(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1105) M. Ansiau fait l'appel nominal à trois heures et un quart.
M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Maisière, ancien préposé des douanes, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Delporte, ancien militaire entré au service en 1830, demande qu'il lui soit compté dix années de service comme aux officiers de volontaires. »
« Même demande du sieur Boine, commis de l'administration des contributions, douanes et accises à Asquillies, et du sieur Lacour, pharmacien à Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Woyard demande la révision de la loi concernant l'expulsion de certains locataires. »
- Même renvoi.
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition que je considère comme fondée sur des motifs irrécusables. Je prie le gouvernement de s'occuper sérieusement d'un état de choses qui ne saurait être maintenu plus longtemps.
« Le sieur Hubert, ancien lieutenant de volontaires, demande qu'il lui soit compté dix années de service comme aux officiers de l'année. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Namur demandent que la pêche à la ligne soit permise dès la fin d'avril. »
- Même renvoi.
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition qui est conforme à une motion d'ordre que j'ai faite récemment. Je prie le gouvernement de faire droit à la juste demande des pétitionnaires.
« Le sieur Loth, sergent à la première compagnie d’administration militaire à Ostende, demande qu'il soit institué une commission, pour vérifier ses droits à l'obtention de la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Louvain prie la Chambre d'examiner par qui doivent être supportés les frais de traitement des prostituées atteintes de maladies syphilitiques et de décider si ces frais ne doivent pas être remboursés aux communes de résidence, par le domicile de secours. »
- Même renvoi.
« Le sieur Anthierens réclame contre une décision judiciaire. »
- Même renvoi.
« La dame Bienvenu réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir des éclaircissements au sujet d'une inscription au grand-livre de la dette publique. »
- Même reuvoi.
« Les administrations communales de Bossut, Heestert, Moen, Saint-Genois, Helchin, Autryve prient la Chambre de rejeter le projet de construction du canal de Bossuyt, et d'autoriser la construction d'un chemin de fer partant du Hainaut pour se diriger sur Courtrai par Bossut. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs chemins de fer.
M. Visart. - Messieurs, cette pétition a un caractère de haute importance. Je ne viens pas précisément l'appuyer, le contraire pourrait même arriver, mais je demande qu'elle soit mûrement examinée.
Les pétitionnaires plaident pour que le canal de Bossuyt ne s'exécute pas et ils font valoir cette considération majeure, c'est qu'il viendrait élever encore le niveau de l'Escaut qui cause déjà de très grands préjudices aux riverains.
Je prie donc la section centrale d'examiner mûrement cette pétition ; toutefois, je le répète, je ne l'appuie pas, car elle contient des choses que je serai peut-être obligé de combattre, étant du ressort de l'intérêt privé, à quoi nous sommes habitués de préférer ce qui a un caractère général.
« Le sieur Jean-Isidore Willems, étudiant en médecine à l'université de Liège, né à Schimmert (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
M. de Perceval dépose le rapport de la commission de comptabilité sur le budget de la Chambre pour l'exercice 1857.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à l'ordre du jour à la suite du budget des affaires étrangères.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - La quantité de monnaie de cuivre qui se trouve dans la circulation étant reconnue insuffisante, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, d'après les ordres du Roi, un projet de loi tendant à faire ouvrir au département des finances un crédit de 400,000 fr., destiné à la fabrication de cette espèce de monnaie. Cette dépense sera couverte par une recette plus forte qui figurera au budget des voies et moyens.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen des sections.
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture d'une proposition faite par M. Verhaegen et qui est ainsi conçue :
« Par dérogation à l'article 37 du Code de commerce, aucun établissement de crédit ou de banque, avec la faculté d'émettre des obligations, ne peut être créé sous la forme de société anonyme, qu'en vertu d'une loi.
« Bruxelles, le 15 avril 1856.
« Signé : Verhaegen. »
Quand M. Verhaegen désire-t-il présenter les développements de cette proposition.
M. Verhaegen. - Je serai prêt vendredi prochain.
- La Chambre fixe les développements à vendredi.
M. le président. - La section centrale a introduit au budget quelques modifications ; M. le ministre se rallie-t-il à ces modifications ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Oui, M. le président.
M. Rodenbach. - A propos de la discussion du budget des affaires étrangères, je demanderai à M. le ministre si on ne pourrait pas modifier la loi sur l'enregistrement des titres de noblesse.
On ne paye actuellement que 275 fr. 60 c, y compris les centimes additionnels et autres frais.
Je demanderai également à M. le ministre si on ne pourrait pas présenter un projet de loi tendant à augmenter le droit d'enregistrement en faisant payer par exemple :
1,000 fr. pour lettres patentes de noblesse.
2,000 fr. pour le titre de chevalier.
3,000 fr. pour le titre de baron.
4,000 fr. pour le titre de vicomte.
5,000 fr. pour le titre de comte.
6,000 fr. pour le titre de marquis.
Ce serait une ressource pour le trésor ; à la vérité elle ne serait pas considérable, mais c'est un impôt plus ou moins somptuaire et dont on peut se dispenser, puisqu'on n'est pas forcé de demander des titres de noblesse. Je sais, messieurs, qu'on ne peut pas restreindre la prérogative royale, mais le gouvernement pourrait, dans certains cas, dispenser du droit les personnes peu fortunées et surtout ceux qui ont rendu des services au pyjs et qui honorent le nom belge. Je suis désireux de connaître l'opinion de M. le ministre sur le vœu que j'exprime.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, la question que vient de soulever l'honorable M. Rodenbach, a été produite aussi dans la section centrale ; elle a déjà fait l'objet de deux discussions dans la Chambre des représentants ; elle a été étudiée par plusieurs ministres des affaires étrangères, par plusieurs ministres de la justice et par plusieurs ministres des finances. J'ai ici devant moi un gros dossier que je pourrais communiquer à l'honorable M. Rodenbach s'il le désire, et qui constate les études sérieuses qu'on a faites de cette question.
