(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)
(page 669) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Fransquin, ancien combattant de 1830, demande la décoration de la croix de Fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Maus demande que les ventes publiques dont il est question à l'article 3 de la loi du 23 décembre 1851 sur les mutations par décès soient celles des immeubles d'au moins dix hectares et qu'à défaut on prenne le multiple le moins élevé des communes du canton. »
- Même renvoi.
« Le sieur Paly réclame rinlerventiou de la Chambre pour qu'il soit donné suite aux prétentions dont il a saisi la justice. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Colson, ancien directeur de la manutention militaire à Liège, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Toussaint et Anspach, président et secrétaire du comité de l'association pour l’établissement d'une station centrale à Bruxelles, demandent que le gouvernement décrète en principe la création, au sein de la capitale, d'une station centrale des chemins de fer, et prient la Chambre de s'opposer au déplacement extra muros de la station du Midi et au raccordement projeté du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain avec la station du Midi et en dehors de la ville de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Hautecoeur, brigadier des douanes, ancien officier de 1830, demande que le projet de loi concernant la pension d’officiers de volontaires lui soit rendu applicable.3
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des électeurs et habitants de Diest demandent que la dotation sur laquelle la Chambre est appelée à voter ne soit pas limitée au chiffre fixé par le projet de loi. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le conseil communal de Courtrai prie la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, par Enghicn, Acren, Saint-Martin et Renaix. »
M. Tack. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport, et le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de Braine-le-Comte à Courtrai.
- Cette proposition est adoptée.
M. Lesoinne. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre de la guerre si le prochain changement de garnison qui est annoncé pour les premiers jours d'avril, et dans lequel doivent être compris plusieurs régiments d'artillerie et de cavalerie, sera définitif ou s'il doit y avoir, après la levée du camp de Beverloo, un second changement de garnison. Je fais cette question à M. le ministre de la guerre, parce que de fréquents changements de garnison occasionnent aux officiers et surtout aux officiers mariés des frais de déplacement qui leur sont toujours assez coûteux.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - J'aurai l'honneur de répondre à l'honorable membre qui m'a fait l'honneur de m'interpeller, que le changement de garnison, qui est projeté, n'a pas encore été ordonné. Il était résolu depuis l'année dernière ; des considérations d'hygiène qui résultaient de l'état sanitaire de la ville de Liège et de la ville d'Ostende, ont fait ajourner jusqu'au printemps l'époqge du changement arrêté. Ce changement sera probablement effectué dans les premiers jours d'avril, sinon aux premiers jours de ce mois. Bien que des ordres officiels n'aient pas été donnés, j'ai permis des communications officieuses, précisément pour que les officiers pussent prendre des arrangements en conséquence.
Il n'est pas question que ce changement ne soit que provisoire ; mais je ne puis rien affirmer. Les circonstances peuvent être telles, que de nouveaux changements deviennent nécessaires, et alors je ne me considérerai pas comme engagé à ne pas les proposer au Roi. Mais pour le moment actuel, le changement qui va avoir lieu constitue un déplacement définitif, comme ils le sont d'ordinaire, pour les différents corps dont il est question.
M. Lesoinne. - Je remercie M. le ministre de l'explication qu'il vient de nous donner.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit de quarante mille cinq cent quarante-six francs vingt-neuf centimes (fr. 40,546.29), applicable au payement de créances qui se rapportent à des exercices clos, qui restent à liquider et qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente loi.
- Adopté.
« Art. 2. Cette allocation formera l'article 35, chapitre XIII du budget de la guerre pour l'exercice 1855, et le crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de cet exercice. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le leudemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
58 membres répondent à l'appel nominal.
56 votent l'adoption.
1 vote le rejet.
1 (M. Coomans) s'abstient.
Ont voté l'adoption : MM. Brixhe, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Bronckart, Rogier, de Brouwer de Hogendorp, De Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Perceval, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, Goblet, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Tack, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouronx, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII et de Naeyer.
A voté le rejet : M. DeBaillet-Latour.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Coomans. - Ainsi que j'ai eu l'honneur de le déclarer souvent à la Chambre, je ne voterai aucune dépense de guerre aussi longtemps que les lois sur la milice ne seront pas réformées.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. de Perceval. - J'ai demandé la parole pour expliquer la portée du vote que je me propose d'émettre sur le projet de loi en discussion.
Ce projet de loi est, dans mon opinion, contraire à l'esprit qui a animé le Congrès national lorsqu'il a proclamé par l'article 77 de la Constitution que la loi fixerait la liste civile pour la durée de chaque règne. Et cette disposition a reçu sa sanction par la loi du 28 février 1832 qui a arrêté cette liste civile à fr. 2,751,322 75 c. ; plus, la disposition des habitations royales.
En présence de l'article 77 de la Constitution d'une part, et de la loi du 28 février 1832 d'autre part, nous aurions pu, à la rigueur, examiner jusqu'à quel point une dotation devait être accordée à S, A. R. le duc de Brabant. Car, sous l'empire de notre régime constitutionnel, les enfants du Roi, à l'exception de l'héritier du trône admis au titre de Sénateur à l’âge de 18 ans, sont de simples citoyens ne jouissant d'aucun droit distinctif dans l'Etat.
Au privilège concédé par l'article 58 de notre pacte fondamental à l'héritier présomptif de la Couronne, nous avons répondu par une dotation exceptionnelle.
Aujourd'hui, le ministère nous propose d'aller plus loin. Il demande que nous consacrions une deuxième exception, dont la conséquence logique inévitable sera de nous entraîner à une troisième.
Je ne veux point, en ce qui me concerne, suivre le ministère dans cette voie que le pays n'approuve point, et qui est contraire aux intérêts dynastiques, sainement entendus.
J'ai voté la dotation au profit de S. A. R. le duc de Brabant, parce que ce prince est l'héritier présomptif de la Couronne, et uniquement (page 670) à ce titre ; mais en vertu même des motifs qui ont alors guidé ma conduite, il m'est impossible de voter la dotation que le cabinet sollicite aujourd'hui. J'ai dit.
M. de Bronckart. - Messieurs, ; je tiens à expliquer, en quelques mots, les motifs de mon vote sur le projet de loi qui est soumis en ce moment à vos délibérations.
Lorsque mes concitoyens m'ont fait l'honneur de me choisir pour les représenter dans cette Chambre, je me suis fait un devoir rigoureux, un devoir de conscience, de ne jamais voter un centime dont la nécessité ne me serait pas préalablement justifiée. Ce devoir, j'y ai été fidèle jusqu'à présent et aussi longtemps que je resterai dans la vie publique, ; je ne m'en écarterai pas.
Or, messieurs, jamais crédit ne fut moins justifié, à mes yeux du moins, que celui que l'on nous demande. L'exposé des motifs, que l'on pourrait beaucoup plus justement appeler l'exposé de l'absence de motifs, et le rapport de la section centrale qui n'est que la reproduction littérale de ce document, sont sur ce point d'une incroyable réserve et d'une pauvreté rare. « Je n'insisterai pas, dit l’honorable ministre des finances, sur les raisons de haute convenance qui justifient ce projet. »
Messieurs, à Dieu ne plaise que j'eusse voulu forcer l'honorable ministre à insister sur les motifs qui militent si puissamment, selon lui, en faveur de sa proposition, mais il me semble que je puis regretter, sans pour cela être taxé d'exigence ou d'exagération, que l'honorable ministre n'ait pas même daigné nous les indiquer.
