M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Il n'y a pas de réclamations.

M. Sinave. - Vous en aurez, M. le ministre, et c'est pour cela que j'ai pris la parole. Quand il s'agit de mettre la main dans le sac, il y a toujours des amateurs.

J'insiste, messieurs, pour que le gouvernement nous présente, au bout de trois ans, une nouvelle loi sur les sucres et pour qu'il supprime totalement la prime ; alors vous aurez un revenu équitablement réparti d'une somme de cinq millions et demi. Cela est infaillible.

- La discussion générale est close. On passe à l'examen des articles.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au département des affaires étrangères un crédit extraordinaire de trois mille six cent quatre-vingt-seize francs (3,696 fr.), à l'effet de solder une prime due pour un service à voiles qui a été effectué entre Anvers et Istapa de Guatemala, dans le courant du mois de novembre 1854. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit, qui sera couvert au moyen des ressources ordinaires du budget de 1856, formera le chapitre X, article 50 du budget de l'exercice courant. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents.

Ce sont : MM. Thibaut, T'Kint de Naeyer, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dedecker, de Kerchove, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Devaux, Dubus, Dumon, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Langer Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Licot de Nismes, Loos, Magherman, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Osy, Rodenbach, Sinave, Tack et Delehaye.

Projet de loi sur les jurys d’examen universitaire

Rapport de la section centrale

Amendements

M. le président. - Un amendement au projet de loi sur les jurys pour la collation des grades académiques vient d'être déposé. Il est basé sur un amendement adopté au premier vote ; il émane de M. le rapporteur de la section centrale.

M. de Theux. - Si la Chambre le permet, j'expliquerai l'amendement en deux mots (Parlez ! Parlez !)

Il s'agit de pourvoir à l'établissement des jurys pour l'épreuve préparatoire et d'indiquer d'une manière plus claire la disposition de l'article 40 que la Chambre a adopté.

Il est dit au dernier paragraphe : « Le président du jury est choisi en dehors du corps enseignant. » Je propose de dire : « est seul choisi en dehors du corps enseignant. » C'est bien la pensée de la Chambre.

S'il ne s'agissait que des examens universitaires, ce. ne serait pas nécessaire. Mais ce même article s'applique à l'épreuve préparatoire.

Or, pour le grade d'élève universitaire, qui a une grande analogie avec l'épreuve préparatoire, il y avait trois membres du jury choisis en dehors du corps enseignant.

Je pense que la Chambre a voulu appliquer les mêmes règles à tous les jurys. Je propose donc de réunir en un seul paragraphe les deux paragraphes de l'article 40, et je propose d'ajouter : « Les mêmes règles s'appliqueront aux jurys spéciaux pour l'épreuve préparatoire, s'il est nécessaire d'en instituer. »

De cette manière, il n'y aura plus de doute sur la pensée du gouvernement et sur la pensée de la Chambre.

En déposant le rapport sur les pétitions relatives au projet de loi, j'ai conclu à l'impression des pétitions. Je crois que la Chambre n'a pas statué sur ces conclusions. Je propose donc à la Chambre d'ordonner l'impression des pétitions et leur insertion aux Annales parlementaires.

- Cette proposition est adoptée.

M. Lelièvre. - Je propose aussi de déposer un amendement à l'article 2. On rédigerait le paragraphe dernier en ces termes :

« Les docteurs en droit, aspirant au grade de candidat notaire, sont dispensés de l'obligation prescrite par le présent article. »

En effet, il s'agit de dispenser de l'obligation de produire un certificat ou de subir l'épreuve préparatoire. On doit donc dire « sont dispensés de l'obligation », locution générale qui se réfère à toutes les obligations de l'article 2.

M. de Theux. - Il y a un amendement de la section centrale.


M. le président. - La Chambre, dans une précédente séance, avait retiré de son ordre du jour la discussion sur le budget de l'intérieur. Je lui propose de mettre cette discussion à l'ordre du jour après le vote définitif du projet de loi sur les jurys d'examen universitaire.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition sans date, des habitants de Roulers demandent que l'indemnité mensuelle fixée par l'article 52 de la Constitution soit touchée par mois de 30 jours de présence. »

L'article 52 de la Constitution, en accordant une indemnité mensuelle pendant toute la durée de la session, a entendu les expressions indemnité mensuelle dans leur signification naturelle et bien certainement elles n'ont pas le sens forcé que leur donnent les pétitionnaires.

