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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 18 janvier 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 351) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Buyse demande qu'il lui soit donné un défenseur dans une contestation judiciaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Ath demandent une loi exemptant de tous frais les propriétaires qui poursuivent le déguerpissement des locataires en défaut de payer. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Mestdagh et Cie demandent la restitution d'un droit d'enregistrement auquel s'est trouvé assujetti un contrat qui a été annulé de commun accord entre les parties, sans avoir reçu de commencement d'exécution. »

- Même renvoi.


« Des secrétaires communaux du canton de Beeringen déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 21 décembre dernier. »

« Même déclaration de secrétaires communaux du canton de Saint-Trond. »

- Même renvoi.


« Des industriels, commerçants et propriétaires à Haine-Saint-Paul présentent des observations contre le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

« Mêmes observations des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'habitants de Fontaine-l'Evêque. »

- Renvoi à la section cenlrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs habitants de l'arrondissement de Courtrai présentent des observations en faveur d'un chemin de fer de Courtrai vers Avelghem et le centre de la Flandre orientale qui a été proposé par le sieur Tarte.

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Tack. - Messieurs, la pétition dont vous venez d'entendre l'analyse, émane d'un grand nombre d'habitants du canton d'Avelghem, arrondissement de Courtrai.

Les pétitionnaires demandent que l'on accorde à M. Tarte la concession d'un chemin de fer partant de Braine-le-Comte et devant aboutir à Courtrai. Ce projet se combine avec les demandes en concession présentées par MM. Moucheron et Delaveleye et par MM. Maertens et Cie ; comme la Chambre aura incessamment à s'occuper de ces demandes, je la prierai d'inviter la commission à faire un prompt rapport sur la requête dont il s'agit.

M. Matthieu. - J'appuie la demande d'un prompt rapport sur cette pétition, qui est d'une très grande importance.

- La proposition de M. Tack est adoptée.


« Il est fait hommage à la Chambre par la commission royale d'histoire de 110 exemplaires des « Relations des ambassadeurs vénitiens sur Charles-Quint et Philippe II. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.

Rapports sur des pétitions

M. Lelièvre. - La Chambre a renvoyé à l'examen de la section cenlrale une pétition du conseil communal de Wasmes qui conteste l'interprétation que le gouvernement a cru devoir donner à l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 sur l'instruction primaire.

Les pétitionnaires estiment qu'en aucun cas les obligations des communes ne peuvent être étendues au-delà des limites énoncées à l'article dont il s'agit, qui, selon eux, détermine clairement les charges auxquelles sont astreintes les communes en ce qui concerne l'enseignement primaire.

La section centrale fait remarquer que le rapport déposé en son nom le 18 janvier 1855, contient la réfutation du système du conseil communal de Wasmes, qui perd de vue la disposition générale de l'article 20 de la loi du 23 septembre 1842, disposition qu'on ne peut concilier logiquement avec l'article 23 de la même loi, qu'en admettant l'interprétation contraire à la prétention des pétitionnaires.

L'article 20 en question consacre un principe général qui exclut toute exception. Dès lors l'article 23 ne s'applique qu'à l'hypothèse ou les ressources communales sont insuffisantes pour satisfaire aux obligations prescrites par l'article 20.

Le système que nous combattons n'est fondé, du reste, que sur un argument à contrario déduit de l'article 23. Or, l'on sait que cet argument, si souvent vicieux, est inadmissible lorsqu'il a pour objet de porter atteinte à une diposition générale d'une loi quelconque. C'est précisément ce qui a lieu dans l'espèce en présence des termes si précis de l'article 20.

La section centrale, à la majorité de quatre voix contre deux, persiste en conséquence dans les considérations émises en son premier rapport, et, du reste, elle propose à la Chambre d'ordonner que la pétition dont il s'agit sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la révision de l'article 23 ci-dessus énoncé.

Les membres de la section centrale qui n'ont pas partagé l'avis du rapport ont motivé leur vote, l'un sur ce que les raisons déduites en la pétition justifient l'interprétation donnée à l'article 23 par le conseil communal de Wasmes, et l'autre sur ce que des considérations puissantes exigent au moins qu'une loi nouvelle soit portée en ce sens.

- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, le sieur Cornu demande qu'il soit donné une interprétation directe à la première partie de l'article 1728 du Code civil ; que le locataire de jardins et terres dépendantes de propriétés bâties, soit traité sur le même pied que le fermier sortant ; qu'il soit permis de se défendee, sans constitution d'avoué, devant le tribunal de première instance ; qu'il soit pris des mesures relativement aux avances à rembourser aux avocats et à leurs honoraires ; que les actes de non-conciliaiion relatent les motifs du refus de transiger ; que les 25 lignes, dans les expéditions des actes publics, soient de 15 syllabes environ ; que les procédures contre les insolvables soient gratuites ;qu'il y ait un maximum de frais d'avocats jusqu'à la première audience inclusivement ; que les notaires ne puissent se charger d'intenter ni de diriger des actions en justice.

Le pétitionnaire entre dans de longs développements et des détails minutieux pour étayer le fondement des nombreuses réformes qu'il sollicite de la législature ; il énumère longuement toutes les phases d'un procès qu'il a eu à soutenir et dans lequel il prétend avoir été victime de plusieurs vexations injustes de la part des avocats, des avoués et des notaires. Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - L'administration communale de Waesmunster prie la Chambre d'accorder à la compagnie Urbug la concession d'un chemin de fer de Termonde à St-Nicolas, par Hamme et Waesmunster.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Bruxelles le 24 mai 1855, les sieurs Minne et Colson, directeurs de la société de la boulangerie économique Bruxelloise, réclament l'intervention de la Chambre pour être admis à verser au trésor la taxe de leur brevet, qu'ils ont omis de faire acquitter au jour fixé et pour ne pas être frappés de déchéance de leur privilège.

Les pétitionnaires accusent un oubli involontaire. Ils font valoir le but philanthropique de l'établissement, fondé pour adoucir les misères de la classe ouvrière, si cruellement éprouvée par la cherté des subsistances. Vainement, ils se sont adressés à la députation permanente et au département de l'intérieur, qui les ont déboutés de leur demande.

Votre commission ne s'est pas dissimulé que la société s'est constituée en contravention à la loi sur les brevets ; elle a cru cependant pouvoir vous proposer le renvoi pur et simple de cette requête à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Le sieur de Maiffe, commissaire de police à Namur, demande une indemnité pour les commissaires de police qui exercent les fonctions du ministère public près des tribunaux de simple police.

(page 352) Le pétitionnaire fait valoir à l'appui de sa demande l'augmentation considérable de là compétence dès tribunaux de simple police depuis la loi du 1er mai 1849, outre les soins ordinaires des poursuites des affaires, les correspondances incessantes 1° avec les auteurs des procès-verbaux pour renseignements et avis ultérieurs ; 2° avec les procureurs du roi au sujet des états et tableaux prescrits ; 3° avec le gouverneur au sujet des mendiants et vagabonds arrêtés et condamnés ; 4° les écritures nombreuses au sujet de l'exécution des jugements, des détails de statistique, etc.

Votre commission, messieurs, appréciant l'importance des considérations contenues dans la nombreuse série de pétitions à ce sujet présentées à la Chambre, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette demande à M. le ministre de la justice.

M. Lelièvre. - J'appuie les conclusions de la commission et j'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur la demande du pétitionnaire. La juridiction des tribunaux de simple police est considérablement augmentée. L'on sait que les chambres du conseil des tribunaux correctionnels ont même la faculté de leur renvoyer la connaissance de délits qui, à raison des circonstances atténuantes, paraissent ne devoir être punis que de peines légères.

Le travail des commissaires de police s'étant accru notablement, il est juste de rémunérer d'une manière convenable ces magistrats dont la position mérite d'être prise en considération par le gouvernement.

- Le renvoi à M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au ministère des travaux publics

Discussion générale

(page 357) M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, je suis d'accord avec l'honorable M. Frère-Orban, sur la nécessité de maintenir entre les mains du gouvernement l'exploitation des chemins du fer. Mais pour que cette exploitation puisse être maintenue entre les mains de l’Etat, je crois qu'il faut une bonne administration, une exploitation intelligente : il faut tâcher de produire le plus et de dépenser le moins. Jè crois que sur ce point l'honorable membre sera d'accord avec moi, niais je pense aussi quo l'honorable membre avouera avec moi que l'administration actuelle ne répond pas à ces conditions.

Un des vices principaux de l'administration actuelle et que l'honorable M. Frère-Orban reconnaît, c'est que l'action du ministre n'est pas assez puissante, c'est que le ministre ne parvient pas à exercer sur les actes de l'administration un contrôle suffisant, que bien des faits importants échappent à son investigation, qu'enfin l'impulsion que le Ministre devrait donner au chemin de fer n'est pas assez complète. Il y a une espèce d'usurpation de l'autorité ministérielle, l'action du ministre est paralysée, parce qu'il a derrière lui un homme qui peut être considéré comme une sorte de ministre non responsable.

Telle est l'opinion de l'honorable M. Frère, telle est l'opinion du public, et je dirai que telle est également mon opinion.

Il doit être porté remède à ce mal ; c'est l'opinion de l’honorable M. Frère, c'est également la mienne. L'honorable M. Frète et moi, nous voulons donc atteindre le même but ; nous faisons route ensemble, mais sur le chemin nous nous séparons.

Voyons ce que veut l'honorable M. Frère.

Il doit y avoir, en ce qui concerne l'administration des chemins de fer, deux pouvoirs bien distincts ; il y a le pouvoir qui donne l’impusion, qui trace les principes, qui contrôle, qui juge les actes, qui approuve ou qui blâme ; ensuite, il y a le pouvoir qui agit, qui exécute et prend les mesures de détail, conformément aux principes tracés.

Le premier pouvoir, c'est le pouvoir ministériel ; le second, c’est l'exploitation.

Pour mettre le ministre à même d'exercer le premier pouvoir, que veut l'honorable M. Frère ? L'honorable membre place au département un petit nombre d'employés. Je crois qu'à l'époque où il était ministre, il y en avait onze, plus un bureau de contrôle des recettes et des opérations du magasin central ; je dois ajouter qu'il y joignait un bureau de statistique du mouvement.

Je dirai d'abord qu'en ce qui concerne le contrôle, je suis de l'avis de l'honorable M. Frère ; il faut un contrôle au département, seulement je veux que ce contrôle soit plus étendu que celui admis par l'honorable membre.