Les divers ministres qui s'en sont occupés sont venus se heurter contre deux écueils. D'une part on a trouvé que l'intérêt du fisc était extrêmement minime. La section centrale a recherché les titres qui ont été accordés pendant dix ans, depuis 1844 jusqu'en 1852. La moyenne, pour cette période décennale, est de cinq par an.
Or, supposons même qu'on frappât comme droit le chiffre qui a été énoncé par l'honorable M. Rodenbach et qu'il a puisé, si je ne me trompe, dans la proposition faite au Sénat ; ce sont ordinairement des titres de baron que le Roi concède ; le titre de baron serait soumis à un droit de 3,000 francs ; or, à cinq par an, cela ferait 15,000 fr. Ce serait là un revenu insignifiant pour le trésor public ; le trésor est donc désintéressé dans la question.
(page 1106) L'autre écueil consiste à limiter la prérogative royale. Vous savez, messieurs, que la Constitution accorde au Roi le droit de conférer des titres de noblesse sans limite et sans conditions. Or, il serait possible qu'un droit élevé limitât cette prérogative, lorsqu'il s'agirait de récompenser les services d'une personne dont la fortune serait modeste.
Je rappellerai à cette occasion ce qui s'est passé en France lors de la bataille d’Isly. Vous savez qu'à la suite de cette bataille, le roi Louis-Philippe conféra au maréchal Bugeaud le titre de duc. Le maréchal, après avoir accepté et remercié le roi, crut que tout était fini ; mais quelques mois après, le receveur de l'enregistrement lui envoya une note de 16 mille et quelques cents francs à payer.
Le maréchal répondit qu'il ne payait pas, qu'il avait peu de fortune, que ce titre lui avait été envoyé par le roi sans qu'il l'eût demandé, qii'au titre de duc n'était plus attaché aucune espèce de privilège ou de revenu et qu'il ne payerait pas. Cela a fait un petit scandale ei au bout du compte, c'est le Roi qui a payé les seize mille francs.
Je ne suis pas d'avis qu'il soit utile d'établir un impôt sur la collation des titres de noblesse ; mais une autre idée s'est fait jour qui me sourirait davantage : c'est d'établir un droit de succession sur les titres. Le principe en est bon ; mais je doute fort que les mesures d'exécution puissent s'accorder avec les mœurs de notre époque.
Il faudrait constituer une chambre héraldique formée d'un certain nombre de conseillers payés par le trésor. L'héritier d'un titre se présenterait devant la chambre héraldique qui vérifierait la validité du titre et rendrait un arrêt, dont l'expédition serait soumise à un droit d’enregistrement. Cette mesure serait dans l'intérêt de la noblesse, et le trésor, d'après les calculs que j'ai sous les yeux, aurait à percevoir des sommes assez importantes qui pourraient figurer d'une manière présentable au budget des voies et moyens ; ce droit, je le répète, serait dans l'intérêt de la noblesse dont les titres seraient constatés par un arrêt ; les héritiers seraient intéressés à ne pas'se présenter devant la chambre héraldique sans être sûrs de la validité de leurs titres. Mais à cette obligation de faire vérifier les titres, il faudrait une sanction.
Ainsi, celui qui se serait présenté devant la chambre héraldique, et qui, malgré la non-reconnaissance de son titre, n'en continuerait pas moins à le prendre, devrait être passible d'une peine équivalant à la moitié du droit ; il faudrait aussi faire payer une amende à celui qui prendrait un titre sans s'être présenté devant la chambre héraldique ; sans cela on commettrait un déni de justice pour ceux qui auraient payé le droit de vérification. Vous voyez où cela conduirait.
Il faudrait avoir dans chaque province un héraut d'armes chargé de dénoncer au procureur du roi ceux qui sur leurs cartes de visite, dans les lettres de part de mariage ou de décès, prendraient des titres qui ne leur appartiendraient pas, ou qui, sur les panneaux de leurs voitures, porteraient des armoiries qui ne leur auraient pas été transmises par leurs pères.
Je crois vraiment que cela n'est pas exécutable, je n'oserais pas prendre la responsabilité de présenter un projet de loi aussi vital.
Le droit de concession de 100 florins qu'on prélève aujourd'hui est peu de chose, je crois qu'on pourrait le porter à 500 fr., comme le droit de naturalisation. La naturalisation confère un droit réel avec lequel on peut obienir des places. L'anoblissemeut ou le titre de noblesse ne donne qu'un avantage honorilique. Je crois qu'en mettant la naturalisation et la concession d'un titre de noblesse sur la même ligne, le fisc serait satisfait.
S'il n'y a pas d'objection à ce projet, je pourrai écrire à mon honorable collègue M. le ministre des finances pour lui proposer un droit de 500 fr. sur les titres de noblesse.
M. Rodenbach. - C'est très bien.
M. le président. - La parole est à M. T'Kint de Naeyer.
M. T’Kint de Naeyer. - Je n’ai pas l’intention de m’occupe de la question spéciale qui a été soulevée par l'honorable M. Rodenbach. Si d'autres orateurs avaient l'intention de la traiter, je leur céderais volontiers la parole.
M. Osy. - Messieurs, je m'étais fait inscrire pour parler sur l'objet dont vient de vous entretenir l'honorable M. Rodenbach et sur quelques autres objets concernant le budget des affaires étrangères. En présence de ce que vient de dire l'honorable M. T’Kint de Naeyer, je ne m'occuperai que du point dont vient de parler l'honorable M. Rodenbach, et je prendrai plus tard la parole sur les autres questions.
Je ne partage nullement l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères, qu'il n'y a rien à faire en ce qui concerne les titres de noblesse.
En 1844 le Sénat avait fait une proposition qui a été reproduite à la fin du rapport. Il n'a pas été donné suite à cette proposition, parce que le Sénat a cru qu'une pareille proposition devait émaner de l’initiative du gouvernement. Un autre motif encore, c'est que le Sénat n'a pas l'initiative des propositions d'impôts ; une résolution du Sénat à cet égard n'aurait donc pu aboutir.
Après la discussion de 1844 au Sénat, je me suis occupé de la question devant la Chambre en 1845 ou 1846.
