(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1211) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière -séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« La dame Puyraymond réclame l'intervention de la Chambre pour faire réviser un jugement prononcé contre elle par le tribunal de première instance de Gand. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre des avoués près le tribunal de première instance de Liège demande une loi sur la récusation des magistrats pour cause de parenté ou d'alliance avec les défenseurs des parties. »
- Même renvoi.
« Des propriétaires et cultivateurs à Sempst demandent que le sieur Van Ransfort, artiste vétérinaire non diplômé, soit admis à continuer l'exercice de sa profession. »
« Même demande de propriétaires et cultivateurs à Perck, Elewyt, Campenhout, Bergh, Melsbroek, Steenockerzeel, Peuthy, Machelen, Dieghem, Haeren, Ever, Weerde, Eppeghem et Sempst. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestres, échevins et conseillers communaux de Perck, Campenhout, Berg, Elewyt, Evere, Haeren, Peuthy, Neder-Overheem-beck, Eppeghem, Weerde, Sempst, Dieghem et Melsbroek demandent que les artistes vétérinaires non-diplômés soient admis à continuer leur profession. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Santfort demande que le gouvernement l'autorise à continuer sa profession d'artiste vétérinaire. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Meux demande la mise en exploitation de la section du chemin de fer du Luxembourg comprise entre Bruxelles et Rhisne. »
« Même demande du conseil communal de Temploux. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif aux délais d'achèvement du chemin de fer du Luxembourg.
« Des brasseurs dans l'arrondissement d'Ypres demandent la prohibition temporaire à la sortie du houblon ou du moins l'établissement d'un droit élevé. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
« Des propriétaires et cultivateurs à Linth demandent que les concessionnaires du chemin de fer de Lierre à Contich soient obligés de rétablir et de paver la partie du chemin public qui se trouve comprise dans la station de Contich. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le chemin de fer de Lierre à Contich.
« Par message du 24 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi qui alloue au département de la guerre un crédit supplémentaire de 1,571,000 fr. »
- Pris pour notification.
« Par dépêche du 25 mai, M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Wary, Godefroid-Frédéric-Othon. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit de 2,012,410 fr. 89 c.
M. Van Renynghe dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'échange de propriétés de l'Etat à Poperinghe.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met a la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon) (pour une motion d’ordre). - Le premier objet à l'ordre du jour est le crédit de 2,580,000 fr. au département de la guerre pour le couchage de la troupe. M. le ministre de la guerre étant retenu dans une autre enceinte pour des interpellations qui lui ont été annoncées, m'a demandé, de prier la Chambre de bien vouloir mettre cet objet le second ou le troisième à l'ordre du jour. Il y a lieu de croire que M. le ministre de la guerre pourra, dans quelques instants, être ici.
M. le président. - M. le ministre de la guerre s'était adressé au bureau pour faire la même demande.
La discussion est ouverte.
M. Vermeire. - Messieurs, en demandant la parole sur ce petit projet de prorogation, mon intention n'est pas de m'y opposer. Seulement, je ne puis donner mon assentiment aux motifs qui se trouvent dans l'eiposé. J'y vois que le département des travaux publics, après vingt années de tâtonnements paraît vouloir faire encore de nouvelles expériences ; en ce sens qu'il se proposerait, de l'avis conforme du comité consultatif du chemin de fer, de changer de nouveau les tarifs.
La Chambre, messieurs, est saisie d'un projet de loi définitif. Le rapport en a été présenté par l'honorable M. Lesoinne. L'hononable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics disait qu'il était prêt à aborder la discussion de ce projet de loi.
Je pense donc que rien ne s'opposera à ce qu'il soit examiné au commencement de la session prochaine, et j'engage fortement le gouvernement à ne pas donner son adhésion à un nouveau tarif provisoire.
Si mes renseignements sont exacts, on voudrait faire disparaître du tarif actuel qui, je le reconnais, est beaucoup trop compliqué, quelques frais accessoires pour les reporter sur le capital.
