(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
M. Maertens (page 1011) fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Haenen, brigadier des douanes, ayant fait partie du bataillon des tirailleurs francs du Limbourg, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires lui soit rendu applicable. »
« Même demande du sieur Bastin, ancien volontaire liégeois, des sieurs Gaurain et Genicot, combattants de septembre, de militaires de la 2ème compagnie sédentaire, qui ont servi comme volontaires en 1830, et du sieur Meuleman, capitaine pensionné. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« Quelques volontaires de 1830 demandent que le projet de loi, relatif à la pension d'officiers de cette catégorie soit rendu applicable aux fonctionnaires civils qui, sans être entrés dans l'armée, ont combattu pour la cause l'indépendance nationale et ont été décorés de la Croix de Fer, pour des actes de courage et de dévouement qu'ils ont posés en qualité de volontaires. »
- Même décision.
« Le sieur Lamaye, combattant de 1830, demande que le projet de loi, relatif à la pension d'officiers de volontaires, contienne une disposition augmentant la pension des blessés de la révolution, qui, par suite de leurs blessures, ont été mis dans un état d'incapacité absolue de tout travail, pendant plus d'un mois. »
- Même décision.
« Le conseil communal d'Exel demande des modifications au chemin de fer dit Nord-Est belge, dont la concession est demandée par la société Martens-Thimister. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« Le sieur Bruneau, administrateur-directeur de la ligne des chemins de fer de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt, prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à plusieurs lignes de chemins de fer. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Bossut présentent des observations contre le projet de construction du canal de Bossuyt et demandent l'établissement d'un chemin de fer partant du Hainaut pour se diriger par Bossut sur Courtrai. »
- Même renvoi.
« Des commerçants, industriels et autres habitants de Fontaine-l'Evêque prient la Chambre d'accorder à la compagnie de Haussy-Rasquin la concession d'un chemin de fer de Marchienne à Jurbise. »
« Même demande des membres du conseil communal et de négociants de Montignies-lez-Lens, Masnuy-Saint-Jean, Masnuy-Saint-Pierre, Casteau-Thieusies. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Bourg-Léopold demandent une modification au chemin de fer projeté de Louvain au camp de Beverloo et l’emplacement de la station à proximité de la localité, soit à l'ouest, près de la chaussée vers Beeringen, soit au nord près de celle vers Baelen et Moll. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Kessel-Loo demandent que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de prolonger cette ligne jusqu'au camp de Beverloo, par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen. »
« Même demande de l'administration communale de Cappellen. »
- Même renvoi.
« Les conseils communaux de Sichem et Testelt prient la Chambre d'accorder à la compagnie Goddyn-Riche la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt. »
« Même demande de l'administration communale de Beersel. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Péruwelz demandent que le chemin de fer à construire de Saint-Ghislain à Gand passe par Péruwelz. »
- Même renvoi.
« Le sieur Struys demande l'établissement d'une caisse d’épargne destinée à venir au secours des classes ouvrières et nécessiteuses pendant les mois d'hiver. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Honoré, vérificateur des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement des arrérages de la pension qui lui a été accordée par décret impérial du 3 décembre 1813. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Kleef prie la Chambre de lui faire obtenir la décoration de l'ordre de Léopold. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les héritiers Bacro demandent une loi ayant pour but de vaincre la résistance dés communes qui'se refusent au payement de leurs dettes. »
- Même renvoi.
« Le sieur Jamart, secrétaire communal d'Acosse, déclare adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 21 décembre. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Gand demande une interprétation législative sur la question de savoir par qui doivent être supportés les frais de traitement des affections vénériennes dans les hôpitaux. »
- Même renvoi.
« Le sieur Clabos, fabricant d'huiles et des graisses industrielles, d'essence de térébenthine et de poix, demande des primes à l'exportation de ses produits et des remises sur les droits d'entrée dont se trouvent frappés les matières premières employées dans sa fabrication. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Le sieur Rabosée, ancien assistant à l'école primaire supérieure du gouvernement à Dinant, actuellement en disponibilité, réclame l'intervention de la Chambre pour être compris dans la répartition du fonds de 800,000 francs, alloué en faveur des employés subalternes de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Dethier réclame l'intervention de la Chambre pour qu'un subside soit accordé à la veuve, du sieur de Porter, ancien légionnaire de l'empire. »
- Même renvoi.
« Par 7 messages en date du 14, du 15 et du 17 mars 1856, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :
« D'accise sur le sucre ;
« Sur la falsification des substances alimentaires ;
« Qui alloue au budget des non-valeurs et des remboursements de l'exercice 1855, un crédit supplémentaire de 339,000 francs ;
« Qui ajoute une disposition à l'article 6 de la loi du 1er octobre 1833 sur les extraditions ;
« Modifiant la loi du 15 germinal an VI ;
« Qui alloue au département des travaux publics un crédit provisoire de 4,000,000 de fr., à valoir sur le budget de l'exercice 1856 ;
« Qui proroge les lois du 31 janvier 1852 et du 8 juin 1853 sur les droits différentiels. »
« Par message du 14 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération la demande de grande naturalisation du sieur Ch.-Jos. Isidore baron de Stein d'Altenstein. »
- Pris pour notification.
« Par message en date du 20 mars, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 110 exemplaires d'un tableau synoptique des matières des examens universitaires telles qu'elles ont été proposées ou arrêtées :
« 1° Par le projet de loi de la commission de 1831 ;
« 2° Par la loi organique du 27 septembre 1835 ;
« 3° Par le projet de loi de révision de 1838 ;
« 4° Par le projet de 1842, avec les modifications arrêtées de commun accord entre le gouvernement et la section centrale de cette époque ;
« 5° Par la loi du 15 juillet 1849 ;
« 6° Par le projet de révision présenté par l'honorable M. Piercot, dans la séance du 16 janvier 1855.
« Et enfin, 7° par le nouveau projet de loi qui a été déposé sur le bureau de la Chambre des représentants le 31 janvier dernier. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« M. de Naeyer demande un congé de quelques jours pour affaires de famille. »
- Un congé est accordé.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Il est fait hommage à la Chambre :
« 1° Par M. le directeur de la Banque de Belgique, de 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'exercice 1855.
« 2° Par la société des sciences, des arts et de lettres du Hainaut, d'un exemplaire du tome III de la 2ème série de ses publications.
« 3° Par M. le ministre de l'intérieur, de 108 exemplaires du rapport de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels, relativement à l'examen des comptes des associations de prévoyance pour 1854.
« 4° Par M. Dandelin, de 120 exemplaires de sa brochure sur le chemin de fer projeté entre Bruxelles et Louvain.
« 5° Par le recteur de l'université de Bruxelles, de 120 exemplaires d'une brochure résumant les observations des facultés de philosophie, de droit, des sciences et de médecine sur le projet de loi relatif aux jurys d'examen pour la collation des grades académiques. »
- Distribution à MM. les membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
- Il est procédé au tirage au sort des sections du mois d'avril.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a déjà longtemps qu'une pétition des professeurs du Conservatoire de musique de Liège a été renvoyée è M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications. M. le ministre avait promis de donner ces explications après le vote de son budget ; je le prierai de ne plus les faire attendre.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'avais, en effet, promis à la Chambre un rapport sur la question soulevée par les pétitionnaires de la ville de Liège. Une indisposition du chef de division que la chose concerne est la seule cause du retard qu'éprouve la présentation de ce rapport. J'espère, du reste, pouvoir le présenter demain ou après-demain.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le projet de loi sur la récusation des magistrats figure à notre ordre du jour en troisième ou quatrième ligne ; je désire savoir si M. le ministre de la justice a encore l'intention de présenter un contre-projel ou des amendements ; s'il avait cette intention, je le prierais de ne pas tarder ; on pourrait renvoyer le nouveau projet ou les amendements à la section centrale. La session ne sera plus de longue durée ; si l'on veut faire quelque chose dans cette session, il n'y a plus de temps à perdre.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je serai prêt à aborder la discussion de cette affaire dès que l'ordre du jour nous y amènera.
M. Delfosse. - M. le ministre de la justice avait annoncé l'intention de présenter un contre-projet ; c'est pour ce motif que nous n'avons pas provoqué plutôt la réunion de la section centrale, qui devra examiner si, d'après les avis de la Cour de cassation et des Cours d'appel, il n'y a pas lieu d'introduire quelques modifications dans le projet soumis à la Chambre. Je prie M. le ministre de s'expliquer, de nous dire clairement ce qu'il se propose de faire ; il doit maintenant le savoir.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Les raisons données par la cour de cassation et par la cour d'appel de Bruxelles ont exercé sur mon esprit une très grande influence ; j'incline à penser que, pour le moment, il n'y a pas à innover en matière de récusation de magistrats. Si, cependant, cette opinion n'était pas agréée par la majorité de la Chambre, je reproduirai le système que j'ai toujours soutenu dans cette enceinte, à savoir celui de la récusation facultative.
