(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 623) M. Tack, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Tack procède à l'appel nominal à une heure et quart.
Il présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Des bottiers et cordonniers de Bruxelles et d'autres communes demandent un droit de 50 p. c. à la sortie des abats belges. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Des habitants de Sainte-Cécile demandent que le département de l'intérieur donne suite aux réclamations qui lui ont été adressées au.sujet de l'instituteur de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Roulers demandent que la juridiction de tous les notaires s'étende au moins à leur arrondissement judiciaire. »
M. Rodenbach. - Cette pétition émane d'un assez grand nombre d'habitants notables de la ville de Roulers qui demandent que les notaires puissent exercer dans tout l'arrondissement judiciaire. J'appelle sur cette requête l'attention de la commission des pétitions, d'autant plus qu'un grand nombre de requêtes dans le même sens ont déjà été adressées à la Chambre. J'en demande le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« L'administration communale de Wanne demande le rétablissement d'un vicariat dans cette commune avec jouissance, pour le titulaire, du traitement de 500 francs. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs juges de paix dans l'arrondissement d'Audenarde prient la Chambre d'améliorer leur position. »
M. Vander Donckt. - Cette pièce contient des renseignements très importants. Je les recommande spécialement à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur l'organisation judiciaire, à laquelle je propose de renvoyer cette pétition. J'ai donc l'honneur de proposer à la Chambre le renvoi à cette commission.
- Cette proposition est adoptée.
« Le conseil communal de Muysen présente des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »
« Mêmes observations d'habitants d'Asche en Refail, Wilsbeke, Nast, Droogenbosch, Fize-Fontaine, Staden, Bertogne, Heurne, du conseil communal de Wilderen et des conseils communaux et habitants de Grésin, Binderveld, Nieuwerkerken, Runckelen, Ordingen, Bouchout, Zepperen, Goyer, Berloo et Engelmanshoven. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.
« Le sieur Mineur, maître de forges et bourgmestre à Fraire, prie la Chambre d'abroger la loi du 2 août 1856, concernant la sortie du minerai de fer, si la France n'accorde la libre entrée des fontes belges ou ne paye, à l'entrée des minerais de Belgique, un droit proportionnel à la production de ces minerais et à la taxe dont elle frappe nos fontes, et demande une augmentation de droits sur les fontes anglaises. »
M. de Baillet-Latour. - J'appelle l'attention de la Chambre sur cette pétition ; elle touche des intérêts lésés en ce moment concernant notre forgerie, qui semble depuis quelque temps souffrir vivement de l'exécution de la loi du 2 août 1856, sur la sortie du minerai de fer. Je demande son renvoi à la commission de l'industrie.
- Cette proposition est adoptée.
M. Van Iseghem, obligé de s'absenter, demande un congé.
M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole pour proposer à la Chambre une rectification au compte rendu de la séance d'hier.
Dans cette séance, j'ai eu l'honneur de présenter l'analyse d'un grand nombre de pétitions de meuniers tendantes à ce qu'ils puissent se servir, par continuation, de la balance romaine. Parmi ces pétitions, il en est plusieurs, entre autres celle des meuniers de Schoorisse qui demandent que le gouvernement envoie dans leurs moulins un fonctionnaire chargé de vérifier les faits sur lesquels ils s'appuient pour obtenir le retrait de l'arrété du 7 octobre 1855, en tant qu'il proscrit d'une manière absolue l'usage de la balance romaine. J'ai demandé à être autorisé à comprendre dans un même rapport toutes les pétitions qui ont été adressées à la Chambre postérieurement à l'adoption des conclusions de mon rapport par la commission. Il n'en est pas dit un mot dans les Annales parlementaires C'est cette rectification que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre.
M. de Naeyer. - Le procès-verbal est rédigé en ce sens. Pour faire la rectification demandée par l'honorable membre, il suffira d'insérer dans les Annales parlementaires l'observation qu'il vient de présenter.
M. de Brouckere. - Messieurs, vers la fin de la dernière session, un membre du barreau de Bruxelles, M. Van Humbeek, a adressé à la Chambre une pétition ayant pour objet de demander des modifications à notre législation sur la contrainte par corps. Le but principal de cette pétition était d'obtenir pour les étrangers le droit dont jouissent les nationaux détenus pour dettes ; de faire prononcer leur élargissement lorsqu'ils ont atteint leur soixante et dixième année, et voici le fait qui a donné lieu à la pétition.
Il y a actuellement dans les prisons de Bruxelles un homme qui y est détenu depuis huit ans qui, depuis 4 ans, a atteint sa soixante-et-dixième année, et qui a vainement demandé son élargissement, parce qu'en effet notre législation, qui date de 1807, vous le savez, n'accorde pas ce droit aux étrangers.
Messieurs, tout le monde comprendra qu'une pareille législation, qui a été modifiée en France depuis 1852, est inhumaine, monstrueuse et véritablement surannée.
Je demande que la Chambre veuille bien inviter la commission des pétitions à faire sur la pétition que je viens de rappeler un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Paul. - Je suis chargé par la commission des pétitions de faire un rapport sur cette requête. Depuis longtemps il est prêt ; je le présenterai quand la Chambre le voudra.
M. Vander Donckt. - Ce n'est pas cette pétition seule qui offre de l'intérêt ; il y en a plusieurs autres et j'ai l'honneur de faire remarquer à la Chambre qu'il y a aujourd'hui six feuilletons arriérés. Il y a des centaines de pétitions sur lesquelles les rapports sont prêts. Je demande donc que la Chambre veuille bien fixer un jour très prochain pour vider cet arriéré et particulièrement les rapports de la session précédente. Car il y a encore un arriéré qui date de cette session et cet arriéré concerne une question assez importante ; il s'agit des réclamations des secrétaires communaux. Beaucoup de membres de cette Chambre attachent une certaine importance à cette demande des secrétaires communaux de presque tout le royaume.
M. Landeloos. - Je suis aussi chargé de présenter un rapport sur plusieurs pétitions ayant le même objet que la réclamation dont vient de parler l'honorable M. de Brouckere, depuis longtemps ce rapport est prêt, j'aurais désiré le présenter à la Chambre il y a plus d'un mois. Malheureusement jusqu'à ce jour je n'ai pas encore pu le faire. Je désire aussi que la Chambre veuille fixer un jour où tous les rapporteurs pourront présenter un rapport sur l'objet qui nous occupe.
M. de Paul. - Je voulais faire la même observation que l'honorable membre. On m'a remis d'autres pétitions ayant le même objet sur lesquelles les rapports sont prêts. Au surplus ces rapports sont très courts ; ils concluent simplement au renvoi des pétitions à M. le ministre de la justice.
M. de Naeyer. - Puisque la Chambre vient de décider qu'il y aura un prompt rapport, cet objet figurera à l'ordre du jour de vendredi.
M. Osy. - Pour mettre tout le monde d'accord, il me paraît qu'il suffit de considérer le rapport sur la pétition dont on a parlé et dont l'analyse figure dans un des feuilletons qui nous ont été distribués comme prompt rapport et de le faire figurer en tête du feuilleton qui sera imprimé la semaine prochaine.
M. de Naeyer. - C'est la conséquence de la décision de la Chambre. Cet objet figurera à l'ordre du jour de vendredi.
M. de Naeyer. - Nous sommes arrivés à l'article 17. Le gouvernement se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale pour cet article ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il y a sur cet article un amendement présenté par l'honorable M. de T' Serclaes et un amendement présenté par l'honorable M. de Breyne ; je considère l'amendement présenté par l'honorable M. de Breyne comme le plus complet. Je me propose de m'y rallier au nom du gouvernement.
M. de Naeyer. - Voici la rédaction proposée par la section centrale:
« Art. 17. L'examen de candidat notaire comprend:
« Le Code civil ;
« Les lois organiques du notariat et les lois financières qui s'y rattachent.
« La rédaction des actes en langue française. Les récipiendaires pourront, en outre, être admis à justifier de leur aptitude à rédiger des actes en flamand ou en allemand. »
M. de T'Serclaes propose l'amendement suivant :
« Rédiger le dernier paragraphe comme suit :
« La rédaction des actes en français, et, si le récipiendaire le demande, la rédaction des actes en flamand ou en allemand. »
M. de Breyne propose l'amendement suivant :
« Rédiger le dernier paragraphe comme suit :
« « La rédaction des actes en français, en flamand ou en allemand, au (page 624) choix des récipiendaires. Ils pourront, en outre, être admis à justifier de leur aptitude à rédiger des actes dans les deux autres langues usitées dans le pays. Cette aptitude sera constatée dans le certificat de capacité. »
M. Van Overloop. - Je suis autorisé par l'honorable M. de T Serclaes à déclarer qu'il se rallie à l'amendement de l'honorable M. de Breyne.
M. de Breyne. - Messieurs, avant de présenter quelques observations sur l'article 17, je veux vous faire partager certaine impression qu'a produite sur moi un des discours de l'honorable député de Bruxelles qui siège sur ce banc et qui, par sa position dans l'enseignement supérieur, mérite de captiver notre sérieuse attention.
L'honorable M. Orts, dans la séance d'avant-hier, a fait comprendre que l'étudiant encore jeune, qui sort de l'université muni d'un diplôme de docteur en droit, est loin d'être un avocat consommé ou un jurisconsulte parfait. D'après mon expérience personnelle, a dit l'honorable membre, il doit continuer ses études, faire un stage, s'initier à la pratique, s'il ne veut pas, dans l'exercice de sa profession, rencontrer, à chaque instant, un obstacle insurmontable. Je ne puis pas citer textuellement les paroles de l'honorable membre, mais c'est là le sens des idées qu'il a soumises.
Eh bien, quand j'ai entendu parler de stage, de connaissances pratiques, je me suis demandé : D'où vient-il que dans le projet de loi en discussion pour ce qui regarde le notariat, on prévoit tout ce qui est relatif à la théorie et qu'on semble négliger complètement tout ce qui a rapport à la pratique ?
Les notaires ont-ils moins besoin de connaissances pratiques que les avocats ? Les affaires qui leur sont confiées sont-elles moins dignes d'intérêt ?
Voilà des questions très sérieuses qui méritent d'être examinées.
Pourquoi ne trouve-ton pas dans le projet de loi une trace des conditions pratiques qu'on exige du notaire ?
On me répondra, peut-être, que la loi sur le notariat contient des dispositions à cet égard ; mais comme je crois que cette loi ne tardera pas à être révisée, je demande (je ne fais pas de proposition, c'est une simple observation que je présente), je demande s'il ne conviendrait pas d'insérer dans le projet de loi la condition des connaissances tant théoriques que pratiques à exiger des aspirants aux fonctions de notaire ? J'appelle sur cet objet toute l'attention de M. le ministre et surtout celle de tous les hommes pratiques qui siègent dans cette enceinte.
Maintenant, en ce qui concerne mon amendement au dernier paragraphe de l'article 17, voici les raisons pour lesquelles je l'ai proposé.
En examinant l'article 17 et en le confrontant avec l'article 8, il m'a semblé qu'il y avait discordance entre ces deux articles.
En effet, aux termes du dernier paragraphe de l'article 17, le candidat notaire doit rédiger un acte en langue française ; il peut, en outre, être admis à justifier de son aptitude à rédiger des actes en flamand ou en allemand. Or, d'après l'article 8, le récipiendaire qui se présente pour l'épreuve préparatoire à l'examen de candidat notaire, doit prouver notamment qu'il connaît la langue française ou la langue flamande. Il n'y a donc pas de corrélation entre ces deux articles qui renferment une véritable confusion.
Messieurs, je suppose un jeune homme de la Flandre, qui, après avoir fait sa rhétorique, se présente devant le jury pour subir l'épreuve préparatoire.
En vertu de l'article 8 il fait choix du flamand, est reçu comme connaissant parfaitement cette langue, rentre dans sa province et se met au service d'un patron résidant dans un canton rural. Dans cette étude toutes les affaires se traitent en flamand ; aucun acte ne s'y passe en français.
Le jeune homme fut son stage, et se prépare à subir son examen de candidat. Plus tard se présentant devant le jury pour recevoir le grade de candidat, la première chose qu'on lui impose, c'est de formuler un acte en français conformément à l'article 17 du projet en discussion. Il me semble que cela n'est pas conforme à la logique et que lie deux articles 8 et 17 forment une complète opposition entre eux.
J'ai cherché dans le rapport la signification de l’article 17, et je trouve que la section centrale pense qu'il est nécessaire que le notaire connaisse les langues usitées dans son ressort. J'adopte ce principe. Mais quelle est la conclusion qu'on en tire ? La conclusion de la section centrale est que le candidat notaire devra rédiger un acte en français. Quant à moi, j'ai une manière de raisonner tout autre, et j'en tire la conséquence suivante :
Le candidat notaire rédigera un acte dans les langues usitées dans son ressort.