Dans le tarif des chemins de fer, la question essentielle à examiner est celle de savoir si l'on conservera les prix fixes. Si mes renseignements sont exacts, les prix fixes seraient conservés, mais tous les autres frais accessoires seraient remplacés par un centime, en ce sens que là où l'on paye aujourd'hui 3, 4, 5 centimes par quintal-lieue, on payerait 4, 5, 6-centimes. Or, si les calculs que j'ai faits sont exacts, et je les crois tels, ces frais accessoires ne montent pas à un centime par quintal-lieue. Il y aurait donc de ce chef une nouvelle augmentation.
Je pense qu'en présence du projet dont nous sommes saisis et de la discussion qui peut en avoir lieu au commencement de la session prochaine, il n'y a pas lieu à jeter une nouvelle perturbation dans ce service, car nous ne pouvons nous le dissimuler, chaque changement de tarif porte avec lui des difficultés nouvelles et donne lieu à beaucoup de réclamations. La loi définitive pourra être discutée assez promptement pour que tout changement ultérieur soit inutile.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je pense, comme l'honorable M. Vermeire, que la Chambre ne voudra pas, à l'occasion d'une loi provisoire de prorogation, entrer dans l'examen complet des questions du tarif lui-même. Je reconnais que cette question des frais fixes et des frais accessoires est très importante. Elle a occupé l'attention de la section centrale de la Chambre, et pour la résoudre définitivement, il faudra attendre la discussion en séance publique.
Quant à la réglementation par voie administrative, je puis donner à l'honorable M. Vermeire la déclaration que si, dans l'intervalle des sessions, le gouvernement croyait devoir apporter quelques modifications au tarif, ces modifications ne seraient pas, comme il le craint, de nature à aggraver la situation des expéditeurs. Les renseignements sur lesquels il base son argumentation ne sont pas tout à fait exacts, quant à la quotité par laquelle le département des travaux publics voudrait remplacer les frais accessoires.
Je reconnais du reste comme lui que la question mérite d'être sérieusement examinée et je ne prendrai de résolution qu'après m'être assuré par moi-même que les modifications qu'il s'agit d'apporter ne rendront pas plus onéreux pour le public l'usage du chemin de fer ; mais en simplifiant les tarifs, elles auront pour résultat d'améliorer, autant que possible, les recettes du trésor.
M. Vermeire. - Je dois insister sur la première observation que j'ai présentée et voici pourquoi. Je lis dans l'exposé des motifs : « Ces mesures ont fait l'objet des délibérations du comité consultatif du chemin de fer sous l'administration de mon honorable prédécesseur. » Je regrette que si le gouvernement a l'intention de changer encore le tarif des transports des marchandises par le chemin de fer, il n'ait pas ajouté à son exposé les délibérations du comité consultatif. Nous aurions pu savoir en quoi consistent les changements qu'on veut introduire. Aujourd'hui ne les connaissant pas, nous ne pouvons nous prononcer en connaissance de cause. Car les renseignements que j'avais obtenus et qui étaient très exacts lorsqu'on me les a communiqués, ne paraissent plus l'être aujourd'hui. En quoi donc ces renseignements sont-ils changés ?
Je désirerais qu'on voulût bien me dire en quoi consistent les nouvelles améliorations. Aussi longtemps que je ne les connaîtrai pas, je (page 1212) craindrai qu'elles ne soient ou désastreuses pour le trésor, ou gênantes pour le commerce, ou une manière indirecte d'augmenter les tarifs.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je m'étonne que l'honorable membre demande la communication des délibérations du comité consultatif du chemin de fer, lorsque cet honorable membre doit savoir que ces délibérations ont été imprimées. Tous les procès-verbaux du comité consultatif du chemin de fer ont été publiés et tous les membres de cette Chambre ont pu lire les discussions qui ont eu lieu, discussions auxquelles l'honorable M. Vermeire, je pense, fait allusion.
Depuis les transformations du premier comité consultatif, il n'y a plus eu de délibération sur la réforme du tarif. Ces délibérations ont eu lieu au commencement de 1853, sous le ministère de l'honorable M. Van Hoorebeke. C'est alors que le comité a été saisi de cette question, à propos du projet de tarif soumis aux Chambres, et l'honorable membre a pris une très large part aux discussions qui ont eu lieu dans le sein de ce comité.