Voilà la position que je compte prendre dans cette discussion.
M. Delfosse. - Alors il est désirable que M. le président veuille bien convoquer la section centrale ; la section centrale examinera si, par suite des avis des cours, il n'y a pas lieu de modifier le projet qu'elle a soumis à la Chambre ; il est bon qu'elle se réunisse avant le jour où la Chambre discutera le projet.
M. Frère-Orban. - Je suis membre de la section centrale ; il me serait impossible d'assister à la séance de demain. Je prie donc M. le président de fixer cette séance à un autre jour. Du reste, il sera impossible que le projet de loi soit discuté en séance publique, à la place où il est indiqué dans l'ordre du jour.
M. le président. - La section centrale sera convoquée un autre jour, et il est entendu qu'on fixera ultérieurement le jour de la discussion publique de ce projet de loi.
M. Rogier (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une question que je me bornerai à lui poser, et qui pourra se transformer en motion après que M. le ministre de l'intérieur aura pris des renseignements.
En 1846, la Chambre a décidé en principe que, vu l'accroissement de la population générale du royaume, il y avait lieu d'augmenter le nombre des membres de la Chambre des représentants et du Sénat ; une loi de 1847 a établi une nouvelle répartition qui a porté le nombre des membres de la Chambre de 86 à 108.
Depuis lors, dix années se sont écoulées ; la Belgique, grâce à l'essor qu’elle reçoit de ses institutions, grâce à l'industrieuse activité de ses habitants, a vu s'accroître sa richesse et sa population. D'après les documents que j'ai consultes, la population se serait accrue en ces dix dernières années d'environ 300,000 âmes. En supposant une augmentation de 280,000 âmes scuienui.t, il y aurait lieu à une augmentation de sept représentants (à raison de 1 représentant par 40,000 âmes).
Je me propose de demander à M. le ministre de l'intérieur si, après qu'il aura examiné les documents statistiques qu'il possède au ministère, son intention serait de présenter à la Chambre un projet de loi, ainsi que l'a fait un de ses prédecesseurs, M. de Theux, afin de porter de 108 à 115 le nombre des membres de la Chambre des représentants, à raison de l’accroissement de la population constaté depuis 1846.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, lorsque le gouvernement a procédé en 1846 au recensement de la population, il a été entendu, si je ne me trompe, que ce recensement serait décennal ; mais j’avais que cela n’a pas été formulé en termes exprès. J’ai donc eu dernièrement une correspondance avec la commission centrale de statistique, à l’effet de savoir s’il y a lieu de faire cette année un recensement décennal de la population. L’avis de la commission centrale de statistique a été affirmatif, et mes honorables collègues sont en ce moment saisis par moi d'une proposition tendant à opérer un recensement immédiat. Avant la clôture de la session, j'aurai probablement l'honneur de soumettre à la Chambre la demande d'un crédit spécial nécessaire pour les dépenses de ce recensement.
Maintenant, faut-il attendre les résultats de ce recensement ? ou avons-nous, dans les documents que nous possédons aujourd'hui, des données suffisamment certaines pour procéder à une augmentation du nombre des représentants ? Ce sont des questions, sur lesquelles je ne puis pas me prononcer pour le moment. Je prie la Chambre de me laisser quelques jours pour les examiner. Si nous avons des données suffisamment certaines, je ne vois pas qu'il faille attendre, pour agir, que le recensement décennal soit terminé. S'il n'en était pas ainsi, en attendrait naturellement que cette opération fût achevée, pour arrêter une mesure à cet égard.
M. Rogier. - J'ai annoncé, quelques jours d'avance, ma motion d'ordre, afin que M. le ministre de l'intérieur puisse se préparer à la discussion. Je n'entrerai donc, pas dans d'autres développements, aujourd'hui.
Du reste, je pense que M. le ministre pourra se convaincre, d'après les documents existants, d'après les états de la population, constatée annuellement dans chaque commune, que rien ne serait plus facile que de déterminer le nombre des représentants nouveaux à attribuer à chaque arrondissement.
Depuis 1846, le travail de recensement est soumis à des règles uniformes, de telle manière qu'il ne s'agit pour ainsi dire que d'une simple récapitulation.
Quelques erreurs de détail peuvent exister, mais elles ne sont pas de nature à exercer de l'influence sur la mesure importante qu'il s'agit de prendre : cette mesure a été reconnue en 1846 entièrement conforme à l'esprit de la Constitution, c'est un antécédent dont la Chambre actuelle ne voudra pas s'écarter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Les données résultant des inscriptions de l'état civil ne sont pas aussi certaines que paraît le penser l'honorable membre ; au moyen de registres que la commission de statistique avait fait imprimer à l'usage de toutes les communes, on avait cru pouvoir constater, au fur et à mesure des naissauces, l'augmentation de la population ; mais l'expérience a prouvé que le mouvement de la population n'a pas pu être constaté aussi exactement qu'on l'avait cru. Je fais cette remarque pour montrer que les éléments d'appréciation cités par l'honorable membre ne sont pas aussi positifs qu'il le suppose.
Cependant, au moyen des documents que le gouvernement possède, je pense qu'il sera possible d'arriver à des conclusions dans le sens de la motion de l'honorable membre. Si le gouvernemeni trouve des bases suffisamment certaines pour asseoir la répartition des nouveaux membres, il s'empressera de soumettre des propositions aux discussions de la législature. En le faisant, il ne fera que remplir un devoir, La population tout entière, avec ses accroissements successifs, a droit à être représentée. C'est une question de justice.
M. Manilius. - M. le ministre de l'intérieur vient d'annoncer l'intention de donner satisfaction au droit né de l'accroissement de la population ; je n'ai donc qu'à le féliciter de l'accueil qu'il a fait à la motion de l'honorable préopinant. Je saisis cette occasion pour recommander à M. le ministr ,d'apporter le plus grand soin dans la répartition des députés par district, pour ne plus retomber dans la situation dont on se plaint aujourd'hui et qui résulte de ce que là où il y avait infériorité de population, on a compté les fractions afin de laisser les députés qui existaient, et il s'est trouvé que pris dans leur ensemble ils dépassaient le nombre auquel l'ensemble de la population donnait droit ; dans d'autres provinces, on a laissé de côté les fractions au-dessus et il est arrivé qu'on n'a pas eu un nombre de représentants proportionné à la population. On n'a pas réclamé, parce que c'était déjà un bienfait de rapprocher le nombre de représentants du chiffre de la population.
Pour n'avoir pas à faire d'observations sur la mauvaise répartition que je viens d'indiquer j'invite M. le ministre à apporter le plus grand soin dans la préparation de son projet, afin que le nombre des députés soit toujours en proportion de la population dans chacune des provinces. On me dit que c'est la Chambre qui va faire cette répartition. Je réponds qu'un projel bien préparé diminue les difficultés pour ceux qui ont à combattre les erreurs qu'il peut contenir.
D'ailleurs, les projets sont soutenus par des majorités, et une fois lancés on sait combien il est difficile de faire réformer les vices qu'on y trouve, je veux prévenir autant que possible les luttes. Mon observation a uniquement pour but de demander que le projet nous soit présenté dans l'état le plus parfait possible, quant à la répartition par districts et provinces.
M. le président. - La section centrale propose le rejet du projet.
M. de Mérode-Westerloo. - Deux intérêts graves, messieurs, se trouvent engagés dans le projet de loi soumis aujourd'hui à vos délibérations, après un retard regrettable de plus de 3 mois, l’intérêt du trésor (page 1013) d'une part, celui de tout un arrondissement dans ses communications si fréquentes avec le chef-lieu de la province, d'autre part.
Le premier de ces intérêts, celui du trésor, ne saurait être mieux sauvegardé pour le présent que par le remboursement à l'Etat des dépenses de construction déjà liquidées du tronçon de Contich à Lierre, et l'engagement que prendrait en outre la compagnie de supporter les frais de parachèvement de la voie et de construction de tous les bâtiments nécessaires à l'exploitation, y compris la station de Lierre, le tout sans charge aucune pour le trésor. Mais ici se présente l'objection faite le 21 novembre, lors de la présentation du premier projet de convention.
Si un jour, dit-on, un chemin de fer direct d'Anvers ou de Lierre vers l'Allemagne était concédé par le gouvernement, voyez quelle importance acquerrait pour lui le tronçon de Contich à Lierre, que vous semblez traiter si légèrement et qui deviendrait cependant alors presque une tête de ligne !
Mais, messieurs, la réponse à cette objection est fort simple, et je la trouve inscrite tout au long dans l'article 21 de la convention, qui dit dans son premier alinéa :
« La présente convention pourra être résiliée par le gouvernement, dans le cas où il concéderait ou construirait un chemin de fer qui emprunterait en tout ou en partie la ligne de Contich à Lierre. »
Permettez-moi de considérer cette objection comme résolue, cet obstacle comme ayant disparu.