Le ministre, dans l'état actuel des choses, n'intervient d'aucune façon dans la vérification des documents constatant les recettes. Ce travail se fait à la direction. L'intervention du ministre se borne à considérer les états comme exacts et à les approuver. Il n'intervient pas davantage dans l'examen des dépenses. Pour lui, sauf les états qui lui sont transmis pour liquidation, rien n'établit que les travaux et les achats autorisés oat été faits et qu'ils l'ont été conformément aux cahiers des charges.

C'est là, à mon avis et dans l'opinion de l'honorable M. Frère, un vice radical ; il a voulu y porter remède ; le comité, dans les propositions qu'il a en l'honneur de faire au ministre, a proposé le même remède que celui qui a été indiqué par l'honorable M. Frère.

Le contrôle est donc nécessaire ; il doit être établi au département. Mais il ne suffit pas que le ministre contrôle ; le ministre doit donner l'impulsion, tracer la politique de l'exploitation, trancher les questions de principe, diriger son département dans ses parties les plus essentielles.

Messieurs, mon honorable collègue et excellent ami M. de Man, vous a dit hier que les renouvellements ministériels sont fréquents en Belgique. A peine, vous a-t-il dit, un ministre des travaux publics reste-t-il pendant deux ans aux affaires.

Je le demande à l'honorable M. Frère, lorsque descendant du barreau de Liège il est venu s'asseoir sur le banc ministériel, avec toute son intelligence, avec tout son talent, s'est-il senti en état de diriger l'administration des chemins de fer comme il l'aurait voulu ? L'honorable M. Frère avait besoin d'une assistance, d'un appui ; aussi l'a-t-il avoué, dans son discours d'avant-hier ; il a dit qu'il devait y avoir au département quelque chose servant d'appui au ministre, quelque chose maintenant les traditions administratives, perpétuant en quelque sorte l'administration. Eh bien, messieurs, où l'honorable M. Frère chercha-t-il cet appui ? Il croit le trouver dans un certain nombre de fonctionnaires, de commis. Nous différons d'opinion à cet égard avec l'honorable membre. Nous croyons qu'un comité consultatif composé de personnes haut placées dans l'opinion publique, de personnes telles que celles qui, aujourd'hui, font partie du comité consultatif, assisterait, beaucoup mieux le ministre inexpérimenté que les meilleurs des commis.

Messieurs, permettez-moi de vous dire ici quelle est la composition du comité des chemins de fer. Peut-être tous les noms des membres qui composeut ce comité ne vous sont-ils pas connus. Il y a d'abord l'honorable M. Loos, homme essentiellement pratique ; il y a l'honorable M. Tesch, homme dont les connaissances et l'intelligence ne sont déniées par personne ; M. Tesch, ce n'est pas inutile de le dire, est lui-même à la tête de l'administration d'un chemin de fer important. Il y a l'honorable M. Dolez. dont personne ne contestera la haute intelligence ; il y a mon honorable ami, le général de Lannoy, qui dirige avec tant d'honneur le génie militaire ; il y a le savant général Nerenburger. Le comité compte parmi ses membres deux industriels placés au plus haut rang, mes honorables amis, MM. Spitaels et Elias, et enfin mon excellent ami, de Man d'Attenrode, dont le zèle pour le bien public est connu de tous.

Je vous le demande, messieurs, le ministre ne trouverait-il pas plus de garantie de bonne administration et de bon conseil dans un comité qui renferme de pareils hommes que dans un bureau composé d'un certain nombre de commis ? Pour ma part je l'avoue, j'ai peu de confiance dans les traditions des bureaux. Je crois peu à leurs idées d'améliotation et de progrès ; je ne veux pas médire des bureaux, mais l'expérience m'a appris qu'ils se dégagent difficilement de la routine, des habitudes, ces habitudes fussent-elles des abus.

Aussi est-ce des bureaux que sont venus le plus d’obstacles à nos projets de réforme ? Ce qui était admis ailleurs, ce qui y opérait avec le plus d’aisance était taxé d’idées irréalisables, d’impossibilités par des hommes de bureau. Ce n'a pas été de la part des chefs du département, ni de mon honorable ami, M. Van Hoorebeke, ni de l'honorable M. Dumon que l'opposition est venue ; si, dis-je, nous avons rencontré des obstacles, c'est la routine des bureaux d’administration qui les a élevés.

Messieurs, permettez-moi de vous faire connaître, par un exemple, comment les bureaux s'opposent aux améliorations les plus désirables. Depuis longtemps un projet d'organisation avait été déposé, discuté, rediscuté et admis par le ministre, mais ce projet d'organisation n'était pas complet. C’était un règlement définissant les attributions principales de tous les fonctionnaires et indiquant pour chaque service les principaux employés.

Pour compléter notre travail il fallait la fixation des cadres. On a très souvent reproché à l'administration du chemin de fer de ne pas avoir des cadres arrêtés, et on a considéré cette absence de cadres comme une des causes de la grande dépense qui s'y faisait en traitements.

(page 358) Dans une de nos premières séances, un honorable membre dont j'ai tout à l'heure oublié le nom, et à qui je dois rendre justice pour le zèle qu'il a déployé dans tous les travaux du comité ; j'entends parler de l'infatigable M. Quoilin, secrétaire général du ministère de finances ; l'honorable M. Quoilin qui fait également partie du comité, a demandé dès une des premières séances, que l'administration voulût bien nous fournir les tableaux des employés au chemin de fer. Ce tableau jusqu'à ce jour ne nous a pas été fourni.

Nous avions demandé en outre que l'administration nous fît ses propositions relativement aux cadres en rapport avec notre projet ; nous avions pensé que l'administration était mieux à même que nous de prendre l'initiative à cet égard. Or qu'est-il advenu ? L'organisation nouvelle était admise par le ministre, M. le directeur général l'avait votée avec nous, il avait presque constamment été d'accord avec nous ; nous pensions donc ne devoir rencontrer aucune opposition en ce qui concerne le chiffre du personnel. Eh bien, c'était erreur. Les cadres que l'administration vint nous proposer c'était le renversement de tout ce que nous avions fait, c'était le maintien de ce qui existait avec sa monstreuse superfétalion d'employés.

Pour le service de la voie, il y a aujourd'hui 143 agents réguliers. Il devait résulter de notre projet d'organisation une diminution considérable dans le personnel de ce service. Nous avions eu l'honneur de l'indiquer à M. le ministre et nous avions appelé son attention sur cette réduction, lui proposant d'améliorer la position des fonctionnaires en proportion de la diminution de leur nombre. De combien d'agents pensez-vous que l'administration crut pouvoir faire le sacrifice ? Cette réduction se bornait à neuf et je ne sais pas vraiment s'ils ne devaient pas retrouver leur place dans quelque service de constructions nouvelles qui présente toujours des ressources sur ce point. Un des chefs de service les plus capables s'engageait d'un autre côté à prendre la responsabilité du service avec 72 agents.

Voilà, messieurs, ce que c'est que les bureaux. N'attendez pas d'eux des progrès ; n'attendez pas d'eux des améliorations. Ils veulent marcher dans la voie où ils marchent depuis longtemps ; ils veulent maintenir les abus, maintenir la routine.

Qu'est-ce que les bureaux ont produit ? Vous avez été ministre, M. Frère ; quelles sont les améliorations que les bureaux vous ont inspirées ? Vous êtes ardent, vous êtes prêt à accepter les améliorations qu'on vous offre. Quelles sont les améliorations qu'on vous a présentées ? S'ils avaient eu une idée de progrès, vous l'eussiez sans doute adoptée et vous l'eussiez réalisée ; car vous en aviez le pouvoir. Je vous dirai à mon tour ce que, si nous avions eu ce pouvoir, nous aurions fait.

Nous aurions pris des mesures pour augmenter le produit de nos lignes, et la chose n'eût pas été difficile.

Nous aurions augmenté ces produits en établissant des affluents.

Nous aurions fait ce qu'a fait le chemin de fer de Strasbourg ; c'est-à-dire que nous aurions établi des relations directes avec les chemins de fer étrangers, avec les chemins de fer d'Allemagne, avec les chemins de fer anglais.

Nous aurions pris des mesures pour nous débarrasser des commissionnaires qui pèsent aujourd'hui si lourdement sur le commerce. Nous aurions pris des mesures pour nous débarrasser de la concurrence des messagisles qui est aujourd'hui bien onéreuse pour l'Etat et qui vit au détriment du chemin de fer.

En fait de tarifs, nous aurions pris des mesures favorables au transport des minéraux et nons aurions, sous ce rapport surtout, rendu un grand service au chemin de fer de l'Etat. Car, peut-être des projets de chemin de fer qui pourront devenir désastreux pour l'Etat, ne se seraient pas produits.

En ce qui concerne la dépense, nous aurions admis les progrès trouvés par la science pour la consolidation de la voie et pour lui donner une plus longue durée.

Nous aurions amélioré le matériel ; nous aurions cherché les moyens, et nous les avions sous la main, de diminuer les consommations, et à ce propos je dirai un mot de ce que rappelait hier l'honorable M. Van Hoorebcke.

Cet honorable membre vous disait qu'un membre de cette Chambre avait indiqué, en 1852, une économie à réaliser, sur la traction seule, de près de 100,000 fr. Ce que j'ai dit à cette époque, je le maintiens aujourd'hui et je puis le prouver par des faits.

L'honorable M. de Man vous a parlé hier de l'économie réalisée au moyen de certaines locomotives qui ont été achetées en Angleterre. Ce que cet honorable membre vous a dit à cet égard est parfaitement exact. Il y a une économie de 50 à 75 p. c. en faisant usage de ces locomotives. Comment ces locomotives ont-elles été introduites ? C'est par le comité, c'est à la suite d'une lutte que le comité a été obligé d'engager avec les membres de l'administration proprement dite, que cette amélioration a été faite. Aujourd'hui, messieurs, l'administration, mieux avisée, reconnaît elle-même le bénéfice qui en est résulté. Or, 50 p. c. sur la consommation du combustible, cela ne représente-i-il pas une somme qui excède celle que j'avais indiquée en 1852 ?

Ce que nous eussions fait encore, messieurs, nous eussions mieux agencé nos stations, afin de diminuer la main-d'œuvre. Nous eussions fait en sorte qu'on ne fût pas obligé en Belgique d'employer plus de fonctionnaires, plus de commis, qu'on n'emploie d'agents en général sur certains chemins de fer, ayant une étendue presque égale à celle de nos lignes.,

Nous aurions réalisé d'autres économies que nous avons signalées à l'administration et que nous avons consignées dans nos procès-verbaux.