M. Vermeire. - Messieurs, je m'étonne à mon tour que l'honorable M. de Brouwer ne se rappelle pas mieux, que tout ce qui se rapporte au tarif du transport des marchandises n'a pas fait l'objet d'un examen au premier comité. Voici ce qui s'est passé ; On a laissé de côté toutes les questions de principe et on a fait retour au tarif de 1847, disant que plus tard, avant que le comité ne se serait séparé, on aurait examiné à fond ces questions. Or, lorsque moi-même j'ai fait la proposition de se livrer à un examen attentif de ces questions si importantes, je suis resté seul de mon avis, toutes les questions qui se rattachent à l'exploitation ont été examinées, sauf la plus essentielle de toutes, celle de la tarification du transport des marchandises.
M. Rousselle. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une recommandation à M. le ministre des travaux publics. Puisqu'il s'agit des péages du chemin de fer, je désire que l'honorable ministre veuille bien, lorsqu'il s'occupera de réviser les tarifs pour la période d'été, fixer son attention sur cet objet ; un convoi qui part de Bruxelles à 8 heures du matin, est classé comme express, et par conséquent tous les habitants de la Belgique qui partent de Bruxelles pour un lieu quelconque jusqu'à la frontière payent le tarif des trains express. Cependant ce convoi attend à Braine- le-Comte le convoi de Charleroi et le convoi de Tournai Ce n'est donc pas là un train express.
M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable M. Vermeire me reproche de ne pas savoir ce qui se passe au sein du comité consultatif. Je sais très bien ce qui s'y fait. Ainsi, je sais parfaitement que l'honorable M. Vermeire, comme il vient d'ailleurs de l'avouer lui-même, est resté seul de son avis en ce qui concerne la réforme du tarif. J'ai déclaré tout à l'heure, et je le répète, qu'au sein du comité consultatif il n'y a eu d'autres délibérations sur cette réforme que celles qui ont eu lieu pendant que l'honorable M. Vermeire faisait partie de ce comité ; c'est aussi pendant qu'il en faisait partie que les résultats des modifications introduites par arrêté royal nous ont été communiqués. Y a-t-il malentendu entre l'honorable membre et moi ?
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu ;
« Article unique. L'article premier de la loi du 12 avril 1835 (Bulletin officiel n°190), concernant les péages du chemin de fer, est prorogé jusqu'au 1er juillet 1856. »
Il est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 70 membres présents.
Ce sont : MM. Dumon, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Moreau, Osy, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghc, Vermeire, Veydt, Wasseige, Ansiau, Boulet, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, Della Faille, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T Serclaes, Devaux, Dubus et Delehaye.
M. Deliége (pour une motion d’ordre). - L'objet qui figure à l'ordre du jour immédiatement après le projet que la Chambre vient de voter est le rapport de la commission permanente de l'industrie, sur les transports effectués au moyen de remises ou réductions de tarif accordées par la société concessionnaire du chemin de fer de Dendre-et-Waes. C'est une affaire très importante.
Le rapport n'a été distribué qu'hier au soir ; nous n'avons pas encore eu le temps de le lire.
Il y a d'autres objets à l'ordre du jour. Je demande la remise de cette affaire a demain.
- Adopté.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission des pétitions, sur une pétition par laquelle l'administration communale de Verviers a transmis à la Chambre une délibération ayant pour objet de rectifier des erreurs commises dans un rapport de M. Schmidt sur les engrais des villes.
La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
La commission des naturalisations, considérant que le pétitionnaire (J.-C.-A Schultz) est Belge, propose de passera l'ordre du jour sur cette pétition.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - Il ne nous reste plus que le crédit de 2,580,000 fr., au département de la guerre, que nous puissions discuter. Je viens de faire prévenir M. le ministre de la guerre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, M. le ministre de la guerre est précisément occupé à parler en ce moment au Sénat ; il a été interpellé à propos de l'arrêté du 18 avril sur les pensions ; la discussion est engagée, il ne pourra certainement pas venir avant une demi-heure.
