(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 863) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est approuvée.
M. Ansiau communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Nylen prient la Chambre de s'occuper de la demande de la société du chemin de fer de la Campine relative au parcours direct jusqu'à Anvers. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Lierre à Contich.
« La chambre de commerce et des fabriques de Verviers prie la Chambre d'adopter la proposition de la section centrale relative à la sortie du minerai de fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les exploitants, négociants et industriels du bassin de Charleroi prient la Chambre d'accorder à la compagnie Lebeau la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi, par Waterloo, Genappe, Gosselies, Jumet, Dampremy, Rensart, Gilly et Montigny-sur-Sambre, avec divers embranchements industriels. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« Plusieurs habitants de Tubize prient la Chambre d'accorder aux sieurs Waring et Tarte la concession des chemins de fer de Luttre à Denderleeuw et de Braine-le-Comte vers Enghien. »
- Même renvoi.
« Des maîtres de carrières, commerçants, cultivateurs et propriétaires à Quenast demande la construction des chemins de fer dont la concession a été autorisée par la loi du 20 juin 1853. »
« Même demande d'industriels, commerçants, cultivateurs et propriétaires de Rebccq. »
- Même renvoi.
« Le sieur Grégoire, capitaine pensionné, combattant de 1830, demande la croix de Fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Quaedmechelen demandent que les habitants de cette commune soient exempts des logements militaires. »
- Même renvoi.
« La dame Lecoq prie la Chambre de lui faire obtenir une indemnité pour perte de bétail. »
- Même renvoi.
« Un habitant de Bruxelles demande que le cumul soit interdit entre les fonctions de notaire, de secrétaire communal ou de greffier de justice, de paix et celles de membre du bureau de bienfaisance ou de la commission des hospices. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les établissements de bienfaisance.
« Le sieur Charles Abrassart, soldat au 8ème régiment de ligne, né à Charleroi, demande de recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger et prie la Chambre de l'exempter du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la gra ndc naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
M. Maertens. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi apportant des modifications à la loi du 15 germinal an VI.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Orts. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner les amendements déposés dans la discussion, au projet de loi sur les extraditions.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre en fixe la discussion à mardi.
Prompt rapport de pétitions
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Courtrai le 13 février 1856, le conseil communal de Courtrai prie la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, par Enghien, Acren, St-Martin et Renaix.
Un grand nombre de pétitions semblables ont été analysées et renvoyées directement à la section centrale chargée d'examiner différents projets de chemin de fer ; votre commission vous propose de renvoyer également à cette section centrale la pétition dont j'ai l'honneur de vous entretenir.
- Ce renvoi est ordonné.
M. le président. - La section centrale propose d'allouer le crédit, à la condition expresse qu'à l'avenir le gouvernement se renferme dans les strictes limites de la loi qui règle le mode de distribution de secours et de ne dépasser en aucun cas les ressources ordinaires que les dispositions réglementaires du fonds de non-valeurs mettent annuellement à sa disposition.
M. Julliot. - Messieurs, le gouvernement nous demande un crédit supplémentaire de 315 mille fr. au budget des non-valeurs.
La section centrale, à l'unanimité, a émis un vote important à l'égard de ce projet de loi, à savoir : Qu'à l'avenir le gouvernement doit restreindre l'emploi du fond de nou-valeurs à la destination qui lui a été primitivement donnée par la loi.
Le décret du 11 mai 1808 a créé le fond de non-valeurs.
Un arrêté du roi des Pays-Bas en date du 29 décembre 1816 a modifié la nature de ce fonds et en a réglé l'emploi.
On pourrait se demander si les actes du pouvoir exécutif organiques d'un fonds spécial ne reposant sur aucune loi antérieure sont en harmonie avec la Constitution, et pour ma part je trouve que c'est une question à pouvoir être soulevée.
Du reste, nous examinerons ce point dans l'examen du budget des voies et moyens.
Mais je désire avoir l'opinion du gouvernement sur la décision de la section centrale.
La section centrale décide que le montant du chiffre du fonds de nou-valeurs ne peut être dépassé en subsides ; elle soutient que quand la recette de ce chef est épuisée il ne peut y avoir lieu à la demande de crédits supplémentaires, parce que les crédits supplémentaires ne sont ni dans la lettre ni dans l'esprit des arrêtés qui créent le fonds de non-valeurs.
Le gouvernemeut qu'en pense-t-il ? Est-il d'accord avec la section centrale, oui ou non ?
Je désire que le gouvernement s'explique, car si l'on est d'accord, ce sera le dernier crédit supplémentaire qui sera présenté de ce chef, et on rentrera dans la stricte légalité quant à l'application de ce fonds.
Il y a plus, en 1808, lors de la création de ce fonds, chacun était livré sans défense aux hasards des sinistres, il n'y avait aucun établissement de prévoyance ; aujourd'hui, au contraire, le pays est couvert de compagnies d'assurances contre l'incendie, la grêle, l'épizootie et autres sinistres.
Ces compagnies sont accessibles aux petits comme aux grands, et quiconque ne veut pas se constituer son propre assureur à ses risques et périls, a recours à ces compagnies.
Or, les subsides sur le fonds de non-valeurs sont refusés à tous ceux qui sont assurés, et ne sont donnés qu'à ceux qui ne le sont pas, c'est-à-dire que chaque subside donné est une prime à l'incurie et à l'imprévoyance.
Le petit particulier qui s'impose des privations pour réunir la rente à payer pour assurer sa chaumière, son champ et son bétail, ne reçoit rien. Mais celui qui pratique l'incurie et l'insouciance, qui dépense son pécule au cabaret, boit, joue et fume une grosse pipe en se fiant à la Providence, voilà le Benjamin de votre loi ; pour lui le coffre est ouvert et il reçoit le prix Montyon.
Messieurs, le gouvernement lance des circulaires pour exciter à la prévoyance ; il crée des caisses d'épargne et de retraite. Ce sont autant de primes accordées à la prévoyance, et d'autre part il maintient des primes à l'imprévoyance ; ne vous semble-t-il pas qu'il est utile de cesser un de ces encouragements, afin que l'un ne détruise pas les effets de l'autre ? Mettons-nous d'accord sur la question de savoir s'il faut primer la prévoyance ou l'imprévoyance et, une fois ce point décidé, élaguons celui qui convient le moins.
Je me déclare partisan de la prévoyance, et, à ce titre, je désire savoir si le gouvernement reconnaît qu'il est utile de refuser ses sympathies en faveur des imprévoyants.
On me parlera peut-être des inondations, mais que va-l-on donner aux inondés ? 51 francs par tête, et cela dix mois après qu'ils ont essuyé le sinistre.
D'ailleurs les grandes sécheresses qui souvent ravagent ces contrées mal exposées, s'en occupe-t-on ? Non ; et cela par une simple raison, c'est qu'on ne saurait comment s'y prendre. Quand, par les fonds de l'Etat, on veut réparer les pertes causées par les éléments naturels, la réparation ne peut être autre qu'illusoire et elle est trop souvent injuste. Je voterai ce crédit si c'est le dernier.
(page 864) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, le gouvernement actuel a exécuté la loi comme l'ont fait tous ses prédécesseurs. Le produit des 2 p. c. ne donne pour fonds de non-valeurs à distribuer aux victimes des ouragans et dès désastres, que 106,000 fr., nousavons pour 1855 au-delà de 400,000 fr. à payer. Les années précédentes, années également calamiteuses, le chiffre du produit des 2 p. c. a aussi été considérablement dépassé. Ce n'est point par parti pris, de gaieté de cœur que le gouvernement dépasse ce chiffre.
Des faits imprévus se sont produits et le gouvernement a cru devoir en tenir compte, parce qu'ils rentrent dans la catégorie des faits dont on a voulu atténuer la portée pour ceux qui en étaient victimes.
Messieurs, c'est une noble pensée de venir, au nom de la société, au secours de quelques malheureux, mais non de quelques imprévoyants, comme le disait l'honorable préopinant, soudainement atteints dans leur fortune par de soudains et irréparables désastres. C'est une pensée hautement morale que de dire à la nation entière : Venez momentanément au secours de ces malheureux ; tâchez de les relever. Le sacrifice est peu considérable pour la nation ; consacrez le produit de ce sacrifice à consoler les infortunes, à relever peut-être des familles frappées par ces désastres. C'est une pensée de solidarité que, pour ma part, j'approuve hautement et qu'il me serait pénible de ne pouvoir appliquer comme ministre.
J'avoue que la réalisation de cette pensée peut amener quelques inconvénients. Cependant la distribution de ces secours se fait avec toutes les garanties désirables contre les abus.
