(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 595) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Tack, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Des habitants de Moorseele demandent des droits élevés à la sortie du beurre et des œufs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« La chambre de commerce des arrondissements d'Ypres et de Dixmude prie la Chambre d'allouer au budget des travaux publics le crédit nécessaire au dévasement du bief inférieur du canal de Nieuport à Ypres. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« Les bourgmestres et des habitants de Lierde-Ste-Marie, Hemelveerdegem et Ophasselt demandent la révision de la loi du 25 ventôse an XI. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Deseille demande que la chasse à la bécasse soit ouverte en temps opportun. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Hargimont demandent la construction d'une route, aux frais de l'Etat, entre le pont de Harsin et le village de Jemeppe. »
- Même renvoi.
M. Vermeire dépose le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'apporter des modifications à la loi sur les brevets d'invention.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. Malou (pour une motion d’ordre). - Je proposerai à la Chambre de mettre à la suite des objets qui sont à l'ordre du jour, le projet de loi sur les établissements de bienfaisance.
M. Delfosse. - Messieurs, il faut fixer un jour, afin que chacun sache, un certain temps d'avance, quand la discussion aura lieu. Cette discussion est trop importante pour qu'on la commence sans y être bien préparé.
M. Osy. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Malou. Si on décide aujourd'hui qu'on s'occupera de la loi en question à la suite des autres objets à l'ordre du jour, tout le monde sera prévenu.
M. Delfosse. - Chaque fois que la Chambre a eu à se livrer à une discussion importante, elle a fait ce que je demande. Si le jour est indéterminé, la discussion pourra venir dans un moment où on ne s'y attendra pas, et il y aura une surprise très regrettable.
M. Malou. - En faisant ma proposition, je n'ai eu l'intention de surprendre personne, bien au contraire. Voici, du reste, comment on pourrait procéder : mettre dès à présent cet objet à l'ordre du jour et lorsqu'on approcherait du moment où l'on peut fixer un jour déterminé, on le fixerait. J'entre donc, à certains égards, dans l'ordre d'idées de l'honorable M. Delfosse ; mais si nous fixions dès à présent un jour, il se pourrait que nous dussions interrompre la discussion du budget de l'intérieur.
M. Lelièvre. - Il est donc bien entendu qu'il y aura un jour qui sera déterminé d'avance et spécialement pour aborder l'examen du projet important dont il s'agit.
M. Delfosse. - Ce que l'honorable M. Malou a proposé en dernier lieu est précisément ce que je demandais. Il ne faut pas que la discussion vienne à l'improviste ; on doit savoir quelque temps d'avance le jour où elle commencera.
- La proposition de M. Malou est adoptée.
M. Vandenpeereboom. - Je demanderai, messieurs, si on ne pourrait pas mettre à l’ordre du jour le projet de loi portant révision d'une partie du tarif des douanes. Une fraction de ce projet a déjà été votée, l'autre a été ajournée sans époque fixe. On pourrait mettre cette dernière partie à l'ordre du jour. Il s'agit des matières premières, et il ne reste plus que quelques articles. Le seul qui puisse avoir quelque gravité, c'est le charbon, et cette question est résolue jusqu'au 31 décembre.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le gouvernement a exprimé l'opinion que la révision de notre tarif de douanes doit se faire d'après un système d'ensemble ; dans la discussion qui s'est élevée à ce sujet, j'ai dit que la discussion de ses diverses parties pouvait avoir lieu, soit simultanément, soit séparément. C'est ainsi que la loi du 19 juin 1856 a posé les bases de notre système commercial et a décrété d'autres dispositions qui sont relatives aux droits d'entrée sur différents articles importants ; d'autres mesures qui concernent notre tarif ont encore été prises dans le cours de notre dernière session.
L'instruction du projet complémentaire de notre législation sur cette matière est aujourd'hui assez avancée pour qu'on puisse apprécier dans quel esprit il a été conçu.
Je ne m'oppose donc pas à la motion de l'honorable M. Vandenpeereboom ; je suis à la disposition de la Chambre pour la discussion de la partie non encore votée du projet déposé en 1854 par mon honorable prédécesseur.
J'ai fait former un tableau des articles qui la composent ; j'aurai l’honneur de le communiquer à la Chambre ; il sera mis en corrélation avec les documents parlementaires, dans le but de faciliter l'étude et la discussion du projet.
- La Chambre, consultée, décide que la discussion du projet de loi dont il s'agit dans la proposition de M. Vandenpeereboom, viendra à l'ordre du jour, après celle du projet de loi sur les établissements de bienfaisance.
La discussion continue sur l'article 14 relatif aux matières d'examen en médecine et en chirurgie.
(page 606) >M. Vander Donckt. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'ai eu l'honneur de vous soumettre quelques observations sur les matières d'examen pour les grades de candidat et de docteur en médecine. J'ai démontré que ce qu'on a fait pour le droit, on ne l'a pas fait pour la médecine ; que la section centrale avait eu la main malheureuse dans le choix qu'elle a fait pour les matières d'examen et les matières à certificats.
Ainsi, la pharmacologie devient une matière à certificat pour l'aspirant au grade de candidat ; cependant, cette branche est indispensable aux docteurs en médecine, aujourd'hui qu'il est question et qu'il est déjà même d'usage de permettre aux praticiens à la campagne de délivrer eux-mêmes des médicaments à leurs malades ; or, comment voulez-vous qu'un docteur en médecine qui n'a fréquenté le cours de pharmacologie que pour la forme sans subir un examen sur cette branche, puisse s'établir à la campagne, et, abandonné à lui-même, composer les médicaments, préparer les mixtures, comme le ferait le pharmacien lui-même ? Il lui est donc indispensable d'avoir des connaissances suffisantes en pharmacologie-, il est donc essentiel qu'il soit examiné sur cette matière.
On a également élagué une autre matière du programme d'examen.
Pour le grade de candidat en sciences naturelles, on a fait de la logique une matière à certificat. L'honorable comte de Theux nous l'a dit hier, la logique est une des matières essentielles pour la candidature ; elle est indispensable à ceux qui se destinent aux études médicales ; c'est en quelque sorte la porte d'entrée à l'étude de toutes les sciences. Il ne faut ni l'exclure du programme, ni se borner à exiger des élèves qui se destinent à la médecine, la production d'un simple certificat ; il faut que cette matière fasse l'objet d'un examen pour les études préparatoires à la médecine.
J'ai déjà eu l'honneur de vous parler de l'hygiène dans une séance précédente ; dans le projet de la section centrale, l'hygiène est une matière à certificat.
Mais, messieurs, les progrès de cette science sont aujourd'hui si grands, si généraux, qu'il est encore indispensable que le docteur en médecine ait des notions suffisantes d'hygiène ; il est bien plus essentiel à la société d'avoir des médecins qui sachent prévenir les maladies, donner de bons conseils d'hygiène, que des médecins qui se bornent à traiter les maladies et les épidémies qu'ils sont souvent très embarrassés de guérir.
C'est que très souvent le défaut de soins, la malpropreté, le défaut de moyens hygiéniques donne lieu à des épidémies extrêmement désastreuses ; c'est dans les connaissances de l'hygiène qu'il faut puiser les remèdes, et de notre temps cette partie de l'art a fait d'immenses progrès.
Vous voulez, me direz-vous, en venir à la simplification des matières, et au lieu de les simplifier, vous ne faites qu'augmenter le bagage des examens. J'en conviens, mais il s'agit ici de matières essentielles dont il est indispensable que le docteur en médecine ait connaissance.
Je pose en fait que tout ce qu'on a fait pour les études de droit on devrait le faire pour les études en médecine, car il n'est pas impossible qu'un élève qui se destine à la médecine n'ait pas des capacité extraordinaires, l'élève n'est pas plutôt une intelligence d'élite quand il étudie ta médecine que quand il étudie le droit ; il ne faut pas surcharger la mémoire de ceux qui se destinent à la médecine par un trop grand nombre de matières d'examen ; mais il faut savoir avec discernement classer les matières que le docteur en médecine doit posséder et sur lesquelles il doit être interrogé et sur lesquelles il doit avoir des notions positives.
Plus les sciences font de progrès, plus le cercle des connaissances s'étend et plus difficiles sont les études pour celui qui veut exercer l'art de la médecine. Voilà pourquoi, comme je l'ai dit hier, il devrait être facultatif au récipiendaire de se présenter pour subir l'examen du doctorat en médecine, c'est-à-dire la médecine proprement dite qui comprend les maladies internes, la thérapeutique et autres branches indispensables ; celui qui se croira les capacités nécessaires, s'il se croit une intelligence supérieure et qu'il veuille se soumettre à un examen sur la chirurgie ou médecine opératoire, laquelle à elle seule exige des connaissances extrêmement multipliées à acquérir et pour lesquelles il n'est pas donné à tout le monde d'avoir les aptitudes nécessaires pour faire un bon chirurgien.
On me dira. Dans les campagnes il faut que le médecin sache un peu de tout ; à cela je réponds : Qui trop embrasse mal étreint.
Ex omnibus aliquid, in tota nihil.
Voilà ce qu'on pourra dire de vos docteurs, si vous persistez à demander qu'ils subissent des examens sur la médecine, la chirurgie et les accouchements et sur toutes les sciences accessoires.
C'est un art à part que celui des opérations chirurgicales, qui comprend les opérations du dentiste et de l'oculiste et de toutes les branches accessoires qui forment un ensemble qu'il est impossible d'embrasser dans les examens, sur lequel il est impossible d'examiner le récipiendaire dans le temps voulu nonobstant les trois épreuves pour s'assurer s'il connaît toutes les parties des sciences accessoires à l'une ou l'autre de ces arts.
Eh bien, je crois qu'il faudrait en revenir à l'ancien système. Un honorable membre, dans la séance d'hier, a fait voir comment s'est introduite cette multiplicité des matières à examen pour le doctorat en droit, et les inconvénients qui en sont résultés. On reconnaît aujourd'hui que ce système était mal combiné, qu'il faisait des élèves des machines à copier des cahiers, et n'amenait pas de bonnes études dans les diverses branches.
Si cela est vrai pour le droit, c'est infiniment plus vrai pour la médecine, dont les branches accessoires sont infiniment plus nombreuses et plus difficiles à apprendre et pour lesquelles il faut des études plus sérieuses et plus approfondies que pour l'étude du droit.
Je crois donc que si l'on veut procéder d'une manière régulière, il faut déclarer facultatif le cumul des trois examens du doctorat en médecine proprement dite, en chirurgie et en accouchement, cumul qui est aujourd'hui obligatoire. C'est le seul moyen de simplifier les matières d'examen, et de faire des hommes capables, bien pénétrés des connaissances nécessaires pour exercer avec fruit l'une ou l'autre branche ; car la chirurgie exige des qualités telles que la dextérité de la main, ce courage froid qu'il faut avoir pour les opérations importantes qui mettent chaque fois la vie du patient en danger.
Il n'est pas donné à tout le monde de s'y adonner. C'est repousser, en quelque sorte, ceux qui se destinent à l’art médical, que les forcer à acquérir des connaissances relatives à des branches pour lesquelles ils ne se veulent pas de vocation.
Il y a un dernier inconvénient, c'est de pousser les jeunes gens de préférence vers les études du droit, parce qu'elles seront beaucoup plus faciles désormais qu'elles n'étaient précédemment, tandis que les examens pour la médecine restent les mêmes, et les jeunes gens préférant s'occuper des connaissances les plus faciles à acquérir et pour lesquelles les examens sont le plus faciles.
Hier, l’honorable M. Lelièvre m'a dit que la comparaison que j'ai faite entre les études pour le droit et les études pour la médecine n'était pas juste. Je voudrais savoir en quoi.
Il y a dans cette Chambre d'honorables membres qui soutiennent que les matières ne sont pas trop nombreuses. C'est une question à examiner. Mais la grande majorité de la Chambre semble résolue à simplifier les matières d'examen pour le droit. Pour la médecine, jusqu'ici l'on rien fait. Je crois cependant qu'il reste quelque chose à faire, si l'on veut être juste.
L'honorable ministre de l'intérieur a également combattu mes observations et puisqu'il en est ainsi, je ne ferai pas de proposition. Mais je lui laisse toute la responsabilité des conséquences du système du cumul obligatoire des examens relatifs aux diverses branches de l'art de guérir.
Hier, l’honorable M. Lelièvre m'a dit que la comparaison que j'ai faite entre les études pour le droit et les études pour la médecine n'était pas juste. Je voudrais savoir en quoi.
(page 595) M. Lesoinne. - Je pense, comme l'honorable M. Vander Donckt, qui, je le reconnais, est beaucoup plus compétent que moi en cette matière, que la pharmacologie doit rester au nombre des matières sur lesquelles on doit examiner le candidat en médecine. C'est le médecin qui prescrit les remèdes. Le pharmacien ne fait qu'exécuter les prescriptions du médecin. Si le pharmacien doit subir un examen (et je crois qu'il doit en subir un), parce qu'il doit prouver qu'il connaît la composition et les effets des médicaments qui sont ordonnés par le médecin, celui-ci doit connaître aussi bien que le pharmacien, la composition des remèdes et bs effets qu'ils peuvent produire.
Cela me paraît juste et raisonnable, d'autant plus que, pour la médecine vétérinaire, on a prescrit sur la pharmacologie un examen oral, un examen écrit et même un examen pratique, car si je ne me trompe, on exige du récipiendaire qu'il exécute, en présence du jury, trois préparations pharmaceutiques.
Si l'on prend cette précaution pour les animaux, je crois que l'on doit la prendre également pour l'espèce humaine.
M. Verhaegen. - Je suis d'accord avec l'honorable M. Vander Donckt qu'il faut que la pharmacologie fasse l'objet d'un examen, et qu'on ne peut pas se contenter d'un certificat pour cette branche de la science.
Messieurs, prenons-y garde, il s'agit ici d'un objet extrêmement important. Il s'agit non seulement de la santé, mais de la vie de nos semblables. On ne peut, en pareille matière, procéder avec trop de précaution.
On avouera, si l'on veut être sincère, que toutes les matières à certificats seront négligées ; en effet, ceux qui ont voté pour les certificats ont eu évidemment pour but de débarrasser certains cours de certaines matières et d'alléger le fardeau des élèves. Il faut aller au fond de la question. C'est bien cela.
Cet état de choses n'est pas celui que nous voulions, car nous voulions le contraire ; nous voulions des études sérieuses non seulement pour la médecine, mais encore pour le droit et les sciences. La majorité a voulu le contraire. Nous devons subir les conséquences de ce vote.
