(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 815) M. Crombez procède à l'appel nominal à une heure et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance du 10 février.
- La rédaction en est adoptée.
Il présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Haenen, ancien sergent au premier régiment des chasseurs à pied, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une somme qui lui est due par l'association générale pour l'encouragement du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Wavre demande que des mesures soient prises pour que la compagnie du Luxembourg achève immédiatement la ligne directe de la section de Bruxelles à Wavre, où doit être établie la station ; que les compagnies concessionnaires des chemins de fer du Luxembourg, de Manage à Wavre, de Charleroi à Wavre et de Louvain à Wavre établissent à Wavre leur station commune, le lieu de jonction et de raccordement de leurs lignes respectives ; et que la compagnie de Manage à Wavre fasse le service de son exploitation jusqu'à Wavre. »
- Même renvoi.
« Le sieur Charles, commis de parquet à Anvers, demande une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la section centrale du projet de loi concernant un crédit pour augmenter les traitements des employés inférieurs de l'Etat.
« Des habitants de Seraing demandent que les stagiaires au notariat soient nommés par ordre d'ancienneté ; qu'il n'y ait qu'une seule classe de notaires : que le tarif de leurs émoluments soit uniforme, et que les notaires soient répartis dans les cantons à raison de la population. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les président et membres du conseil d'administration de l'université de Bruxelles et les professeurs de cet établissement prient la Chambre de maintenir jusqu'à l'année prochaine la loi de 1849 sur l'enseignement supérieur, et d'ordonner une enquête sur l'état de l'instruction supérieure. »
M. Thiéfry. - Messieurs, je crois que tout le monde apprécie l'importance de la loi que nous discutons. Le conseil d'administration de l'université de Bruxelles et un grand nombre de professeurs adressant à la Chambre une pétition qui, je pense, est de nature à être connue de tous les membres de la Chambre.
J'en demande, ou la lecture, ou l'impression et le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
M. Devaux. - Le renvoi à la section centrale.
M. Thiéfry. - Les pétitionnaires demandent la prorogation de la loi existante pendant un an, pour qu'on ait le temps d'apprécier le projet de loi que nous discutons. Je crois que sous ce rapport il serait peut-être bon de renvoyer la requête à la section centrale, qui en ferait l'objet d'un rapport.
M. le président. - Je ferai remarquer qu'il n'est pas dans les usages de la Chambre de faire imprimer une pétition avant qu'elle ait été l'objet d'un rapport.
M. Rodenbach. - J'appuie le renvoi de cette pétition à la section centrale. Je ne l'ai pas lue, mais si je suis bien instruit, il paraît que l'on dirait en quelque sorte que la Chambre n'est pas encore suffisamment préparée pour faire la loi qui nous occupe. Si cette expression inconvenante se trouve réellement dans la pétition, et si l'on entend ainsi nous donner un brevet d'incapacité, je crois que la Chambre ne peut permettre l'impression de cette requête.
J'appuie toutefois le renvoi à la section centrale pour que celle-ci examine si réellement la pétition renferme ces expressions. Mais je ne m'opposerai point au dépôt sur le bureau.
M. Thiéfry. - Je pense que vous devez tous avoir une trop haute opinion de MM. les professeurs pour croire qu'ils pourraient adresser à la Chambre une pétition inconvenante. J'ai lu la pétition et je déclare qu'elle est conçue dans les termes les plus polis. Du reste, j'en demande la lecture, et vous en jugerez. Elle est très courte et les expressions sont fort convenables.
M. Lelièvre. - Je ne partage pas l'avis de MM. les professeurs, mais j'ai lu la pétition, elle ne contient rien d inconvenant.
M. Crombez, secrétaire, donne lecture de la pétition.
(page 829) « A MM. les membres de la Chambre des représentants.
« Messieurs,
« La loi relative à l'organisation des jurys pour la collation des grades académiques est d'une importance qui ne pouvait échapper à votre haute sollicitude pour les intérêts et pour l'avenir intellectuel du pays.
« La Chambre y a consacré de longues et nombreuses délibérations ; mais malgré ces efforts les questions de principe les plus essentielles ne sont point parvenues à réunir une de ces majorités compactes, imposantes et solides qui garantissent habituellement les succès de vos travaux. Aucun des systèmes proposés n'a réussi dans son ensemble, et la loi sortie de vos débats ne reposera pour ainsi dire que sur des amendements particuliers nés de la discussion, sans unité de vues et sans liaison entre eux.
« Dans cet état de choses, il nous a paru utile de faire auprès de vous, messieurs, une démarche que notre qualité de professeurs et notre compétence ne rendront pas suspecte.
« Sans méconnaître les vraies améliorations dont la loi de 1849 est susceptible, nous vous supplions respectueusement de la maintenir jusqu'à l'année prochaine.
« Dans l'intervalle, les idées mûriront, les faits s'éclairciront, et, si vous le jugez utile, les quatre universités du pays pourront s'entendre pour élaborer un système qui ralliera peut-être toutes les opinions.
« Vous avez déjà pris une résolution de ce genre à l'égard des jurys ; nous vous conjurons de l'étendre au mode et aux matières d'examen.
« Et comme les faits accomplis sous l'empire de la loi actuelle peuvent avoir de l'influence sur la loi future, nous souhaitons en outre qu'une enquête soit ordonnée sur l'état de l'instruction supérieure en. Belgique, bien convaincus que cette enquête établira d'une manière irrécusable : 1° que le niveau de l'enseignement n'y cesse pas de s'élever depuis 1835, et 2° que si le niveau des études ne suit pas la même ascension, ce n'est point au système de la loi ni à l'enseignement qu'il faut l'attribuer.
« Veuillez, messieurs, agréer l'hommage de notre profond respect. »
(Suivent les signatures.)
(page 815) M. le président. - M. Devaux, persistez-vous dans la demande de renvoi à la section centrale ?
M. Devaux. - Non, M. le président.
- La pétition restera déposée sur le bureau.
« Le sieur Guillaume Mutsaars, directeur d'une fabrique à Duffel, né à Tilbourg (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« La chambre de commerce de Liège présente des observations contre les dispositions de l'article 109 du projet de loi sur l'organisation judiciaire. »
- Renvoi à la commission du projet de loi.
« Le conseil communal de Ville-en-Hesbaye demande la construction d'un chemin de fer traversant la partie du pays comprise entre Liège, St-Trond, Tirlemont et Namur. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Lelièvre.- J'appuie la pétition, qui est fondée sur des motifs sérieux, dignes de l'attention de la Chambre. Je la recommande à l'examen spécial du gouvernement.
« Le bourgmestre de Thorembais-St-Trond présente des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »
« Mêmes observations d'habitants de Vieille, St-Denis, Bossuyt, Belchin, Desselghem, Gorsop-Leeuw, Dottignies. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.
« Le sieur Dupont demande la révision de la loi du 5 janvier 1844, sur le sel. »
« Par 25 pétitions, des sauniers de la partie méridionale du pays adhèrent à cette demande. »
M. Wautelet. - Messieurs, il s'agit, dans ces pétitions, d'un intérêt très considérable ; il s'agit de l'existence de nombreuses usines que sont sur le point de chômer. Ce sont les sauniers de la partie méridionale du royaume qui viennent se plaindre de la manière dont sont établis les droits d'accise sur le raffinage du sel ; ils signalent une injustice dans la base de l'impôt et sur le mode de perception.
Je demande en conséquence que ces requêtes soient renvoyées à la commission des pétitions avec prière de présenter un prompt rapport.
(page 816) M. Vermeire. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer précisément à la demande d'un prompt rapport, mais je crois que la question dont il s'agit dans les pétitions a déjà fait l'objet de longs débats dans cette Chambre. Du reste, la modification demandée par les sauniers d'une partie du pays, ne peut être introduite qu'en vertu d'une loi. Il serait peut-être utile que cette affaire ne vînt qu'à son tour de rôle, afin que tout le monde eût le temps de l'examiner et de se préparer à un débat pour lequel les renseignements nous manquent en ce moment.
M. Wautelet. - Messieurs, dans ce que vient de dire l'honorable M. Vermeire, je ne vois pas de motifs pour s'opposer au prompt rapport que je demande. Il s'agit d'un fait signalé comme très important par 25 pétitions qui se plaignent d'un grief dont leur industrie a beaucoup à souffrir. Si l'examen de la question que soulève la réclamation demande du temps, la commission pourra proposer de renvoyer la discussion à l'époque qu'elle jugera convenable. Il est évident que les pétitionnaires demandent une modification à la loi actuellement en vigueur, mais la Chambre a bien le droit de voter cette modification si, en effet, elle reconnaît que cette modification est devenue nécessaire.
Je persiste donc dans la demande que j'ai faite, pour que celle affaire fasse l'objet d'un prompt rapport.
M. Van Iseghem. - Je me joins à l'honorable M. Vermeire, pour demander qu'il ne soit pas fait un prompt rapport. Les sauniers des Flandres s'adresseront aussi à la Chambre, et ils combattront les pétitions dont il s'agit en ce moment. Or, nous devons laisser à tout le monde le temps nécessaire pour se faire entendre.
M. Moncheur. - Je ne vois pas, messieurs, en quoi la demande d'un prompt rapport sur la pétition des sauniers puisse offusquer deux des honorables préopinants. En effet, la Chambre renverra, après le rapport, cette affaire à l'examen du ministre qu'elle concerne ; par conséquent, il ne peut y avoir aucune espèce de surprise pour personne. La demande d'un prompt rapport, faite par M. Wautelet, n'a pas pour but de faire prendre par la Chambre une décision ex abrupto sur le fond de la question. Elle n'a d'autre but que d'appeler le plus tôt possible l'attention de la législature et du gouvernement sur la requête dont il s'agit et qui a un caractère urgent.
Nous savons, messieurs, ce que deviennent souvent les pétitions ordinaires : il y en a qui dorment depuis plus d'un an dans nos cartons.
Je demande donc que la Chambre ordonne qu'il soit fait un prompt rapport sur la requête que lui ont présentée un nombre considérable de fabricants de sel.
M. de Baillet-Latour. - Je me joins à mes honorables collègues de Charleroi et de Namur pour réclamer un prompt rapport de la commission sur la pétition des sauniers.
M. Vermeire. - Je l'ai déjà dit, messieurs, je ne m'oppose pas d'une manière formelle à ce qu'il soit fait un prompt rapport, mais comme l'objet est très important, je crois que les pétitions donneront lieu à d'assez longs débats ; et dès lors je pense qu'il serait peut-être dans l'intérêt des travaux de la Chambre, dont l'ordre du jour est maintenant très chargé, de laisser suivre à ces pétitions la filière ordinaire. Mais puisqu'on insiste, je demanderai que le jour de la discussion soit au moins fixé deux ou trois jours d'avance, afin que tous les intérêts engagés dans la question puissent se faire jour.
- Le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, est ordonné.
M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Berbert. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Devaux (pour une motion d'ordre). - Messieurs, les journaux nous ont appris que, dans une séance récente, la classe des sciences de l'Académie des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique s'est occupée de nos délibérations et qu'elle a consigné son opinion dans son procès-verbal.
Nous savons tous que la classe des sciences de l'Académie est composée de très honorables savants, qu'elle renferme dans son sein un certain nombre de professeurs de nos universités, et quoique cette classe et ces professeurs représentent en général plus spécialement une seule des quatre facultés universitaires, cependant leurs délibérations sur le sujet qui nous occupe peuvent présenter un grand intérêt.
A raison même de ce qu'il y a d'inusité dans la décision de la classe des sciences de l'Académie, nous devons croire qu'elle a été mûrement méditée, qu'elle est sérieusement motivée et qu'elle a été précédée d'une lumineuse délibération.
Pour qu'elle puisse profiter à nos propres débats, il est nécessaire que nous la connaissions d'une manière précise ; il est nécessaire que nous sachions sur quel point de nos délibérations elle porte et sur quelles raisons sont appuyées les objections qu'on nous fait ; il est surtout nécessaire que nous sachions quels moyens pratiques on met en avant pour arriver au résultat que la Chambre a paru, par l'unanimité du vœu de toutes ses sections, bien décidée à atteindre, la simplication des examens.
Je viens donc demander au gouvernement qu'il veuille bien prier M. le secrétaire perpétuel de l'Académie de lui donner communication du texte de la décision prise par la classe des sciences, d'indiquer avec précision celles des décisions de la Chambre quelle a eues en vue, de faire connaître les votes qui ont eu lieu dans son sein, les raisons mises en avant à l'appui de ses objections et les moyens pratiques par lesquels elle propose de remplacer ceux qui ont été adoptés par la Chambre, pour arriver à l'amélioration du régime actuel.
M. le secrétaire perpétuel pourra fournir ces renseignements à M. le ministre de l'intérieur ; c'est lui qui, d'après le règlement, est chargé de la correspondance, au nom de l'Académie, qui tient les registres de ses délibérations et signe ses résolutions.
Le Bulletin de l'Académie qui donne le compte rendu de ses séances, est toujours publié à un assez long intervalle. Si je ne me trompe, celui qui rend compte de la séance du commencement de janvier n'a pas encore paru ; or, il importe que nous ayons dans le plus bref délai possible les renseignements que je demande, si nous voulons en tirer profit pour la discussion de la loi.
Messieurs, vous venez d'entendre la réclamation de l'université de Bruxelles ; les journaux nous ont appris que d'autres universités ont adressé des réclamations à la Chambre ; j'ai été au greffe ; on n'y a reçu que la réclamation qu'on vient de lire. Les professeurs des universités de l'Etat ont, je pense, choisi une voie plus hiérarchique, et se sont adressés à M. le ministre de l'intérieur.
Je demanderai dans ce cas, à M. le ministre de l'intérieur, s'il y aurait des inconvénients à nous communiquer les pétitions ou réclamations qu'il peut avoir reçues. S'il ne jugeait pas à propos de nous en donner le texte, il pourrait nous faire connaître quelles sont celles des décisions de la Chambre sur lesquelles portent les observations ou réclamations, et nous communiquer, en même temps, les raisons sur lesquelles s'appuient les réclamants et les moyens par lesquels ils proposent d'atteindre le but que la Chambre a en vue.
Je ne regrette qu'une seule chose, c'est que ces réclamations arrivent si tard et n'aient pu être utiles à notre premier vote. Les dispositions que la Chambre a adoptées ont pu être prévues depuis longtemps, car toutes nos décisions, une seule exceptée : le retour au jury combiné, sont prises soit dans le projet du gouvernement publié depuis onze mois, soit dans le travail de la section centrale, dont les conclusions ont été publiées dans les journaux, il y a neuf mois, et dont le texte même est publié depuis quatre mois.
Il est donc à regretter qu'on se soit ému si tard, et que, si l'on croyait avoir à nous communiquer des lumières nouvelles, on ait attendu si longtemps pour les faire parvenir jusqu'à nous.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Les différents corps savants qui, par la nature de leur constitution, sont appelés à étudier la matière de l'organisation de l »enseignement supérieur, se sont préoccupés des délibérations auxquelles la Chambre se livre depuis un mois.
J'ai reçu, en effet, de la classe des sciences de l'Académie royale de Bruxelles, quelques observations qui malheureusement ne fournissent aucune espèce de renseignement, quant aux points précis que désirerait connaître le préopinant.
Ce sont des observations vagues, générales. On ne donne pas les raisons pour lesquelles on réclame contre les résolutions de la Chambre ; on n'indique non plus aucun moyen pratique de combiner, autrement que la Chambre ne l'a fait, l'intérêt de la science et de la liberté.
Si la Chambre le désire, je lui donnerai lecture de la communication qui m'a été faite par M. le secrétaire perpétuel de l'Académie. C'est très court.
- Plusieurs membres. - Au Moniteur, au Moniteur !
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Si la Chambre décide qu'il y a lieu de demander des renseignements plus étendus, je le ferai très volontiers.
Mais je ne sais s'il est dans les usages de ce corps de tenir note des diverses observations qui se produisent dans les discussions. Ordinairement les procès-verbaux sont extrêmement laconiques et l'on se borne à constater les votes.
Dans les bulletins de l'Académie, même dans la supposition qu'ils pussent nous arriver à temps, je ne pense pas que nous trouvions plus de détails. Si la Chambre veut donc que je donne lecture de la communication reçue, je le ferai, ou, si elle le préfère, je la ferai imprimer.