Je le regrette d'autant plus que, si les motifs existent, je crois, moi, que des raisons de haute convenance exigeaient que le cabinet nous les fit connaître, comme cela s'est fait pour la dotation de l'héritier présomptif du trône ; il eût ainsi, à mon sens, montré beaucoup plus de véritable convenance pour la Chambre et pour S. A. R. Mgr le comte de Flandre. Car, dans un pays de libre discussion comme le nôtre, il faut que, lorsque le gouvernement réclame l'intervention financière des Chambres, il donne la plus grande publicité possible aux raisons qu'il a de réclamer cette intervention, afin que si les Chambres la lui accordent, elles puissent dire pourquoi elles la lui ont accordée. Ce n'est, à mon avis, qu'à cette condition que l'on sauvegardera la dignité des pouvoirs, et que l'on fera aimer et respecter, par la nation tout entière, les institutions et la dynastie qu'elle s'est données.
Mais de dire, comme semble le faire le cabinet, que le dévouement et le respect de la nation se mesureraient sur le plus ou moins d'empressement que les mandataires mettraient à voter sur un lieu commun ou sur une phrase banale, des apanages, des dotations et sans doute aussi des contributions extraordinaires, je tiens, pour moi, que c'est une erreur, et une erreur très grave. Elle peut être l'opinion d'un ministre des finances, mais, en vérité, ce n'est pas celle des contribuables.
En faisant appel à mes sentiments d'amour et de vénération pour notre Roi et pour sa noble famille, qui préside, et qui présidera longtemps avec lui - il faut l'espérer pour le bonheur de notre patrie - aux destinées de la Belgique, le cabinet a voulu obtenir un de ces votes d'enthousiasme dont le lendemain a toujours ses regrets, quand il n'a pas ses dangers. Mais je me suis demandé s'il avait bien réfléchi à la responsabilité qu'il assumait, et si ce n'était point une grande faute à lui de venir ainsi, sans hésiter, ce qu'il n'oserait peut-être pas faire pour lui-même, poser la question de confiance entre la nation et la famille royale pour une question d'argent ? Je ne dois pas vous dissimuler que j'ai été frappé des véritables dangers qu'offrirait un semblable précédent ; dangers qui suffiraient seuls, si ma conscience ne m'en faisait déjà un devoir, pour me déterminer à voter contre le projet.
Je proteste d'avance, messieurs, contre toute induction que l'on pourrait tirer de mon vote, et qui tenterait à faire supposer que je professe moins de reconnaissance, moins de vénération, moins de dévouement que qui que ce soit, pour cette noble et auguste famille à qui nous devons tout ! Mais ne pourrait-on donc pas lui donner au besoin des preuves plus concluantes des sentiments qui nous animent tous à son égard, que celle que l'on nous demande de faire fournir par les contribuables, nos commettants ?
M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai donné assez de preuves d'attachement et de sympathie à la monarchie constitutionnelle et à la dynastie de notre choix, pour que le vote que je me propose d'émettre ne puisse jamais être considéré comme un acte d'hostilité ou de mesquine opposition. Je respecte les convictions d'amis politiques dont je suis obligé de me séparer en ce moment, j'espère qu'eux aussi voudront bien respecter mes convictions.
Tous, en 1853, nous avons voté la dotation en faveur de l'héritier présomptif de la couronne ; mais alors, du moins, on ne s'est pas borné à des banalités, on a accompagné le projet de loi d'un exposé de motifs sérieux que tous nous avons pu apprécier et qui ont servi de base à notre vote.
Eh bien, ce sont précisément ces motifs, exclusivement applicables au fils aîné du Roi comme successeur au trône, qui m'obligent à rejeter le projet actuel.
Qu'il me soit permis, messieurs, de vous rappeler d'une manière exacte ce qui s'est passé au mois de mars 1853, et j'aurai ainsi rempli la tâche que je me suis imposée.
Ce fut dans la séance du 4 mars que l'honorable M. Liedts, alors ministre des finances, présenta le projet de loi de dotation en faveur de l'héritier présomptif du trône.
L'exposé des motifs porte en termes :
« Messieurs,
« J'ai l'honneur de soumettre à vos délibérations un projet de loi ayant pour objet d'allouer à l’héritier présomptif du Roi, à compter de l'époque de sa majorité, une dotation de deux cent mille francs par an.
« Le gouvernement croit inutile de justifier cette mesure ; chez presque tous les peuples de l'Europe, le fils aîné du chef de l'Etat jouit d'un apanage sur le trésor public. Chez les uns, la dotation prend cours à la naissance du prince ; chez les autres, à l'époque de sa majorité. Si en Bavière et dans quelques autres pays le roi pourvoit lui-même à la dotation du prince royal, c’est parce que la liste civile y est relativement beaucoup plus élevée qu'en Belgique.
« La constitution du royaume des Pays-Bas (article 33) assure au prince d'Orange sur le trésor de l'Etat un revenu de 212.500 francs (100,000 fl. des Pays-Bas), à dater du jour où il atteint sa dix-huitième année ; ce revenu est doublé après le mariage du prince.
« Le projet actuel ne parle pas du mariage de l’héritier du trône. Lorsque cet heureux événement se présentera, les Chambres belges feront ce que les convenances et l'intérêt du pays lui dicteront. »
Puis il est parlé du palais de la rue Ducale et du château de Tervueren que le projet propose de mettre à la disposition du prince.
Suit le projet de loi ainsi conçu :
« Art. 1er. A compter du jour où l’héritier présomptif du Roi aura atteint l'âge de 18 ans accomplis, il lui sera alloué sur le trésor public une dotation annuelle de 200,000 francs.
« Art. 2. Le palais de la rue Ducale, à Bruxelles, et le palais de Tervueren seront mis à sa disposition à charge, etc. »
On voit donc clairement par le projet de loi et par l'exposé des motifs que la dotation de 200,000 fr. n'a été demandée en 1853 que pour l'héritier présomptif de la couronne, pour le fils aîné du roi, et non individuellement pour S. A. R. le duc de Brabant.
C'est dans ce sens que les sections, et après elles la section centrale, chargées d'examiner le projet de loi, y ont donné leur assentiment.
L'honorable M. Ernest Vandenpeereboom disait entre autres dans son rapport du 12 mars 1853 ce qui suit :
« Dans la séance du 4 de ce mois le gouvernement a soumis à vos délibérations un projet de loi ayant pour objet d'accorder à l’héritier de la couronne, à dater du jour où il aurait atteint l'âge de 18 ans accomplis, une dotation annuelle, et la disposition du palais de la rue Ducale et du palais de Tervueren.
« S'associant aux sentiments de patriotisme et de sympathie avec lesquels, sur tous les points du pays, nos populations se préparent à célébrer cet heureux anniversaire, chaque section s'est montrée favorable au principe du projet de loi. Les mesures d'application ont seules donné lieu à quelques observations que nous vous soumettons en y joignant les réponses qui ont été faîtes par le gouvernement. »
Suivent les observations de détail.
Puis l'honorable rapporteur ajoutait :
« Il a paru à la section centrale qu'au moment où, aux termes de l'article 58 de notre Constitution, l'héritier présomptif entrait pour ainsi dire dans la « vie publique », il était convenable de lui donner une dotation sur le trésor de l'Etat. D'autres nations nous ont précédés dans cette voie.