M. le président. - La section centrale a fait une proposition à laquelle le gouvernement s'est rallié ; ne pourrait-on pas ouvrir la discussion en l'absence de M. le ministre de la guerre.
- Plusieurs voix. - Non ! non ! Il faut attendre la présence de M. le ministre de la guerre.
M. de Perceval. - La Chambre, ce me semble, peut sans inconvénient aborder la discussion du projet de loi relatif au transfert du haras de l'Etat à Gembloux ; le rapport a été distribué hier. J'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Oui, M. le président, moyennant quelques explications.
M. David. - Messieurs, dans des discussions précédentes à propos du haras de l'Etat, j'ai combattu les dépenses qu'on faisait pour cet établissement ; le moment est venu de reproduire la proposition que j'ai faite dans une commission spéciale nommée pour examiner les modifications à apporter dans l'établissement.
Il y a quelques provinces où l’étalon pur sang n'est pas voulu par les éleveurs, où il fait plutôt du mal que du bien ; il n'est pas juste de faire supporter par ceux qui ne veulent pas utiliser les étalons anglais pur sang, trois quarts de sang ou demi-sang leur part des frais de l'établissement du haras.
Pour arriver à contenter tout le monde, voici la proposition que j'avais faite au sein de la commission spéciale, nommée pour examiner le projet. Dans quelques localités on produit au moyen des étalons de l'Etat des chevaux de grande valeur, donnant de gros bénéfices aux heureux éleveurs qui les obtiennent.
A Bruxelles, à Anvers et à Gand, par des motifs d'agrément et de plaisir, on a pu réunir de très grands capitaux pour organiser des jardins zoologiques et réunir dans de vastes et beaux locaux des animaux étrangers.
Dans les provinces où l'on trouve tant de profit à élever des poulains provenant d’étalons de sang plus ou moins noble, les éleveurs pourraient se réunir, se cotiser, former des établissements par actions, consistant dans des écuries bien montées, locaux que ces actionnaires entretiendraient.
Ce qui tomberait encore à leur charge serait la nourriture et les soins des étalons. La seule charge qui resterait à l'Etat, ce serait l'achat d'étalons pour les localités où ils produisent tant de bien.
Ainsi vous supprimerez les grands établissements où sont maintenant placés les étalons pendant qu'ils ne sont pas en station. Vous économiserez le personnel intérieur, qui sera payé par ces sociétés d'éleveurs, dans le Hainaut, où l'on a si bien réussi, et dans d'autres localités, où l'on dit que l'on réussit également bien.
On ne pourra objecter à ma proposition que les étalons seraient mal soignés ; car les éleveurs qui sont des gentlemen (ce ne sont pas des paysans) savent très bien soigner leurs chevaux. Par conséquent, les étalons de l'Etat, surveillés par des médecins vétérinaires du gouvernement désignés ad hoc, et par des fonctionnaires supérieurs du haras qu'on pourrait conserver pour ce service spécial seraient tout aussi po-ternelltment traités par ces messieurs que par l'administration du haras même dans les établissements mêmes du gouvernement.
J'attends donc pour faire, s'il y a lieu, une proposition de voir si mon avis est partagé par quelques-uns de mes honorables collègues.
(page 1213) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il faut ramener la question sur son véritable terrain.
L'existence du haras n'est pas en question ; l'honorable membre a attaqué cé qui n'est plus en discussion. Il s'agit aujourd'hui d'exécuter une décision de la Chambre, qui a formellement admis la conservation du haras de l'Etat.
Au commencement de 1854, le gouvernement nomma une commission spéciale, composée de 27 membres appartenant à toutes les provinces, et par leurs connaissances comme administrateurs, comme éleveurs, le plus à même de juger cette question.
Cette commission a, dans un travail qui a été publié, pris, à la suite d'une longue discussion, des conclusions en vertu desquelles le gouvernement s'est cru autorisé à demander la conservation du haras de l'Etat, mais, toutefois, avec des réformes indiquées par la commission.
C'est pourquoi le gouvernement a maintenu, au budget de 1855, une somme nécessaire pour le haras de l'Etat ; et cette somme fut votée par la législature, sans discussion, quant au principe même de l'existence du haras.