- Un membre. - Il faut l'envoyer à la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Devaux a étendu ses observations aux réclamations qui ont été adressées au gouvernement par les universités de l'Etat.
J'ai ici devant moi, les observations qui oui été présentées par le conseil académique de l'université de Liège et celles qui ont été envoyées au gouvernement par le conseil académique de l'université de Gand. Là encore il y a des appréciations générales n'entrant dans aucune espèce de considération particulière, sur les questions qui sont soumises à nos délibérations, n'indiquant aucun motif particulier pour lequel on réclame contre les décisions de la Chambre, n'indiquant, non plus, aucun moyen pratique de donner aux diverses questions une solution autre que celle adoptée par la Chambre.
Là encore, il n'y a donc, pour la Chambre, me semble-t-il, aucune indication, aucune lumière à attendre. Si cependant la Chambre le désire, toutes ces pièces pourront être renvoyées à la section centrale. (Oui ! oui !)
(page 817) Faut-il demander ultérieurement des renseignements plus détaillés à l'Académie des sciences ?
- Plusieurs membres. - Non !
M. Devaux. - Puisque la Chambre paraît vouloir le renvoi à la section centrale, celle-ci pourra examiner ce qu'il y a à faire ultérieurement.
Je propose que toutes ces réclamations, y compris celle de l'université de Bruxelles, soient envoyées à la section centrale.
- Cette proposition est adoptée.
- La discussion continue sur l'article 40.
M. Lelièvre. - La proposition de l'honorable M. Frère soulève l'une des questions les plus importantes qui puissent occuper le parlement. Il s'agit en effet de savoir quelles sont les limites des droits de la puissance publique à l'égard des fondations de bourses, quelles mesures peuvent être prises à cet égard par la législature, quels droits doivent être respectés, quelles modifications dans l'intérêt général peuvent subir les titres qui ont établi les fondations.
La solution de ces questions ne donne lieu à aucune difficulté sérieuse lorsqu'on examine la nature même des fondations qui font l'objet de la discussion.
Les fondations de bourses sont des institutions par lesquelles un testateur ou un donateur a assuré à certaine catégorie d'individus et ordinairement à des personnes de sa famille des subsides annuels pour faire les études prescrites par l'acte constitutif.
Le donateur ou le testateur détermine ordinairement, conformément aux lois de l'époque, le mode qui sera suivi par l'administration de la fondation.
Ces dispositions font naître un ordre de choses qu'il faut sainement apprécier. D'abord elles confèrent un droit aux institués qui sont appelés au legs dans un ordre successif et aux membres de la famille qui doivent jouir des subsides. Sous ce rapport, la fondation constitue une propriété de famille à laquelle des lois subséquentes ne sauraient porter atteinte. C'est pour ce motif que le législateur français, qui n'avait pas d'abord apprécié le caractère véritable des fondations, a bientôt reconnu qu'il s'agissait d'un droit de propriété qui devait être respecté.
Voilà ce que j'appelle la substance même de la fondation, donnant naissance à des droits privés qu'il est impossible de ravir aux légataires.
A ce point de vue, la dévolution de semblable propriété au domaine national constituerait une véritable spoliation, nous en convenons.
Mais ne confondons pas le fond avec la forme.
Les fondations, au point de vue de leur organisation, sont des institutions publiques soumises essentiellement à la surveillance et à la haute tutelle des pouvoirs de l'Etat.
Ces pouvoirs ont le droit de prescrire les mesures nécessaires pour mettre ces institutions en harmonie avec les dispositions d'ordre public et d'intérêt social, et par conséquent, on ne saurait leur interdire la faculté de remplacer les formes établies en d'autres temps par une organisation meilleure, répondant aux besoins de l'époque et aux nouvelles nécessités réclamées par l'intérêt de la société.
En procédant ainsi, le législateur ne porte atteinte à aucun droit acquis, il laisse subsister le fond même de l'institution ; mais la forme essentiellement variable subit une modification parce qu'elle est soumise aux lois d'intérêt général qui rentrent dans la mission des pouvoirs publics, mission que ceux-ci ne pourraient aliéner. Sans cela il pourrait arriver que les formes anciennes devinssent complètement incompatibles avec les institutions de la société moderne.
A la lueur de ces principes, examinons quels sont les droits du législateur relativement aux fondations de bourses. Les droits de la famille doivent être respectés, nous l'avons dit, mais l'organisation de la fondation n'a été faite par le testateur que conformément aux lois de l'époque, et les lois peuvent ne plus s'harmoniser avec les intérêts sociaux ; eh bien, le législateur a le droit de changer cette organisation et de la remplacer par des dispositions meilleures qui, en laissant intacte la substance de la fondation, réalisent plus efficacement la volonté du testateur et préviennent les abus qui seraient de nature à la fausser.
C'est ainsi qu'il est indubitable, selon moi, que le législateur a le droit de remplacer les administrations privées par d'autres institutions qu'il juge mieux en harmonie avec les nécessités sociales et plus propres à assurer la prospérité de la fondation non moins que sa bonne administration.
En cela, le législateur n'enlève à qui que ce soit des droits acquis, il ne blesse aucun intérêt légitime, pourquoi ? Parce que le testateur n'avait organisé la fondation que conformément aux lois en vigueur lors de son testament, et comme il s'agissait d'une institution qui prenait place parmi les institutions publiques, il n'avait agi qu'en vertu d'une véritable délégation de la puissance publique ; et ce qu'il avait organisé à cet égard était soumis à l'action perpétuelle de la loi chargée de veiller aux intérêts des institutions soumises à sa tutelle. Ce qu'une loi antérieure a décrété, une loi subséquente peut l'anéantir.
Et comment voudrait-on qu'il en fût autrement ?
Que sont donc ces administrateurs spéciaux chargés de la collation des bourses et de l'administration des fondations ?
Mais ils sont purement et simplement des mandataires qui n'ont acquis aucun droit privé, et qui, à raison de certaines fonctions, remplissant un service public, peuvent voir le mandat cesser par la toute-puissance de la loi qui décide qu'il est de l'intérêt général et même de l'intérêt particulier de la fondation d'établir une administration sur d'autres bases.
Mais le curé de l'église Saint-Pierre à Louvain, par exemple, institué collateur, n'a acquis aucun droit en nom personnel.
Les fonctions qu'il exerçait sous ce rapport ont pu venir à cesser comme celles des bénéficiers que les lois françaises ont supprimées.
Le testateur qui avait attaché la collation à telles fonctions ecclésiastiques, n'avait pas eu en vue l'individu, mais la fonction même à laquelle, en vertu de la loi de l'époque, il était autorisé à attribuer certaines prérogatives.
Eh bien, il est incontestablement dans le domaine de la loi de supprimer les prérogatives attachées à des fonctions quelconques, et nous avons le droit aujourd'hui de faire cesser les administrations dont nous nous occupons, si nous pensons qu'il est utile de les remplacer par d'autres, à raison de considérations graves qui réclament des mesures nouvelles.
Nos contradicteurs ont donc tort de crier à la spoliation. En cela, ils confondent la substance des fondations avec ce qui en forme l'accessoire. Ils confondent le droit privé qui en résulte pour les institués et les familles avec l'organisation de ces institutions publiques qui, de tout temps, ont dû subir les conséquences du progrès social.
Du reste, les principes qu'ils contestent aujourd'hui ont été proclamés par eux lorsqu'ils étaient favorables à leurs intérêts. On sait quelles contestations se sont élevées, sous le gouvernement du roi Guillaume, entre les fabriques des églises et le syndicat d'amortissement, qui revendiquait les biens provenant des bénéfices simples grevés de services religieux.
Les bénéfices simples avaient été supprimés par les lois françaises. Survinrent les décrets de l'an XI et autres qui ont ordonné en faveur des fabriques la restitution des biens des églises.
Qu'avons-nous dit pour faire triompher les prétentions des fabriques contre le domaine de l'Etat ? Nous avons précisément produit le système que nous défendons aujourd’hui devant la Chambre.
Nous avons dit que dans une fondation il fallait distinguer la substance de la fondation de tout ce qui n'en était que l'accessoire ; que les biens chargés de services religieux étaient destinés à assurer la splendeur du culte ; qu'à ce point de vue la fondation dont il s'agit était comprise dans les décrets de restitution ; que les lois françaises n'avaient supprimé que l'accessoire, c'est-à-dire tout ce qui concernait l'office du bénéficier, nuis que la suppression de cette organisation accessoire avait laissé intacte la substance de la fondation qui avait pour objet les besoins du culte établi dans l'église.
Eh bien, ces principes reçoivent une application directe à l'espèce qui nous occupe. Il n'y a rien de commun entre la fonction elle-même et la suppression des fonctions de ceux qui étaient appelés originalement à la collation des bourses, et le droit de la famille n'a aucune connexion avec la mission déférée aux administrateurs.
Cette mission ne donne pas le jour à un droit privé, parce qu'elle est attachée, non à la personne d'un individu, mais à des fonctions déterminées et par conséquent elle ne saurait constituer pour qui que ce soit un droit acquis.
La discussion à laquelle la Chambre se livre en ce moment a une importance qu'on ne saurait méconnaître.
Savez-vous, messieurs, que nous agitons dans le moment actuel le grand débat qui occupera nos successeurs lorsqu'il s'agira de rapporter la loi sur la bienfaisance qui rencontrera sans doute dans la Chambre actuelle une majorité pour l'appuyer ? Lorsque cette loi, à laquelle le ministère actuel regrettera un jour d'avoir attaché son nom, aura couvert le sol belge d'établissements de toute nature, lorsqu'elle aura retranché de la circulation des valeurs considérables, frappé le sol d'immobilité, enchaîné la liberté du capital et paralysé le mouvement de la propriété, lorsque des désordres de tout genre auront marqué ces administrations privées dont les titulaires braveront la justice des tribunaux et les poursuites des procureurs du roi, impuissants à discuter leur gestion, la Belgique libre, qui n'est pas destinée à voir surgir une génération de crétins, suivant une expression de M. le ministre de l'intérieur qui ne sera pas oubliée, la Belgique enverra dans cette enceinte une majorité qui aura pour mandat spécial de faire rapporter la loi rétrograde dont nous sommes menacés.
Eh bien, alors comme aujourd'hui on criera à la spoliation, et l’honorable M. Malou, prévoyant le sort inévitable du malheureux projet dans un avenir plus ou moins éloigné, nous annonce d'avance, dans son rapport, que la loi qui abrogera celle qu'il est chargé de défendre ne sera qu'une loi d'iniquité consacrant le vol. Mais précaution inutile, ou aura beau vouloir engager l'avenir, la loi de parti qui sera votée ne sera qu'un fait qui durera tant qu'il plaira à Dieu, et nos successeurs ne se croiront pas liés par des mesures désastreuses enchaînant et compromettant l'avenir de la société.
Nous avons démontré qu'il appartient à la loi de régler tout ce qui (page 818) concerne l'organisation des fondations en discussion, nous devons maintenant examiner s'il y a lieu de s'occuper de cet objet important.
La proposition de l'honorable M. Frère Orban appelle sur ce point l'attention de la législature et, je pense que la question soulevée est digne de l'examen approfondi d'une commission spéciale qui sera nommée par la Chambre.
En ce qui me concerne, je ne pourrais consentir à déférer la collation des bourses au gouvernement ; mais il est possible d'établir un ordre de choses plus conforme à nos institutions que celui qui est en vigueur, rien n'empêche d'établir une commission centrale chargée de surveiller les graves intérêts relatifs aux fondations.
Ne perdons pas de vue, que dans l'état actuel des choses, l'administration des collateurs spéciaux n'est soumise à aucun contrôle efficace ; eh bien, ne fût-ce que sous ce rapport, il y a quelque chose à faire pour assurer l'exécution des volontés des fondateurs et empêcher les abus qui peuvent se commettre dans la collation des bourses et l'administration des fondations.
Il y a plus ; l'ancien ordre des choses est complètement changé ; la plupart des bourses étaient annexées aux anciens collèges de l'université de Louvain, qui était un établissement de l'Etat et qui a cessé d'exister.
Il est donc indispensable de régler la matière par des dispositions nouvelles en rapport avec notre régime nouveau.
D'un autre côté, les prescriptions portées par le roi Guillaume ne sont plus en harmonie avec nos institutions auxquelles elles sont directement opposées et sont, à mon avis, abrogées par la Constitution.
Il est donc évident qu'il y a lieu de décréter d'autres dispositions, conformes au régime fondé par le Congrès national, et établissant, du reste, des garanties efficaces pour prévenir tout abus.
Ce n'est pas tout ; indépendamment des abus qui ont été signalés, il est certain que les administrateurs spéciaux n'exercent plus les fonctions auxquelles les fondateurs avaient cru devoir attribuer la collation des bourses et leur administration. Les fonctions ecclésiastiques auxquelles ces prérogatives étaient attachées sont devenues de simples fonctions privées, dénuées de toute autorité légale. Les corps anciens qui devaient surveiller la gestion des administrateurs privés n'existent plus, l'université même de Louvain, dont les fondateurs avaient en vue la prospérité, ne vit plus que dans l'histoire.
Le but que les fondateurs voulaient atteindre, la prospérité d'un établissement déterminé, jouissant dans l'Etat d'importants privilèges, est désormais impossible. N'est-il pas évident que ces changements radicaux apportés à l'ordre de choses que les donateurs ont eu en vue doivent avoir pour conséquence l'introduction de modifications profondes dans l'organisation primitive ?
Or, comme la proposition de l'honorable M. Frère tend à réaliser une réforme dont la nécessite est indispensable, je demande, avec mes honorables amis, qu'elle soit renvoyée à l'examen d'une commission spéciale qui sera chargée de faire un rapport à la Chambre sur les dispositions les plus propres à réviser une législation importante qui réclame des changements en rapport avec les nécessités sociales.
Qu'on en soit convaincu, les droits sacrés que nous devons respecter, ceux de la famille, ceux des institués seront inviolables, mais les abus existants doivent disparaître. Or, la suppression des abus a de tout temps soulevé les plus vives réclamations. Quand on n'a pas fait droit aux plaintes légitimes, elles ont souvent fait naître des tourmentes révolutionnaires, et c'est ce qu'on ne devrait pas oublier.
Les clameurs qu'excite aujourd'hui la réforme proposée sont les mêmes que nos pères ont entendues lors de l'abolition des substitutions et lorsque ont été posées les bases de la société nouvelle, à laquelle la Belgique doit sa splendeur et ses libertés.
Elles ne nous effrayent donc pas. Les hommes du progrès savent ce qu'il en coûte pour réaliser des améliorations sociales, mais la grandeur du but à atteindre est un encouragement suffisant pour continuer de persévérants efforts.
La réforme, objet de la proposition de M. Frère, n'est qu'une question de temps. Elle se fera, parce qu'elle a pour but de faire disparaître une injustice. Or l'injustice n'a qu’une durée éphémère et les jours de son règne sont comptés dans l'ordre de la Providence.
M. Malou (pour un fait personnel). - Je ne rentrerai pas dans la discussion ; mais je dois faire remarquer à la Chambre et à l'honorable M. Lelièvre, que s'il a bien voulu lire mon rapport sur le projet de loi qui sera discuté dans quelque temps, il l'a très mal lu et ne l'a pas du tout compris. Voici un paragraphe qui rétablit la véritable pensée de la majorité de la section centrale :
« La loi n'a pas un caractère purement administratif ; elle conférera des droits privés. Les fondations reconnues, bien qu'elles ne soient pas des personnes civiles par elles-mêmes, constitueront pour les fondateurs et leurs ayants cause un droit acquis, positif et placé sous la garantie de la foi publique. On ne doit pas craindre que plus tard une autre loi puisse enlever l'administration, la collation ou la distribution, pour les attribuer aux bureaux de bienfaisance, dans les cas non prévus dès à présent.
« Tout acte qui dénaturerait ainsi les fondations.....»