Mais maintenant qu'il en est ainsi, il faut au moins y mettre de la réserve. Aux termes de l'article 14, la pharmacologie est placée dam les matières à certificats pour la candidature en médecine. Mais c'est là l'objet le plus important dans la médecine. Lorsqu'un médecin se borne à vous faire des visites, à vous prescrire un régime, s'il ns vous fait pas de bien, il «e vous fait au moins pas de mal. Mais lorsqu'il vous administre des remèdes dont il ne connaît pas les effets, il peut vous faire beaucoup de mal. C'est ce dont j'ai peur, pour ma part. J'aime mieux ne pas avoir de médecin, et me fier aux efforts de la nature que de m'exposer aux conséquences désastreuses de médicaments mal appliqués.
Messieurs, je comprends qu'on abandonne aux pharmaciens l'histoire des médicaments, leur falsification, leur manipulation ; mais quand il s'agit de médicaments appliqués, quand il s'agit de savoir quelles sont les substances qui guérissent, en quelle quantité il faut les prescrire, quel nom même, d'après la pharmacopée, il faut leur donner, c'est le rôle du médecin, et ce rôle est très important. Le pharmacien n'est que (page 596) son exécuteur. C'est le médecin qui prescrit le médicament, qui en détermine la nature et les proportions et qui leur donne le nom convenable, d'après la pharmacopée en usage dans le pays.
Eh bien, messieurs, la loi veut qu'il y ait une relation entre le médecin qui ordonne et le pharmacien qui exécute et elle prend à cet égard de grandes précautions. Quels inconvénients n'avons-nous pas vus naguère par suite du défaut d'entente entre le médecin et le pharmacien ? Je ne citerai pas des noms propres, je me bornerai à faire remarquer que quelquefois la vie de nos semblables s'est trouvée compromise par certaines prescriptions de médecin, entachées d'erreur ou mal comprises par le pharmacien.
Cet objet, messieurs, est de la plus haute importance. Tout ce qui tient à la pharmacologie doit nécessairement être connu d'une manière approfondie par le médecin, car le pharmacien, encore une fois, n'est que l'exécuteur des ordonnances du médecin.
Maintenant, messieurs, ajoutez à cela, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Vander Donckt, que dans les campagnes le médecin cumule ses fonctions avec celles de pharmacien. C'est évidemment une raison de plus pour que la connaissance de la pharmacologie et des éléments de pharmacie soit déclarée nécessaire aux médecins.
Je propose donc, messieurs, de distraire la pharmacologie et les éléments de pharmacie des matières à certificats et de les comprendre dans les matières à examen.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, je n'ai pas très bien compris l'argumentation de l'honorable M. Vander Donckt : d'une part il se plaint qu'on n'ait pas simplifié les examens pour les étudiants en médecine, autant qu'on a simplifié les examens pour les étudiants en droit, et d'autre part il présente des considérations dont la conclusion légitime serait qu'on a trop simplifié les examens en médecine en ne comprenant pas la pharmacologie et l'hygiène au nombre des matières d'examen. Il me semble, messieurs, que nous devons savoir ce que nous avons voulu. Si nous voulons réellement simplifier l'examen, il est indispensable d'opérer une division des sciences qui constituent les matières d'examen. Sans doute toutes ces sciences ont une grande importance et personne ne peut contester cette importance en ce qui concerne spécialement la pharmacologie ; mais il me semble que les honorables membres partent de cette idée erronée que les matières à certificats ne seront, pour ainsi dire, plus étudiées ni même enseignées. C'est là la préoccupation de M. Verhaegen. Mais, messieurs, dans la pensée de la section centrale, cela n'est pas à craindre ; la section centrale, en opérant la division qui est aujourd'hui critiquée, a pensé que les matières à certificats seront étudiées, sinon d'une manière aussi approfondie que les matières d'examen, au moins d'une manière suffisante. Par cela seul que la pharmacologie est d'un intérêt réel pour le médecin, il est évident que le jeune homme qui veut se faire une position et une clientèle, qui comprend la responsabilité de la profession qu'il va exercer, il est évident que ce jeune homme s'appliquera à la pharmacologie avec autant de soin que si elle était compris dans les matières d'examen.
Je ne sais pas si la proposition de M. Verhaegen consiste à joindre tout simplement la pharmacologie aux matières d'examen ou à la substituer à une autre matière.
M. Verhaegen. - Je propose simplement de joindre la pharmacologie et les éléments de la pharmacie aux matières d'examen.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il est évident que l'anatomie humaine, les démonstrations anatomiques et la physiologie humaine sont aussi du plus haut intérêt. Ce sont, de l'aveu de tous, des, branches qui peuvent être considérées comme principales et comme exerçant une influence plus directe encore que la pharmacologie sur l'ensemble des sciences nécessaire au médecin.
M. Thienpont. - Messieurs, je regrette de ne pas pouvoir soutenir la proposition de l'honorable M. Vander Donckt, et de me trouver en désaccord avec lui sur une question où nous devrions constamment nous rencontrer sur le même terrain.
Déjà l'honorable comte de Theux a fait valoir une raison capitale en faveur de l'opinion que je viens soutenir, c'est que, en dehors des grands centres de population, les médecins sont dans la nécessité de se livrer à la pratique des trois branches de l'art de guérir. L'étude de ces trois branches, aussi bien que la pratique, est tellement connexe, qu'il serait difficile de les séparer.
Des maladies internes accompagnent ou suivent toujours les grandes opérations chirurgicales. Le chirurgien, à moins d'abandonner le patient à d'autres mains, devient donc nécessairement médecin après l'opération.
Dans les cas urgents le médecin doit savoir faire une opération dont peut dépendre la vie d'un homme. Il est des cas tellement urgents, qu'ils ne laissent pas de temps à perdre, où il faut agir sans retard.
Quant à l'art obstétrical, les sages-femmes suffisent pour les cas ordinaires ; leurs études ont été particulièrement dirigées vers ce but et les médecins ne sont appelés que lorsqu'il se présente des difficultés, alors que leur intervention peut être utile ou est indispensable. Il faut donc qu'ils soient également au courant de ces manœuvres.
J'admets volontiers que ceux qui se placent dans les grands centres de population s'adonnent de préférence à une spécialité et s'appliquent plus volontiers à la pratique de l'une ou de l'autre des trois branches de l'art de guérir. Là, cela est possible, mais à la campagne certainement pas.
(page 606) >M. Vander Donckt. - Je désire, messieurs, répondre quelques mots à mon honorable collègue, M. Thienpont. L'essentiel d'abord c'est de savoir si on peut exiger du docteur en médecine toutes les connaissances accessoires de son art, non seulement la théorie de la chirurgie, mais la pratique des opérations chirurgicales et des opérations chirurgicales du premier ordre. Je soutiens qu'il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir acquérir ces connaissances. L'honorable M. Devaux, dans une séance précédente, nous a dit que pour les intelligences d'élite, il n'y a pas à s'en occuper ; que certains élèves parviendront toujours à satisfaire aux examens les plus rigoureux ; mais, messieurs, ce dont nous devons nous préoccuper, ce sont les médiocrités qui forment le grand nombre, et qui s'établissent dans les villes et dans les campagnes.
Voulez-vous que les campagnes soient desservies par des hommes incapables qui possèdent quelques connaissances superficielles dans les différentes branches, et qui ne connaissent rien à fond ? Je soutiens, messieurs, qu'il est impossible qu'on soit également capable au même degré dans toutes les branches de l'art de guérir, de la chirurgie et des accouchements.
Mon honorable collègue doit savoir qu'à la campagne aucun docteur en médecine ne s'avise de faire des opérations chirurgicales de premier ordre ; toujours et même pour les pauvres, alors qu'il s'agit d'opérations qui mettent la vie de l'homme en danger, on fait venir des (page 607) hommes spéciaux qui ont les capacités nécessaires et l'habitude de faire ces sortes d'opérations ; ou, si cela n'est pas possible pour les indigents, par exemple, on les transporte dans les hôpitaux et c'est là que se font les opérations. Voilà ce qui se passe dans la pratique.
Les docteurs en médecine à la campagne n'exercent donc pas cumulativement les diverses branches de l'art de guérir ; je conviens que les docteurs en médecine à la campagne doivent savoir pratiquer une saignée, ouvrir un abcès, réduire une fracture simple ; mais je le répète, les grandes opérations chirurgicales ne sont jamais faites par les docteurs en médecine à la campagne ; ou a étudié théoriquement ces opérations à l'université, on se borne bientôt, après s'être établi à la campagne, à guérir les maladies internes ; et quand il s'agit de grandes opérations à faire, le docteur en médecine indique au malade les mesures qu'il y a lieu de prendre par le ministère d'hommes spéciaux.
M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il n'a pas bien saisi l'objet de mes observations ; que d'un côté, je multiplie les matières à examen, et que, d'un autre côté, je prétends réduire les matières sur lesquelles le docteur en médecine doit être examiné.
Je tâcherai d'être plus clair. Oui, quant aux matières nécessaires, je veux qu'elles soient rangées au nombre des matières à examen ; ce sont celles sur lesquelles le récipiendaire doit subir un examen ; mais ce que je veux, c'est que les examens soient divisés, c'est qu'il soit facultatif aux récipiendaires de se soumettre à un examen de médecine spécial ; qu'il se soumette à un second examen, s'il le veut, sur les opérations chirurgicales, sur ce que j'appelle la médecine opératoire, et un troisième examen sur les accouchements, si le récipiendaire se croit de force pour cumuler les connaissances sur ces diverses branches de l'art de guérir.
Je crois m’être maintenant expliqué d'une manière assez claire.
(page 596) M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, la division du travail est la thèse que soutient l'honorable M. Vander Donckt ; il y a sans doute quelque chose d'utile dans ses observations, à son point de vue ; mais ce n'est pas le point pratique de la question. La plupart des patients n'ont pas les moyens pécuniaires suffisants pour prendre à la fois un médecin et un chirurgien ; voilà le cas le plus pratique ; aussi voit-on généralement, et même dans les villes de second et de troisième ordre, que le même docteur exerce à la fois la médecine et la chirurgie opératoire ; il assiste aussi aux accouchements les plus difficiles ; voilà ce que nous voyons constamment ; s'il en était autrement, peut-être les 99/100 de la population ne pourraient pas recourir aux médecins, parce qu'ils seraient hors d'état de les payer.
Depuis la loi de 1835, on a exigé des récipiendaires des études médicales, chirurgicales et obstétricales ; nous ne devons pas, je pense, abandonner ce système qui a déjà produit de très bons effets et qui en produira de plus en plus.
Quant à la logique dont a parlé l'honorable préopinant, il en est question dans l'examen de candidature en sciences naturelles ; on a décidé hier que la psychologie serait substituée à la logique, pour donner une portée plus spirituelle aux connaissances médicales. C'est donc une question résolue.
Reste maintenant l'amendement de l'honorable M. Verhaegen. Y a-t-il lieu de comprendre parmi les matières de l'examen la pharmacologie, y compris les éléments de pharmacie ?
Il est évident que toutes les matières de l'enseignement, relatives à la médecine, sont essentielles ; mais il a fallu, pour demeurer conséquent au système adopté et qu'on a défendu, me semble-t-il, par des raisons solides ; il a fallu, dis-je, limiter l'examen à certaines matières et à mettre le certificat pour les autres ; car ce que nous avons trouvé pour les autres sciences, doit être également trouvé pour la médecine.
Ce n'est point à dire que l'enseignement de la pharmacologie, y compris les éléments de pharmacie, sera négligé ; en aucune manière ; mais il n'y aura pas d'examen.
Messieurs, savez-vous ce qu'il faut pour prévenir les inconvénients que l'honorable M. Verhaegen a signalés, pour prévenir les malentendus entre les prescriptions médicales et l'exécution de ces prescriptions par le pharmacien ? Il faut qu'on rédige une bonne pharmacopée pour la Belgique ; or, c'est ce dont l'Académie de médecine s'est occupée, et le travail est annoncé.
Je crois, en conséquence, qu'il y a lieu de maintenir la proposition de la section centrale.
M. F. de Mérode. - Messieurs, dans la discussion actuelle, comme dans beaucoup de discussions précédentes, on a fait valoir la nécessité de réduire les matières el d'éviter la confusion des sciences pour les individus qui les cultivent. Il est certain que l'étude de la médecine, de la chirurgie et la pratique de la chirurgie entraînent beaucoup plus de connaissances que celles qu'exigent l'état de docteur ou celui de chirurgien séparément.
Or, si l’on veut que les médecins puissent se fortifier beaucoup dans leur art, il ne faut pas leur imposer l'obligation d'être chirurgiens. On parle constamment de la campagne. Ceux qui voudront exercer l'art médical à la campagne sauront qu'ils ont besoin de connaissances médicales et chirurgicales et ils étudieront alors ces deux parties.
Mais si telle personne qui ne se sent aucune propension ou disposition pour la chirurgie en a une très réelle pour la médecine qui est un autre genre, car pour l'un il faut la main, pour l'autre il faut le coup d'œil qui découvre la nature d'une maladie interne ; celui qui n'aura qu'une des deux dispositions la cultivera particulièrement ; la cultivant particulièrement, il deviendra de la sorte plus capable. Je ne vois pas jusqu'ici pourquoi on veut obliger quiconque se destine à la médecine à s'adonner en même temps à la chirurgie.
On a relevé beaucoup la réputation du médecin Boerhave, d'Amsterdam ; je crois que ce médecin, qui a laissé un nom historique dans le monde, n'était pas chirurgien ; on lui adressait des lettres : à M. Boerhave, en Europe.
M. de Haerne. - C'était l'empereur de la Chine.
M. F. de Mérode. - C'est possible.
La commune qu'on exerce sur celui qui n'a pas envie d'être chirurgien, pour aller pratiquer dans la campagne, est une atteinte à la liberté ; c'est une vexation qu'on fait subir à un individu qui se sent capable d'exercer soit l'art de la médecine, soit l'art de la chirurgie ; on l'oblige à savoir tout ce qui concerne les deux choses.
S'il m'est permis de faire une comparaison vulgaire, je dirai que s'il fallait un diplôme pour la profession de maréchal et de charron, nécessaires à la fabrication d'une voiture qui demande la manipulation du fer et du bois, el qu'on voulût obliger l'ouvrier en voitures à être à la fois, maréchal et charron, on trouverait l'exigence outrée et on laisserait les deux états séparés, comme ils l'ont été d'ordinaire.