Je suis persuadé que ma proposition est beaucoup plus logique que celle que je combats en ce moment.
Il est évident, messieurs, que si l'on avait conclu, comme je le fais, conformément à la raison, il est évident qu'on aurait imposé à certaines personnes une obligation qu'elles ne pourraient pas remplir. Il en résulte en outre que pour les habitants du Hainaut, du pays de Liège, etc., candidats notaires ou notaires, on arrêterait le cours de leur carrière, en leur fermant la porte de la capitale et de quelques autres communes importantes du pays où les deux langues sont en usage.
Messieurs, moi je vais plus loin. Je demande, par mon amendement, que le candidat soit obligé de rédiger, non pas exclusivement en langue française, mais en l'une des trois langues usitées dans le pays, au choix du récipiendaire. Je demande, de plus, que la loi lui laisse la faculté de faire preuve d'aptitude dans les deux autres langues. Je suis convaincu, messieurs, que ma proposition est beaucoup plus libérale que ce qui se trouve dans le projet, et par conséquent plus conforme à nos institutions et à nos libertés.
Il doit être loisible à celui qui se présente comme candidat notaire, de pouvoir dire : « J'ai fait mes études dans une des langues usitées dans le pays, je viens passer un examen dans ma langue de prédilection et faire preuve de connaissances dans les autres ou dans l'une des autres. »
Je crois, messieurs, qu'on ne connaît pas assez ce qui se passe dans les Flandres relativement à l'usage de la langue flamande. Il y en a beaucoup, peut-être, qui pensent que dans les Flandres les notaires continuent à passer leurs actes en français. Qu'ils se détrompent ! Toutes nos affaires sont traitées en flamand ; tous nos actes sont rédigés en flamand, et si je pouvais citer mon expérience personnelle, je vous dirais que depuis 35 ans que je fais partie des administrations publiques, jamais dans ma ville natale, je n'ai signé, ni pour moi ni pour les autres, un acte rédigé en français.
Eh ! messieurs, nous autres Flamands, nous ne demandons que le droit le plus légitime du monde, le droit de la liberté ; nous ne voulons imposer notre langue à qui que ce soit ; mais à notre tour, nous ne voulons pas non plus qu'on nous impose une langue étrangère ! Nous ne formons qu'un désir, c'est celui de pouvoir nous servir de la langue de nos pères ! Telle est l'opinion de l'honorable M. Delfosse, comme il nous l'a exprimée hier avec sa franchise ordinaire ; telle est aussi notre opinion.
J'ajouterai encore qu'il ne faut pas qu'on nous fasse reculer de cinquante ans. Nous ne voulons pas que dans les Flandres, comme sous le premier empire, les actes soient rédigés en français. Car quel en était le résultat ? Que souvent aucune des parties, pas plus que les témoins, ne comprenait la langue dans laquelle l'acte était rédigé. Ainsi un contrat de mariage se faisait en français ; très souvent les époux n'en comprennent pas les stipulations. Un bail était écrit en français. Je veux bien admettre que le propriétaire connût cette langue ; mais le fermier ne la connaissant pas, ne savait ni ce qu'il lui était permis ni ce qu'il lui était interdit de faire.
Un bourgeois achetait une maison, un homme de la campagne achetait un coin de terre, plus tard lorsqu'ils voulaient examiner leurs titres, l'un pour une contestation de mur mitoyen, l'autre pour une servitude, il n'avaient pas la satisfaction de pouvoir les comprendre eux-mêmes. Ils devaient s'adresser à un notaire ou à un avocat. Il est incontestable que ce régime ne peut plus revenir ; le vrai Flamand ne le souffrirait pas.
Le législateur, messieurs, doit laisser aux habitants de chaque pays la faculté de faire passer leurs actes dans la langue qui leur est propre, dans leur langue maternelle.
Pour me résumer, messieurs, je laisse, par mon amendement, le choix au récipiendaire de rédiger l'acte prescrit en exécution de l'article17, dans une des trois langues usitées dans le pays, savoir le français, le flamand et l'allemand. Je lui donne en outre la faculté de faire preuve de son aptitude à rédiger dans les deux autres langues.
Enfin je demande que dans le procès-verbal de l'examen, ou dans le diplôme, ou dans le certificat, on fasse mention de la langue dans laquelle le récipiendaire a donné des preuves d'aptitude.
J'ai entendu avec plaisir M. le ministre de l'intérieur déclarer qu'il se ralliait à mon amendement. Je l'en remercie.
M. Tack. - Messieurs, j'ai présenté, conjointement avec l'honorable M. Lelièvre, un amendement à l'article 17 en ce moment en discussion. Cet amendement a pour but de faire dispenser les docteurs en droit qui aspirent au grade de candidat notaire, de l'examen sur le Code civil. Il m'a paru inutile d'astreindre les docteurs en droit à subir, à diverses reprises, le même examen. C'est ce qui arriverait si la rédaction de l'article 17 n'était point modifiée.
Il y a lieu de faire observer d'abord que le docteur en droit a produit un certificat par lequel il a justifié avoir fréquenté avec fruit, en candidature, le cours de droit civil élémentaire et l'introduction historique an droit moderne. Il faut ensuite remarquer que le docteur en droit a subi un examen approfondi ou semi-approfondi sur toutes les parties indistinctement du Code civil.
La décision du jury d'examen doit être assimilée, selon moi, à un jugement en dernier ressort qui a pour lui la présomption de la vérité. Il ne faut pas que la sincérité ni la valeur du diplôme puissent être remises en question.
Il y aurait même un grave inconvénient à ce que des décisions contradictoires intervinssent sur le compte du même récipiendaire en ce qui touche son aptitude. Il ne faut point, après que le jury pour le doctorat a déclaré que le récipiendaire a fourni des preuves de capacité en droit civil, que le jury pour le grade de candidat notaire puisse venir déclarer le contraire. Au surplus, la Chambre a déjà pris une décision analogue à celle que je lui propose d'adopter ; elle a, en effet, admis que le docteur en droit n'est pas, comme le candidat notaire, obligé de subir l'épreuve (page 625) préparatoire sur le latin, le français, le flamand, l'algèbre et la géométrie plane, par le motif que ces diverses branches sont comprises dans l'examen de candidat en philosophie et lettres. Pour être conséquente, nous devons au même titre exempter le docteur en droit de l'examen sur de Code civil.
Je n'entrerai pas dans de plus longs développements, la question me paraissant résolue d'avance.
M. de Muelenaere. — Je suis grand partisan de la langue flamande. Je désire beaucoup qu'on encourage l'élude de cette langue. Cependant je ne puis appuyer l'amendement qui vient de vous être proposé par l'honorable M. de Breyne, et je pense que, dans l'intérêt même des jeunes gens qui se destinent au notariat, il faut conserver la disposition proposée par la section centrale.
D'abord, il est évident qu'un notaire doit connaître les langues usitées dans son ressort. Il est même indispensable que ces langues lui soient assez familières pour qu'il puisse rédiger les actes indifféremment dans l'une ou l'autre de ces langues. Mais malgré ce que vient de dire l'honorable préopinant, je dois cependant déclarer que beaucoup d'actes importants, je ne dis pas dans les campagnes mais dans les grandes villes des Flandres, sont encore rédigés en français. Les testaments dans la haute classe de la société sont souvent rédigés dans cette dernière langue.
Ce que je redoute, ce n'est pas que le candidat qui se destine au notariat dans l'une ou l'autre contrée des Flandres ne sache pas suffisamment rédiger en flamand, mais qu'il ne connaisse pas assez bien la langue française pour rédiger des actes d'une grande importance d'une manière convenable.
Le candidat a appris la langue flamande dès sa première jeunesse ; cette langue a fait partie de son instruction primaire et il a déjà contracté l'habitude de la rédaction en flamand dans l'étude de son patron. Mais il est beaucoup de notaires qui rédigent les actes avec plus de difficulté dans une langue étrangère.
Or, vous savez de quelle importance il est dans certains actes et surtout dans les testaments, que les notaires connaissent parfaitement la langue dans laquelle le testateur dicte ses dernières volontés. S'il est facultatif au récipiendaire d'indiquer lui-même la langue dans laquelle il voudra rédiger les actes qui lui seront proposés à l'époque de son épreuve, il est évident que beaucoup de candidats seront très enclins à négliger l'élude de la langue française et à se livrer exclusivement à la rédaction en langue flamande. C'est cet inconvénient que je voudrais éviter.
Je ne veux imposer la langue française à personne dans les communes des Flandres. Chacun sera toujours libre de choisir la langue dans laquelle il voudra que ses conventions soient rédigées.
Mais il faut cependant que le notaire soit capable de rédiger dans les deux langues usuelles, la langue française et la langue flamande.
Pour forcer donc les élèves à s'appliquer à l'étude de la langue française et surtout à une rédaction nette, régulière et correcte dans cette langue, il faut maintenir, me semble-t-il, l'obligation qui leur a été imposée par la section centrale de rédiger un acte en français.
Pour le surplus, il me semble que la disposition présentée par la section centrale est fort sage. Le récipiendaire pourra être admis à justifier de son aptitude à rédiger les actes en flamand, s'il appartient aux provinces flamandes, et en allemand, s'il appartient à une de ces provinces où l'allemand est en usage. Mais dans toute hypothèse, je crois que dans l'intérêt des études et surtout dans l'intérêt des jeunes gens, il est très important de conserver l'obligation pour le candidat de savoir rédiger des actes en français.
Le candidat d'ailleurs, qui aspire à la place de notaire dans un canton flamand, devra, aux termes de l'article 36 du projet, justifier devant le jury delà connaissance de la langue flamande.
Vous voyez qu'on s'est attaché à faire droit à toutes les exigences raisonnables, à toutes les nécessités.
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, à entendre le discours de l'honorable M. de Breyne, j'ai cru que la section centrale était accusée de vouloir établir en Belgique le régime français sous l'empire duquel les notaires devaient rédiger tous les actes en français. Telle n'a jamais été ma pensée.
M. de Breyne. - J'ai seulement voulu faire connaître ce qui s'est passé et ce qui se passe en France.
M. de Theux. - Je dirai que j'ai été souvent dans le cas de voir des notaires, soit dans les Flandres, soit dans la province de Limbourg, et, pour mon compte, je n'en ai jamais rencontré qui ne sussent rédiger des actes en français.
Je crois, messieurs, que ce que propose la section centrale est tout à fait dans l'intérêt de provinces flamandes.
Il importe qu'un jeune homme des provinces flamandes sache bien rédiger en langue française non seulement pour les hypothèses qu'a signalées avec beaucoup de vérité l'honorable comte de Muelenaere qui doit connaître la situation des Flandres, puisqu'il a exercé les fonctions de procureur du roi et les fonctions de gouverneur dans l'une de ces provinces.
Mais, messieurs, il est impossible qu'un notaire ignore le français, puisqu'il doit subir un examen sur le droit civil. Or, je voudrais bien que quelqu'un, dans cette Chambre, me citât un cours de droit civil en flamand. Si quelqu'un peut me citer une localité quelconque où le droit civil a été étudié en flamand, je pourrai donner gain de cause à l'honorable M. de Breyne. Mais je crois que cela ne s'est jamais vu.
Je pense qu'aujourd'hui dans les Flandres, pas plus que dans le Limbourg, il n'existe personne qui reçoit quelque éducation, qui n'apprenne la langue française. Cela va même plus loin : le simple paysan apprend la langue française dans la plupart des écoles primaires.
Mais ce que la section centrale a eu en vue, c'est d'engager par cette disposition, d'une manière toute particulière, les jeunes notaires à s'appliquer à la rédaction française pour que les actes qu'il rédigera ne présentent pas des ambiguïtés qui sont souvent des sources de procès. C'est pour cela qu'elle a demandé que l'épreuve sur la rédaction des actes se fît en langue française.
En outre, la rédaction pourra se faire en langue flamande si le candidat le désire, pour satisfaire à la prescription d'un autre article, de l'article 38, où il est dit que nul ne peut être notaire dans un canton où la langue flamande est partiellement usitée, s'il ne connaît la langue flamande.
Voilà une véritable concession faite aux provinces flamandes, une nouveauté qui a été introduite dans le projet et qui est dans l'intérêt des populations flamandes.
Je ne vois donc pas qu'il y ait rien d'exorbitant dans la disposition de l'article 38. Je crois que cet article est complètement dans l'intérêt des provinces flamandes et dans l'intérêt des habitants les plus notables qui désirent faire rédiger leurs testaments ou d'autres actes importants en langue française.