J'ai retrouvé les notes qui m'ont servi en 1845 et en 1846, et j'y vois qu'à cette époque le nombre des personnes qui avaient reçu des titres de noblesse en Belgique, ou de la part des gouvernements étrangers était assez considérable. Je vois, en effet, que de 1830 à 1846, on a créé 30 chevaliers, 60 barons, 4 vicomtes, 17 comtes, 3 marquis et 1 prince ; ainsi, pour 15 années le nombre des personnes anoblies est de 115, et si on leur avait appliqué le tarif proposé par le Sénat, la recette eût été de 479,000 fr.
Je faisais aussi remarquer a cette époque, que tous ceux qui avaient reçu des titres de noblesse avaient pris l'engagement de se soumettre aux droits que nous pourrions décréter. J'ai ici l'engagement qu'ils ont signé. Il y est dit à l'article premier, qu'ils s'engagent à payer les droits qui sont ou pourront être ultérieurement imposés du chef de la concession de titres de noblesse.
Si donc on avait donné suite en 1846 à mes observations, le trésor aurait reçu une somme assez ronde. J'ignore si, depuis 1846, on a fait signer le même engagement. Si on l'a maintenu, les personnes qui ont reçu des titres de noblesse peuvent être assujetties au droit que nous créerions, sans qu'on pût accuser la mesure de rétroactivité, puisqu'un engagement formel a été pris.
Je crois que depuis 1846 le nombre des anoblis a été à peu près dans la même proportion que dans les 15 années précédentes. Malheureusement sous aucun ministère on n'a publié dans le Moniteur les noms des personnes à qui l'on a accordé des titres de noblesse. Je vois avec plaisir, par le rapport de la section centrale, que M. le ministre des affaires étrangères a pris l'engagement de publier à l'avenir les noms des personnes qui sont anoblies. Ce sera une publication très utile. Tout le monde pourra contrôler les actes du gouvernement et nous ne serons plus exposés, comme cela m'est arrivé plusieurs fois, à être impolis envers les personnes qui ont reçu des titres que nous ne connaissons pas. Cela m'est encore arrivé cette année. On avait donné à une personne le titre de comte, je l'ignorais ; cette personne m'en a voulu. Aussi, c'est moi qui ai soulevé la question en section centrale et qui ai demandé que, pour que nous ne soyons plus exposés à être peu polis envers personne, le gouvernement publiât dans le Moniteur les arrêtés conférant les titres de noblesse.
Reste la question qu'a indiquée M. le ministre, à savoir le payement d'un droit pour la succession aux titres. Je ne serais pas opposé à une pareille proposition. Mais il me paraît qu'il faut commencer par faire payer ceux qui reçoivent des titres.
Je crois donc, messieurs, qu'il y a quelque chose à faire et qu'en adoptant la proposition qui a été produite devant le Sénat, on pourrait créer au trésor une ressource assez considérable ; car les droits que proposait le Sénat étaient assez forts.
Pour le titre de baron, le droit eût été de fr. 3,000, de vicomte de fr. 4,000, de comte de fr. 5,000, de marquis de fr. 6,000, de duc ou de prince de fr. 20,000, de chevalier de fr. 2,000.
Les arrêtés de 1821 et de 1824 faisaient d'ailleurs payer pour les titres de noblesse des sommes considérables, plus considérables peut-être que celles proposées par le Sénat ; parce que, pour obtenir un titre, il fallait payer le droit pour tous les titres intermédiaires. Ainsi, si le Roi créait un comte, il fallait payer les droits pour les titres de chevalier, de baron, de vicomte et enfin de comte.
Je ne crois pas, comme M. le ministre des affaires étrangères, qu'il serait nécessaire d'établir des hérauts d'armes pour signaler les personnes qui prendraient indûment des titres de noblesse. Mais ce que le gouvernement pourrait faire, ce serait d'imposer une amende aux notaires qui insèrent dans des actes des titres de noblesse qui n'appartiennent pas aux personnes à qui on les donne. C'est ce qui avait lieu sous le gouvernement des Pays-Bas.
Eh bien, messieurs, je crois qu'on pourrait très bien revenir à ce système.
En France, messieurs, en Autriche, partout il existe des droits sur les titres de noblesse, pourquoi n'établirions-nous pas aussi des droits de cette espèce, alors que nous cherchons des voies et moyens partout ? Sous ce rapport la proposition qui a été adoptée par le Sénat est extrêmement bien motivée et je crois que le gouvernement ferait bien d'y revenir. On pourrait reprendre ce qu'il y avait de bon dans le régime du gouvernement des Pays-Bas. Ainsi les notaires étaient tenus de se renseigner sur les titres des personnes qui intervenaient dans leurs actes et ils étaient à l'amende lorsqu'ils manquaient à cette obligation. Si les mesures qui existaient sous l'ancien gouvernement avaient été décrétées par une loi, on aurait continué à faire payer ceux qui recevaient des titres de noblesse ; mais comme il n'y avait à cet égard que de simples arrêtés royaux, ces arrêtés sont tombés par suite de la révolution.
En résumé, messieurs, je crois qu'il y a quelque chose à faire et j'engage M. le ministre des affaires étrangères à examiner sérieusement la question et je lui demanderai en même temps si depuis 1846 on a continué à prendre l'engagement dont j'ai parlé. Si on a continué à prendre cet engagement, nous pourrions faire payer tous ceux qui ont obtenu des titres depuis 1830 et il en résulterait une ressource très importante.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, je suis fâché de devoir dire à l'honorable baron Osy, que sa recette de 500,000 ou 600,000 fr. s'en va en fumée. Il est vrai que de 1844 à 1847 on faisait prendre aux personnes qui obtenaient des titres, l'engagement (page 1107) de payer les droits qui sont ou pourront être établis relativement à ces titres ; mais en 1847 quelques scrupules sont nés au département des affaires étrangères, sur la validité de ces engagements ; l'honorable ministre des affaires étrangères de cette époque a soumis la question au ministre de la justice et par une lettre du 17 novembre 1848, M. le ministre de la justice a émis l'opinion qu'il n'y avait pas lieu de continuer à prendre cet engagement. Cette lettre contient de nombreux considérants, je pourrais en donner lecture si la Chambre le désirait. (Non ! non !)