Mais maintenant on a pris l'habitude de procéder par coaction ; depuis qu'on nous a donné des libertés politiques, on nous en a été beaucoup d'autres ; on peut dire que par application du système des compensations de M. Azaïs, si l'on a gagné d'une part des libertés, on en a perdu d'un autre, et c'est ainsi qu'on ne peut plus en Belgique se (page 597) servir de balances romaines ; comme en France, chez nous l'administration pénètre partout.
Je voudrais qu'on n'exigeât pas que celui qui veut étudier la médecine en embrasse toutes les branches ; celui qui pourra exercer la médecine et la chirurgie aura plus de vogue ; et toutes les fois qu'un individu se sentira capable de pratiquer les deux branches il étudiera ce qu'il faut pour le faire convenablement.
M. Verhaegen. - Pour combattre mon amendement, l'honorable rapporteur de la section centrale a dit que je n'appréciais pas les motifs qui avaient déterminé la division des matières d'enseignement en matières à certificats et matières à examen. Toutes les matières, dit-il, sont également importantes. C'est là évidemment une erreur, car autant vaudrait dire qu'on tirera au sort pour savoir lesquelles seront matières à examen et lesquelles seront matières à certificats.
Soyons dans le vrai ; du plus ou moins, il y a quant à l'importance qu'on leur accorde une différence entre les matières à certificats et les matières à examen. Les unes sont considérées comme principales, les autres sont considérées comme accessoires. S'il en était autrement, pour rester dans la thèse qui nous occupé, je dirais : La pharmacologie est considérée comme chose essentielle indispensable au médecin ; si vous la maintenez parmi les matières à certificats, vous dites que l'élève l'étudiera comme si c'était une matière à examen.
Mais si l'élève étudie avec fruit, s'il s'applique, quel inconvénient trouvez-vous à l'interroger là-dessus ? C'est une garantie pour le public ; pour moi, je ne vois là aucun inconvénient. Je trouve, au contraire, que la matière la plus importante de la candidature en médecine est la pharmacologie et les éléments de la pharmacie ; j'en ai donné les raisons.
Qu'un médecin se trompe sur l'anatomie générale et descriptive ou sur la physiologie humaine, ce sera un ignorant ; mais pour cela il ne tuera pas un de ses semblables ; mais qu'il se trompe en pharmacologie, si dans la prescription d'un remède il commet une erreur grave en fait d'indication de substance, s'il fait prendre à son malade du sublimé corrosif, par exemple, au lieu de calomel.....
Ne riez pas, cela est arrivé ; on ne donnait pas le nom voulu par la pharmacopée, je prends l'exemple le plus grave des erreurs qu'on peut commettre ; je le répète, cela est arrivé naguère et je suis convaincu que tout le monde se le rappelle.
Je demande après cela si la pharmacologie n'est pas nécessaire au médecin dans l'exercice de sa profession. La section centrale, pour la candidature eu médecine, propose trois matières à examen et deux à certificats. Si j’étais obligé de passer par ces conditions quant au chiffre, je préférerais placer la physiologie humaine dans les matières à certificats, pour comprendre la pharmacologie dans les matières à examen. Si un arrangement en matières à certificats et en matières à examen doit être admis, je préfère celui que je viens d'indiquer. Ce n'est pas que je trouve qu'une des matières soit de peu d'importance, au contraire, je les considère toutes comme importantes ; mais l'importance de la pharmacologie et des éléments de pharmacie saute aux yeux.
(page 607) >M. Vander Donckt. - J'ai demandé que la pharmacologie fût placée dans les matières à examen et non dans les matières à certificats. Les observations judicieuses de l'honorable M. Lesoinne doivent vous avoir frappés ; comment ! pour l'obtention du diplôme d'artiste vétérinaire, on exige des élèves un examen sur la pharmacologie, non seulement théorique, mais un examen pratique sur les préparations médicinales en présence des examinateurs, quand il s'agit du bétail, d'un objet de commerce qui n'a qu'une valeur vénale ! Et quand il s'agit de la vie de l'homme on se contente d'un certificat ! on trouve qu'un certificat suffit pour la pharmacologie ! Cela n'est pas rationnel. Je voudrais connaître à cet égard l'opinion de M. le ministre de l'intérieur.
Si l'on a jugé nécessaire d'être aussi rigoureux pour la médecine vétérinaire sous le ministère précédent, comment concilier cela quand il s'agit de la vie de l'homme ?
Quant à l'observation de l'honorable M. Verhaegen qu'on a administré du mercure sublimé corrosif au lieu de mercure doux, elle n'est que trop exacte. Ces deux corps diffèrent très peu dans leur couleur et dans leur préparation. Seulement le premier est un poison violent, le second est un léger purgatif.
(page 597) M. de Theux, rapporteur. - L'honorable M. Verhaegen a mal compris ma pensée. Je n'ai pas voulu dire que toutes les matières de l'art médical eussent une importance absolument égale. Je n'ai pas dit cela. Mais j'ai dit : Toutes les parties de l'art médical ont un caractère essentiel, important. Je n'ai pas voulu établir une situation absolument égale entre les diverses parties de cet ensemble.
Savez-vous ce qui est d'une très grande importance dans l'art médical ? Ce sont les notions d'anatomie humaine (générale et descriptive), de physiologie humaine et d'anatomie pathologique. Elles sont comprises dans l'examen de candidat. Voilà des connaissances qui doivent être profondément enseignées et étudiées, si nous voulons que l'art médical fasse de grands pas.
Quant à la pharmacologie et aux éléments de pharmacie, il suffit de suivre les cours. Parce qu'on n'en fait pas une matière d'examen, mais une matière à certificat, est-ce un motif pour que cette étude soit abandonnée ? Mais non.
De quoi se plaint-on ? Des préoccupations d'examen des élèves. Si vous ne retranchez lieu des matières d'examen, les préoccupations continueront à subsister, et vous n'aurez pas porté remède au mal dont on se plaint. On a voulu que certains cours ne fussent pas compris dans les examens, pour que l'attention des jeunes gens pût se porter avec plus de profondeur sur les matières les plus essentielles. Si vous conservez toutes les matières d'examen, vous retombez dans les inconvénients qui ont été signalés dans la discussion générale et dans la séance d’hier.
Je ne puis trop répéter à la Chambre que ce qu'il est surtout essentiel de fixer, c'est la pharmacopée et de donner une sanction pénale aux contraventions qui s'y rattachent.
Quant à moi, je persiste à combattre l'amendement de l'honorable M. Verhaegen.,
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je veux dire un mot encore sur les observations qui ont été présentées par l'honorable M. Vander Donckt.
L'idée d'en revenir aux trois diplômes distincts pour les trois branches de l'art de guérir a été soumise au principal corps médical de Belgique et examinée par lui. Le gouvernement l'a également soumise à l'examen d'une commission composée d'hommes éminents dans la science médicale, qui ont été unanimement d'avis qu'il fallait persister dans le système du diplôme unique.
D'abord l'idée d'un diplôme unique, mais complet, répond mieux aux exigences de la science actuelle, qui comprend la connaissance de toutes les branches de l'art de guérir. Ensuite, au point de vue de la pratique, le diplôme unique devait être maintenu, surtout pour déraciner les abus que l'on a constatés précisément par suite de l'existence de trois diplômes distincts.
Sous l'empire de ce régime, un homme de l'art diplômé pour une seule partie ne se refusait jamais à exercer les autres parties, pour lesquelles il n'était pas diplômé. A la campagne surtout, il ne s'y refusait jamais, et exerçait des parties de l'art pour lesquelles il n'offrait aucune espèce de garantie sociale.
C'est pour prévenir cet abus que la commission a été unanimement d'avis de maintenir le diplôme unique, plus en rapport, d'ailleurs, avec l'enseignement, tel qu'il est organisé dans nos universités.
Une autre observation de l'honorable préopinant, je l'ai rencontrée hier. Ce système d'un diplôme unique ne fait pas obstacle à la création de spécialités médicales. Le médecin est obligé d'acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice des trois branches de l'art de guérir, qui se complètent l'une l'autre ; mais s'il se sent une vocation spéciale pour une branche de l'art de guérir rien ne l'empêche de s'y livrer et de s'y distinguer ; au contraire, les connaissances plus étendues qu'il a acquises ne pourront que l'y aider.
En supposant que la Chambre ne se range pas à l'avis de l'honorable membre, et qu'elle veuille maintenir un diplôme unique il faudra, dans divers articles de la présente loi, ajouter après le mot « médecine » les mots « chirurgie et accouchements ». Voici pourquoi. Il y a des commissions médicales qui ont demandé si le diplôme de docteur en médecine, ne portant en réalité que ces seuls mots, donnait le droit d'exercer les trois branches de l'art de guérir.
Lorsqu'un médecin se rend dans une province pour exercer l'art médical, il est obligé de faire viser son diplôme par la commission médicale. Les commissions sont obligées de faire tous les ans le relevé de tous les hommes de l'art exerçant dans la province. Comme il y avait jadis des diplômes distincts, il y a, dans ce relevé, des colonnes distinctes, où la commission médicale doit constater si les médecins ont le diplôme de médecin, de chirurgien et d accoucheur. Il y a des commissions médicales qui se sont arrêtées devant la lettre et qui n'ont voulu considérer que comme diplômés pour la médecine seulement, les docteurs en médecine diplômés sous l'empire de la loi actuelle, bien qu'ils le soient en réalité pour les trois branches de l'art de guérir. Pour éviter le retour de telles difficultés, il vaut mieux, après le mot « médecine », mettre les mots « chirurgie et accouchements ».
Pour en revenir une dernière fois à la pharmacologie, je continue à reconnaître que c'est là une branche très importante. Cependant si l'on veut alléger un peu le fond de l'examen, si l'on veut, comme l'a dit l'honorable rapporteur, faire cesser les préoccupations que l'on redoute et qui empêchent l'élève de se livrer à l'étude des matières que l'on considère comme les plus essentielles, il faut bien limiter l'examen.
On a invoqué ce qui se fait pour la médecine vétérinaire et l'on a dit : Vous exigez la pharmacologie et même des préparations pharmaceutiques pour la médecine vétérinaire, et vous n'en exigez pus pour la médecine humaine. Mais il n'y a aucune comparaison à faire entre les études préalables pour la médecine vétérinaire et celles pour la médecine humaine. L'institution de la médecine vétérinaire n'est pas entourée de connaissances et d'études offrant des garanties sous ce rapport comme les études médicales au point de vue humain. Il n'y a donc pas de comparaison à faire.
Ensuite, comme l'a fait observer l'honorable rapporteur, nous avons une garantie dans la pharmacopée qui est publiée maintenant et pour l'introduction officielle de laquelle le gouvernement doit bientôt proposer une loi.
Ainsi les inconvénients signalés par l'honorable M. Verhaegen pourront être évités.
M. Mascart. - Je crois également, messieurs, qu'il y aurait danger à ranger la pharmacologie dans les matières à certificats, au moins pour les jeunes gens appelés à pratiquer la médecine à la campagne, car, si le médecin ne connaît pas les substances qui forment le médicament, il agit à la façon des empiriques, ce qui ne présente pas beaucoup de garanties pour ceux qui ont recours à sa science incomplète.
Aujourd'hui, le contrôle réciproque existe entre celui qui prescrit et celui qui exécute, parce que l'un et l'autre connaissent la matière. Par ses connaissances spéciales, le médecin peut constater que sa prescription ne laisse rien à désirer dans l'exécution ; le pharmacien, de son côté, use de son droit de remontrance s'il juge que l’administration du remède prescrit offre du danger. S'il y a danger, la prescription est modifiée sans difficulté parce que celui qui l'a faite est en position de reconnaître l'erreur dans laquelle il est tombé.
Il est évident que le contrôle mutuel n'est possible que pour autant que les deux termes qui y concourent aient une valeur scientifique : l'ignorance ne peut pas contrôler le savoir.
(page 598) Dans les campagnes et même dans les villes les médecins sont autorisés à débiter les médicaments à leurs malades. Qu'arrivera-t-il si ces mêmes médecins appelés en même temps à prescrire et à exécuter leurs prescriptions ne savent pas faire un choix de bons médicaments ? Indubitablement, le malade soumis à leurs soins sera exposé à subir les conséquences funestes de leur ignorance, en avalant quelquefois des matières devenues inertes par la détérioration ou la sophistication.
Je pense que la falsification des médicaments est une des matières les plus importantes à connaître et que souvent la vie du malade dépend de l'administration d'une potion. Ainsi, un malade atteint de fièvre intermittente pernicieuse est guéri par la quinine, mais quand ce médicament est sophistiqué le malade succombe souvent au deuxième accès ; jamais il ne survit au troisième.
Si l'étude de la pharmacologie est abandonnée par les élèves en médecine, il en résultera de graves inconvénients ; c'est l'opinion des hommes compétents.
M. de La Coste. - Le candidat qui se présente est préparé par l'examen de la candidature en sciences naturelles, où il est interrogé sur les éléments de la chimie organique et inorganique et sur la botanique. Il connaît donc déjà les substances au moyen desquelles se préparent les médicaments.
La pharmacologie est une affaire de terminologie. C'est un exercice pour la mémoire, qui ne s'apprend que par la pratique et dans les livres. Voilà pourquoi la section centrale l'a rangée parmi les matières à certificats.
Je crois que la Chambre peut s'en rapporter à la classification proposée par la section centrale.
M. Lelièvre. - Je pense que pour faire cesser le doute qui s'est présenté et réaliser la pensée de M. le ministre de l'intérieur, il suffirait d'énoncer dans la loi une disposition générale portant que le grade de docteur en médecine, obtenu conformément à la présente loi, donne à celui auquel il est conféré le droit d'exercer la médecine, la chirurgie et l'art des accouchements.
On déterminerait ainsi, dans une disposition unique, l'étendue des droits attachés au grade de docteur en médecine.
- L'amendement de M. le ministre de l'intérieur (consistant à dire, au lieu de : « examen en médecine, examen en médecine, en chirurgie et en accouchements »), est mis aux voix et adopté.
L'amendement de M. Verhaegen (transfert de la pharmacologie et des éléments de pharmacie des matières à certificats dans les matières d'examen) est mis aux voix et adopté après deux épreuves.
L'article 14 est adopté avec ces amendements.
« Art. 15. (projet du gouvernement). L'examen de candidat en pharmacie comprend :
« Les éléments de physique ;
« La botanique descriptive et la physiologie végétale ;
« La chimie inorganique et organique.