« L'histoire démontre d'ailleurs que les populations de nos anciennes provinces étaient aussi dévouées à leurs bons princes que jalouses de leurs libertés, etc. »
Ce sont ces raisons, que le ministère d'alors et après lui l'honorable rapporteur de la section centrale avaient jugé à propos de développer, qui ont engagé la Chambre à adopter le projet de loi, à l'unanimité moins une voix.
Aujourd'hui le ministère, pas plus que le rapporteur de la section centrale, l'honorable M. de Chimay, ne daigne donner le moindre motif pour appuyer la demande de dotation au profit de S. A. R. le comte de Flandre ; ils se bornent à invoquer des raisons de haute contenance, les sentiments d'amour et de respect dont la Chambre et la nation sont animées envers l'auguste famille qui préside aux destinées de la Belgique, et ils assurent qu'ils ne doutent pas de l'accueil sympathique qui sera fait à cette mesure dans le sein de la représentation du pays.
Mon honorable ami M. de Bronckart vient de répondre à ces considérations banales, et, à juste titre, il a blâmé le ministère pour un des actes les plus graves qu'il puisse poser dans la carrière qu'il a à parcourir.
Comme représentant de la nation, placé entre mes affections et les devoirs que m'impose mon mandat, je ne puis que protester, de nouveau, de tout mon dévouement à la monarchie constitutionnelle et à l'homme d'élite qui nous gouverne depuis près d'un quart de siècle, tout en suivant l'impulsion de ma conscience qui ne me permet pas de sanctionner par mon vote le projet de loi présenté par le cabinet.
La dotation votée en 1853 en faveur de l’héritier de la couronne était basée sur des motifs de droit et de bon sens, et non sur des motifs de simple convenance ; or, ces motifs de droit et de bon sens, qui appuient la dotation de l'héritier de la couronne, sont, comme je l'ai dit en commençant, précisément de nature à faire rejeter la dotation demandée pour le comte de Flandre.
En 1853 ce n'était pas pour le duc de Brabant individuelletnent que la dotation était réclamée, c'était pour le prince héréditaire, le successeur au trône quel qu'il fut, alors qu'il aurait atteint l'âge de 18 ans, (page 671) que la demande était faite, à tel point qu'en cas d'un grand malheur, en cas de décès du duc de Brabant, le prince, qui le suivait en âge, succédait à la dotation par la seule force de la loi ; ici, an contraire, la dotation est demandée en faveur du comte de Flandre nominativement et individuellement.
L'héritier de la couronne aux termes de la Constitution, comme le dit l'exposé des motifs est censé majeur à l’âge de 18 ans, il entre en quelque sorte dans la vie publique ; il n'en est pas de même du prince qui n'est pas l'aîné de la famille.
En 1853, on a invoqué les exemples que nous donnent d'autres pays ; mais ces autres pays, et spécialement la France et la Hollande, auxquelles on a fait allusion, n'ont accordé de dotations qu'aux héritiers présomptifs du Trône et non pas à d'autres princes. Le prince Frédéric des Pays-Bas, que je sache, n'a jamais joui d'une dotation sur le trésor public, et l'apanage proposé en France pour le duc de Nemours n'a pas été favorablement accueilli par la Chambre des députés. Ainsi les exemples cités, loin de venir en aide au projet en discussion, tendent le le faire repousser.
Un mot encore, et je termine. Le ministère, en plaçant la législature entre ses affections et sa conscience, a commis une lourde faute dont seul il doit supporter la responsabilité. Qu'il me permette de lui rappeler que l'obséquiosité et la flatterie ont toujours été les ennemis les plus dangereux des trônes.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j'avoue que j'étais loin de m'attendre à l'opposition qui s'est manifestée de la part des honorables préopinants, alors que dans les sections, le crédit demande a été adopté a l'unanimité.
M. de Bronckart. - C'est une erreur.
M. Rodenbach. - Il y a eu une voix opposante.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il peut y avoir eu une voix opposante dans une seule section, mais je n'en ai trouvé aucune trace dans les procès-verbaux.
Les objections que l'on présente sont basées d'abord sur une question de coustitutionnalité ; ensuite, sur ce que le gouvernement n'aurait pas suffisamment justifié la mesure proposée.
Quant à la question de constitutionnalité, l'honorable membre qui l'a soulevée l'a lui-même écartée, en rappelant un précédent posé par les Chambres ; on ne peut donc plus l'invoquer comme moyen d'opposition à la loi.
Les honorables membres nous adressent le reproche de ne pas avoir détaillé les motifs de notre proposition, comme l'ont fait, selon eux, nos honorables prédécesseurs lorsqu'il s'est agi de la dotation de S. A. R. le duc de Brabant.
Nous n'avons pas cru qu'il fût nécessaire d'indiquer à la Chambre les raisons de haute convenance auxquelles nous avons fait allusion. Le cabinet précédent avait bien certainement la même opinion quand il a inséré cette phrase dans son exposé : « Le gouvernement croit inutile de justifier cette mesure. » Qu'a-t-il fait de plus ? Il a simplement cité deux pays où le prince héréditaire reçoit une dotation.
Messieurs, j'ai pensé que peu de personnes pouvaient ignorer, dans cette assemblée, que dans presque tous les Elats de l'Europe les princes puînés et d'autres membres de la famille royale reçoivent des dotations ou apanages.
Je n'ai pas cru que cela fût ignoré ici par un certain nombre de membres de la Chambre. Si, en cas de doute à cet égard dans une section, on avait eu l'obligeance de m'engager à m'y rendre, je me serais empressé de le faire et de fournir tous les renseignements et éclaircissements qu'on tût pu désirer.
Le gouvernement, en présentant ce projet, n'a donc fait que suivre les plus rigoureuses convenances et pratiquer ce qui est d'usage dans presque tous les pays.
- La discussion générale est close et la Chambre passe à l'examen des articles.
« Art. 1er. Il est alloué à Son Altesse Royale le Comte de Flandre une dotation annuelle de cent cinquante mille francs. Cette dotation prendra cours à partir du 1er janvier 1856. »
- Adopté.
« Art. 2. En exécution de l'article qui précède, un crédit de cent cinquante mille francs (150,000 fr.) est ouvert au budget des dotations de l'exercice 1856, dont il formera l'article 2bis.
« Il sera pourvu à cette dépense au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1856. »
- Adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet, qui est adopté par 55 voix contre 6 ; un membre (M. Jacques), s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. Brixhe, de Baillet-Latour, Rogier, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, Dequesne, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, Dumon, Goblet, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Monchcur, Moreau, Osy, Rodenbach, Tack, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Allard et Anspach.
Ont voté le rejet : MM. Dautrebande, de Bronckart, de Perceval, Lesoinne, Verhaegen et de Naeyer.
M. le président. - M. Jacques, qui s’est abstenu, est invité, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Jacques. - Messieurs, lorsque j'ai voté dans cette enceinte, comme membre du congrès national, l'article 77 de la Constitution, j’y attachais la signification qu'après la liste civile, fixée au commencement d'un règne, il ne pouvait plus rien être acordé, pendant la durée du règne, a aucun membre de la famille royale. Je ne pouvais donc pas adopter le projet de loi actuel.
Mais comme la signification que j'attachais à l'article 77 de la Constitution n'a pas été admise par la Chambre lorsqu'il s'est agi de fa dotation de l'héritier présomptif de la couronne, j'ai cru devoir ne pas voter contre le projet actuel.