Je n'ai pas dit qui dénaturera, je n'ai pas voulu supposer qu'on pût faire une loi révolutionnaire en Belgique, bien au contraire. « Tout acte qui dénaturerait ainsi les fondations, serait une atteinte à la propriété, une véritable spoliation. Le législateur ne peut vouloir tendre des pièges aux fondateurs : lorsqu'il reconnaît des droits, il les garantit virtuellement. »
Voilà ce que j'ai dit dans le rapport et ce que j'ai dit encore en d'autres termes dans tout le cours de la discussion actuelle.
M. Lelièvre. - Le passage dont M. Malou vient de donner lecture est la justification complète de ce que j'ai avancé. En effet, l'honorable membre écrit formellement dans son rapport que quand la loi aura autorisé l'établissement d'administrateurs spéciaux, une loi postérieure ne pourra anéantir cet ordre de choses sans consacrer une spoliation. Eh bien, c'est précisément ce que j'ai dit dans la partie du discours qui a excité les réclamations de l'honorable M. Malou. Par conséquent mon assertion est complètement exacte, et l'hypothèse qui a servi de base à mon argumentation est conforme à la vérité des choses.
M. Frère-Orban. - Messieurs, il n'est pas inutile, je pense, de rappeler quelle a été l'origine de cette discussion.
Une loi de 1849, sanctionnée par une très grande majorité, avait formé une dotation de bourses au profit des universités de l'Etat. En même temps on avait inscrit au budget un fonds spécial destiné à être employé de la même manière pour des personnes qui feraient leurs études ailleurs que dans les établissements publics.
Ainsi, d'un côté, le régime spécial des établissements publics était déterminé, de l'autre les faveurs que l'on pouvait faire pour les études privées, les avantages que l'on pouvait vouloir conférer à certains établissements libres, étaient également admis.
Cette loi, on veut la réformer dans l'intérêt spécial d'institutions libres ; on vient proposer qu'une partie de la dotation des universités de l'Etat leur soit attribuée.
C'est alors, messieurs, et devant cette aveugle provocation que j'ai demandé que l'on examinât quelle était la situation des divers établissements, que l’on connût où se trouvaient ces dotations de bourses, ces fondations anciennes qui certes n'appartenaient point à des établissements privés.
C'est à ma demande que les états de distributions de bourses ont été imprimés par le gouvernement.
Et qu'avons-nous alors constaté ?
C'est que lorsque Liège avait 24 bourses, Gand 18 et Bruxelles, 17, Louvain en avait 205.
Il en fallait davantage à Louvain. Il fallait que Louvain vînt puiser dans le trésor public pour ajouter à cette riche dotation.
Je savais bien, messieurs, qu'en levant le voile qui recouvre des iniquités, qui recouvre des spoliations, qui recouvre des extorsions, qui est une violation directe de nos lois et une atteinte à la liberté d'enseignement, je savais bien que je subirais vos clameurs et vos colères ; je savais que j'avais mis le doigt sur la plaie, que j'avais montré et mis au grand jour cette plaie qui ne guérira pas. Mais j'ai été peu intimidé par vos passions, par vos injures, parce que je me suis placé sur un terrain élevé, large, inexpugnable. Je combats sous le drapeau de la justice et de la liberté.
Je n'ai sollicité de privilège pour personne. Je ne me constitue le défenseur d'aucun établissement particulier. Je parle pour tout le monde ; je revendique le droit de tous.
Vous avez confessé une usurpation ; vous avez avoué que l'université de Louvain n'a absolument aucun droit aux bourses. Elle n'y a pas plus de droits que toute autre. Mais elle les possède cependant de fait. En réalité, elle les détient. Il ne faut pas croire qu'à perpétuité les fondations détenues sans droit de votre propre aveu par l'université de Louvain lui seront maintenues. Bien certainement, dans un temps quelconque, une réforme aura lieu.
La réforme, quels résultats aura-t-elle ? En aura-t-elle d'autres que ceux que j'indique, que je désire, que je propose ? L'emploi équitable de ces ressources ; l'emploi utile de ces riches dotations ; l'emploi de ces dotations dans l'intérêt de tous les Belges !
Assurément, vous ne pouvez croire que l'abus persévérera. Or l'abus existant, étant manifeste, indéniable, pourquoi refuser d'examiner les moyens d'arriver à une solution satisfaisante de cette question ?
Toutes les grandes discussions qui ont été soulevées par mes adversaires sont en réalité parfaitement inutiles dans le débat. C'est pour couvrir leur faiblesse, qu'ils soulèvent de grands débats et emploient de gros mots.
Il s’agit, dit-on, de la propriété, du droit de propriété. On veut porter atteinte au droit de propriété ; on veut porter atteinte au droit des familles ! J'ai trop d'estime pour l'intelligence de mes adversaires pour me persuader un seul instant qu'ils croient un seul mot de ce qu'ils affirment à cet égard.
Le droit de propriété ! Mais c'est un droit personnel, individuel. La propriété est à l’homme ce que les muscles sont au corps. L'homme est incomplet, est presque incompréhensible sans la propriété. La propriété émane de lui. La propriété, c'est le prolongement de l'homme comme on l'a dit. Cette propriété passe à la famille qui continue l'individu. Et le même droit personnel revit pour s'appliquer à la propriété.
(page 819) Mais le droit de fonder, c'est un droit social. Le droit de fonder, c'est la négation, c'est l'anéantissement du droit de propriété. Qu'est-ce que fonder ? Mais c'est précisément empêcher qu'un bien continue à rester dans le domaine privé. Le droit de fonder nie, anéantit le droit de propriété. Celui qui fonde absorbe les droits de ses successeurs et frappe les biens d'une perpétuelle indisponibilité.
Il n'y a plus de propriétaire naturel, il y a un propriétaire de raison ; être fictif créé à l'image delà personne naturelle, qui possède le bien. Mais désormais le bien est soustrait à l'activité de l'homme ; c'est ce qu'on appelle : faire sortir les biens du commerce. On fait donc une confusion manifeste quand on considère la fondation comme étant une conséquence nécessaire de l'exercice du droit de propriété.
En effet, messieurs, remarquez que si chaque homme avait usé de son droit de propriété de cette façon, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de propriété, il y a fort longtemps que la terre serait mise en servitude.
Si chacun consacrait une partie de son bien à un objet quelconque et que les propriétés ainsi affectées dussent conserver le caractère qui leur aurait été imprimé par le fondateur, mais toute la terre serait couverte de fondations d'utilité publique. Et remarquez-le bien, plus d'une fois, dans le monde, pareille chose a été sur le point de s'accomplir. Dans le monde ancien il y a eu des quantités énormes de propriétés indisponibles. Dans le monde moderne, les propriétés territoriales ont été soustraites à la circulation, dans la plupart des pays, pour moitié et même jusqu'aux trois quarts, et cette situation paralysait entièrement la société.
Il ne faut donc pas confondre le droit qui s'applique aux fondations avec le droit de propriété privée, de propriété individuelle et personnelle. C'est, messieurs, ce qui a été démontré par bien d'autres que moi et depuis longtemps. Ce n'est pas, comme l'honorable M. Malou le disait avant-hier, ce n'est pas dans l'assemblée constituante que ces idées ont été émises d'abord. Les paroles auxquelles il a fait allusion ne sont pas non plus d'un membre de la constituante, elles sont de Turgot, qui, après une longue dissertation sur les fondations, après en avoir déterminé le caractère, s'exprime ainsi :
« Concluons qu'aucun ouvrage des hommes n'est fait pour l'immortalité, et puisque les fondations toujours multipliées par la vanité, absorberaient à la longue tous les fonds et toutes les propriétés particulières, il faut bien que l'on puisse à la fin les détruire. Si tous les hommes qui ont vécu avaient eu un tombeau, il aurait bien fallu, pour trouver des terres à cultiver, renverser ces monuments stériles et remuer les cendres des morts pour nourrir les vivants ! » Eh bien, messieurs, cela juge le droit de fondation. Ce n'est pas l'exercice du droit de propriété, c'est une exception au droit de propriété, qui l'anéantit précisément lorsqu'il a été une fois exercé. C'est par des considérations d'intérêt public que les lois permettent dans certains cas déterminés, et de nos jours avec beaucoup plus de restriction et de difficultés que dans les temps anciens, de faire sortir une certaine quantité de biens de la circulation ; c'est par des considérations d'utilité publique, c'est dans l'intérêt général, que des propriétés reçoivent une affectation spéciale. Or, cela seul détermine également le caractère que conservent ces propriétés dans la société : ce sont des propriétés, des établissements d'utilité publique. Il est inconcevable qu'on puisse leur attribuer un autre caractère.
Mais ce caractère d'établissements d'utilité publique commande précisément que l'on respecte et montre qu'il est d'un intérêt social véritable de respecter autant qu'il est possible de le faire, la volonté des bienfaiteurs ou des fondateurs. La raison en est simple : puisque des considérations d'utilité publique déterminent à créer des institutions de ce genre, puisqu'on provoque par cela même les particuliers à donner leurs biens dans cette vue, le bon sens indique qu'il faut respecter les volontés des fondateurs, en tant qu'elles sont licites, en tant qu'elles ne contrarient pas le but social que l'on a eu en vue en autorisant les fondations. Mais il faut aussi admettre par cela même que si la fondation a été reconnue, utile à certaine époque, la société peut les déclarer inutiles à une autre époque. Et la société a exercé ce pouvoir dans tous les temps, sous l'ancien régime comme sous le régime nouveau.
On a fait des fondations pour les léproseries, pour les maladreries, à une époque où la lèpre existait, mais fallait-il conserver à perpétuité ces institutions lorsqu'il n'y avait plus de lèpre ? Force était bien de les faire disparaître et d'appliquer leurs biens à d'autres usages analogues, ou, si la chose était possible encore, rendre ces biens aux familles.
A en croire l'honorable M. Malou et ses honorables amis, notamment l'honorable M. Landeloos, qui déclare qu'un fondateur est un législateur, à en croire ces honorables membres, une fois la fondation faite, il devient impossible d'y toucher jamais.
Ne voyez-vous pas que vous acculez la société au bord d'un abîme et que vous ne lui laissez pas d'alternative entre la réforme et la révolution ! La société ne pourrait plus échapper à des fondations bonnes dans leur temps, utiles à l'époque où elles ont été faites, mais devenues sans objet, nuisibles même, sans tomber dans la déplorable extrémité d'une révolution ! Mais, messieurs, persuadez-vous bien que les honorables membres qui soutiennent devant vous cette thèse, n'y ont pas un seul instant réfléchi ; ils parlent de spoliation à propos de changements d'administration, de modifications en matière administrative ; ils oublient qu'ils sont des spoliateurs, qu'ils ont bien des fois décrété le principe de ce qu'ils appellent la spoliation, qu'ils l'ont appliqué et qu'ils continueront à l'appliquer.
Ainsi, nous avons organisé, il y a quelques années, les monts-de-piété. Il est permis défaire des fondations en faveur des monts-de-piété, de leur faire des dons et legs, la loi le dit ; mais parce que l'on aura fait des dons et legs, serons-nous enchaînés à perpétuité à conserver les monts-de-piété ? Quand il serait démontré de la manière la plus claire, la plus évidente qu'il y a là une institution vicieuse, de nature à corrompre la société, la fondation serait là, il faudrait la maintenir ; personne n'y pourrait rien ; le législateur supérieur à tout législateur, le législateur dont l'honorable M. Landeloos a parlé, immobile comme la tombe, muet comme la mort, aurait fait une loi irrévocable, jusqu'à la fin du monde !
On a fait des fondations pour les tours, pour les enfants trouvés ; il y a des fondations de ce genre ; il y en a dans presque tous les pays. On reconnaît aujourd'hui que c'est une provocation à la débauche, à l'abandon des enfants ; que ces institutions sont de nature à corrompre profondément la société ; et sous peine de violer la propriété il faudrait les maintenir ! Evidemment, cela n'est pas sérieusement discutable.
Les fondations de bourses ont-elles un caractère exceptionnel, particulier, au milieu de ces fondations ? Elles ont été, comme toutes les fondations, des établissements d'utilité publique et soumises, suivant l'expression qu'emploie, si je ne me trompe, M. le ministre de la justice dans son projet de loi sur la bienfaisance, soumises au domaine éminent de l'Etat. Quelle analogie y a-t-il là avec une propriété privée ? Est-ce que les propriétés privées sont soumises an domaine éminent de l'Etat ? Est-ce que l'Etat a à prendre des mesures réglementaires sur l'administration des propriétés privées ? Les fait-il inspecter, contrôler ? Est-ce que l'honorable M. Malou rend des comptes de ses affaires à la députation permanente ?
Mais les fondations de bourses y sont tenues ; et pourquoi et comment y sont-elles tenues ? Les lois le disent. Voici ce que portent les articles 17 et 29 de l'arrêté du 23 décembre 1823 :
« Les receveurs des fondations sont soumis aux dispositions des lois, et arrêtés qui concernent les comptables de deniers d'établissements publics ( Art. 17 ).
« Les cas qui pourraient se présenter et qui ne sont pas prévus par le présent règlement, seront décidés d'après les règles générales et les dispositions qui régissent les autres établissements publics ( Art. 29). »
C'est ainsi que s'exprime la loi, c'est ainsi qu'elle qualifie les établissements dont nous nous occupons.
Un honorable et éminent magistrat, un jurisconsulte très distingué dont nous avons pu apprécier le talent comme ministre, a traité cette question, il y a dix ans, dans un intérêt purement scientifique
Vous trouverez, dans le bulletin de l'Académie des sciences, au tome XV, page 303, la discussion à laquelle s'est livré ce savant jurisconsulte ; je me bornerai à en citer quelques mots : « De tout temps, dit-il, les fondations des bourses ont eu un caractère public ; de tout temps elles ont été placées sous la tutelle de l'administration. »
Il donne ensuite des textes nombreux de lois, les décisions qui ont été appliquées, les actes administratifs dont elles ont été l'objet, et il conclut en ces termes :
« Telle est la succession, tel est l'ensemble des dispositions prises à l’égard des bourses ; les arrêtés de 1818 et de 1823 sont encore observés de nos jours ; M. Tielemans en a fortement attaqué la légalité de huit chefs différents ; mais une jurisprudence récente en a proclamé la constitutionalité ; et dès lors nous pouvons reconnaître que, de tout temps, les fondations de bourses ont été considérées comme matière d'administration, comme institution d'utilité publique. Ce que prouvent les lois de tous les régimes, est confirmé par la nature même des fondations. Car elles forment des personnes civiles, elles sont gens de mainmorte et, à ce titre, assimilées à des établissements publics qui repoussant l'idée d'une propriété privée… »
Ce n'est point pour l'utilité de la discussion actuelle que cet écrit a été fait ; il y a dix ans qu'il est publié, et à part cette opinion de doctrine, les textes sont au moins formels.
Ecoutez un révolutionnaire, un homme qui portait atteinte à la propriété :
Un édit de Charles de Lorraine, du 4 juillet 1761, ordonne aux collateurs, receveurs et autres administrateurs de bourses fondées directement ou indirectement en faveur des étudiants de l'université de Louvain et dont l'administration appartient à des personnes qui ne soûl pas soumises à la juridiction de l'université... d'en remettre un état au recteur.
« Entend Son Altesse Royale que dès que ces états auront été remis au recteur, il en fasse faire un examen approfondi par des commissaires qu'il nommera pour cet effet, et qu'ensuite il propose au gouvernement les arrangements et précautions qu'il estimera les plus convenables pour assurer la bonne régie et la conservation de ces bourses. »
Voilà donc de singulières propriétés privées, des propriétés privées qui sont soumises à l'inspection du gouvernement, pour lesquelles l'administration décrète des mesures, afin d'assurer la bonne régie des bourses de fondation ! Or, s'il est souverainement absurde de parler, en pareil cas, (page 820) de propriétés privées, il est souverainement ridicule de parler de spoliation quand il s'agit d'administration.
Si nous avons le droit, comme on l'a eu de tout temps, de faire des règlements pour l'administration des fondations, si nous avons le droit d'assurer le bon emploi de ces fonds, il est, je le répète, parfaitement ridicule d'oser parler de spoliation, lorsqu'il s'agit uniquement de rechercher les mesures propres à assurer l'exécution de la volonté des fondateurs.
Lorsqu'il fut question de ces mesures fort simples, à ce qu'il paraît, et qu'on déclarera admissibles, car l'honorable M. Malou ne manquera pas de dire qu'il admet parfaitement ce que je viens d'indiquer...