Quant à l'amendement des honorables MM. Lelièvre et Tack, c'est de droit. Il est certain que le docteur en droit a subi un examen sur le droit et qu'on ne peut lui en faire subir un second pour l'exercice de la profession de notaire qui est infiniment en dessous de celle de magistrat ou d'avocat.
Sous ce rapport donc, cette disposition ne peut rencontrer d'objection.
Je n'en dirai pas davantage. Je crois que la section centrale a opéré tout à fait dans l'intérêt des habitants des provinces flamandes.
M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable comte de Muelenaere nous dire que dans les grandes localités presque tous les actes de quelque importance étaient rédigés en français. J'aurai l'honneur de dire à la Chambre que conformément à ce que vient de faire connaître l'honorable M. de Breyne dont je partage entièrement la manière de voir, il y a des localités où les notaires sont obligés de rédiger tous leurs actes en flamand ; et c'est surtout pour les actes de vente des propriétés immobilières qu'il est de la plus haute importance que les notaires emploient la langue flamande.
Ce n'est pas pour les acheteurs qui le plus souvent sont de grands propriétaires, que cela est nécessaire, mais c'est pour les vendeurs. Or vous ne voudriez certainement pas que les vendeurs n'eussent pas une connaissance parfaite des actes qu'ils passent.
Il serait donc très fâcheux que les notaires établis dans nos campagnes ne continuassent pas à rédiger par continuation leurs actes en flamand. L'honorable M. de Breyne vous a signalé les inconvénients pour les actes de baux, entre autres.
Messieurs, il y a dans nos provinces une classe nombreuse, et je dirai même que c'est la généralité de nos petits cultivateurs qui ne connaissent pas la langue française, mais qui cependant savent lire et écrire et ont besoin de consulter leurs actes de baux. Si ces actes ne sont pas rédigés en flamand, ils doivent avoir recours à un notaire ou à un particulier qui connaît cette langue pour se faire expliquer les conditions de leur bail. Vous, comprenez que ce serait là un grave inconvénient.
Je dis donc avec l'honorable M. de Breyne, qu'il est essentiel que les notaires de nos campagnes sachent le flamand.
Je rencontrerai une autre observation de l'honorable comte de Muelenaere. Il vous a dit que les candidats notaires de nos provinces flamandes avaient déjà appris le flamand dans les écoles primaires. C'est là une erreur. Il y a beaucoup de jeunes gens qui, lorsqu'ils ont fait leurs études de notariat et ont été stagiaires dans les villes, ne possèdent pas la langue flamande. Car il ne suffit pas de savoir parler le flamand tel que le parlent les verdurières et le peuple, il faut connaître la langue flamande qui s'écrit, il faut savoir apprécier le sens et la signification des termes et des expressions dont on fait usage.
Messieurs, la langue flamande est une des plus riches des langues modernes, mais il faut la comprendre ; et la rédaction des actes en flamand exige des connaissances toutes spéciales qu'on n'apprend pas dans les écoles primaires. Il est donc essentiel que le candidat-notaire sache rédiger les actes en flamand et dans un bon flamand, dans des termes qu'il comprenne lui-même et dont il apprécie toute la portée. Car c'est souvent par suite de l'emploi de termes impropres que la rédaction des actes donne lieu à des procès et à des difficultés qui entraînent de graves conséquences pour les parties intéressées.
Je crois donc que les observations de l'honorable M. de Breyne sont très fondées et qu'elles doivent être prises en sérieuse considération par la Chambre.
J'appellerai encore l'attention de la Chambre sur un autre point qui concerne les notaires. Autrefois les notaires savaient tous lire les anciennes écritures. Aujourd'hui il paraît qu'on n'exigera plus que les notaires sachent lire les écritures du moyen âge, les écritures de 1500 et (page 626) de 1600, qui sont cependant illisibles pour tous ceux qui n'en ont pas fait une étude spéciale ; je crois qu'il en résultera de graves inconvénients pour l'avenir. Les notaires sont souvent appelés pour des liquidations, dans des mortuaires ; qu'arrivera-t-il s'ils ne savent pas lire des actes qui contiennent des servitudes actives et passives, des actes qui sont du plus grand intérêt pour les familles ?
Je crois donc qu'il faudrait étendre les matières de l'examen non seulement à la rédaction des actes en flamand, mais aussi à la lecture des actes anciens ; les notaires doivent au moins savoir lire ce que leurs prédécesseurs ont écrit.
M. Rodenbach. - J'appuie les observations qui ont été faites par l'honorable comte de Theux et par l'honorable comte de Muelenaere. La langue française est la langue la plus universelle, une langue de civilisation qui est parlée peut être par 200 millions d'âmes. Les notaires qui n'ont pas la grande habitude de rédiger en langue française devraient s'exercera acquérir cette habitude. Je ne connais du reste pas un seul notaire en Belgique, et j'en connais un nombre considérable, qui ne sache le français. Je sais bien qu'il y en a qui tiennent à rédiger leurs actes en flamand. Mais les parties auront la faculté de demander que les actes soient rédigés dans la langue qui leur convient.
Je crois d'ailleurs qu'il entre dans l'éducation d'un jeune homme qui fait des études universitaires, que c'est un devoir pour lui de posséder la langue française, qui, je le répète, est parlée par plus de 200 millions d'hommes ; elle n'est pas seulement une des langues les plus répandues, mais aussi la langue de la diplomatie, parce qu'elle est claire.
Messieurs, je suis un grand partisan de la langue flamande qui est parlée dans notre pays par deux millions et demi d'hommes, et à diverses reprises j'ai appuyé dans cette enceinte un grand nombre de pétitions en faveur de ma langue maternelle. Mais je crois que les jeunes gens qui veulent exercer les importantes fondions de notaire doivent savoir rédiger correctement en français et en flamand.
M. Dellafaille. - Les observations que vient de faire l'honorable comte de Muelenaere en faveur de l'examen à passer en langue française par les candidats-notaires appartenant aux provinces flamandes, militent en faveur de l'examen à passer en flamand par ces mêmes candidats. Ces candidats seront un jour appelés à instrumenter dans les provinces flamandes. S'ils se trouvent en présence de personnes qui veulent dicter leurs volontés testamentaires en flamand, comment voulez-vous, s'ils n'ont pas une connaissance parfaite de la langue flamande, qu'ils les comprennent ?
Si l'on veut faire pour les populations flamandes, ce que l'on fait pour les populations françaises, si l'on veut mettre ces populations sur un pied parfait d'égalité, on doit exiger des candidats appelés à instrumenter dans les Flandres, ce qu'on exige des candidats appelés à instrumenter dans les parties du pays où l'on ne parle que le français. On doit donc leur faire subir un examen qui prouve leur intelligence complète de la langue flamande.
Je demande donc qu'on exige des candidats notaires qui se destinent à instrumenter dans les provinces flamandes, la preuve qu'ils savent rédiger des actes en langue flamande.
M. de Theux. - L'article 36 y pourvoit.
M. Dellafaille. - Si l'article 36 fait complètement droit à cette observation, je n'insiste pas. Mais, je croyais que la disposition dont je parle pouvait trouver ici sa place. Puisque vous dites que l'on exigera des récipiendaires la rédaction des actes en langue française, on aurait pu ajouter : et pour les candidats qui se destinent aux provinces flamandes la rédaction des actes en langue flamande.
M. de Theux. - On pourra examiner à l'article 36 si la rédaction est suffisante.
M. Landeloos. - D'après la Constitution, l'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif. Le Congrès national a donc placé sur la même ligne toutes les langues qui sont usitées dans notre pays.
Si on s'en tient au projet présenté par le gouvernement, on doit reconnaître que le gouvernement n'a voulu apporter aucune modification aux droits qui sont attribués à tous les Belges en vertu de l'article 23 de la Constitution. Mais la section centrale a voulu apporter des restrictions à ce droit.
Le projet du gouvernement contenait simplement la disposition suivante : « l'examen de candidat notaire comprend (…) la rédaction des actes. »
Il accordait, par conséquent, à chaque récipiendaire le droit de se faire examiner sur son aptitude, en ce qui concerne la rédaction des actes, soit qu'il les rédige en flamand, soit qu'il les rédige dans une autre langue usitée dans le pays. Mais la section centrale a apporté à cette faculté une restriction ; elle veut, qu'en règle générale, on exige du récipiendaire la preuve qu'il peut rédiger un acte en langue française: ce n'est que par exception que la section centrale veut accorder le droit au jury d'autoriser le récipiendaire à rédiger un acte, soit en langue flamande, soit en langue allemande,
Eh bien, c'est cette disposition que je viens combattre, et à mon tour je viens soutenir l'amendement de l'honorable M. de Breyne, ou tout au moins je viens appuyer le projet primitif du gouvernement.
Le gouvernement laissait au récipiendaire le droit qu'il tient de l'article 23 de la Constitution, de rédiger un acte en langue française ou en langue flamande.
« Mais, dit-on, la langue de la civilisation est actuellement la langue française. D'autre part, dit l'honorable M. de Theux, il est hors de doute qu'un cours de droit civil ne se donne qu'en français ; dès lors, il est évident que celui qui se présente à l'examen de candidat-notaire doit connaître la langue française, car il n'aurait pas pu suivre un cours de droit civil, s'il n'avait pas connu à fond la langue française. »
On ajoute encore : « Il est de toute nécessité que celui qui se destine à la carrière de notaire connaisse la langue française, attendu que tous les actes importants se rédigent en cette langue ; or, il pourrait fort bien arriver que celui qui serait chargé de rédiger un tel acte, ne connaissant pas la portée d'un terme français, donnât lieu à un procès. »
Mais, je le demande : en Campine, en Flandres, où la plupart des actes, quoi qu'on en dise, sont rédigés en langue flamande, les mêmes inconvénients ne se rencontrent-ils pas, si celui qui est chargé de rédiger un acte en flamand ne comprend pas la portée des expressions flamandes qu'il emploie dans la rédaction d'un acte qu'il est chargé de formuler ?
Mais ces inconvénients seront beaucoup plus graves si on exige purement et simplement du récipiendaire qu'il connaisse la langue française, et quand on le nommera notaire dans une province ou dans un arrondissement où la langue française est pour ainsi dire ignorée, où sur 100 actes, il en est 99 qui sont rédigés en flamand ; eh bien, ces 99 actes sont exposés à être discutés devant les tribunaux, même à être annulés, faute par le rédacteur de ces actes de connaître complètement la valeur des termes qu'il aura employés.
Je crois donc qu'il faut laisser une grande latitude aux récipiendaires qui se présentent pour subir l'examen de candidat-notaire ; je crois qu'il faut se tenir religieusement à la disposition constitutionnelle qui statue que l'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif.
Si l'on adopte, au contraire, le système de ceux qui prétendent que les actes doivent être nécessairement rédigés en français, ou si même par exception on accorde la faculté de les rédiger en flamand, il s'ensuivra qu'on placera la langue flamande dans un état d'infériorité, relativement à la langue française.
Par ces motifs, je crois devoir soutenir le projet du gouvernement, projet qui consiste à exiger purement et simplement de la part de l'aspirant au grade de candidat-notaire la rédaction d'actes, et qui lui accorde dès lors, implicitement le droit de rédiger ces actes en langue flamande ou en langue française.
Messieurs, une dernière observation. On a fait valoir cette considération, que ceux qui se destinent à cette carrière sont obligés d'étudier le droit civil en langue française. Eh bien, s'il en est ainsi, et puisque le candidat doit subir un examen sur le droit civil, il aura déjà démontré une connaissance suffisante de la langue française, lorsqu'il aura subi son examen sur le droit civil. Si même ce même candidat demande à être examiné sur la rédaction des actes en langue flamande, il démontrera une connaissance beaucoup plus forte que celle qu'on réclamerait de la part de ceux qui seraient purement et spécialement astreints à rédiger des actes en langue française.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, l'honorable M. Rodenbach vient de proclamer que la langue française est la langue de la civilisation. Je ne veux pas discuter ici cette question internationale. Mais je ferai remarquer à l'honorable membre que cette assertion, si elle était vraie dans un sens absolu, serait très peu flatteuse pour divers peuples du monde qui ne parlent pas la langue de Racine et de Bossuet ; elle serait aussi de nature à flatter peu les députés flamands qui siègent dans cette enceinte. Un assez grand nombre de nos électeurs, un nombre plus grand encore des habitants de mon arrondissement ne parlent pas le français ; on pourrait donc dire que nous sommes les représentants de populations peu civilisées, et je ne puis, modestie à part, admettre qu'il en soit ainsi. C'est là, du reste, une simple observation.