« L'examen de pharmacien comprend :
« L'histoire des drogues et des médicaments, leurs altérations et falsifications, les doses maxima auxquelles on peut les administrer, la pharmacie théorique et pratique.
« Il comprend, en outre, deux préparations pharmaceutiques, deux opérations chimiques et une opération toxicologique.
« En se présentant pour le subir, le récipiendaire est tenu de justifier, par la production de certificats approuvés par une des commissions médicales provinciales, de deux années de stage officinal, à partir de l'époque à laquelle il a obtenu le grade de candidat en pharmacie.
« Le jury peut se dispenser de passer aux épreuves sur les procédés chimiques, pharmaceutiques et toxicologiques, s'il juge, après la première partie de l'examen, qu'il y a lieu de prononcer l'ajournement ou le rejet du candidat.
« Les candidats en sciences naturelles peuvent devenir pharmaciens, en subissant seulement le dernier examen dans lequel on comprend, pour ce cas spécial, la chimie inorganique et organique. Ils produisent, comme les candidats en pharmacie, le certificat de stage officinal. »
« Art. 15 (projet de la section centrale). L'examen de candidat en pharmacie comprend :
« Les éléments de physique ;
« La botanique descriptive et la physiologie végétale ;
« La chimie inorganique et organique, en rapport avec les sciences médicales.
« L'examen de pharmacien comprend :
« L'histoire des drogues et médicaments, leurs altérations et falsifications, les doses maxima auxquelles on peut les administrer, la pharmacie théorique et pratique.
« Il comprend, en outre, deux préparations pharmaceutiques, deux opérations chimiques et une opération toxicologique.
« Le jury peut se dispenser de passer aux épreuves sur les procédés chimiques, pharmaceutiques et toxicologiques, s'il juge, après la première partie de l'examen, qu'il y a lieu de prononcer l'ajournement ou le rejet du candidat.
« Les candidatshygtf en sciences naturelles peuvent devenir pharmaciens, en subissant seulement le dernier examen, dans lequel on comprend, pour ce cas spécial, la chimie inorganique et organique. Ils produisent comme les candidats en pharmacie, le certificat de stage officinal. »
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t~il à la rédaction de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Oui, M. le président. Seulement je propose d'ajouter aux matières de l'examen de candidat en pharmacie les éléments de minéralogie.
M. Delfosse. - Je voudrais que M. le ministre expliquât les motifs pour lesquels il ajoute une nouvelle matière d'examen.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, les connaissances que doit posséder le candidat en pharmacie supposent des notions sur les éléments de minéralogie. On n'avait pas exigé cette connaissance jusqu'à présent ; mais, si je ne me trompe, c'est le professeur de pharmacie à l'université de Bruxelles qui en a réclamé l'adjonction au programme et la faculté de médecine de l'université de Gand a également insisté sur la nécessité de ces connaissances en minéralogie. Je ne pense pas qu'il faille une connaissance approfondie de la minéralogie, aussi je me borne à exiger du candidat pharmacien les éléments de cette science.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est adoptée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, le dernier alinéa de l'article 15 est ainsi conçu :
« Il (l'examen de candidat en pharmacie) comprend, en outre, deux préparations pharmaceutiques, deux opérations chimiques et une opération toxicologique »
Dans la dernière réunion du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur, une proposition a été faite par un honorable professeur de l'université de Liège, ayant pour but de faire ajouter à l'opération toxicologique une opération sur la falsification des médicaments. Cette proposition fut admise à l'unanimité par le conseil supérieur. Voici, messieurs, comment cet honorable professeur a développé sa proposition :
« L'étude de la pharmacie comprend :
« La théorie de la pharmacie et des falsifications des médicaments ; la pratique de la pharmacie et de la toxicologie.
« Les examens d'admission au grade de pharmacien ont pour objet :
« La théorie de la pharmacie et des falsifications des médicaments, quatre opérations pharmaceutiques et une opération de toxicologie.
« On a établi une séparation entre la pharmacie et la falsification des médicaments.
« La pharmacie seule est étudiée théoriquement et pratiquement.
« Les falsifications des médicaments sont exposées théoriquement ; on ne s'occupe pas de leur étude pratique.
« La toxicologie n'a pas de cours théorique ; on exerce les élèves à des opérations pratiques.
« Il est évident que l'enseignement pharmaceutique doit être modifié.
« Il est indispensable qu'un pharmacien puisse reconnaître si une substance dont il veut faire l'acquisition est falsifiée ou non.
« On peut avancer sans crainte que, dans l'état actuel des choses, les pharmaciens n'ont généralement pas les connaissances indispensables pour procéder aux opérations nécessaires à l'effet d'atteindre à ce but. La théorie ne suffit pas ; il faut s'être habitué à la pratique pour faire des recherches utiles.
« Il est urgent que dans les cours on se livre aux opérations relatives aux falsifications et que dans les examens on exige des récipiendaires la preuve pratique de leur savoir.
« La toxicologie n'est étudiée qu'incomplètement, puisqu'il n'existe pas de cours de toxicologie et qu'on se borne à exercer les étudiants à des opérations qui leur permettent de subir leur examen.
« Ainsi études incomplètes sur les falsifications et sur la toxicologie. »
Je crois, messieurs, que ces considérations sont parfaitement fondées et je propose de dire à la fin du paragraphe :
« Une opération toxicologique et une opération relative à la falsification des médicaments. »
M. Rodenbach. - Messieurs, j'approuve fortement ce que vient de proposer M. le ministre de l'intérieur. Il est à ma connaissance que très souvent dans les petites villes, lorsqu'il s'agit de constater s'il y a du sulfate de cuivre dans le pain, il y a des pharmaciens qui ignorent même comment il faut procéder.
Or, messieurs, vous savez que cette matière est très importante et qu'elle donne lieu à beaucoup de controverses. Ainsi on a vu soutenir devant les tribunaux que la nature a mis une parcelle de sulfate de cuivre dans les céréales ; et cette opinion a été soutenue avec plus ou moins de succès, car l'accusé a été acquitté.
D'un autre côté, messieurs, le sulfate de quinine est une matière pharmaceutique très importante ; or il paraît qu'en France on a trouvé le moyen de mélanger le sulfate de quinine avec 10 ou 15 p. c. de silicine, une espèce d'écorce d'arbre ; c'est une falsification qui peut être très fatale aux malades.
J'appuie fortement la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
M. Lelièvre. - J'approuve la proposition de M. le ministre de l'intérieur, qui me paraît d’autant plus acceptable que, pour l'exécution de la loi récente sur les sophistications, les pharmaciens sont des témoins nécessaires, sans lesquels les tribunaux ne peuvent prononcer en semblable matière.
Il importe donc que les pharmaciens aient les connaissances nécessaires pour pouvoir émettre un avis indispensable à l'administration de la justice. A ce point de vue, j'appuie l'amendement.
(page 599) - La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
L'article 15, tel qu'il a été modifié, est ensuite adopté dans son ensemble.
« Art. 16 (projet de la section centrale). Les matières d'examen en droit sont :
« 1° Pour celui de candidat :
« L'histoire et les institutes du droit romain (examen mis en rapport avec un cours d'un an).
« Les matières à certificats sont :
« L'encyclopédie du droit ;
« Le droit naturel ou la philosophie du droit ;
« L'histoire politique moderne.
« 2° Pour le premier examen de docteur :
« Le droit civil (examen mis en rapport avec le cours d'un an) ;
« Les pandectes (examen mis en rapport avec le cours d'un an).
« Les matières à certificats sont :
« Le droit public et l'économie politique.
« 3° Pour le deuxième examen de docteur :
« Le droit civil (examen mis en rapport avec le cours d'un an) ;
« Les principes et éléments du droit criminel belge.
« Les matières à certificats sont:
« La procédure civile ;
« Le droit commercial.
« A la fin de chaque année académique, le gouvernement sur l'avis des jurys, détermine la partie des pandectes sur laquelle doit porter l'examen, l'année suivante.
« Le candidat en droit peut obtenir le titre de docteur en sciences politiques et administratives, en subissant un examen sur l'économie politique, le droit public et le droit administratif.
« Le docteur en droit peut obtenir le même titre, en subissant un examen oral sur les mêmes matières. »
- Le gouvernement se rallie au projet de la section centrale.
M. Verhaegen. - Messieurs, jusqu'à présent les questions qui se présentaient entre le gouvernement et la section centrale n'étaient relatives qu'à la division des matières en matières à certificats et en matières à examen, et je comprends que le gouvernement, ayant adopté le système à certificats, a pu se rallier au système de la section centrale ; mais il s'agit de tout autre chose dans l'article 16, il s'agit de la suppression d'une matière importante ; il y a en quelque sorte un changement de système.
Pour la candidature en droit, d'après la proposition primitive du gouvernement, l'examen comprenait :
« L'histoire et les institutes du droit romain (examen mis en rapport avec un cours d'un an) ;
« L'encyclopédie du droit, l'introduction historique au cours de droit civil, l'exposé des principes généraux du Code civil (examen mis en rapport avec un cours d'un an) ;
« Le droit naturel ou la philosophie du droit ;
« L'histoire politique moderne. »
Maintenant, la section centrale propose (et le gouvernement se rallie à cette proposition) de régler l'examen de candidat en droit de la manière suivante :
« (Matières à examen.) L'histoire et les institutes du droit romain.
« (Matières à certificats.) L'encyclopédie du droit ; le droit naturel ou la philosophie du droit ; l'histoire politique moderne. »
Ce qui veut dire qu'il n'y a plus ni examen, ni production de certificat pour l'encyclopédie du droit, pour l'introduction historique au cours de droit civil et pour l'exposé des principes généraux du Code civil.
C'est là un système tout à fait différent de celui qui a été proposé par le gouvernement. C'est une question excessivement grave. Dans l'examen de la candidature en droit, vous mettez les institutes et l'histoire du droit romain ; ainsi vous préparez l'élève, par ce droit élémentaire romain, si je puis m'exprimer ainsi, au droit romain approfondi qui se compose des pandectes.
Pour notre droit civil moderne, au contraire, on va jeter tout d'un coup l'élève dans le droit civil approfondi ; il ne connaîtra rien des éléments du droit civil moderne ; il ne connaîtra rien des éléments et de l'histoire du droit civil moderne. Cependant on avait reconnu précédemment la nécessité de ces connaissances que j'appellerai préliminaires. Il est impossible de comprendre quoi que ce soit à un cours de droit civil moderne, si vous ne connaissez pas les éléments de ce droit civil moderne. En voulez-vous un exemple ?
« Le professeur de droit civil approfondi, dans le Ier titre du Code civil, rencontrant l'absence, examinera ce point-là avec tous les développements qu'il comporte ; eh bien, à propos de l'absence, il aura à parler de la tutelle ; il faudra pourvoir à la tutelle de l'absent ; l'élève n'aura jamais entendu parler de tutelle ; il faudra régler la succession ; l'élève ne saura pas ce que c'est que succession ; il sera question de la position de la femme de l'absent, du contrat de mariage, de la communauté légale ; l'élève ne saura pas le premier mot de tout cela.
Que faut-il à l'élève pour qu'il suive avec fruit un cours de droit civil approfondi ? Il faut qu'il connaisse d'abord les éléments du droit civil moderne ; qu'il sache en gros ce que c'est qu'une tutelle, une succession, une donation, un contrat de mariage, etc.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur pourquoi il a abandonné son premier projet...
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Pardon, je maintiens le cours élémentaire de droit civil comme matière à certificat.
M. Verhaegen. - Voilà déjà une grande différence ; la section centrale, par l'organe de l'honorable M. Devaux, répond que si l'on n'adopte pas son système, l'on n'a rien fait pour le droit ; moi, je dis que si on adopte le système de l'honorable M. Devaux, on détruit les études en droit...
M. Devaux. - J'expliquerai tout à l'heure le système de la section centrale.
M. Verhaegen. - En attendant, je constate que M. le ministre de l'intérieur maintient cette branche, sinon parmi les matières d'examen, au moins parmi les matières à certificats. Je demande s'il n'y aurait pas lieu à faire l'inverse, à mettre parmi les matières à examen les éléments du droit civil moderne et parmi les matières à certificats les institutes du droit romain.
- Plusieurs voix. - Non !
M. Verhaegen. - Ah ! vous vous récriez ; que veut dire cette exclamation ? Comme je le faisais remarquer tantôt il y a des matières que vous considérez comme principales, sur lesquelles vous voulez faire porter l'examen et d'autres que vous considérez comme moins importantes et pour lesquelles vous vous contentez d'un certificat.
Ce n'est que pour constater cela que j'ai fait cette proposition. Car moi aussi je trouve que les institutes sont une matière importante, et je désire qu'elles fassent partie de l'examen, mais je voudrais qu'on y comprît aussi le droit civil élémentaire.
J'attendrai les observations de l'honorable M. Devaux qui prétend que je n'ai pas compris le système de la section centrale.
M. Devaux. - Il faut d'abord savoir quel est le système de la section centrale. L'honorable membre ne l'a pas bien compris, cela ne m'étonne pas ; il n'est pas exposé avec détail dans le rapport de la section centrale.
M. Orts. - Il fallait en faire l'observation.
M. Devaux. - Elle a été faite.
Voici le système de la section centrale : La première année il y aura un examen sur les institutes seules ; la deuxième et la troisième année, il y a un examen sur un cours de droit civil, non pas approfondi, je dirai tout à l'heure ce qu'on entend par un cours de droit civil approfondi ; mais un cours de droit civil de deux ans, c'est-à-dire dans lequel on expose les principes du droit civil en y joignant la discussion d'un certain nombre de questions controversées.
Aujourd'hui qu'est-ce qu'on fait ?
Le cours de droit civil s'est singulièrement étendu ; il y eut un temps où il y avait un seul professeur du droit civil dans une université, aujourd'hui il y en a trois.
Je ne sais pas même si partout on se borne là. Dans la première année de droit on suit, en même temps que le cours d'institutes de droit romain, un cours de droit civil dans lequel on expose les principes de ce droit.