M. Malou. - Je ne l'admets pas.
M. Frère-Orban. - Vous n'admettez pas même le prince Charles de Lorraine ? C'est aussi un révolutionnaire et un spoliateur !
Eh bien, lorsqu'il s'est agi de ces mesures, un homme dangereux, le président Nény, s'occupa beaucoup de cet objet ; c'est lui qui indiqua les mesures qu'il fallait prendre, et surtout pour que les bourses volantes ne devinssent pas des bourses volées.
« Je prévois, » disait-il. Ecoutez bien comme ceux qui veulent transformer les bourses volantes en bourses volées, ont toujours tenu le même langage :
« Je prévois, disait-il, que notre projet excitera encore des murmures ; quelques intéressés invoqueront la volonté des fondateurs ; mais outre qu'il y a des occasions où il faut savoir se mettre au-dessus des clameurs, on agit dans l'esprit même des fondateurs lorsqu'on ne s'éloigne des termes de la fondation que dans la vue d'en assurer et d'en perpétuer les effets. »
Le caractère des fondations de bourses ainsi bien déterminé, voyons quel est l'objet de la mesure que je propose ? Et d'abord veuillez remarquer, je vous prie, que ma proposition n'est pas un but. Ma proposition est un moyen. Vous la combattez comme si c'était un but à atteindre, comme si j'avais un intérêt quelconque à réaliser, en procurant la collation des bourses au gouvernement. Mais cela m'est parfaitement indifférent ; ce sera cette mesure ou une autre. Je n'y attache pas la moindre importance ; celle qui sera reconnue la plus juste, la plus utile, celle qui permettra le mieux d'atteindre le but d'utilité publique, la conservation, le bon emploi des biens de fondation, celle-là je la préférerai. Il m'importe très peu que la collation appartienne au gouvernement, à un commissaire d'arrondissement ou à un procureur du roi, comme on admet aujourd'hui que cela est possible.
Cette observation prouve qu'il ne faut pas combattre ma proposition parce qu'elle serait sujette à critique fondée comme moyen d'atteindre le but indiqué ; ce qu'il faudrait vous attacher à démontrer c'est que l'iniquité en fait dont vous profitez doit être absolument maintenue.
Je ne me préoccupe, moi, que de la faire disparaître, de ramener à l'égalité ; c'est pour cela que je ne fais aucune espèce de difficulté de me rallier à la proposition d'examen.
Cherchons ensemble ; vous réclamez ce qui est juste, dites-vous, ce que commande l'intérêt de la société, la liberté d'enseignement ; je suis d'accord avec vous ; pourquoi me repoussiez-vous donc, pourquoi m'injuriez-vous ? Je veux ce que vous déclarez vouloir ; si vous êtes sincères, si ce n'est pas pure hypocrisie pour conserver ce que vous possédez en invoquant le nom de la liberté, aidez-moi, marchons d'accord, venez délibérer avec nous pour rechercher les moyens d'assurer la stabilité des fondations de bourses et la répartition de ces bourses conformément à la volonté des fondateurs, autant qu'elle puisse s'exécuter au milieu des changements sociaux qui se sont produits.
Ma proposition, toutefois, s'applique à la collation. On avait d'abord, à l'origine, au premier moment, crié à la spoliation, parce que l'on prétendait que la proposition impliquait la suppression des droits des parents des fondateurs ou de ceux des institués qui appartiendraient à telle ou telle localité. C'est à ce caractère que M. Malou avait reconnu la spoliation. Il est obligé de confesser que ma proposition ne modifie en rien la volonté des fondateurs ; il n'en cric pas moins à la spoliation.
C'est la collation ; or, M. Malou et tous ses honorables amis le savent, la collation de famille est en dehors de la question, elle est sans intérêt en réalité ; le nombre des collations de famille qui existent encore est extrêmement limité. Il y aurait donc, à part les scrupules que je comprends à cet égard, il y aurait puérilité à s'en occuper ; il s'agit des autres collations ; mais ces collations par qui sont-elles faites ?
Par le ministre de la justice ; et le ministre de la justice qui, selon vous, a le droit de choisir les collateurs, ne pourrait pas choisir le ministre de l'intérieur ! Mais le ministre de l'intérieur est choisi dans une foule de cas ; il existe dans le tableau la preuve que, pour une série de fondations, les ministres de l'intérieur et de la justice sont collateurs.
Je voudrais qu'on me montrât un acte de fondation de 1500 ou 1600 qui se soit occupé de nommer le ministre de la justice ou le ministre de l'intérieur collateur ! Beaucoup d'actes de fondations appelaient des individus à raison de leurs fonctions ; ces fonctions sont supprimées ; on les remplace par analogie. On trouve qu'en certains cas le procureur du roi est l'analogue de tel autre fonctionnaire sous l'ancien régime.
Il n'y a pas jusqu'au commissaire d'arrondissement en qui on n’ait vu l'analogue d'un fonctionnaire de l'ancien régime, et qui ne soit choisi par le gouvernement, comme répondant au vœu des fondateurs. Ils deviennent collateurs de bourses. Et le ministre, qui peut faire cela, vient déclarer avec une bonhomie admirable, qu'une fois investi du droit de collation, le procureur du roi, le commissaire d'arrondissement ne peuvent en être dépouillé, car le ministre a conféré un droit civil à son procureur du roi, à son commissaire d'arrondissement, droit qu'il pourra exercer contre lui, qui permettra au collateur de l'attraire devant les tribunaux pour se faire maintenir collateur malgré lui ! En vérité, messieurs, cela fait pitié !
Mais quand il s'agit même des collations de famille, droit respectable, qu'il faut respecter en tant qu'il ne présente pas de graves inconvénients, mais quand il s'agit de collations de famille, est-ce que l'administration est désarmée ?
M. le ministre de la justice a destitué des parents administrateurs de fondations ; il les a destitués, et ces parents se sont pourvus en justice pour réclamer ce prétendu droit privé dont on a parlé ; ils ont été condamnés ; le droit du gouvernement a été reconnu et maintenu ; c'est le droit dont je viens me prévaloir. On a appliqué à ces parents la disposition de l'article 15 de l'arrêté de 1823 qui, en cas de malversation, de mauvaise gestion, donne au gouvernement le droit de révoquer toute espèce d'administrateur et de collateur ; la disposition est formelle.
Eh bien, si nous établissons qu'il y a, dans le chef de ceux qui administrent ainsi malversation, mauvaise gestion, collusion, fraude, nous ne pourrions pas user de nos droits ! Nous ne pourrions pas user de vos droits envers ceux qui abuseraient des titres d'autorité qui leur sont confiés !
Et je vous ai cité des preuves d'abus incontestables. Je vous ai indiqué la fondation de Rochefort, qui a si fort ému l'honorable M. Wasseige. (Interruption).
Il a eu grande peur des baïonnettes. Dans l'affaire de Rochefort, nous trouvons pour administrateurs de cette fondation le doyen, le vicaire, deux curés-succursalistes des communes voisines. Alors que le fondateur avait nommé pour administrateurs des chefs d'institution, des hommes indépendants, sur le caractère desquels il croyait pouvoir compter. On les remplace par des subordonnés, par des hommes qui obéissent à un chef, à leur doyen.
Nous avons vu cette fondation administrée par eux depuis 1838, pendant 12 ans. Pendant 12 ans, par un centime de revenu n'a été employé en bourses malgré les réclamations, les protestations, les plaintes des intéressés, malgré les réclamations du commissaire d'arrondissement, proviseur de la fondation.
Je ne m'étendrai pas beaucoup en ce moment sur cette affaire de Rochefort, parce que j'aurai l'occasion plus tard de faire une réponse à l'honorable M. Wasseige, qui a parlé d'après des renseignements erronés, inexacts. Il ne perdra rien pour attendre.
Le fait dont je me prévaux ici pour montrer l'abus, c'est une fondation de bourse à revenu considérable, trois ou quatre mille francs annuellement. En 1838, tous les revenus avaient été détournés de leur destination et employés, suivant ce qu'on a pu savoir, dans un couvent de la commune.
M. Moncheur. - C'était l'intention du fondateur.
M. Frère-Orban. - Je le conteste formellement. Je connais cette affaire. J'ai toutes les pièces depuis la première jusqu'à la dernière. Elle sera produite devant la Chambre.
La fondation avait un double objet ; l'instruction primaire et la collation de bourses. Le fondateur déclare dans son testament que si on le juge nécessaire on pourra appliquer une partie du fonds des bourses à l'instruction primaire. Je sais cela. Mais ce que je sais, c'est que pendant 12 ans les revenus de la fondation ont été employés à peu près exclusivement dans le couvent de la localité et qu'en 1850 on a constaté un déficit de 700 francs.
M. Moncheur. - C'est une erreur !
M. Frère-Orban. - Le commissaire d'arrondissement a invité les administrateurs de la bourse à se conformer à la volonté du fondateur.
Entendez-vous, M. Moncheur ?
M. Moncheur. - Oui.
M. Frère-Orban. - Le commissaire d'arrondissement de Dinant écrivait le 20 février 1845 aux administrateurs de la fondation Jacquet. Il leur reproche leur mauvaise administration.
« Cette conduite, dit-il, ne dénote de votre part, ni déférence envers l'autorité supérieure, ni exactitude dans l'exécution des volontés du testateur, ni zèle pour l'instruction des jeunes gens de la commune de Rochefort, dont plusieurs pourraient avoir été mis, depuis plus de deux ans, aux termes des actes constitutifs de la fondation, en possession des bourses d'études qui leur sont destinées. »
C'est ainsi que s'exprimait le commissaire d'arrondissement signalant l'abus. Et lorsque cet abus serait constaté, il deviendrait impossible d'y toucher ! La société serait paralysée dans ses droits ! La volonté des fondateurs serait méconnue ! Les biens des fondations passeraient aux mains des couvents, et il n'y aurait rien à dire ! Il n'y aurait pas à protester ! Il n'y aurait pas à réformer !
Et maintenant, quant aux bourses de fondation, si l'on employait des moyens illicites pour les appliquer à un établissement déterminé, la question prendrait ici un caractère de gravité extrême. Savez-vous que la liberté de l'enseignement est impliquée dans cette question ? Savez vous qu'à l'aide des fondations, à l'aide des bourses d'études, la liberté d'enseignement peut être confisquée ?
(page 821) Et qui le disait ainsi, messieurs ? qui exprimait cette opinion ? La commission des fondations dont on parle depuis quelques jours ici. Voici ce que je lis dans son travail :
«... La Constitution consacre uniquement la liberté d'enseignement, mais rien de plus.
Or, il est évident qu'avec des fondations de bourses qui profiteraient toujours à un même établissement, on arriverait droit à l'anéantissement de toute liberté: car l'institution qui serait assez riche pour donner un enseignement complet et brillant el pour subsidier toutes les personnes qui viendraient y chercher la science, finirait par attirer, par absorber toute la classe étudiante. Ce serait la mort des établissements des pays. »
Et les hommes qui parlaient ainsi, c'est M. le procureur général Leclercq, c'est M. Paquet, c'est M. Van Hoogtem, c'est M. Tielemans, c'est M. Orts, c'est M. de Luesemans.
Et vous n'êtes pas frappés de ces considérations, vous, les défenseurs de la liberté d'enseignement ? Je sais bien qu'aujourd'hui, par le système qui se pratique, vous espérez la confisquer à votre profit peut-être dans un temps donné. Mais il y a des retours de fortune. Prenez-y garde. Si le système que vous défendez est vrai, si l'on peut par des moyens indirects, par des extorsions, s'approprier les bourses de fondations, ce que vous faites aujourd'hui, un autre le fera peut-être demain, et demain il vous frappera à mort par le même système que vous aurez mis en œuvre.
N'emploie-t-on que des moyens licites, comme on le dit ? Est-ce en vertu de la liberté que les étudiants se rendent à Louvain ? Mais on me signale ce fait de la désertion d'une douzaine d'élèves de l'université de Gand, investis sur-le-champ de bourses à Louvain.
Ainsi, d'une part l'évêque de la localité mettra l'établissement en interdit ; d'autre part on aura des bourses pour salarier les élèves que l'on voudra attirer dans un établissement rival. Et non content de cela, non content de cette influence épiscopale dirigée contre les établissements de l'Etat, non content de ces bourses dont on investit les élèves qu'on est parvenu à enrôler, M. le ministre de l'intérieur vient encore demander que 15 bourses soient détournées des universités de l'Etat pour enlever à ces universités 15 élèves et les transférer à Louvain ?
Et voilà votre justice !
On n'emploie pas de moyens illicites ! Jamais on ne contraint personne ! C'est l'honneur, c'est la loyauté qui préside à tous les actes des administrations spéciales ! L'honorable M. Malou s'en est porté garant. Mais si je vous apportais des preuves écrites de l'indigne conduite de ces administrateurs, si je prouvais qu'il est décidé qu'on ne donne de bourses qu'à ceux qui iront étudier à Louvain, qu'on les refuse même à des parents des fondateurs s'ils ne veulent étudier à Louvain, direz-vous encore que c'est là l'administration loyale, que c'est là l'administration impartiale de la bourse, que c'est l'administration qu'il faut respecter ? Eh bien ! écoutez :
« Louvain, le 19 janvier 1842.
« Monsieur,
« M'étant occupé de l'examen des demandes faites par les postulants de bourses... pour 1841 et 1842, je vois que la généalogie que vous m'avez transmise à l'appui de votre demande d'une bourse en philosophie pour votre fils..., élève en philosophie à l'université libre de Bruxelles, n'est pas accompagnée de son acte de naissance et du vôtre pour rattacher votre parenté a celle de M. P... qui est parent au 11ème degré civil... et non au 10ème.
« Vous dites aussi dans votre lettre, que vous conférez une bourse à M. Alfred.... J'ignore où ce droit vous est donné par le fondateur ; vous me feriez plaisir de m'en indiquer la source ; car c'est la première fois que je l'entends réclamer.
« D'ailleurs, est même très incertain si M. votre fils obtiendra lui-même une bourse ; car, si messieurs les collateurs sont fidèles à leurs antécédents et il est de leur devoir de s'y conformer, parce qu'ils suivent en cela l'intention du fondateur, ils donneront la préférence aux postulants élèves de l'université de Louvain où les bourses ont été fondées, de sorte que si M. votre fils ne se conforme pas à cette condition principale, c'est-à-dire de venir à étudier Louvain, il a fort peu d'espoir d'obtenir une bourse.
« Agréez, monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
« Ectors.»
- Un membre. - Qui a signé cela ?
M. Frère-Orban. - Cette lettre est signée de M. Eclors.
M. Dumortier. - Et c'est pour cela que vous ne voulez pas que Louvain partage avec les autres établissements les bourses du gouvernement ?
M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Theux, l'homme juste, se lève- t-il pour protester contre cette indigne extorsion, contre cette violation de la liberté d'enseignement ! Et l’honorable M. Malou, défenseur sacré de la famille et de la propriété, va-t-il se lever et dénoncer avec mot ces abus ? Va-t-il maintenant, mieux éclairé, s'associer à ma proposition et en demander l'examen ?
Que si vous ne le voulez pas, je redoute très peu votre vote. Nous serons soumis à un même jugement : c'est celui de l'opinion publique. Nous verrons, en présence de cette preuve manifeste que j'apporte de spoliation, d'extorsion, de violation de la liberté d'enseignement, nous verrons si vous serez absous d'avoir refusé l'examen de ma proportion.
M. le président. - La parole est à M. Verhaegen.
M. Verhaegen. - Je cède mon tour de parole à l'honorable M. Thiéfry, qui a contrôlé mes chiffres au gouvernement provincial.
M. Thiéfry. - Je n'ai demandé la parole que pour répondre à l'honorable M. Malou, alors qu'il contestait l'exactitude des chiffres que mon ami M. Verhaegen avait cités dans une séance antérieure. Je tenais à les justifier, parce qu'ils sont entièrement conformes au résultat d'un travail que j'ai fait moi-même.
Après l'éloquent discours que nous venons d'entendre, je devrais renoncer à parler ; si cependant je m'y décide, c'est que j'ai à communiquer à la Chambre quelques renseignements qui me paraissent assez importants dans la discussion actuelle.