Le gouvernement a pour sa direction l'arrêté de 1847. Cet arrêté dit qu'on ne peut, dans cette intervention de l'Etat, dépasser la dixième partie des pertes, hors certains cas tout à fait exceptionnels dont les gouverneurs de province restent pour ainsi dire juges parce qu'ils connaissent mieux les localités et où l'on peut aller jusqu'au cinquième de la perte. Mais il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles. On ne dépasse pour ainsi dire jamais le dixième.
Il y a cependant un point qui produit matière à controverse ; c'est que l'arrêté de 1847 parle de « détresse comparative ». Il ne faut pas une détresse absolue, il ne faut pas que les désastres dont il s'agit de réparer les effets, frappent d'une détresse absolue les citoyens belges pour qu'ils aient droit à l'intervention de l'Etat. Il suffit que la perte ait occasionné à ces citoyens une détresse « comparativement à leur position antérieure ». Tous les arrêtés relatifs à cette matière ont consacré cette même disposition.
On a toujours reconnu qu'on ne pouvait être rigoureux au point de vouloir que la personne à secourir soit réduite à une détresse absolue, soit réduite à la mendicité. Il y a des personnes qui sont tellement frappées par ces désastres que ceux qui en sont atteints ont besoin d'être soulagés par l'Etat.
C'est par des restrictions apportées à l'interprétation de ces mots « détresse relative » qu'on pourrait peut-être réduire quelque peu les secours à distribuer. J'ai donné des ordres pour que la portée de ces expressions ne fût pas étendue outre mesure, et c'est, je crois, tout ce qu'il m'était possible de faire en présence des termes de l'arrêté, puisque celui-ci ne réclame pas une détresse absolue, mais une détresse comparativement à la position antérieure des citoyens.
Messieurs, il faut que je sois bien convaincu de la haute moralité de cette intervention de l'Etat en faveur de quelques malheureux, pour que je passe sur certains vics qui sont inhérents au mode de distribution et sur lesquels je ne me fais aucune illusion. Ainsi eu général, et une section s'en est plainte, les sommes distribuées sont tellement éparpillées que le secours accordé n’arrive à chaque individu qu'à une dose pour ainsi dire infinitésimale, de manière que ces sommes par elles-mêmes servent rarement à relever les personnes atteintes par l'un ou l'autre désastre.
Ensuite il est impossible de mettre toute la célérité désirable dans l'instruction de ces sortes d'affaires. Les gouverneurs ne font rapport que tous les trois mois, d'après l'arrête de 1847, et souvent il y a des réclamations ultérieures, qu'il est bien difficile de ne pas accueillir, souvent on ne vient en aide aux victimes de ces désastres que six mois, neuf mois ou un an après qu'elles ont été atteintes. C'est un très grave inconvénient. Car la première condition requise pour que ces secours soient efficaces, c'est qu'ils soient appliqués immédiatement.
D'autres vices encore sont inhérents à ce mode de distribution de secours : c’est qu’il y a, à chaque instant, des réclamations de la part de certaines personnes qui ne sont pas comprises dans les états faits par les autorités locales. Je ne veux certainement pas dire que ces accusations sont fondées ; mais on se plaint parfois des autorités qui, dit-on, n'apportent pas dans la présentation des demandes de secours en faveur de tel ou tel citoyen victime du fléau, la plus rigoureuse justice distributive par suite des influences politiques qui s'exercent dans nos campagnes, par suite de la dépendance électorale des autorités mêmes, on est parfois tenté de leur supposer soit des préférences pour les uns, soit des dispositions peu équitables envers d’autres personnes qui ont plus ou moins droit à un secours.
Ainsi donc en pratique la distribution du fonds dont il s'agit donne lieu à des inconvénients, je l'avoue. Mais je pense que le but que nous voulons atteindre, que la pensée qui a dirigé le législateur lorsqu'il a autorisé le gouvernement à faire ces distributions de secours, sont tellement honorables pour une nation, que je ne me sentirais pas le courage de consentir à ce que le gouvernement fût rigoureusement astreint à ne pouvoir distribuer, quels que fussent les fléaux qui vinssent nous accabler, que la somme résultant des 2 p. c.
M. Julliot. - J'ai dit et je répète que la loi qui a créé le fonds de non-valeurs a porté ce fonds à 2 p. c. et a déclaré qu'on ne pourrait aller au-delà pour indemniser qui que ce fût. L'honorable ministre de l'intérieur s'appuie principalement sur l'arrêté de 1847. Mais cet arrêté ne peut créer un droit à l'assistance sous quelque forme que ce soit, alors que la loi ne consacre pas le principe. Or, la loi, qui est notre véritable point de départ, loin de reconnaître le droit à l'assistance, dit que le fonds de 2 p. c. a une destination spéciale et exclusive, et que ce fonds une fois absorbé, toutes les instructions relatives à ces affaires viendront à tomber.
L'honorable ministre a dit aussi que c'était une belle pensée, que c'était une pensée de bienfaisance qui dictait ces distributions de secours.
Je l'avoue, mais je dois répéter que dans les incendies, dans les épizooties, ce sont les gens imprévoyants qui reçoivent et que les personnes prévoyantes ne reçoivent rien. Ainsi, dans la commune que j'administre depuis peu de temps et que je n'administrais pas encore à cette époque, j'ai vu un fermier qui possédait 3 chevaux et 4 ou 5 hectares de terre, recevoir une indemnité à la suite d'un incendie.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est un abus.
M. Julliot. - Je demande si le gouvernement doit avoir plus de sympathie pour un homme qui ne veut pas s'assurer que pour celui qui s'assure. Cependant celui qui s'assure n'obtient rien, et celui qui ne s'assure pas reçoit des secours.
Je crois, messieurs, que nous ne sommes pas dans une bonne voie quand nous nous adressons à l'impôt pour faire de la bienfaisance. Un homme a perdu 1,500, 2,000, 3,000 francs, nous donnons en moyenne 31 fr., et nous appelons cela un acte de bienfaisance.
Aujourd'hui on nous demande 315,000 fr. ; je ne sais trop sur quoi cela se base ; est-ce parce qu'on ne peut pas dépasser un dixième ? Mais si demain nous avons un ministère plus philanthrope, on arrivera peut-être au quart. Je ne sais pas où l'on s'arrêtera. Et toutes ces sommes seront distribuées très mal, comme M. le ministre lui-même le reconnaît.
Je dis, messieurs, que si l'on ne veut pas renoncer à demander des crédits supplémentaires, je voterai contre ces crédits.
M. Vander Donckt. - Messieurs, je ne puis pas adopter complètement les idées de l'honorable préopinaut. Il dit que ce fonds constitue en quelque sorte une indemnité accordée à l'insouciance, à l'imprévoyance ; nous devons bien, messieurs, faire la part de la justice : l'impôt foncier et la contribution personnelle sont basés sur le revenu ; or, il est certain que souvent à la suite de grandes catastrophes, ouragans, grêle, inondations, il y a perte complète du revenu ; la remise de l'impôt foncier pour l'année dans laquelle le désastre ae u lieu, est donc une chose très rationnelle et juste, cela est tellement évident que pour les propriétés bâties qui ont été inhabitées pendant toute une année la remise de la contribution est de droit et immédiatement accordée par le gouvernement.
Maintenant, messieurs, je n'admets pas trop ces crédits supplémentaires, qui pourraient aller trop loin. Comme je l'ai fait voir et comme la section centrale l'a reconnu, il y a eu, antérieurement à l'arrivée au pouvoir du ministère actuel, des cas où l'on dépassait le cinquième. J'ignore si le désastre était tel, si les malheurs étaient si nombreux qu'il ait fallu aller aussi loin, mais en somme le montant des indemnités dépassait le cinquième de la perte, comme je l'ai clairement fait voir dans le rapport de la section centrale. Cela a eu lieu, non pas pour les deux dernières répartitions, mais en 1850 et en 1851 et 1852, où les indemnités ont excédé le cinquième de la constation des pertes.
J'attendrai la suite de la discussion pour présenter, s'il y a lieu, de nouvelles observations.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close. On passe aux articles.
« Art. 1er. Un crédit de trois cent quinze mille francs (fr. 315,000) est mis à la disposition du département de l'intérieur, pour suppléer à l'insuffisance du fonds de non-valeurs de l'exercice 1855. »
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé, lors de l'examen du projet de loi en section centrale, d'augmenter le crédit de 24,000 francs : ce qui porterait le chiffre à fr. 329,000. La section centrale adopte l'augmentation.
- L'article premier, au chiffre de 329,000 francs, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera ajouté à l'article premier du budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1855, et sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
(page 865) On procède à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
66 membres sont présents :
65 membres répondent oui.
1 membre (M. Julliot) répond non.