Quant à la question elle-même, je crois devoir appuyer l'amendement de mon honorable ami M. de Breyne. La section centrale, dit l'honorable M. de Theux, a fait beaucoup pour la langue flamande ; je pense qu'elle n'a pas fait assez ou, si l'on veut, qu'elle n'atteindra pas le but qu'elle a eu en vue.
On nous oppose l'article 36 du projet de loi ; mais cet article ne répond pas à l'objection qui a été soulevée par l'honorable député de Dixmude. Que dit cet article ?
Nul ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est usitée, s'il ne justifie devant le jury de la connaissance de cette langue ?
Or, ce n'est pas là ce que demande mon honorable ami ; il ne dit pas seulement ; Il faut qu'en Flandres notaires connaissent et parlent la langue flamande ; mais il demande que dans ces localités, les notaires soient à même de rédiger les actes de toute espèce en cette langue ; il y a là une très grande différence.
C'est parce que le projet de loi n'a pas cette portée que je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. de Breyne. Je n'insiste pas sur la nécessité qu'il y a, dans l'intérêt des populations flamandes, que les notaires résidant dans cette partie du pays, sachent rédiger leurs actes dans cette langue ; cette nécessité a été démontrée, mais je dis qu'il n'en est pas toujours ainsi.
Un grand nombre de notaires dans les Flandres, tout en comprenant la langue qui y est usitée et en la parlant, en usent peu dans l'exercice de leurs fonctions.
L'honorable comte de Muelenaere vient de nous le dire et a affirmé (page 627) que la plupart des actes dans les Flandres sont encore rédigés en français ; et pourquoi en est-il ainsi ? Parce que la plupart des notaires font leurs études en français et qu'ils rédigent plus facilement peut-être en français qu'en flamand ; on ne doit donc pas craindre que le français soit pour ces fonctionnaires à l'état de langue morte. Ce serait une grande erreur, une injuste prévention. Je pense, messieurs, qu'il y a quelque chose de très utile à faire et je voterai pour l'amendement de mon honorable ami M. de Breyne.
M. Devaux. - Il me semble qu'il y a un véritable malentendu dans toute cette discussion. Je crois que si on avait bien compris l'article 36, elle ne se serait pas élevée. Que dit l'article 36 dans le paragraphe ajouté à ma demande par la section centrale ? Cette disposition, toute nouvelle, porte que nul ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est usitée, s'il ne justifie devant le jury de la connaissance de cette langue.
Maintenant quelle est cette connaissance suffisante de la langue flamande ?
L'article 17 vous le dit : le candidat justifie devant le jury de son aptitude à rédiger les actes, en flamand.
Cela vaut assurément mieux que ce que demande l'honorable M. Landeloos. Il demande le maintien de l'article du gouvernement, qui dit: La rédaction des actes sans spécifier en quelles langues.
Or, comment les choses se passent-elles ? Je n'oserais l'affirmer ; mais je suis très disposé à croire que jusqu'ici on n'a pas fait rédiger un seul acte en flamand par des candidats notaires ; comme le jury siège à l'université et que l'enseignement s'y donne en français, toutes les épreuves, je pense, s'y font en français.
Si la section centrale n'avait pas ajouté une disposition en faveur du flamand, celle du gouvernement, dont M. Landeloos demande le maintien pur et simple, aurait continué à être exécutée comme elle l'a été jusqu'à présent.
Il ne s'agit pas de forcer à parler une langue quelconque, mais de faire en sorte que les notaires qui sont appelés à instrumenter dans un canton où l'on parle le flamand connaissent l'usage de cette langue. Quant au flamand donc, la section centrale, MM. de Breyne et Landeloos sont d'accord, il n'est pas besoin, pour cette langue, d'amendement nouveau.
Il n'y a de dissidence que pour le français. Faut-il, comme le veut la section centrale, que le notaire flamand sache rédiger en français ou veut-on l'en dispenser ? Remarquez que si on l'en dispense, on l'exclut en quelque sorte des cantons où la langue française est plus ou moins usitée.
En effet, pour mettre les deux langues sur le même pied, quand nous arriverons à l'article 36, on va nécessairement demander, comme conséquence de la disposition de la section centrale, un paragraphe additionnel portant que nul ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue française est usitée, s'il n'a justifié devant le jury de son aptitude à rédiger des actes dans cette langue.
Il y aurait alors deux classes de notaires tout à fait distinctes ; je ne sais si ce serait avantageux aux candidats notaires et notaires des Flandres qui ne pourraient passer d'un canton rural où l'on ne parle que le flamand dans une ville où le français est également usité, s'ils n'ont subi un examen sur le français.
On a allégué la Constitution en ce qui concerne la liberté des langues ; cette liberté est complète pour les citoyens, mais le notaire est un fonctionnaire public et on peut, sans porter atteinte à la Constitution, attacher certaines conditions à des fonctions publiques.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je demande à dire deux mots : Je suis convaincu que la section centrale a eu d'excellentes intentions, qu'elle a voulu sauvegarder les droits des candidats notaires appartenant aux provinces flamandes, mais je ne crois pas qu'elle y ait réussi.
S'agit-il ici de savoir si les candidats savant le français ou le flamand ? Pas du tout ; c'est à l'article 8 que se présentait cette question. C'est dans l'examen prescrit par cet article, qu'on a constaté la connaissance des langues, du français ou du flamand, suivant le choix qu'on a fait.
Ici, il s'agit de la rédaction des actes. Il faut donc constater l'aptitude à rédiger des actes, indépendamment de la question des langues dans lesquelles ces actes peuvent être rédigés.
Pourquoi dès lors ne pas laisser à chaque candidat le moyen le plus convenable pour lui de prouver qu'il connaît le formulaire des actes et qu'il sait les rédiger ?
M. Tesch. - Vous avez dans le même canton des personnes qui parlent deux langues.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Peu importe. Nous n'avons à constater qu'une chose, c'est que le candidat notaire connaît le formulaire des actes. A cet effet, il faut mettre les candidats dans une position égale.
Un candidat qui a fait son stage dans une étude flamande n'a vu que des actes flamands, et ne devra passer pour ainsi dire exclusivement que des actes flamands ; n'est-il pas absurde de vouloir que ce candidat qui n'a jamais appliqué que le formulaire flamand ne puisse prouver son aptitude qu'en rédigeant selon un formulaire français ? Il faut avant tout respecter l'égalité de position pour chacun des concurrents.
De cette manière on ne fait ni violence ni tort à qui que ce soit. On laisse au candidat le choix de la langue dont il veut se servir de préférence, pour prouver qu'il possède les connaissances nécessaires pour rédiger des actes. Plus tard ce sera la clientèle qui décidera la langue dans laquelle il devra faire ses actes, et par l'article 36, nous prenons des précautions suffisantes pour que le notaire nommé dans les provinces flamandes en connaisse la langue.
Il est convenable, nécessaire peut-être que le notaire, même dans les provinces flamandes, sache le français. Aussi les candidats flamands connaissent-ils tous le français. Ils ont étudié en français le Code civil et les lois organiques et financières relatives au notariat.
Mais laissez-leur la faculté de choisir l'une des langues usitées dans le pays pour prouver qu'ils savent rédiger un acte. Je veux respecter la liberté et l'égalité des candidats devant leurs examinateurs ; je ne vois à cela aucun inconvénient.
Toutes les autres considérations qu'on a fait valoir ici ne me semblent passe rapporter à l'objet en discussion.
Quant à l'amendement de MM. Lelièvre et Tack, je crois que nous sommes tous d'accord pour l'adopter.
M. de Theux. - Qu'il soit permis d'exiger d'un candidat notaire ou de toute autre profession, la connaissance des langues usitées dans le pays, cela n'est douteux pour personne. Nous avons déjà décidé que le notaire doit posséder la connaissance du latin, c'est très constitutionnel. Tout autre chose est l'emploi des langues. Une objection a été faite sur la rédaction de l'article 36, on voudrait que nul ne fût nommé notaire dans un canton où l'on parle flamand, s'il ne justifie pas de la connaissance de la rédaction des actes en flamand, je ne m'y oppose pas.
On a paru craindre que les Flamands ne sussent pas rédiger un acte dans leur langue. Si l'on veut cette garantie contre les candidats des provinces où l'on parle flamand et wallon, c'est dans la pensée de la section centrale et c'est devant le jury qu'on doit justifier de cette connaissance, qu'on doit faire cette preuve, en vue du but pour lequel la disposition a été votée. Pour éviter toute équivoque, on pourrait dire : S'il ne justifie de son aptitude à rédiger des actes en langue flamande.
Maintenant, cette justification peut se faire pour les habitants des provinces wallonnes de deux manières: ou au premier examen, ou lorsqu'il viendra à postuler une place de notaire dans les provinces flamandes.
M. Tesch. - Je crois que l'amendement de la section centrale donne satisfaction à l'intérêt du public, tandis que l'examen de l'honorable M. de Breyne ne donne satisfaction qu'à l'intérêt des candidats-notaires. Entre ces deux intérêts, je donne la préférence à l'intérêt du public.
Il est indispensable pour le public qu'un notaire connaisse les langues qui se parlent dans le canton. Or, il n'y a pas de partie du pays où l'on ne parle soit le français seulement, soit le français et le flamand, soit le français et l'allemand. Il est donc indispensable que le candidat notaire connaisse le français s'il est placé dans les provinces wallonnes, et en outre le français et le flamand ou l'allemand s'il doit exercer dans des cantons où l'on parle soit le flamand, soit l'allemand ; si telles n'étaient pas les dispositions de la loi, si le candidat ne connaissait pas la valeur légale, juridique des expressions qu'il doit employer dans un acte français, l'intérêt des parties qui ne connaissent que cette langue serait sacrifié.
Si l'on admet l'amendement de l'honorable M. de Breyne, il est évident qu'il suffira de parler soit le flamand, soit l'allemand, pour être nommé notaire: et qu'adviendra-t-il notamment quand il s'agira de nommer dans des cantons où une partie de la population parle exclusivement le français, et l'autre l'allemand ?
Ainsi dans un des cantons de l'arrondissement qui m'a envoyé à la Chambre, il y a deux communes qui parlent français et quatre qui parlent allemand. Suffira-t-il que le notaire de ce canton parle l'allemand, sache rédiger un acte en allemand ? Dans ce cas, le canton ne serait desservi qu'à moitié.
Il faut donc adopter l'article de la section centrale qui dispose que tous les candidats devront justifier de la connaissance de la langue française, et que subsidiairement ils pourront être admis à justifier de la connaissance du flamand ou de l'allemand.
L'honorable ministre de l'intérieur fait remarquer qu'aux termes de la loi les candidats notaires devront connaître le français. Mais il est différent de connaître une langue et de connaître le formulaire, la valeur juridique des mots dans une langue.
Une autre raison pour que cette connaissance soit exigée en français au moment de l'examen, c'est que s'il en est autrement, lorsqu'un candidat qui aura passé son examen en flamand ou en allemand, voudra être nommé dans un canton français, vous serez bien forcés de lui demander la preuve qu'il sait rédiger un acte en français. Lui ferez-vous alors passer un second examen ? Si vous admettez l'amendement de l'honorable M. de Breyne, vous y serez forcés ou vous serez exposés à nommer un homme qui n'a pas les connaissances voulues. Et l'un et l'autre est inadmissible.
M. de La Coste. - L'amendement de l'honorable M. de Breyne me plairait assez comme étant la disposition la plus large. Mais il en résulterait qu'à l'article 36 il faudrait ajouter un paragraphe d'après lequel le notaire qui aurait préféré se borner au flamand ne serait pas apte à être placé dans un canton où l'on parlerait une autre langue. Il faudrait donc généraliser la disposition de cet article, qui deviendrait ainsi très compliqué ; car notez bien, messieurs, qu'il faut toujours considérer l'article en discussion en rapport avec l'article 36.
Si vous laissez la liberté au candidat flamand de ne rédiger les actes que dans sa propre langue devant le jury, il ne pourra, avec son diplôme, prétendre à être nommé dans un canton où l'on parle soit le français, soit les deux langues ; il sera confiné dans les cantons exclusivement flamands.
M. Verhaegen. - Ce n'est pas sur cette question que je désire parler.
Je veux demander à la section centrale ce qu'elle entend, à l'article 17, par le Code civil. Est-ce le cours de droit civil élémentaire comprenant l'introduction historique et l'exposé des principes généraux du Code civil ? Ou bien est-ce le cours divisé en deux années pour le premier et le second examen de doctorat en droit ? Je ne demande pas un changement à l'article. Je crois qu'une explication suffira pour en déterminer le sens.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Quand j'ai fait valoir, dans une séance précédente, la nécessité de conserver parmi les matières à certificats pour la candidature en droit, le cours de droit civil élémentaire, j'ai donné pour un des motifs que ce cours est indispensable pour les candidats notaires.