Lorsque j'ai entendu l'honorable M. Malou appeler l'amendement de M. Frère un acte de spoliation, j'ai été profondément ému de ce que la proposition de mon honorable était complètement dénaturée ; sa protestation, à laquelle je m'attendais d'ailleurs, m'a causé une vive satisfaction. L'extrême agitation de l'honorable M. Malou et ses hauts cris à la spoliation m'ont fait penser que l'université de Louvain pouvait jouir de fondations appartenant à l'Etat, et que l'honorable M. Malou criait à l'arbitraire, à la tyrannie à froid, à la spoliation, afin d'empêcher l'examen de la question.
J'ai cherché à m'éclairer, je me suis rendu dans les bureaux du gouvernement provincial, où, en ma qualité de représentant, j'ai demandé communication des comptes rendus par les receveurs des fondations de bourses annexées aux anciens collèges de l'université de Louvain. J'avais déjà l'état des fondations de bourses publié par M. le ministre de la justice en 1846. Les personnes qui ont la collation des bourses, y sont indiquées ; et c'est d'après ce document, que j'ai pu faire le relevé des fondations avec des collateurs appartenant aux familles des fondateurs ; elles sont bien au nombre de 21, et les autres s'élèvent à 294 ; ces 21 fondations jouissent d'un revenu de 5,897 francs. Si cela m'était contestés je les indiquerais.
Le nombre des bourses données aux divers établissements a été établi par moi, d'après les renseignements authentiques fournit par le receveur même des fondations et qui se trouvent à l'appui des comptes.
Une circulaire de M. de Viron, gouverneur du Brabant, en date du 25 janvier 1841, a été adressée aux proviseurs, administrateurs et receveurs de fondations de bourses ; j'en citerai le passage suivant :
« Messieurs, nous croyons devoir vous rappeler de nouveau, en vous priant de vous y conformer, l'article 6 de l'arrêté royal du 2 décembre 1823 (Journal officiel n" 49) portant ce qui suit:
« Les administrateurs rendront, chaque année, compte de leur gestion aux proviseurs.
« Le compte dressé en double sera présenté par les receveurs aux administrateurs et transmis par ceux-ci avec les pièces justificatives aux proviseurs, qui, après l'avoir approuvé, transmettront un de ses doubles à la députation des Etats. Cette transmission aura lieu dans le courant du premier trimestre après l'expiration de l'année pour laquelle le compte est rendu...
« Veuillez, messieurs, chacun en ce qui vous concerne, faire en sorte que nous recevions, le plus tôt possible, les comptes de 1840.
« Chaque compte devra être accompagné d'un étal de renseignement conforme au modèle ci-après. »
Ces états sont toujours fournis et annexés aux comptes des receveurs, la huitième colonne indique le montant de chaque bourse et la douzième, l’établissement dans lequel les boursiers étudient. Pour connaître le nombre de bourses données à des élèves appartenant à tel ou tel établissement, je n'ai eu qu'à compter le nombre de bourses indiqué par le receveur lui-même ; mon travail a été fait consciencieusement et avec beaucoup de soin.
L'université de Louvain a bien eu, en 1855, 248 bourses, les divers séminaires 177 et l'université de Bruxelles 12, comme l'a dit M. Verhaegen.
J’ai d'ailleurs ici le relevé que j'ai fait et je suis prêt à indiquer le nombre de bourses données sur les fonds de chaque fondation. Celles accordées pour étudier le droit à Bruxelles s'élèvent à 1,695 fr. 72 c ; elles sont réparties entre quatre boursiers.
Ainsi quand l’honorable M. Malou disait : « Il doit y avoir, dans le chiffre que l'honorable M. Verhaegen met sur le compte de l'université de Louvain, une assez forte partie qui tourne au profit de l'université de Bruxelles », et qu'il ajoutait : « Il est évident que l'honorable M. Verhaegen met au passif de l'université de Louvain une grande partie qu'il faut mettre à l'actif de l'université de Bruxelles », l'honorable membre était dans la plus grande erreur. En réfléchissant qu'on pouvait vérifier les chiffres de M. Verhaegen d'après des pièces authentiques, vues et approuvées par les proviseurs, puisque l'un des doubles de chaque compte est à Louvain, on est porté à croire que l'on a sciemment trompé l’honorable M. Malou.
Avant de parler de la fondation du Saint-Esprit, je dirai d'abord comment j’ai pu constater le nombre de bourses créées ou rétablies dans chaque fondation.
M. Jamart, chef de bureau au gouvernement provincial du Brabant, a publié, en 1841, un volume dont je vais lire l'avant-propos.
« Cet ouvrage, publie de l'aveu de M. le gouverneur, est le fruit de nombreuses recherches faites dans les archives de la province de Brabant. il contient une notice exacte (page 822) de trois cent quatre-vingt-treize fondations de bourses autorisées ou rétablies depuis le 26 décembre 1818 jusqu'au 1er janvier 1841. Indépendamment de l'utilité qu'il peut offrir à l'autorité administrative, MM. les étudiants y trouveront, avec le détail des bourses qu'ils sont en droit de réclamer, l'indication des personnes auxquelles ils doivent adresser leur demande. Il est divisé en deux parties : la première traite des fondations particulières et la seconde comprend les fondations annexées aux collèges de l'ancienne université de Louvain. »
A la page 150 se trouvent le fondations rétablies par arrêté ministériel du 14 janvier 1822, sous le nom du collège de Saint-Esprit ; elles sont au nombre de 66, le revenu de quelques-unes n'est pas indiqué, elles comprennent 93 bourses ; il est dit à la page 164 que, de 1833 à 1838, 74 bourses de 16 à 175 francs furent conférées sur les revenus des fondations qui précèdent : cependant dans le compte de 1854 que j'ai eu sous les yeux, il n'y en a eu que 47, et en 1855, 50.
L'honorable M. Malou a prétendu que cette fondation ne jouissait que d'un revenu de 7,540 fr. 22 et que, dès lors, il était impossible n'y faire une économie de 10,000 fr. en un an. Le raisonnement de l'honorable membre serait juste, si ses chiffres étaient exacts. Je n'ai pas vu l'état des biens du collège du Saint-Esprit ; mais voici les renseignements fournis par le receveur de la fondation, signés par lui le 18 octobre 1856, vus et approuvés par le proviseur, et déposés dans les bureaux du gouvernement provincial du Brabant.
« Montant des revenus en biens-fonds,
« Montant des revenus en rentes ou obligations, 19,481 »
Ce chiffre est bien supérieur à celui de 7,540 fr. indiqué par l'honorable M. Malou. J'ai réfléchi à la différence qui existe entre lui et le receveur de la fondation ; je me suis demandé si elle ne provenait pas de ce que les 7,540 francs constitueraient les revenus légués à la fondation, et le surplus les rentes acquises avec les excédants des recettes sur les dépenses. Je n'ai à ce sujet aucun renseignement. Je continue :
« Montant total des bourses conférées, 9,455.
« Recettes ordinaires, comprenant les revenus, 22,016 27
« Recettes extraordinaires, comprenant les capitaux remboursés ou retirés de la caisse d'épargne, etc., 25,419 06
« Dépenses ordinaires, comprenant le payement des bourses et le droit de recette, 10,758 15
« Dépenses extraordinaires, comprenant les placements de fonds, les frais de procès, etc., 21,902 42
« Il restait en caisse au Ier janvier 1846, 14,774 78. »
Ces chiffres, comme on le voit, ne correspondent pas du tout à ceux indiqués par l'honorable M. Malou dans la séance d'avant-hier, et ils justifient pleinement M. Verhaegen qui a dit à la Chambre que l'excédent du revenu sur les dépenses de cette fondation était d'environ 10,000 fr.
Je déclare avoir copié ces chiffres sur la pièce authentique signée par le receveur. Et l'honorable ministre de la justice ne me démentira pas, car il reçoit annuellement le résumé des comptes de chaque fondation.
Que fait-on des excédants de recettes ? s'est écrié M. Verhaegen.
Demandez-le à la députation permanente, a répondu M. Malou.
Eh bien, je dirai à l'honorable membre que cet objet a attiré mon attention ; j'ai remarqué, d'après les comptes, qu'on les plaçait à la caisse d'épargne ; j'ajouterai même, à cette occasion, qu'on les y dépose fréquemment fort tardivement, et que si on avait un receveur qui voulût les faire fructifier à son profit personnel, il en aurait toutes les facilités. En sortant de la caisse d'épargne, ces excédants sont convertis en rente, sur l'Etat. Les administrateurs de ces fondations se créent des capitaux, ils augmentent leurs ressources soit en accordant des bourses à un taux inférieur à ce qu'elles sont, ou en ne les conférant pas du tout.
Les calculs de M. Verhaegen sont basés sur une seule année, a dit l'honorable M. Malou.
Je vais fournir la preuve qu'il en a été de même dans les années précédentes. M. Verhaegen, dans la séance de vendredi dernier, a cité un extrait de l'exposé de la situation administrative de la province de Brabanl, je vais le répéter:
Les revenus proprement dits des biens-fonds, des rentes et des obligations, se sont élevés pour 1854, savoir:
Fondations volantes, fr. 70,618 11
Fondations annexées aux 39 collèges de l'ancienne université de Louvain, fr. 133,813 43
Total, fr. 204,431 54.
Il n'a été conféré, en 1854, que 700 bourses, représentant une somme totale de 129,512 fr. 65 c.
En admettant, ce qui n'est pas, que toute cette somme ait été prise sur les fondations des 39 collèges dont l'université de Louvain jouit de fait, à l'exclusion de tous autres établissements, il en résulterait que ces fondations ont soldé leur compte de 1854 par un excédant de 4,300 fr.
4,300 francs, c'est une bagatelle ; cela ne vaut réellement pas la peine d'en parler. Voyons ce qui s'est passé dans les années antérieures, je prends toujours l'exposé de la province ; de cette manière, l'honorable M. Malou ne prétendra pas que je puise mes renseignements dans des comptes fantastiques. Je lis à la page 102, session de 1855 :
« Les comptes de 1853 soumis à notre approbation l'année dernière, ont présenté le résultat suivant :
« Les revenus ordinaires des fondations volantes s'élevaient en 1853 à fr. 64,710 61
« Et ceux des fondations des anciens collèges à fr. 140,742 9
« Ensemble, fr. 205,453 59
« Le nombre des bourses conférées a été de 740, représentant une somme totale de fr. 111,109 10.
En supposant que les 740 bourses conférées l'aient été uniquement sur les fonds appartenant entièrement aux fondations des anciens collèges, ce qui n'est pas possible, puisque dans l'exposé de 1854, il est dit que sur 739 bourses conférées, 424 l'ont été sur les fonds des fondations appartenant aux anciens collèges, et 315 aux fondations particulières, il est donc presque certain que les 740 bourses dont je m'occupe ont aussi été réparties de cette manière ; mais en supposant, dis-je, qu'elles aient été toutes payées sur les fonds des fondations appartenant aux anciens collèges, on aurait encore économisé 29,633 fr. 88 c, moins les frais d'administration.
Cela commence à devenir un peu plus important. Dans l'exposé de la situation administrative de 1854, les recettes ordinaires des fondations particulières sont de 165,752 fr. 78 c. et les dépenses ordinaires de 73,270 fr. 14 c. Il est dit à la page 160 :
« La grande différence que l'on remarque entre les recettes et les dépenses des fondations particulières provient en majeure partie d'une fondation dont les comptes n'avaient pas été rendus depuis son rétablissement en 1841, et qui possède des revenus assez importants, sans que les bourses aient été conférées malgré les publications d'usage. »
Ainsi, il est bien constaté, constaté officiellement que pendant dix ans au moins des bourses appartenant à une fondation, jouissant de revenus importants, n'ont point été accordées.
Je demande à mes honorables adversaires si c'est là suivre la volonté des fondateurs.
Pour ne pas abuser de la patience de la Chambre, je terminerai ces citations par un extrait de l'exposé de la situation administrative de 1853.
Il est dit, page 88, à propos des comptes des fondations volantes et des fondations appartenant aux anciens collèges, le tout réuni :
« L'excédant des revenus ordinaires sur les dépenses d'une année est de fr. 45,746-24.
« En déduisant de cette somme 7 p. c. environ pour frais d'administration, il reste encore 42,544 fr. qui n'ont pas reçu leur destination. Des bourses n'ont pas été conférées, sans doute ; mais la prospérité n'est pas moins constante, surtout depuis l'arrangement qui a mis fin au procès que la ville de Louvain soutenait contre les fondations envers lesquelles elle était débitrice. Ces circonstances favorables permettront soit de reporter au chiffre déterminé par les fondateurs les bourses dont le nombre ou le montant avait été réduit, soit d'en augmenter la quantité. »
La députation permanente tenait ce langage à l'occasion de bourses conférées pour 1851, et nous avons déjà vu que l'on n'a eu aucun égard à ses observations.
Il est inutile, je pense, d'insister davantage pour faire ressortir et l'importance des fondations et les économies qu'on réalise au moyen de bourses non conférés. Mais dans cette situation, je demanderai à M. le ministre comment il se fait que l'on accorde des bourses de l'Etat à une université qui n'emploie par la totalité de celles qui lui sont conférées par des fondations particulières, et on ne peut pas prétexter cause d'ignorance, car M. le ministre de la justice le sait, il a chaque année, comme je l'ai déjà dit, le relevé des comptes des fondations, il n'ignore ni le nombre des bourses non accordées, ni les gros capitaux que l'on accumule.
Il est évident que les bourses de l'Etat servent à l'université de Louvain, à épargner ses propres revenus. L'honorable M. Julliot sera doute d'accord avec moi pour réclamer le redressement de cet abus ; car c'est bien de la prodigalité, et peut-être mon honorable collègue, en présentant son amendement, n'avait-il pas d'autre but que le redressement de ce grief.
Nos adversaires invoquent souvent le respect dû à la volonté des fondateurs, ils devraient bien joindre l'exemple aux paroles ; quand une personne crée une bourse, c'est qu'elle veut que les revenus des biens qu'elle donne soient employés à faciliter les études de certains jeunes gens ; et si au lieu de les appliquer à cet usage, on thésaurise, on ne remplis certainement pas les volontés des fondateurs.
Je ne traiterai pas la question de droit ; je n'ai pas la prétention d'apporter quelque lumière dans ces débats, si controversés par des hommes d'un talent éminent. Je n'ai été amené à prendre la parole, que pour justifier l'exactitude des faits contestés par mon honorable adversaire. Je me bornerai à constater le grand dissentiment qui existe entre les jurisconsultes des deux partis : en présence de cette situation, on ne peut pas, au moins raisonnablement, s'opposer au renvoi de l'amendement à une commission.
M. le président. - La parole est à M. Verhaegen.
M. Verhaegen. - J'y renonce.
(page 823) M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, je demanderai à la Chambre de vouloir m'écouter dans quelques observations que me suggère le discours de l'honorable M. Frère.
Je répondrai d'abord à une considération de fait.
L'honorable membre a paru croire qu'il n'existe, en matière de gestion de fondation de bourse, aucune espèce de contrôle. Il nous a représenté cette branche de la bienfaisance publique comme livrée à l'abandon, au bon plaisir, au caprice, en quelque sorte, des administrateurs.
Il n'en est rien, messieurs ; il suffit de lire des dispositions des arrêtés du roi Guillaume pour se convaincre que rarement on a vu un gouvernement apporter des soins plus minutieux pour arriver à maintenir la bonne gestion des fondations de bourses.
L'arrêté de 1823 nous montre d'abord pour chaque fondation un administrateur et en outre un receveur. Et au-dessus de ces deux fonctionnaires se trouvent les proviseurs qui sont des surveillants permanents de ce qui se passe dans l'administration.
Voilà donc trois personnes différentes appelées à concourir à la bonne gestion des bourses : l'administrateur, le receveur et le proviseur.
Vous dirai-je quelles sont les autres règles relatives aux fondations ? Vous les connaissez. Les comptes doivent être dressés, communiqués à la députation permanente.
M. Frère-Orban. - Nous savons cela.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Vous le savez ; qu'il me soit cependant permis de faire connaître plus spécialement quelques dispositions.