Je ne sais si dans plusieurs universités ce cours ne se prolonge pas au-delà d'une année ; c'est là ce qui entre aujourd'hui dans l'examen de candidature ; après cela vient un cours de droit civil approfondi, qui dure deux ans, mais qu'on appelle un cours de trois ans, parce qu'en réalité, par le nombre des leçons, il équivaut à cette étendue. Dans ce dernier cours le professeur, pour ne pas se borner à répéter ou à amplifier son collègue de la première année, expose et discute sur tout le Code toutes les questions controversées qui se sont présentées, toutes les opinions qui se sont produites, toutes les autorités qui les ont soutenues. Ce sont des détails de controverse à l'infini, un vrai supplice pour la mémoire de l'élève qui perd de vue la partie principale de l'enseignement du droit ; les principes. Les choses vont si loin sous ce rapport, que j'ai entendu dire que des professeurs se plaignaient de n'avoir pas assez de trois ans pour un tel cours, disant que pour voir tout le Code dans ce système, il leur faudrait quatre, cinq et six années.
Les autorités les plus imposantes demandent à grands cris la réforme de cet abus ; ces autorités, ce sont les magistrats les plus distingués, les jurisconsultes les plus éminents. Elle a été demandée par feu M. Dupret, le professeur de droit civil le plus remarquable que la Belgique ait eu. Dans le rapport annexé au projet de loi de M. Piercot, en 1855, la même opinion est exposée par deux des magistrats, dont les lumières font le plus d'honneur à la cour de cassation, MM. de Cuyper et Stas, et bien d'autres de leurs collègues sont dans les mêmes idées. C'est certes une autorité bien grande que celle de pareils hommes, dont la vie est vouée à la jurisprudence et qui ont en quelque sorte un culte pour la science du droit.
Les examens en droit sont l'effroi, la terreur des élèves. Voulez-vous un exemple de ce que c'est que l'examen de la candidature qui comprend à la fois les institutes et tout le droit civil élémentaire ? Voyez ce qui s'est passé en 1856 : à l'examen pour la candidature, il s'est présenté 133 élèves, remarquez que ces élèves ont déjà passé par le crible si' étroit de la candidature en philosophie et lettres.
On devrait croire, qu'après avoir subi cette première épreuve si (page 600) difficile, la plupart des élèves inscrits réussiront aisément à franchir la deuxième ; or, voici ce qui arrive ; 77 seulement ont été admis, c'est-à-dire 54 sur cent.
Dans une autre faculté à l'examen correspondant, celui de la candidature en médecine, il s'est présenté, la même année 98 candidats, et 76 sont admis, c'est-à-dire 77 pour cent. Ainsi d'un côté 77 pour cent, de l'autre 54 seulement.
Faut-il s'étonner après cela que de pareils examens exercent une véritable terreur sur les élèves et que pour les meilleurs esprits les études soient un supplice ?
Mais ce n'est pas seulement pour délivrer les élèves de ce qu'il y a d'exagéré dans ce stérile travail de mémoire qu'il faut simplifier les examens ; c'est aussi parce que les matières de cet enseignement se nuisent les unes aux autres.
On étudie, en même temps, les institutes et le droit civil élémentaire. Cet amalgame des éléments du droit romain et de ceux du droit moderne jette le trouble et la confusion dans l'esprit de ceux qui débutent dans cette étude. En effet, entre ces deux matières il y a à la fois des rapports et des différences telles, que commencer à les étudier en même temps c'est se créer, au début de la science, des difficultés qui fatiguent l'esprit et le jettent dans des hésitations continuelles.
Les hommes qui tiennent le plus au progrès de la science du droit demandent la séparation de ces deux études. Les principes du droit romain sont le fondement de la science du droit, il faut les savoir avant tout, il faut les asseoir sans mélange dans l'esprit des jeunes gens pour qu'il ne les confondent pas avec d'autres ; voilà ce que les hommes de science nous demandent en nous déclarant que depuis que l'on suit une autre voie il ne se forme plus de jurisconsultes.
On objecte que le second cours de droit civil serait gêné dans ses développements s'il n'était précédé par un cours où les principes aient été exposés.
Dans le système adopté par la section centrale sur la recommandation des autorités que je vous ai citées, l'enseignement des principes du droit civil n'est point abandonné, bien au contraire ; mais au lieu d'avoir d'une part dans la candidature un cours de principes d'un an et, d'une autre, dans le doctorat un cours de controverse détaillée de deux ans, on établit pour le doctorat seul un véritable cours de principes de deux ans, mais auquel se joint, avec choix et mesure, la discussion d'un certain nombre de points contestés sur chaque matière.
Vous voyez que ce système, en soulageant les élèves, a pour but de renforcer à la fois l'étude du droit romain et celle des principes du droit civil moderne, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus important dans l'étude qu'on fait du droit à l'université.
Messieurs, figurez-vous ce que peut être le travail d'un élève qui a à se mettre dans l'esprit les innombrables détails de ces controverses sur tous les articles du Code. Comment veut-on que l'amour de l'étude ne succombe pas à des efforts aussi fastidieux ? Il faut sortir de cette ornière, étudier les principes et ne s'occuper des controverses que comme application des principes et comme exercice utile de dialectique.
Messieurs, l'opinion que je soutiens ici, je le répète, n'est pas la mienne ; ce n'est pas celle de la section centrale, c'est celle des autorités les plus compétentes et les plus respectables. Je ne retrouve pas dans ce moment cette partie du rapport de M. le conseiller de Cuyper, dont le travail vous a déjà été signalé comme si digne d'attention. Il vous en sera donné connaissance plus tard.
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, vous remarquerez que la section centrale n'a pas été divisée dans la classification des matières. Elle a été unanime pour proposer comme matières uniques d'examen l'histoire et les institutes du droit romain, l'honorable M. Devaux le reconnaît ; la section centrale a été divisée sur un autre point ; on s'est demandé s'il fallait maintenir le cours d'introduction historique au cours du droit civil et l’exposé des principes généraux du Code civil, autrement dit, le droit civil élémentaire. C'est sur ce point que la section centrale s'est partagée.
Elle s'est prononcée pour la négative par quatre voix contre trois ; j'ai été de la minorité. Je ferai observer que le rapporteur n'a pas cru devoir entrer dans de longs développements sur cette question, attendu qu'il était à sa connaissance qu'un grand nombre de membres de cette Chambre ont fait des études en droit, et sont à même d'apprécier les avantages et les inconvénients des deux systèmes.
L'honorable M. Verhaegen a attaché beaucoup d'importance à ce que le cours de droit civil élémentaire fût maintenu au moins parmi les matières à certificats. C'est la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
L'honorable M. Devaux attache beaucoup d'importance à ce que ce cours soit supprimé même dans les matières à certificats. Il a donné cette raison, c'est qu'aujourd'hui d'un côté le professeur de droit civil élémentaire s'étend beaucoup ; de l'autre côté le professeur de droit civil approfondi s'étend aussi beaucoup.
Il en résulte de la confusion, parce que le professeur de droite civil élémentaire empiète sur l'enseignement du droit civil approfondi. D'autre part le professeur de droit civil approfondi allonge beaucoup trop son enseignement, et son cours n'embrasse que quelques parties du Code.
Quand même la Chambre adopterait la proposition de la section centrale, qu'elle supprimerait le cours de droit civil élémentaire, l'enseignement du droit, civil approfondi devrait être restreint de manière qu'il fût complet en deux ans, comme le propose la section centrale. On a donné trop d'extension à cet enseignement. Je puis en parler en connaissance de cause, parce qu'ayant fait mon droit à l'ancienne école de Bruxelles, j'ai remarqué que, quoiqu'il y eût trois professeurs de droit civil, jamais on n'étudiait tout le Code civil. Il y avait une raison pour développer cet enseignement, c'est qu'il n'y avait pas ce grand nombre de commentaires qu'il y a aujourd'hui. Plusieurs jeunes gens avaient l'habitude de recueillir les leçons du professeur ; ils en faisaient une espèce de traité de droit civil.
Il y en avait qui consacraient la plus grande partie de leur temps à copier des cahiers qui étaient extrêmement étendus. Cela avait certainement des inconvénients.
Postérieurement on a cru que puisque le professeur de droit civil approfondi ne pouvait embrasser tout le code civil, il était essentiel que l'élève eût une connaissance sommaire de l'ensemble du code civil, afin qu'il pût mieux comprendre l'enseignement du droit civil approfondi. Voilà ce qui a amené l'enseignement du cours de droit civil élémentaire. Cette idée, fort bonne en elle-même, a été mal appliquée dans le programme.
Peut-être pourrait-on concilier les deux systèmes opposés de cette manière qui détruirait les inconvénients que l'on a reconnus à ce double enseignement du droit civil, ce serait que le professeur de droit civil approfondi commençât par donner une connaissance sommaire des sources et de l'ensemble du Code à son auditoire, et ensuite qu'il se mît à approfondir successivement les divers titres.
Alors, il n'y aurait plus cette confusion, cet empiétement du droit civil élémentaire sur le droit approfondi. Il est à craindre qu'aussi longtemps que vous maintiendrez le cours de droit civil élémentaire, vous aurez les mêmes inconvénients, parce que le professeur de droit civil approfondi donnera trop d'extension à son enseignement pour qu'il diffère davantage du cours de droit élémentaire.
Quant à moi, personnellement, ayant vu les inconvénients de l'enseignement du droit civil approfondi exclusivement, j'avais cru qu'il était bon de maintenir l'enseignement élémentaire du droit. La majorité de la section en a pensé autrement. Voilà ce qui s'est passé en section centrale.
Dans tous les cas, je dois ajouter que, dans mon opinion, si le cours de droit civil élémentaire est maintenu, il ne doit l'être que comme matière à certificat. Je l'avais déjà proposé en section centrale ; celle-ci s'est prononcée contre par 3 voix contre 2, 2 membres s'étant abstenus.
M. Verhaegen. - Je sais maintenant quelque chose de plus que ce que je savais avant que l'honorable M. Devaux eût pris la parole. Je n'étais pas initié aux secrets de la section centrale. Je n'ai vu que le rapport, et dans le rapport j'avais vu que l'on propose de supprimer le cours de droit civil élémentaire et de se borner, pour le droit civil, à un cours de deux ans.
Maintenant il faut bien sortir du vague où nous sommes restés jusqu'à présent. Il y a trois systèmes.
1° Système du projet primitif du gouvernement (droit civil élémentaire et histoire du droit civil compris dans les matières d'examen.)
2* Système de la section centrale (suppression de ces matières.)
5* Système de M. le ministre de l'intérieur (classement de ces matières parmi les matières à certificats.)
L'honorable M. Devaux appuie le second système: il fait valoir que le cours de droit civil élémentaire a cette conséquence que, dans le cours de droit civil, on approfondit l'enseignement au point de n'étudier qu'une faible partie du code civil. Mais c'est une erreur. Je puis affirmer que, dans les universités de Bruxelles et de Gand, on étudie tout le code civil en deux ans. Je ne l'ai jamais compris autrement. L'élève s'effraye du cours approfondi ; ce sont des cahiers pour lesquels il faut un temps infini, ne voulût-on que des copies.
Ce n'est pas là le système. Ce qu'on veut, c’est que le Code civil s'étudie en deux ans, mais ce que je désire aussi, c'est qu'avant d'arriver au Code civil, on ail quelques notions élémentaires du étroit moderne et de l'histoire de ce droit.
Si vous allez attribuer cela au professeur qui est chargé de la première année du Code civil, il n'aura pas le temps de s'occuper de l'objet principal de son cours.
Il faut que le droit civil élémentaire puisse marcher de pair avec les Institutes. S'il y a quelque différence entre le droit romain et le droit civil moderne, il sera très important d'y appeler l'attention des élèves. Je vois à cela un très grand bien.
Aussi, messieurs, comme je n'ai guère d'espoir de faire passer cette matière dans le projet de loi comme matière d'examen, je me rallie volontiers à la nouvelle proposition de M. le ministre de l'intérieur et je déclare, pour mon compte, que quant aux deux années d'études pour le doctorat, je ne comprends pas le droit civil comme le comprend l'honorable M. Devaux ; je ne veux pas que dans le cours de droit civil approfondi, on traite toutes ces questions de controverse ; je veux un cours de droit civil suffisamment approfondi mais qui puisse se faire en deux ans.
M. Dumortier. - Messieurs, je viens appuyer les considérations qui ont dicté l'article de votre section centrale tel qu'il est rédigé. Il paraît que nous sommes d'accord sur un point, c'est qu'il importe d'apporter des modifications considérables à l'étude du droit civil approfondi et d'en retrancher toutes ces controverses qui sont, comme la fort bien dit l'honorable M. Devaux, le supplice des élèves. Tous ceux qui ont suivi les examens ou qui ont examiné les cahiers des professeurs de la plupart des universités, ont pu se convaincre que les (page 601) principes du droit ont aujourd'hui complètement disparu sous cette masse de controverses. Ainsi, pour interroger un élève, on prend souvent le premier article venu du Code civil et on demande : combien y a-t-il de controverses sur cet article et quelles sont ces controverses ?
Maintenant, messieurs, d'où est venu cet état de choses qui soulève les plaintes de tout le monde ? Précisément de ce qu'il y avait deux cours de droit, l'un élémentaire, l'autre approfondi : le professeur de droit élémentaire donne déjà la science, mais, après lui, arrive le professeur de droit approfondi, et celui-là veut faire beaucoup mieux que son devancier, et il rend son cours tellement approfondi qu'on n'y comprend plus rien du tout. Voilà, messieurs, la vérité tout entière.
J'en conclus, messieurs, que si vous maintenez le cours de droit civil élémentaire, même comme matière à certificat, vous retomberez fatalement dans l'abus que tout le monde veut supprimer, vous arriverez à avoir de nouveau ce cours de droit civil approfondi. Remarquez, messieurs, que la section centrale, avec infiniment de sagesse, a supprimé ce mot « approfondi », non pas qu'elle veuille un cours superficiel, mais parce qu'elle a tenu à bien faire comprendre l'intention de supprimer toutes ces controverses, qui sont une entrave pour les études. Sous ce rapport, je ne puis assez approuver la manière dont l'article a été rédigé.
Il est un grand inconvénient, messieurs, dont l'honorable M. Devaux a déjà parlé tout à l'heure et sur lequel je désire appeler de nouveau l'attention de la Chambre. D'où vient qu'à l'examen de la candidature en droit, il n'y a qu'un tiers à peu près des élèves qui sont reçus, tandis qu'aux autres examens la proportion est tout à fait différente ? Certes, cela ne tient pas à l'infériorité des élèves, puisque, comme 'a dit M. Devaux, ils ont fait preuve de capacité à l'examen de philosophiez lettres. Savez-vous à quoi tient cette situation désastreuse ? Elle tient à ce que l'on enseigne simultanément le droit romain et le droit civil moderne. Voilà où est l'origine de tout le mal et c'est à cela que la section centrale a porté remède. Pour ma part, je l'en remercie beaucoup.