C'est donc sur le Code civil élémentaire que le candidat notaire devra être interrogé, comme il l'a été jusqu'ici.
M. de Theux, rapporteur. - Nous avons hier rangé le Code civil élémentaire parmi les matières à certificats.
Je pense que la question posée par M. Verhaegen ne doit pas être résolue d'une manière absolue par la Chambre ; la Chambre ne peut pas décider d'une manière absolue, si c'est seulement le droit civil élémentaire ou le droit civil approfondi. Je crois que l'examen de candidat notaire sur le droit civil doit être un examen sérieux sur toutes les matières que le notaire doit connaître pour ne pas compromettre les intérêts des parties. Je pense qu'il serait dangereux de dire ou que ce doit être le droit civil élémentaire ou que ce doit être le droit civil approfondi. La question me semble devoir être abandonné à l'appréciation du jury.
La chose dépend même en partie de la manière dont le droit civil élémentaire est enseigné. Par exemple le notaire doit connaître la matière des testaments, il doit connaître tout ce qui concerne le contrat de mariage et beaucoup d'autres contrats. Je le répète, messieurs, il faut s'en rapporter à l'appréciation du jury.
M. Verhaegen. - Messieurs, je me félicite d'avoir fait l'interpellation et je crois que la réponse donnée par M. le ministre de l'intérieur est la seule qui fût convenable. Je ne comprends pas qu'on puisse laisser la question à la discrétion du jury, car il faut bien que les élèves sachent sur quoi ils auront à répondre. Si la chose est abandonnée au jury, le jury pourra faire subir à l'élève un examen très approfondi.
Un notaire ne doit pas seulement connaître la matière des testaments et celle des contrats de mariage ; il doit connaître la vente, le contrat de. louage, les obligations, les hypothèques, la minorité, la tutelle, enfin tout le Code ; mais la question est de savoir s'il doit le connaître d'une manière élémentaire ou d'une manière approfondie.
(page 628) Quant à moi, je pense qu'il lui suffit de le connaître d'une manière élémentaire, et jusqu'à présent cet examen a été considéré comme suffisant. S'il en était autrement, il faudrait un troisième professeur pour les candidats notaires.
Je crois, messieurs, qu'il y aura, au second vote, un léger changement à introduire : depuis le vote d'hier, il faudra bien remettre l'histoire du droit civil à la place qu'elle occupait auparavant, Eh bien, ce cours, tel qu'il était établi dans le projet primitif du gouvernement, donné d'une manière convenable, pourra suffire aux candidats notaires car il est bien certain qu'on ne peut pas les astreindre à étudier le Code civil pendant deux ans.
Messieurs, le principe de la disposition que nous discutons en ce moment est de déterminer quelles matières doivent faire partie de l'examen ; nous ne pouvons donc pas laisser la question des candidats notaires à l'appréciation du jury. Autant vaudrait dire pour le doctorat : « Nous ne pouvons pas apprécier cela ; abandonnons la chose au jury. » Alors ne faisons pas de loi, et laissons tout à l'appréciation du jury.
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, j'ai été autorisé à demander que la question fût abandonnée au jury, parce que depuis 1835 la chose s'est passée ainsi, et qu'il n'en est résulté aucun inconvénient. Si vous vouliez déterminer législativement les connaissances que doit posséder un candidat notaire, quant à moi, je n'hésiterais pas à donner la préférence au droit civil approfondi, car avec le droit civil élémentaire un notaire ne serait pas à même de prévoir les difficultés auxquelles des actes peuvent donner lieu. Le notaire doit être le conseiller des parties ; il a souvent affaire à des personnes qui ne connaissent pas le Code civil et les parties vont rarement consulter un avocat sur la rédaction des actes qu'elles ont à faire ; c'est le notaire qui doit les éclairer.
M. de Breyne. - Messieurs, l'honorable rapporteur de la section centrale a dit : Je ne connais aucun endroit où l'on donne un cours de Code civil en flamand. Messieurs, ne perdons pas de vue la liberté d'enseignement. Est-ce que les élèves qui se destinent au notariat doivent nécessairement suivre les cours publics des universités ? D'après la loi que nous discutons, ils sont libres de faire leurs études chez eux. Or, messieurs, il existe plusieurs traductions du Code civil et je pourrais en citer une entre autres qui est extrêmement remarquable.
L'honorable comte de Theux a dit encore que dans un grand nombre de villages flamands on apprend aujourd'hui le français ; je suis tout à fait d'accord avec l'honorable rapporteur. Dans presque toutes nos grandes communes on enseigne le français ; j'ajoute que plus l'instruction primaire en flamand se développe, plus on sent le besoin d'apprendre le français.
L'honorable comte de Muelenaere reconnaît qu'à la campagne presque tous les actes sont rédigés en flamand, mais il dit que dans les villes les principaux actes sont passés en français. Messieurs, j'ignore ce qui se passe dans les grandes villes. J'ai parlé de ce qui se passait autour de moi.
L'honorable M. Rodenbach nous a parlé de la langue française, de celle langue d'après lui parlée par 200 millions d'hommes, de cette langue parlée par tous les diplomates ! Que sais-je !
Je vous déclare que j'aime beaucoup le français, que je suis fâché de ne pas en avoir fait une étude plus approfondie, mais je préfère de beaucoup ma langue maternelle. J'ajoute, pour rassurer l'honorable M. Rodenbach, que je ne suis pas en relation avec les diplomates et que je ne sais pas ce qui se passe entre eux.
Je maintiens donc mon amendement et je dis que son seul but est celui-ci : de ne pas faire de distinction entre les Flamands et les Wallons. Je réclame la liberté pour les deux langues ; je ne demande aucun avantage pour la mienne, mais je ne veux pas qu'on lui impose d'entraves. Je veux que tout le monde soit sur la même ligne et je crois d'accord avec l'honorable M. Landeloos, que cela est conforme à la Constitution et à l'usage de nos libertés. Prouvons donc cette fois encore que la Belgique est la terre classique de la liberté.
M. Rodenbach. - Deux honorables orateurs, l'un député d'Ypres et l'autre de Dixmude, ont fait entendre que j'aurais soutenu que l'on n'était pas civilisé lorsqu'on ne possédait pas la langue française. Je n'ai pas tenu un pareil langage, cela serait absurde. J'ai dit et je répète que la langue française est une des plus généralement répandues en Europe et je dirai même dans le monde entier. Car, je le dis de nouveau, il y a plus de 200 millions d'hommes qui parlent cette langue. Les étrangers les plus distingués et presque tous les auteurs en Europe, connaissent plus ou moins la langue française.
J'ai dit avec raison que c'est la langue de la diplomatie. C'est la langue la plus claire, la plus nette et qui présente le moins d'ambiguïté dans sa rédaction. C'est probablement pour cela que presque tous les diplomates ont adopté la langue française.
Je sais bien que beaucoup de nos électeurs ne savent pas le français. Mais ce n'est pas un motif pour ne pas chercher à répandre le plus possible la connaissance de cette langue. Nous ne devons pas oublier que la Belgique est sous tous les rapports un pays de civilisation, qui, depuis 1830, a prouvé qu'il marchait toujours en avant, qui a eu les premiers chemins de fer du continent et qui, voisin de deux grands peuples, la France et l'Angleterre, doit profiter de toutes les inventions, et saisir avec avidité tout perfectionnement dans les sciences, les arts et l'industrie.
M. Vandenpeereboom. - Il me semble que Flamands et Wallons sont plus prêts de s'entendre en cette circonstance qu'on ne semble le croire.
Les explications données par les honorables MM. Devaux et de Theux rapporteur de la section centrale, ont fait faire un grand pas sur le terrain de la conciliation.
Nous voulons, nous Flamands, que dans nos Flandres, tous les notaires sachent rédiger leurs actes en termes compris par nos populations, et nul ne contestera l'équité de cette exigence.
Il me semble donc qu'on devrait convenir dès à présent qu'une modification sera introduite dans l'article 36 du projet de loi et que l'on devrait dire : Nul ne pourra être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est usitée, s'il n'a justifié devant le jury qu'il sait rédiger des actes en cette langue.
Lorsque nous discuterons l'article 36, j'aurai l'honneur de présenter un amendement en ce sens et j'aime à croire que la Chambre le votera.
Il me reste un mot à répondre à l'honorable M. Rodenbach et nous serons encore d'accord ; car je lui dirai : Je pense comme vous, la langue française est une très belle langue, surtout quand on la parle correctement.
- La discussion est close.
L'amendement de MM. Lelièvre et Tack est mis aux voix et adopté.
La disposition proposée par la section centrale quant à la rédaction des actes est adoptée.
L'article 17, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 18 (projet du gouvernement). Les examens se font par écrit et oralement. »
La section centrale propose de rédiger cet article comme suit :
« Art. 18. Les examens se font oralement.
« Néanmoins, le jury peut, s'il est d'avis unanime, admettre le récipiendaire à un examen supplémentaire par écrit. »
M. de Naeyer. - le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à 1» rédaction de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Non, M. le président.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne puis pas admettre la proposition de la section centrale. Je préfère la disposition proposée par le gouvernement. Je désire qu'il y ait des examens écrits et des examens oraux, et je le désire dans l'intérêt des élèves. Car, messieurs, il y a beaucoup de jeunes gens qui réussissent peu à l'examen oral, parce qu'ils sont intimidés, et qui ont du succès dans l'examen par écrit, alors qu'en loge ils peuvent répondre froidement aux questions qui leur sont posées. Placés devant les examinateurs, ils se trouvent souvent embarrassés et ne peuvent pas déployer toutes les connaissances qu' ils possèdent.
Il est d'ailleurs, impossible, de faire dans un examen oral ce qu'on peut faire dans un examen par écrit, quant à certaines questions qui exigent quelques développements.
La France a emprunté à la Belgique le système des examens par écrit et elle s'en trouve bien ; pourquoi l'abandonnerions-nous ?
Le palliatif apporté par la section centrale ne signifie absolument rien ; s'il faut l'avis unanime du jury pour admettre un récipiendaire à un examen supplémentaire par écrit, cette unanimité n'existera jamais.
Du reste, les examens par écrit ne prennent pas beaucoup de temps : ils ne durent qu'un jour.
Je pense donc que, dans l'intérêt des élèves, il y a lieu de conserver les examens par écrit.
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a eu divers motifs pour proposer la suppression des examens par écrit. D'abord ces examens n'étaient en usage ni dans les anciennes facultés de droit, ni sous le régime du règlement universitaire de 1816.
Les examens par écrit ont été introduits principalement pour déjouer la fraude qui peut se commettre dans l'examen oral ; on a cru qu'il pouvait y avoir connivence entre le professeur et l'élève dans l'examen oral, si le professeur, par exemple, interrogeait l'élève sur des questions qu'il avait proposées.
Mais cette tentative de fraude peut être facilement prévenue ; dans les jurys combinés, la moitié des professeurs n'ont aucun intérêt à favoriser la fraude, ils ont même un intérêt opposé ; le président, de son côté, pour remplir sa mission, peut et doit empêcher la fraude. Si donc l'on a des motifs de croire qu'il y ait eu un concert préalable entre un professeur et un élève pour certaines questions auxquelles celui-ci doit répondre, d'autres examinateurs et le président sont là pour poser d'autres questions.
Mais dans l'examen écrit il n'y a pas de contrôle. Supposons, par exemple, que des professeurs fassent connaître à leurs élèves quelles sont les questions qu'ils se proposent de jeter dans l'urne ; elles sont tirées au sort ; c'est donc l'effet du hasard, si la fraude concertée aboutit ; mais enfin cela peut arriver, et alors il n'y a pas de contrôle.
Messieurs, il y a une autre fraude qui se pratique depuis longtemps et qui m'a été très souvent attestée : c'est que ces examens par écrit ne sont pas surveillés assez pour que l'élève ne puisse pas s'aider de quelques petits cahiers très sommaires, quelquefois même, sous l'un ou l'autre prétexte, on peut établir une communication au dehors ; cela s'est pratique très souvent ; toutes circonstances qui diminuent la valeur de l'examen. D'autres fois, on permet aux élèves de se servir de dictionnaires et d'autres livres encore.