Par exemple, l'article 10 de l'arrêté du 2 décembre 1823 porte : « En cas de demande de réparations extraordinaires ou de constructions nouvelles, les proviseurs nommeront des experts, afin d'en constater la nécessité ou l'utilité évidente, et de dresser un devis estimatif de la dépense qu'elles nécessiteront.
« Les états députés décideront, ainsi qu'il est dit à l'article précédent. »
Vous le voyez, le gouvernement du roi Guillaume est entré dans la voie d'un père de famille ; il prescrit, dans les circonstances les plus ordinaires, ce qu'on doit faire.
« Les administrateurs (continue l'arrêté) ne pourront intenter une action en justice, ni s'y défendre, sans en avoir obtenu la permission de notre ministre, etc., etc. »
L'article 12 parle des transactions et les entoure des garanties les plus sérieuses.
Le législateur de 1823, non content d'avoir soumis l'administrateur et le receveur à des obligations spéciales, ajoute encore une disposition générale: l'article 17 de l'arrêté porte que les receveurs sont soumis à toutes les obligations des comptables publics. J'avais donc raison de dire que le législateur a déployé dans cette matière un luxe de précautions. Peut-on aller plus loin ?
Il n'est donc pas exact de dire, comme j'ai cru l'entendre de la part de l'honorable M. Frère, qu'il n'y a pas de garanties réelles et qu'il y a quelque chose de plus à faire.
Enfin, messieurs, pour surcroît de garanties, siège au département de la justice le comité institué pour les fondations de bourses, le roi Guillaume l'a institué en vertu de l'arrêté de 1823. Remarquez-le bien, le comité des fondations existe en vertu de ces dispositions, il ne peut pas disparaître en vertu d'un caprice ministériel. Ce comité a une existence légale, il intervient dans toutes les difficultés sérieuses se rapportant aux fondations de bourses.
Mon intention, messieurs, n'est pas de suivre l'honorable M. Frère dans la dissertation politico-métaphysique à laquelle il s'est livré à propos du droit de fonder. Pour l'honorable membre, le droit de fonder ne devrait pas exister. Pour lui l'homme, en tant que propriétaire, meurt tout entier. La propriété, nous dit-il, est un fait personnel qui doit finir avec la vie. Eh bien, messieurs, l'occasion viendra de discuter plus à fond cette étrange théorie ; quant à moi, je la repousse de toutes mes forces et la conscience universelle la réprouvera comme moi.
Et si, par impossible, vous êtes dans le vrai, mais soyez-y jusqu'au bout ; soyez conséquent ; si le droit de fonder ne doit pas exister, il ne doit pas exister même en faveur des bureaux de bienfaisance, même en faveur des fondations nombreuses qui témoignent de la charité de nos ancêtres ; allez donc jusqu'au bout ; proposez l'abolition des bureaux de bienfaisance, proposez d'anéantir le grand-livre de la dotation des pauvres. Alors vous serez inhumain, mais vous serez conséquent.
Si les fondations existent, messieurs, c'est au nom d'un intérêt sacré, an nom des besoins des pauvres, au nom de l'humanité souffrante.
Voilà ce qui les légitime dans le présent et ce qui les légitimera dans l'avenir.
Faut-il craindre, comme l'honorable M. Frère-Orban, de voir la terre nous manquer, absorbée qu'elle sera par les fondations ? Mais, messieurs, on fonde depuis des siècles, et les efforts réunis de la bienfaisance publique et de la bienfaisance privée ne sont point encore parvenus à faire disparaître la misère.
Loin donc de redouter, avec l'honorable M. Frère-Orban, de voir s'étendre le droit de fonder qui l'effraye tant, je demande, je désire que l'on en use beaucoup : la terre ne nous manquera pas et malheureusement les pauvres ne nous manqueront pas non plus.
Je disais, messieurs, tout à l'heure que l'honorable M. Frère-Orban recule devant son principe, mais il a été inconséquent alors qu'il était au pouvoir. S'il y a tant d'abus, si la question des fondations de bourses est si pleine de périls pour h société, l'honorable M. Frère-Orban devait y mettre un terme.
Alors qu'il était au pouvoir, pourquoi n'a-t-il pas remédié à tous les abus qu'il nous signale aujourd'hui et qu'il ne pouvait ignorer alors ? Serait-ce qu'aujourd'hui, il est plus éloigné des faits dont, jadis, il pouvait mieux apprécier la puissance ?
L'honorable M. Frère a critiqué les paroles que j'ai prononcées avant-hier lorsque, répondant à l'honorable M. Tesch, je disais que je ne croyais pas que le gouvernement, quand il a institué un collateur, eût le droit de lui retirer ce mandat. Je le répète aujourd'hui, cela ne doit pas faire pitié le moins du monde. Chaque fois que le gouvernement confie un droit de collation, il le fait. Sous quelle réserve ? Mais les arrêtés le portent textuellement : sous la réserve du droit des tiers, c'est-à-dire de l'intervention des tribunaux. Quand une personne se croit des titres à être collateur, elle s'adresse aux tribunaux ; sans doute, elle n'ira pas, comme le prétend l'honorable M. Frère, assigner le ministre de la justice, cela est impossible ; mais elle assignera la personne civile, la fondation.
C'est ce qu'on a toujours reconnu, c'est ce que le pouvoir judiciaire a toujours admis, notamment dans un arrêt de la cour de Bruxelles, en date du 15 juillet 1844, qui statue que le pouvoir judiciaire est compétent pour décider à qui appartient la qualité de collateur d'une bourse d'étude.
L'honorable membre trouvera-t-il aussi que cet arrêt fait pitié ?
L'honorable député de Liège a fait encore grand état d'une lettre qu'il nous a lue et qui se rapporte à une affaire dont je ne connais pas les détails ; mais encore faudrait-il voir l'acte de fondation avant de pouvoir se prononcer ; il faudrait savoir comment l'acte de fondation est conçu, si le fondateur a expressément désigné l'université de Louvain comme l'établissement où l'on dût obligatoirement faire ses études. Mais ignorant les détails de cette affaire, je ne puis discuter ce point.
Mais y eût-il eu dans ce cas une irrégularité, je n'admettrais pas qu'en présence d'un seul abus, il fallût condamner toute une législation, modifier toute une administration. Que l'honorable membre me permette de le lui dire, c'est bâtir un système sur une pointe d'aiguille ; c'est vouloir créer tout un ordre nouveau, à l'aide d'un seul fait, d'un seul incident. Ce procédé n'est ni logique, ni gouvernemental, ni conforme aux antécédents d'un homme politique aussi distingué que l'honorable M. Frère-Orban. Ministre pendant cinq ans, il a dû apprendre qu'on ne fait pas des lois, qu'on ne bouleverse pas des lois, parce qu'il y aurait un seul abus.
L'honorable M. Frère-Orban a fini son discours en menaçant en quelque sorte de la réprobation des générations futures ceux qui donneraient la main à la continuation de ce qu'il appelle un abus scandaleux. L'honorable M. Lelièvre vient déjà de signaler à cette animadversion ceux qui seraient les fauteur de cette loi sur la charité, dont il faisait, dès à présent, apparaître à vos yeux le retrait comme inévitable.
Je ne redoute pas cet avenir et quant à moi, je ne crains pas cet anathème ; j'accepte volontiers ma part de responsabilité et dans la discussion actuelle et dans celle de la loi sur les établissements de bienfaisance. Je m'honore de cette coopération.
Qu'à mon tour l'honorable M. Frère souffre qu'en réponse à ses objurgations je lui dise ceci : Si j'étais votre ennemi, au lieu de n'être que votre adversaire politique, savez-vous quel souhait je ferais pour vous ? Ce serait celui de vous voir obtenir le triomphe que vous demandez aujourd'hui, d'emporter cette collation de bourses au mépris des droits de ceux qui en sont investis.
Ce serait un triomphe éphémère qui bientôt deviendrait le signal de votre chute ; vous auriez remporté une de ces victoires contre le droit privé qui ne durent jamais ; vous pourriez vous draper pour un instant dans les plis de votre manteau de triomphateur, mais ces plis deviendraient le linceul de votre politique, car un jour se dresserait contre vous ce sentiment de réprobation publique dont vous nous menacez ! Vous n'auriez pas impunément vaincu un principe de justice et d'équité !
Vous nous citiez tantôt des paroles de Turgot ; je vous citerai, à mon tour, ces paroles de Bossuet ; ne les oubliez pas : il n'y a pas de droit contre le droit.
Un mot encore et je finis. Je caractérise la situation par ce simple rapprochement, que l'honorable membre n'y voie rien de blessant pour sa personne ni pour ses intentions, mais je suis surpris qu'un esprit de sa portée s'y soit trompé.
Sa proposition procède de la loi de l'an II qui confisque ; nous procédons de la loi de l'an IV qui restitue !
M. Frère-Orban (pour un fait personnel). - Messieurs, dans la dernière séance, M. le ministre de la justice est venu avec un siège tout fait, et, obligé de répondre à l’honorable M. Tesch, il lui a prêté des opinions qu'il n'avait pas émises ; c'était beaucoup plus commode. Aujourd'hui l'honorable ministre de. la justice m'a entendu, et (page 824) de nouveau il se lève pour m'attribuer des opinions qui ne sont pas les miennes. J'ai dit absolument le contraire de ce que me prête M. le ministre de la justice, et je vais le prouver.
Je répondais à l'honorable M. Malou ; je lui ai dit qu'il était impossible de qualifier les fondations de bourses de propriétés privées ; et, pour le prouver, j'ai montré la série des dispositions législatives et réglementaires dont les bourses de fondation ont été l'objet ; j'ai indiqué les pouvoirs étendus qui sont conférés à l'administration sur ces sortes de propriétés, pouvoirs qui ont été exercés dans tous les temps et qui prouvent que ce sont des établissements publics et non des propriétés privées.
Eh bien, M. le ministre de la justice qui se donne la peine de nous lire le texte des arrêtés de 1818 et de 1823 pour établir que l'autorité publique exerce de grands pouvoirs sur l'administration des fondations de bourses, prétend que j'ai nié le droit de faire des fondations.
M. le président. - Il n'y a rien là qui vous soit personnel.
M. Frère-Orban. - C'est très personnel.
M. le président. - Vous pourrez répondre à votre tour ; je vous inscrirai.
M. Frère-Orban. - Je demande que la parole me soit maintenue. Dans la séance d'avant-hier, l'honorable M. de Theux a pris trois fois la parole pour prouver qu'il ne s'était pas trompé en citant la date d'une loi ; je demande donc que l'on me permette de continuer à rectifier les assertions erronées de M. le ministre de la justice et qui ont une certaine gravité pour moi.
M. le ministre de la justice a été jusqu'à travestir mon opinion à ce point de prétendre que j'étais venu soutenir dans cette enceinte que le droit de fondation n'était pas possible. Or, j'ai dit le contraire. Mais j'ai soutenu qu'il y avait une différence entre le droit de propriété exercé individuellement, personnellement et le droit applicable aux fondations.
Si M. le ministre ne comprend pas cette distinction, j'en suis fâché pour lui ; elle est essentielle cependant ; j'ai admis qu'on peut fonder, qu'il y a des institutions utiles qui peuvent être ainsi établies, et qu'il faut encourager ; j'ai ajouté que quand on admet le droit de fonder, quand on a usé de ce droit, la loyauté publique veut que ces fondations soient respectées autant qu'il est possible de le faire en se conformant à la volonté des fondateurs, des bienfaiteurs, aussi longtemps que l'intérêt de la société le commande.
Voilà ce que j'ai dit ; M. le ministre me prête une opinion que je n'ai pas émise. Et après cela et pour me convier â être logique, il a recours à des insinuations, il dit que je ne dois aller plus loin et demander l'abolition du patrimoine des pauvres. Je sais ce que doit devenir demain cette opinion que vous me prêtez quand elle sera développée, commentée dans votre presse ; j'aurai demande la suppression des fondations de charité, j'aurai voulu confisquer le bien des pauvres ! Je je ne puis repousser avec assez d'énergie d'aussi mauvaises, d'aussi méchantes insinuations. (Interruption.)
M. le président. - Je prie M. Frère de retirer ces dernières expressions, elles ne sont pas parlementaires.
M. Frère-Orban. - Mon honneur est en jeu ; il n'est pas à votre disposition non plus qu'à la disposition de M. le ministre de la justice.
M. Coomans. - Vous devez respecter vos collègues.
M. Frère-Orban. - Je les respecte ; je me défends.
M. le président. - Je vous engage, M. Frère, à retirer les expressions ; méchantes insinuations, car elles supposent des intentions.
M. Frère-Orban. - Oh ! sans intention !
- Plusieurs voix. - Ce n'est plus le fait personnel !
M. le président. - Si vous voulez répondre au ministre parce qu'il aurait dénaturé votre opinion en vous répondant, vous pouvez vois faire inscrire.
M. Frère-Orban. - J'ai le droit de parler ; c'est un fait personnel.
M. Dechamps. - C'est de la discussion que vous faites.
M. Frère-Orban. - Est-ce que la discussion permet de m'attribuer des opinions que je n'ai pas émises ? (Interruption.)
Je vous prie de réfléchir un instant ; vous comprenez la portée des inductions qu'on peut tirer de telle ou telle opinion ; votre intention n'est pas qu'on travestisse ma pensée.
- Plusieurs voix. - Non !
M. Frère-Orban. - Elle a été travestie sans intention par M. le ministre de la justice, parcs qu'il ne m'a pas compris Pourquoi ne pas m’autoriser à rectifier les erreurs qu'il a commises. (Interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - De méchantes insinuations !
M. Delfosse. - On dit bien de méchants vers.
- Plusieurs voix. - Assez ! assez !
M. le président. - La parole est à M. de Theux.
M. Frère-Orban. - Je n'ai pas fini, M. le président, vous ne pouvez pas m'ôter la parole ! (Interruption )
M. le président. - Je comprends que la Chambre soit indulgente en vous permettant de parler, la discussion ayant en grande partie porté sur vous.
M. Frère-Orban. - M. le président, je ne fais pas appel à l'indulgence de la Chambre ; je fais appel à sa justice et à mon droit.
M. le président. - Vous avez la parole pour un fait personnel, je vous prie de vous y renfermer.
M. Frère-Orban. - J'y renonce ; mon droit est reconnu.
M. de Theux. - Messieurs, c'est au nom du bien public que toutes les mesures révolutionnaires ont été décrétées ; c'est au nom du bien public que toutes les tyrannies ont été exercées. Ce n'est pas dans les lois de la révolution française que la Belgique ira chercher des notions de justice, c'est dans son histoire, c'est dans ses lois, dans sa Constitution et dans ses mœurs qu'elle le trouvera. Qu'on me cite un seul acte du gouvernement provisoire ou du Congrès national ayant violé un droit acquis et je renonce à la parole.
Non, messieurs, pour l'honneur du pays, il n'en a pas été ainsi : la Constitution a déclaré la propriété un droit sacré auquel il n'était permis de toucher que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. Elle a aboli la confiscation et elle a défendu de la rétablir sous prétexte de pénalité. La Constitution a déféré la garde de la propriété aux tribunaux, elle ne l'a pas abandonnée aux pouvoirs politiques.
Puisqu'on a parlé des lois françaises, qu'il me soit permis de citer deux exemples. Il est vrai qu'en France on a spolié les églises, persécute les prêtres, on les a envoyés à l’échafaud ou déportés hors de la patrie ; mais plus tard les sentiments de justice sont revenus, le besoin de conservation de l'ordre social a prévalu et on a fait un concordat ; qu'a-t-on fait dans ce concordat ? On a dit que l'Etat ayant dépouillé l'Eglise de ses biens, l'Etat se chargerait de pourvoir à l'entretien des prêtres et aux frais du culte que l'Etat permettrait de faire des fondations dans l'intérêt de l'Eglise.
C'est ainsi que le culte qui avait été aboli de fait par la convention nationale a été rétabli par un acte solennel. C'était là un des plus grands actes de Napoléon Ier. En France aussi on a essayé de dépouiller les pauvres, conséquence naturelle de la spoliation. Eh bien, quelques mois après la loi de spoliation la convention nationale revint sur cette disposition, en suspendit l'exécution ; par une seconde loi elle a confirmé la suspension et par une troisième elle a ordonné la restitution ; dans ces mesures étaient comprises les bourses d'études.