A un autre point de vue encore, l'intérêt du trésor demande la cession des six kilomètres qui séparent Contich de Lierre, à la compagnie de Lierre à Turnhout, avec la clause de résiliation dont je viens de faire mention.
Le deuxième motif, messieurs, c'est l'économie incontestablement plus grande avec laquelle la compagnie est à même de parachever les travaux considérables qui restent à faire à la voie, de construire la station de Lierre, etc. Pour ne vous en citer qu'un exemple, l'Etat voulait se livrer, pour la station seule de Lierre, à des travaux si considérables, qu'il a acquis pour cela un terrain d'une superficie d'environ 4 hectares. Messieurs, vous n'ignorez pas plus que moi, que l'Etat, dans les mêmes conditions, payera toujours les travaux qu'il effectue plus cher qu'un particulier, et je range les compagnies parmi ces derniers. Du reste, je n'en fais pas un reproche au gouvernement ; il ne saurait en être autrement.
Enfin, la convention procurera au trésor une recette de 40 mille fr., représentant le prix que payera la compagnie à l'Etat pour le droit de parcours limité sur sa voie ferrée de Conlich à Anvers, soit onze kilomètres.
Ce calcul est établi sur une circulation moyenne de 6 à 8 convois par jour, aller et retour. Le second intérêt engagé dans la résolulion que vous allez prendre, messieurs, à l'égard de la convention soumise à votre examen, c'est celui des voyageurs qui parcourent la ligne de Turnhout à Anvers et du commerce qui doit se servir de cette voie pour ses transactions journalières. On ne peut se figurer le tort que fait, même aux recettes du chemin de fer de l'Etat, l'absence de la convention que nous discutons.
En effet, bien des marchandises en destination de Lierre, pour éviter la taxe qui se percevait à Contich pour un déchargement fictif, parce qu'il ne s'exécutait jamais, s'arrêtaient à la station de Duffel au lieu de continuer sur le railway de l'Etat jusqu'à Contich, pour y prendre la voie sur Lierre, et l'Etat perdait ainsi le prix de transport sur la distance de 5 kilomètres qui sépare Duffel de Contich.
Que de facilités n'offriront point aux voyageurs et au commerce et les trains directs, d'une part, qui feront cesser ces attentes de coïncidence à Contich, et l'unité d'administration et de service d'une ligne de 45 kilomètres de parcours ! Perdre sur une semblable distance une demi-heure de temps, mais c'est perdre une partie du bénéfice de la rapidité de communication que le chemin de fer est toujours essentiellement destiné à donner aux localités qu'il traverse, et cet avantage est très justement apprécié. De toutes ces facilités données aux voyageurs et aux marchandises que résultera-t-il, sinon la conséquence toute simple de l'augmentation considérable du trafic et, par là même, la diminution de la charge que l'Etat s'est imposée par la garantie d'un minimum d'intérêt ? En résumé, messieurs, je trouve dans la convention dont nous nous occupons avantage pour le trésor et pour le public intéressé de toute une contrée, et la Chambre complétera, en ratifiant cette convention, ce qu'elle a eu l'intention de faire pour la Campine, en la dotant d'une voie ferrée : augmenter ses relations de tout genre avec le pays entier et surtout lui faciliter l'accès d'une ville où l'appellent fréquemment ses intérêts et ses devoirs.
M. Osy. - Messieurs, je ne rentrerai pas dans la discussion du fond de cette affaire. Je crois l'avoir traitée suffisamment dans la séance du 21 novembre de l'année dernière. C'est à la fin de cette discussion que l'on a décidé l'ajournement du projet de loi, en engageant le gouvernement à faire avec la société une nouvelle convention résolutoire au cas où le gouvernement concéderait le chemin de fer direct de Lierre vers l'Allemagne.
Vous voyez, messieurs, que la section centrale elle-même par le nouveau rapport qui vous a été distribué dit que « l'ajournement fut motivé spécialement par la convenance d'introduire, en tout état de choses, une clause résolutoire dans la partie de la convention qui rapport au parcours de la ligne de l'Etat de Contich à Anvers, dont la compagnie de Lierre à Tnrnhour fait une condition essentielle de la reprise par elle de l'embranchement de Contich à Lierre. »
La première discussion a donc abouti à demander au gouvernement de faire avec la société de Lierre à Turnhout une nouvelle convention. Cette nouvelle convention a été faite et à l'article 21 vous voyez qu'il a été tenu compte des observations faites par la Chambre et que dans le cas où le gouvernement concéderait la ligne directe vers l'Allemagne, la société s'oblige à lui remettre la route sans bénéfice pour elle et au prix qu'elle aura déboursé pour l'achat du chemin de fer.
Il est donc satisfait, à ce qui a été demandé par la Chambre, et cependant nous voyons aujourd'hui que la section centrale combat encore cette nouvelle convention, qu'elle vous propose le rejet du projet de loi, qu'elle demande que le gouvernement continue ou plutôt qu'il reprenne l'exploitation de la ligne de Contich à Lierre.
Messieurs, nous avons dit et nous voyons par les documents de la Chambre que la ligne de Contich à Lierre, lorsque tous les travaux seront achevés, coûtera 680,000 francs. Pour l'exploiter, le gouvernement devra avoir au moins trois locomotives et un matériel en proportion ; de manière que le capital engagé sur cette route sera d'au moins un million, ce qui représente 50,000 fr. d'intérêt, sans calculer l'amortissement du capital dont cependant il y aurait lieu de tenir compte, car les rails et le matériel s'usent.
Or je vois, à la page 15 du rapport, le mouvement qui a eu lieu dans les derniers mois de l'année 1855. J'y remarque que les mois de novembre et de décembre n'ont pas couvert leurs frais ; il y a eu perte sur l'exploitation ; que dans les autres mois il y a eu un bénéfice tantôt de 120 fr. tantôt de 779 fr. et que le motslepius avantageux, celui de septembre a donné une recette dépassant de 2,000 fr. la dépense.
J'admets pour un moment que la recette s'élève chaque mois à 2,000 fr., elle serait donc pour l'année de 24,000 fr. Or, par la cession qu'on nous propose, le gouvernement rentrerait dans un capital considérable, il serait dispensé de faire encore une dépense très forte. Car rappelez-vous que la loi de 1851 n'a mis à la disposition du gouvernement qu'une somme de 500,000 fr. pour cette route et qu'il faudra encore allouer une somme d'au moins 180,000 fr., plus le capital nécessaire pour le matériel.
Nous savons tous, messieurs, que le gouvernement n'a pas un matériel suffisant pour bien exploiter le chemin de fer ; que le mois prochain doit s'ouvrir la grande ligne de Dendre-et-Waes et que l'exploitation de cette ligne exigera un matériel considérable qu'il faudra enlever aux autres voies. Dans une situation pareille, et lorsque le gouvernenent a obtenu, par la nouvelle convention, ce que la Chambre demandait, il me paraît que tous les intérêts sont saufs et je ne conçois pas que l'on continue à trouver l'arrangement proposé onéreux à l'Etat.
Je crois que ce qui serait onéreux pour l'Etat serait de ne pas accepter la dernière convention qui prévoit tous les cas.
En repoussant le projet de loi, nous ferions tort aux intérêts de l'Etat, et ce serait aussi faire un grand tort aux voyageurs. Car nous avons toujours dit que le temps était une chose très précieuse. Or, avec l'exploitation actuelle, aussi longtemps que l'on ne peut pas aller directement d'Anvers à Lierre, il y aura toujours un retard d'environ trois quarts d'heure, et le chemin de fer que nous avons voulu accorder à la Campine n'atteindrait pas ce but.
J'espère, messieurs, que nous déciderons enfin cette question et que la Chambre acceptera la nouvelle convention.
M. de La Coste. - D'après les explications qui ont été données par M. le ministre des travaux publics, je pense qu'il est maintenantt bien entendu qu'en acceptant le projet du gouvernement on ne préjuge rien relativement au prolongement du chemin de fer de la Campine, de Herenthals vers Hasselt.
Mais je poserai une autre question. Ne peut-il résulter aueune difficulté de l'adoption du projet de loi, quant au prolongement du chemin de fer de Contich à Lierre dans une autre direction ? Ainsi ne sera-t-on pas lié vis-à-vis de la société de la Campine, de manière à trouver quelque difficulté à prolonger le chemin de fer de Contich à Lierre, dans la direction de Diest ou dans la direction d'Aerschot, suivant la proposition qui a été faite et qui déjà a été l'objet d'un rapport de la commission des pétitions ? Dans le cas où le gouvernement serait disposé à concéder un chemin de fer d'Anvers sur Hasselt et Maestricht, en passant soit par Aerschot et Diest, soit par Diest seulement, ne sera-t-il aucunement lié et n'éprouvera-t-il aucune difficulté relativement à ce prolongement lorsque la Chambre aura accepté la convention qui nous occupe ?