C'est le 20 novembre 1847 qu'a été pris le dernier engagement dans la forme indiquée par l'honorable baron Osy.
Depuis lors on ne fait plus signer aux personnes qui reçoivent des titres de noblesse, que l'engagement de payer les droits qu/ pourraient être établis entre la date de l'arrêté royal et la délivrance des lettres patentes. C'est un intervalle de trois mois environ.
Ainsi, messieurs, il n'y a plus rien à espérer de ce côté-là ; si même la Chambre voulait faire une loi, il n'y a pas de rétroactivité possible, puisqu'il n'y a plus d'engagements depuis 1847.
L'honorable M. Osy dit qu'il n'est pas besoin de héraut d'armes pour empêcher qu'on ne prenne des titres qu'on ne possède pas en réalité ; il pense qu'il suffirait de défendre aux notaires de donner indûment des titres aux personnes qui interviennent dans leurs actes ; mais la vanité ne porte pas seulement à prendre des titres chez le notaire quand on achète ou vend une pièce de terre ; elle se traduit sous mille autres formes : on prend des titres sur ses cartes de visite, dans les salons, dans ses relations de tous les jours.
Il faudrait donc nécessairement, pour que la loi fût sérieuse, qu'un héraut d'armes par province fût chargé de dénoncer au procureur du roi tous ceux qui auraient pris indûment des titres de noblesse. Or, je regarde cela comme inexécutable.
J'ai dit, messieurs, qu'il y a quelque chose à faire ; j'ai offert à la Chambre d'écrire à M. le ministre des finances pour faire porter le droit d'enregistrement de 100 florins à 500 fr. ; je crois qu'il n'y a pas, lieu d'aller au-delà.
M. Lelièvre. - Je ne puis qu'applaudir à la résolution qu'a prise le gouvernement, sur l'invitation de la section centrale, de publier dans le Moniteur les arrêtés royaux portant reconnaissance ou octroi de noblesse ou de titres.
Je pense, du reste, qu'il est juste d'établir un impôt sur les diplômes conférant des titres de noblesse et qu'il convient de donner suite au projet qui, en 1844, a été soumis au Sénat. Cette observation est également applicable à ceux qui obtiennent et portent les décorations d'ordres étrangers. Les impôts qui frappent des objets de luxe ont un caractère d'équité qui ne peut être méconnu sous notre régime constitutionnel.
Je prie M. le ministre de bien vouloir soumettre à l'étude la question soulevée en ce moment.
Du reste, je ferai observer à l'honorable ministre des affaires étrangères, que la législation actuelle, notamment la loi du 25 ventôse an XI, commine des peines contre les notaires qui attribuent aux parties figurant dans les actes des titres de noblesse que les contractants ne peuvent pas légalement revendiquer. En conséquence, lorsque des individus se donnent semblables titres, c'est aux notaires à vérifier si on veut légalement leur attribuer ces qualifications honorifiques. Cette obligation incombe aussi aux juges et aux greffiers dans la rédaction des jugements, aux termes des lois sur l'organisation judiciaire.
Il est donc évident que c'est aux fonctionnaires appelés par la loi à recevoir des actes publics qu'il appartient de veiller à ce que personne n'usurpe des titres qui ne lui appartiennent pas.
A l'occasion du budget en discussion, je crois devoir reproduire l'observation que j'ai souvent soumise au gouvernement, relativement à la nécessité de régler par des traités internationaux, l'exécution des actes notariés et des décisions judiciaires en matière civile. (Interruption)
- Plusieurs membres. - Il faut vider l'incident.
M. Lelièvre. - Je ferai remarquer qu'il n'existe pas d'incident et qu'aucune proposition n'est soumise à la Chambre. La parole m'est accordée dans la discussion générale et j'ai le droit de proposer toutes les observations que je juge convenables, concernant toutes les questions ressortissant au département des affaires étrangères.
La discussion ne peut être suspendue que dans les termes prescrits par le règlement et nous ne nous trouvons dans aucun cas, qui doive, d'après ce règlement, restreindre ou limiter de quelque manière que ce soit le débat qui est ouvert. En conséquence, je continue :
J'appelle donc l'attention du gouvernement sur la nécessité de régler par des traités internationaux l’exécution des actes notariés et des décisions judiciaires en matière civile.
La loi du 16 décembre 1851 ayant abrogé les articles 2123 et 2128 du Code civil et 546 du Code de procédure, il n'existe plus aucuue règle écrite dans nos lois qui concerne l'exécution des actes et jugements intervenus à l'étranger.
D'un autre côté, tandis que nous admettons comme conférant, en Belgique, hypothèque valable, des actes authentiques passés à l'étranger, les pays voisins régis par le Code Napoléon dénient pareil effet aux actes notariés reçus chez nous.
Il est, du reste, évident que les nécessités nouvelles exigent, sous le rapport des actes et jugements, des modifications à l’ancien ordre de choses.
Les relations internationales n'ont plus rien de commun avec l'ancien système qui n'est plus en harmonie avec les idées et les besoins de notre époque.
J'engage M. le ministre des affaires étrangères à s'occuper de cet objet important et à soumettre à la législature des dispositions qui recevront certainement un accueil favorable.
Enfin, aujourd'hui que la paix semble renaître, j'engage le gouvernement à maintenir en toute circonstance contre les exigences de l'étranger les institutions libérales que la Belgique s'est données et dont elle a prouvé qu'elle était digne à tous égards.
J'espère que jamais le ministère ne faillira à ce devoir.
M. T’Kint de Naeyer. - Je croyais que la Chambre avait l'intention de vider l'incident avant d'aborder la discussion du budget proprement dite. M. le président ne pense-t-il pas qu'il faille consulter la Chambré, à cet égard ?