Je pense, messieurs, que si voulez bien faire attention au mobile qui a souvent inspiré les écrits sur cette matière et à celui qui a guidé la section centrale, vous serez bientôt convaincus de la vérité de ce que je viens de dire. Voilà, en effet, des élèves qui suivent à la fois, le cours des institutes et le cours de droit civil moderne ; on s'occupe, par exemple, de la condition des personnes ; là évidemment le jeune homme ne se trompera jamais, parce que la condition des personnes à Rome ne ressemble en rien à la condition des personnes à notre époque. Mais on arrive au traite des obligations, le plus étendu de tout le code, et là ou bien les principes sont différents, ou bien, ce qui est plus fréquent, les principes sont les mêmes, mais les conséquences sont presque toujours opposées. Il en résulte que la confusion est dans l'esprit de l'élève et que lorsqu'il arrive devant le jury, il répond par le droit romain à une question posée sur le droit civil français. Interrogez tous les jeunes gens sortis de l'université, ils vous diront à l'unanimité, que la grande difficulté vient de l’enseignement simultané du droit romain et du droit civil moderne. Eh bien, le système de la section centrale porte remède à cela ; il supprime le droit civil élémentaire et il fait porter tout l'examen sur les véritables principes du droit, c'est-à-dire sur les institutes. Dès lors il n'y a plus de confusion dans l'esprit de l'élève.
On demande un cours de droit civil qui puisse se donner dans l'espace de deux ans. Ce cours sera donc intermédiaire entre le cours de droit élémentaire et le cours de droit approfondi. (Interruption.) Au lieu de n'interroger que sur des parties du droit, comme on le fait dans plusieurs universités, on interrogerait sur l'ensemble du droit, comme on le fait aujourd'hui à l'université de Bruxelles. (Interruption.) On désigne chaque année quelques livres et très souvent les professeurs s'entendent pour déterminer les livres sur lesquels on interrogera.
Il en résulte que l'élève qui a passé deux années à faire les études pour le doctorat ne connaît qu'une partie du droit. Le système de la section centrale remédie à tout cela ; s'il est adopté on donnera un cours suffisant pour que l'élève sache parfaitement son droit, et on aura gagné en profondeur ce qu'on aura supprimé quant à l'étendue.
Je le répète, messieurs, rétablir, dans le projet de loi, le droit civil élémentaire, même à titre de matière à certificat, ce serait rétablir fatalement le droit civil approfondi que nous voulons tous supprimer. Maintenir ce cours, c'est laisser l'élève dans la nécessité de répondre le même jour sur deux théories souvent différentes, c'est jeter la confusion dans son esprit. Admettre le système de la section centrale, c'est au contraire simplifier les études, c'est rendre service à la science, c'est lui donner moins de surface, mais en même temps beaucoup plus de profondeur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). -On a eu quelque raison de le dire, messieurs, l'examen de la candidature en droit a été jusqu'à présent l'effroi des étudiants. Cet examen, en effet, était surchargé par le nombre et par l'importance des matières et j'applaudis hautement, pour ma part, à la proposition de la section centrale, qui consiste à faire porter l'examen uniquement sur l'histoire et les institutes du droit romain. C'est, en définitive, le droit romain qui constitue la base de toute étude sérieuse du droit, et je crois qu'il est très utile d'appeler sur le droit romain l'attention toute spéciale et presque exclusive des candidats en droit.
Mais, messieurs, je ne puis pas suivre la section centrale lorsqu'elle veut supprimer complètement, même comme matières à certificats,, deux cours que je considère comme indispensables: l'introduction historique au cours de droit civil et le droit civil élémentaire.
On a cité à l'appui de cette proposition l'opinion de professeurs éminents et de facultés ; eh bien, messieurs, qu'ont voulu ces professeurs et ces facultés ? Diminuer l'importance exagérée qu'on a attaché à ces cours dans l'enseignement du droit civil tel qu'il s'est donné dans quelques-unes de nos universités. Il n'est que trop vrai qu'on a donné à ces cours une étendue telle, que le cours de droit civil approfondi est devenu un véritable cours de controverses, un cours d'applications, un cours de jurisprudence.
Ce qu'il y a à faire, c'est, non pas de supprimer le cours de droit civil élémentaire, mais d'y fixer de justes limites afin de pouvoir aussi assigner des proportions convenables au droit civil approfondi.
Le cours de droit civil approfondi est donné dans quelques-unes de nos universités d'une façon si savante, qu'au bout des deux années du doctorat les élèves ne connaissent encore que quelques parties du droit civil. C'est là un inconvénient. Il faut qu'au bout des deux années, les élèves aient achevé l'étude approfondie du droit civil tout entier, de manière que l'ensemble du droit civil soit connu de l'élève à la fin de ses études universitaires.
A cet effet, il me semble que l'étude du droit civil élémentaire est indispensable. Sans ces notions élémentaires préalables, comment, veut-on que l'élève puisse suivre avec fruit le cours de droit civil approfondi ? Pour le droit romain, les institutes précèdent les pandectes. Ce que l'on fait pour le droit romain, faisons-le pour le droit civil moderne : ayons d'abord un cours d'éléments avant d'avoir un cours d'applications.
Il y a, dit-on, un inconvénient à ce que les deux cours soient exposés, en même temps aux élèves, parce que cela amène une certaine confusion dans leur esprit entre les principes du droit romain et ceux du droit civil moderne.
Je concevais l'objection alors que l'un et l'autre constituaient également des matières d'examen. Mais aujourd'hui on ne maintient plus le droit civil élémentaire parmi les matières d'examen. C'est précisément le but de la proposition que fait le gouvernement.
Nous demandons d'une part, que l'examen porte exclusivement sur le droit romain et que, d'autre part, le droit civil élémentaire ne soit plus qu'une matière à certificat. Ainsi la confusion dont on nous parle ne sera plus à craindre. L'élève suivra le cours de droit civil élémentaire mais n'en fera plus l'objet d'une étude capable de le distraire de l'étude du droit romain.
Messieurs, il y a une autre considération qui milite en faveur du maintien du cours de droit civil élémentaire. Si ce cours n'existait pas, que feraient les élèves qui se destinent au notariat ? Un cours de droit civil élémentaire leur est indispensable.
Mais cette catégorie spéciale d'élèves n'existât-elle pas, il faudrait en tout cas maintenir le cours. Selon moi, il est impossible qu'on fasse un bon cours de droit civil approfondi, si l'on n'a pas étudié les éléments de ce droit, si l'on ne s'est pas en quelque sorte orienté d'abord dans l'ensemble avant d'aborder les détails.
D'ailleurs, la proposition de la section centrale, si la Chambre l'adoptait, amènerait un bouleversement dans l'enseignement de la faculté de droit. L'introduction historique au cours de droit civil et l'exposé des principes généraux du Code civil seraient, de fait, deux cours supprimés. Il y a de quoi hésiter au moins. Pour ma part, je n'oserais pas aller jusque-là.
M. Dechamps. - Messieurs, je viens défendre le système de la section centrale, que M. Devaux a exposé tout à l'heure avec une clarté parfaite.
Il est vrai qu'en reléguant le cours élémentaire de droit civil parmi les matières à certificats, on atténue un peu les inconvénients qu'on a signalés depuis longtemps, mais ces inconvénients restent debout.
En maintenant le cours de droit civil élémentaire parmi les matières à certificats, vous conservez un système vicieux qui est condamné par presque toutes les autorités scientifiques consultées depuis 1853, et vous obligez les élèves à continuer l'étude simultanée, pendant la première année de candidature, des deux cours d'institutes de droit romain et de droit civil élémentaire français, ce qui constitue le vice radical de la méthode suivie depuis longtemps.
Messieurs, on a reconnu que les examens de la candidature en droit, étaient les plus surchargées. M. le ministre de l'intérieur vient de dire que ces examens étaient l'effroi des élèves. Eh bien, quelle est la cause qui a rendu cet examen si étendu et si compliqué, qui a produit une si grande confusion dans l'esprit des élèves, qui a écrasé leur intelligence sous les efforts de mémoire auxquels on les assujettissait ? Est-ce l'étude sommaire qu'on fait de l'encyclopédie du droit, du droit naturel et de l'histoire politique moderne ? Evidemment non ; un élève peut en quinze jours se préparer à subir un examen sur ces matières accessoires, mais la cause unique qui a rendu l'examen de candidat en droit si difficile, c'est l'étude cumulative, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, de deux cours, les institutes et l'histoire du droit romain et en même temps le cours de droit civil qui est devenu presque partout un cours semi-approfondi. Voilà ce qui jette la confusion dans l'esprit des élèves.
M. le ministre de l'intérieur reconnaît que cette extension donnée au (page 602) cours de droit civil élémentaire, est le mal auquel il faudra remédier dans la pratique. Mais, messieurs, ce mal est signalé depuis 1838 ; cependant ce remède que l'on cherche et que l'on promet, on ne l'a pas trouvé jusqu'à présent.
Feu M. Dupret, professeur distingué de l'université de Liège, qui a écrit un mémoire sur la question que nous traitons, fait remarquer qu'il est presque impossible de fixer la limite qui sépare le droit civil élémentaire du droit civil approfondi ; presque toujours l'un de ces cours empiète sur l'autre. Le professeur de droit civil élémentaire est toujours tenté d'étendre les explications sur les principes du droit civil el le professeur de doctorat est forcé de revenir sur ces principes élémentaires qui forment la base de ces commentaires approfondis. D'un autre côté, pour ne pas faire de son cours de doctorat une amplification du cours semi-approfondi de la candidature, le professeur est entraîné dans ce dédale de controverses dont a parlé M. Devaux et qui donne au cours approfondi des proportions exagérées.
Voilà le mal ; ce mal existe depuis vingt ans mais jusqu'à présent le remède n'a pas été trouvé.
Messieurs, la science du droit romain, comme on l'a fait remarquer, est le fondement de toutes les études juridiques. Ce n'est pas trop d'une année entière à consacrer à l'étude des institutes et de l'histoire du droit romain. Que se passe-t-il en fait ? C'est que la plupart des élèves en candidature en droit achèvent, non pas en un an, mais en un an et demi et souvent même en deux ans, leurs études de candidature ; il en résulte que pendant la seconde année, ils ne suivent plus les cours et sont astreints à étudier d'après les cahiers des professeurs.
L'honorable M. Devaux vous a fait connaître que sur 100 récipiendaires inscrits pour le grade de candidat en droit, 54 seulement étaient admis. En combinant ce fait du grand nombre des échecs subis avec cet autre fait que les élèves, au lieu d'un cours d'un an, sont obligés d'étendre les études de la candidature à deux années, il faut conclure que le système est fondamentalement vicieux.
Ce système vicieux a été condamné par presque toutes les autorités scientifiques qu'on peut invoquer en cette matière ; je veux rappeler les faits.
D'abord, en 1835, le système que je combats a été une innovation ; sous l'empire du règlement universitaire de 1816, ce système-là n'existait pas ; si je m'en rapporte à ce qu'affirme M. le professeur Dupret dans son mémoire, un pareil système n'est pratiqué ni en France ni en Allemagne.
Ainsi, messieurs, c'était une innovation ; voyons si cette innovation a été heureuse, si l'expérience l'a sanctionnée, ou condamnée. Quand il s'est agi de la révision de la loi de 1835, en 1838, en 1841 et en 1842, que s'est-il passé ? L'initiative de supprimer le cours de droit civil élémentaire est venue du conseil académique de l'université de Gand.
En 1841, si je ne me trompe, l'université de Gand a demandé la suppression du cours de droit civil élémentaire.
M. Dupret, professeur à l'université de Liège et son organe, a soutenu la même idée dans un mémoire où la question est traitée à fond.
C'est à la suite de cette enquête faite dans les universités en 1841, qu'est sorti le projet de la section centrale en 1842. Ce projet a été signé par deux des jurisconsultes les plus distingués de la Chambre: M. Fallon, comme président ; M. Dubus aîné, comme rapporteur de la section centrale. Le gouvernement s'est rallié à ce projet et a proposé de retrancher du cours de la candidature en droit, le cours de droit civil élémentaire.
Vous voyez qu'en 1842 déjà, l'innovation introduite dans la loi de 1835 était condamnée par l'expérience et par les universités.
Dans l'intervalle de 1842 à 1849, on s'est occupé du jury au point de vue politique, très peu des examens et des questions scientifiques.
Une deuxième enquête a eu lieu en 1855 avant la présentation du projet de loi du ministère de M. de Brouckere. Le ministre institua deux commissions successives : la commission des présidents des jurys et la commission spéciale dans laquelle les jurys, les universités et le conseil de perfectionnement étaient représentés.
Ces deux commissions ont été unanimes pour demander qu'on retranchât le cours de droit civil élémentaire de l'examen de la candidature en droit. Le rapport de la commission, comme l'a rappelé l'honorable M. Devaux, a été rédigé par deux jurisconsultes, magistrats des plus distingués de la cour de cassation, MM. Stas et de Cuyper. Que la Chambre me permette de donner lecture de quelques passages de ce rapport de M.de Cuyper sur cette question. Toutes les raisons qui militent en faveur du système de la section centrale y sont exposées avec une logique inattaquable.
Voici comment s'exprimait M. de Cuyper :
« La commission, à l'unanimité, est d'avis que l’enseignement du droit civil élémentaire, comme préparation spéciale au cours de droit civil pour le doctorat, doit être supprime dans le programme des études pour la candidature, étude qui doivent avoir principalement pour objet les institutes du droit romain.
« Il ne faut point envisager l'étude du droit romain comme étant simplement une étude des sources de la plupart des dispositions de notre Code civil (droit romain dans ses rapports avec le droit moderne), moins encore comme une curieuse et stérile études d'histoire et d'antiquités juridiques.
« La science du droit romain sera toujours la science du droit, et c'est comme telle qu'elle est la meilleure et la plus indispensable prépa ration à l'étude de la législation moderne.
« C'est elle qui forme l'esprit juridique et qui enseigne, avec la dialectique et la méthode scientifique propres au droit, ces principes qui dominent toutes les dispositions de notre Code civil, dont le sens, la portée et les rapports n'échappent point à celui que l'étude préliminaire du droit romain éclaire et dirige.
« C'est ce que reconnaissaient les auteurs mêmes du Code, en combattant l'erreur qu'ils craignaient de voir répandre par l'ignorance et accréditer par la paresse, qu'il suffirait désormais à ceux qui se destinent à l'étude des lois de connaître le Code civil.