La question de savoir si l'on maintiendra, oui ou non, le haras de l'Etat a donc été parfaitement décidée dans le sens du maintien de cette institution, et la Chambre qui, l'année dernière, a alloué au budget un chiffre de 50,000, francs pour transfert du haras, ne peut revenir sur cette décision. Cette décision est un fait acquis.
La question est de savoir aujourd'hui si la Chambre croit devoir accepter la proposition qui lui est faite de ratifier le bail passé avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux, en d'autres termes, si elle admet que le local est bien choisi, que les conditions sont convenables.
On peut certainement présenter des observations critiques sur le bail fait avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux.
Il faut voir cependant ce qu'on peut faire. Or, rien n'a été négligé par l'administration pour avoir le meilleur local possible, aux meilleures conditions possible.
Obligés qu'on était de quitter Tervuercn, on ne pouvait certes pas songer à acquérir un local pour compte de l'Etat. Il aurait fallu que le gouvernement achetât un terrain, construisit un local, fit une dépense peut-être de 250,000 à 300,000 francs. Mieux valait assurément louer un local qu'on pût, avec certaines dépenses et certains travaux, approprier à sa destination.
Pendant six mois, des hommes spéciaux ont parcouru les diverses parties du pays et ont examiné les locaux qui pouvaient plus ou moins convenir.
En définitive, on n'en a trouvé qu'un seul ; c'est celui dont on a fait choix.
Le propriétaire, naturellement porté, comme tout propriétaire, à tirer le meilleur parti de sa propriété, et n'ignorant pas que le gouvernement avait besoin de ce local, a donc forcé la main au gouvernement pour obtenir les conditions les plus avantageuses. Mais les conditions que le gouvernement a subies plutôt qu'il ne les a faites ne sont pas, après tout, si mauvaises.
Le gouvernement a loué pour 27 ans, l'abbaye de Gembloux moyennant 4,000 francs de loyer ; il doit faire, comme travail d'appropriation des constructions pour une somme de 62 mille francs. Le propriétaire y intervient pour 12 mille francs. Tout bien considéré, une propriété aussi considérable que l'est celle-là, dont les bâtiments sont immenses et dans un excellent état, qui peuvent offrir les ressources nécessaires comme emplacement du haras de l'Etat ne sont pas loués si exorbitamment cher au prix de 4,000 francs par an.
Les 62,000 francs de frais de construction et d'appropriation répartis sur 27 années ne constituent pas une charge si considérable. Ces conditions ne sont donc pas aussi désastreuses que le prétend la section centrale. La stipulation qui paraît avoir frappé vivement la section centrale c'est celle où il est dit que lorsque l'Etat abandonne ces locaux, les constructions élevées par lui seront cédées au propriétaire comme des matériaux.
Mais, messieurs, cela résulte des travaux tout spéciaux qu'il s'agit de faire pour le haras de l'Etat. Ces constructions qu'on est obligé de faire aujourd'hui pour appropriation des locaux, ont un caractère tellement spécial, que lorsque cet établissement ne servira plus au haras de l'Etat, elles n'auront plus aucune valeur. Il faudra les démolir ; elles n'auront plus qu'une valeur de matériaux.
Ainsi, il ne me semble pas que l'on puisse dire que le local choisi est mal choisi et que les conditions auxquelles il a été obtenu sont désastreuses pour 1 Etat.
Voilà au fond, messieurs, tout ce qui est en question. Car, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, l'existence du haras même ne peut pas être remise en discussion, au moins dans ce moment.
M. David. - Elle le peut tous les ans.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Sans doute la Chambre le peut tous les ans à l'occasion du budget. Si la Chambre veut revenir d'une année à l'autre sur sa décision et rendre inutiles les sacrifices faits pour appropriation des locaux, elle en est maîtresse. Mais j'ai peine à croire que la Chambre se déjuge d'une année à l'autre quand il s'agit d'une institution qui a besoin de stabilité.
Reste la question de forme. C'est, en définitive, la seule qui ait divisé le gouvernement et la section centrale.