Quant à moi, je désire que toutes les compagnies qui voudraient se présenter pour prolonger le chemin de fer de Contich à Lierre, conservent des chances égales, nonobstant cette convention.
S'il n'y a aucune crainte à concevoir tout ce rapport, je pourrai voter le projet de loi. Si je n'avais pas des explications satisfaisantes sur ce point, je serais obligé de le repousser.
M. Frère-Orban. - A la fin de notre dernière session le gouvernement nous a présenté un projet de loi ayant pour objet d'abandonner à la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout la section de Contich à Lierre. Ce projet, déclaré très urgent, était considéré, comme extrêmement avantageux pour l'Etat ; telle était au moins l'opinion du gouvernement ; cependant le projet n'a pas pu résister à la discussion qui s'est ouverte, heureusement, au mois de novembre, après qu'on avait eu le temps de réfléchir. En effet, on est tombé unaninement (page 1014) d'accord qu'il était impossible de céder la ligne de Contich à Lierre, d’une manière définitive, irrévocable, sans que le gouvernement eût la faculté, dans certaines éventualités, de reprendre possession de cette ligne. Cette opinion fut exprimée par l'honorable M. de Theux, aussi bien que par moi.
Le gouvernement a mis à profit ces observations et il a traité sous la condition de pouvoir obtenir la rétrocession de la ligne dans le cas où il construirait ou concéderait un chemin de fer de Lierre à Diest, sur Hasselt, par exemple.
Mais une deuxième observation avait été présentée et c'était, à mes yeux, de beaucoup la plus importante.
La convention annexée au projet de loi entraînait l'abandon, au profit de la compagnie, d'une partie du railway de l'Etat ; on cédait à la compagnie, sous le titre de droit de parcours, mais d'une manière définitive et irrévocable, le trajet de Lierre à Anvers.
Dans la convention nouvelle on stipule que le droit de parcours existera au profit de la compagnie, mais que ce droit de parcours pourra donner lieu de la part de chacune des parties à une demande en résiliation, chaque six mois ; si l'on s'était arrêté là, on s'en tenait aux termes généraux des conventions de cette nature, qui sont utiles à l'Etat et aux sociétés concessionnaires, mais la compagnie a demandé et le gouvernement a concédé tout autre chose ; il a été stipulé, ce qui ne se trouve dans aucune convention analogue, il a été stipulé que dans le cas où le gouvernement viendrait à résilier le contrat en ce qui concerne le droit de parcours, il serait tenu d'opérer la traction dans des conditions déterminées, qui donnent à la compagnie exactement le même droit que le parcours qui aurait été résilié ; les conditions se retrouvent exactement, identiquement les mêmes ; ce ne sont plus, à la vérité, dans le deuxième cas, les locomotives de la compagnie qui parcourent la ligne, mais ce sont les convois que l'Etat s'engage à transporter sans rompre charge et moyennant une taxe déterminée.
Messieurs, si la compagnie de Lierre à Turnhout obtient de pareils avantages, je ne sais pas comment on pourra les refuser à d'autres.
Remarquez bien, messieurs, qu'au fond je ne prétends pas que l'Etat ne doive pas faire ce qui est indiqué dans la convention, mais je soutiens qu'il doit rester libre de ne pas le faire.
Il peut se présenter telles circonstances qui obligent l'Etat à être rigoureux vis-à-vis de la compagnie, la compagnie peut poser des actes qui mènent l'Etat dans cette nécessité ; eh bien, il n'aura aucun moyen d'agir.
Je ne vois aucune nécessité de faire une pareille convention ; la compagnie n'a aucun droit d’exiger une concession de cette nature et je ne comprends pas, surtout, qu'on la présente comme avantageuse à l'Etat. S'il est reconnu, en thèse générale, que l'exploitation d'un petit parcours est une chose onéreuse, cela est vrai pour la compagnie aussi bien que pour l'Etat et la compagnie a évidemment intérêt a obtenir que sa ligne d'exploitation soit la plus longue possible.
Il y a sous ce rapport un avantage réciproque, mais cela ne prouve pas que l’Etat doive acheter cet avantage à un taux si élevé.
Lorsque le projet de loi a été présenté et lors de la discussion, au mois de novembre, on supposait qu'il existait beaucoup de conventions de ce genre ; eh bien, messieurs, il n'en existe pas, et M. le ministre des travaux publics a bien voulu confirmer mes dires à cet égard en nous donnant des extraits des divers contrats qui ont été passés. Certains cahiers des charges imposent aux compagnies l'obligation d'opérer la traction sur un parcours déterminé du chemin de fer de l'Etat. Mais ne croyez pas, messieurs, que ce soit un avantage qu'on ait entendu faire aux compagnies ; c'est une obligation qu'on leur a imposée.
Si c'était une faveur, elle serait illégale, car ce serait l'abandon définitif d'une partie du chemin de fer de l'Etat aux compagnies, et un pareil abandon ne peut être stipulé que par une loi ; mais il est dit qu'elles seront tenues, c'est-à-dire que si l'Etat ne veut pas se prévaloir de la clause, la compagnie n'a pas le droit de réclamer le parcours sur le chemin de fer de l'Etat dans le cas prévu. Cela est si vrai que pour le chemin de fer d'Audenarde vers Gand, par exemple, le cahier des charges a stipulé que la compagnie aurait la faculté de faire circuler ses convois sur le chemin de fer de l'Etat et que le gouvernement a eu soin de dire dans l'arrêté de concession, que cela n'aurait lieu que sous l'approbation des Chambres.
En effet, l'arrêté du 28 septembre 1855, annexé à la convention, porte :
« Art. 5. Le gouvernement se réserve, sauf la ratification des Chambres, la faculté de faire exploiter et entretenir par ses agents, et au moyen du matériel de l'Etat, le chemin de fer d'Audenarde vers Gand. Dans le cas où il voudrait user de cette faculté, une convention préalable réglera les conditions auxquelles cette exploitation et cet entrelien auront lieu. »
On poserait donc le précédent le plus dangereux qui engagerait l'Etat et auquel l'Etat n'a aucune raison de consentir.
Voici comment il serait juste de procéder à l'égard de la compagnie : D'abord j'admets à la rigueur qu'on lui concède la ligne de Contich à Lierre, cela n'est pas nécessaire ; la compagnie pourrait être autorisée à exploiter la ligne, cela suffirait ; mais j'admets à la rigueur qu'on lui concède la ligne, avec faculté pour l'Etat de rentrer en possession dans des cas déterminés.
En second lieu, il faudrait faire une convention relative à la circulation du matériel, comme pareille convention existe avec les autres compagnies. Il n'y a pas de raison de faire davantage.
Si le gouvernement ne consentait pas à restreindre dans ces termes la convention, il me serait impossible de voter pour le projet de loi.
M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, le projet de loi en discussion a une importance plus grande que ne le semblent croire les honorables membres qui ont parlé en sa faveur. L'honorable M. de La Coste a posé à M. le ministre des travaux publics une question très importante, en lui demandant si la convention proposée n'implique point un engagement vis-à-vis de la compagnie de Turnhout, qui s'opposera à la construction d'une voie nouvelle de Lierre vers Hasselt par Diest.
En effet, lorsque la Chambre aura voté le projet de loi et qu'elle aura approuvé les concessions de chemins de fer dont elle est saisie, la compagnie de Turnhout aurait toute une voie nouvelle entre Anvers et Hasselt, et par conséquent entre Anvers et Cologne, qui présentera, sur les voies existantes, une économie de parcours d'environ 28 kilomètres.
La question de M. de La Coste mérite toute l'attention de la Chambre ; elle comprendra la difficulté que rencontrera l'Etat à concéder une ligne nouvelle directe d'Anvers à Hasselt par Diest, lorsqu’une autre compagnie sera en possession de la ligne de Hasselt à Contich et en position de faire concurrence, sur la place d’Anvers même, aux voies actuelles de l’Etat.
Pour préciser davantage, la question posée par l'honorable M. de La Coste est très importante ; je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il se réserve de concéder plus tard la ligne directe d'Anvers à Hasselt par Diest.
Messieurs, la question même du projet de loi en discussion disparaît devant les grands intérêts qu'il faut envisager ici. Quel est aujourd'hui le parcours entre Anvers et Cologne par la ligne de l'Etat ? Il est de 248 kilomètres.
Quel sera le parcours par la ligne de Contich, Herenthals et Hasselt ? Ce parcours sera de 225 kilom. Quel sera le parcours par la ligne de Contich, Lierre et Diest ? Il sera de 217 kilom. Quel sera le parcours, par l'exécution d'un projet de M. Riche ? Il sera de 209 kilom. si je ne me trompe ; car je déclare ici que je ne connais ni de loin ni de près aucun des entrepreneurs ; je ne vois que l'intérêt de l'Etat ; je fais abstraction de tout intérêt individuel et souhaite que tout le monde se place au même point de vue.