Deux autres motifs m'ont d'ailleurs engage à ne pas émettre un vote contraire : le premier, c'est que personne n'a plus que moi d'attachement respectueux pour la famille royale ; le second, c'est qu'en présence de la dotation de 500,000 fr. accordés à l'héritier présomptif de la couronne, la dotation proposée maintenant pour le second fils du Roi me paraît être renfermée dans des limites très raisonnables.
M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet, avec addition d'un article 2 ainsi conçu : « Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires du budget de 1855. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je me rallie à cet amendement.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des affaires étrangères deux crédits supplémentaires, l'un de 82,50 fr., à l'effet de solder une prime due pour un service d'essai entre Anvers et Istapa de Guatemala, service effectué le 14 janvier 1834, l’autre de 3,000 francs pour le payement d'une prime due du chef du doublage en métal du navire « Vasco de Gama », dans le courant du mois de février 1855.
« Le premier de ces crédits formera l'article 52, le second l'article 53 du budget du ministère des affaires étrangères pour l'exercice 1855. »
- Adopté.
« Art. 2. Ces crédits seront couverts au moyeu des ressources ordinaires du budget de 1855. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet est adopté à l'unanimité des 59 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
Ont adopté : MM. Brixhe, Dautrebande, de Bronckart, Rogier, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Perceval, Dequesne, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, Dumon, Goblet, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Tack, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Anspach et de Naeyer.
M. le président. - Le projet de loi présenté par le gouvernement se compose de trois articles ; la section centrale substitue à ces trois articles un article unique.
M. le ministre des finances se rallie t-il à cet amendement ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, en présence du découvert de 18,740 francs, que la caisse de retraite ne pourra peut-être remboursée que partiellement à l'Etat et considérant cet établissement comme ayant un but philanthropique, j'ai cru pouvoir proposer de mettre définitivement à charge du trésor les frais de déplacement des conseillers provinciaux, chargés de la vérification des comptes de la caisse de retraite.
La section centrale a exprimé l'opinion qu'il devait en être de cette dépense comme de toutes les autres qui sont faites pour la gestion de la caisse et que par conséquent elle devait être confondue dans le chiffre de dépense porté pour cet objet au budget du département des finances, dont le montant doit être successivement remboursé au moyen des 8 p. c. ajoutés à cette fin au tarif de l'institution.
Ainsi que je viens, d'en faire l'observation, il est douteux que la caisse de retraite puisse rembourser sa dette actuelle. Il me paraît donc assez indifférent que le crédit soit proposé à charge de l'Etat, ou à (page 672) titre d'avance comme toutes les autres dépenses de la caisse de retraite. J'attendrai les observations qui se produiront dans la discussion pour prendre une résolution à l'égard de l'amendement de la section centrale.
Dans le cas où cet amendement serait adopté, il est bien entendu que les dépenses de même nature qui sont faites pour l'année 1855 seront imputées sur les crédits ouverts pour le service de la caisse de retraite de la vieillesse, aux budgets de cet exercice, et qu'à l'avenir il en sera toujours de même si la vérification dont il s'agit est maintenue. Quant à présent je demande que la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.
M. Osy. - Je regrette que le gouvernement ne se rallie pas à la proposition de la section centrale qui met à la charge de la caisse de retraite les frais de déplacement des conseillers provinciaux.
Vous savez qu'en 1850, quand le projet a été soumis aux délibérations de la Chambre, il a rencontré une grande opposition ; on trouvait que c'était encore une intervention du gouvernement, dont on se serait très bien passé.
Voilà cinq ans que la caisse existe, vous voyez ce qu'elle a produit ; on a versé 350 mille francs, c'est une moyenne de 70 mille fr. par an, vous savez les efforts qui ont été faits par le gouvernement pour engager le public à verser dans cette caisse.
Les particuliers n'en ont pas voulu ; il n'y a que des conseils communaux et des caisses de prévoyance, qui n'avaient pas besoin de cette caisse, qui y aient participé en versant cette somme de 350,000 francs, en cinq ans.
Par une circonstance extraordinaire, je n'ai pas pu assister à la discussion de la loi, mais je partageais l'opinion de ceux de mes honorables collègues qui ont combattu le projet comme constituant une intervention inutile du gouvernement. La preuve, c'est que nous avons assez de compagnies d'assurances qui font assez d'opérations de prévoyance, il était inutile d'avoir recours à l'intervention du gouvernement.
On a dit : Il n'y a pas de pertes à craindre, la caisse suffira à couvrir toutes ses charges.
Nous sommes à la cinquième année et déjà la caisse est en déficit de 18 mille francs, plus les déplacements des conseillers provinciaux pour lesquels on demande un crédit de 2,277 francs. Si vous lisiez avec attention le dernier rapport de la direction de la caisse de retraite, vous verriez qu'elle avoue qu'il y a des vices dans la loi et que la loi doit être réformée pour produire ce que le gouvernement désirerait obtenir. Il n'y a pas de doute, il est vraiment ridicule que le gouvernement se mêle d'une affaire d'aussi intérêt communal.
Comment ! vous avez une caisse où il y a une commission de surveillance de plusieurs membres nommée par le gouvernement, et vous faites déplacer tous les ans un conseiller provincial de chaque province pour examiner une comptabilité de 70 mille francs !
Je vous le demande, est-ce pour l'honneur du pays que nous devons maintenir une institution pareille ?
Y a-t-il un vice ? Il faut changer la loi. Si, après l'examen par le gouvernement des vices que la commission a signalés, on n'aboutit pas, il faudra que nous terminions cette affaire.
En attendant, comme il y a un déficit de 18,000 fr., on peut ajouter à cette avance les 2,277 fr. pour lesquels un crédit est demandé.
Lorsqu'on présentera un projet de loi pour en finir, on demandera un crédit pour le tout. Ce sont les conclusions du rapport de la section centrale. Je regrette que le gouvernement ne s'y soit pas rallié.
L'honorable M. Vander Donckt a fait sur cette affaire toutes les recherches nécessaires ; il a prouvé que les frais de l'administration de la caisse ont été payés par l'Etat. Si l'institution ne prend pas de développement, il faudra que le gouvernement réponde. Or, il ne faut pas entraîner le gouvernement à des dépenses inutiles.
Je voterai contre le crédit demandé par le gouvernement et pour la proposition de la section centrale.
Si le gouvernement veut continuer à conserver cette caisse, j'espère que nous ne conserverons pas la vérification par des conseillers provinciaux qui se déplacent pour vérifier une caisse administrée par un directeur et par une commission de surveillance. Le seul but que l'on a eu dans cette intervention des conseillers provinciaux a été d'obtenir que l'on fît des versements dans les provinces ; car il n'est pas digne du gouvernement d’avoir une commission de surveillance qui doive être surveillée.
D'après ce système, vous devriez également faire surveiller la commission de siuveillancc de la caisse des dépôts des consignations et des cautionnements, dont les membres sont nommés par le gouvernement, par le Sénat et par la Chambre. Mais cette caisse n'a pas d'autre surveillant.
Elle fait son rapport au gouvernement comme le fait la caisse de retraite.
En résumé je demande avec la section centrale que la Chambre au lieu de voter le crédit demandé par le gouvernement admette la régularisation de la dépense, c'est-à-dire l'imputation sur l'article 35 du budget des finances.
M. T'Kint de Naeyer. - L'honorable préopinant vient de faire le procès à la caisse de retraite. Je ne pense pas qu'il entre dans les intentions de la Chambre d'ouvrir aujourd'hui une discussion sur l'utilité de cette institution. Je me bornerai à faire remarquer que la loi a été adoptée, après une discussion qui a duré plus de quinze jours, par soixante et douze membres ; six seulement ont voté contre.