Le gouvernement avait cru nécessaire de dire que l'allocation portée à l'article 52 du budget du département de l'intérieur, pour l'exercice de 1854, était diminuée d'une somme de 50,000 fr., et que le crédit alloué à l'article 54 du budget de ce département pour l'exercice de 1855 était augmenté d'une pareille somme. La section centrale juge plus convenable de dire, ainsi que vous pouvez le voir, qu'il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 50,000 fr. pour frais d'appropriation des bâtiments de l'ancienne abbaye de Gembloux au service du haras de l'Etat, que ce crédit formera l'article 54 du budget de l'intérieur pour l'exercice 1855, et qu'il figurera dans la colonne des charges extraordinaires.
Je me rallie à cette rédaction, parce que dans la pensée du gouvernement aussi, ces 50,000 fr. forment une charge extraordinaire qui ne doit pas se renouveler au budget et qui a une destination spéciale. Le gouvernement, en proposant son projet, avait bien la pensée de ne détourner aucune partie de la somme accordée pour le matériel du haras proprement dit pour les employer à des constructions. Il était entendu par le gouvernement aussi qu'aucune espèce de construction ne pourrait se faire à l'avenir sans un crédit spécial, c'est-à-dire sans une approbation préalable de la législature.
M. Vander Donckt. - Messieurs, je ne pourrais donner mon adhésion au projet de loi en discussion.
L'honorable ministre vient de nous dire que l'existence du haras n'est pas en question ; qu'il a été décidé en principe par la Chambre et qu'il n'y a pas lieu de discuter sur ce point. Mais je suppose que la Chambre n'admette pas le projet de loi, le haras par cela même serait supprimé de fait ; il faudrait aviser à d'autres moyens. L'existence du haras dépend du local.
Si le haras n'était pas transporté à Gembloux, reviendrait la question de savoir s'il n'y aurait pas neuf haras au lieu d'un, c'est-à-dire si on laissera à chaque province le soin d'entretenir des étalons moyennant certains subsides et de satisfaire ainsi aux exigences de la propagation de la race chevaline perfectionnée.
Messieurs, ce que je ne veux surtout pas, et c'est contre quoi je proteste de tous mes moyens, c'est qu'on fasse figurer au budget de l'intérieur la dépense du haras comme un encouragement à l'agriculture. Il n'en est rien ; l'agriculture n'a aucun intérêt au maintien du haras, c'est une charge à laquelle elle contribue pour sa part. S'il y avait au budget un chapitre intitulé : « dépenses de luxe et de fantaisie », je concevrais qu'on y fît figurer l'article du haras ; ce serait sa véritable place. Le haras n'est utile que pour l'élève des chevaux de luxe, et les chevaux de luxe ne sont pas des chevaux de gros trait des chevaux utiles à l'agriculture. Les cultivateurs en Belgique n'élèvent pas de ces chevaux, ou s'ils en élèveut quelques-uns, ils s'en défont bientôt pour en avoir de grands prix. Mais jamais ils ne les emploient aux travaux de l'agriculture.
C'est une véritable dérision que de faire figurer cet article du haras comme encouragement à l'agriculture. Pourquoi le fait-on ? C'est pour exciter plus de sympathie en faveur du haras ; on veut faire croire que cette institution est utile à l'agriculture, tandis que celle-ci repousse cette dépense inutile.
En faisant figurer les frais du haras sous le chapitre de l'agriculture, on fait monter assez haut la dépense annuelle que l'on sacrifie, dit-on, dans l'intérêt de l'agriculture. C'est contre cette manière de faire que je proteste de toutes mes forces.
Messieurs, la question a été longuement agitée de savoir si, au lieu de maintenir le haras, on ne subsidierait pas les provinces qui ont des intérêts très divers pour que chacune d'elles favorisât l'élève des chevaux qui lui conviendraient le mieux. Je crois qu'il serait infiniment plus sage et plus rationnel d'adopter ce système que de transférer le haras à Gembloux.
Quant à la commission dont a parlé l'honorable ministre, la majorité a émis un vote en faveur du maintien du haras. Mais cette commission n'a pas été unanime ; il y a eu division, et la minorité a partagé notre manière de voir.