M. Lebeau. - Il me semble qu'on veut introduire une innovation qui ne repose absolument sur rien d'utile et qui ferait perdre beaucoup de temps.
Si on transformait ainsi en incidents chacune des observations auxquelles une discussion générale peut donner lieu, vous auriez des incidents de toute espèce ne pouvant donner lieu à aucun vote. Quand une discussion générale est ouverte, chacun peut dire tout ce qui se rapporte à l'objet de cette discussion ; c'est précisément là le caractère d'une discussion générale.
Je crois qu'on aurait gagné du temps si on s'était abstenu d’interrompre l'honorable M. Lelièvre, et si on avait laissé à la discussion générale son libre cours.
Je comprends un incident et une discussion spéciale lorsqu'il s’agit d'arriver à un vote ; mais ici il n'y a pas de vote à émettre, il n'y a donc pas de proposition à examiner isolément, et chaque orateur a le droit d examiner toutes les parties de la loi, sauf à concentrer le débat ultérieurement.
M. le président. - La discussion générale continue. La parole est à M. T’Kint de Naeyer.
M. T’Kint de Naeyer. - Je suis aux ordres de la Chambre. J'ai vu avec satisfaction, messieurs, que le gouvernement songe à améliorer la position de nos agents consulaires ; il ne faut pas que des fonctionnaires dévoués se trouvent dans la pénible alternative ou de résigner leurs fonctions ou de se ruiner. Les services que nos agents consulaires rendent au commerce et à l'industrie sont mieux appréciés de jour en jour, par la publication de leurs rapports au Moniteur, mesure qui a été prise par le prédécesseur de l'honorable ministre actuel, d'après les observations que j'avais présentées, il y a deux ans.
Cette mesure, dis-je, a puissamment contribué à mettre en lumière les services que nos consuls sont à même de rendre, et je félicite M. le ministre des affaires étrangères actuel de l'avoir complétée en réunissant en un recueil spécial tous les documents commerciaux qui arrivent à son département.
Il y a une autre amélioration, messieurs, à laquelle l'honorable ministre tiendra sans doute à honneur d'attacher son nom, c'est la révision des règlements consulaires et des instructions générales. Cette révision est devenue indispensable depuis la promulgatîon de la loi du 31 décembre 1851.
Il importe de définir clairement les attributions des consuls, notamment celles qui leur sont attribuées par les articles 13 et 15. Vous savez que, d'après ces articles, les consuls peuvent dresser tous actes autorisés par les lois, les usages ou les conventions diplomatiques. Le règlement de 1831 ne précise rien à cet égard et doit être complètement refondu.
Il y a un autre point sur lequel j'aurais quelques renseignements à demander à M. le ministre des affaires étrangères. Je veux parler de notre commerce d'exportation sur la côte occidentale d'Afrique.
Vous savez, messieurs, que nos transactions y ont pris depuis quelques années un développement assez considérable.
L'une des difficultés qu'elles présentent, c'est le recouvrement de sommes dont les traitants du pays restent débiteurs.
Il n'y a guère de tribunaux dans ces parages et, d'un autre côté, le gouvernement, d'accord, du reste, avec les intentions de la législature, annonce que la convention conclue avec Lamina vient d'être dénoncée. Des intérêts belges considérables sont en souffrance sur la côte ; je désirerais savoir si le gouvernement a pris quelques mesures pour les sauvegarder.
En terminant, messieurs, je dois appeler votre sérieuse attention et celle du gouvernement sur la nécessité de hâter la révision du Code de commerce. Vous savez, messieurs, qu'à cette question se rattache la refonte éventuelle des lois concernant les bourses de commerce, les agents de change et les courtiers, qui a été sollicitée par de nombreux pétitionnaires.
Ces réformes ont une grande importance, et lj y aurait de graves inconvénients à les ajourner indéfiniment.
J'espère donc que la commission accélérera ses travaux et que le gouvernement sera à même de déposer un projet de loi dès le début de la prochaine session.
(page 1108) M. Osy. - Messieurs, à la suite de la discussion du budget de l'année 1856, le gouvernement a nommé une commission pour l'examen de la question de la marine royale. Nous avons appris par les journaux que la commission a fini son travail et que sous peu on publiera au Moniteur les conclusions de la commission ; je pense que c'est pour cette raison que le gouvernement n'a pas fait figurer dans le projet de budget de 1857 les dépenses pour la marine militaire. Alors même qu'à l'ouverture de la session prochaine, le gouvernement nous proposerait un nouveau système pour la marine royale, il serait impossible de le discuter assez à temps pour être mis en vigueur au 1er janvier.
Nous aurions donc très bien pu comprendre dans le budget, actuellement en discussion, les dépenses de la marine pour 1857 ; s'il n'en est pas ainsi, nous serons obligés, à l'ouverture de la session prochaine ; de voter un crédit supplémentaire pour cet objet.
Nous ne connaissons pas au juste les conclusions de la commission de la marine militaire. Si nous devons ajouter foi à ce que nous en ont appris les journaux, il ne s'agirait de rien moins que de construire plusieurs navires de guerre à vapeur ; on assure que cela pourrait nous occasionner une dépense de première mise de 10 à 15 millions et que le bndget de la marine pourrait être augmenté annuellement de 2 à 3 millions.
J'avoue que je ne puis pas me rallier à ce système qui n'est pas nécessaire à un pays neutre comme l'est la Belgique. Cette neutralité a reçu depuis 1848 une nouvelle consécration. En 1848, il n'a pas été question de toucher à l'indépendance de la Belgique ; pendant la guerre d'Orient, on ne nous a non plus rien demandé. Nous avons donc la garantie que les grandes puissances reconnaissent et respectent notre neutralité ; sous ce rapport, nous n'avons rien à craindre.