En conséquence, la Chambre adopté. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom. Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Visart, Wasseige, Allard. Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Lalour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, Dubus, Dumortier, Faignart, Jacques, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Mathieu, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Prévinaire et de Naeyer.
M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet de loi, sans autre changement que la substitution de 13 fr. à 10 fr., dans le n°2° de l'article 3.
Il s'agit de la décharge de l'accise pour l'exportation par mer des sirops de raffinage.
M. le ministre des finances se rallie-t-il à cet amendement ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Non, M. le président.
M. le président. - En conséquence, la discussion s'établit sur le projet du gouvernement. La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Osy.
M. Osy. - Messieurs, le projet de loi, présenté par le gouvernement est une véritable transaction dans l'intérêt du trésor, du commerce, ainsi que de l'industrie de la betterave et de la canne.
Tout en assurant la part du trésor, je crois que le gouvernement va un peu vite en augmentant d'un million l'accise sur le sucre. Quand la loi qui nous régit a été présentée en 1849, l'honorable M. Delfosse avait proposé de fixer le produit du droit d'accise à la somme de 3 millions.
Depuis 1849, depuis sept ans l'industrie a fait des progrès, la consommation a augmenté ; la preuve en est que dans le courant de 1855, le revenu du sucre pour le trésor a été de 3,900,000 fr. ; je crois que si le gouvernement s'était borné à demander pour le présent 4 millions et dans quelques années le complément de ce qu'il demande aujourd'hui on n'aurait pas été si effrayé, le commerce n'aurait pas craint de souffrir en payant la somme qu'on lui demande.
Cependant, considérant le projet de loi comme une transaction entre le trésor, le commerce et l'industrie, je crois que nous pouvons faire l'essai et voir si nous pouvons payer cette somme.
Il y a dans la loi présentée par le gouvernement une amélioration. D'après la loi de 1849, il y avait une prise en charge, et à la fin du semestre la somme demandée par le gouvernement devait être assurée ; si cette somme n'était pas versée, le gouvernement augmentait le rendement.
C'est ainsi que le rendement a été porté de 70 à 81. Il serait impossible d'aller au-delà si on veut conserver l'exportation des sucres, car nous avons à soutenir la concurrence avec la Hollande et avec la France. Or, je trouve que par sa proposition le gouvernement peut être assuré de sa recette sans devoir augmenter le rendement, comme il le faisait autrefois, quand la prise en charge du semestre ne lui assurait pas la somme fixée par la loi.
Par le produit du trimestre, il est certain d'avoir ce qu'il demande et l'industrie est certaine de ne pas éprouver de perturbation par l'augmentation du rendement. C'est une grande compensation que le gouvernement a accordée pour assurer sa recette.
Je donnerai donc mon adhésion à la loi. Je regrette que M. le ministre ne se rallie pas au petit amendement que propose la section centrale, c'est une décharge un peu plus élevée pour les sirops, si on peut continuer à travailler et maintenir le mouvement commercial de ces dernières années qui n'a pas été de moins de 50 millions, il y aura trop de sirops pour la consommation, il faudrait avoir le moyen d'en exporter.
Ce que demande la section centrale n'entraîne pas une perte pour le le trésor, car il est certain d'avoir les 4,500,000 francs qu'il demande ; c'est une répartition à faire entre tous les industriels. La décharge pour le sirop, d'après la loi en vigueur, est de 15 francs pour le sirop de canne et de 13 francs pour celui de betterave. Le gouvernement propose d'établir une décharge uniforme de 10 francs pour l'une et l'autre production.
Je crois que si le gouvernement avait voulu fixer la décharge à 13 francs il n'y aurait eu aucun inconvénient pour la consommation, mais vous faciliteriez l'exportation des sirops qui excèdent les besoins de la consommation. Comme le gouvernement ne peut en éprouver aucune perte j'espère que M. le ministre se ralliera à ce petit amendement.
Le gouvernement a admis un tempérament en faveur de petits industriels ; il a augmenté la décharge ; ce n'est pas le gouvernement qui en fait les frais, ce sont les grands industriels qui supportent les frais de la faveur faite aux petits. J'aurais désiré que le gouvernement se ralliât à l'amendement de la section centrale en ce qui concerne les sirops, car je le répète, la somme à payer de ce chef devra être répartie sur tout le monde.
Je donnerai donc mon adhésion à la loi en exprimant l'espoir que, quand nous en serons à cet amendement, le gouvernement s'y ralliera.
Dans ma section il y avait eu des observations sur la prise en charge du sucre de betterave, mais on a fait observer qu'il fallait renvoyer les débats sur ce point à la discussion du projet de loi relatif au régime de surveillance dans les fabriques de sucre de betterave ; je suis tombé d'accord sur ce point ; poui ne pas compliquer la discussion, je ne reviendrai pas en ce moment sur ce point, je réserve toutes les observations que j'ai à faire à cet égard, pour la discussion du régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave.
M. Sinave. - La section centrale, dans son rapport, a cité pour point de départ les lois d'accise sur les sucres des 21 mai 1819 et 1822. Elle fait l'analyse de la législation en cette matière jusques y compris la loi de 1849. Cependant elle ne fait pas remarquer qu'il existe deux époques très distinctes qui ont exercé une grande influence, la première de 1819 à 1830, alors le caractère de la loi n'avait pas un but unique, fiscal, la ressource financière était presque nulle. On avait essentiellement en vue d'atteindre un résultat de la plus haute importance pour l'avenir du pays. Sous l'administration tout à la fois énergique et intelligente du gouverneur général des Indes néerlandaises (père de notre honorable collègue le comte du Bus), c'est à ses constants efforts qu'on doit ce développement extraordinaire de la culture de la canne à sucre et autres produits à Java ; les colonies produisaient à cette époque au-delà de 200 millions, plus de dix fois la consommation du pays.
La bonne qualité du sucre, comparée à ce qu'elle avait été précédemment, était à peine connue en Europe. L'importation dans la mère-patrie se faisait très activement par 400 à 500 navires de 500 à 1,000 tonneaux ; il fallait recourir à un moyen provisoire mais prompt et efficace, capable de provoquer une exportation immédiate, on a eu recours à celui de créer une prime à l'exportation sans peser directement sur les ressources existantes du trésor, et le but a été atteint. Mais ce qui était bon et utile avant 1831, par suite des événements de cette époque, devenait désastreux à la Belgique sans colonies, on ne conçoit pas comment il se fait qu'on n'ait pas trouvé un homme d'Etat pour constater que les positions respectives des deux pays n'étaient plus les mêmes.
En effet, de ce moment il ne fallait à la Belgique qu'une loi uniquement fiscale. Si l'on ne comprend pas que le gouvernement s'est borné à conserver jusqu'à présent ce malheureux système, à plus forte raison on conçoit encore moins comment un ministre qui en 1849, comme représentant, a combattu ce système avec beaucoup de talent, vienne lui-même nous proposer, contrairement à ses convictions, un projet de loi basé exactement sur le même système. Cependant, il lui était facile d'en finir avec ce système, il ne fallait aucune étude spéciale, il suffisait d'adopter le système anglais, c'est-à-dire le raffinage en entrepôt ; il est bon de faire remarquer que les colonies anglaises produisent une quantité énorme de sucre. Elle a repoussé tous les autres systèmes, aussi c'est le seul qui peut faire entrer au trésor les droits établis par la loi.
D'ailleurs quand on est résolu de supprimer toutes les primes, même celles qui sont utiles, pourquoi veut-on à toute force conserver la plus mauvaise de toutes, cette prime monstre en faveur d'une fabrication qui n'a aucun caractère national, que nous n'avons aucun intérêt à favoriser, qui n'a d'autre résultat que de livrer aux consommateurs étrangers le sucre à plus bas prix qu’aux consommateurs belges et aux dépens des contribuables qui payent la prime. Cette prime ne sert pas, comme on pourrait le croire, a faire connaître notre industrie aux consommateurs étrangers et à établir des nouveaux débouchés. Pour vous convaincre de ce que j'avance, il suffira de vous expliquer le raffinage tel qu'il existe en Belgique pour le sucre destiné à l'exportation.
Voici l'opération, on commence par transformer en pains la cassonade ou sucre brut, on en fait le dépôt dans l'entrepôt de sucre qu'on destine à l'exportation.
Ensuite, avec l'autorisation du fisc, on brise avec une machine les pains en poudre, c'est-à-dire en sucre brut, et l'exportation se fait sous la forme de matière première.
Le sucre en pains ainsi pulvérisé se trouve à peu près comme avant le raffinage, pour lequel cependant cette prime énorme est accordée.