Maintenant la Chambre veut-elle donner la préférence au système de l'honorable M. Frère ou à celui du comité ? Préfère-t-elle les commis au comité ? Pour ma part quelle que soit la décision de la Chambre, je n'éprouverai, en ce qui me concerne personnellement, aucun regret. J'ai dépensé assez de temps et j'ose dire assez d'argenl pour le bien du chemin de fer de l'Etar pour que je me retire avec la satisfaction d'avoir fait mon devoir, d'avoir essayé de faire le bien dans la mesure de mes forces.

L'honorable M. Fière a exposé avec complaisance les objections que l'on pouvait faire contre le comité. C'est l'enfant, a-t-il dit, de cette idée fausse, malencontreuse, antigouvernementale, d'après laquelle il serait possible d'organiser commercialement un chemin de fer administré par l'Etat.

M. Frère-Orban. - Je n'ai pas dil cela ; j'ai dit que l'on peut organiser l'exploitation commerciale et laisser l'administration soumise aux règles administratives.

M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable membre voudra bien reconnaître que, dans tout ce que j'ai dit jusqu'à présent il n'y a pas la moindre trace du désir qu'aurait le comité de soustraire le chemin de fer aux règles administratives.

Si dans certaines circonstances nous avons dil que les formes sous lesquelles se débat aujourd'hui le chemin de fer, ne sont pas appropriées à une exploitation industrielle comme celle d'un chemin de fer, nous n'avons pas voulu, pour cela, dispenser le chemin de fer de toute légalité ; il y a certaines formes qui seront toujours indispensables aussi longtemps que le chemin de fer sera exploité par l'Etat ; mais il y a certaines formes dont il convient de débarrasser le chemin de fer. Il faut que l'administration du chemin de fer puisse agir avec cette rapidité, avec cette mobilité avec laquelle agit l'industrie privée. C'est là ce qui nous a fait dire qu'il fallait organiser le chemin de fer d'une manière commerciale.

L'honorable M. Frère a cherché de la similitude entre le comité et le conseil d'administration dans les compagnies. Il s'est imaginé que c'était ce conseil que dans notre projet d'organisation nous avons pris pour modèle. Eh bien, que l'honorable membre me permette de le lui dire, il s'est trompé sur ce point.

Si je puis comparer l'exploitation du chemin de fer par l'Etat à l'exploitation d'un chemin de fer par l'industrie privée, j'y trouve les analogies suivantes : il y a l'assemblée générale, c'est le pays, ce sont les Chambres ; il y a le conseil d'administration, c'est le ministre ; il y a le comité permanent, qui existe dans toutes les grandes compagnies de chemins de fer, au chemin de fer du Nord, au chemin de fer d'Orléans ; ce comité peut être assiimilé au comité consultatif ; il y a le directeur de l'exploitation, c'est, chez nous, le directeur général, que je prétends ne devoir être qu'un directeur de l'exploitation, comme dans les compagnies.

Ces comparaisons sont-elles fausses ? Où est la différence essentielle entre les attributions que je viens de donner au ministre, au comité consultatif, au directeur général et les attribulions que les compagnies donnent aux pouvoirs correspondants ?

L'honorable M. Frère a trouvé des différences considérables. Ces différences résultent, d'après lui, surtout de l'intérêt privé qui fait agir les hommes. Je ne puis pas accepter cette cause de différence. Si l'intérêt est le principal mobile de ceux qui sont à la tête des compagnies, d'autres mobiles nous guident.

Le comité, à mon avis, ne présente pas plus de danger pour le ministre, que ne présente de danger, dans une compagnie particulière, le comité permanent, pour le conseil d'administration. Dans aucune circonstance, dans aucune compagnie, |e conseil d'administration ne s'est laissé absorber par le comité permanent et même aucune crainte ne s'est élevée à cet égard dans aucune compagnie.

Messieurs, l'idée d'appliquer au chemin de fer de l'Etat la forme adoptée par les compagnies n'est, je suis persuadé que vous le penserez comme moi, ni fausse ni anti-administrative, ni antigouvernementale. L'idée de l'organisation commerciale ne l'est pas davantage. Il faut au chemin de fer, comme je le disais tout à l'heure, une grande simplicité de rouages, le moins de formes possible, sous la réserve du respect dû à la loi. Il faut une division de travail très étendue. La plupart de ces conditions sont étrangères à l’esprit administratif, qui se traîne lourdement, péniblement, à travers la routine, les paperasseries, les formalités, les complications.

Quelle a été la signification, dans notre bouche, de ce mot : « Organiser commercialement ? »

Nous avons reconnu que le mécanisme actuel de l'administration des chemins de fer est trop compliqué, que les rouages trop nombreux dont il se compose occasionnent des frottements qui l’empêchent de fonctionner avec cette régularité et cette rapidité qui sont des conditions indispensables de succès dans une entreprise ayant un caractère essentiellement industriel et par conséquent tout différent de celui des autres services publics. Nous avons donc dit qu'il fallait l'organiser, conformément à son caractère, c'est-à-dire commercialement.

(page 359) Nous avons encore proposé de l'organiser commercialement en proposant au ministre de mettre fin à la confusion et à l'anarchie par un classement et des liens successifs ayant pour objet de renforcer l'autorité à ses différents degrés et d'établir l'unité dans le commandement.

Nous avons enfin divisé commercialement le travail, parce que cette division peut seule assurer l'économie et la perfection dans le service. Nous avons proposé au ministre de diviser le travail en autant de branches administratives qu'il y a d'opérations bien, distinctes au chemin de fer. A la tête de chacune de ces unités, nous avons conseillé au ministre de placer un directeur spécial qui, pour me servir d'une comparaison empruntée à l'organisation de l'armée, serait au directeur général ce qu'est le chef de bataillon au colonel.

C'est cette division des services en directions spéciales qui constitue le caractère essentiel de l'organisation proposée par le comité ; et peut-être cette division a-t-elle été une des causes principales de l'opposition que nous avons rencontrée de la part de quelques membres de l'administration.

Et de qui est venue cette opposition ? Précisément de la part de ceux dont on nous accusait de trop augmenter le pouvoir. Si nous avions cherché à augmenter le pouvoir de certaines personnes, il est certain qu'on ne nous eût pas opposé cette force d'inertie que nous avons rencontrée sur toute notre route.

Je viens de prononcer le mot d'opposition. Ceci, messieurs, m'amène à vous parler de ce que l'honorable M. Frère a nommé un conflit existant entre le comité et le ministre.

Aucun conflit n'a jamais existé sur aucun point entre M. le ministre et nous. Nous avons toujours été d'accord avec l'honorable M. Van Hoorebeke ; je ne connais qu'une seule circonstance où nous n'ayons pas été d'accord avec l'honorable ministre actuel.

Le comité n’est pas, comme le disait l'honorable M. Frère, un conseil d'administration. Dans toutes les circonstances, nous avons protesté contre cette qualification ; dans toutes les circonstances, nous avons cherché à éviter tout prétexte qui pût faire croire que nous étions un conseil d'administration ou que nous voulions empiéter sur les droits du ministre. Nos procès-verbaux en font foi.

Chaque fois qu'une proposition a été faite au comité, les membres ont examiné s'il entrait bien dans nos attributions de nous occuper de cet objet ; des différences d'opinions ont existé rarement sous ce rapport dans le sein du conseil. Chaque fois qu'on a pu supposer que ce que le conseil proposait, pouvait être considéré comme un acte d'administration, le comité y a renoncé spontanément ; nous n'avons pas eu besoin, à cet égard, des avertissements du ministre. Toujours le conseil a été aussi soigneux de maintenir la responsabilité ministérielle qu'il a été soigneux de défendre sa propre dignité.

Je désire que l'opinion ne soit pas trompée sur ce point ; je désire que nos procès-verbaux viennent sous vos yeux ; vous verrez avec quels scrupules nous avons agi dans toutes les circonstances, et vous reconnaîtrez ainsi avec quel accord le comité a constamment marché avec le ministre.

Mais, dira-t-on, si des conflits n'existaient pas, pourquoi le comité n'a-t-il pas produit davantage ? L'honorable M. Frère l'a accusé d'une stérilité complète. A cet égard, je mettrai dans mon langage toute la franchise possible.

Le comité n'a pas été, autant que le croit l'honorable M. Frère, frappé de stérilité. Le comité est parvenu à réaliser certaines améliorations très importantes. Ainsi, je citerai la concentration des travaux de réparation et de renouvellement dans un grand atelier. Le comité est parvenu à réaliser un meilleur agencement des stations.

Tous les plans de station qui nous ont été remis par le ministre ont été examinés par le comité, refaits dans beaucoup de cas, et adoptés sauf un seul ; et c'est dans ce seul cas qu'une divergence d'opinion a éclaté entre le ministre et le comité ; il s'agit du plan de la station de Quiévrain.

Le comité a encore proposé des améliorations dans le service de la traction. Je crois qu'aujourd'hui il y a moins de plaintes et surtout moins de plaintes fondées contre ce service qu'avant l'existence du comité, et je revendique pour le comité l'honneur de cette amélioration.

Il y a bien d'autres objets dont le comité s'est occupé, auxquels le ministre s'est rallié, et qui n'ont pas pu obtenir un résultat. A quelle cause cela est-il dû ? Je réponds, car j'ai promis d'être franc, je réponds que cela est dû à la force d'inertie qui nous a été opposée de la part de l'administration.

L'honorable M. Masui, qui faisait également partie de ce comité, a été, je me plais à le dire, presque toujours d'accord avec nous sur tous les points. Je ne crois pas qu'on puisse citer dix cas où il ait émis un autre avis que nous. Mais quand il s'est agi de meure les mesures à exécution, ç'a été autre chose.

Le ministre décidait d'après notre avis, mais la force d'inertie qui a été opposée à tous les ministres était opposée à M. Dumont.

M. Dumon rencontrait la résistance qu'ont rencontrée M. Dechamps, M. de Bavay, M. Frère et tous leurs successeurs. Mais cette force d'inertie, où puisait-elle la vie ? Qui l’a fortifiée ? Qu'on me permette de le dire, ce sont les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte.

Le comité n'existait pas encore qu'il était attaqué ; on le traitait de comité pour rire, de comité d'amateurs. Etait-il possible de mieux encourager la résistance, de donner plus d'appui à la force d'inertie qu'on nous savait devoir rencontrer que par ce que l'on a fait dans cette occasion.

Oui, l'administration n'a pas voulu céder devant notre unanimité, parce qu'elle comptait d'avance sur les attaques que dirige aujourd'hui contre nous l'honorable M. Frère ; elle s'attendait à la guerre qu'ont nous fait ; elle a compté sur vous pour nous démolir.