Est-ce à dire que toutes les dispositions de cette loi soient parfaites, que rien n'ait échappé à l'attention du législateur au début de l'institution ? Non, il était donné à l'expérience d'indiquer successivement les améliorations utiles.
La commission administrative dont j'ai l'honneur de faire partie a appelé l'attention du gouvernement sur ce point. Elle a soumis à son appréciation une série de modifications qui semblent destinées à accroître l'importance de la caisse, en offrant de nouvelles facilités à ceux qui voudront y recourir.
La nécessité d'introduire des modifications dans la loi n'est pas contestable. Le besoin s'en est fait sentir, en France comme ici ; après un premier remaniement, la loi ne tardera pas à être de nouveau amendée.
Je n'en dirai pas davantage pour le moment sur la réforme proposée par la commission, d'autant plus que le gouvernement ne s'est pas encore prononcé ; mais quelle que soit cette réforme, il faut bien se pénétrer d'une chose, c'est que les institutions de prévoyance se créent par le zèle et se soutiennent par la persévérance. Ce n'est qu'à la longue que la caisse de retraite se popularisera.
Il en a été de même des caisses d'épargne qui ne rencontreront sans doute pas d'adversaires dans cette enceinte.
Voyez ce qu'elles étaient au début, en France, et ce qu’elles sont de venues aujourd'hui.
Je ne parle pas de notre pays, car l'organisation des caisses d'épargne y est bien incomplète, je dirai même que tout reste à faire sous ce rapport.
Je ne veux pas abuser des moments de la Chambre et je rentre dans la discussion du projet de loi.
La vérification de la caisse se fait en conformité des dispositions de la loi du 8 mai 1850, ainsi conçue :
« La commission publie et soumet au contrôle de neuf commissaires délégués par les conseils provinciaux le compte financier et moral de la caisse (article 20).
« Chaque conseil provincial délègue, dans sa session ordinaire, un de ses membres pour procéder à la vérification des comptes, avant l'expiration du 1er trimestre de l'année suivante (article 21). »
La loi ne prévoit rien d'ailleurs quant au mode de liquidation des frais de vérification, et aucune déclaration n'a été faite à cet égard dans la discussion à la Chambre. La vérification des comptes par les soins des membres délégués des conseils provinciaux ayant été prescrite dans l'intérêt général, la commission administrative et le gouvernement lui-même ont été d'avis que les frais auxquels elle donne lieu doivent être supportés par le budget de l'Etat et que la caisse doit rester indemne de ce chef comme elle le restera du chef du contrôle que la cour des comptes est appelée à exercer sur ses opérations.
Il ne serait pas logique de lui faire payer l'un mode de contrôle plutôt que l'autre. Il s'agit dans les deux cas d'une mesure d'intérêt général qui garantit à la fois les intérêts des déposants et ceux du trésor.
A la vérité, il a bien été entendu dans le cours de la discussion de la loi que l'administration de la caisse ne doit pas devenir onéreuse pour l'Etat ; la section centrale s'en est nettement exprimée :
« L'Etat, dit le rapport (page 7, séance du 6 décembre 1849, document, n°24), ne doit ni perdre, ni gagner. Les tarifs pourront toujours être révisés par la loi en cas de perte comme en cas de gain sans effet rétroactif sur les contrats antérieurs. »
Le gouvernement s'est plusieurs fois prononcé dans le même sens, notamment dans la séance du 18 décembre 1849 :
« Toujours le gouvernement, a dit M. le ministre de l'intérieur, a professé l'opinion que la caisse devait se suffire à elle-même. »
La commission qui a élaboré le projet de loi a été du même avis. Il a donc été bien entendu que les tarifs seraient calculés de manière à laisser le trésor indemne.
Messieurs, faut-il conclure de là que la caisse doit payer les frais résultant des mesures de précautions que l'on a prises contre elle ? L'honorable ministre des finances et tous ses prédécesseurs avaient pensé le contraire.
Il est de règle, en effet, que le trésor subît les frais de surveillance exercés par l'Etat dans l'intérêt de la généralité des citoyens. Ainsi, lorsque le gouvernement par exemple s'est réservé le droit de nommer un commissaire pour surveiller, dans un intérêt public, l'exploitation d'un chemin de fer, s'il n'a pas été stipulé dans une convention ou dans les statuts que les frais de surveillance seront à la charge de la compagnie, qui doit indemniser le commissaire ? Les mêmes principes n'ont-ils pas été défendus lorsqu'il a été question récemment des frais de surveillance des établissements insalubres ?
Il faudrait, pour que les frais fussent à charge de la caisse, une stipulation expresse dans la loi. Or, dans la question qui nous occupe, la loi sur la caisse de retraite reste muette. J'ai vérifié avec le plus grand soin toute la discussion ; on a reconnu l'utilité du contrôle, mais on n'a pas décidé que la dépense serait à charge de la caisse de retraite.
Je ferai une autre observation ; c'est que dans le calcul des tarifs, on a nécessairement tenu compte des dépenses présumées d'administration, mais on n'a pas prévu des frais de contrôle.
(page 673) L'article premier, paragraphe 2, de l'arrêté royal du 5 décembre 1850 ne laisse aucun doute à cet égard ; il y est dit que les tarifs tiendront compte des frais administration du chef desquels la valeur de la rente a été angme-tée de 5 p. c.
Lorsque la loi a été discutée, ceux qui la combattaient, loin de prévoir l'insuccès, croyaient au contraire que la caisse prendrait des proportions menaçantes pour les finances de l'Etat. Comme rapporteur de la section centrale, à cette époque, je ne me suis pas exagéré et j'ai toujours cru que l'institution se développerait lentement, car elle a trait à l'avenir et à un avenir très éloigné, bien plus qu'au présent. Cela suppose des idées de prévoyance bien invétérées et que nos classes laborieuses sont malheureusement loin de posséder puisqu'elles connaissent à peine le chemin de la caisse d'épargne. Leur éducation, sous ce rapport, reste à faire, ce sera l'œuvre du temps.
D'un autre côté, les années difficiles que nous avons traversées ont singulièrement entravé les progrès de la caisse. Ce n'est pas au milieu d'une cherté excessive, ce n'est pas lorsque le salaire de l'ouvrier est souvent insuffisant qu'on peut espérer de sa part des économies très considérables.
Quoi qu'il en soit, les prévisions les plus modestes n'ont pas été atteintes ; on avait compté sur 150,000 fr. par semestre ; le tiers à peine a été versé. De là le découvert signalé par la section centrale. Le moment est-il bien choisi pour imposer des charges nouvelles à la caisse ?
Si à l'avenir on veut changer le mode de surveillance, si l'on pense qu'il est inutile que des conseillers provinciaux se déplacent pour venir vérifier les opérations de la caisse, le gouvernement pourra proposer cette réforme en même temps que les autres.
Je dois toutefois faire remarquer à l'honorable M. Osy qu'il n'y a pas d'analogie entre la commission administrative de la caisse de retraite et la commission de surveillance de la caisse d'amortissement ; s'il en était ainsi, il y aurait évidemment double emploi.
En présence de la situation de la caisse dont les dépenses ordinaires ne sont pas encore entièrement couvertes, la Chambre ne voudra sans doute pas lui imposer des charges. Si la révision du tarif devenait nécessaire, il est évident que l'élévation des prix des rentes achèverait de paralyser l'institution.