Voyons maintenant l'usage qu'on fait de cette prime, elle doit servir les intérêts aux capitaux engagés, à payer le fret et les frais à des navires étrangers pour faire arriver des colonies le sucre en Belgique, le fret pour expédier le sucre à l'étranger, les assurances, etc. Car, remarquez-le bien, les étrangers qui ont leurs propres colonies, peuvent livrer leurs sucres à p.us bas prix que nous, et cependant nous vendons aux marchés de consommation à l'étranger le sucre à plus bas prix que les producteurs des colonies ; tout cela se fait aux dépens des contribuables belges. Le raffinage en Belgique n’est pas supérieur à celui des autres pays.
On dira peut-être : Mais pourquoi n'exporte-t-on pas tout le sucre en pains ? C'est qu'à quelques exceptions près on protège partout le travail national. Ainsi de quelque manière qu'on envisage la question, on (page 866) est convaincu qu'une pareille fabrication en Belgique, sans colonies, n'a aucun avenir et le jour qu'on supprimera la prime, il ne restera aucun vestige de tous les sacrifices imposés aux contribuables. Je me trompe, il nous restera le souvenir d'un grand mécompte.
J'engage M. le ministre à fixer lui-même dans le projet de loi un délai fatal pour forcer le raffinage en entrepôt.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je ferai remarquer à l'honorable M. Sinave que lorsque j'ai fait ma [proposition de n'accorder la décharge du droit d'accise que moyennant l'exportation de tous les produits du raffinage du sucre brut, nous nous trouvions en présence d'une législation qui était très préjudiciable au trésor. Une forte majorité, 54 voix contre 39, s'est d'ailleurs prononcée contre ce système.
D'un autre côté, depuis cette époque le commerce de sucre a pris de grands développements dans notre pays, et les intérêts qui y sont engagés sont devenus beaucoup plus considérables.
Il y a à considérer encore que l'Angleterre qui avait adopté la mesure du raffinage en entrepôt, l'a abandonnée après quelques années d'expérience.
Du reste la loi proposée par d'autres moyens nous rapproche fortement du but que j'avais en vue, puisque le minimum du produit de l'accise doit être augmenté d'un million, sans que la quotité du droit qui frappe le sucre de canne reçoive aucun accroissement.
Je n'en dirai pas davantage sur ce point, mais j'ai à présenter une observation sur un passage du discours de M. Osy. Cet honorable membre a dit avec raison que ce projet, tout en étant favorable au trésor, était une sorte de transaction entre deux grands intérêts.
Dans cette transaction, la position du sucre indigène est aggravée sous un double rapport, d'abord en ce que d'une part il doit concourir à l'augmentation du produit de la même manière que le sucre de canne, ensuite parce qu'il est en outre affecté par une augmentation d'impôt qui n'atteint pas celui-là.
Les positions relatives ne restent donc pas les mêmes ; elles deviennent moins favorables au sucre indigène ; diverses considérations m'ont convaincu qu'il devait en être ainsi.
Mais j'espère que les honorables membres qui défendent plus particulièrement l'autre intérêt, voudront bien reconnaître que c'est dans les propositions du gouvernement prises dans leur ensemble que gît la transaction dont on a parlé.
Ainsi la prise en charge de 1,400 grammes par hectolitre de jus de betterave et par degré du densimètre au-dessus de cent degrés, doit faire partie, selon moi, de cette transaction. Il ne serait pas convenable de revenir sur ce point dans le deuxième projet que nous aurons à discuter.
Je ferai d'ailleurs remarquer que, d'après des renseignements puisés à une source officielle, la prise en charge de 1,400 grammes est en moyenne conforme à la réalité des faits, à une petite différence près.
En France la prise en charge, au moyen du contrôle exercé dans ce pays, contrôle très sévère et très minutieux, que nous ne pourrions établir qu'au moyen de frais énormes, c'est-à-dire en triplant notre personnel de surveillance et en assujettissant les intéressés à des formalités gênantes et compliquées, cette prise en charge, dis-je, n'est en moyenne que de 1,430 grammes dans le département du Nord.
C'est avec le produit de la betterave dans ce département que nous devons établir nos points de comparaison pour cet objet.
J'ai même lieu de croire que les terrains cultivés en betterave de l'autre côté de la frontière, sont plus riches qu'une grande partie de ceux qui sont employés à la même production en Belgique.
Il se peut donc que le rendement de cette racine soit en moyenne inférieur en Belgique à celui que l'on obtient dans le département du Nord, et dès lors il ne peut y avoir qu'une différence insignifiante entre le rendement réel et celui qui est adopté pour la prise en charge au compte du fabricant.
J'ai cru devoir faire cette observation au début de la discussion, persuadé que les honorables membres qui défendent les deux intérêts qui sont en cause, voudront que cette transaction soit observée loyalement, sans qu'elle puisse être modifiée à l'occasion d'un autre projet de loi, qui doit prochainement faire l'objet de nos délibéraions.
M. Osy. - J'ai dit mon opinion sur le projet de loi tel qu'il est présenté par le gouvernement.
J'ai demandé une seconde fois la parole pour répliquer quelques mots à ce qu'a dit l'honorable M. Sinave. Il a dit que le raffinage n'avait aucun intérêt national, qu'on faisait des pains, et qu'après avoir reçu la décharge, on en faisait encore du sucre brut qu'on exportait. Je répondrai très brièvement à cette observation de l'honorable membre.
Aucun intérêt national ! D'abord lorsque, cette année-ci, les deux Chambres ont répondu au discours du Trône, elles ont dit, en parlant de l'augmentation du produit de l'accise sur le sucre annoncée par le gouvernement, qu'ils lui recommandaient cette mesure, tout en soignant les intérêts du trésor, comme aussi du commerce et de l'industrie. Je trouve que le gouvernement a tout à fait rempli le vœu des deux Chambres en présentant le projet de loi. Ce qui le prouve, c'est que le commerce et l'industrie ne se plaignent pas des propositions qui sont faites par le gouvernement.
Je vois dans le tableau qui est joint à l'exposé des motifs de la loi qu'en 1854 il y avait, en Belgique, un mouvement commercial de 56 millions.
La consommation est de 14.
Il reste en importations et en exportations une quantité énorme de 42.
Ces 42 millions, c'est le chargement de 140 navires de 300 tonneaux.
Il me semble que c'est un mouvement commercial tel, que la Belgique a intérêt à conserver ce commerce.
Comme nous l'avons dit en toute occasion, le commerce de l'exportation du sucre entraîne l'exportation d'une masse de produits de l'industrie belge. Nous exportons des quantités considérables de sucre en Italie, en Turquie et en Orient. Jamais les navires qui exportent ces sucres ne partent sans exporter aussi des produits du pays, des clous, des verres à vitre, que sans cela, l'on n'aurait pas eu l'occasion de connaître. On ne peut nier d'après cela que ce ne soit un grand intérêt national.
L'honorable M. Sinave a dit : On fait des pains ; on les casse et l'on fait de nouveau du sucre. Il n'en est rien. Il y a des pays qui ne veulent pas de pains de sucre, mais du sucre pilé.
Vous avez à Anvers et à Gand, de grands établissements où l'on pile le sucre, et on le met en barriques pour l'exporter en Italie, en Turquie, en Orient. Ce sont des sucres bien raffinés, mais au lieu de les transporter en pains, on en fait des sucres pilés.
L'honorable M. Sinave a dit qu'on n'exportait pas de pains. C'est une erreur. La France, la Hollande et nous, nous avons aujourd'hui en grande partie la consommation de l'Angleterre, et c'est là que nous exportons des pains qui se font à Gand, à Bruxelles et à Anvers, et même dans les raffineries de sucre de betterave, et où l'on raffine directement le sucre indigène. Hambourg, la Norwége et d'autres pays nous prennent aussi des pains.
Je crois, messieurs, avoir combattu les arguments de l'honorable M. Sinave. Quant au mouvement commercial, j'ai dit qu'un mouvement de 42 millions est un mouvement commercial offrant un grand intérêt ; et quant à ce qu'a dit l'honorable M. Sinave qu'avec des sucres raffinés on faisait de nouveau des sucres bruts, il n'en est absolument rien. Si l'honorable M. Sinave voulait s'informer de ce qui se passe dans nos raffineries, il saurait que les sucres pilés sont de véritables raffinés, mais réduits en poussière pour être transportés dans certaines contrées.
L'honorable M. Sinave revient sur la question du système du raffinage en entrepôt. Comme vous l'a dit M. le ministre des finances, il a dû lui-même abandonner ce système en présence du vœu émis par la Chambre dans le temps et récemment encore dans la réponse au discours du trône. Comme il s'agit d'une industrie qui rapporte beaucoup au trésor, et qui fait beaucoup de bien au pays, il faut la laisser tranquille et ne pas revenir toujours sur le système ; sinon, vous découragerez cette industrie.