Je suis persuadé que si nous eussions trouvé plus de bienveillance de la part de certains membres qui sont animés des mêmes intentions que nous, car je ne veux pas incriminer les intentions, si entre autres nous avions trouvé l'appui de l'honorable M. Frère, je suis persuadé que bien des réformes utiles, que nous désirons tous, seraient réalisées aujourd'hui.

Et maintenant, messieurs, décidez du sort du comité comme vous l'entendez, nous avons accompli un devoir ; si vous décidez que le comité doit cesser d'exister, nous nous retirerons avec la satisfaction d'avoir une conscience pure et d'avoir fait du moins ce que des hommes de cœur devaient faire.

(page 352) M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - La discussion qu'à soulevée le crédit demandé pour le département des travaux publics, a porté sur deux points principaux : l'administration du département des travaux publics en ce qui concerne l'exploitation des chemins de fer et l'existence d'un comité consultatif, chargé de donner son avis sur les questions de principe destinées à régler ce service important.

Avant d'entrer dans le débat, plusieurs membres ont déclaré qu'ils considéraient comme un grand mal de faire sortir des mains du gouvernement l'exploitation de ce vaste réseau qui relie les différentes parties du pays, et qui a tant contribué à donner à notre jeune nationalité une place importante parmi les nations de l'Europe,

Sous ce rapport je suis d'accord avec l'honorable M. Frère, avec l'honorable M. de Brouwer, avec la majorité des différents parlements qui se sont succédé ; je suis d'accord avec mes honorables prédécesseurs et probablement d'accord avec l'immense majorité de la Chambre des représentants.

Ceux qui désirent et regardent comme un grand bien pour le pays l'aliénation de cet important instrument de la puissance publique dans les mains d'une compagnie, reculeraient probablement devant cette idée si, en face des avantages matériels qu'ils entrevoient, on mettait dans la balance les dangers pour une nation petite d'avoir dans son sein une vaste association étendant ses ramilications dans toutes les parties du pays.

L'action d'une société ayant en sa possession un pareil instrument serait dangereuse pour l'Etat. Si uue discussion s'élevait sur ce point, les auteurs d'une proposition de ce genre reculeraient devant les dangers qu'un pareil état de choses amènerait inévitablement pour le pays.

Mais si l'Etat doit garder la mission d'administrer son chemin de fer, il ne peut le faire qu'à une condition ; cette condition, c'est de remplir complètement la mission qui lui était confiée. Pour atteindre ce but, l'administration des chemins de fer doit reposer sur une base solide, sur une organisation ferme, afin d'assurer une exploitation régulière et irréprochable.

La question ainsi posée n'est pas aussi facile à résoudre qu'on peut l'imaginer à première vue. Je n'en veux pour preuve que les efforts qui ont été tentés par les différents chefs du département qui se sont succédé. Autant de ministres, autant d'organisations différentes essayées. A peine une organisation était-elle mise en pratique qu'elle était attaquée dans la Chambre et par la presse.

L'administration perdait confiance dans l'organisation qui la régissait ; c'était une organisation perdue. A ce point de vue il n'y a de reproche à faire à personne, car la création d'un service aussi considérable et aussi en dehors de l'organisation administrative des départements ministériels n'est pas l'œuvre d'un jour.

La nation belge est la première, la seule même qui ait vu un instrument aussi compliqué, aussi difficile à manier, entre les mains de l'Etat auquel quelques-uns accordent peu d'aptitude en matière d'industrie : il n'est pas étonnant qu'on ne soit pas arrivé tout d'abord à la meilleure organisation possible.

La difficulté était une raison pour l'entreprendre à nouveau. La divergence d'opinion est circonscrite entre deux points : l'administration du chemin de fer doit-elle revêtir les formes administratives ordinaires ou bien faut-il, en la dégageant de ces formes et du contrôle qui en résulte, lui donner une organisation commerciale ?

Beaucoup de personnes pensent que la meilleure forme est la première que j'ai indiquée. Une administration centrale fort vigoureuse ayant tous les fils de l'administration, se bornant à lui imprimer une action, à surveiller l'exécution, à contrôler la recette et la dépense.

L'administration centrale aurait des services intérieurs, pour l'exécution des résolutions.

Cette administration soustrairait le pouvoir aux tiraillements, aux conflits qui ont entravé les administrations qui se sont succédé au département des travaux publics.

La comparaison que l'on voudrait faire de l'organisation des chemins, de fer avec celle des autres départements ministériels pécherait par sa base. Si le système général doit être le même, il faut apporter des modifications essentielles dans les différents rouages selon les exigences des services.

Il est impossible d'appliquer à l'armée, au département de l'intérieur, à l'administration des finances, à l'administration du chemin de fer, un règlement composé des mêmes rouages et des mêmes relations.

L'administration des travaux publics particulièrement étant toujours en présence de circonstances difficiles, de dangers imminents, de maux exigeant un remède prompt, demande de la part des fonctionnaires une grande force d'action, un droit d'initiative étendu, mais aussi une grande part de responsabilité.

Ce sont ces différents points que mon honorable prédécesseur avait cherché à régler en créant l'organisation qui régit aujourd'hui l'administration des travaux publics.

Comme l'a dit l'honorable M. Frère-Orban, cette organisation comprend deux services distincts : le service central existant au département des travaux publics et le service d'exécution.

Il suffit de prendre connaissance des différents articles de ce règlement pour s'assurer que telle était la base qui devait présider à l'organisation.

En fait, le défaut de personnel et l'incertitude qui a plané depuis lors sur l'organisation ont eu pour résultat de ne pas maintenir les choses entières. Mais l'idée qui préside à l'organisation n'est pas douteuse.

Je lis à l'article premier du règlement du 1er mars 1852, ce qui suit :

« L'administration des chemins de fer, postes et télégraphes est dirigée, sous les ordres immédiats du ministre, par un directeur général.»

L'article 2 ajoute :

« Deux inspecteurs généraux sont chargés de surveiller les services extérieurs et de remplir les missions spéciales qui leur sont confiées. »

L'administration centrale est donc sous la main immédiate du ministre, ainsi que la direction, l'inspection et la surveillance du service.

Le service extérieur est régi par un autre règlement, portant également la date du 1er mars 1852, et dont l'article 1er est conçu en ces termes :

« Art. 1er. L'administration des chemins de fer, postes et télégraphes, comprend, en dehors de l'administration centrale, les services d'exéculion suivants :

« I. Voies et travaux.

« II. Traction.

« III. Arsenal.

« IV. Mouvement.

« V. Trafic.

« VI. Postes.

« VII. Télégraphes.

« VIII. Magasin central. »

Donc la base de l'organisatiou de 1852 était une administration centrale sous la main du ministre, ayant la direction, l'inspection et la surveillance, plus un service d'exécution subordonné à l'administration centrale

Plus loin, le même règlement porte :

« Art. 4. A la tête du service sont placés des fonctionnaires ayant au moins rang d'ingénieur de première classe ; ils portent le titre de chef de service. »

De sorte que toutes les propositions formulées par les agents du service extérieur sont adressées directement au ministre qui a près de lui une administration centrale chargée d'examiner, d'apprécier s'il y a lieu de mettre ces propositions à exécution, et de surveiller les recettes et les dépenses des différents services.

D'aulrcs personnes ont pensé qu'il était préférable d'abandonner les formes compliquées, les rouages nombreux de l'administration ordinaire, pour revenir au service simple et facile appliqué dans l'industrie et dans le commerce. Il s'agirait de supprimer les relations écrites et de les remplacer par des relations verbales, et de donner aux agents de l'administration une grande initiative, une grande part de responsabilité.

On comprend combien l'cxploilalion par l'Etat rendait peu praticable un pareil système. Aussi n'a-t-il jamais été possible de l'appliquer.

Comme terme moyen, on a essayé d'adjoindre à l'administration des travaux publics un comité composé en partie d'éléments parlementaires, en partie d'éléments pratiques, si je puis le dire, destiné à réformer l'action du ministre, à la rendre plus directe et plus permanente, si je puis in'exprimer ainsi. Cette idée n'était pas neuve ; elle avai( (page 353) souvent été émise dans la Chambre et principalement en 1852 et en 1853.

A cette époque, sur la demande de l'honorable M. de Man d'Attenrode, tendant à ouvrir une espèce d'enquête parlementaire, pour s'assurer si l'administration des chemins de fer répondait au but en vue duquel elle avait été créée, la Chambre a poussé le gouvernement dans la voie qu'il a suivie, c'est-à-dire dans la voie de la création d'une commission chargée d'étendre ses investigations sur le chemin de fer, de découvrir les défectuosités qui pourraient exister, et de présenter le remède le plus convenable pour remédier à l'état des choses.

Cette idée d'une commission a toujours été accueillie avec faveur par la Chambre, et le comité, créé en 1853, a, à l'unanimité, émis l'avis qu'il y avait lieu d'instituer un conseil permanent.

Ainsi une première commission, en quelque sorte émanée directement de la Chambre, propose la création de cette commission, et je vais vous dire en quel sens.

Le comité s'était divisé en sections. La troisième section fut chargée de l'examen de cette question. A la séance du 30 mai 1853, la question fut posée et résolue à l'uuaaimité des membres présents en ces termes :

« Il y a nécessité d'introduire dans l'administration des chemins de fer un élément de stabilité par l'institution d un conseil d'administration permanent. »

Dans une autre séance, celle du 14 décembre 1853, le même sous-comité s'est posé la question suivante :

« Tous les membres seront-ils nommés par le gouvernement ? »

Cette question est résolue affirmativement à l'unanimité. Toutefois, plusieurs membres ayant exprimé le désir de préciser la portée de leur vote sur ce point, M. le président met aux voix la question suivante : Est-il désirable que le gouvernement choisisse la plus grande partie des membres du conseil parmi les membres des deux Chambres ? Tous les membres se prononcent pour l'affirmative, sauf une abstention.

En comité général, le ministre des travaux publics est venu défendre l'idée émise par le troisième sous-comité, et voici en quels termes il le faisait :

« Votre troisième sous-commission s'est livrée à l'examen du projet présenté par l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp, et qui a pour objet de poser les principes d'une réorganisation de l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes.

« Ce travail vous a été communiqué. Il n'a subi à la suite de cet examen que quelques modifications de peu d'importance. La base de ce projet est l'institution d'un conseil supérieur permanent, composé en grande partie de membres de la législature.

« Le gouvernement, messieurs, ne peut être hostile à l'idée qu'il a lui-même traduite en fait en instituant cette assemblée, de déférer, d'une manière définitive et permanente, à un conseil choisi dans le sein des Chambre, l'examen et le contrôle des grands intérêts confiés à l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes.