La réclamation ayant pour objet d'attribuer à une disposition constitutionnelle une signification contraire à ses termes clairs et précis, la commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs commissaires de police, dans la province de Hainaut demandent que leur traitement soit fixé par l'Etat. »

La pétition se rattache à la question de savoir si l'on accordera aux commissaires de police un traitement quelconque à raison des fonctions du ministère public qu'ils remplissent près des tribunaux de simple police.

Il est certain qu'en présence des lois nouvelles qui ont conféré à ces tribunaux une juridiction plus étendue, le travail des officiers dont il s'agit s'est accru notablement ; une juste rémunération doit leur être accordée ; les principes de justice et d'équité exigent qu'il en soit ainsi.

(page 872) Dans ces circonstances, il est important que le gouvernement soumette à l'étude les questions que soulève la pétition, et, en conséquence, la commission propose le renvoi de la réclamation à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 15 avril 1856, le sieur Jobard demande la suppression de l'article 23 de la loi sur les brevets d’invention. »

« Par pétition datée de Bruxelles, le 2 mai 1856, le sieur Jobard demande une modification à l'article 10 de l'arrêté réglementaire sur les brevets d'invention, et prie la Chambre de s'occuper de sa pétition relative à la suppression de l'article 23 de la loi sur cette matière. »

Les pétitions signalent certaines dispositions de la loi sur les brevets d'invention qui donnent lieu à des inconvénients. Le gouvernement venant de proposer, par un projet récemment déposé, des modifications à la loi dont il s'agit, il est important qu'il examine les réclamations du sieur Jobard, pour y faire droit en ce qu'elles peuvent avoir de fondé.

En conséquence, la commission propose le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 15 février 1856, le sieur Dechamps, louageur de voitures, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité du chef de l'abatage d'un cheval atteint de maladie contagieuse incurable. »

Le gouvernement est seul à même d'apprécier la demande du pétitionnaire d'après les documents que ce dernier produira devant les autorités compétentes.

En conséquence la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 22 novembre 1856, le sieur Filleul Van Elstraete demande une loi permettant aux veuves de militaires qui ne jouissent d’aucune pension et qui veulent convoler en secondes noces avec des militaires n'ayant pas obtenu l'autorisation de contracter mariage, de recevoir la bénédiction nuptiale sans qu'elle ait été précédée du mariage civil. »

La demande du pétitionnaire tend en réalité à autoriser le mariage religieux dans une hypothèse où le mariage civil ne peut avoir lieu. Or c'est là un ordre de choses réprouvé par les lois, qu'il est impossible aux pouvoirs publics de sanctionner. Il en résulterait un véritable désordre social donnant lieu aux plus graves abus.

En conséquence, la commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Saint Hubert, le 18 février 1856, le conseil communal de Saint-Hubert demande la construction d'une route entre la barrière de Champion et Houffalize, par Ortho et les deux Ourthes. »

Les pétitionnaires déduisent à l'appui de leur demande des motifs qui paraissent mériter d'être pris en considération par le gouvernement. La route énoncée dans la réclamation semble être une œuvre d'intérêt général qui est digne de l'attention du département des travaux publics. En conséquence, la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Lambin. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission. Déjà à votre dernière session plusieurs pétitions ayant pour objet la construction de la route dont il s'agit, ont été renvoyées à M. le ministre des travaux publics et je pense qu'il doit en être de même pour celle qui nous occupe.

J'espère que M. le ministre prendra ces diverses demandes en sérieuse considération. Je nourris cet espoir d'autant plus que dans une des séances de la dernière session, j'ai été heureux d'entendre M. le ministre reconnaître qu'il reste encore beaucoup à faire dans le Luxembourg, sous le rapport des voies de communication.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Le sieur Grégoire, capitaine pensionné, combattant de septembre demande la croix de Fer. »

Un membre de la commission proposait le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, mais la majorité n'a pas partagé cette opinion par le motif que, dans l'état des choses actuel, le gouvernement ne peut plus accorder la décoration dont il s'agit, le délai prescrit par les dispositions sur la matière étant expiré. En conséquence la commission propose l'ordre du jour.

Quoique la commission eût adopté l'ordre du jour, je crois devoir proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur. C'est ainsi qu'il a été fait à l’égard d'autres pétitions de même nature et il me semble qu'il faut prendre la même disposition dans l'espèce qui nous occupe. Le renvoi serait ordonné, sans rien préjuger, et je pense qu'on ne doit pas écarter, par un dédaigneux ordre du jour, la réclamation d'un citoyen honorable.

- Cette proposition est adoptée. En conséquence, la pétition est renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.

La Chambre fixe la séance de demain à une heure.

La séance est levée à trois heures trois quarts.