Si, messieurs, dans aucun pays on n'avait le même système que le nôtre, si partout on travaillait en entrepôt, je comprendrais qu'on réclamât. Mais aussi longtemps que la Hollande et la France ont le même système que nous, il me paraît que ce serait une grande faute que d'apporter la perturbation dans un commerce et une industrie aussi considérables.
Sans doute l'honorable ministre des finances a eu d'autres vues, mais il est revenu de son opinion et je l'en félicite.
L'industrie des sucres non seulement rapportera d'après la loi actuelle 4,500,000 francs, mais il faut ajouter à ce revenu les droits de douane qui ont produit l'année dernière au-delà de 500,000 francs, ajoutez-y encore les droits de pilotage, les droits de tonnage, ensuite cette navigation qui donne beaucoup de travail, non seulement aux ouvriers des raffineries, mais aux industries de la construction des navires, de la réparation des navires, de la clouterie, de la voilerie.
C'est donc une industrie qui fait beaucoup de bien au pays et qui donne la vie à plusieurs autres ; et je rends grâce à M. le ministre de ce que, tout en prenant soin des intérêts du trésor, il a maintenu le système en vigueur. L'industrie de la raffinerie est une industrie qui est en progrès ; la proposition faite par l'honorable M. Delfosse en 1849 l'a obligée à faire des progrès, et ils ont été tels, qu'au lieu de rapporter au trésor 3,500,000 fr. comme le voulait la loi, cette industrie en a rapporté 3,900,000. J'espère qu'aujourd'hui elle fera de nouveaux efforts et que le mouvement commercial ne diminuera pas. Je suis persuadé qu'avec l'esprit d'entreprise qui règne chez nous, cette industrie saura supporter la nouvelle charge qu'on lui impose, et c'est pourquoi j'adopte le projet de loi.
M. Visart. - Messieurs, je ne puis qu'approuver les observations que vient de présenter l'honorable M. Osy en réponse à l'honorable M. Sinave. Je viens aussi appuyer ce que vous a dit l'honorable baron Osy relativement aux sirops. Je crois que puisque nous admettons le système de la ristourne, puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, il faut que toutes les matières trouvent leurs débouchés. S'il y a encombrement de sirops, on n'en obtiendra plus un prix normal ; cet embarras rejaillira sur toutes les autres catégories et amènera une gêne pour l'industrie de la raffinerie et la production indigène.
Mais je ne suis pas d'accord avec l'honorable représentant d'Anvers, lorsqu'il vient nous dire qu'à l'occasion de la loi régulatrice pour la perception de l'accise incombant aux fabriques, il nous indiquera des modifications.
(page 867) La présente loi est rédigée en vue d'un équilibre qui n'existerait plus si plus tard on mettait un poids accessoire dans un des plateaux de la balance.
Un fait qui doit ici être pris en considération, c'est qu'il s'agit d'une transaction entre les deux industries. Si l'on a encore des charges à ajouter, c'est aujourd'hui qu'elles doivent nous être soumises ; dans quinze jours il sera trop tard ; on ne pourra plus alors venir avec des propositions qui empireraient la posilion de l'une ou de l'autre industrie, réglementation de police à part.
J'engage donc l'honorable baron Osy, s'il a des propositions à faire, à nous les présenter dans le courant de cette discussion. Sans cela nous pourrions croire qu'il a apporté dans ce débat une habileté trop grande, une habileté blâmable.
Je suis loin de suspecter ses intentions, mais l'on serait peut-être entraîné à une fausse interprétation.
M. Osy. - Messieurs, j'ai dit en section centrale, les honorables membres de cette section le savent, que je considérais cette loi comme une transaction. Dès lors, vous comprenez que ce n'est pas moi qui viendrai, lors de la discussion de la seconde loi, apporter des propositions qui seraient de nature à modifier cette transaction. Je suis donc décidé à ne pas combattre le second projet de loi auquel je me rallie.
M. Visart. - J'accepte l'explication.
M. de La Coste, rapporteur. - L'honorable M. Sinave a adressé une sorte de reproche au rapport de la section centrale relativement à ce qui y est dit des antécédents de la question. Ce point a été traité très rapidement dans mon rapport, mais si la distinction que M. Sinave aurait voulu qu'on fît entre deux périodes dans la première desquelles, écoulée sous le gouvernement des Pays-Bas, la loi aurait eu un caractère purement commercial, ou du moins principalement commercial, si cette distinction avait dû être faite, ce n'est pas moi qui aurais pu la faire puisque j'ai soutenu dans cette Chambre et expliqué que tel n'avait pas été le but de la loi.
J'ai cité des faits qui sont à ma connaissance et qui prouvent le contraire et je pourrais rappeler de plus la discussion de la loi, en partie rapportée dans la Pasinomie. Je pense, quant à moi, que le gouvernement des Pays-Bas a eu l'intention de rendre la déduction à la sortie favorable aux raffineurs et au commerce, d'en faire une espèce d'encouragement en faveur de l'exportation, mais sans cependant abandonner le point de vue fiscal.
Il me semble, messieurs, que la question telle qu'elle se présente aujourd'hui est assez simple : dans aucune section il n'a surgi d’objection fondamentale contre le projet, il s'agit tout simplement pour chacun de se poser à soi-même et de résoudre cette question : si un million de plus serait de trop dans l'actif de noire situation financière ; or, d'après tout ce qui a été dit ici, d'après toutes les discussions qui ont eu lieu dans cette session, d'après les objections même qui ont été adressées au ministère dans plus d'une occasion, il me semble que ce million sera assez bien venu.
S'il y avait des doutes à cet égard, ce ne serait pas à moi à les lever, ce serait à M. le ministre des finances, car la section centrale n'a pas même été appelée à s'en occuper.
Mais si l’on trouve que réellement nos ressources ont besoin d'être augmentées, il est impossible que l'on se procure un million plus facilement que celui-ci. En effet, messieurs, aucun intéressé n'a élevé de réclamation. J’indiquerai tout à l'heure une exception ; mais enfin la section centrale n'a été saisie d'aucune réclamation contre le projet, ni de la part des raffineurs, ni de la part des fabricants, et c'est la, en matière fiscale, une circonstance bien rare. Il y a eu seulement quelques brochures d'un raffineur très connu, très important, mais qui est resté complètement isolé.
Eh bien, messieurs, il me semble que dans cette situation-là, nous pouvons nous abstenir de rentrer dans l'examen du système que M. Sinave vient d'attaquer et que j'ai combattu moi-même loirsqu’il produisait des résultats menaçants pour le trésor et que ses défenseurs élevaient des prétentions de nature à détruire tout équilibre entre les intérêts en cause. La question n'est plus la même ; les réclamations qui s'étaient élevées contre ce système ont déjà beaucoup perdu de leur force et elles en perdront encore si vous adoptez le projet de loi en discussion, puisque le trésor percevra au moins un million de plus par an.
L'honorable M. Osy a exposé, messieurs, que dans la section centrale l'on avait fait des objections contre le taux des prises en charge de l'accise sur le sucre indigène, que l'on avait fait à cet égard des réserves de part et d'autre dans la section centrale et que celle-ci n'avait pas jugé à propos d'entrer dans l'examen de cette question.
Cependant, M. le ministre des finances a très bien fait observer que c'est là une base fondamentale de l'accise sur le sucre indigène, et une partie essentielle de la transaction et qu'on ne pouvait pas y porter atteinte sans que la transaction fût rompue.
L'honorable M. Osy le reconnaît, et d'après cela, je crois superflu d'insister sur ce point. Cependant, si quelque honorable membre jugeait bon de relever le gant qui a été jeté par l'honorable comte Visart, je demanderais à pouvoir répondre à cette agression, ce qui serait, je pense, bien facile.
Messieurs, quant à la petite divergence d'opinion entre la section centrale et M. le ministre des finances, je crois que ce n'est pas là un objet qui doive longtemps nous séparer.
Il faut remarquer, messieurs, que sous le régime de la loi de 1849, la décharge ou la déduction accordée aux mélis a été réduite de 64 à 55 fr. et demi. Eh bien, messieurs, à moins que M. le ministre des finances ne nous donne des motifs pour démontrer qu'à cette époque la proportion entre la restitution pour les mélis et la restitution pour les sirops était inexacte ; qu'on avait accordé, dès l'origine, une trop forte décharge pour les sirops, ce qui ne paraît pas être, puisque l'exportation des sirops n'a pas été très grande alors, à moins que M. le ministre ne nous prouve cela, je pense qu'il faudra conserver à pen près la même proportion.