« Votre troisième sous-commission, chargée de cette dernière partie du programme (l'organisation administrative), s'est préoccupée de l'avenir et de la sitation qui sera faite à l'administration, lorsque le conseil aura terminé ses travaux.

« Elle s'est demandé s'il ne convient pas d'introduire dans l'administration un élément de stabilité, qui la mette à l'abri des secousses résultant des fluctuations politiques, et envisageant la question à un autre point de vue, s'il n'est pas utile de soustraire le ministre à un isolement ou à des conflits souvent critiqués, en plaçant à côté de lui des conseillers indépendants et impartiaux qui puissent l'éclairer sur la marche et les propositions de l'adminislra'ion, provoquer les améliorations, et devenir, pour les Chambrés et pour le pays, une garantie de bonne gestion.

« Votre sous-commission a pensé que ces avantages ne peuvent être obtenus d'une manière plus complète, plus inattaquable, que par la création d'un conseil supérieur permanent, choisi, par le gouvernement, dans les chambres législatives.

« Messieurs, l'étude du passé et ma propre expérience me donnent l'espoir que cette mesure sera féconde en résultats utiles et pratiques.

« Je suis donc disposé à m y rallier, et comme elle constitue, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire en commençant, la base essentielle du projet, je vous propose de la discuter avant toute autre question. »

A la suite du discouis du ministre des travaux publics, la proposition a été accueillie et le ministre a formulé en ces termes la question de principe : « Convient-il, dans l'intérêt du département des travaux publics, d'instituer un comité permanent, » et la question, posée par le ministre, est mise aux voix et résolue affirmativement à l'unanimité des membres.

Cette commission était composée, de douze membres faisant tous partie des deux Chambres.

Ainsi, messieurs, la création du comité qui existe aujourd'hui était à cette époque à peu près dans l'opinion de tout le monde, dans l'opinion d'une commission émanant du sein de cette Chambre, et cette idée a été émise dans l'exposé des motifs du crédit de 9 millions, au moins dans le rapport de la section centrale. Quelques membres, à cette époque, ont critique la formation de ce comité et ont même émis des scrupules au point de vue de l'incompatibilité du mandat parlementaire avec celui de membre du comité qu'il s'agissait d'instituer.

La Chambre n'a pas semblé partager cette opinion, car aucun amendement n'a été formulé, aucun ordre du jour n'a été propose et le crédit a été voté.

Un autre point semble encore avoir dû confirmer le gouvernement dans cette idée que la majorité de la Chambre n'était pas hostile à la création du comité, c'est que le crédit de 9 millions a été volé en bloc, si je puis m'exprimer ainsi, sans aucune subdivision par littera, sans désignation des travaux qu'il s'agissait d'effectuer.

Le gouvernement avait à son entière disposition les 9 millions, et il est à croire que sans la pensée qu'il serait créé une commission dans laquelle la Chambre serait représentée, et qui serait chargée de contrôler et l'emploi de cette somme et la meilleure répartition possible, la Chambre ne se serait pas écartée des précédents en réglant elle-même la subdivision du crédit et l'indication des dépenses auxquelles il serait affecté.

En résumé, messieurs, la création d'un comité paraissait avoir ceci d'avantageux qu'il faisait cesser l'hostilité de la Chambre contre l'administration du chemin de fer, qu'il ramenait la confiance dont cette administration paraissait avoir besoin et qu'elle semblait promettre à l'administration du chemin de fer une stabilité plus grande, une fixité de principes qui lui avait manqué jusqu'alors, à cause de l'instabilité à laquelle sont sujets les ministres par suite des questions politiques.

Je suis donc d'accord avec l'honorable M. Van Hoorebeke que la création du comité a été une chose utile et que, même à cette époque, il eût été presque impossible au gouvernement de résister à cette espèce de vœu manifesté dans la Chambre.

Mais si je suis d'accord avec l'honorable M. Van Hoorebeke, c'est à une condition : c'est que le comité existant auprès du département des travaux publics soit un comité purement consultatif, n'ayant aucune espèce de caractère de conseil de direction ni d'administration, n'ayant ni droit d'initiative ni droit d'interpellation.

Il y aurait des inconvénients très graves à ce qu'un comité existant auprès d'un départemenl ministériel, eût le droit de se mêler dans l'administration et eût, en quelque sorte, la prétention de vouloir forcer la main au ministre pour marcher dans un sens plutôt que dans l'autre. Tout comité près d'un département ministériel doit être purement, doit être uniquement consultatif et ne peut être ni un conseil d'administration, ni un conseil de direction, parce qu'il n'est ni subordonné, ni responsable, et que le ministre, seul responsable, doit garder toute la liberté dont il a besoin.

Messieurs, l'utilité d'un comité n'est pas reconnue pour le département des travaux publics ; seulement, à toutes les époques on a reconnu la nécessité d'avoir auprès de certaines administrations un conseil, d'avoir une réunion d'hommes éclairés, au courant des questions qu'il s'agit de débattre, de personnes dégagées de l'esprit méticuleux qu'on puise souvent dans la manière de traiter les affaires à un degré inférieur, d'hommes considérant, si je puis m'exprimer ainsi, plutôt l'ensemble et la philosophie de l'administration qu'il s'agit de régler, que les menus détails, les détails d’exécution.

Ainsi, le département de l'intérieur a cru convenable de s'éclairer à l'aide de commissions plus ou moins permanentes, composées de membres étrangers à l'administration ; et au département des finances, si l'on n'a pas voulu recourir aux lumières d'hommes étrangers à l'administration, on a soin de réunir à certaines époques les chefs de service qui délibèrent sur les questions les plus importantes. Ce qui est reconnut bon et utile partout doit être appliqué au département des travaux publics, et y a produit de très bons résultats.

Le comité qui y existe a rendu de très grands services. Les membres ont fait preuve de tout le zèle et de tout le dévouement possible. Ils ont sacrifié leur temps, ils ont employé leurs lumières à l'examen des questions les plus difficiles ; l'emploi du crédit de 4,800,000 francs, l'emploi du crédit de 9 millions ont été l'objet constant de ses préoccupations et les meilleurs résultats ont été obtenus par le gouvernement, en suivant en tous points les indications du comité.

Comme d'honorables membres vous l'ont dit, le comité s'est occupé avec fruit de la question de la traction, de celle de l'amélioration du matériel roulant, de l'étude de l'agencement des stations. Les projets de bâtiments des recettes, les projets pour les stations de Quiévrain et de Courtrai ont reçu de notables améliorations par le contrôle du comité.

A ces points de vue, mon honorable prédécesseur a bien fait en posant I'acte qu'il a posé ; il me paraît qu'il était impossible qu'il n'agit pas comme il l'a fait, et l'expérience est venue démontrer les bons résultats de la marche qu'il a suivie.

Cependant, malgré ces antécédents et l'espèce de sanction que la Chambre paraissait avoir donnée à la création du comité, cet ordre d'idées ne semble plus exister aujourd'hui, et le crédit qui vous est demandé a été l'occasion de critiques contre le principe de rétablissement d'un comité. Ces critiques paraissent avoir frappe l'esprit de beaucoup de membres de la Chambre et avoir fait des progrès dans l'opinion publique depuis la discussion du crédit des 9 millions.

Les objections qui n'avaient pas paru devoir arrêter la Chambre en 1853 et en 1854, paraissent aujourd'hui porter sur plusieurs points. Des doutes (page 354) se sont élevés sur l'incompatibilité du mandat parlementaire avec le mandat de membre du comité des travaux publics, sur la convenance qu'il y a d'accorder aux membres du comité des jetons de présence, représentant les dépenses et la perte de temps qui sont imposées à ses membres par l'accomplissement de leurs fonctions, enfin sur la nature dès fonctions et l'étendue du mandat des membres du comité consultatif. Ces doutes ont lieu d'étonner le gouvernement, parce qu'ils ne s'étaient présentés qu'assez faiblement à l'occasion du crédit de 9 millions.

Mais, messieurs, est-ce bien ici le lieu de se livrer à un examen approfondi sur ces questions ? Le point de principe n'est pas celui qui est en discussion aujourd'hui, c'est bien plus un point de fait. L'honorable M. Van Hoorebeke a démontré hier la légalité parfaite de l'arrêté qu'il a pris pour créer le comité et pour allouer à ses membres des jetons de présence. Or, le crédit qui est demandé aujourd'hui n'est que l'exécution de cet arrêté.

La Chambre ne croirait-elle pas faire chose utile en remettant la question de principe, dégagée de toute préoccupation du passé, à la discussion prochaine du budget des travaux publics. J'ai pris l'engagement vis-à-vis de la cour des comptes, qui avait élevé quelques objections sur l'imputation des dépenses du comité, j'ai pris l'engagement de proposer dans le budget, un crédit spécial pour jetons de présence aux membres du comité.

Il me semble que, dans la discussion de ce crédit, la question sera plus entière, que l'appréciation des membres serait plus libre, en ce sens qu'elle serait dégagée de toute question de personnes, de tout ce qui peut se rapporter au passé. Ici, messieurs, il s'agit de consacrer un fait accompli, et je pense qu'il serait peu juste de repousser un crédit demandé pour solder des allocations faites par un ministre dans la plénitude de son pouvoir ministériel. Il me semble, messieurs, qu'il serait sage de voter le crédit tel qu'il est demandé par le gouvernement et de renvoyer à la discussion du budget l'examen de la question de principe proprement dite, celle du maintien ou de la suppression du comité.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je me félicite d'avoir soumis à la chambre à la question qui l'occupe depuis quelques jours. Il me semble qu'elle ne pouvait pas se présenter dans des conditions plus favorables à son examen.

La discussion est dégagée de toute espèce de préoccupation autre que celle de rechercher le meilleur mode d'administration pour le département des travaux publics ; aucune considération étrangère à ce but ne nous guide.

On a rendu justice, sous ce rapport, à mes intentions, et, en effet, le comité qui a fonctionné depuis quelques années, est composé de telle sorte que je suis naturellement porté à faire abstraction des personnes, pour ne voir qu'une institution vicieuse, selon moi, qu'une vieille conviction m'oblige à combattre.

Je compte dans le comité non seulement des amis politiques, mais des amis personnels, des amis intimes ; je cite particulièrement l'honorable M. Dolez.

Si mes opinions n'avaient pas été manifestées avant la création du comité, cela suffirait pour que je ne pusse pas être soupçonné de l'attaquer à raison de sa composition. D'ailleurs, si je croyais devoir le faire par ce motif, je m'en expliquerais avec franchise. Nulle part, sur les bancs de la Chambre, je ne vois non plus se manifester aucune intention de se préoccuper des personnes dans ce débat. D'un autre côté, le gouvernement ne réclame pas la conservation de l'institution que nous critiquons.