Maintenant créer une marine militaire n'aurait d'autre but, comme on l'a toujours dit, que de montrer le pavillon belge à l'étranger. Nous sommes occupés à créer une grande marine marchande. Vous avez accordé des subsides pour l'établissement de treize navires à vapeur, dont cinq pour New York, quatre pour Rio et quatre pour le Levant ; veus aurez certainement là de quoi montrer votre pavillon honorablement et surtout fructueusement pour le pays. Cette marine marchande nous sera beaucoup plus utile qu'une marine militaire. En temps de guerre, notre marine militaire ne pourrait pas sortir de nos ports ; notre marine n'aurait donc rien à faire, si ce n'est d'aller parader à l'étranger pendant la paix.
Lorsqu'on nous a proposé dans le temps le réarmement du « Duc de Brabant », je m'y suis opposé, parce que je croyais, et je le crois encore, que c'est une dépense tout à fait inutile. Ce navire voyage depuis trois ou quatre ans ; on m'assure que ce n'est qu'au moment de chaque départ qu'on cherche ce qu'il doit faire ; lors de sa dernière course, il a été, si je me trompe, à Guatemala, pour montrer le pavillon, et il avait à bord notre consul qui se rendait dans ces parages.
Ce voyage a certainement coûté plus de 60,000 francs à l'Etat ; si notre consul s'était rendu à son poste, par les moyens ordinaires, il n'aurait dépensé peut-être que 2,000 francs pour le voyage.
Je ne conçois pas comment on peut songer à créer une marine militaire dans un pays comme le nôtre. Je le concevrais, si comme en Amérique nous avions un budget des recettes bien supérieur au budget des dépenses ; mais bien loin de là ; nous marchons de déficit en déficit, et l'on voudrait créer de nouvelles dépenses que je considère véritablement comme des dépenses de luxe, parce qu'elles n'ont d'autre but que de montrer notre pavillon à l'étranger ! Messieurs, bornons-nous à un rôle modeste ; faisons tout ce que nous pouvons pour la prospérité du pays ; ayons une belle marine marchande ; le gouvernement a été généreux sous ce rapport ; il a fait tout ce qui a dépendu de lui pour augmenter cette marine. Je vois que nous devons en rester là : le pays nous en saura gré.
On dira qu'avec une marine vous formez des marins. Il est vrai que si vous avez une marine, vous aurez des matelots.
Mais la marine marchande vous en formera ; le gouvernement vient de créer une pépinière de matelots en instituant une école de mousses, Qu'on ait à Ostende un navire de guerre pour faire faire quelques manoeuvres aux mousses, je le veux bien, mais n'allons pas au-delà ; j'applaudis aux premiers pas faits pour former des marins, d'autant plus que cette école de mousses ne coûtera pas grand chose. Elle sera très utile. J'ai voulu dire quelques mots sur cette question ; le rapport va être publié par le Moniteur, le gouvernement nous dira s'il adopte les conclusions de ce rapport.
M. Sinave. - Je ferai une première observation. Le rapport sur le budget des affaires étrangères a été distribué hier soir ; pour la première l'ois il ne porte pas les documents officiels qui ordinairement l'accompagnent ; ces documents sont déposés sur le bureau ; personne n'a eu le temps de les examiner ; je faisais partie de la section centrale et cependant je n'ai rien vu. Nous trouvons dans le rapport quelques parties des réponses du ministre, mais ce ne sont que des fragments.
Nous n'avons reçu le rapport qu'hier au soir, on ne peut pas discuter ainsi un budget si important. Je ne demande pas qu'on suspende la discussion, mais j'ai cru devoir faire cette remarque que cela est peu convenable.
M. T'Kint de Naeyer m'a prévenu en ce qui concerne les consuls, et l'honorable M. Osy a pris les devants quant à la question de la création d'une marine royale. Il serait prudent d'attendre la présentation d'une proposition du gouvernement avant de nous lancer dans une discussion. Il faut, dit-on, protéger notre marine marchande ; mais protéger une seule localité n'est pas protéger notre commerce en général.
L'honorable M. Osy a dit ensuite : « Le gouvernement doit chercher à créer des matelots. » A la section centrale, nous avons aussi émis cette opinion. A regret, je vois dans le rapport qu'on propose de mettre les frais d'une pépinière de matelots à charge des hospices et des bureaux de bienfaisance. Je crois avoir émis en section centrale l'idée de cette création, mais je n'ai nullement eu l'intention de pourvoir de cette manière à la dépense.
Je suis de l'avis du gouvernement ; il vient de créer une école de mousses à Ruysselede, c'est un bon précédent ; nous avons des écoles pour la formation des capitaines, on leur donne trop d'extension, on y forme 50 à 60 capitaines par an et nous n'avons pas 30 navires qui aient besoin de capitaine naviguant au long cours ; au train dont nous allons, nous aurons bientôt un millier de capitaines quand nous avons 150 navires au plus.
C'est à ce propos que j'ai fait la proposition de s'occuper de créer des matelots et de restreindre la formation des capitaines.
Je saisis l'occasion de la discussion du budget pour adresser une interpellation à M. le ministre. J'ai demandé il y a quelque temps des explications sur le désastre survenu au navire « la Belgique ». M. le ministre a dit qu'il ne pouvait pas répondre à mon interpellation parce qu'il attendait des titres authentiques, et des titres d'une grande importance, que jusque-là il s'abstenait de répondre.
Je n'ai pas insisté pour avoir une discussion ultérieure ; je viens maintenant demander à M. le ministre s'il a reçu les documents qu'il attendait et s'il a l'intention d'en donner communication à la Chambre.
M. Verhaegen. - Messieurs, l'on parlait tout à l'heure de titres de noblesse et d’impôt dont on voulait les frapper. Certes, si on pouvait, dans l'intérêt du trésor, créer des ressources, j'y donnerais volontiers la main ; mais d'après ce qui a été dit, cette ressource serait trop peu importante, et je crains que la proposition, eu égard à la source d'où elle vient, ne cache quelque inconvénient très sérieux, et je m'en explique franchement.
Je crains que de la manière dont la chose se présente, on veuille donner à une chose qui, constitutionnellement parlant, n'a aucune importance, une importance réelle.