Maintenant je reconnais que la décharge sur les sirops doit être réduite, puisque la proportion a été rompue par l'abaissement de la décharge pour les mélis. Eh bien, prenez la moyenne de la restitution sur le sirop de cannes et sur le sirop de betteraves en partant de ce principe qui est assez conforme aux faits, qu'il entre à peu près trois parties de sucre de canne et une partie de sucre indigène soit dans la consommation, soit dans l'exportation. En procédant de la sorte vous arrivez à trouver que la décharge sur les mélis ayant été réduite de 64 à 55 1/2, vous devez fixer la décharge moyenne pour les sirops environ à 12 fr. 50.
Eh bien, messieurs, la section centrale vous propose 13 francs. Ce n'est pas la peine de s'opposer à ce chiffre ; la différence est très petite et, au fond, comme l'a dit l'honorable M. Osy, c'est une affaire de ménage entre les raffineurs, qui n'intéresse pas le trésor, le trésor n'en recevra ni plus ni moins. Ainsi, quoique je me sois abstenu sur ce point, en section centrale, je crois qu'on pourrait donner cette satisfaction à ceux qui y attachent de l'intérêt.
M. T'Kint de Naeyer. - Je ne puis partager la confiance de l'honorable baron Osy. La loi me semble destinée à imposer une lourde charge à l'industrie sucrière. Je crains bien que l'augmentation d'un million exigée immédiatement, sans transition, n'ait pour effet d'une part d'entraver l'exportation et de l'autre d'encombrer le marché intérieur. Ce résultat serait d'autant plus à craindre, si la Chambre repoussait l'amendement de la section centrale qui fixe la décharge pour les sirops à 13 fr. au lieu de 10. J'y reviendrai, s'il y a lieu, lorsque nous aborderons la discussion des articles.
Messieurs, puisqu'on s'accorde généralement à considérer la loi comme une loi de transaction, je ne m'opposerai pas à ce que l'épreuve en soit faite, me réservant de voir ce qu'il conviendra de faire ultérieurement.
La question des sucres a le privilège d'occuper la législature pour ainsi dire, à chaque session. C'est uu triste privilège, il faut en convenir, car l’instabilité arrête tout progrès.
Il n'y a rien de plus déplorable en matière d'industrie et de commerce. L'honorable M. Sinave, qui veut une réforme radicale, semble avoir perdu de vue que des capitaux considérables ont été engagés dans l'industrie des sucres, sur la foi des principes qui ont prévalu depuis 30 ans et qui ont été sanctionnés à une immense majorité en 1846 et en 1849. On s'est arrêté à un système au moyen duquel il y a pour le trésor, recette certaine d'une somme déterminée et pour le commerce d'exportation, un avantage qui lui permet de donner une grande impulsion aux transactions. La loi a des effets fiscaux mais elle a en même temps des effets industriels et commerciaux.
On traite fort légèrement les sucres et on oublie qu'il s'agit d'un des grands éléments de notre commerce maritime, d'un mouvement d'affaires de plus de 60 millions de francs. N'est-ce rien d'occuper 600 navires, représentant 100,000 tonneaux et de figurer pour plus de 50 p. c. dans le tonnage général ?
Anéantir l'industrie des sucres, c'est supprimer la matière première du commerce maritime, c'est paralyser toutes nos exportations. Le sucre est la base des cargaisons d'entrée et de sortie. Son influence sur le fret est décisive ; en contribuant à l'abaisser, elle favorise toutes les autres industries.
Aussi, je ne me suis jamais ému des déclamations qui tendaient à faire considérer la quesiion comme un intérêt privé.
Si c'était un intérêt privé, il y a longtemps que la Chambre en eût fait justice.
Il s'agit en réalité d'un grand intérêt national, du développement de notre commerce maritime.
La vraie question à poser est de savoir si après avoir assuré au trésor 4 millions, il faut dans un pays comme le nôtre, qui fait de grands efforts pour placer ses produits sur les marchés transatlantiques, qui subsidie des lignes de navigation, s'il est logique de ruiner l'un des éléments les plus considérables de la grande navigation.
Nos transactions avec les pays d'outre-mer réduites, la navigation paralysée, le mouvement de nos ports réduit, le consommateur lui-même, la classe peu aisée surtout, atteinte par le renchérissement des bas produits que l'exportation permet d'abandonner à bas prix au marché intérieur, telles seraient les principales conséquences du système purement fiscal qui a été condamné à diverses reprises et que l'on semble vouloir réhabiliter aujourd'hui. Je ne me suis jamais opposé à ce que le sucre fournisse des ressources au trésor, mais je demande que l'on nuise le moins possible à d'autres intérêts dont il est impossible de méconnaître la gravité.
M. Sinave. - Messieurs, j'espère que M. le ministre des finances dira en séance publique, comme il a dit en section centrale, qu'il n'a pas changé de conviction.
(page 868) Le projet de loi a été annoncé dans le discours du trône ; et dans la réponse à ce discours, on n'a pas fait la moindre observation ; on a donc admis le système actuel. J'avais compris le discours du trône dans ce sens-là. Je ne crois pas que, lorsqu'on nous annonce un projet de loi, nous acceptions des conséquences que nous ne connaissons pas.
L'honorable M. Osy a dit qu’on réduit en poudre le sucre en pain, en donnant à ce sucre la signification du sucre pilé, ceci n’est qu’un jeu d emots.
Le fait est que le sucre n'est pas raffiné tel qu'il doit l'être pour être livré à la consommation. Je pourrais citer des exemples, mais je m'en abstiens. Je fera1icependant une observation. Supposons que réellement il existe une prime pour l'exportaton des toiles ; eh bien, si, pour obtenir cette prime, je commence par faire de la toile, et si ensuite je réduis de nouveau cette toile en lin pour l'exportation, peut-on accepter une pareille condition ? C'est impossible. Voilà néanmoins ce qui a lieu pour le sucre.
Je l'ai dit, et je maintiens le mot, c'est une véritable mystification que le sucre raffiné en Belgique pour l'exportation. C'est uniquement un moyen d'arracher une prime.
La loi donne une liberté entière au raffineur. Il suffit que la marchandise se trouve dans sa fabrique, pour qu'il puisse l'introduire dans la consommation sans droit.
En est-il de même pour le sucre de betterave ? Non, messieurs, on établit dans les fabriques de sucre de betterave des postes permanents de 5 ou 6 employés ; on surveille nuit et jour ces fabriques, je ne désapprouve pas cela ; mais on ne fait rien pour la surveillance des raffineries.
On dit que le système de travailler en entrepôt équivaut à la suppression de l'industrie. Si cela est vrai, c'est donc avec la prime que les raffineries vivent.
Qu'est-ce en définitive que la loi ?
Elle revient à dire à 12 ou 15 capitalistes : « Messieurs, je fais une transaction avec vous ; vous m'avez payé 3,500,000 fr. ; mats vous avez fait un bénéfice trop considérable ; vous me payerez 4,500,000 fr.
On dit qu'il n'y a pas eu de réclamations : je le crois bien ; si j'étais un de ces capitalistes, j'aurais bien soin de ne pas réclamer ; je me dirais : J'ai eu trop de bénéfices, mais comme le chemin est encore très beau à parcourir, tenons-nous cois et ne disons mot.
Tout le sucre, importé dans la fabrique, n'importe de quelle manière, entre librement dans la consommation, sans payer aucun droit, et les raffineurs se font payer exactement ce droit.
Comparez maintenant cette loi à la loi sur le sel. Pour le sel, comme pour le sucre de betterave, lorsqu'on trouve le moindre excédant dans les magasins, vous êtes immédiatement condamné à des amendes considérables ; vous devez payer dix fois le droit, et la marchandise elle-même est confisquée.
Eh bien, ou est cette surveillance pour le sucre exotique ? Il n'y en a aucune ; on a lâché le mot, ce n'est pas moi. On fraude à l'entrée, on fraude à la sortie, on fraude en introduisant en consommation. Si l'on veut maintenir ce système, il est important de prendre d'autres dispositions, sans cela le consommateur sera constamment dupe. Mais, dit-on, en supprimant la prime, vous supprimez l'industrie. On a supprimé les primes pour les toiles de lin et pour les tissus de coton, malgré cela nous continuons à marcher ; seulement, c'est avec un peu moins de bénéfice.
Je renouvelle mon invitation au ministre de voir réellemenl s'il n'est pas nécessaire de mettre un terme à ce système. Je l'engage fortement à faire des propositions, je lui laisse la faculté de fixer un délai pour faire cesser cet état de choses ; s'il ne le fait pas il encourra une grave responsabilité.
M. Manilius. - Il est inutile, je pense, de combattre les arguments présentés par l'honorable M. Sinave, je passerai donc tout cela sous silence. Comme je suis inscrit, je désire dire en peu de mots que je professe sur la loi en discussion l'opinion exprimée par mon honorable collègue M. T'Kint. J'ajouterai un mot sur un seul point ; je demande qu'on augmente autant que possible les moyens d'exportation ; c'est à cet effet que je me rallie à la proposition de la section centrale de porter la décharge sur le sirop à 13 fr. Si vous n'adoptez pas cette proposition, l'abondance des excédants de sirop obligerait les raffineurs à payer une grande somme.