« En puisant eux-mêmes, pour la confection de cette œuvre immortelle, à ce qu'ils appelaient la source la plus pure du droit, ils n'hésitaient point à proclamer que c'est là que doit se former celui qui aspire à l'honorable emploi d'éclairer ses concitoyens sur leurs intérêts ou de prononcer sur leurs différends.
« C'est donc dans le but de relever les études juridiques, en général, que la commission propose de supprimer, dans l'enseignement pour la candidature, le cours de droit civil élémentaire, en bornant l'examen de ce grade aux institutes du droit romain expliquées historiquement et dogmatiquement.
« L'expérience a démontré, en effet, que l'enseignement simultané des éléments du droit romain et des éléments du droit civil moderne n'est propre qu'à produite, dans l'esprit des élèves, une confusion qui nuit à toutes leurs études ultérieures, et qui explique les nombreux échecs subis devant le jury de candidature en droit.
« L'enseignement du droit civil élémentaire, dans la candidature, entraîne encore d'autres inconvénients non moins graves dans l'enseignement du droit civil pour le doctorat.
« Comme le professeur ne peut donner à ses élèves une notion exacte et suffisante des principes du Code civil sur chaque matière,, sans entrer dans d'assez longs développements, il en résulte, comme le disait aussi M. le professeur Dupret, dans l'avis qu'il émettait le 29 juin 1841, que le professeur de droit civil pour le doctorat, afin de ne pas faire de son cours une simple amplification du cours élémentaire, se voit forcé, tout en exposant à ses élèves des principes déjà expliqués, de traiter un très grand nombre de questions particulières controversées, de discuter les opinions de tous les auteurs et la jurisprudence des cours et des tribunaux.
« Sans doute, on ne peut méconnaître que quelques questions controverses particulières, choisies avec discernement, ne puissent être pour l'esprit des élèves une excellente gymnastique ; mais il faut se garder d'en faire la matière même de l'examen. Il faut se garder surtout de discuter toutes les opinions qui se sont fait jour sur chacune des dispositions du Code et sur toutes les questions qu'elles ont fait naître.
« L'extension que ce mode d'enseignement a prise, depuis la loi de 1835, a été peut-être une des causes les plus puissantes de la déchéance des études juridiques: il n'est propre qu'à jeter l'incertitude dans l'esprit des élèves, à détruire leur foi dans la science, et à exercer, en vue des examens à subir, leur mémoire aux dépens de leur intelligence.
« C'est l'étude approfondie des principes dans l'enseignement universitaire qui les mettra le mieux à même de résoudre, plus tard, toutes les difficultés de la controverse.
« La commission a cru que l'étude théorique du Code civil, dans ses parties essentielles, peut convenablement être bornée à un cours de deux ans, réservé exclusivement pour les examens du doctorat. »
Vous voyez que d'après la commission comme d'après M. Devaux et la section centrale, on ne supprime pas le cours comprenant l'exposé des principes généraux du droit civil, on le déplace ; il s'agit de savoir où il faut le placer, ou bien dans la candidature simultanément avec les institutes, ou dans la première année du doctorat. Il me semble bien plus logique de réserver le cours de candidature d'une seule année à l’étude exclusive des institutes el de l'histoire du droit romain, et de réserver pour le doctorat l'étude complète du droit civil moderne, en commençant par l'introduction historique au droit civil et par l'étude des principes généraux de ce droit moderne.
De cette manière vous éviterez cette confusion déplorable que produit dans l'esprit des jeunes gens l'étude simultanée des principes du droit romain et du droit français.
Ainsi que je viens de le rappeler, en 1841, les universités de Gand et de Liège étaient d'accord pour demander la suppression du cours de droit civil élémentaire et, en 1842, la section centrale a proposé cette suppression.
Je viens de rappeler que la grande commission des présidents des jurys et la commission spéciale qui a préparé le projet de 1855 ont été unanimes sur ce point. Dans le projet de 1855, M. Piercot a proposé cette suppression.
Jusqu'en 1855, les universités, les commissions spéciales nommées par le gouvernement, les jurys d'examens représentés par leurs présidents, les sommités de la science et de la magistrature comme MM. Dupret, Dubus, aîné, Fallon, Stas et de Cuyper, tous sont unanimes à réclamer, au nom de la science et des études, la suppression que nous (page 603) demandons avec la section centrale. Les opinions contraires ne constituent que des voix rares et isolées.
Que s'est-il passé depuis 1855 ? Les universités donnèrent leur avis sur le projet du 19 janvier 1855. Quel fut cet avis ? L'université de Liège, dans son rapport, s'est bornée à traiter exclusivement la question du mode de composition des jurys. Je dois donc croire qu'elle maintient son avis de 1842 favorable à la suppression et conforme au rapport de M. Dupret.
L'université de Gand s'est partagée. La faculté de droit a proposé, il est vrai, de maintenir le cours du droit civil élémentaire, mais plusieurs professeurs de cette faculté y ont mis cette condition que le cours de candidature serait dédoublé : la première année et le premier examen seraient réservés aux institutes ; la seconde année et le second examen seraient réservés au droit civil élémentaire.
C'est un système nouveau que personne n'a proposé. Il en résulte que les professeurs de l'université de Gand reconnaissent comme nous le mal de cet enseignement simultané qui est réellement fatal à la science et aux élèves. Ils en demandent, comme nous, la séparation, mais en consacrant quatre années aux études de droit.
L'université de Louvain, qui s'était prononcée autrefois, je pense, en faveur du maintien du cours de droit civil élémentaire, a proposé un autre système qui au fond rentre dans le nôtre.
Elle propose de retrancher de la candidature en droit le cours de droit civil élémentaire, mais elle demande que le cours de droit civil pour le doctorat comprenne 1° un cours de droit civil élémentaire destiné à exposer d'une manière élémentaire, mais complète, l'ensemble des règles et des pratiques de la législation civile. Ce cours, qui ferait partie de la première année d'études pour le doctorat, serait donné par deux professeurs ; 2° un cours de droit civil approfondi, restreint de manière à servir de gymnastique intellectuelle, à apprendre aux élèves le parti à tirer des principes qu'ils possèdent, comment on creuse une matière, comment on approfondit une question.
Vous voyez que l'université de Louvain, dans le rapport qu'elle a soumis au gouvernement sur le projet de 1855, est d'accord avec l'université de Liège, pour demander de retrancher le droit civil élémentaire de la candidature, et que le système qu'elle propose est au fond celui de la section centrale exposé tout à l'heure par M. Devaux.
Ainsi je me résume et je dis qu'il y a unanimité, sauf quelques voix rares et isolées, dans les universités, chez les jurisconsultes les plus respectés, dans la grande commission des présidents des jurys et dans la commission spéciale nommée par le gouvernement, sur un point : la nécessité de distraire de l'examen pour la candidature en droit, le cours de droit civil élémentaire. Voici où commence le dissentiment : la plupart de ces autorités sont d'avis de supprimer ce cours de l'enseignement du droit ; ceux qui proposent de le maintenir ne le font, pour la plupart, qu'avec des restrictions, comme les professeurs de la faculté de droit de Gand qui demandent d'étendre à deux années le cours de candidature en droit, reconnaissant ainsi l'impossibilité de faire marcher de front pendant une seule année les deux études des institutes du droit romain et du droit civil élémentaire.
Ainsi, j'avais raison de dire que ce système de l'enseignement simultané des éléments du droit romain et des éléments du droit civil moderne est condamné par les autorités les plus distinguées, soit des universités, soit de la magistrature.
Veuillez bien remarquer ceci : nous ne disons pas qu'il faut supprimer le cours d'exposé des principes généraux du droit civil, mais qu'il faut le déplacer. Ce que nous combattons, c'est l'enseignement simultané, dans une seule année, des principes du droit romain et des principes du droit civil, ce qui est impossible, les faits l'ont démontré.
Le projet de la section centrale laisse toute latitude au gouvernement «d'organiser l'enseignement du droit civil, dans le doctorat, d'après le système qu'on jugera préférable. Les idées de M. Verhaegen peuvent s’y encadrer. Le programme n'est pas déterminé ; le gouvernement, sur l'avis des universités, pourra le régler à sa convenance.
Mais en maintenant le cours de droit civil élémentaire comme matière à certificat, vous maintenez le vice du système, vous empêchez l'amélioration que les universités de l'Etat et les autorités que j'ai rappelées avaient réclamées.
La confusion dans l'enseignement et la confusion dans les études continuent à produire les résultats qu'on a constatés et déplorés. Je le répète: si vous voulez rendre l'examen de candidat en droit moins surchargé, le seul moyen indiqué, c'est d'en retrancher le cours de droit civil élémentaire.
Je me propose de voter pour le système de la section centrale.
M. Orts. - Je voterai contre la proposition de la section centrale, malgré les observations que je viens d'entendre, parce que je considère comme une chose importante pour le bon enseignement du droit civil moderne la conservation d'une double étude historique et dogmatique semblable à celle que l'on exige pour le droit romain.
Je vois quelque chose d'illogique, d'antipathique à l'idée d'un enseignement pratique et vraiment utile dans cette manière de voir toute favorable à l'enseignement du droit romain, toute défavorable à l'enseignement du droit civil moderne, qui, en définitive, au sortir de l'université, va devenir le pain quotidien de l'étudiant.
Je demande donc que l'on conserve pour le droit civil moderne : un enseignement historique, un enseignement de principe, un enseignement approfondi, comme on le maintient pour le droit romain ; la (page 603) proposition de la section centrait vous conduit à cette conséquence que vous a signalée tout à l'heure l'honorable ministre de l'intérieur, et que les partisans de ce système perdent complètement de vue.
Vous supprimez comme inutiles toutes connaissances historiques du droit civil moderne, alors que vous maintenez comme essentiel un enseignement de l'histoire du droit romain.
Cette suppression n'est pas possible. Vous ne pouvez supprimer l'étude de l'histoire du droit civil moderne, car cette histoire n'est pas comprise dans l'histoire du droit romain.
Le droit moderne a une double source, une double origine, une origine romaine et une source coutumière tout à fait étrangère à la législation de Rome. L'étude de cette seconde origine acquiert tous les jours plus d'importance en Belgique.
La tendance législative actuelle est de s'inspirer en puisant à la source coutumière du droit chaque fois qu'on réforme les Codes. Toutes nos lois récentes s'éloignent de la législation romaine pour se rapprocher des coutumes, témoin notre réforme hypothécaire. Le Code Napoléon lui-même est loin de trouver ses principales origines dans le droit romain.
Le premier livre, presque tout entier, les titres du contrat de mariage, des hypothèques, les successions, à l'exception des successions testamentaires, les donations entre époux sont empruntés au droit coutumier. Ainsi pour interpréter la loi qui gouverne les intérêts les plus importants de la famille et de la propriété, vous n'avez aucune notion historique à puiser duis l'histoire du droit romain.
C'est évidemment là un inconvénient grave de la proposition de la section centrale.
Mais, dit-on, on ne peut enseigner parallèlement l'histoire du droit romain et l'histoire du droit civil moderne. C'est un danger qui a été signalé par l'honorable M. Dumortier.
M. Dumortier. - Je n'ai pas parlé d'histoire. Vous élevez des moulins à vent pour les combattre.
M. Orts. - Je voudrais bien savoir à quel endroit de son discours l'honorable M. Dumortier a parlé d'études historiques.
M. Dumortier. - Je n'en ai pas parlé.
M. Orts. - C'est le tort que vous avez eu.
M. Dumortier. - J'ai parlé du droit civil élémentaire.
M. Orts. - Il n'est ni séparé ni séparable de l'étude historique du droit civil moderne. Vous parlez de ce qui se fait dans les facultés de droit où vous n'êtes jamais allé.
M. Dumortier. - Je les connais au moins aussi bien que les professeurs.
M. Orts. - Il est difficile de connaître quelque chose, si on ne l’a pas pratiqué ou vu pratiquer.
Si l'honorable M. Dumortier a appris ce qui se fait dans les facultés de droit par les étudiants que les jurys ont ajournés ou rejetés...
M. Dumortier. - Vous ne savez pas où je l'ai appris.
M. Orts. - Vous n'avez pas fait votre droit. Dans tous les cas vous ne l'avez pas fait depuis 1835, puisque depuis longtemps auparavant vous avez presque constamment fait partie de la Chambre.
M. Dumortier. - Ne faites pas de questions personnelles. Vous ne faites que cela et je vous réponds sur le même ton. Si vous avez de bonnes raisons, donnez-les. Ce système de personnalité n'est pas parlementaire.
M. Orts. - Je suis resté parfaitement en dehors des personnalités.
M. Dumortier. - Répondez aux conseillers à la cour de cassation et aux présidents des jurys, qui ont fait leur droit, et qui en savent autant que vous.
M. le président. - Monsieur Dumortier, je ne puis vous laisser ainsi interrompre l'orateur. C'est contraire au règlement.
Il y a un ordre déterminé par le règlement qui doit être suivi. La parole est continuée à M. Orts. Je prie M. Dumortier de ne plus l'interrompre. Il peut, s'il le veut, demander la parole pour un fait personnel. Je la lui donnerai quand M. Orts aura fini.
M. Orts. - Je disais que les honorables membres qui m'ont combattu ont oublié complètement que la proposition de la section centrale supprime les études historiques du droit civil moderne. Si elle ne les supprime pas, où les mettez-vous ?
Mais, dit-on, peut-on maintenir sans danger parallèlement un cours de droit civil moderne et un cours de droit romain ? Ce parallélisme a eu un résultat fâcheux. Pour le prouver, l'honorable M. Devaux a fait remarquer que dans le droit les ajournements sont beaucoup plus fréquents que dans les autres facultés.
Il y a à cela une réponse. Que l'honorable M. Devaux me permette de citer ce que j'ai vu ; car en définitive j'ai fait partie des jurys d'examen sous tous les systèmes, depuis 1842 jusqu'aujourd'hui. J'ai même, depuis 1849, siégé sans interruption, et cela dans tous les jurys de la faculté de droit. Par nécessité ou par hasard, je me suis trouvé appelé à interroger sur toutes les branches de la candidature en droit et du doctorat, sauf le droit romain. Je sais un peu ce qui s'est passé. J'ai vu échouer à la candidature en droit beaucoup d'élèves, cela est vrai, mais ces échecs tiennent à plusieurs causes. Je les attribue d'abord à la multiplicité des matières. Je n'ai jamais contesté que la candidature en droit ne fût trop chargée.