Appréciant le projet de M. Riche en dehors de toute autre préoccupation que celle de l'intérêt de l'Etat et de nos relations commerciales, je dirai qu'il aurait pour conséquence de réduire à 209 kil. le parcours entre Anvers et Cologne, qui est aujourd'hui de 248 kil.
Voilà donc le projet le plus avantageux, celui qui, exécuté soit par l'Etat, soit par une compagnie, et dans ma pensée ce doit être l'Etat, est de nature à savoir le plus efficacement les grands intérêts de notre métropole commerciale.
Ceux qui suivent le mouvement commercial et notamment ce qui a rapport au transit vers l'Allemagne doivent reconnaître qu'il s'effectue sur le continent un travail considérable.
La Hollande n'est pas restée stationnaire ; elle aboutira bientôt à Dusseldorff par un chemin de fer continu. Déjà, depuis le 15 février dernier, on a ouvert une section qui prolonge le chemin de fer d'Arnhem ; au mois de novembre, on arrivera au-delà de Wézel et d'actives démarches sont faites pour relier cette voie au réseau allemand et à Dusseldorff.
La voie fluviale si économique que possède la Hollande ne lui suffit plus ; elle fait de louables efforts pour asseoir les relations du transit sur des bases plus stables en s'assurant des communications promptes et faciles en toute saion ; il est de notoriété en effet que pendant les mois où la navigation est interrompue par l'hiver, les besoins des contrées limitrophes de Crefelt et de Dusseldorf, déterminent avec Anvers des relations qui cessent après la réouverture de la navigation ; ces relations n'échappent au commerce d'Anvers, qu'à cause de l'économie qu'offre le transit par les eaux intérieures de la Hollande.
Giâce aux nouvelles communications que s'assure la Hollande, cet état de choses va devenir permanent.
Ainsi, la question de nos communications avec l'Allemagne est une question de concurrence, concurrence très tendue du côté du Nord. L'est-elle moins du côté du Midi ? Loin de là ; le port de Boulogne se trouve aujourd'hui en relations très suivies avec Folkstone ; tout le coton destiné à l’AIsace et à la Suisse est aujourd'hui transporté par la voie de Folkstone et le chemin de fer de Strasbourg.
Beaucoup de marchandises en destination de Cologne débarquent à Boulogne, et transitent par la Belgique, par le chemin de fer du Nord et par celui de Namur à Liège ; la Belgique n'en profite guère, puisqu'elle se borne à voir passer des waggons et qu'elle ne prend aucune part au mouvement commercial proprement dit. Son intérêt réel est d'attirer ces marchandises à Anvers, c'est d'y attirer les émigrants dont le passage par notre territoire peut avoir la plus heureuse influence sur le développement de nos exportations.
Messieurs, le gouvernement serait coupable... (interruption). Ce mot peut déplaire à l’honorable M. Coomans qui m'interrompt....
M. Coomans. - Je n'ai rien compris.
M. Prévinaire. - Vous n'avez rien compris, j'en suis fâché.
(page 1015) Laissant de côté les interruptions je dis donc que le gouvernement serait coupable, et je prends ce mot dans son acception honnête, s'il restait indifférent à tout le mouvement qui se fait autour de nous, si, en présence d'un projet qui permettrait d'exécuter une ligne directe sur l'Allemagne, présentant les avantages que je viens d'indiquer, il concédait à des compagnies existantes des faveurs qui rendraient plus tard impossible la construction de ces lignes. J'attendrai que le ministre veuille bien examiner ces arguments qui me paraissent sérieux. Ce ne sont pas des arguments introduits pour le besoin de la cause. L'intérêt de l'Etat est mon seul but. Je ne pense pas que l'Etat puisse se dispenser d'assurer au transit vers l'Allemagne les meilleures conditions possibles et s'il doit faire pour cela des sacrifices, il convient qu'il en atténue le plus possible l'importance. Si la direction actuelle des voies de l'Etat est mauvaise, qu'il exécute à ce tracé les rectifications encore possibles aujourd'hui et qu'il conserve au moins toute la partie du parcours qu'il peut se réserver.
La convention qui nous occupe ne peut que faire surgir dans l'avenir de regrettables entraves.
L'honorable M. Frère a fait ressortir tout ce que la convention aurait d'étrange. Elle contient, en effet, une clause qu'on ne trouve dans aucun traité avec une compagnie concédant le parcours sur sa ligne ; jamais une compagnie n'a permis à une compagnie, à laquelle elle permettait d'emprunter sa voie, de venir s'établir sur sa ligne et de puiser dans ses stations des éléments de trafic. Pas plus en Angleterre qu'ailleurs les compagnies n'admettent de pareilles conventions.
Votre section centrale a trouvé extraordinaire, exorbitant, que le gouvernement permette à une compagnie de prendre à Anvers des marchandises pour l'Allemagne quand il pourrait les transporter sur ses propres lignes.
La voie nouvelle vers l'Allemagne que possédera la compagnie de Turnhout lorsque la Chambre aura voté le projet qui nous occupe et les concessions dont elle est saisie, présente un autre désavantage quand on la compare au projet Riche, c'est d'accumuler tout le mouvement dans la station actuelle de l'Etat, tandis que M. Riche offrait de construire une station nouvelle, appropriée aux besoins actuels et futurs.
Or, vous savez, messieurs, que déjà la station d'Anvers est insuffisante et que des plaintes sérieuses s'élèvent de toutes parts sur l'encombrement et l'impossibilité d'expédier les marchandises tant vers l'intérieur que vers l'Allemagne. Tout cela demande un prompt remède.
Il me semble que M. le ministre des travaux publics aurait dû être frappé de ces inconvénients : il doit avoir examiné le projet Riche, et pourrait bien nous dire s'il compte on non proposer cette concession ; s'il ne considère pas la combinaison que nous discutons comme exclusive d^une troisième ligne vers l'Allemagne.
Je crains bien, je le répète, que sa liberté d'action ne se trouve entravée et qu'il ne puisse doter le pays d'une voie de 209 kilomètres de parcours alors que nous ne posséderions que deux mauvaises voies, l'une de 248 et l'autre de 225 kilomètres. Faut-il gratuitement s'exposer à une pareille situation ? Je ne le pense pas.
On a fait ressortir ce qu'il y avait d'insolite dans cette convention, en ce que le droit de résilier la clause relative au parcours n'est réservé à l'Etat que conditionnellement et l'oblige à faire usage du matériel de la compagnie sur la voie de l'Etat de Contich à Anvers.
On reconnaîtra que dans ce sens, il n'y a pas en réalité de résiliation du droit de parcours ; la position de la compagnie ne sera changée qu'en deux points, d'abord en ce que la locomotive de l'Etat fera le service, au lieu d'une locomotive de la compagnie, ce qui est assez insignifiant, et ensuite en ce que la perception de la taxe des transports aura lieu d'après le tarif et plus à raison des voitures. Mais sauf ces deux légères modifications, la position restera la même en ce qui concerne la concurrence qui sera faite au réseau de l'Etat.
Il est important, messieurs, que vous remarquiez que le droit de parcours équivaut, en faveur de la compagnie, à la négation du tarif sur la partie parcourue de la ligne d'Anvers à Contich ; je ne comprends pas qu'on pose un précédent semblable lorsque la Chambre s'est préoccupée pendant longtemps de la nécessité de relever les tarifs en vue d'améliorer les recettes. Si l'on veut changer de système, qu'on le dise ; je comprends qu'où veuille introduire ce système, dans un plan d'ensemble ayant pour but d'appliquer cette mesure d'une manière générale. Mais chaque fois que le commerce a voulu entrer dans cette voie, on s'y est opposé de crainte de diminuer les produits du chemin de fer. Ce sont là des questions qui méritent d'êire éclaircies, et j'espère que M. le ministre voudra bien nous fournir à cet égard quelques explications.
M. Loos. - Quand la construction du chemin de fer de Lierre à Turnhout a été proposée dans cette enceinte, j'ai fait tous mes efforts pour combattre le projet de loi. Je l'ai combattu parce que je trouvais qu'il créait un état de choses défectueux, contraire aux intérêts des localités, onéreux donc pour le présent et plein d'embarras pour l'avenir. Sous ce premier rapport mes prévisions se trouvent complètement réalisées. Tout le monde en est parfaitement convaincu.
Aujourd'hui, quant à la question d'avenir, je croyais que le moment viendrait où nos communications actuelles avec l'Allemagne seraient devenues insuffisantes, comparées à celles que posséderait nos concurrents commerciaux, et qu'il faudrait y suppléer par une ligne nouvelle de chemin de fer allant plus directement vers le Rhin.
Je croyais qu'on voulait un jour employer à cet effet la ligne tronquée vers Herenthals, au détriment de la ligne directe.
Sous ce dernier rapport mes prévisions commencent à se réaliser aujourd'hui.