Mais la raison capitale qui a déterminé la section centrale est celle-ci : (page 629) c'est que le double examen entraîne de graves inconvénients de deux natures. Il y a un examen par écrit pour une série d'élèves par semaine ; eh bien, tous les élèves appelés à l'examen écrit de la semaine doivent rester deux ou plusieurs jours dans une grande ville, en attendant leur examen oral. C'est là un inconvénient très grave pour les jeunes gens.
Le second inconvénient, c'est que les opérations des autres jurys en sont entravées et retardées. Et qu'arrive-t-il ? C'est que, d'une part, les examens se prolongeant pendant une grande partie des vacances et même souvent au-delà, les élèves sont tenus en suspens ; un grand nombre d'entre eux n'ont pas de vacances ; les professeurs sont également tenus en suspens et ne jouissent pas des vacances. Qu'en résulte-t-il ? Les cours universitaires s'ouvrent plus tard ; les professeurs sont peu disposés au travail ardu de l'enseignement, lorsqu'ils ont perdu leurs vacances. D'autre part, les élèves, qui ont aussi besoin de vacances, ne se présentent pas à l'ouverture des cours, comme ils devraient le faire.
Voilà certes des inconvénients très graves que ne compensent pas les avantages que peuvent présenter les examens par écrit.
On avait objecté que si l'examen oral se faisait en français, les élèves des provinces flamandes auraient plus de peine à répondre que les élèves des provinces wallonnes. On a répondu à cette objection que ceci n'était que spacieux, que les élèves des provinces flamandes avaient autant de facilité pour répondre oralement les élèves des provinces wallonnes ; qu'à cet égard on n'avait jamais remarqué dans le jury une différence d'aptitude chez les uns et chez les autres.
Voilà les raisons qui ont déterminé la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je viens défendre en quelques mots la rédaction, telle qu'elle a été proposée par le gouvernement, c'est-à-dire le maintien de l'examen par écrit que la section centrale propose de supprimer.
Quelles sont les considérations qu'on a fait valoir à l'appui de cette proposition ? L'honorable rapporteur vient de les énumérer. Je vais les passer brièvement en revue.
« L'examen par écrit, dit-il, peut prêter à la fraude. En effet, on a quelquefois insinué, car je ne sais si on a formulé l'accusation d'une manière bien précise, l'on a insinué que dans certains examens écrits il se commet des fraudes. En supposant que le fait fût vrai, il y aurait moyen de prévenir ces inconvénients.
Que se passe-t-il ? Les professeurs ne restent généralement pas à leur poste pendant les examens écrits. Les professeurs se relayent ; ordinairement un seul d'entre eux surveille l'examen par écrit. Or, c'est là un abus, tous les examinateurs doivent rester à leur poste, et de cette manière il est évident qu'on pourrait prévenir l'inconvénient qu'on a signalé, si tant est qu'il existe dans les proportions qu'on a indiquées.
Un autre inconvénient que l'honorable rapporteur a signalé, c'est que les examens par écrit allongent beaucoup la durée des sessions, que les professeurs ne jouissent pas de leurs vacances, que cela entraîne des dépenses plus considérables, les opérations du jury durant plus longtemps. Ce sont là des inconvénients sans doute, mais il faut les mettre en regard des avantages qu'on peut attendre d'un examen écrit. Avant tout, il faut faire en sorte que l'élève puisse prouver quelles sont ses connaissances, c'est pour cela que l'examen est institué. Il faut ne pas perdre de vue ce but essentiel de l'institution des examens. Pour y atteindre, il importe de laisser à l'élève le moyen le plus convenable et le plus complet de montrer ce qu'il sait. Une faut pas craindre non plus qu'il soit obligé de résider plus longtemps dans la localité où siège le jury. Cette obligation peut avoir des inconvénients à certain point de vue, mais elle a aussi ses avantages.
On considère généralement comme un avantage que l'élève puisse voir fonctionner le jury, assister à des examens, prendre connaissance du terrain sur lequel il va se trouver. C'est si vrai que quand le jury central siégeait à Bruxelles, il était reconnu comme un avantage pour les élèves de Bruxelles d'assister aux opérations du jury, avantage que n'avaient pas les jeunes gens étrangers à la ville de Bruxelles.
En supposant donc qu'il y eût quelque inconvénient attaché aux examens écrits, ils présentent aussi des avantages dont il importe de tenir compte dans l'appréciation de leur utilité.
Examinons rapidement ces avantages.
Une des conditions pour bien répondre, c'est qu'on sache bien ce qu'on demande.
Or, tout le monde reconnaît que dans les examens écrits, les questions étant bien posées, le jeune homme peut infiniment mieux répondre qu'à l'examen oral, où il est pris au dépourvu, où il n'a pas le temps de bien mûrir les questions et où par conséquent il peut moins facilement y faire une réponse adéquate. Dans l'examen écrit, l'élève a le temps de la réflexion ; dans le silence de la rédaction il n'est ni distrait, ni préoccupé ; il possède la plénitude de ses moyens. L'examen écrit offre donc une base plus certaine pour l'appréciation des connaissances du récipiendaire.
L'honorable M. Verhaegen a fait valoir un autre avantage de l'examen par écrit, c'est qu'il est favorable aux jeunes gens modestes et timides qui, pour avoir moins d'assurance, n'en ont pas pour cela moins de capacité réelle.
Les jeunes gens qui se présentent devant des professeurs presque toujours inconnus, sont naturellement intimidés ; ils ont dans l'examen écrit le moyen de prendre leur revanche. Il ne faut pas perdre de vue que ce sont précisément les plus distingués qui sont les moins présomptueux. Ne sacrifions pas les intérêts des jeunes gens les plus dignes de nos sympathies en les privant du bénéfice de l'examen écrit. Cet examen sert, d'ailleurs, à constater un genre de talent qui a bien son importance aussi, le talent de rédaction, qui aide singulièrement à apprécier le développement de l'intelligence de l'élève.
L'honorable rapporteur a dû convenir que l'examen par écrit offre encore un autre avantage, c'est de rendre pour ainsi dire impossible toute collusion entre les professeurs et les élèves. Vous n'avez aucun moyen de les prévenir à l'examen oral, vous pouvez les empêcher dans l'examen écrit. Les questions placées dans une urne sont tirées au sort ; le professeur même ne peut pas savoir d'une manière certaine la question sur laquelle l'élève sera examiné par écrit.
Dans tous les projets de lois formulées relativement à l'enseignement supérieur par la commission spéciale de 1831, aussi bien que par le ministère de 1834 et depuis, on a toujours combiné les deux genres d'examen, l'examen par écrit et l'examen oral. Depuis lors, sous tous les ministères, on les a constamment maintenus. C'est donc aujourd'hui un usage consacré que des motifs très sérieux font au gouvernement un devoir de conserver.
(page 631) M. Devaux. - Messieurs, si tout est bien dans l'état actuel des choses, il ne faut rien changer. Si les universités sont dans un état florissant, si l'enseignement est en progrès, s'il est plein de vie, s'il produit de bons fruits, il faut conserver toutes qui existe ; mais il y a quelque chose de surprenant, quand les hommes les plus compétents signalent l'état des éludes comme déplorable, les représentent comme étant dans une complète décadence, de voir qu'on ne les réfute pas, qu'on adhère même à ce qu'ils disent, et que cependant on s'oppose à tout changement proposé.
Lorsque nous sommes appelés à faire une loi qui peut exercer la plus grande influence sur l'état des études universitaires, circonstance qui ne se représentera peut être plus avant dix ou vingt ans, je me crois tenu à la fois, et comme représentant du pays et comme appartenant à l'opinion libérale, de ne pas me borner à déplorer stérilement le mal dont on se plaint, mais à faire tous mes efforts pour relever notre civilisation scientifique de ce commencement de décadence.
La gravité de la situation actuelle nous est dénoncée par les hommes les plus compétents.
Toutes les universités elles-mêmes déclarent que c'en est fait de l'esprit scientifique si on ne renonce pas à un système qui torture la mémoire et étouffe l'intelligence des élèves.
Devant de telles déclarations pouvons-nous rester impassibles ? On reconnaît le mal, et toutes les améliorations proposées on les combat. Pour les remplacer, quelles mesures soumet-on à notre vote ? Rien, absolument rien.
Les moyens proposés par la section centrale ne sont pas conçus à la légère, tous sont nés soit dans les délibérations des facultés elles-mêmes, soit dans celles des commissions d'enquête.
Messieurs ; je voudrais que les partisans du statu quo, puisqu'ils s'opposent à toute amélioration et n'en proposent aucune, voulussent bien démontrer aussi que les études sont florissantes et que les plaintes si vives, qui se sont élevées de toute part, manquent de tout fondement. Voici les autorités qui m'ont convaincu et que je les prie de détruire.
Le conseil académique de l'université de Liège définit la situation actuelle en ces mots :
Rien pour la spontanéité, rien pour l'initiative, rien pour la liberté ni du professeur, ni de l'élève. On anéantit ainsi précisément ce qui donne à l'enseignement sa valeur et sa distinction.
La commission spéciale nommée sous l'administration précédente et composée de présidents des jurys, de professeurs et de membres des conseils de perfectionnement, dit à son tour : « L'examen n'est plus qu'un immense effort de mémoire qui a ôté à l'élève toute puissance d'initiative, a amorti son imagination et épuisé son intelligence. »
L'université de Louvain, par l'organe de sa faculté de droit, confirme ce que vient de dire la commission spéciale.
« Il est, dit-elle, impossible à la majorité des élèves de satisfaire à ce qu'on exige d'eux, si ce n'est pas un immense effort de mémoire qui épuise l'intelligence et ruine tout véritable esprit scientifique. »
Enfin l'université de Gand que nous apprend-elle à son tour ? Voici le langage de sa faculté de droit : « Le vice qui infecte l'instruction universitaire, c'est l'absence complète d'esprit scientifique.
« (…) Le goût de la science s'est perdu, l'esprit de la jeunesse, sans initiative, sans vigueur, s'est matérialisé.
« (…) Il y va de notre avenir intellectuel. »
Enfin dans le même rapport on finir par s'écrier : « Hommes de science, notre cœur saigne à la vue de la décadence intellectuelle de la Belgique. »
A de pareils cris d'alarme et de détresse pouvons-nous, messieurs, rester sourds ? La Chambre, les députés de l'opinion libérale, peuvent-ils ne pas s'en émouvoir ? Et quand s'offre à la législature une des rares occasions où elle peut porter remède à une pareille calamité, pouvons-nous nous croiser les bras et pousser, soit l'optimisme jusqu'à déclarer que tout est mensonge dans de pareilles plaintes, soit le pessimisme jusqu'à croire que le mal est sans remède, que le progrès scientifique est perdu et qu'il faut nous résigner à la décadence ?
Pour moi, messieurs, je n'oublie point que l'opinion libérale à laquelle j'appartiens est une opinion de progrès, qu'elle a surtout foi et confiance dans le progrès intellectuel et que tout progrès intellectuel descend de cette sphère élevée de la civilisation dans laquelle s'exerce l'action de l'enseignement supérieur.
La suppression de l'examen écrit est encore une de ces mesures que la section centrale n'a pas inventées, mais qu'elle croit propres à améliorer ce qui existe et que l'on combat ici, sans essayer de rien mettre à la place. Pourquoi deux examens ? N'est-ce pas déjà assez d'un ? Remarquez bien, messieurs, que parce que nous avons déjà fait nous avons rendu l'examen écrit inutile. En effet en rangeant une partie des matières de l'examen dans les cours à certificats, nous avons gagné assez de (page 632) temps pour que l'examen oral des autres matières n'ait plus besoin de ce complément écrit. Quand par exemple un élève sera examiné pendant une heure entière sur les institutes, qu'avez-vous besoin encore de l'interroger par écrit ?
L'examen écrit est une innovation de 1838. Avant cette époque il n'y en avait pas. L'examen de docteur en droit avait seul une épreuve qu'on appelait le tentamen et à laquelle on attachait peu d'importance ; le docteur en médecine faisait aussi un petit travail sur des aphorismes d'Hippocrate. Cela n'avait rien de commun avec le genre d'examen dont il s'agit aujourd'hui et dans lequel l'élève a uniquement à faire preuve de mémoire. Qu'était-ce que le tentamen si ce n'était pas un appel à la mémoire. On donnait au récipiendaire deux dispositions de la législation romaine à concilier.
L'examen écrit de 1835 est uniquement la répétition, par l'élève, de ce que lui a appris le professeur.
Voici pour cet examen comment on opère :
Les professeurs posent un certain nombre de questions : elles sont posées moitié par le professeur d'une université, moitié par celui de l'autre université ; puis on en tire une ou deux au sort.
Ainsi, sur deux questions, l'élève est presque toujours sûr qu'il y en aura une qui ne sera pas posée par son professeur. C'est un premier inconvénient.