Le million sera assuré au trésor, mais les raffineurs travaillant pour l’exportation payeront seuls ce million ; il faut les aider en leur permettant d'exporter les déchets, sans cela le sirop va les encombrer.
Quant à la prise en charge du sucre de betterave, on est convenu de ne pas en parler et de réserver cela ainsi que d'autres choses pour la discussion du projet de loi relatif au régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave.
Je bornerai là mes observations ; je voterai le projet du gouvernement moyennant accueil favorable de la part du ministre au petit amendement de la section centrale.
M. Faignart. - Messieurs, je dois appeler l'attention de la Chambre sur ce que vient de dire l'honorable M. Manilius. Ce qu'il propose d'ajouter a là discussion du projet de loi sur le régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave est très important, c'est la base de la prise en charge. Il en résulterait, contrairement à ce qu'a dit l'honorable M. Osy, que cet article doit être remis en question ; c'est ce que nous ne voulons pas admettre. Si cette question doit être soulevée, qu'on le fasse maintenant. Je demande qu'on discute dès à présent tout ce qui est relatif à l'impôt et qu'il soit bien entendu qu'on ne réserve pour la loi à faire que les questions de règlement et de surveillance.
M. Manilius. - Je suis étonné de l'intention que me suppose l'honorable préopinant, je me suis attaché à reproduire les expressions dont il s'est servi dans le sein de la section et qu'a reproduites le rapport où je lis que, quant à la question de la prise en charge, on l'examinerait quand on s'occuperait de la loi relative au régime de surveillance des fabriques de sunre de betterave. Quand nous nous occuperons de cette loi, nous l'examinerons telle quelle est présentée avec la même liberté que celle que nous discutons en ce moment. Comme je l'ai déclaré, j'adopte celle-ci avec l'amendement de la section centrale ; je n'ai pour l'avenir aucune intention arrêtée ; je reste dans les termes dans lesquels s'est expliquée la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je répondrai quelques mots aux allégations de M. Sinave. Je me fais un devoir de déclarer que la surveillance de l'administration est organisée de telle façon que les abus sont rendus à peu près impossibles ; cette surveillance est exercée rigoureusement par les agents de l'administration ; si des tentatives de fraude étaient faites, j'ai la persuasion qu'elles ne tarderaient pas à être découvertes et réprimées. J'aime toutefois à rendre ce témoignage qu'aucun fait de cette nature ne m'a été signalé.
A cette occasion, j'insiste pour qu'il soit bien convenu, conformément à la pensée qui a présidé à la rédaction du projet de loi, que la prise en charge doit être maintenue à 1,400 grammes pour ie sucre indigène.
M. Dumortier. - Il faut de la franchise et dire dès à présent ce qu'on veut sans détour. Une loi de transaction est présentée, la voulez-vous, oui ou non ? Si vous trouvez la loi incomplète, complétez-là.Vous ne pouvez pas venir dire aujourd'hui : Nous voulons cette loi comme transaction. Et quand vous vous en serez assuré le bénéfice, venir, à propos d'une autre loi, enlever à l'industrie rivale la condition qui l'avait engagée à souscrire à cette transaction. Ce n'est pas ainsi qu'on se conduit dans un parlement. M. Osy s'est exprimé franchement, il ne faut pas que d'autres défenseurs de la même industrie viennent faire des réserves. Dites franchement ce que vous voulez, nous nous conduirons en raison de ce que vous voudrez.
La loi actuelle est bien claire et bien précise ; mais la loi de surveillance comprend deux points qui se rattachent directement à la loi actuelle : le premier c'est la prise en charge, le second c'est le travail en entrepôt. Vous avez établi une loi de transaction entre deux industries rivales, si plus tard vous modifiez la prise en charge, vous annulez la transaction ; ce n'est pas loyal.
Dites dès à présent ce que vous voulez, les partisans de l'industrie du sucre indigène, dans laquelle de grands capitaux sont engagés, si vous rompez la transaction, les rompront aussi.
Mais il y a un second fait, c'est la question du travail en entrepôt. L'accise sur la betterave, comme tous les droits d'accise et notamment les droits d'accise sur la bière et le genièvre, se payent à l'origine de la fabrication.
Le sucre de betterave est donc pris en charge en dehors de l'entrepôt, le travail se fait hors de l'entrepôt comme pour les bières et les genièvres, comme pour tous les objets soumis à l'accise. Mais on veut peut-être, dans la loi sur la surveillance des fabriques de sucre de betterave, imposer la fabrication en entrepôt.
Si c'est là ce qu'on veut, qu'on le dise ; car nous ne demandons qu'un régime uniforme pour les deux industries.
Après avoir admis une loi à l'avantage du sucre exotique, vous voudriez, lorsqu'on arriverait à s'occuper du projet de loi relatif au sucre indigène, y apporter des modifications telles que cette industrie fût relativement à l'autre dans une condition d'infériorité.
Vous recueilleriez le bénéfice de la loi, et vous l'enlèveriez à l'industrie du sucre indigène dans le projet où nous aurons à nous occuper d'elle ! Ce n'est pas ainsi qu'on se conduit dans un parlement !
M. Manilius. - J'ai l'habitude de me conduire dans le parlement comme partout, de dire ce que je pense et de m'attacher autant que possible à la vérité, en pensant.
J'ai dit mon opinion sur le projet de loi en discussion.
Quant au projet de loi qui doit être voté plus tard, je l'ai dit et je le répète, nous l'examinerons alors.
C'est toute ma pensée ; je ne veux pas aller plus loin.
Je dois vous dire que je n'ai pas lu le projet de loi relatif à la surveillance des fabriques de sucre de betterave. J'ai appris que, d'après ce projet, la prise en charge était fixée à 1,459 grammes, et qu'il s'agissait d'obliger éventuellement le raffinage en entrepôt. Mais j'avoue que je n'ai pas examiné le projet, que je ne l'ai pas même lu. La raison est très simple, c'est que l'on examine trois ou quatre projets de loi à la fois.
Je faisais partie de la section centrale qui a examiné le projet de loi en discussion. Pendant cette étude, on examinait en sections le projet de loi relatif aux fabriques de sucre de betterave. Je n'ai pu prendre part aux travaux de ma section.
Je maintiens que je ne pouvais avoir l'idée que me suppose l'honorable préopinant, puisque je ne connais pas la prise en charge fixée par le projet de loi.
Je vous assure donc que je n'ai voulu que répéter l'opinion des (page 869) honorables MM. Faignart et Osy, à laquelle je me réfère. Je dis avec ces honorables membres : nous verrons, quand le moment sera ven, ce qu'il conviendra de faire.
S'agit-il de déterminer la quotité de la prise en charge, d'admettre le travail en entrepôt ? Qu'on soulève ces questions.
Comment veut-on que je dise ce que je voudrai dans quinze jours ? Je n'en sais rien ; je ne sais ce qu'il y a dans le projet de loi ; je me réserve de l'apprécier quand il sera mis en discussion.
M. Prévinaire. - Evidemment, dans cette question, la Chambre doit agir avec une grande prudence. Ici se présente de nouveau la rivalité existant entre deux catégories de sucre qui prennent leurs matières premières à des sources différentes. On a pu établir un système d'équilibre entre ces deux sucres. Ainsi la loi en discussion ne s'occupe que'de la raffinerie qui emprunte sa matière première à l'étranger. Si aujourd'hui vous allez résoudre toutes les questions relatives à la fabrication du sucre exotique, sans offrir, dans la même loi, des garanties sérieuses à l'industrie du sucre de betterave, il est évident que vous allez vous exposer à voir se rompre l'équilibre qui a été établi précédemment.
Nous ne pouvons, dit-on avec beaucoup de raison, examiner que la loi dont nous sommes saisis. Il n'en est pas moins vrai que si la loi à intervenir ultérieurement était destinée à rompre cet équilibre, toute l'industrie sucrière se trouverait dans une singulière position. S'il est impossible d'examiner dès à présent la disposition de la loi sur la surveillance des fabriques de sucre de betterave qui détermine la quotité de la prise en charge, ce serait le cas d'ajourner la discussion jusqu'à ce que la Chambre pût discuter les deux projets de loi simultanément.
M. Deliége. - Je ne crois pas que nous devions ajourner la discussion du projet de loi par les motifs qui viennent d'être déduits. Voici ce qui s'est passé en section centrale :
Un membre a fait observer que l'on pourrait, en modifiant les dispositions comprises dans le projet de loi sur le régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave (projet qui n'a pas encore été discuté) rompre l'équilibre entre la fabrication du sucre de betterave et la fabrication du sucre de canne.