M. le ministre dit que cette institution doit avoir de la stabilité. Je suis fâché de devoir le dire à l'honorable ministre ; d'après ma manière de voir, cette institution n'aura pas de stabilité, et il est fortement à prévoir que si le haras n'est pas supprimé cette année, il le sera dans un délai très rapproché.
M. de Naeyer. — Gemme on a invoqué en quelque sorte une décision antérieure delà Chambjc, mon intention n'est pos précisément combattre d'une manière directe, le crédit qui nous est demandé.
Cependant je dois faire remarquer que si le haras existe encore en vertu d'un vote de la Chambre, il n'a qu'une existence annuelle puisqu'il n'a d'autre appui que le budget qui n'est valable que pour un an.
Messieurs, il s'agit ici d'une institution qui est pour moi une vieille connaissance et que je ne rencontre jamais sans lui exprimer ma façon de pensée sur son état et sa position.
Or, pour parler avec une entière franchise je dois dire que le haras est évidemment atteint d'une maladie incurable et qu'il marche à grands pas vers sa tombe. Telle est aussi l'opinion de ses amis les plus dévoués daus les pays étrangers, car il n'y a pas longtemps que j'ai lu dans le « Journal d'agriculture pratique », un article d'un hippologue français très distingué, très dévoué aux haras en (page 1214) en général, et qui conslate avec douleur que le haras belge s’en va, comme on dit « ad patres ».
Il en résulte, messienrs, que si le haras quitte Tervueren, ce sera pour rendre, dans un avenir très prochain, le dernier soupir à Gembloux, et l'argent qu'on nous demande est tout bonnement destiné à lui élever un mausolée. Je trouve, pour ma part, que les deniers des contribuables pourraient recevoir un meilleur emploi. Cependant si la majorité le veut absolument... fiat... seulement je conjure M. le ministre de ne pas faire le mausolée dont il s'agit trop beau, trop somptueux
En effet, il est très louable d'honorer la mémoire de ceux qui ne sont plus, mais le bon sens veut aussi que les honneurs qu'on leur décerne soient un peu proportionnés aux services qu'ils ont rendus.
Or, l'orateur qui sera appelé très prochainement à faire l'oraison funèbre du haras, que pourra-t-il dire ? Ma foi ! s'il veut donner quelque essor à son éloquence, je crois qu'il n'aura rien de mieux à faire que de vanter l'excellent appétit dont le défunt était doué, et, sous ce rapport, il pourra dérouler aux yeux de son auditoire une longue suite de budgets ponant des empreintes très profondes de la puissance maxillaire de notre cher haras.
Voila 17 ou 18 ans qu'il mange au râtelier de l'Etat (et ici l'expression est propre), et combien croyez-vous qu'il soit parvenu à consommer ou plutôt dévorer ? Messieurs, quelque chose comme cinq ou six millions.
Avouons-le, comme « force digestive », c'est extrêmement remarquable ; mais comme utilité pour le pays, me direz-vous ? C'est là une toute autre question qu'il faudra absolument passer sous silence dans l'oraison funèbre, car pour dire la vérité même à l'égard d'un moribond, je suis obligé de constater que tous les produits passés, présents et même futurs du haras, ne valent probablement pas les cinq à six millions que l'Etat belge a eu la bonhomie de lui accorder à titre d'encouragement.
Voilà certes une merveilleuse opération, une source féconde de richesse pour le pays. Mais c'est ici ce détestable côté économique de la question dont les partisans du haras ne veulent pas entendre parler.
Ils se retranchent derrière des considérations d'un ordre beaucoup plus élevé. Ainsi, je les ai entendus assimiler, en quelque sorte, le haras à une espèce d'académie des beaux-arts.
Les produits de nos étalons anglais ou arabes ont une très grande analogie, suivant eux, avec les produits de nos artistes, de nos peintres, de nos statuaires. Vous êtes en présence d'un poulain qui est beau, ou s'il ne l'est pas, qui devrait l'être, et vous n'êtes pas subjugués, électrisés par un sentiment d'admiration exclusif de tout calcul possible.