Je crains qu'en définitive, surtout d'après les observations très justes qui ont été faites par le ministre des affaires étrangères, il ne faille voter une loi à l'effet d'établir des précautions, des pénalités, une sanction, etc., on finirait par créer certains privilèges, que la Constitution repousse, on arriverait peut-être même un jour à avoir quelque velléité de rétablir l'ordre équestre.
Or, c'est une chose à laquelle je ne donnerai jamais les mains ; j'aime mieux sacrifier quelques bribes d'impôt que de m'exposer à faire naître des inconvénients sérieux au point de vue constitutionnel. J'abandonne volontiers ces petites ressources insignifiantes plutôt que de donner de l'importance à des choses qui n'en méritent aucune.
Voilà mon opinion sur cette question. Mais puisqu'on parle de ressources, on vient d'en signaler une ; c'est l'honorable M. Lelièvre.
Il croit qu'on peut trouver quelques ressources dans les décorations étrangères, je crois en effet qu'il y aurait là moyen de trouver quelques ressources pour le trésor ; on pourrait faire payer d'après les grades ; il n'y aurait en cela aucun inconvénient. Certainement on ne frapperait pas d'un droit les décorations nationales, quiconque reçoit la croix de son pays a mérité d'être décoré ; il ne doit rien pour cela, c'est le signe du mérite, il doit être à l'abri de tout impôt ; pour les croix étrangères, il faut obtenir l'autorisation de les porter, et s'il faut la permission de les porter, je ne vois pas pourquoi on ne les frapperait pas d'un impôt. S'il y avait une proposition dans ce sens, je l'appuierais volontiers.
M. Van Iseghem, rapporteur. - L'honorable M. T'Kint de Naeyer a désiré connaître à quel point étaient arrivés les travaux de la commission chargée de réviser le Code de commerce. Je crois que je suis le seul membre de cette assemblée qui fasse partie de cette commission et je dirai à l'honorable membre qu'effectivement depuis trois mois nous n'avons plus été réunis.
Nous avons été assemblés une fois à Bruxelles pour installer la commission générale et depuis la section à laquelle j'appartiens a été réunie une fois aussi à Anvers ; dans cette dernière réunion il a été décidé que M. le président de la section aurait réclamé du gouvernement plusieurs documents nécessaires pour commencer nos travaux et pour examiner les législations étrangères afin de mettre notre Code en harmonie autant que possible avec les lois maritimes et commerciales des autres pays. J'ai la certitude que sous peu la section d'Anvers sera convoquée par M. le président, et que nous pourrons nous occuper alors sérieusement de notre mission.
J'ai été le premier dans cette enceinte, il y a plus d'un an, à l'occasion d'un rapport sur des changements à faire à trois articles du Code, à appeler l'attention du gouvernement sur l'utilité d’une révision générale du Code.
Je me joins donc à l'honorable M. T'Kint de Naeyer pour demander que la commission reprenne le plus tôt possible ses travaux, car je suis convaincu, comme lui, que dans l'intérêt du commerce une révision et un examen approfondi sont absolument nécessaires.
L'honorable M. Sinave s'est plaint de ce que je n'aie pas fait imprimer (page 1109) comme annexes à mon rapport tous les états détaillés des imputations faites pendant l'exercice 1855 sur divers articles du budget que M. le ministre a envoyé à la section centrale.
Ces états sont relatifs aux dépenses des frais de voyage, des missions extraordinaires, des frais des légations et des consulats. Je dirai à l'honorable membre, en réponse, que je me suis conformé à la décision prise par la section centrale, qui était le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
Je suis d'accord avec l'honorable député de Bruges, que le moment n'est pas venu de discuter l'utilité de la marine, et je regrette que l'honorable M. Osy ait soulevé la question. Je crois qu'elle doit rester entière. Le gouvernement nous fera plus tard des propositions, et le moment sera alors opportun d'entamer une discussion sérieuse et approfondie.
En attendant je me déclare grand partisan de la marine, étant convaincu qu'elle pourra rendre de grands services au pays, tant à son commerce et à sa marine marchande qu'à la défense de nos côtes et de l'Escaut.
J'ajouterai en passant que la commission propose une dépense non de 15 à 20 millions, mais seulement de 5 millions.
L'honorable M. Sinave a parlé de l'utilité de la création d'une école de mousses ; je dirai que l'idée de solliciter le concours des communes, des bureaux de bienfaisance et des hospices vient de moi. Souvent ces administrations sont embarrassées avec leurs pauvres, avec les orphelins et avec les enfants trouvés. Plusieurs n'ont pu obtenir des occupations ou apprendre un état et tombent déjà, à l'âge de 21 ans, à charge du bureau de bienfaisance. Je n'ai aucun doute que plusieurs administrations de bienfaisance seraient bien aises de pouvoir envoyer à l'école des mousses, en payant une rétribution pour eux, les jeunes gens qui veulent naviguer. La marine marchande est une ressource pour cette classe de personnes. Il m'est arrivé que des administrateurs des hospices se sont adressés à moi pour placer de ces jeunes gens à bord des navires ; mais les capitaines ne se soucient pas souvent de les prendre, ne naviguant qu'avec un seul mousse.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je remercie l'honorable M. T'Kint de Nayer des éloges qu'il a bien voulu adresser au département des affaires étrangères, relativement à l'organisation consulaire. Ces éloges sont mérités, et je les accepte, non pas pour moi, mais pour mon département. La Chambre connaît le fonctionnaire éminent qui dirige cette partie de mon service.
On ne peut assez louer son zèle, son talent, son dévouement, et la manière dont notre organisation consulaire est établie fait l'envie de plusieurs gouvernements étrangers, qui me demandent à chaque instant des renseignements sur la manière dont s'est faite cette organisation.
Cette organisation n'est pas encore complète ; mais que la Chambre me permette de lui dire ce que nous avons fait.
On a vu successivement paraître ;
Un arrêté qui fixe les relations des consuls avec la marine de l'Etat ;
Le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande ;
La loi sur la juridiction consulaire ;
Un rapport au Roi qui expose les bases de notre organisation consulaire et détermine la répartition des postes principaux ;
Un rapport au Roi qui établit un système de récompense pour les consuls qui se distinguent par leur aptitude et leurs services.