Vous venez d'entendre M. le ministre des travaux publics : il m'a paru faire l'oraison funèbre du comité ; il a jeté quelques fleurs sur sa tombe ; c'était justice, mais je ne crois pas que dans la pensée du gouvernement, on puisse persévérer dans le système suivi jusqu'à présent. La Chambre examine avec une entière liberté d'esprit et d'appréciation les systèmes d'administration qui sont préconisés devant elle.

La question est de savoir s'il faut supprimer l'administration centrale du département des travaux publics, réunir cette administration centrale à la direction de l'exploitation et y suppléer auprès du ministre par un conseil d'administration. Là est toute la question.

Vous avez entendu, messieurs, les objections que j'ai adressées à un pareil système ; y a-t-on répondu ? En aucune manière. Je ne sache pas un seul membre de cette assemblée qui ait défendu l'institution. Je n'en excepte ni l'honorable M. Van Hoorebeke, ni l'honorable M. de Brouwer, ni l'honorable M. de Man ; personne ne l'a défendue.

Que nous a dit l'honorable M. Van Hoorebeke ? L'honorable M. Van Hoorebeke nous a parlé des besoins du chemin de fer, de ses besoins considérables, qui existaient depuis longtemps. Il a rappelé que moi-même dès 1847, j'avais constaté la nécessité de faire des dépenses importantes pour le chemin de fer de l'Etat. Seulement il a oublié de dire que si j'avais constaté des besoins s'elevant à 25 millions j'avais aussi proposé et obtenu de la Chambre, sans le secours d'un comité, le tiers des sommes nécessaires pour faire face à ces besoins. Il a oublié de dire également que lui-même a obtenu de la Chambre plus de 5 millions ajoutés à ceux obtenus précédemment, 5,800,000 francs, sans le secours d'un comité, pour continuer l’œuvre commencée.

Et cette émission avait un caractère d’autant plus significatif qu'il cherchait à justifier l'institution du comité en prétendant que c’était grâce à lui que la Chambre avait voté le crédit de 9 millions dans la session de 1854. (Interruption.) L'honorable membre est convaincu, me dit-il, que c'est grâce au comité que les 9 millions ont été votes. Je ne révoque pas en doute cette conviction, mais je fais remarquer que la Chambre avait voté plus de 150 millions pour le chemin de fer sans autre intervention que l'initiative ministérielle ; qu'il lui est arrivé même d'offrir des crédits qui n'étaient pas sollicités, et que la somme de neuf millions n'aurait pas été contestée si l'on avait présenté en même temps que la dépense, les moyens de la couvrir. L'aide du comité n'était point nécessaire et c'est une pauvre raison pour justifier l'institution.

L'honorable membre a parlé également des tarifs. Des améliorations y ont été introduites. Je ne le conteste point, mais j'ai déjà eu l'honneur de faire remarquer à la Chambre que l'honorable membre lui-même avait, en qualité de ministre, annoncé ces modifications ; il en avait indiqué las bases, il avait un projet arrêté qui devait être mis a exécution avant la création du comité.

Mais enfin, à tout prendre et quelle que soit l'opinion qu'on puisse se former à cet égard, en quoi cela justifie-t-il l'institution du comité, en quoi cela répond-il aux objectious dont le comité a été l'objet ?

Ne me suffit-il pas d'invoquer l'autorité de l'honorable M. de Man, pour faire consacrer mon opinion par la Chambre. N'a-t-il pas été le plus puissant accusateur de l'institution ? (Interruption.) Je m'explique ; l'honorable membre n'a pas accusé les membres du comité de n'avoir rien fait, de n'avoir pu rien découvrir, de n'avoir signalé aucun abus, de n'avoir pas réclamé la suppression des vices qui ont été constatés ; mais il a démontré clairement que l'institution qui a été établie, a été radicalement impuissante. La commission n'a pu rien faire, elle n'a pu faire prévaloir aucune de ces idées ; elle n'a pas même pu faire adopter l'organisation dont on parle ; c'est là précisément le grief que nous élevons contre elle ; par sa nature, par la mission qui leur est donnée, elle ne peut pas opérer le bien qu'elle a le désir de réaliser, et, de fait, elle supprime le contrôle parlementaire.

Ce qu'on a poursuivi de tout temps, c'est un moyen de fortifier l'administration centrale ; c'est ce que j'essayai en 1848.

« Mais, me répond l'honorable M. Van Hoorebeke, vous avez voulu établir un bureau de contrôle des recettes ; c'était une chose bien insignifiante ; après votre départ, cette idée a été reconnue impraticable et abandonnée. »

L'honorable membre se trompe complètement : l'idée n'a pas été un seul instant abandonnée, et la citation qu'il a faite d'un passage de l'exposé des motifs du budget de 1849 le prouve.

Que disait mon honorable successeur, M. Rolin ? Qu'il avait reconnu qu'il était nécessaire de laisser subsister un contrôle à la direction, tout en en établissant un au département ; il maintient donc la résolution que la Chambre avait prise sur ma proposition.

Et ce n'était pas, comme nous l'avons prétendu, un contrôle des recettes qu'il s'agissait d'établir ; c'est un contrôle général que j'ai défini et exposé avec étendue en le soumettant à la sanction de la Chambre. C'était la base et le moyen de la séparation entre l'administration et l'exploitation ; c'était l'instrument le plus sûr et le plus efficace pour permettre au ministre de suivre les actes de ses agents.

C'est ainsi que l'avait compris l'honorable M. Rolin :

« Il était vrai de dire que le ministre n'avait pas les moyens nécessaires pour s'éclairer et sur le mérite des propositions qui lui étaient soumises et sur la bonne et fidèle exécution des ordres émanés de son autorité. Quel était donc le remède ? Ce remède était indiqué par le bon sens le plus vulgaire. C'était de commencer par créer au département un service de contrôle. Ce contrôle était une nécessité tellement évidente qu'on ne peut s'étonner que d'une seule chose : c'est qu'il n'eût point été établi depuis de longues années. On comprend, en effet, que pour que le ministre puisse mettre sa responsabilité à couvert, il faut bien qu'il soit mis en état de s'éclairer sur le bon emploi des fonds mis à sa disposition par les Chambres, et par la juste application des tarifs et par l'exact renseignement de toutes les recettes opérées ; je ne comprends pas qu'une administration puisse rester sans ce moyen de surveillance.

« Que fit mon honorable prédécesseur. Il demanda à la Chambre une allocation de 30,000 fr. pour l'établissement d'un contrôle au département. Cette proposition excita d'abord quelque inquiétude dans les sections. Il fallut que la discussion publique vînt la dissiper. Elle la dissipa, en effet, et après que l'adoption de cette mesure eut été mise en lumière, pas une seule voix ne s'éleva pour la combattre. Le contrôle fut décrété. Il s'agissait de la mettre en action. »

A cette même époque, l'honorable M. Rolin a combattu fortement l'idée de confondre l'administration avec la direction chargée de l'exécution.

« Il en résulterait, disait-il, que tous les pouvoirs seraient confondus dans les mêmes mains... Alors, plus que jamais, ce directeur unique, charge en même temps de l'initiative des propositions et de leur examen, de la conception des ordres et de leur exécution, aurait été le ministre véritable sous le couvert de la responsabilité du ministre apparent. »

On ne peut donc trop le répéter : ce qui semble avoir dominé tous les ministres jusqu’aux temps de l’administration de M. Van Hoorebeke, c’est la pensée que l’action du ministre était trop faible ; c’est que bien loin d’accroître la puissance du directeur de l'exploitation, il allait la ramener dans ses véritables limites.

(page 355) Des tentatives ont été faites dans ce but ; je les signale moins pour préconiser telles ou telles d’entres elles que pour constater l’idée persévérante que l’on cherchait à réaliser. L’honorable M. Van Hoorebeke, lui aussi, a été longtemps du même avis que ses prédécesseurs, et il est profondément à regretter qu’il ait fini par prêter un appui à l’état de choses extraordinaires qui existe aujourd’hui.

Que voyons-nous aujourd'hui ? qu'a-t-on imaginé ? On a fait disparaître entièrement l'administration centrale, on a placé tous les éléments de l'administration dans les mains du directeur général, avec l'espoir de suppléer à tout avec un comité n'ayant pas même un seul commis. Est-il vrai, oui ou non, que telle est aujourd'hui la situation ? On ne peut contester ce fait, à peine croyable, qu'il n'y a plus au département des travaux publics que le ministre et son secrétaire général.

Une telle désorganisation frappe enfin l'honorable M. de Brouwer. Il veut bien reconnaître aujourd'hui que mes théories ne sont pas fausses ; il approuve mes idées, il les partage entièrement, il veut ce que je veux. Voilà ce que l'honorable membre vient de déclarer aujourd'hui.

Il diffère, dit-il, dans les moyens. Toutefois, il reconnaît avec moi la nécessité d'une administration centrale s'il a été plus loin : il m'a fait nue concession nouvelle qui a dû surprendre quelque peu l'honorable M. Van Hoorebeke : il a admis qu'il y a lieu d'établir un contrôle au département...

M. de Brouwer de Hogendorp. - C'est une décision du comité consultatif.

M. Frère-Orban. - Jusqu'à présent cette décision n'a pas été mise en pratique.

Mais l'honorable M. de Brouwer persiste, et c'est là, m'a-t-il paru, la seule concession qu'il ne veuille pas me faire, il persiste à penser qu'un comité adjoint au ministre, aurait peu d'utilité.

Cette commission, messieurs, elle a été à l'œuvre depuis 1853 jusqu'à présent. Qu'a-t-elle fait ? Quels sont les aveux de l'honorable M. de Brouwer ? Elle a travaillé sans doute ; elle a vu beaucoup de choses ; les membres du comité ont été pleins de dévouement et de zèle. Mais les membres du comité qui la défendent, viennent confesser qu'elle n'a pu rien faire...

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je n'ai rien avoué de semblable.

M. Frère-Orban. - Entendons-nous, vous n'avez pu atteindre le but que vous poursuiviez, car la mission principale du comité, c'était l'organisation du département des travaux publics ; c'était là ce que ce comité devait faire, c'était le but essentiel de son institution. A cela vous n'avez pas réussi. Vous vous dites d'accord avec le ministre. Le ministre vous répond à peu près. Mais cet « à peu près », c'est précisément toute la difficulté. A peu près, c'est-à-dire que vous avez une prétention qui est combattue par le ministre, qui a été combattue et qui continue de l'être : Vous voulez un comité d'administration et l'on n'en veut pas.