M. Vander Donckt. - Messieurs, toute la discussion au sujet du payement de ces 2,200 fr. que le gouvernement vous demande pour indemniser les conseillers provinciaux qui ont procédé au contrôle et à la vérification de la caisse de retraite, roule sur un principe.
Il s'agit de savoir si en principe c'est le trésor qui doit payer cette somme ou si c'est la caisse.
Nul doute (et je crois qu'il n'y aura pas la moindre discussion sur ce point), nul doute que le trésor, qui, par la loi de 1850, s'est engagé à faire des avances, ne fasse encore l'avance des 2,200 fr. dont il s'agit en ce moment ; mais la question est de savoir si cette somme de 2,200 fr. doit tomber définitivement à la charge de l'Etat ou à la charge de l'institution.
Dans la discussion de la loi de 1850, tout le monde a été d'accord pour reconnaître que le trésor doit rester indemne ; le trésor s'engageait à faire les avances en attendant que la caisse fût en état de lui rembourser le montant de ces avances. Eh bien, jusqu'ici la caisse n'est pas à même de faire ce remboursement.
Il va donc de soi que le trésor doit faire encore cette avance de 2,200 francs demandés par le gouvernement ; mais, messieurs, si vous n'adoptez pas la proposition de la section centrale, vous posez un principe qui impose dorénavant à l'Etat les frais du contrôle de la caisse.
Eh bien, messieurs, cela ne me paraît pas admissible et les paroles prononcées par M. le ministre des finances à cette époque et de l'honorable rapporteur de la section centrale font voir clairement que dans l'intention de la Chambre il n'a nullement été question de mettre à la charge du trésor public les frais de vérification de la caisse. On ne peut pas même dire que cette charge soit née depuis le vote de la loi, car le mode de vérification de la caisse se trouve inscrit dans la loi elle-même.
C'est dans la loi elle-même qu'on a dit que la caisse serait vérifiée par des conseillers provinciaux, dont il en serait délégué uu par chaque province.
Qu'a-t-on dit dans la loi et dans la discussion ? Que le trésor devait rester indemne, qu'il ne s'agissait pas d'engager l'Etat dans une opération onéreuse, en un mot, que la caisse devait se suffire à elle-même. Mais il est évident que si la caisse se trouve provisoirement dans une situation qui ne lui permette pas de faire face à ses frais d'administration, le trésor doit en faire l'avance jusqu'à ce que le montant de ces frais puisse être couvert au moyen des 5 p. c. dont le prélèvement est autorisé, par le tarif, sur le montant des rentes.
Je crois donc, messieurs, qu'il convient d'admettre la proposition de la section centrale qui ne préjuge rien, qui ne décide pas, dès à présent, que les frais de surveillance doivent être à la charge de l'Etat, dans le cas même où la caisse acquerrait plus tard des facilités qu'elle n'a pas aujourd'hui.
M. Osy. - Messieurs, j'aurais désiré ne pas entrer maintenant dans les détails de la loi, mais l'honorable M. T'Kint de Naeyer s'est placé sur ce terrain, et je dois lui répondre quelques mots. Rappelez-vous, messieurs, que la loi française a été proposée après le vote de la loi belge, et qu'en France on avait adopté un taux d'intérêt de beaucoup supérieur au nôtre. Il en est résulté que dans la première ou la deuxième année de l'existence de la caisse en France, il y a eu pour 25 millions de versements. On a reconnu alors que le tarif établi serait une véritable cause de ruine pour la France, et on s'est empressé d'abaisser 1er taux de l'intérêt au niveau, je pense, de celui que nous avions adopté. L'année suivante, les versements ont diminué d'une manière considérable, et, si je suis bien informé, les versements ne s'élevaient plus en 1854 qu'à 1,500,000 fr., tandis que la première année, je le répète, ils s'étaient élevés à 25,000,000.
Messieurs, quand vous avez à côté de vous la caisse d'épargnes qui est la véritable caisse de prévoyance, il ne fallait pas créer une caisse de retraite qui n'est pas dans les mœurs des habitants. La preuve que cette caisse n'est pas dans les mœurs, c'est que presque rien n'a été versé malgré tous les efforts qui ont été faits pour appeler les versements. Nous voyons à chaque instant des articles au Moniteur ; dans les communes, on fait tout ce qu'on peut pour amener chacun à participer à la caisse de retraite, et tout cela a produit, en moyenne, 70,000 francs par an.
Messieurs, à côté de cette caisse de retraite que le gouvernement a voulu instituer malheureusement sous un ministère qui aimait beaucoup se mêler de tout, nous avons dans le pays des compagnies d'assurances dont une seule fait pour cinq millions d'affaires par an. Mais cette compagnie ne se borne pas à la seule combinaison qui a été admise par le gouvernement ; elle comprend toutes les combinaisons possibles : pensions pour la vieillesse, pensions de retraite avant la vieillesse, rentes viagères immédiates, en un mot, toutes les combinaisons imaginables. Vous avez une ancienne compagnie qui existe depuis vingt-cinq ans, qui est dirigée par l'honorable M. Coghen et dont les statuts ont de nouveau été approuvés avec des modifications, en 1855.
Il y a, en outre, une grande compagnie, la « Royale belge » et les « Rentiers réunis », qui embrasse également toutes les combinaisons possibles. Ces compagnies donnent toute sécurité au public, à tel point qu'il y a des commissaires royaux pour surveiller leurs opérations.
Eh bien, messieurs, quand la caisse de retraite de l'Etat ne fait rien, ne vaudrait-il pas mieux laisser ces affaires à l'industrie privée moyennant surveillance de la part du gouvernement et reddition des comptes-au gouvernement.
Ces garanties sont nécessaires, car lorsque l'Etal accorde une concession de cette nature il faut que le gouvernement ait la plus grande surveillance pour la sécurité de ceux qui font des opérations quelconques, avec la compagnie.
Ainsi, la caisse de retraite ne produit aucun résultat. Le gouvernment est dans l'intention, paraît-il, de modifier la loi ; quand il nous proposera ces modifications, nous verrons ce que nous aurons à faire. Demeurons pour le moment dans le statu quo. Lors de la discussion de la loi de 1850, il a été bien entendu que la caisse ne coûterait rien à l'Etat et qu'avec les bénéfices on payerait les frais d'administration. Nous savons qu'il y a un déficit de 18,750 fr. ; payons les 2,277 francs montant du crédit demandé par le projet de loi, sur l'article 33 du budget du département des finances ; plus tard nous aurons peut-être à combler tout le déficit, nous aurons un ensemble quand il s'agira de réviser la loi de 1850, pour autant que le gouvernement juge convenable de maintenir la caisse de retraite.
Pour moi, j'ai toujours été contraire à l'institution d'une semblable caisse, parce que les personnes qui viennent y faire des versements et qui meurent avant l'époque de l'entrée en jouissance, ne peuvent pas laisser leur capital à leurs héritiers, tandis qu'il n'en est pas de même à la caisse d'épargne.
Contrairement à l'opinion exprimée par mon honorable ami, M. T'Kint, je ne pense pas que les frais de déplacement des conseillers provinciaux doivent être supportés par l'Etat. Je regrette que le gouvernement ne se soit pas rallié à l'amendement de la section centrale qui laisse la question intacte ; je voterai pour cet amendement.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, puisqu'on a parlé, de l'institution en elle-même, je dois déclarer que l'opinion du gouvernement est que l'expérience n'est pas suffisante encore pour qu'on puisse apprécier avec quelque certitude le développement que peut prendre l'institution dont nous nous occupons.