Nous sommes en, présence de plusieurs demandes de concession, les unes se dirigeant vers l'Allemagne par Hasselt, Maestricht et Cologne ; d'autres de Bruxelles vers Dusseldorf par Venloo, et peu de jours avant de nous séparer, nous avons reçu, en outre, une demande de concession de Termonde vers Contich et Anvers.
Cette dernière ligne deviendrait un affluent important à celle de Contich à Lierre.
La concession de Bruxelles à Venloo que j'indiquais tout à l'heure établirait une ligne directe vers le nord de l'Allemagne.
A peine la demande de cette concession a-t-elle été faite, que préoccupé du chemin de fer de Turnhout, la première question qu'au ministère l'on a faite aux demandeurs en concession a été celle-ci : Voudriez-vous construire deux embranchements, l'un vers Hasselt. l'autre vers Herenthals ? Pourquoi vers Herenthals ? Afin que ce malheureux chemin de fer de Turnhont puisse devenir une communication d'Anvers vers l'Allemagne, non pas une communication comme il est de l'intérêt du commerce d'en posséder une, mais seulement une communication utile à la compagnie de Turnhout.
J'étais préoccupé des embarras qui se présentent aujourd'hui lorsque j'ai combattu le projet de loi relatif au chemin de fer de Turnhout. Ce que je voulais alors, c'était une ligne directe, d'Anvers vers Turnhout, capable de devenir un jour une ligne internationale entre la Belgique et la Hollande, non sujette à interruption pendant 3 mois de l'année comme celle qu'on a créée.
Quant à la convention qui nous occupe en ce moment, je vois très bien les avantages qu'en recueillera la compagnie du chemin de fer de Turnhout, mais je n'y vois pas ceux que recueillerait l'Etat.
Tout ce qu'on m'a répondu, lorsque le projet a été soumis à la Chambre la première fois, c'est que l'exploitation d'une petite ligne est difficile et onéreuse. Le parcours de Contich à Lierre, a-t-on dit, serait toujours onéreux à l'Etat. Ce sont des embarras. Nous n'aimons pas à nous occuper de si peu de chose. Ce ne sont pas là des arguments bien sérieux. D'abord, vous pouvez étendre votre exploitation de Lierre jusqu'à Anvers et prendre avec la compagnie du chemin de fer de Turnhout des arrangements tels, que les trains aillent directement d'Anvers à Turnhout. Ainsi, l'exploitation de cette ligne, loin d'être onéreuse à l'Etat, lui deviendra, en définitive, avantageuse.
Je tiens, sous ce rapport, à ce qu'il soit satisfait aux intérêts des voyageurs et à ce qu'on aille directement d'Anvers à Turnhout et de Turnhout à Anvers. Comme la compagnie y a autant d'intérêt que l'Etat, je ne pense pas qu'elle se refuse à de tels arrangements. C'est ce qui est le plus désirable, et c'est une difficulté qu'on peut parfaitement aplanir.
J'ai été étonné d'entendre mon honorable collègue de la députation d'Anvers appuyer la convention. L'honorable M. Osy fait valoir le préjudice qu'éprouverait toujours l'Etat, en exploitant la ligne de Lierre. Il n'y a, dit-il, que de l'argent à perdre. Le gouvernement n'a pas le matériel nécessaire. L'intérêt des voyageurs exige la cession à une compagnie. J'ai déjà donné satisfaction à l'intérêt des voyageurs. S'il est vrai que l'Etat, quels que soient les arrangements qu'il puisse prendre avec une compagnie, doive toujours y perdre de l'argent, qu'on m'explique alors pourquoi la compagnie du chemin de fer de Turnhout désire qu'on lui cède cette ligne ? Comment ce qui est désavantageux à l'Etat serait-il profitable à une compagnie ? Il est vrai qu'on dit que l’Etat exploite d'une manière plus onéreuse. Mais ce sont-là des allégations qui ne sont pas prouvées.
Je ne comprends pas pourquoi l'Etat exploiterait cette ligne moins économiquement qu'une compagnie. Le matériel de l'Etat élant en stationnement à Anvers, qui est situé à une très courte distance, l'Etat est mieux que personne dans une position à exploiter d'une manière économique le parcours d'Anvers à Lierre.
Comme je ne vois pas que l'Etat ait intérêt à accepter la convention qui nous est soumise, je voterai contre.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - D'après les discours qui ont été prononcés dans cette Chambre relativement au projet en discussion, les objections ont beaucoup plus porté sur la forme de la convention et sur les détails des stipulations qu'elle contient que sur la cession de la ligne de Lierre à Contich à la compagnie qui possède la ligne de Lierre à Turnhout.
Quelques honorables membres, comme l'honorable M. Loos, ont cherché à démontrer qu'il n'y avait pas intérêt pour l'Etat à céder à d'autres cette exploitation, qu'il y avait des raisons d'économie et de convenance pour conserver l'exploitation de cette ligne. Mais je pense que les honorables membres qui ont lu les documents imprimés à la suile de l'exposé des motifs et des deux rapports de l'honorable M. Prévinaire y ont puisé la conviction qui n'a pas été détruite jusqu'à présent que le gouvernement (mon honorable prédécesseur et moi) en proposant que l'Etat se dessaisisse de cette ligne a fait une chose bonne en elle-même, bonne pour l'exploitation et pour la recette.
(page 1016) L'honorable M. Osy a rappelé les arguments principaux qui militent en faveur de cette opinion.
Je disais donc que les objections principales ont beaucoup plus porté sur les détails, et sur les conditions secondaires de la convention que sur le fond.
L'objection principale contre la convention est celle-ci : Vous aliénez à tout jamais une ligne qui dans un avenir plus ou moins éloigné peut être utile à l'Etat, puisque l'Etat aura peut-être intérêt à la continuer vers l'Allemagne. C'est vous priver d'une manière irrévocable d'une ligne qui est la clef de voûte de cette importante communication. Cette objection, sérieuse en elle-même, a frappé plusieurs membres de cette Chambre qui l'ont reproduite successivement. Le gouvernement a donc cherché à obtenir de la compagnie des conditions qui pussent satisfaire a cette objection qui avait quelque chose de fondé.
Donc dans l'intervalle laissé au gouvernement, une convention nouvelle a été négociée, a été conclue et soumise à l'examen de la section centrale. Par cette convention le gouvernement croyait avoir écarté toutes les objections, avoir éloigné tous les motifs de scrupule et il ne doutait pas de trouver dans la Chambre pour le projet de loi ainsi modifié un appui presque unanime.
Il n'en a pas été ainsi et la majorité de la section centrale a élevé, à l'occasion de cette nouvelle convention, des objections que je me propose de rencontrer.
Auparavant je dois cependant quelques mots de réponse à des interpellations qui m'ont été adressées, notamment par l'honorable M. de La Coste.
L'honorable député de Louvain, dans cette discussion comme dans la discussion précédente, croit voir dans la convention en faveur de la compagnie de Lierre à Turnhout, une espèce de monopole, une espèce d'engagement, une promesse qui entraverait tout prolongement d'un point quelconque de ce chemin de fer soit vers Diest, soit vers Hasselt ou un point quelconque de l'Allemagne ; aujourd'hui pas plus que le 21 novembre, je ne m'explique les motifs de cette crainte de l'honorable membre.
Je ne comprends pas comment la convention telle qu'elle est soumise à la Chambre, convention qui est résiliable dans toute espèce d'hypothèse, soit qu'un prolongement quelconque parte de la ligne concédée, soit qu'une ligne d'Anvers vers l'Allemagne coupe la ligne concédée, je ne comprends pas qu'une convention laissant un pareille latitude ou au gouvernement ou à la compagnie concessionnaire, puisse être un obstacle à un prolongement éventuel de la ligne vers un point quelconque de la Campine.
Je crois et je suis persuadé que l'honorable membre partagera mon opinion après une lecture attentive de l’article 21, qui règle les cas de résiliation, que cette faculté de résiliation est absolue et qu'elle n'est nullement obstative à un prolongement du chemin de fer de Contich à Lierre soit par une autre compagnie, soit par l'Etat.
Je pense qu'après une nouvelle lecture de cet article 21, l'honorable membre voudra bien reconnaître que l'interprétation que je donne est la seule vraie, la seule possible. Car les termes sont tellement généraux que je ne comprends pas qu'un doute puisse surgir à cet égard.
L'honorable M. Prévinaire insiste sur le même argument. Il croit aussi que la convention qu'il s'agit d'approuver met entre les mains de la compagnie une arme irrésistible au moyen de laquelle elle forcera la main au gouvernement et que toute concession qui ultérieurement pourrait être faite soit pour joindre Diest, soit pour joindre Hasselt, soit pour joindre Venloo, que tout chemin de fer partant d'Anvers ou d’un point quelconque de la ligne, devrait forcément appartenir à la compagnie de Lierre à Turnhout et empêcher, par conséquent, qu'une autre compagnie ne poursuive la ligne directe d'Anvers vers le Rhin.