La Chambre se souviendra que j'en ai fait très spontanément l'aveu (page 604) dès le début de cette discussion. J'ai désiré la simplification, mais je préférais l'obtenir par la suppression de quelques cours plutôt que par le système des certificats.
Quoi qu'il en soit, ce premier grief a disparu.
Une deuxième cause explique encore ces échecs. Il faut le dire, on n'arrive pas à la faculté de droit dans les mêmes conditions dans lesquelles on arrive à la faculté de médecine ou à la faculté de philosophie et lettres,' les élèves qui s'adonnent à l'étude de la médecine y sont poussés, en général, par une véritable vocation. Dès leur entrée à l'université, ils ont un but. On arrive à la faculté de droit, au contraire, sans savoir souvent quelle carrière on embrassera. La connaissance des matières si diverses enseignées dans les facultés de droit mène à beaucoup de carrières. Tel genre d'étude que l’on y fait offre de l'attrait à tels caractères et mène à telles carrières, tel autre genre d'étude appartenant à la même faculté convient à d'autres caractères et mène à d'autres carrières.
Cette incertitude, cette absence de vocation précise influe sur l'énergie dans le travail. Ce fait a son importance. D'après l'observation de tous les professeurs, de tous ceux qui ont vécu à l'université, il est incontestable qu'on travaille en général plus et mieux dans la faculté de médecine que dans la faculté de droit.
Ensuite, messieurs, l'étude du droit, quand on l'aborde, est une étude complètement neuve : si vous continuez l'étude des lettres ou des sciences, vous développez des connaissances avec lesquelles vous êtes déjà familiarisé. Il en est autrement du droit. Nouvelle explication encore des échecs dont on a parlé.
Maintenant si des jeunes gens échouent à l'examen pour la candidature en droit, est-ce parce qu'il s'y agit du droit civil élémentaire ? Mais n'ai-je pas vu échouer tout autant de récipiendaires sur les institutes que sur le droit civil ? Et quand les élèves étaient-ils forts sur l'une ou l'autre de ces branches ou sur toutes les deux ? Ils étaient forts sur le droit civil élémentaire quand l'enseignement du droit civil élémentaire était bien donné dans l'établissement qu'ils fréquentaient ; il en était de même pour le droit romain, et, lorsque les deux branches étaient bien enseignées, les élèves passaient parfaitement leur examen sur toutes les deux.
Ces deux branches d'enseignement sont-elles maintenant si contradictoires que l'élève doive nécessairement brouiller ses idées en les étudiant ? C'est là, messieurs, permettez-moi de le dire, un véritable fantôme ; les professeurs ont grand soin d'abord de dire, lorsqu'ils exposent les principes, quels sont les principes communs au droit civil et au droit romain et quels sont ceux qui appartiennent soit à l'un, soit à l'autre exclusivement.
L'honorable membre qui m'interrompait tout à l'heure et qui ne veut plus que je le nomme disait que pour la matière des obligations par exemple les principes étaient les mêmes et les conséquences diamétralement opposées dans les deux droits.
Mais pour quiconque sait ce que c'est que la matière des obligations dans le droit romain et dans le droit civil français, il est au contraire évident qu'il y a précisément là la plus complète similitude. En effet, le droit français a copié mot à mot le traité des obligations de Pothier qui est un traité de droit romain. Le dernier candidat en droit sait ces choses-là.
Ces enseignements parallèles ont toujours été condamnés comme incompatibles, dit l'honorable M. Dechamps. Sans doute, messieurs, en 1837, en 1840 et en 1841, on a dit que l'enseignement du droit civil élémentaire présentait certains vices, certaines imperfections, mais ces vices et ces imperfections tenaient à quoi ? A la nouveauté de cet enseignement même. Il était sans précédent chez nous et ailleurs.
Lorsque l'on a prescrit, en 1835, l'enseignement du droit civil élémentaire dans les universités belges, les professeurs n'étaient point préparés, la matière n'avait pas fait l'objet de travaux qui pussent les guider ; ils ont dû tout créer et par conséquent il a dû se faire des essais, des expériences, se commettre, dit-on, des erreurs et des fautes ; les plus savants n'en sont pas exempts.
.Aujourd'hui, messieurs, ces imperfections ont disparu après vingt-deux années de labeurs et d'expérience.
L'honorable M. Dechamps rappelle que les facultés de Gand et de Louvain ont proposé des expédients. Je le crois sans peine ; elles cherchaient à conserver, à tout prix, l'enseignement du droit civil élémentaire menacé de suppression, et pour le sauver lorsqu'elles le voyaient menacé, elles ont proposé des expédients ; mais dans l'état actuel de la question, consultez le corps professoral et je ne doute pas que la réponse unanime des quatre facultés ne soit pour le maintien du cours de droit civil élémentaire.
Pourquoi, messieurs, ce cours doit-il être conservé ? Mais pour une raison bien simple, c'est que si vous voulez que le Code civil soit enseigné complètement et d'une manière.approfondie, d'une manière sérieuse, il faut nécessairement que le cours élémentaire soit donné quelque part. Il est impossible au professeur de droit civil approfondi d'aborder un article quelconque du Code et de l'expliquer d'une manière un peu sérieuse, s'il ne rencontre pas dans son auditoire, une connaissance générale des principes du droit français.
L'honorable M. Verhaegen a cité un exemple à cet égard ; je me permettrai, à mon tour, de dire que je défie un professeur d'expliquer la matière de l'absence à des élevés ignorant les premiers principes. L'absence des autres matières se rattache au contrat de mariage, aux testaments, aux institutions contractuelles, à l'ouverture des successions ; l'enseignement de ces matières lorsque le professeur abordera le titre de l'absence, l'un des premiers du Code, se trouverait peut-être reporté, d'après l'ordre du Code, à l'année suivante, dans le système de la section centrale.
Vous comprenez donc, messieurs, la nécessité d'une exposition générale préalable. On m'objecte qu'elle est en réalité conservée et voici ce que la section centrale substitue à l'état actuel des choses.
L'enseignement complet du code civil en deux ans ; la première année le professeur exposera les principes généraux et la deuxième année il approfondira. On proclame que ce système aura le mérite de permettre aux élèves d'étudier complètement tout le droit civil français en deux ans, ce qui ne se fait pas, ajoute-t-on, aujourd'hui.
Messieurs, aujourd'hui l'élève subit deux examens sur le droit civil, et quand il s'agit du cours approfondi, il est interrogé sur toutes les matières du Code, sauf seulement sur quelques petits contrats spéciaux qui n'ont aucune importance.
Ce qui a trompé l'honorable membre, auteur de l'objection, c'est la. formule sous laquelle l'enseignement du droit civil français est écrit dans le programme des universités.
Il s'est imaginé que l'enseignement n'était pas complet parce qu'il a vu, par exemple, que la première année on enseigne le tiers du Code civil. Il n'a pas vu qu'alors on enseigne les deux autres tiers l'année, suivante, et que l'élève est interrogé sur la totalité du Code après deux ans d'études.
On a parlé d'accord entre les professeurs, pour étudier l'enseignement complet. Cet accord n'existe pas ; on l'a confondu avec un autre accord portant sur l'ordre dans lequel on abordera les différentes parties du Code.
Maintenant, messieurs, voyez l'impossibilité pratique du système de la section centrale. La première année serait consacrée à l'exposé sommaire des principes généraux du Code civil, et à l'introduction historique ; eh bien, pour faire cela d'une manière satisfaisante, complète, il faut une année entière, il restera une année pour approfondir tout le Code civil. Ceci est tout simplement impossible.
Savez-vous, messieurs, où l'on arriverait par ce système ? On arriverait au régime du royaume des Pays-Bas, où l'on nous donnait un échantillon du Code civil au lieu d'un cours de droit civil. Je me souviens parfaitement avoir appris à l'université de Liège, en fait de Code civil, quoi ? Les servitudes, les successions ab intestat, parfaitement approfondies, je le veux bien. Mais je n'en suis pas moins arrivé au barreau avec ce bagage, et très embarrassé le jour où, pour la première fois, j'ai eu à m'occuper d'un contrat de mariage ou d'un testament. Pareil enseignement est évidemment inférieur à ce qui existe aujourd'hui.
Avec le système du gouvernement, messieurs, vous auriez, pour la candidature, un exposé général des principes du droit civil, réduit à des proportions sobres, résultat facile à atteindre aujourd'hui, que les professeurs ont trouvé les limites où ils doivent s'arrêter pour ne rien envahir. Vous auriez ensuite une étude complète et approfondie du Code civil pendant les deux années suivantes, c'est-à-dire pendant le temps où 1 on se prépare à l'examen du doctorat. Je crois que cela n'est pas excessif, maintenant surtout qu'est admis le système des certificats.
Un dernier mot, et je termine.
On a paru croire que dans notre pays il existe un système d'examen si compliqué, un régime d'études si multipliées, qu'il serait sans précédent ailleurs.
On a cité beaucoup l'Allemagne. Eh bien, pour juger la valeur de l'accusation, voulez-vous savoir sur quoi est interrogé, dans une université prussienne, un aspirant au grade de docteur en droit ? Je m'en suis informé, non pas dans des livres, mais près de docteurs eu droit qui ont subi l'examen et qui sont arrivés de Prusse en Belgique.
Voici les matières sur lesquelles, en une seule fois, les docteurs en droit doivent répondre en Prusse :
1° Le droit naturel.
2° L'encyclopédie.
5° Les institutes.
4° L'histoire du droit romain.
5" Les pandectes (cours complet).
6° L'histoire du droit public et privé de l'Allemagne.
7° Le droit civil allemand.
8° Le droit commercial, y compris le droit maritime.
9° La procédure civile.
10° Le droit criminel. 11° La procédure criminelle.
12° Le droit public.
13° Le droit des gens.
14° Le droit féodal.
15° Le droit canon ou ecclésiastique.
C'est-à-dire, quinze matières qui font l'objet d'un seul et unique examen.
Si le récipiendaire veut pratiquer dans les provinces rhénanes, il doit subir en plus un nouvel examen sur les cinq codes français et sur le droit coutumier spécial à ces provinces. Je ne demande pas qu'un pareil régime soit introduit en Belgique, mais je dis que quand on compare ce système à. celui que la Chambre vient de consacrer, en adoptant les matières à certificats, on n'a pas le (page 605) droit de prétendre que la Belgique reste soumise, en matière d'examen, à un régime qui doit fatalement faire fléchir le niveau des études, en écrasant les intelligences.
M. Malou. - Messieurs, permettez-moi, malgré l'heure avancée, de dire quelques mots sur la question qui occupe la Chambre.
C'est une des dernières fois, je l'espère, que nous faisons des programmes.
En 1835, on a tenté une expérience qui a mal réussi ; on avoue qu'il ne se forme plus de bons jurisconsultes. Nous sommes appelés après 21 ans à faire une réforme, alors que 3,000 élèves ont été victimes de ce système ; j'en conclus qu'il faut une autre législation qui donne aux corps enseignants le droit de régler leurs programmes.et aux jeunes gens celui de faire leurs études comme leur aptitude spéciale les y détermine.
Abordant le fond du débat actuel, je dis qu'il est de l'intérêt tant de la science que de l'élève de spécialiser les matières. On ne doit pas, dans la première année des études en droit, confondre les éléments du droit romain avec ceux du droit français. Les principes du droit romain sont les premiers fondements qu'on jette pour construire un jurisconsulte, si vous me permettez cette métaphore. Si vous mêlez à cela l'étude du droit civil moderne, vous amenez la confusion, et le discours de mon honorable ami M. Orts le prouve. Il a indiqué en effet combien de matières sont dérivées du droit coutumier, et sont complètement différentes du droit romain.
On dit que ce système conduirait à supprimer entièrement l'introduction historique du Code civil ; en aucune manière. Le professeur de droit civil doit faire précéder son cours de droit civil de l'introduction historique à ce droit, et c'est là sa place naturelle. C'est le péristyle de l'édifice.
On n'avait pas le temps, dit-on, d'approfondir toutes les parties du Code civil. Je crois qu'il y a trop souvent une grande différence entre le programme et l'exécution du programme. Ainsi chaque professeur est naturellement partisan de l'importance de son cours, et il cherche à l'étendre, à le rendre plus approfondi.
D'après le système qui est suivi depuis 1835, il est donc arrivé qu'on a eu parallèlement à étudier les éléments du droit romain et les éléments du droit civil moderne.
Il faut approfondir, nous dit-on. Mais, messieurs, quel est le but réel des études universitaires et des examens auxquels elles conduisent ? Ce but c'est, non pas de former des jurisconsultes complets, mais de faire bien étudier les principes du droit romain et du droit civil.
Trop souvent, et je l'ai vu à l'époque où je me trouvais à l'université, approfondir pouvait devenir synonyme de délayer. Ainsi, l'on peut très bien s'étendre pendant six mois sur la matière des successions ; s'ensuit-il que le code tout entier puisse être traité de cette manière, qu'on puisse permettre que le programme reçoive une telle exécution ? Je le répète, on ne peut pas former à l'université des jurisconsultes complets ; il faut que pour le droit civil, comme pour le droit romain, on se borne à l'étude sérieuse, approfondie des principes ; qu'on initie les élèves à la connaissance de quelques points de controverse, fort bien ; mais que le cours ne devienne pas un cours complet de controverses. A l'époque où je me trouvais à l'université de Liège, avec d'honorables collègues qui siègent ici et sous l'un des professeurs les plus distingués du pays, ce professeur donnait un cours approfondi, peut-être trop étendu en certaines parties, du droit civil ; mais pour nous initier aux controverses, il faisait quelquefois des conférences auxquelles les élèves zélés assistaient et où l'on discutait contradictoirement les questions les plus difficiles du droit civil.
Pour satisfaire à l'objection la plus grave que l'honorable M. Orts ait produite, ne suffirait-il pas de modifier l'article du projet, en ce sens qu'on mentionnerait expressément au premier doctorat en droit l'introduction historique au droit civil ? Je soumets cette idée à l'attention de la Chambre. De cette manière les institutes feraient l'objet essentiel de l'examen de candidat, le Code civil tout entier ferait l'objet des deux examens de docteur en droit. Je crois que la science y gagnerait et que, dans quelques années, ou n'aurait pas le regret de constater que depuis l'existence de ce système, il ne se produit plus de jurisconsultes en Belgique.
- La suite de la discussion est remise à demain.
La séance est levée à 4 3/4 heures.