On a proposé de renvoyer l'examen de cette question à la discussion du projet de loi sur le régime de surveillance.
Je m'y suis opposé en faisant observer qu'il y avait eu transaction entre les deux sucres ; et qu'après avoir accepté cette transaction, la Chambre ne pourrait en changer les conditions en modifiant dans une loi postérieure la position des fabricants de sucre de betterave, en modifiant la prise en charge.
Il a été entendu entre nous, que nous nous opposerions à cette modification.
A mon avis, il doit donc rester entendu que nous ne pourrons modifier l'équilibre entre les deux sucres, en changeant la disposition du projet de loi sur le régime de surveillance
M. Prévinaire. - Si la Chambre est tout à fait d'accord sur la question, je n'insiste pas pour l'ajournement.
- La discussion générale est close. La Chambre passe à la discussion sur les articles.
« Art. 1er. La loi du 18 juin 1849 (Moniteur, n*°171), concernant le droit d'accise sur les sucres, est modifiée conformément aux articles ci-après : »
- Adopté.
« Art. 2. Le droit d'accise sur le sucre brut de betterave est fixé, par cent kilogrammes : à 38 fr., à partir du 1er juillet 1856, et à 39 fr., à partir du ler juillet 1857.
- Adopté.
« Art. 3. La décharge de l'accise, en apurement des comptes ouverts aux raffineurs et aux fabricants raffineurs, est fixée, par 100 kil., comme il suit :
« 1° Pour l'exportation et pour le dépôt en entrepôt :
« a. A fr. 61-50 pour le sucre candi sec, dur et transparent, reconnu tel par les employés, et à fr. 55-50 pour les autres sucres de la catégorie A, mentionnée à l'article 3 de la loi du 18 juin 1849 ;
« b. Au montant de l'accise pour les sucres de la catégorie B ;
« 2° A 10 fr., pour l'exportation par mer seulement, des sirops de raffinage reconnus tels par les employés. »
M. le président. - Au n°2 la section centrale propose de porter la décharge à 13 fr.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, lorsque j'ai proposé la décharge de 10 fr. à l'exportation de la mélasse, indépendamment d'autres considérations, j'avais en vue de la réduire sur ce produit, comme elle l'a été successivement pour les sucres de qualité supérieure.
L'honorable M. de La Coste vous a présenté aujourd'hui des calculs -ui me paraissent exacts, et d'où, il résulte que la décharge sur les sirops devrait dans la même proportion être fixée, non pas à 13 fr., mais à fr. 12,50 c.
En présence du vœu unanime exprimé par tous les orateurs qui ont pris la parole dans cette discussion, je ne m'opposerai pas davantage à ce que cette décharge soit fixée à 12,150 fr."
M. Manilius. - Il me paraît que puisque nous sommes d'accord à un demi-franc près, le gouvernement pourrait bien accepter l'amendement de l'honorable M. Osy qui a été examine très attentivement par la section ceniralé. Il le peut d'autant mieux que la loi garantit l'augmentation d'un million. Alors même qu'il y aurait un mécompte d'un demi-franc sur la ristourne pour les sirops, le trésor ne court aucun risque.
Je crois donc que M. le ministre ne doit pas insister. S'il remarquait que de cette fraction d'un demi-franc, il résulte quelque danger pour le trésor, il nous apporterait dans deux ou trois mois, un projet de loi et nous le voterions immédiatement.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le trésor est complètement désintéressé dans la question ; ce n'est donc pas à ce point de vue que je me suis placé, en donnant la préférence au chiffre de fr. 12-50 ; je le propose, parce qu'il est plus en harmonie avec le drawback établi pour les autres produit du raffinage ; il en est ainsi de l'aveu même de l'honorable M. de La Coste, rapporteur de la section centrale.
Du reste, je ne veux pas attacher d'importance à cette question. Je crois seulement qu'il est plus régulier de réduire la décharge sur les sirops, au moins dans la même proportion que pour les qualités supérieures.
M. de La Coste, rapporteur. - Il s'agit d'une véritable bagatelle. Il ne vaut réellement pas la peine de discuter sur le point de savoir lequel des deux chiffres on adoptera.
J'engage l'honorable M. Manilius à ne pas insister.
M. Osy. - Comme j'ai eu l'honneur de le dire, je considère cette loi comme une loi de transaction. Dans la section centrale trois membres se sont abstenus sur le chiffre de 13 fr. L'honorable M. de La Coste propose le chiffre de 12 fr. 50 c. Je m'y rallie, toujours par esprit de transaction.
- Le chiffre de 12 fr. 50 c. est adopté.
L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 4. § 1er. Le minimum de la recette trimestrielle, fixé à 875,000 rrancs par l'article 6, de la loi du 18 juin 1849, est porté à 1,125,000 fr.
« § 2. Lorsque la moyenne de la consommation pendant 3 années consécutives, du ler juillet d'une année au 30 juin de l'année suivante, est supérieure à 15,000,000 de kilogrammes de sucre, le minimum de 1,125,000 fr. est augmenté de 50,000 fr. par quantité de 500,000 kilogrammes formant l'excédant.
« § 3. A l'expiration du premier semestre de chaque année, un arrêté royal constate cette moyenne, en prenant pour base la différence entre les quantités de sucre brut de canne et de sucre brut de betterave déclarées en consommation (déduction faite de 3 p. c. pour déchet au raffinage), et, d'autre part, les quantités de sucre et de sirop exportées avec décharge de l'accise.
« § 4. Cet arrêté détermine le montant du minimum qui doit être perçu à partir du 1er juillet de l'année courante, jusqu'au 30 juin de l'année suivante. »
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Au paragraphe 2, au lieu de : « Lorsque la moyenne de la consommation pendant trois années consécutives », je propose de dire : « Lorsque la moyenne de la consommation de trois années consécutives ».
- L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 5. § 1er. Lorsque le déficit constaté dans les recettes à la fin d'un trimestre n'est pas couvert par la répartition mentionnée à l'article 6 de la loi du 18 juin 1849, le manquant est réparti par le ministre au marc le franc des prises en charge apurées, pendant le même trimestre, autrement que par payement de l'accise.
« § 2. La quote-part assignée à chaque raffineur et fabricant-raffineur dans la répartition prescrite par le paragraphe précédent, est acquittée conformément à l'article 7 de la loi du 18 juin 1849 et portée par anticipation au crédit de son compte, elle est ensuite successivement imputée sur ses premières prises en charge.
« § 3. Si deux trimestres consécutifs présentent chacun un manquant de plus de 500,000 fr., le gouvernement réduit la décharge pour les sucres désignés au littera A de l'article 3 de la présente loi de 1 franc par 500,000 francs d'insuffisance constatée à la fin du second trimestre. Tout manquant ultérieur donne lieu à une réduction de décharge de 25 centimes par chaque somme de 100,000 fr. existant en moins dans les comptes. L'article 9 de la loi du 18 juin 1849 est applicable à ces réductions.
« § 4. Les cautionnements fournis par les raffineurs et les fabricants-raffineurs, en garantie des droits d'accise, restent affectés au payement des sommes éventuellement dues en exécution des paragraphes 1 et 2. »
- Adopté.
« Art. 6. Les articles 5, 8,10 et 11 de la loi du 18 juin 1849, sont abrogés. »
- Adopté.
Dispositions transitoires
« Art. 7. Les sucres bruts de betterave placés sous le régime de l'entrepôt fictif seront passibles de l'impôt établi au moment où ils ont été emmagasinés, quelle que soit l'époque à laquelle ces sucres seront déclarés en consommation. »
- Adopté.
« Art. 8. La décharge fixée à l'article 3 est applicable aux quantités de sucre et de sirop comprises dans les permis d'exportation et de dépôt en entrepôt délivrés en apurement des comptes des raffineurs et des (page 870) fabricants-raffineurs, et qui seront soumises à la vérification des employés. à partir du jour où l'a présente loi sera obligatoire. »
-Adopté.
« Art. 9. Le minimum de la recette trimestrielle, à déterminer conformément aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 4 de la présente loi, sera fixé la première fois au commencement du second semestre de 1859, d'après les faits constatés depuis le 1er juillet 1856. »
- Adopté.
« Art. 10. La présente loi sera obligatoire à partir du 1er juillet 1856. »
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif.
L'amendement apporté à l'article 3 est définitivement adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 61 membres présents.
Ce sont : MM. Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van lseghem,Van Overloop, Verhaegen, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Anspach, Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallanl, Dautrebande, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Dubus, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Prévinaïre et de Naeyer.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.