Et en effet croyez-vous qu'il y a accord, qu'il y a jamais eu accord sur ce point entre la pensée du comité et celle de l'honorable M. Van Hoorebeke, qu'il y a eu accord entre le comité et l'honorable M. Dumon ? Non sans doute.

Qu'a défendu l'honorable M. de Brouwer dans le sein de la commission de 1853 ? Il a défendu l’établissement d'une commission permanente, c'est-à-dire d'un conseil d'administration, car il ne faut pas jouer sur les mots. Les procès-verbaux dont M. le ministre des travaux publics nous a donné lecture le constatent de la manière la plus évidente.

L honorable M. Van Hoorebeke ayant à s'expliquer dans le sein de la commission sur ce point a paru admettre l'établissement de ce conseil permanent, mais lorsque l'idée a été produite dans la Chambre, quand les objections se sont élevées contre elle, quand l'honorable M. Vandenpeereboom a fait entendre ses avis, et l'honorable M. Devaux ses prédictions qui se sont réalisées, je ne parle pas de mon opposition ; qu'a fait M. Van Hoorebeke ? Il a abandonné l'idée ; non pas en partie mais complètement. (Interruption.) Je vais l'établir.

Je vais établir que ce qui avait été proposé et ce qui a été fait, sont des choses essentiellement distinctes.

Qu'a-t-il fait ? Au lieu d'admettre un conseil permanent, un conseil d'administration, il n'a plus voulu qu'un simple comité consultatif, dont les attributions étaient définies par l'article 2 de l'arrêté qui l'institue : « Le ministre lui soumettra les questions qui concernent les améliorations et les économies à introduire dans les diverses branches de l'exploitation, au point de vue des intérêts du public et de ceux du trésor. »

Il suit de là que ceux qui voulaient un conseil d'administration, à l'image du conseil d'administration d'une compagnie de chemin de fer, se trouvaient absolument condamnés. Que l'on puisse instituer une commission auprès d'un département ministériel pour lui soumettre des questions spéciales et déterminées, pour la consulter même sur des améliorations à introduire dans l'administration, cela se comprend.

Mais apparemment ce n'est pas là ce que l'on voulait ; on le refuse, premier conflit, source de conflits perpétuels.

Le conseil consultatif est mis à l'œuvre ; il veut être conseil d'administration, il le veut parce que la force des choses le veut ; parce que c’est la pensée de M. de Brouwer, la pensée de M. deMan et qu’ils continuent à la défendre. Il le veut contre le ministre, contre l’administration. L’honorable M. de Brouwer s’est chargé de vous en fournir une preuve ; il a lu une lettre de l'honorable M. Dumon qui constate ce même conflit.

Le comité avait donné une mission à l'honorable M. de Brouwer.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Il avait formulé un vœu.

M. Frère-Orban. - Le ministre s'arrête court ; il ne faut pas, dit-il, confondre le comité consultatif avec un conseil d'administration. Vous outrepassez vos attributions ; vous ne pouvez pas recevoir de mission de ce genre.

Il y a eu une transaction on vertu de laquelle l'honorable membre a fait le voyage dont il a parlé. Le conflit est dans la nature du comité ; à moins de supprimer le conseil, le conflit subsistera et le but qu'on s'est proposé ne sera pas atteint.

L'honorable M. de Brouwer énumère tout ce que la commission a fait, toutes les recherches auxquelles elle s'est livrée, les bonnes indications qu'elle a données au ministre ; certaines améliorations de détail qui ont été introduites sur sa proposition et son initiative, je le veux bien ; mais qu'importe, puisqu'il confesse loyalement qu'il lui a été impossible de faire prévaloir jusqu'à présent l'organisation qu'il désire.

L'administration qui existait est détruite et l'on repousse celle qu'on veut imposer. On voulait y substituer un conseil d'administration, comme dans une société anonyme ; l'honorable M. Van Hoorebeke n'en a pas voulu, l'honorable M. Dumon n'en veut pas. Ce n'est pas moi qu'il faut combattre ; c'est à vos véritables adversaires qu'il convient de vous adresser. Faut-il continuer à maintenir cet état de désordre et d'anarchie qui existe au département des travaux publics ? Les conséquences de la situation sont fort graves.

Nous avons un comité qui, par ses attributions, est écarté de toute participation à l'administration, mais qui veut, à tout prix, administrer, malgré le ministre. Or, comme on a appelé à faire partie de ce comité, ceux des membres de la Chambre qui s'occupaient plus spécialement des travaux publics et particulièrement du chemin de fer, qu'en est-il résulté ? Que depuis 1853 nous n'avons plus eu aucune discussion du budget des travaux publics. Cela était inévitable. Que pouvaient faire d'autres membres qui jusque-là n’avaient pas spécialement étudié ces matières ? A supposer qu'ils l'eussent voulu. Tout zèle était arrêté et paralysé par la certitude que l'on aurait opposé à toute objection, à toute critique une réponse facile, invariable. Succès à peu près certain : le comité a parlé, le comité a prononcé.

Chose bien extraordinaire : Non seulement les budgets n'ont plus été discutés, mais ils ont été votés en quelque sorte in globo, en masse, sans spécification d'articles en ce qui concerne le chemin de fer. Car pour permettre d'appliquer la nouvelle organisation toujours attendue, on insérait la faculté de transférer d'un article à l'autre.

M. de Brouwer de Hogendorp. - On n'a pas pu faire usage de cette faculté.

M. Frère-Orban. - Je ne m'occupe pas de l'usage qu'on a pu faire de cette faculté, je constate le fait de ce vote. Il est tout à fait contraire aux procédés habituels de la Chambre.

Les budgets se composent, hors de rares exceptions, d'articles distincts, où l'on ne peut pas imputer des dépenses de l'un à l'autre.

Or, qu'est-on venu révéler ? Que le crédit de neuf millions voté dans les mêmes conditions et dont la commission devait surveiller l'emploi a été détourné en partie de sa destination. L'honorable M. de Man vous a révélé hier que 250,000 francs avaient été prélevés sur ce crédit pour les appliquer à la transformation des machines des plans inclinés.

Cela est vrai ; le comité n'a donc pas même pu surveiller l'emploi de ce crédit de neuf militons, Je demande ce qu'il a pu faire pour le reste pour le budget. On a pu, lui siégeant, faire cette dépense contre sa volonté.

M. de Man d'Attenrode. - La dépense avait été faite avant.

M. Frère-Orban. - N'équivoquons pas. On soutient que c'est grâce au comité que l'on a obtenu le crédit de neuf millions et qu'il était chargé d'en surveiller l'emploi. Or, c'est vous-même qui venez nous apprendre qu'une somme de 250 mille francs a été prélevée sur ce crédit qui avait une toute autre destination.

M. de Man d'Attenrode. - Cette dépense a été faite en septembre et le comité n'a été installé que le 24 octobre.

M. Frère-Orban. - Je ne demande pas quand la dépense a été faite ; vous étiez chargé de surveiller l'emploi du crédit et sans votre consentement, oui, à votre insu on a prélevé 250 mille francs pour payer des dépenses autres que celles pour lesquelles le crédit a été voté.

L'impuissance du comité se révèle donc de tous côtes. On l'avoue ; on la proclames et voulut-on la nier, elle ressortirait de ce fait décisif que le comité n'a pas pu atteindre son but, remplir la mission essentielle qu'il s'était donnée, celle d'organiser l'administration du chemin de fer de l'Etat. Ce n'est pas le temps qui lui a manqué pour le faire. En vain M. de Brouwer, ne sachant plus sans doute à quoi se rattacher, veut-il me rendre responsable de son échec si éclatant.

(page 356) Parce que j'ai critiqué, en 1853, le projet d'établir une commission permanente près du ministre des travaux publics, c'est à moi, d'après l’honorable M. de Brouwer de Hogendorp, qu'il faut s'en prendre de l'impuissance de cette commission ! L'affaire devient vraiment risible. Mais comment ne s'attaque-t-il pas à deux ministres successifs qui l'ont bien voulu à titre consultatif, mais qui ne veulent absolument pas l'accepter à titre administratif ?

J'ai critiqué ce projet à une autre époque ; j'ai été très net dans mes critiques ; mais je ne les ai pas même renouvelées depuis. Je n'ai pas dit un seul mot du comité depuis le mois de mai 1854. Je l'ai laissé paisiblement fonctionner jusqu'à ce qu'il eût prouvé qu'il n'aboutirait à rien. Je n'espérais pas qu'il viendrait dans cette Chambre confesser son impuissance.

Son impuissance étant déclarée par lui-même, que nous reste-t-il à faire ? Le faire disparaître.

Je répète de nouveau que bien loin d'attaquer les membres du comité, je reconnais que leurs intentions étaient bonnes, excellentes. Je reconnais que leur zèle est grand et qu'ils ont montré beaucoup de bonne volonté. Mais ils sont les premières victimes des vices de l'institution.

Un dernier argument est invoqué en sa faveur. On affirme qu'un comité serait propre à parer aux inconvénients qui résultent de l'instabilité ministérielle. Mais pour atténuer ces inconvénients, qui ne sont pas aussi grands que vous voulez bien le dire, c'est une administration qu'il faut et non un comité consultatif, seul rôle que l'on consente à vous laisser jouer.

Il faut au département des travaux publics une administration comme aux autres départements ministériels. Ce sont les administrations qui conservent les traditions. C'est là que les affaires sont instruites. C'est là, avec cet élément, qu'un ministre, même arrivant de plein saut du barreau au département des travaux publics, comme l'a dit l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp, peut faire des améliorations et des choses utiles.

Les bureaux sont routiniers, dit-on, c'est au ministre à les stimuler. Les instruments sont bons, il faut savoir s'en servir. Un ministre nouveau vient retremper, s'il le veut ou s'il le peut, l'administration de son esprit, de ses idées.

Mais il a derrière lui l'élément nécessaire à l'instruction des affaires, à l'élaboration des projets, tandis que le comité dont vous parlez ne saurait rien lui offrir pour satisfaire aux besoins administratifs de tous les jours.

Il lui manque tous les éléments nécessaires pour se livrer à ses travaux.

Je suis persuadé que, s'il était maintenu, vous seriez obligés de créer des bureaux pour le comité.

Quelles traditions administratives voulez-vous qu'ait un comité qui se réunirait de temps en temps sur la convocation du ministre, qui s’occuperait uniquement de certaines questions spéciales que le ministre trouverait bon de lui soumettre ?