En second lieu, l'élève retombe, par cet examen, sous l'empire du hasard auquel nous avons voulu le dérober par la mesure des certificats, qui permet de prolonger l'examen oral.
On exige pour l'examen écrit les réponses les plus développées, et les questions sont faites en conséquence. C'est là que la science mathématique de l'élève brille dans toute sa splendeur. Pour le droit, par exemple, l'élève aura à répéter sur une matière controversée tous les détails exposés en chaire, tous les arguments pour et contre, toutes les autorités, toutes les décisions ; s'il oublie une autorité, malheur à lui, il perd un point ; s'il néglige une objection, il en perd une autre.
Sans l'examen oral, il ne se passe rien de semblable. Si la mémoire de l'élève est en défaut sur quelque point insignifiant, on y ramène indirectement son attention et on reconnaît aisément si c'est la science ou la mémoire qui manque.
J'ai sous la main l'opinion que j'ai demandée à l'un des hommes les plus expérimentés et les plus justement estimés du corps professoral. Il me dit que d'après son expérience on n'aura rien fait pour détruire l'exagération des exercices exclusifs de mémoire si on maintient l'examen écrit.
Quand la durée de l'examen sera augmentée, quand il y aura deux fois plus de temps qu'aujourd'hui, quand un jeune homme, pour une seule matière, sera interrogé pendant une demi-heure ou même une heure, ne sera-ce pas assez ? Est-il nécessaire, quand l'élève ne le demandera pas, de le soumettre à une autre épreuve ?
On objecte la timidité de l'élève. Dans l'examen oral, si le récipiendaire est intimidé, le professeur s'en aperçoit et le rassure, l'élève a le temps de se remettre. Mais dans l'examen écrit, si l'intelligence de l'élève se trouble, s'il ne comprend pas la question, le professeur ne le voit pas, il n'est pas là pour venir à son secours.
Il y a une difficulté d'organisation, c'est la difficulté du temps. Un des grands griefs des professeurs contre les jurys combinés c'est qu'ils absorbent trop de temps, que les professeurs n'ont plus les vacances dont ils ont besoin. Mais l'examen écrit double le temps, car si tous les élèves écrivent en même temps, il faut trois quarts d'heure pour lire et juger le travail de chacun d'eux. De sorte que le temps des examens est à peu près doublé.
La fraude est un autre inconvénient très grave de ce genre d'examen. Il n'y a pas de fraude à laquelle on n'ait eu recours. D'abord, il y a un genre de fraude que je n'affirme pas, mais dont on se plaint, il y a des personnes qui assurent que pour certains examens elles connaissent à l'avance, sans être du jury, la moitié des questions qui seront mises dans l'urne.
Je ne dis pas que cela soit vrai, mais c'est déjà une chose fâcheuse qu'on le croie.
Mais il y a un autre genre de fraude que les professeurs eux-mêmes ont souvent dénoncé ; c'est celle qu'emploient les élèves, et qu'il est impossible de prévenir, tant leur esprit est ingénieux sous ce rapport. Ainsi, ils ont de petits cahiers écrits d'une écriture microscopique et qui entrent dans leur poche ; c'est tout un traité. Il suffit que l'examinateur ait tourné le dos pour que ce traité passe, dans le papier, sur lequel on écrit et l'on copie. Il y a une autre invention, qui consiste à écrire le traité sur des bandelettes que l'on roule autour du bras, depuis l'épaule jusqu'au poignet.
Une autre fraude qui n'est pas inconnue à d'autres membres de la Chambre, c'est l'usage de ce qu'on appelle, à ce qu'il semble, le gilet d’examen. C'est un vêtement, qui a, à l'intérieur, le long de la poitrine, des poches longitudinales, dans lesquelles peuvent entrer, trois ou quatre traités manuscrits sur les matières de l'examen. L'élève arrive véritablement cuirassé de science.
Vous sentez que devant de pareilles fraudes, on n'a qu'une confiance très limitée dans l'examen écrit, S'il arrive que l'examen écrit est des plus brillants et que l'élevé se présente, à l'examen oral, on reconnaît qu'il est impossible que le travail soit de lui.
Messieurs, n'y eût-il que du doute sur la valeur de cette épreuve, du moment que nous avons un examen suffisant, qui a suffi à l'école de droit de Bruxelles, qui a suffi, dans les universités des Pays-Bas, qui suffit encore dans des pays étrangers, n'en est-ce pas assez pour nous en contenter ?
Les examens, nous ne les imposons pas à plaisir ; si ce n'est pas la nécessité ou une utilité très grande qui le commande, notre devoir n'est-il pas de nous en abstenir ? Ne suffit-il pas de laisser à l'élève la faculté de réclamer l'examen écrit ? Si l'on trouve que c'est trop que d'exiger l'unanimité du jury pour qu'il l'obtienne, je ne m'oppose point à ce que la loi se contente de la simple majorité.
Mais soyez persuadés que les élèves ne réclameront guère le bénéfice de cette disposition. Si vous laissez à chacun d'eux le choix entre un ou deux examens, il ne sera pas longtemps douteux.
(page 629) Messieurs, il est vraiment extraordinaire qu'à entendre l'honorable M. Devaux, nous soyons en quelque sorte placés au ban du libéralisme, parce que nous nous permettons de discuter franchement et sérieusement un projet de loi. Je crois que la liberté dans cette enceinte existe pour tout le monde.
Je respecte les opinions de l'honorable membre ; mais qu'il veuille bien respecter les miennes et croire que mes convictions sont sincères.
L'honorable membre veut des innovations, parce que l'état de l'instruction supérieure en Belgique l'exige, et il est rentré à cet égard dans la discussion générale. Je ne le suivrai pas sur ce terrain, j'ai dit sur ce point tout ce que j'avais à dire ; je ne partage pas les craintes de mon honorable ami. Nous en sommes aux détails. Si je dois adopter aveuglément toutes les innovations que l'on propose, je n'ai plus besoin de discuter. Vous signalez les abus, les inconvénients auxquels donnent lieu certaines mesures. Mais tâchez d'améliorer et ne supprimez pas d'un trait ce qui présente des inconvénients. Je ne sais pas, si lorsqu'on aura fait du tout nouveau, on aura atteint le but qu'on se propose. Je veux bien du tout nouveau, si le tout nouveau est bon. Mais si ce qu'on veut me donner est moins bon que ce qui existe, je ne crains pas de dire que je suis partisan du statu quo.
Si je me trompe, que l'on me donne des arguments pour me convaincre ; mais qu'on ne me fasse pas le reproche de ne pas adopter aveuglément tout ce qu'on propose.
On dit : Proposez autre chose. Mais ce n'est pas moi qui ai fait le projet de loi. Pour faire autre chose, il faudrait proposer tout un autre système. Votre système, pardonnez-moi ma franchise, ne me convient pas. J'aurais beau proposer des changements, que je n'atteindrais pas le but que j'ai en vue. Et savez-vous mon opinion ? C'est que quand nous aurons examiné longuement ce projet de loi, beaucoup d'entre nous probablement voteront contre l'ensemble, parce qu'en définitive il ne sera pas bon.
Je devais donner ces explications en réponse aux attaques, en quelque sorte personnelles, dont j'ai été l'objet. De ma part il n'y a rien de personnel.
M. Devaux. - Ni de la mienne non plus.
M. Verhaegen. - Mais enfin, permettez-nous de discuter. Vous nous condamnez. Vous prétendez que les partisans du statu quo n'apprécient pas les choses comme ils doivent les apprécier, parce qu'ils désirent qu'il y ait un examen écrit. Eh bien, nonobstant les observations que l'on vient de faire, j'insiste encore pour l'examen écrit.
Il y a de grands abus ; des fraudes ont été commises ; il y a des gilets à fraudes. Mais M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit, il y a moyen de parer à cet abus.
M. Devaux. - Pourquoi ne le fait-on pas ?
M. Verhaegen. - Ce n'est pas à moi, c'est au gouvernement à prendre des précautions pour éviter ces inconvénients. Si tous les professeurs étaient présents comme ils doivent l'être, car enfin ils sont rétribués pour cela, la fraude ne serait pas possible. Les élèves auraient beau avoir des bandelettes autour des bras, des traités dans le gilet, les professeurs le verraient.
Ces abus donc ne me touchent guère. Quand la loi sera convenablement exécutée et que l'on prendra toutes les précautions nécessaires, ces abus ne seront plus à craindre.
On a parlé des élèves dont on ne veut pas surcharger la mémoire, qui sont condamnés à apprendre constamment par cœur ! Mais cet intérêt que l'on montre pour l'élève, je crois qu'on le méconnaît en ce moment. Je dis que l'intérêt de l'élève est qu'il y ait un examen écrit. L'examen oral se fait publiquement ; il est annoncé par le Moniteur. Cela effraye déjà l'élève. Croyez-vous qu'un jeune homme qui n'est pas habitué à parler publiquement, réponde facilement aux questions qui lui sont posées en public ? Je dis que non. Le meilleur sujet pourra être intimidé et ne pas savoir répondre. Tandis qu'en loge, lorsqu'il (page 630) aura sous les yeux les questions écrites, il aura le temps de développer ses connaissances, il ne sera pas intimidé.
Maintenant vous dites : Deux examens c'est trop ; proposez un moyen. Eh bien, messieurs, si je devais choisir, j'aimerais encore mieux l'examen écrit seul, que l'examen oral seul ; mais on prendrait toutes les précautions nécessaires pour éviter la fraude.
Messieurs, nous avons fait valoir les raisons qui nous engagent à demander le maintien de l'examen par écrit ; nous l'avons fait consciencieusement ; nous subirons les conséquences du vote.
M. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable M. Devaux s'est élevé avec tant d'énergie contre l'examen écrit que ce n'est vraiment qu'avec une certaine crainte que je hasarde quelques observations en faveur du maintien de cet examen.
L'honorable orateur nous a rappelé, en nous faisant quelques citations, les plaintes de certaines universités sur l'état actuel des études ; mais personne de nous ne conteste qu'il y a quelque chose à faire pour améliorer les études, et cela est si vrai que tous nous prêtons de grand cœur la main à la discussion de la loi actuelle. Mais l'honorable M. Devaux nous a-t-il lu une citation d'où l'on puisse inférer que l'état fâcheux des études soit dû à l'examen écrit ? Il n'a pas fait une seule citation de ce genre.
Sans doute, messieurs, il y a quelque chose à faire pour améliorer les études, mais sera-ce un moyen de les améliorer que de supprimer l'examen écrit ? J'en doute, et je prie l'honorable M. Devaux de croire que j'en doute très consciencieusement.
L'honorable M. Devaux dit que dans l'examen écrit il s'est glissé des fraudes nombreuses, et c'est particulièrement à cause de ces fraudes qu'il voudrait supprimer l'examen écrit.
Mais je crois, messieurs, qu'il y a des moyens de prévenir ces fraudes. Maintenant que la découverte du gilet a été signalée à tout le monde, les professeurs prendront leurs mesures pour que les élèves ne puissent pas se présenter vêtus de ce gilet. Cela ne me paraît pas une raison déterminante pour supprimer un examen, si cet examen présente un bon côté.
Mais voici une autre raison qu'on fait valoir et qui est plus sérieuse : l'examen écrit, dit-on, ne prouve qu'une chose : de la mémoire ; il ne prouve aucune espèce d'instruction. Moi, messieurs, je vois à l'examen écrit un grand avantage, c'est qu'il rétablit l'équilibre entre l'élève timide et celui qui ne l'est pas.
Il est évident que l'examen oral est tout à l'avantage du jeune homme qui parle facilement et qui n'est pas intimidé par la vue des professeurs et surtout de certains professeurs étrangers ; l'examen oral est tout à l'avantage de cet élève, tandis que celui qui ne parvient pas à se défendre de la timidité qui lui est naturelle, a un désavantage très grand contre l'élève dont je viens de parler. Eh bien, l'examen écrit rétablit l'équilibre ; dans l'examen écrit, l'élève timide peut se faire valoir et balancer la supériorité de l'élève moins instruit, mais aussi moins timide.
Du reste, messieurs, on l'a déjà dit, l'examen écrit a existé de tout temps, il existait sous le royaume des Pays-Bas, pas précisément comme aujourd'hui, mais il existait et l'honorable M. Devaux lui-même l'a subi.