Messieurs, la commission administrative qui remplit ses fonctions, avec autant de désintéressement que de zèle, m'a soumis, au mois de décembre dernier, un projet de modification rédigé par un de ses membres.
Ce travail indique quelques améliorations utiles à introduire dans les statuts de la caisse de retraite ; cependant je dois ajouter que des dispositions semblables à plusieurs d'entre elles existent déjà dans les statuts de la caisse de retraite établie dans un pays voisin et qui malheureusement n'a pas non plus jusqu'ici répondu complètement à l'attente générale. En 1854, par exemple, les sommes versées dans la caisse de retraite de la vieillesse en France ne se sont élevées qu'à 1,500,000 francs.
Quoi qu'il en soit, les propositions qui m'ont été soumises, feront l'objet d'un examen sérieux de ma part, et j'espère qu'à une époque assez prochaine, que je ne puis cependant pas déterminer, nous pourrons saisir la Chambre d'un projet améliorant l'institution.
Quant à la question qui est actuellement soumise à vos délibérations, j'ai déjà déclaré que je n'y attachais pas d'importance.
Il faut bien le reconnaître, dans la discussion de la loi de 1850, une (page 674) pensée qui a été constamment admise, est que cette institution ne devait, sous aucun rapport, être onéreuse à l'Etat, que par conséquent elle devait supporter seule tous ses frais ; j'ai exposé tout à l'heure les considérations qui m'avaient amené à proposer un crédit, libellé de telle sorte que la dépense restait définitivement à la charge de l'Etat.
En réalité cela importe peu ; car si la caisse est appelée à prendre une grande extension, les 5 p. c. réservés pour remboursement des dépenses avancées par l'Etat seront plus que suffisants ; si, au contraire, elle reste dans son état actuel, la somme qui fait l'objet du projet de loi, ainsi que le surplus du découvert, resteront nécessairement à charge du trésor public.
Je ne vois donc aucune difficulté à me rallier à la proposition de la section centrale.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, comme l'a dit en terminant l'honorable ministre des finances, la question en discussion est peu importante au point de vue financier ; il me semble que le projet de loi présenté par l'honorable ministre et auquel il vient, je le regrette, de renoncer, peut facilement se justifier aussi en principe.
Très souvent des membres d'une députation permanente ou des conseillers provinciaux sont chargés d'une mission dans l'intérêt de l'Etat ; dans ce cas, leurs frais de déplacement et de séjour sont payés sur le trésor public... (Interruption.) sont payés, dis-je, par le trésor. Il faut bien qu'il en soit ainsi, car ces conseillers agissent alors dans l'intérêt de l'Etat.
Ainsi, des conseillers provinciaux ou des membres d'une députation permanente sont parfois appelés à présider à des enquêtes ou à d'autres opérations que le gouvernement leur confie, alors le budget de l'Etat solde leurs frais de route et de séjour, et c'est justice.
Dans la circonstance qui nous occupe, il est évident que les conseillers remplissent une mission gouvernementale. Pourquoi en effet sont-ils appelés à contrôler la gestion de la caisse de retraite ? C'est dans l'intérêt de l'Etat qui a placé cette caisse sous sa garantie.
Dans les sociétés particulières, les commissaires sont payés par les actionnaires, mais ceux-ci les nomment et ils ont à sauvegarder leurs intérêts. Il serait assez singulier de faire payer le contrôleur par le contrôlé. Ce système offrirait peu de garantie.
On parle des compagnies de chemins de fer ; on dit que les traitements des commissaires du gouvernement près de ces compagnies sont à la charge des sociétés elles-mêmes.
Il y a dans les deux cas une différence notable. En premier lieu, les statuts des compagnies le prévoient ; en second lieu, le gouvernement peut exiger beaucoup de ces compagnies, parce qu'il leur accorde en réalité, pour un grand nombre d'années, un monopole, un privilège, et c'est là un avantage immense.
Je ferai remarquer que l'Etat intervient souvent dans des dépenses d'une importance beaucoup moins grande et moins sociale. L'Etat a créé la caisse de retraite ; il a intérêt à ce qu'elle soit bien administrée ; il doit intervenir dans le payement des frais de contrôle, c'est à-dire dans les dépenses de déplacement que font les conseillers provinciaux chargés de la surveillance des opérations de la caisse.
Au point de vue des principes, le projet de loi se justifie doue parfaitement.
D’ailleurs, si le projet de la section centrale était adopté, ce résultat serait en définitive le même ; si la caisse fonctionnait mal, l'Etat serait obligé de payer. Je ne vois pas quel intérêt nous avons à modifier le projet du gouvernement.
Je désire appeler l'attention de la Chambre sur un autre point. L'honorable M. Osy qui a ouvert la discussion a examiné non seulement le projet, mais l'institution elle-même ; il a constaté un fait, c'est que la caisse n'a pas répondu à l'attente générale.
Quelles sont les causes de cet insuccès ?
D'après moi elles sont faciles à définir. Je ne parlerai pas de la concurrence faite à cette caisse par les sociétés particulières, mais il y a deux causes spéciales qui ont empêché l'institution de produire les résultats utiles que nous étions en droit d'en attendre. L'honorable M. Osy vient lui-même d'indiquer la première ; il a rappelé que le projet de loi a été présenté par un ministère qui, dans l'opinion de l'honorable membre, se mêlait de tout ; la deuxième cause gît dans l'organisation de la caisse elle-même.
L'honorable M. Osy, en rappelant la naissance de la caisse, ne constate-t-il pas que cette institution est pour un grand nombre de personnes entachée d'un péché originel que le baptême même de la majorité n'a pas pu effacer ?
Une institution nouvelle a besoin d'un certain patronage ; le patronage a manqué à la caisse de retraite, on s'est trop souvenu du cabinet qui a présenté le projet de loi, on n'a pas considéré la chose en elle-même et en dehors de l'esprit de parti.
Un appui franc et loyal lui a manqué en général. On l'a abandonnée à elle-même, on l'a accueillie avec froideur, je pourrais même dire avec défiance ; dans une pareille situation, le succès de la caisse était difficile à réaliser.
L'honorable M. Osy a dit encore : Ce genre d'institutions n'est pas dans nos mœurs. Mais c'est justement parce que cela est, que tous les hommes éclairés devraient se réunir pour populariser une mesure excellente et la faire ainsi entrer dans les mœurs de nos populations.
Il faut le reconnaître, n'est-il pas utile et sage de déterminer les classes ouvrières à faire durant leur jeunesse, des économies qui mettraient leur vieillesse à l'abri des besoins. Ce système n'est-il pas préférable à celui de l'aumône, n'est-il pas plus honorable et plus digne t J'entends dire : C'est du socialisme ! Erreur ; c'est de l'économie, de l'économie sage et prudente et rien de plus ; du socialisme ! Ce mot aujourd'hui n'a plus le privilège même d'effrayer les timides.
L'honorable député d'Anvers nous dit encore : Il y a des sociétés particulières qui font toutes sortes d'opérations de ce genre. Je ne veux ni défendre ni attaquer ces sociétés, je ne veux ici ni réclamer ni critiquer, ces opérations doivent se faire en dehors des Chambres législatives ; mais la caisse de retraite placée sous la garantie du gouvernement ne présente-t-elle pas des sûretés et ne se trouve-t-elle pas dans des conditions que ces sociétés privées ne peuvent pas offrir ?