Quelles traditions pourrait-il conserver pour le ministre qui viendrait à succéder à un ministre tombé ?

L'honorable M. de Brouwer me paraît se faire une fausse idée des conditions rigoureusement nécessaires pour être ministre, dès que celui qui est appelé à ces fondions a derrière lui une administration régulière. Le ministre n'a pas besoin d'être un homme spécial ; il lui faut les principes généraux d'un administrateur. C'est un homme qui doué de bons sens, et activité, d'intelligence, d'énergie, ayant toutes ces qualités réunies à un degré plus ou moins grand, est appelé à juger des affaires qui sont instruites.

Comment voulez-vous qu'un ministre des finances soit un homme spécial comme vous l'entendez dans chacune des branches d'administration de ce département ?

Il lui faudrait être tout à la fois banquier, chimiste, économiste, comptable, homme instruit de toutes les matières fiscales et d'enregistrement.

Un homme ne peut réunir toutes ces connaissances. Mais avec une administration que fait-il ? Il fait ce que fait un magistrat sur son siège. Les affaires sont instruites, plaidées devant lui, et il juge les questions qui lui sont soumises. Voilà ce que fait un ministre pour la partie administrative, proprement dite.

Les réformes, les changements dans les lois, l'initiative de systemes nouveaux, la partie politique, en quelque sorte, dépendent davantage des qualités personnelles du ministre. Mais au point de vue strictement administratif, pour que l’action d’un ministre soit efficace, il faut de bonnes traditions administratives. Avec le système qu’on préconise, rien de de semblables ne saurait exister.

L'honorable ministre des travaux publics nous a demandé tout à l'heure, s'il ne conviendrait pas d'ajourner cette discussion pour qu'elle se présente dégagée de toute équivoque au budget des travaux publics. Quant à moi, je ne le pense pas, ce serait à recommencer. Il faudrait de nouveau dire ce que nous avons dit jusqu'à présent.

Ce serait perdre notre lemps. Mais l'honorable ministre tire une objection des fonds qui ont été dépensés, et qu'il s'agit de voter. Pour ma part ce n’est pas là ce qui appelle mon attention. Je suis prêt, sans entrer dans l'examen des questions que l'allocation pourrait soulever, à voter les fonds et afin de faire disparaître l'objection présentée par M. le ministre des travaux publics, je me bornerai, à proposer une réduction de 50 fr. Moyennant cette réduction chacun votera librement sur la question qui est déférée aujourd'hui à la Chambre.

M. Van Hoorebeke. - Il se passe dans cette discussion un fait assez étrange. Jusqu'en 1854, jusqu'à l'époque où le gouvernement est venu saisir la Chambre d'une demande de crédit de 9 millions, je ne sache pas que des critiques bien vives se soient élevées dans le sein du parlement contre le principe même de l'établissement d'une commission consultative. Plusieurs fois, cette question a été agitée en 1845, en 1847, en 1852 et 1853, et jamais des critiques de la nature de celles qui se produisent aujourd'hui n'ont été formulées dans le débat.

Si je me reporte à la discussion de cette époque, je ne trouve qu'un accueil sympathique en faveur des idées que je défends ajourd'hui.

D'anciens ministres, l'honorable M. de Theux, l'honorable M. Dechamps ont eu l'occasion de s'exprimer d'une manière formelle et précise. A l'occasion du budget de 1844, l'honorable M. de Theux s'exprimait en ces termes (séance du 17 février) : « Je désirerais que le gouvernement instituât une commission d'hommes spéciaux, chargée d'examiner toutes les améliorations dont l'exploitation de notre chemin de fer est susceptible. »

Beaucoup plus tard, a une époque bien plus rapprochée de nous, l'honorable M. Dechamps, qui n'est pas partisan déterminé d'une commission consultative, surtout quand ses membres sont pris dans le parlement, s'exprimait en ces termes :

(Séance du 13 décembre 1850.) « Je comprends qu'un ministre qui se sent de la valeur, n'aime pas à être assujetti, en quelque sorte, à ce conseil supérieur dont l'existence serait plus ou moins permanente. Cependant, comme le conseil supérieur ne serait que consultatif, il ne pourrait jamais lier l'action ministérielle, et je crois qu'avec certeins tempéraments, il y aurait peut-être utilité à voir constituer un conseil dans lequel les traditions administratives se perpétueraient. »

En 1853, à l'époque où la première commission consultative a été instituée, le gouvernement se trouvait non pas en présence de critiques contre cette institution, mais en présence de sollicitations les plus pressantes et je dirai les plus unanimes. En ce qui concerne cette première commission consultative donc, je crois que son existence légale opportune ne peut-être ici contestée par personne.

Quant au second conseil consultatif, je prie ta Chambre de remarquer dans quelles conditions il a été institué. Le gouvernement est venu présenter aux Chambres un projet de crédit de 9 millions. Toutes les sections ont examiné ce crédit, et la section centrale, à l'unanimité, y compris son président, a invité le gouvernement à instituer au plus tôt un conseil supérieur, à tel point que, l'honorable M. Frère-Orban, voyant dans les conclusions de la section centrale, une espèce d'obligation morale qu'on imposait au gouvernement, s'est récrié contre les termes dans lesquels était conçu le rapport de l'honorable M. Dumon.

Que s'est-il passé alors dans le sein de la Chambre ? Quelques observations se sont produites ; j'en ai tenu compte. C'est surtout l'honorable M. Devaux qui s'est élevé en termes extrêmement vifs contre le caractère parlementaire du comité. J'ai pensé que je devais donner satisfaction à cette objection à laquelle je suis encore sensible et j'ai constitué le comité consultatif en partie de membres de la Chambre, en partie de membres pris en dehors de la Chambre, et ces derniers étaieni en majorité. Du reste on ne critique pas la composition de cette commission, on veut bien reconnaître qu'en ce point le gouvernement a eu la main heureuse.

Maintenant est-il vrai de dire que l'intervention du comité a été stérile, qu'elle n'a rien produit ? C'est une erreur manifeste. Est-il vrai encore de dire que ce comité a vécu constamment en lutte avec le ministre ? Je nie positivement le fait.

Si l'honorable M. Frère veut trouver ce conflit dans cette circonstance que je u'aurais pas donné suite au projet d'organisation tel qu'il avait été formulé par le comité consultatif, je lui répondrai que je n'étais plus au ministère. Le comité consultatif n'a achevé l'œuvre de la réorganisation qu'après ma sortie du pouvoir, son projet ne m'avait pas été communiqué.

M. Frère-Orban. - J'ai parlé du conflit entre les deux idées.

Ces messieurs demandaient un conseil permanent.

M. Van Hoorebeke. - Je vous remercie de l’interruption ; elle me permet de rencontrer directement l'objection.

L honorable M. Frère dit qu'il y a eu conflit en ce sens que je n'ai pas approuvé la proposition du comité en ce qui concerne l'institution d'un conseil permanent ; c'est-à-dire que la commission consultative instituée en premier lieu avait exprimé le vœu de voir établir un conseil supérieur d'administration. Le gouvernement n'a pas cru devoir instituer ce conseil supérieur.

Il s'est borné à instituer un comité consultatif. C'est bien là, je pense, l'objection.

Je réponds à cette objection dans laquelle je trouve, au surplus, la preuve que le gouvernement a agi en cette circonstance, dans la plénitude de sa liberté d'action. Le gouvernement n'a pas voulu d'un conseil d'administration, et il s'est borné à instituer un simple comité consultatif.

Le comité s'est-il contenté de ces attributions ? Certainement. Il y a eu à cet égard quelques explications et dans une réunion qui a eu lieu à la suite de l'installation du comité, j’ai été amené à lui transmettre une déclaration formelle à ce sujet. On m’a interpellé sur la (page 357) question de savoir quelles attributions j'entendais reconnaître au comité. Je n'ai pas hésité à répondre que le comité devait rester simplement consultatif ; qu'après y avoir mûrement réfléchi, je n'entendais pas lui donner le caractère d'un conseil d'administration, qu'il devait rester dans les termes tels qu'ils ressortaient de l'article 2 de l'arrêté par lequel il était constitué. Le comité s'est déclaré parfaitement satisfait de la déclaration que je lui faisais à cet égard.

Je veux être court et je passe rapidement sur quelques objections que j'avais annotées. Je fais simplement remarquer ceci à la Chambre : lorsque le crédit de 8 millions lui a été soumis, l'honorable M. Frère a proposé, par voie d'amendement, de réduire ce crédit à 1,500,000 fr., c'est-à-dire que si l'amendement de l'honorable M. Frère eût été adopté, au lieu de 9 millions qui étaient un minimum de dépenses, et un minimum qu'il faudra bientôt compléter par de nouveaux crédits, le chemin de fer aurait eu 1,500,000 francs.

Or l'amendement de l'honorable M. Frère a rallié 29 voix ; je demeure encore profondément convaincu, comme j'ai eu l'honneur de le dire hier à la Chambre, que si la commission consultative n'avait pas existé, que si le gouvernement, à l'occasion de cette demande de crédit, n'avait pas rencontré dans la Chambre le concours sympathique et dévoué des honorables membres qui avaient bien voulu occuper une position dans le comité consultatif et dont la place était marquée en quelque sorte dans le conseil supérieur, le crédit de 9 millions eût été rejeté. Et je puis le dire, ce crédit a été voté d'une manière tout à fait exceptionnelle.

Le gouvernement peut revendiquer pour lui l'honneur de la généralité des termes dans lesquels le projet a été conçu. La Chambre se rappellera que le projet ne contenait qu'un seul article par lequel 9 millions étaient mis à la disposition du gouvernement pour être reportés sur plusieurs exercices.

En ce qui concerne l'avenir de l'institution, j’ai eu l'honneur de le dire hier à la Chambre, le gouvernement est parfaitement libre de tout engagement. S'il pense que la commission doit être maintenue dans sa compétition actuelle, il la maintiendra. S'il veut la modifier en en excluant l'élément parlementaire, il en est encore le maître. Mais j'ose le prédire, si la commission consultative, avec le caractère qu'elle a ou avec le caractère nouveau qu'on peut lui donner, vient à disparaître complètement, la Chambre, par la force des choses, par les discussious qui se produisent dans cette enceinte, discussions confuses, sans issue, où personne ne verra clair, se trouvera bientôt amenèe à ce fait fâcheux d'une enquête parlementaire.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - J'ai l'honneur de présenter à la Chambre un projet de loi tendant à accorder au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 11,254 fr.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution, et le renvoie à l'examen des sections.

La séance est levée à quatre heures et demie.