Le décret de 1811 reconnaît les droits des familles, des localités, des collateurs et des administrateurs. Sous le royaume des Pays-Bas, ces mesures ont reçu leur pleine et entière exécution. Aujourd'hui, quand la légalité de ces mesures a été établie de la manière la plus évidente, on abandonne le point de droit, ou se rejette dans des discussions vagues, théoriques, qui n'ont pas d'application à la question dont il s'agit.
En Belgique, non seulement on a respecté les droits acquis ; mais, en plusieurs circonstances, on est allé au-delà. Ou a respecté les positions acquises. Ainsi, spécialement, quant à l'enseignement, en 1835, on a maintenu les universités de Liège et de Gand. Si on a supprimé celle de Louvain, c'est parce que la ville de Louvain allait recevoir une université libre qui devait lui servir de compensation.
En 1835, non seulement on a maintenu les universités de Liége et de Gand ; mais on a considérablement augmenté les dotations de ces établissements. On y a annexé des écoles spéciales qui y donnent une nouvelle importance.
Aujourd'hui on veut spolier l'université de Louvain, pour enrichir les autres établissements. Eh bien, l'université libre a tort de se joindre à cette demande. On a, dans la dernière séance, fait une distinction entre les élèves des quatre universités. L'université de Louvain a, dit-on, beaucoup d'élèves qui vivent de bourses de fondations.
Les étudiants des autres universités n'en ont que peu. Cependant nous voyons dans le tableau qui a été fourni par M. le ministre de l'intérieur qu'il y a à l'université de Gand beaucoup d'étudiants qui puissent de bourses fondée par la commune ou par la province. Si nous demandions que M. le ministre de l'intérieur conférât ces bourses aux étudiants de toutes les université indistinctement, cette demande serait l'équivalent de celle que l'on faut aujourd'hui contre l'université de Louvain,
M. Frère-Orban. - Les bourses n'appartiennent pas à l'université de Louvain.
M. Malou. - Si l'on peut prendre à l'université de Louvain, en pourra prendre à l'université de Gand. Voilà l'argument. Le comprenez-vous !
M. de Theux, rapporteur. - Pourquoi les universités de Bruxelles et de Liège ont-elles tant d'élèves ? Pourquoi l'université de Gand en a-t-elle un assez bon nombre ? Voyez la statistique du domicile de ces élèves, et vous reconnaîtrez qu'il y a un grand nombre de jeunes gens demeurant à Bruxelles, à Liège, à Gand, ou dans les faubourgs de ces villes. Il n'en est pas de même pour l'université de Louvain. Voilà des avantages de localité qui sont de la dernière importance.
Et quand on se place au point de vue de la moralité, c'est la condamnation évidente de la coalition organisée contre Louvain, alors que l'université de Bruxelles profite indirectement de la rente de 300,000 fr. que fait l'Etat à la ville de Bruxelles, alors qu'elle jouit de subsides de la commune et de la province. Je dis qu'il y a dans ce fait une coalition qui est injustifiable d’après les principes de la justice distributive.
Le premier argument de l'honorable M. Frère pour justifier sa (page 825) proposition, c'est que les collateurs ayant leur domicile à Louvain, exercent une influence morale sur la détermination des jeunes gens dans le choix de l'établissement. Eh bien, mon honorable ami, M. Malou, vous a démontré samedi que les bourses dont les collateurs résident à Louvain ne s'élèvent pas à un chiffre important, au moins pour les conférer à des étudiants de Louvain, que ce chiffre ne peut même servir d'appât à une spoliation !
Veuillez remarquer que le décret de 1811, allait bien plus loin que la législation de 1823 en donnant aux familles ayant droit à des bourses de fondation dont les biens n'existaient plus une préférence pour obtenir de l'empereur les bourses qui étaient à la disposition du gouvernement.
Voilà jusqu'où allait l'empereur.
Nous ne demandons pas d'aller aussi loin. Nous consentons que les boursiers jouissent de la liberté d'étudier où ils veulent. Mais, dit-on, l'influence morale existe.
Si cette influence morale existe, est-ce que le remède qu'on vous propose n'aura pas une autre influence morale diamétralement opposée ? Supposons que la collation de toutes les bourses de fondation soit déférée au gouvernement. Mais que diront les aspirants aux bourses ? Ils diront : Le gouvernement va nécessairement protéger ses établissements. Allons dans les établissements du gouvernement ; et, inscrits dans l'une de ces universités, nous faisons, par les autorités académiques, par les autres moyens d'influence dont nous disposons, pencher la balance en notre faveur.
L'université libre jouirait des mêmes avantages de pression sur le gouvernement. Elle a son siège dans la capitale. Tous les intéressés peuvent assiéger les bureaux du ministère, peuvent exercer une influence quelconque sur certains ministres.
Eh bien, messieurs, ne voyez-vous pas que ce que vous proposez est réellement la spoliation de Louvain pour attribuer toutes les bourses à des établissements que les fondateurs n'avaient pas prévus ? Toutes ces fondations, presque toutes sans exception, émanent d'une pensée religieuse, et vous voulez empêcher de fait que Louvain en jouisse, et vous voulez que de fait toutes ces bourses passent aux établissements rivaux de Louvain.
Mais je trouve là une absurdité, une injustice qui n'a pas de terme. Je crois qu'on n'a pas mûrement réfléchi à ces conséquences. Car si l'on y avait mûrement réfléchi, jamais une pareille proposition n'aurait pu voir le jour.
Et sous quel prétexte ? Sous prétexte d'influence morale. Mais les questions des bourses, quant à la violation du droit des aspirants aux bourses, sont du ressort des tribunaux. Ce n'est pas le gouvernement qui est chargé de redresser les abus qui peuvent être commis dans le droit de collation de bourses, ce sont les tribunaux.
Et cela est tellement vrai que cette attribution appartient exclusivement aux tribunaux, que sous le gouvernement des Pays-Bas, alors qu'il y avait un conseil d'Etat ayant une juridiction administrative, le gouvernement a décidé que toutes les questions du droit de collation, du droit de jouissance aux bourses, étaient exclusivement du ressort des tribunaux et que le gouvernement n'avait rien à y voir. Et aujourd'hui que notre Constitution a proclamé de la manière la plus formelle l'attribution des droits civils aux tribunaux, nous donnerions l'attribution de ce droit à un département ministériel ! Messieurs, c'est une pensée révoltante, diamétralement opposée au texte formel de la Constitution, diamétralement opposée à l'esprit de toutes nos institutions.
L'honorable M. Orts disait que, voulant parer aux abus, il n'hésiterait pas à retirer la collation des bourses, sauf le droit à titre d'héritiers, à ceux qui aujourd'hui ont le droit de les conférer, soit d'après les actes de fondation, soit d'après les dispositions administratives rendues par le gouvernement des Pays-Bas, en vertu des lois françaises, c'est-à-dire qu'il enlèverait une restitution de propriétés qui a été faite soit par le gouvernement impérial, soit par le gouvernement des Pays Bas.
L'honorable M. Frère-Orban nous dit : Mais les fondations sont en quelque sorte sous la surveillance de l'autorité publique. Si l'autorité publique n'avait pas consenti à rétablissement des fondations, elles ne pourraient pas exister.
Messieurs, nous pouvons admettre cela. Mais qu'est-ce que cela prouve quant à la proposition que nous discutons ? Rien du tout. Si la loi a permis, peut permettre encore de créer des bourses, évidemment ni la législation, ni le gouvernement n'ont le droit d'abolir les actes de fondation qui ont été faits sous l'autorité des lois. IL faudrait, aux termes de la Constitution, une juste et préalable indemnité.
Sans doute une loi pourrait interdire de fonder des bourses. Mais une loi n'a pas le droit d'exproprier les fondations de bourses ni dans la personne des boursiers, ni dans la personne des administrateurs, ni dans la personne des collateurs.
Quant aux collateurs, plusieurs membres ont bien voulu reconnaître leur droit civil ; mais quant aux administrateurs, ils l'ont nié. Eh bien, quant à cette dernière réserve, ils sont encore dans l'erreur. Sans doute que ce n'est pas au point de vue d'un avantage personnel qu'un administrateur irait plaider pour conserver l'administration qui lui appartient, d'après la fondation ; mais ce serait pour exécuter fidèlement et loyalement la volonté de celui qui l'a constitué administrateur.
C'est la violation de la volonté des fondateurs qui est en jeu bien plus que l'avantage des administrateurs. C'est là une distinction essentielle qu'il est impossible de méconnaître.
Mais je comprends la portée de cette discussion. Elle se rattache évidemment à la loi de charité. Que veut-on proclamer aujourd'hui et à l'avance ? On vous proclamer ceci : Vous réclamez au nom de la liberté et de la charité le droit de créer des administrateurs spéciaux. Eh bien, nous vous dirons d'avance que tout ce que vous aurez fait par la loi est non avenu. Lorsque nous arriverons au pouvoir, nous rapporterons la loi qui a autorisé la création d'administrateurs spéciaux el les fondations faites sons le régime de la loi, nous les ferons passer sous l'administration des bureaux de bienfaisance. Voilà ce que l'on veut.
M. Verhaegen. - Evidemment.
M. de Theux. - Eh bien, comme le paysan disait : Il y a des juges à Berlin, nous disons au nom de la Constitution et de la loyauté du peuple belge : il y a des juges en Belgique et votre système ne triomphera pas. Nous disons de plus : Il y a des législateurs eu Belgique, et les Chambres et le gouvernement ne participeront pas à trois au vote d'une loi d'iniquité.
Messieurs, on vous a dit dans la dernière séance : Mais les collecteurs sont en général des ecclésiastiques. Quand même le fait serait vrai, il ne prouverait rien. Le droit d'un ecclésiastique est aussi sacré que le droit d'aucun membre de la société belge. Mais ce fait n'est pas même vrai. J'ai commencé un dépouillement quant à la collation des bourses de fondation, et voici le premier résultat que j'ai obtenu ; 20 bourses sont exclusivement à la collation d'autorités ecclésiastiques ; 36 sont exclusivement à la collation d'autorités laïques.
Eh bien, si vous voulez dépouiller les autorités ecclésiastiques, leur adjoindre des autorités laïques, adjoignez aussi des autorités ecclésiastiques aux collateurs laïques. Il y aurait encore là une apparence de justice, quoique ce fût toujours une violation d'un droit.
Il y a 71 bourses pour lesquelles le droit de collation est mixte, c'est-à-dire attribuée en partie à des ecclésiastiques, en partie à des laïques.
Vous voyez donc que l'assertion émise dans la dernière séance n'est pas exacte.
On veut, disait l'honorable M. Frère-Orban, par le projet du gouvernement, enlever la dotation affectée aux universités de l'Etat.
Mais, messieurs, qu'est-ce qu'une dotation ? C'est à-dire que tout ce qui est porté au budget à titre de traitement des professeurs des universités de l'Etat, à titre de l'entretien du matériel, à d'autres titres, constitue une dette nationale que le pouvoir législatif n'ait pas le pouvoir de modifier les allocations.
Mais si cet argument était vrai, quant aux bourses que l'on qualifie à tort de dotations et qui ne sont réellement qu'un subside que le législateur peut retirer, eh bien, alors la loi de 1835 est la première et c'est celle-là qui a créé une dotation au profit de tous les établissements ; c'est donc cette loi, dont le principe est le plus constitutionnel, qui doit prévaloir.
M. Orts. - Messieurs, j'ai uniquement demandé la parole pour répondre deux mots à un argument sur lequel l'honorable M. de Theux est revenu avec complaisance dans le discours que vous venez d’entendre. L'honorable membre a voulu montrer à l'université de Bruxelles les dangers d'une coalition dont il a parlé. Cette idée de coalition, messieurs, est réfutée par mon discours d'hier. J'ai demandé la liberté pour les boursiers sans réclamer une part quelconque pour l'université de Bruxelles.
L'honorable M. de Theux a dit que l'université de Bruxelles jouit indirectement d'une rente de 300,000 fr. que l'Etat a alloué à la ville de Bruxelles, comme prix de ses propriétés. Il est vrai, messieurs, que si la commune avait été ruinée, il lui aurait été impossible d'accorder un subside à l'université ; mais je répondrai à l'honorable M. d ; Theux qu'en suivant sa manière de raisonner je trouve au budget de l'Etat des millions qui profitent à l'université de Louvain. Chacun sait que tous les membres du clergé, dans la proportion des traitements qu'ils touchent sur le budget de l'Etat, sont obligés, de par leur supérieur ecclésiastique, de contribuer à l'entretien de l'université de Louvain, de manière que si nous avons 300,000 fr. l'université de Louvain a 4 millions. (Interruption.)
Il n'est pas besoin de gendarmes pour faire payer par les personnes dont je viens de parler les sommes exigées par l'autorité ecclésiastique.
L'université de Louvain reçoit des subsides purement volontaires ; elle les reçoit à des conditions qui ont été offertes à l'université de Bruxelles et que celle-ci a repoussées, elle les reçoit en rémunération de services rendus ; l'université de Bruxelles n'en est pas réduite à mendier dans les églises, à détourner à son profil les dons de la charité qui sont le patrimoine exclusif des pauvres.
M. Malou. - Messieurs, si nous suivions l'honorable M. Orts sur le terrain où il s'est placé, nous en viendrions à rechercher quels sont les moyens d'existence de l’université libre et de l'université de Louvain. C'est étrangement abaisser la discussion. Il dit: On quête dans les églises pour l'université de Louvain ; je réponds : On quête dans les loges pour l'université de Bruxelles, aux uns les pièces de cinq francs, aux autres les grosses briques.
M. Orts. - Cela n'est pas exact.
M. Malou. - Est-ce là l'objet de la discussion ?
Messieurs, nous avons examiné jusqu'à présent une question de principe et permettez-moi de la rétablir, il s'agit de savoir si et jusqu'à (page 826) quel point il est d'intérêt social de respecter la volonté des fondateurs, quand la loi l'a reconnu, afin que le bien social se produise d'une manière permanente et complète.
Voilà, messieurs, la question de principe. C'est une question de droit, mais c'est plus encore, en Belgique, une question d'honneur et de loyauté. Comment donc ! une loi, sous le premier prétexte, après avoir dit : « Vous pouvez fonder » dira : « Je viens détruire ce que vous avez fait ? » Et c'est là une thèse qu'un législateur belge sanctionnerait !
M. Frère-Orban. - Il l'a sanctionnée en 1849.
M. Malou. - Pour son honneur il ne la sanctionnera jamais. Jamais il n'a dit: « Vous pouvez donner aux pauvres ; vous pouvez donner à l'instruction publique, mais je me réserve de modifier, de retirer, selon que je croirai y avoir un intérêt quelconque, le bien que vous aurez fait. » Une telle loi ne serait pas une loi ; ce serait un piège indigne du législateur.
Je définis ainsi le but purement social de la discussion : si les bienfaiteurs des pauvres, si les bienfaiteurs de l'instruction qui sont aussi les bienfaiteurs des pauvres, pouvaient croire que jamais, en Belgique, on porterait atteinte à la loi qui aurait reconnu le droit de fonder, quel résultat auriez-vous produit ? Vous auriez stérilisé l'esprit de bienfaisance dans toutes ses manifestations. Et, messieurs, on l'a déjà dit et je le répète, ce que nous discutons ici c'est, en grande partie, le principe de la loi relative aux établissements de bienfaisance. Les bourses, sauf de rares exceptions, sont des bienfaits accordés aux pauvres, aux jeunes gens déshérités de la fortune, et c'est là, selon moi, l'ordre d’œuvre de bienfaisance qu'il faut le plus encourager, surtout dans un pays démocratique comme le nôtre.
Je comprends que dans une société aristocratique on laisse les classes inférieures loin des carrières libérales ; mais dans un pays comme la Belgique les fondations de bourses, celles qui permettent aux jeunes gens dénués de fortune d'arriver aux positions sociales supérieures, sont les institutions qu'il faut le plus respecter. Si les distinctions juridiques, je dirais plus volontiers casuistes, qui ont été produites dans cette discussion, pouvaient prévaloir, vous auriez rétréci l'esprit de bienfaisance, vous auriez ébranlé la confiance de ceux qui pourraient avoir le désir de constituer des dotations en faveur des pauvres, soit pour les maladies physiques, soit pour l'ignorance, qui est la maladie qu'il faut le plus combattre.