Il est évident que des actionnaires n'instituent pas une caisse de survie ou de retraite dans une pensée de philanthropie, mais bien dans une pensée de lucre, pour toucher de bons dividendes, et s'ils gagnent de l'argent, n'est-ce pas sur les assurés qu'ils le gagnent ? Les assureurs exploitent donc, je ne dirai pas les assurés, mais l'autorisation qu'ils ont obtenue d'établir une société anonyme. L'Etat n'a pas intérêt à faire des bénéfices, il n'a d'autre intérêt que celui d'assurer une veillesse honorable aux ouvriers probes et économes ; il n'y a donc nulle analogie entre les sociétés d'assurances et la caisse générale de retraite instituée par la loi ; cette caisse doit être conservée, elle peut être très utile.
J'ai dit qu'un certain patronage était à peu près indispensable au succès de cette institution nouvelle ; partout où les conseils communaux, des chefs d'ateliers ou des particuliers sont intervenus, partout où la caisse a trouvé de l'appui, on a obtenu des résultats très satisfaisants. Je puis citer la ville d'Anvers, où les jeunes gens qui fréquentent l'école primaire ont reçu des livrets à la caisse de retraite ; à Ypres, où les élèves de l'école communale gratuite, qui obtenaient les premières nominations, reçoivent des inscriptions à la caisse de retraite, en quelques années vingt-cinq élèves y ont reçu des livrets assurant 600 fr. de rente à l'âge de 55 ans. Eh bien, ces vingt cinq jeunes gens ont acquis depuis, au moyen de leurs économies, 600 autres francs de rente, ce qui assure dès à présent à chacun d'eux 48 fr. de revenu à l'âge de 55 ans ; s'ils continuent à agir ainsi, à l'âge de 25 ans ils seront à l'abri de la misère pour leur vieillesse.
J'ai dit que des causes intrinsèques n'ont pas permis à la caisse de produire tout le bien que nous en attendions. L'organisation n'est pas irréprochable, en effet ; est-ce étonnant ? La Belgique a pris l'initiative de ce genre d'institution.
Quand on ne faisait qu'y songer ailleurs, nous l'avons établi ici, c'était sous le ministère de MM. Rogier et Frère, qui se sont en effet mêlés de beaucoup de choses, comme dit M. Osy, mais, à mon avis, de beaucoup de bonnes choses ; au début, on ne savait pas bien comment organiser cette caisse, on a fait des essais, des tentatives, des fautes peut être ; il restait beaucoup à apprendre ; l'expérience a démontré qu'on a fait erreur en quelques points.
Ainsi, si on révisait la, loi, je consentirais à ce que le contrôle ne se fît plus par des conseillers provinciaux, mais par d'autres fonctionnaires.
L'institution renferme, je le reconnais, d’autres vices. Pourquoi nep as permettre de faire des versements avant l'âge de 18 ans ? Si on révisait les statuts, il serait désirable qu'on pût faire des versements avant cette époque. Il serait bon aussi que l'on pût restituer le capital au besoin ; ce serait, je pense, un élément de succès.
C'est, du reste, ce que demande, je pense, la commission qui administre la caisse avec le zèle le plus louable.
Je crois devoir recommander cette affaire à M. le ministre en le priant de nous soumettre, dans le plus bref délai possible, les modifications proposées par la commission afin de pouvoir améliorer l'institution. Si tout dabord on n'a pas complétement réussi, ce n'est pas une raison pour supprimer la caisse de retraite. Quand une maison a des défauts, on ne la démolit pas, on la répare.
La caisse de retraite, je le répète, est une excellente chose. Quand la loi qui l'institue sera révisée, elle prospérera, elle entrera, comme en Angleterre, comme dans d'autres pays, dans les mœurs et les usages de nos populations aussi morales que laborieuses ; profitons de l'expérience des pays voisins, de l'expérience des sociétés particulières, de celles surtout qui donnent de bons dividendes à leurs actionnaires ; examinons leurs statuts et empruntons-leur les heureuses dispositions qu'ils renferment.
Espérons enfin que les honorables membres qui ont étudié sérieusement et pratiqué avec succès ces institutions, nous aideront de leurs conseils et nous permettront d'asseoir la caisse de retraite de l'Etat sur des bases solides. Nous rendrons ainsi un service réel à nos populations ouvrières si dignes de toute la sollicitude du parlement.
M. T’Kint de Naeyer. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable baron Osy a affirmé que la caisse de retraite est complètement inutile, en présence des sociétés particulières d'assurances sur la vie.
Je ferai remarquer qu'il n'y a aucune assimilation possible. L'immense majorité sinon l'unanimité de la Chambre a été de cet avis.
C’est en quelque sorte le couronnement de la prévoyance. Les caisses d'épargne, les sociétés de secours mutuels, les caisses de retraite (page 675) dérivent du même principe et tendent au même but par des moyens divers ; elles se complètent et se fortifient les unes par les autres. Aussi ont-elles toujours été intimement liées dans les conceptions du législateur.
Si la garantie de l'Etat a été jugée nécessaire pour les caisses d'épargne, elle ne l'est pas moins pour la caisse de retraite, où il s'agit de semer longtemps avant de récolter.
La garantie de l'Etat peut seule décider l'ouvrier à se servir d'une pareille institution.
Toutes les opérations ont lieu par l'intermédiaire officieux et gratuit du département des finances. L'Etat n'a en vue aucun bénéfice, tandis que les sociétés dont on nous a parlé doivent nécessairement se préoccuper des dividendes qu'ils pourront offrir à leurs actionnaires.
La loi sur la caisse de retraite donne aux classes laborieuses le moyen de se procurer, au plus bas prix possible, une pension pour traverser les mauvais jours de la vieillesse.
Ainsi chaque travailleur peut, au moyen d'économies insensibles, devenir pensionnaire de l'Etat. Cette idée n'est pas nouvelle ; elle a été mise en pratique en Angleterre depuis un grand nombre d'années. La France est dotée d'une institution semblable.
Si mes souvenirs sont exacts, l'honorable ministre des finances actuel avait déjà songé en 1845, à réclamer des Chambres les pouvoirs nécessaires pour établir les caisses de survie dans le projet de loi d'organisation de la caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations.
Je suis loin de dire, je le répète, que la combinaison à laquelle nous nous sommes arrêtés en 1850, soit parfaite. Les améliorations indiquées par l'expérience sont les meilleures. Il faut marcher progressivement selon les besoins qui se révèlent.
La caisse de retraite a eu à lutter contre les obstacles que rencontre toute institution nouvelle, et de plus avec la difficulté des temps, avec la cherté. Le patronage du gouvernement, des Chambres, de tous ceux qui s'intéressent à l'amélioration du sort des classes laborieuses lui sera plus que jamais indispensable.
En terminant j'insiste vivement avec les honorables préopinants pour que le gouvernement et la législature prennent des mesures qui consolideront l'institution en l'améliorant.
Quant au projet de loi, M. le ministre des finances n'ayant pas cru devoir le maintenir, son adoption a moins de chances. Je persiste néanmoins à l'appuyer, la caisse n'étant pas dans une situation qui lui permette de supporter des charges nouvelles.
- La discussion générale est close.
Le vote sur l'article unique du projet de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié, constate que la Chambre n'est plus en nombre ; 49 membres seulement sont présents.
- La séance est levée à 4 heures et demie.