M. Devaux. - Sur 12 examens il y en avait 2 par écrit.
M. de Brouckere. - L'élève en droit subissait d'abord un examen oral, puis on lui indiquait une loi romaine et une disposition du Code civil, sur lesquelles il était obligé d'apporter un travail le lendemain. (Interruption.) On dit que ce n'est pas la même chose. Non, ce n'est pas la même chose, mais je ne prétends pas que l'examen écrit doive être maintenu tel qu'il est ; modifiez-le, mais je ne vois pas qu'on doive le supprimer et ne conserver absolument que l'examen oral.
Voilà les observations que je soumets à l'honorable M. Devaux ; je ne tranche pas la difficulté, mais enfin l'honorable M. Devaux comprendra qu'on peut professer une autre opinion que lui et avoir cependant le même désir que lui d'améliorer la législation actuelle.
(page 632) M. Devaux. - Messieurs, je trouve tout naturel que les moyens d'amélioration proposés soient débattus ; que chacun ait son avis et qu'on ne soit pas unanime dans l'appréciation de leur utilité ; mais je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer que, devant un mal dont on ne conteste pas la gravité, vous n'avez de remède que ce qui vous est proposé par la section centrale. Et cependant, ceux qui combattent les mesures de la section centrale ne mettent absolument rien à la place. Nous allons arriver bientôt à la fin de la partie la plus importante de la loi, de celle qui peut exercer une influence notable sur les études, et jusqu'à présent, excepté les propositions de la section centrale, pas une seule mesure d'amélioration, pas une seule, n'a été soumise à votre vote.
En sommes-nous donc arrivés à une telle indifférence ou à un tel pessimisme que nous nous résignions au mal et que nous n'ayons rien à opposer à la déchéance des études et de la civilisation supérieure en Belgique ?
Déjà, messieurs, la commission des présidents du jury et la commission spéciale qui a rédigé le projet de loi de 1835 avaient proposé de débarrasser de l'examen écrit toutes les matières importantes.
La commission spéciale proposait de le réduire aux matières accessoires et de ne le faire durer qu'une heure, ce qui lui ôtait toute importance. Elle voulait uniquement arriver au même résultat que le système des certificats, assurer la fréquentation des cours accessoires. La mesure proposée par la section centrale avait déjà été mise en avant à une époque antérieure. J'admets volontiers qu'on la conteste comme tout autre, mais j'adjure ceux qui n'acceptent pas les moyens qu'on propose, d'en indiquer d'autres que nous puissions adopter. Quand les professeurs s'écrient : « Notre cœur saigne à la vue de la décadence intellectuelle de la Belgique », nous ne pouvons pas nous borner à rejeter tout ce qu'on nous propose et nous renfermer dans ce rôle purement négatif.
La fraude, qui est cependant un grief fort sérieux, n'est pas, comme on vient de le dire, le principal reproche qu'on fait à l'examen écrit. L'inconvénient capital que présentent ces examens, c'est d'abord que le hasard y joue un très grand rôle. L'élève doit répondre sur deux ou trois questions qui sont tirées au sort ; eh bien, pour être sûr qu'il ne sera pas pris au dépourvu, le récipiendaire est obligé de mettre dans sa mémoire les choses les plus insignifiantes sur lesquelles il ne risquerait rien d'être en défaut dans l'examen oral, parce que là il aurait le temps de se relever, en répondant sur d'autres parties de la même matière. Ces questions, par cela même qu'elles doivent être traitées par écrit, sont choisies de telle manière que l'élève doit entrer dans des développements et des détails où la mémoire joue un rôle exagéré.
Enfin, si la question n'est pas bien comprise par l'élève, ce qui peut d'autant mieux arriver que souvent elle n'est pas posée par son professeur, il n'a aucun moyen de s'éclairer.
On se plaint que les études se matérialisent. Eh bien, l'examen par écrit contribue à ce résultat plus que tous les autres examens, car il exige des efforts de mémoire bien plus considérables.
Encore une fois, qu'avez-vous besoin d'une épreuve par écrit, alors que vous avez rendu l'examen oral deux fois plus long qu'il ne l'était pour certains examens, et que même pour le droit romain vous l'avez rendu trois fois plus long ?
Dans cet examen ne pouvez-vous pas mieux vous assurer de ce que sait l'élève que lorsqu'il aura répondu par écrit à deux ou trois questions amenées par le hasard et sur lesquelles il pourra très-bien n'être pas préparé ?
Messieurs, avant 1835, l’examen par écrit n'existait pour aucun des grades de candidat ; ils n'existaient pas non plus pour les divers doctorats, si l'on excepte le doctorat en droit et le doctorat en médecine. Quant à l'épreuve écrite, dont il s'agissait pour ces deux doctorats, je l'ai déjà dit, c'était un tout autre genre de travail que celui dont il s'agit aujourd'hui. Ce n'était nullement un travail de mémoire ; et, d'ailleurs, cette épreuve était comptée pour peu de chose dans le résultat de l'examen. Elle a été abolie il y a 21 ans, sans que personne s'en soit mais plaint, et je ne crois pas que personne demande à la rétablir. Mais il vaudrait beaucoup mieux la rétablir que de maintenir l'examen écrit de 1835, qui a de tout autres inconvénients.
(page 630) Messieurs, l'honorable préopinant vous a exposé tout à l'heure, dans des termes fort éloquents et fort convaincus, l'état de dépérissement dans lequel se trouve aujourd'hui le haut enseignement ; il a déploré surtout la disparition de l'esprit scientifique parmi les élèves.
Au début de la présente discussion, j'avais le premier constaté avec beaucoup de regret ce dernier fait qui peut être attribué à une foule de causes sur lesquelles on peut discuter sans fin.
Il est reconnu que la manière dont sont réglés les examens publics n'est pas étrangère à ce résultat. Aussi la loi que nous faisons en ce moment est-elle destinée à exercer une véritable influence sur le haut enseignement.
Toutefois, il y a surtout deux dispositions de cette loi qui sont appelées à exercer cette action, ce sont celles qui se rapportent à la composition des jurys et au programme des examens. Or, pour la composition des jurys, le gouvernement avait proposé un système nouveau ; et qu'est-il arrivé ? C'est que la majorité, et avec elle l'honorable membre ont demandé le maintien du statu quo.
M. Devaux. - Votre système n'était pas nouveau.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il y avait au moins un changement au statu quo, et vous avez demandé le maintien complet des dispositions en vigueur. Ainsi, de ce premier chef, le gouvernement ne doit pas prendre sa part dans le reproche qu'adresse l'honorable membre à ceux qui se tiennent à ce qui est.
Quant à la deuxième disposition, celle dont il est permis d'espérer le plus d'influence sur les études, c'est la division du programme des matières en matières à examen et en matières à certificats. Or, dès le début de la discussion, le gouvernement s'est rallié à la proposition de la section centrale ; c'est un essai à faire.
Je ne suis pas entièrement convaincu de l'excellence des résultats que doit amener ce système ; j'ai exposé à la Chambre les motifs qui avaient engagé le gouvernement à maintenir à cet égard l'état actuel des choses ; mais enfin, je me suis prêté avec plaisir à faire l'essai de ce système de simplification des examens. Je n'ai donc encore aucun reproche à me faire sous ce rapport.
Mais je dois le dire, j'ai été étonné de voir l'honorable membre produire ces observations à propos de l'article 18.
L'honorable membre me permettra de croire que ces observations, très justes en elles-mêmes, ne trouvaient pas tout à fait leur place à l'article qui est en discussion. Je ne vois pas comment le maintien ou la suppression des examens par écrit peut exercer une si grande influence sur le haut enseignement.
L'honorable membre a parlé de la spontanéité dont doivent jouir les professeurs ; je ne vois pas en quoi la maintien ou la suppression des examens écrits peut avoir de l'influence sur l'enseignement, relativement à la spontanéité, à la liberté des professeurs.
Les élèves auront-ils à surcharger leur mémoire spécialement pour les examens par écrit ? Mais non ; on doit se préparer à l'examen oral, comme on se prépare à l'examen par écrit ; l'examen oral roule sur des questions qui rendent l'exercice de la mémoire tout aussi nécessaire que les examens par écrit.
Nous proposons le maintien des deux espèces d'examens, dans le seul intérêt des élèves. Ils offrent tous les deux leurs avantages. L'examen par écrit doit, comme le disait l'honorable M. de Brouckere, servir d'équilibre à l'examen oral pour certains jeunes gens qui peuvent être moins heureux dans ce dernier.
Pour moi, je crois avec l'honorable M. Verhaegen, que l'examen par écrit est un moyen plus complet, plus infaillible d'apprécier la capacité de l'élève que l'examen oral ; cependant je pense qu'il faut conserver l'un et l'autre.
Du reste, il ne s'agit pas en réalité d'établir deux examens ; c'est un seul examen en deux parties dont l'une, je le répète, sert de contrôle à l'autre, et dont la combinaison est toute dans l'intérêt des élèves.
M. Thibaut. - Je crains un peu, messieurs, les suites de la proposition de la section centrale. Si on l'adopte telle qu'elle est proposée, les examens ne se feront plus qu'oralement, car le deuxième paragraphe de l'article 18 ne recevra peut-être jamais son application. Il serait, en effet, difficile que le jury se mette d'accord pour admettre un récipiendaire à l'examen supplémentaire par écrit en cas d'insuffisance de l'examen oral. On exige, remarquez-le, l'accord de tous les membres du jury ; il est présumable que les membres qui s'opposeront à la collation du grade, s'opposeront aussi à l'admission du récipiendaire à l'examen supplémentaire par écrit.
Messieurs, les observations présentées par M. le ministre de l'intérieur ont dû vous frapper.
Il arrive fréquemment que les jeunes gens appelés à répondre de vive voix devant un jury d'examen éprouvent un grand trouble qui dure pendant une partie de l'examen. Très peu possèdent l'art de parler devant le public, l'aptitude à saisir à l'instant les questions qu'on leur pose et à répondre avec facilité. Je suis donc d'avis de conserver un examen par écrit ; mais ne pourrait-on admettre un amendement conçu à peu près en ce sens :
D'abord adopter la disposition du gouvernement telle qu'elle a été proposée, et ensuite, pour faire droit aux observations présentées au nom de la section centrale, dire : Les récipiendaires qui en feront la demande seront exemptés de l'examen par écrit. (Interruption.)
J'entends dire qu'ils en feront tous la demande. Non, messieurs. Il est certain, au contraire, que les jeunes gens qui ont des connaissances, mais qui n'ont pas assez de confiance en eux-mêmes pour se dire : Nous ferons preuve de connaissances quelles que soient les personnes qui nous interrogent, quelles que soient les questions posées, quel que soit le public qui nous écoute ; il est certain, dis-je, que ces jeunes gens demanderont à subir l'examen par écrit ; ayant réussi dans cet examen, ils seront mieux disposés pour répondre à l'examen oral.
Je ne présente pas d'amendement, mais je désire que l'on trouve un moyen de concilier les opinions divergentes.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
- Quelques voix. - Nous ne sommes plus en nombre ! (Si ! si ! Aux voix !)
- D'autres voix. - A lundi ! à lundi !
M. Delfosse. - Je ferai remarquer à la Chambre que nous devons nous occuper lundi de la loi sur les denrées alimentaires ; il conviendrait de voter aujourd'hui sur la question qui vient d'être discutée.
- La clôture est prononcée.
M. de Naeyer. - Je mets aux voix l'article 18 proposé par la section centrale.
(page 631) - Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !
M. Devaux. - J'ai proposé la suppression des mots « s'il est d'avis unanime ».
La majorité suffira pour admettre le récipiendaire à l'examen supplémentaire par écrit.
M. de Naeyer. - Je mets aux voix l'article 18 ainsi modifié :
« Les examens se font oralement.
« Néanmoins le jury peut admettre le récipiendaire à un examen supplémentaire par écrit. »
- L'appel nominal ayant été demandé, il est procédé à cette opération.
55 membres répondent à l'appel.
31 membres répondent oui ;
25 membres répondent non ;
Un membre (M. Rogier) s'est abstenu.
En conséquence, la disposition est adoptée.
Ont répondu oui : MM. Grosfils, Jacques, Julliot, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Malou, Moncheur, Moreau, Pierre, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, David, de Bronckart, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, Devaux, Dubus et de Naeyer.
Ont répondu non : MM. Dumon, Goblet, Lambin, Matthieu, Mercier, Prévinaire, Sinave, Thibaut, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Verhaegen, Vilain XIIII, Wasseige, Ansiau, Anspach, Brixhe, Calmeyn, de Brouckere, Dechamps, Dedecker et de Muelenaere.
M. Rogier, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Rogier. - Je suis partisan d'un examen écrit pour certaines matières, ainsi que je l'ai indiqué dans la discussion, mais je ne suis pas d'avis de l'admettre pour toutes les matières. Dans cette situation, je me suis abstenu.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.