Je répète, et je réponds à l'honorable M. Prévinaire ce que j'ai répondu à l'honorable M. de La Coste, qu'il m'est impossible de trouver dans la convention la base d'une appréhension de cette espèce. La convention approuvée, je pense que l'Etat reste maître de construire lui-même ou de concéder à toute compagnie qui lui paraîtrait présenter les garanties récessaires, un prolongement quelconque de cette ligne.
L'honorable M. Prévinaire craint que l'on ne crée en faveur de la compagnie de la Ccmpine un monopole qui nuise aux revenus de l'Etat et le prive de ses recettes. Je prie l'honorable M. Prévinaire de remarquer que, dans l'hypothèse qu'il pose, le cas de résiliation prévu au contrat se présente également et que, dans ce cas, le gouvernement reste maître et maître absolu.
La nouvelle convention, dit l'honorable M. Prévinaire dans son rapport, soulève deux objections principales : la première, c'est qu'en cas de résiliation du contrat, vous payez à la compagnie concessionnaire le prix qu'elle a payé à l'Etat pour acquérir la ligne, plus les dépenses dûment justifiées qu'elle aura dû faire pour la mettre dans une situation convenable. Aux yeux de l'honorable M. Prévinaire, cette condition esi un écart à tous les principes de saine justice et uu précédent fâcheux pour toutes les compagnies qui obtiendraient à l'avenir des cas de résiliation ou de rachat dans leurs actes de concession.
Je prie l'honorable rapporteur de remarquer que s'il y a ici un précédent, il est tout entier en faveur de l'Etat. Car qu'il veuille bien se rappeler les clauses de rachat qui se trouvent dans les conventions précédemment adoptées par le gouvernement et sanctionnées par la Chambre et il verra que toutes contiennent en cas de résiliation une prime pour les compagnies.
C'est la première fois qu'une pareille prime n'est pas stipulée. Ainsi pour le chemin de fer de Lierre à Turnhout, la compagnie, en cas de rachat, doit recevoir une prime de 15 p. c. La compagnie de Dendre-et-Waes, après la vingtième année, peut être forcée de céder la ligne à l'Etat moyennant le bénéfice moyen des sept dernières années calculé au taux le plus favorable, au denier 20 plus une prime de 20 p. c.
Ainsi si dans le cas actuel il y a une exception, ce n'est pas au détriment de l'Etat, c'est à son avantage ; et il est de stricte équité que le gouvernement qui oblige la compagnie à compléter une ligne dont la moitié des travaux ne sont pas exécutés, lui rembourse les dépenses qu'elle aura faites, dans le cas où par des motifs d'intérêt public il reprendrait la ligne.
La seconde objection est relative au parcours, déjà dans la première discussion, cette question a été touchée. Des membres de cette Chambre ont vu un grand danger à permettre que les convois d'une compagnie concessionnaire parcourent la voie de l'Etat. Mais contrairement à certaines opinions qui ont été émises, j'ai démontré par des documents que j'ai fournis à la section centrale, que cette autorisation de parcours n'était pas non plus une innovation et que c'était la continuation d'un système précédemment adopté, consacré par un grand nombre de cahiers des charges.
Et c'est par erreur que l'honorable M. Prévinaire a déclaré dans son rapport que toutes ces conventions sont résiliables. Si un certain nombre sont résiliables, d'autres ne le sont pas ; le droit de parcours ou l'obligation de parcours n'est pas résiliable au gré des parties, mais subsiste de même que la convention, pendant toute la durée de la concession. Ainsi, que l'honorable membre veuille bien examiner les contrats et il reconnaîtra que la faculté de parcours pour plusieurs lignes de chemin de fer est obligatoire pendant tout le temps de la concession.
Messieurs, je regarderais cette faculté de parcours comme un danger si elle s'appliquait à de longs trajets ; mais quand une ligne de chemin de fer vient s'embrancher sur une autre, aune petite distance d'un grand centre d'exploitation ou de consommation, elle est un bien et une nécessité. La Chambre l'a si bien compris, que dans un certain nombre de cahiers de charges qui ont été soumis à son appréciation, elle a maintenu pour les compagnies concessionnaires, l'obligation de subir tous les embranchements que, par des nécessités publiques, on pourrait concéder à d'autres compagnies, et l'obligation d'accepter sur leurs lignes le parcours des trains de ces compagnies.
Ainsi, un certain nombre de conventions disent que la compagnie concessionnaire acceptera les embranchements que le gouvernement lui imposera et permettra à sa rivale de circuler sur sa ligne à un prix déterminé. Eh bien, messieurs, ce que vous imposez aux compagnies, vous devez le trouver juste puisque vous l'imposez et dès lors vous ne devez pas trouver mauvais que l'Etat l'accepte.
L'honorable M. Frère a trouvé que la clause relative à la résiliation n'est pas satisfaisante, parce que si le parcours des locomotives n'est plus permis, le passage du matériel doit toujours avoir lieu, l'Etat s'engageant à opérer la traction. Je pense que l'honorable M. Frère s'effraye à tort de cette obligation. La plus grande servitude qu'impose le passage des convois n'est pas la circulation du matériel, c'est la circulation des locomotives.
Lorsque vous accordez purement et simplement le droit de parcours, cela entraîne une assez grande servitude, je veux bien le reconnaître, mais tous les inconvénients disparaissent lorsque, comme dans le cas actuel, l'Etat prend seulement l'engagement de transporter lui-même le matériel sous sa propre direction.
De plus, messieurs, l'honorable M. Frère croit à tort que cette clause a été imposée à l'Etat par la compagnie. Je ferai remarquer que la compagnie n'a pas eu grand mal à l'imposer et que personnellement je l'y ai aidée ; je ne considère pas cela comme une condition que j'ai subie, c'est plutôt une clause que j'ai proposée parce que je désirais autant que possible me conformer aux idées émises sur tous les bancs de cette Chambre en ce qui concerne le mouvement direct, la suppression des transbordements et de tout ce qui fait obstacle à la rapidité des transports. Je pense qu'il est satisfait à ces vues par l'arrangement d'après lequel, en cas de résiliation, l’Etat s'engage à opérer le transport, tandis que de son côlé, la compagnie s'engage à laisser son matériel rouler jusqu'à Anvers sous la direction des agents de l’Etat. Il me semble que sous ce rapport la convention remplit parfaitement les conditions indiquées par l'honorable M. Loos.
Ainsi, messieurs, le principe n'ayant pas été contesté et la convention ayant fait droit aux observations qui ont été présentées, j'espère que la Chambre voudra bien le déclarer en approuvant par son vote le projet de loi qui lui est soumis.
M. Prévinaire, rapporteur. - L'honorable ministre des travaux publics a perdu de vue une circonstance que j'aurai l'honneur de lui rappeler : au mois de novembre, la question n'était pas ce qu'elle est aujourd hui ; elle se présentait alors sans aucune relation avec des faits qui existent aujourdhui.
Nous n'avions que des hypothèses en ce qui concernait les chemins de fer à construire ultérieurement ; le rapport procédait par hypothèses, l'honorable M. de Theux procédait par hypothèses. On considérait comme une éventualité plus ou moins incertaine la construction d'une route nouvelle vers l'Allemagne.
(page 1017) Aujourd'hui la Chambre est saisie d'un projet de loi qui, comme j'ai eu l'honneur de le dire, doit avoir pour conséquence de mettre aux mains de la compagnie de Turnhout un nouveau chemin de fer vers l'Allemagne, plus court que celui de l'Etat, et ayant son organe au même point que celui de l'Etat à Anvers, tout cela grâce au système proposé par M. le ministre. Je demande si c'est la sauvegarder les intérêts de l'Etat. Sur ce point on n'a pas répondu d'une manière satisfaisante.
M. Coomans. - La résiliation.
M. Prévinaire. - Il y a résiliation et pas résiliation. Je vais citer un article qu'il est bon de lire, car il me semble que d'honorables membres qui ont devant eux les documents pourraient bien ne pas les avoir lus.
« Art. 13. Les stipulations relatives au droit de parcours entre Contich et Lierre pourront être dénoncées par chacune des parties en prévenant six mois à l'avance. » Voilà la résiliation ; voyons maintenant comment elle a lieu : « Le cas échéant il est dès à présent convenu que l’Etat devra faire remorquer constamment et avec célérité entre la station de Contich et celle d'Anvers et l’entrepôt et réciproquement les convois venant de la ligne de Turnhout à Contich ou en destination de cette ligne, de manière à éviter tout transbordement à Contich et à assurer la marche régulière et continue des convois d'Anvers ou vers Anvers, comme si la compagnie les transportait elle-même en exécution du droit de parcours ci-dessus stipulé. »
Eh bien, messieurs, y a-t-il là quelque chose de modifié dans la position de la compagnie ? Cette position sera-elle modifiée parce qu'on aura attelé des locomotives de l'Etat aux convois de la compagnie ? N'y aura-t-il pas toujours convoi direct entre Cologne et Anvers, en concurrence avec la ligne de l'Etat ?