En dernier lieu un travail d'ensemble a été fait à propos des rapports consulaires. La publication de ces rapports a été décidée et est en voie d'exécution ; en même temps les consuls ont reçu des directions très détaillées sur toutes les matières qu'ils ont à traiter dans leurs rapports.
D'autres travaux sont sur le métier.
Je citerai d'abord des instructions complètes sur les procédures d'avaries et les cas de naufrage. Ces questions sont de la plus grande importance pour nos armateurs et nos assureurs, et je n'attends plus que les avis de quelques chambres de commerce en retard pour expédier les instructions très étendues dont il s'agit.
Un autre travail plus considérable encore, occupe l'administration. Les attributions administratives des consuls ont été réglées par l'arrêté du 27 septembre 1831. Cet arrêté est fort incomplet. D'un autre côté, les circulaires et les règlements expédiés à nos consuls depuis 25 ans sont aujourd'hui en assez grand nombre et nos agents éprouvent quelque peine à s'y reconnaître.
Il y a donc à compléter d'une part, à mettre en ordre d'autre part ; l'administration consacre à cette tâche tout le temps que lui laissent la besogne courante ou des travaux plus urgents.
L'honorable M. T'Kint de Naeyer, à propos de la suppression de la coutume payée à Lamina, demande ce que nous avons fait pour sauvegarder les intérêts des négociants belges sur la côte d'Afrique. J'ai en en premier lieu l'honneur de faire officiellement part à la Chambre de la mort de Lamina. Mais fût-il encore vivant, je supprimerais cependant le subside, qui véritablement ne servait à rien. Non seulement Lamina ne protégeait pas nos échanges, mais ces 5,000 francs qu'on payait étaient un objet d'envie pour ses voisins ; car ces petits princes nègres se disputent la côte pour avoir notre cadeau. C'était plutôt un sujet de pillage qu'un motif de protection. Cependant, nous étions liés par un traité. Tant que le traité n'avait pas été dénoncé, il fallait payer. Cette année sera la dernière fois que nous payerons.
Quant à la protection que nous pourrions accorder à nos transactions sur la côte d'Afrique, je n'en connais pas d'autre que celle que notre consul peut exercer sur la côte du Rio-Nunez. Je viens de faire partir pour cette destination la goélette Louise-Marie pour des intérêts gantois qui étaient en souffrance. La goélette était dans l'Escaut ; je lui ai fait faire un voyage sur la côte d'Afrique. J'ai ordonné au capitaine de prendre à bord notre consul à Gorée, à qui j'ai envoyé des instructions pour faire un nouveau voyage d'exploration sur les côtes du Rio Nunez.
L'honorable M. Osy m'a reproché de n'avoir pas demandé à mon budget le crédit nécessaire pour continuer à payer la marine, comme elle existait jusqu'à présent. Je crois que, loin de mériter des reproches, j'ai mérité des éloges ; car j'ai voulu me mettre moi-même en demeure de proposer quelque chose à la Chambre.
Il est impossible qu'au Ier janvier je n'aie pas fait une proposition à la Chambre puisque à cette époque je n'aurai pas un centime de crédit.
Quel est le résultat de celle situation ?
C'est que la marine ne pourra pas continuer à subsister dans l'état oui elle se trouve aujourd'hui. Il est impossible qu'elle reste dans-cet état-là.
Il faut prendre une détermination. Il faut que la marine soit définitivement organisée sur un pied respectable, ou qu'elle disparaisse.
Si j'avais demandé que l'on maintînt, pour 1857, les choses comme elles sont, on aurait pu, tout en ayant l'air de délibérer, gagner un an ou deux. Cela s'est vu. C'est ce que je n'ai pas voulu.
J'ai voulu que le ministre fût mis en demeure de proposer quoique chose.
Quand j'ai déposé le budget, je n'étais pas en possession du rapport de la commission que j'ai instituée par arrêté du 1er juillet dernier. Je ne pouvais donc prendre une détermination. Maintenant, je l'ai reçu ; je l'ai lu très attentivement. Vous pourrez le lire de même, car je le ferai insérer in extenso au Moniteur. Je l'ai communiqué à M. le ministre de la guerre, pour qu'il veuille bien me donner son opinion sur les observations faites par la commission quant à la nécessité de la marine pour la défense de la ville d'Anvers.
Après que M. le ministre de la guerre m'aura fait connaître son opinion, je prendrai une résolution et je promets à la Chambre que cette résolution sera déposée sur le bureau le jour où le président de la Chambre sera nommé au commencement de la session prochaine.
L'honorable M. Sinave m'a demandé ce que devenait le navire « la Belgique ». Ce navire a été mis en réparation. Le Lloyd anglais, pour le coter à la première classe, a exigé qu'on y ajoutât une ceinture et quand cette ceinture sera construite, le steamer « Belgique » sera coté par le Lloyd anglais à la première classe.
Mais cette exigence de la part du Lloyd n'est pas une marque de mauvaise construction du navire ; car depuis le mois d'août 1855, depuis certains désastres qui ont eu lieu, le Lloyd ne cote plus aucun navire, à quelque nation qu'il appartienne, sans exiger les travaux qu'on exige du navire « Belgique ».
J'ai donné jusqu au mois de juin à la société pour commencer ses voyages vers New-York et il est très probable que ce ne sera pas le navire « Belgique » qui inaugurera ces voyages ; ce sera ou la « Constitution » ou le « Léopold ».
Ces navires auront une ceinture comme celle qui est exigée par le Lloyd anglais et qu'on construit actuellement au steamer « Belgique ». Ces-navires, avant d'entreprendre leurs voyages vers New-York, commenceront par faire un voyage d’essai dans la mer du Nord ; puis ils iront en Angleterre, où ils seront mis sur la cale sèche, et avant d'entreprendre leur premier voyage, ils devront être reçus par le Lloyd anglais à la première classe.
-La séance est levée à quatre heures trois quarts.