On distingue, messieurs, la propriété des personnes civiles de la propriété privée et on dit que la propriété des personnes civiles n'a aucun des caractères de la propriété privée. C'est là une erreur complète : de ce que la propriété des personnes civiles n'est pas sous tous les rapports assimilée à la propriété privée, il ne s'ensuit pas qu'elle ne soit pas respectable au même degré ; la propriété privée n'est pas toujours absolue : nous avons les biens des absents, les biens des mineurs, les biens soumis à une affectation spéciale ; ces biens sont régis par des dispositions particulières ; mais ce n'en sont pas moins des propriétés privées. Il en est absolument de même des fondations de bourses.
Messieurs, suffit-il, pour attaquer dans son utilité sociale, le principe que je viens de définir, suffit-il après avoir consulté toutes les archives de venir signaler, sur un espace de 30 ou 40 ans, deux petits faits, tous les deux contestables ? Ainsi pour le fait de Rochefort, qui sera éclairci, je l'espère, dans la discussion de la loi sur la bienfaisance, il s'agit de savoir laquelle des deux parties a eu tort ou raison et la législation elle-même fournit le moyen de faire décider cette question ; c'est aux tribunaux de situer. Quant à l'autre fait, si j'ai bien noté la lettre dont l'honorable membre a donné lecture, elle porte que le collateur suivait la volonté du fondateur et que celui qui réclamait la bourse avait peu d'espoir de l'obtenir. (Interruption ) Si j'ai mal noté, veuillez me rectifier.
M. Frère-Orban. - Ce n'est pas un fait isolé que je constate, c'est un principe. Mais voici ce que porte la lettre : (L'orateur donne lecture de cette lettre.) Voilà le système et voilà l'abus.
M. Malou. - L'honorable membre dit : « Voilà le système et voilà l'abus. » Mais il suffit de bien comprendre ce que l'honorable membre vient de lire, pour reconnaître que, dans le cas dont il s'agit, le collateur croyait suivre la volonté du fondateur, pour savoir si c'est un abus il faudrait voir quelle est la teneur de l'acte de fondation.
On a fait, messieurs, d'autres objections de détail. Ainsi M. le ministre de la justice a destitué un collateur. Mais l'honorable membre, en argumentant sur les détails, comme c'est un peu son habitude, oublie les principes. Quand M. le ministre de la justice a destitué un collateur, c'était parce que le collateur avait encouru, par malversation, la pénalité de la destitution.
C'était donc pour faire respecter la volonté du testateur que le ministre agissait ; ce qu'on vous propose tend au contraire à la violer. Il y a donc une opposition de système sous une apparente similitude de faits.
Je n'insiste plus que sur un seul point. J’ai demandé quelle était la sanction pratique de la proposition, et on ne m'a pas répondu. Aujourd'hui les bourses ne sont pas affectées à des établissements, mais à des jeunes gens ; et les jeunes gens ont le droit d'aller dans tel établissement qu'il leur convient. Or, je suppose la proposition adoptée, je suppose que M. le ministre de la justice ait fait très équitablement quatre lots des bourses à conférer, et qu'il ait envoyé vingt boursiers à l'université de Bruxelles ; je demande si le lendemain les parents peuvent les retirer de cette université pour les envoyer à celle de Louvain...
- Des membres. - Oui.
M. Malou. - Donc la proposition ne conduit qu'à faire enlever le droit de collation sans aucun résultat utile, sans aucune garantie pour atteindre le but qu'on indique.
Ce que M. le ministre de l'intérieur a fait, il dépend des intéressés de le défaire le lendemain ; sinon, vous allez complétement nier la liberté des élèves et celle des parents ; or, la liberté d'enseignement sérieuse, comme nous la voulons, ce n'est pas la liberté de professer, mais la liberté de s'instruire, la liberté des familles.
La Chambre est fatiguée de cette longue discussion ; je crois inutile de la prolonger davantage. Je ne dirai plus qu'un mot.
L'honorable M. Thiéfry a apporté ici tous les comptes puisés dans les archives de la députation permanente du Brabant.
Qu'avais-je dit dans la dernière séance ? J'ai parlé des comptes de la fondation du collège du St-Esprit qui a un revenu de 7,000 fr. ; j'ai dit que l'honorable M. Verhaegen avait fait confusion (et le Moniteur en fait foi), en indiquant comme revenu normal le chiffre des comptes. J'ai ajouté qu'il ne pouvait y avoir ici aucune destination mystérieuse des excédants des comptes, puisque la députation permanente les recevait et qu'elle devait les approuver. J'ai dit qu'il y avait par conséquent impossibilité qu'un centime fût détourné de sa destination ; et cela, je le maintiens. C'était le point essentiel.
J'ai dit encore que l'université de Louvain ne jouissait pas, comme l'honorable membre l'avait supposé, de la totalité des bourses dont le siège est dans le Brabant. En effet, depuis lors un autre fait est venu à ma connaissance ; l'état que nous avons ici n'indique pas les proviseurs des fondations.
Les proviseurs sont une espèce de ministère public établi auprès de chaque fondation pour veiller, au double point de vue de l'intérêt public et de l'intérêt des institués, à ce que les biens ne soient pas détournés et que la collation soit régulièrement faite.
Or, le système qui a été suivi invariablement depuis 1818 par toutes les administrations consiste à conférer généralement les fonctions de proviseur à l'autorité administrative.
Ainsi, par exemple, à Bruxelles, les bourses de fondation, si je ne me trompe, ont généralement pour proviseurs le bourgmestre et un échevin.
On n'a donc pas procédé ici par l'idée d'exclusion, par l'idée si peu libérale, s'il m'est permis de le dire, de rattacher tout aux bureaux du ministère de l'intérieur ; mais on a procédé par l'idée de combiner les efforts des autorités administratives avec ceux des particuliers, pour arriver au bien social.
Le pays se trouve dans cette voie depuis plusieurs siècles, et, je le répète, j'espère qu'il n'en sortira jamais.
- La discussion est close sur l'art. 40 et sur tous les amendements y relatifs.
M. le président. - Je propose à la Chambre de statuer d'abord sur la proposition de M. Frère Orban.
M. Verhaegen a demandé le renvoi de cette proposition à la section centrale.
M. Dechamps. - Je demanderai une explication à l'honorable M. Frère. L'honorable membre s'est rallié à la proposition de l'honorable. M. Verhaegen tendante à renvoyer l'examen de la question à une commission ; je suppose que la proposition de M. Verhaegen soit rejetée, dans ce cas, l'honorable M. Frère maintient-il ou retire-t-il sa proposition primitive ?
M. Frère-Orban. - Je me suis rallié à la proposition de l'honorable M. Verhaegen ; il ne subsiste donc plus qu'une proposition d'examen dont ou demande le renvoi à la section centrale. (Interruption.)
L'honorable M. Devaux me fait observer que ce serait trop long pour la section centrale ; eh bien, qu'on renvoie l'examen de la proposition à une commission spéciale.
M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable M. Frère vient d edire : Il ne subsiste donc plus que l'examen en commission... De quoi ? de la proposition de l'honorable M. Frère. Il en résulte que la proposition de l'honorable M. Frère subsiste, sans quoi, on ne renverrait rien ; de manière qu'après avoir rejeté le renvoi à une commission, de la proposition sur laquelle nous discutons depuis huit jours, j'entends bien voter contre la proposition de l'honorable M. Frère ; et si l'honorable membre croyait devoir la retirer, je la ferais mienne et je voterais contre.
M. Verhaegen. - On a parlé du renvoi à la section centrale ou à une commission ; j’ai demandé le renvoi de la proposition de l'honorable M. Frère à la section centrale considérée comme commission spéciale.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Verhaegen.
- L'appel nominal est demandé. Il est procédé à cette opération.
(page 827) 98 membres répondent à l'appel.
44 membres répondent oui.
54 membres répondent non.
En conséquence, la Chambre décide que la proposition de M. Frère ne sera pas renvoyée à l'examen d'une commission spéciale.
Ont répondu oui : MM. Verhaegen, Vervoort, Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Lexhy, Delfosse, de Moor, de Paul, de Perceval, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jouret, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Orts, Pierre, Prévinaire, Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom et Van Iseghem.
Ont répondu non : MM. Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Licot de Nismes, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thienpont, T’Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Goethem, Van Overloop et Delehaye.
M. Dumortier. - Aux voix la proposition !
M. Frère-Orban. - Messieurs, je me suis rallié à la proposition de renvoi à l'examen d'une commission, faite par mes honorables amis ; c'est donc absolument comme si j'avais écrit de ma main la demande de faire examiner s'il y a lieu de charger le gouvernement de conférer les bourses d'études. C'est cette proposition qui vient d'être mise aux voix et écartée. Il ne reste plus de proposition.
- Plusieurs voix. - Si ! si !
M. Frère-Orban. - Laissez-moi donc continuer, vous allez être satisfaits. Je ne veux pas pourtant enlever à M. Dumortier l'avantage qu'il désire se procurer, de reprendre ma proposition primitive.
M. Dumortier. - Si vous la retirez, car je ne veux pas vous permettre de la soustraire au vote.
M. Frère-Orban. - Comme il serait d'une parfaite simplicité de se prêter au jeu de M. Dumortier qui veut reprendre une proposition pour se donner le plaisir de voter contre, je prierai mes honorables amis de s'abstenir comme je me propose moi-même de le faire sur la proposition reprise par M. Dumortier.
M. Dumortier. - Ce que je fais, quoi qu'en dise l'honorable préopinant, n'est pas un jeu. Je ne demande pas qu'il se prête à ce que je fais. Si jeu il y a, c'est plutôt de la part de l'honorable membre que de la mienne, et s'il ne veut pas se prêter à ce qu'il appelle mon jeu, moi et mes amis nous ne voulons pas nous prêter au sien. Qu'a fait l'honorable préopinant ? Il a déposé une proposition radicale, et quand il a vu que cette proposition n'était pas soutenue par ses amis, il s'est rallié à une demande d'examen en section centrale N'est-ce pas là un jeu véritable ? Reconnaissant l'impopularité de sa proposition, voyant que la gauche se séparerait de lui comme cela est arrivé dans toutes les propositions radicales, révolutionnaires qu'il a faites, il ne veut pas qu'on la soumette à un vote. Eh bien, moi je veux constater ce que veut la Chambre en pareille matière. Ne vous y trompez pas...
M. le président. - Vous n'avez pas la parole ; la proposition primitive est retirée et personne ne l'a reprise.
M. Dumortier. - Eh bien, je la reprends.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
96 membres ont répondu à l'appel nominal.
(erratum, p. 829) 57 membres ont répondu non ;
38 membres se sont abstenus.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont répondu non : MM. Van Renynghe, Van Tieghem, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez, Dechamps, dedecker, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Licot de Nismes, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rousselle, Tack, Thienpont. T’Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop et Delehaye.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne consentirai jamais à donner un vote sur une proposition qu'un membre a reprise, et dont il désire le rejet. Quant au fond, la question que soulève l'amendement est très importante ; des abus énormes ont été signalés à l'attention du pays ; il faut, à mon avis, absolument les faire cesser ; c'est à rechercher le meilleur moyen d'y arriver que tendant le renvoi que j'ai proposé ; on n'a pas voulu d'examen, on a voulu étouffer la vérité. Je me suis abstenu.
M. Vervoort. — Je n'ai pas voté contre la proposition, parce qu'elle contient un principe que j'approuve ; je n'ai pas voté pour, parce qu'on n'a pas voulu admettre le moyen de le mettre sagement en pratique.
M. Allard. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Vervoort.
M. Ansiau. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Verhaegen.
M. Anspach. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Coppieters 't Wallant. -Je me suis abstenu parce que la proposition est très sérieuse et qu'on a refusé de l'examiner.
M. Dautrebande. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. David. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Coppieters.
M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Verhaegen.
M. de Breyne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Vervoort.
M. de Bronckart. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que MM. Verhaegen et Vervoort.
M. de Brouckere. - Je n'ai pas voté la proposition parce que ma conviction est qu'elle ne s'applique pas à toutes les bourses ; mais j'ai aussi la conviction intime qu'il en est auxquelles elle est applicable ; si on l'avait renvoyée à une commission, cette commission aurait pu faire un travail complet et distinguer les bourses pour lesquelles il y a quelque chose de nouveau à faire de celles pour lesquelles le statu quo doit être maintenu.
On n'a pas voulu d'examen, je me suis abstenu.
M. de Lexhy. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. de Brouckere.
M. Delfosse. - J'ai la conviction sincère qu'il y a, dans la collation des bourses de fondation, des abus auxquels il importe de mettre un terme. Quel est le meilleur moyen de faire cesser ces abus ? C'est ce que je ne sais pas encore, c'est ce que nous voulions faire examiner par une commission. Le renvoi à une commission ayant été rejeté, il m'était impossible de me prononcer.
M. de Moor. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. de Paul. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. de Perceval. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Devaux. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Dubus. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Frère-Orban. - Il m'était indifférent qu'on admît ou non la collation des bourses par le gouvernement ; c'était un simple moyen que j'indiquais pour faire cesser des abus graves.
Il m'était indifférent qu'on admit ou non la collation par le gouvernement. C'était un moyen que j'indiquais pour faire cesser l'abus grave qu'on ne peut pas méconnaître, mais j'aurais admis tout autre moyen. On n'a pas voulu que ma proposition fût examinée, et j'ai dû m'abstenir.
M. Goblet et M. Grosfils déclarent qu'ils se sont abstenus par les mêmes motifs que M. Verhaegen.
M. Lange, M. Laubry et M. Lebeau se sont abstenus pour les mêmes motifs que M. de Brouckere.
M. Lelièvre. - Je me suis abstenu parce que je voulais que la question fût l'objet d'un examen approfondi.
M. Lesoinne, M. Loos et M. Moreau déclarent qu'ils se sont abstenus pour les mêmes motifs que M. Delfosse.
M. Mascart. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs qui M. de Brouckere.
M. Orts. - Je me sais abstenu ne considérant pas la reprise de. l'amendement de M. Frère par M. Dumortier comme une chose sérieuse, et parce que je ne voulais pas être une marionnette dont M. Dumortier aurait tenu la ficelle.
M. Pierre. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. de Brouckere.
M. Prévinaire. - Je voulais un nouvel examen.
M. Rogier. - Je me suis abstenu par les motifs qu'ont donnés tous mes honorables collègues.
M. Sinave. - Je voulais également un examen de la proposition.
M. Tesch. - La Constitution proclame la liberté d'enseignement, et la proposition de l'honorable M. Frère avait pour but de faire disparaître des abus qui portent atteinte à la liberté d'enseignement. Cette proposition avait donc un caractère très sérieux, elle soulevait des questions très importantes, elle impliquait peut-être des distinctions très importantes qui devaient être faites, et dès lors elle exigeait un examen très approfondi.
(page 828) M. Thiéfry. - Je me suis abstenus par les mêmes motifs que M. Verhaegen.
M. Trémouroux et M. Vandenpeereboom se sont abstenus par les mêmes motifs que M. de Brouckere.
M. Dumortier. - Je trouve étrange que l'honorable M. Orts ne puisse pas prendre la parole sans avoir à dire une personnalité. Il vient parler ici de marionnettes et de tirer la ficelle ; eh bien, rien ne me serait plus facile que de lui renvoyer le compliment, car, il doit se rappeler que quand il s'est agi de la proposition de M. Orban sur la presse, il a fait exactement, identiquement ce que je fais aujourd'hui. Il y a seulement cette différence, qu'alors nous ne nous sommes pas caché que nous avons eu le courage de voter contre la proposition comme l'honorable M. Orts aurait dû le faire aujourd'hui, s'il n'avait pas tiré une nouvelle ficelle.
M. Orts. - L'honorable M. Dumortier se trompe : quand j'ai repris la proposition de M. Orban, j'ai eu soin, pour sauvegarder la dignité de la Chambre, de proposer un ordre du jour motivé.
- La séance est levée à cinq heures un quart.