Maintenant vient une deuxième question :
L'article 21 porte :
« La présente convention pourra être résiliée par le gouvernement dans le cas où il concéderait ou construirait un chemin de fer qui emprunterait en tout ou en partie la ligne de Contich à Turnhout, et par la compagnie (ce que M-, le ministre a perdu un peu de vue), et par la compagnie, dans le cas où le gouvernement concéderait ou construirait un chemin de fer partant d'Anvers ou d'un point quelconque de la ligne d'Anvers vers Malines, et aboutissant à un point de la ligne de Contich à Turnhout ; dans l'un ou l'autre cas, l'Etat rembourserait à la compagnie 1° la somme stipulée par la présente convention pour prix de la ligne de Contich à Lierre ; 2° les frais d'achèvement, etc.
Voilà donc le droit réciproque de résiliation avec des clauses bien précises et pour des cas bien déterminés.
Eh bien, je demande si c'est là la liberté d'action que le gouvernement s'est réservée par toutes les conventions dont vous avez le texte à la suite du rapport.
L'argumentation de M. le ministre consiste à dire : Le gouvernement a le droit de résilier la convention sans payer une plus-value à la compagnie ; cela est vrai, messieurs, pour des cas déterminés, pour des cas bien précisés, mais M. le ministre oublie une chose, c'est que la compagnie a le droit d'obliger l'Etat à reprendre la ligne le jour où il ne lui conviendrait plus de la conserver. Ainsi, messieurs, quand la ligne de Contich à Lierre ne vaudra plus rien, vous serez obligés de la reprendre.
La nouvelle commission sera une entrave à ce que vous concédiez un chemin de fer utile et nécessaire à l'avenir d'Anvers.
On a parlé beaucoup du droit de parcours. Le droit de parcours n'est pas inscrit dans des conventions ; c'est le droit de passage qui est introduit obligatoirement, non comme un avantage, mais comme une charge.
Est-ce que le droit de passage introduit dans certaines conventions donnerait à des concessionnaires qui viendraient aboutir à Charleroi le droit d'exploiter la station de Charleroi ? Feriez-vous à cette compagnie-là, la position que l'on veut faire à celle de Turnhout ? Evidemment non.
Je répète donc que la section centrale, en se prononçant contre le projet de loi par 5 voix et une abstention, a eu des motifs sérieux et légitimes d'opposition à la loi.
M. Malou. - Messieurs, lors de la première discussion, des objections s'étaient élevées contre le projet du gouvernement. L'ajournement a été prononcé, pour que le gouvernement eût le temps de faire droit à ces objections. On y a fait droit d'une manière complète, j'espère le démontrer tout à l'heure, et maintenant qu'on a accordé ce que l'opposition réclamait, on élève de nouvelles fins de non-recevoir contre le projet. M. le ministre des travaux publics doit être étonné, comme je le suis, de voir qu'ayant exécuté complètement le programme de ces messieurs, il trouve aujourd'hui de nouvelles objections.
En effet, quelle est l'objection qu'on a produite primitivement contre le projet de loi ? C'est qu'on inféodait le chemin de fer de l'Etat, c'est qu'on aliénait une partie du chemin de fer de l'Etat, c'est qu'on se liait par un contrat perpétuel, c'est qu'on abandonnait l'éventualité d'une grande communication vers l'Allemagne. Ainsi, à entendre l'honorable rapporteur de la section centrale, ce petit bout de chemin de fer de Contich à Lierre va exercer une influence immense sur toutes les relations ; il paraît même qu'il y a des rapports secrets entre Folkstone, Boulogne, Dusseldorf et le petit tronçon de Contich à Lierre. On a beau vouloir grossir cette affaire ; elle ne peut acquérir, quel que soit d'ailleurs le talent de l'honorable rapporteur, l'importance qu'il veut bien lui assigner.
Il s'agit de savoir si, dans les termes tels qu'ils sont stipulés maintenant, l'intérêt de l'Etat est de donner à la ligne de Lierre à Turnhout le droit de continuer jusqu’à Contich et à Anvers moyennant redevances. Voilà la question tout entière, ce que l'Etat y gagne et ce que l'Etat peut y perdre.
Je comprends la première objection ; il faut que dans des cas donnés il y ait faculté dé résiliation d’un semblable arrangement.
Mais il faut aussi que toutes les conventions reposen sur un principe de justice ; il faut que chaque partie y trouve son avantage. Or, à entendre l'honorable rapporteur de la section centrale, l'Etat devrait faire avec la compagnie une concession qui ne serait avntageuse qu'à lui Etat.
Ainsi, l’honorable membre n'admet pas que lorsque, par son fait, l'Etat aurait stérilisé, annulé, en ce qui concerne la compagnie, les avantages de l'arrangement, la compagnie puisse résilier.
C'est la critique qu'il vient de faire de la clause réciproque de résiliation. L'Etat demandait à la compagnie d'admettre la résiliation, lorsqu'il la croirait de son intérêt ; la compagnie a répondu : « Je le veux bien ; mais admettez en retour que si, par votre fait, l'arrangement me devenait désavantageux, je pourrais également résilier. »
L'honorable rapporteur a parlé des hommes d'expérience ; eh bien, je crois que si des arrangements du genre de ceux qu'il préconise se présentaient dans les affaires auxquelles il participe, il ne consentirait pas à les conclure.
Il est évident que la clause de rachat, telle qu'elle est formulée, garantir les droits et les intérêts d'une manière équitable des deux côtés. J'insiste sur ce point qui a déjà été signalé par M. le ministre des travaux publics, que les clauses de rachat qui existent dans les contrats antérieurs supposent toutes que le gouvernement aura à payer une prime considérable. Et en effet le rachat est la dépossession d'un droit qu'on a accordé.
Et ici, au contraire, de quoi s'agit-il ? On veut que la compagnie fasse un arrangement sur cette base-ci : qu'elle doit dépenser plus d'un demi-million et que si, le lendemain, par le fait même du gouvernement, la ligne concédée perd toute son utilité pour la compagnie et qu'elle y renonce, on ne lui remboursera pas le demi-million. Il n'est pas possible à des hommes de bon sens de songer à traiter sur ces bases-là ; si l'on veut traiter sérieusement, qu'on adopte des bases équitables.
Voyons l'autre objection ; elle est tirée du deuxième paragraphe de l'article 13. Que veut-on ? On ne veut pas que le gouvernement fasse remorquer les convois arrivant à Contich ; on veut qu'il y ait un transbordement à Contich. Mais cela n'est pas admissible ; c'est une idée barbare, une idée moyen âge. Ce qui est écrit dans l'article 13 se fait partout, sans aucune exception.
Je dis qu'en réalité, quand on examine cette combinaison dans son ensemble, ou acquiert la certitude que le gouvernement a fait droit aux objections sérieuses dans la première discussion et que celles qui sont produites aujourd'hui, n'ont pas ce caractère.
M. Loos. - Messieurs, on semble dire que dans la discussion, il ne s'est présenté qu'une seule objection : c'est l'absence d'une clause résolutoire dans la convention.
Or, j'ai prétendu et je prétends encore qu'il n'y a pour l'Etat aucune nécessité, aucune utilité même de concéder la ligne de Contich à Lierre.
M. le ministre des travaux publics ne m'a pas répondu sur ce point. J'attaque donc la convention dans sa base : le pays n'a absolument aucun intérêt à faire cette concession ; il y a peut-être l'intérêt d'une compagnie, mais je ne crois pas que nous soyons ici pour défendre les intérêts d'une compagnie.
La concession de la ligne de Contich à Lierre, avec la faculté de parcours sur la ligne de l'Etat pour arriver dans la station d'Anvers et posséder une position à cette tête de pont productive est une chose inouïe. L'honorable M. Malou, pas plus que l'honorable ministre des travaux publics, ne pourra prouver qu'une concession semblable a déjà été accordée soit chez nous, soit en Angleterre, soit en France.
Si je combats avec vivacité ce projet, c'est que j'y vois une entrave continuelle au perfectionnement des relations directes entre Anvers et l'Allemagne ; un préjudice permanent imposé au commerce, au seul profit d'une compagnie dont on veut améliorer les affaires.
Il faudra se résoudre à passer toujours par Contich et Lierre pour se rendre en Allemagne.
Le gouvernement, dit-on, peut résilier la convention. Mais le fera-t-il après les témoignages de bienveillance qu'il donne à la compagnie de Turnhout ? On dit encore : Vous garantissez un intérêt de 4 p. c., laissez gagner de l'argent à la compagnie, vous ne serez pas obligés de lui payer les intérêts. Vous apprécierez, messieurs, l'économie de ce système.
Quant à moi, je persiste à dire que non seulement l'Etat n'a aucun intérêt à la cession du chemin de Contich à Lierre, mais que tous les intérêts du pays s'opposent à cette cession.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.