Mais c'est un signe évident de réprobation esthétique, c'est une preuve palpable que vous êtes d'un positivisme affreux, capable de chiffrer et de calculer même en matière de chevaux.
Autre considération plus imposante encore ; Le haras, disent-ils, c'est l'honneur du pays ; il est destiné à nous affranchir de ce tribut humiliant que nous payons à l'étranger pour l'achat de quelques chevaux de luxe.
Ainsi, sur dix produits du haras, il y en a très souvent deux, trois, quatre, cinq qui ne méritent pas le nom de rosses ; ils peuvent devenir des carrossiers,voire même des chevaux de selle,c'est autant de pris sur l'ennemi, car l'étranger qui nous vend ses produits, c'est une espèce d'ennemi ou de maître qui prélève un tribut sur la Belgique.
Il faut que nous vendions toujours et que nous n'achetions jamais. Voilà la véritable économie politique. Il est vrai que nous vendons 20,000 à 22,000 chevaux par an et que nous en achetons seulement 2,000 ou 3,000. Et encore ce sont des chevaux de luxe achetés par ceux qui peuvent fort bien les payer. Mais c'est toujours un tribut humiliant dont il importe de nous affranchir, et le haras a reçu la mission de nous procurer ce bienfait qu'on ne saurait payer trop cher.
Vous le voyez, messieurs, il y aurait ici une foule de questions à traiter, mais le moment ne me paraît guère opportun pour enlamer sérieusement une pareille discussion car notre session ressemble un peu au haras, en ce sens qu'elle touche à sa fin.
Cependant, messieurs, je dirai un mot de la commission qui a été instituée et dont l'honorable ministre de l'intérieur vient de parler. J'ai eu l'honneur de faire partie de cette commission, et je m'en félicite, parce que j'ai eu pour collègues des hommes extrêmement honorables, très haut placés dans l'estime publique et avec lesquels j'ai pu entretenir pendant tout le temps de nos débats, souvent très animés, d'excellentes et de bienveillantes relations, nonobstant une profonde divergence d'opinions. Mais on a l'air de dire que la question a été décidée souverainement, parce que la majorité de cette commission s'est prononcée pour le maintien du haras. Or, la commission par qui était-elle nommée ? Par le gouvernement qui venait de faire les plus grands efforts pour défendre le haras au sein de la représentation nationale ; cependant ne faut-il pas admettre que le gouvernement aura eu soin de former une commission dont la grande majorité au moins devait abonder dans son sens ?
Il serait donc réellement absurde d'attacher en quelque sorte aux conclusions de cette commission les effets de la chose jugée. Voici du reste quelques détails sur la composition de la commission. Il y avait d'abord l'ancien inspecteur général du haras, puis le nouvel inspecteur général du haras, puis je ne sais combien d'inspecteurs provinciaux du haras ; il y avait le directeur du haras, le directeur de l'agriculture au ministère de l'intérieur ; il y avait 4 ou 5 sénateurs très chauds partisans du haras, je ne leur en fais pas un reproche, cela est bien loin de ma pensée, mais je constate le fait de leurs convictions parfaitement connues d'avance.
Il y avait en outre quelques membres de la Chambre également dévoués au haras.
En résumé, je crois que la commission était composée de 25 membres dont 15 ou 16 étaient connus d'avance comme partisans du haras. Or, faisait-on une chose bien sérieuse en demandant à une commission composée de cette manière si le haras doit être maintenu ? Evidemment la réponse était parfaitement connue d'avance.
Je crois donc, messieurs, que nonobstant l'avis de la commission, la question du haras reste entière, et nous saurons la traiter en temps et lieu. Pour le moment, je me borne à engager M. le ministre, si le crédit est accordé, à ne faire que les dépenses strictement nécessaires. Le haras n'a plus que très peu de temps à vivre. Il est impossible qu'une violation si flagrante des principes les plus élémentaires de l'économie sociale puisse subsister encore longtemps dans un pays de bon sens comme la Belgique. Je n'en dirai pas davantage pour le moment.
M. Osy. - Messieurs, je suis de ceux qui pensent que le gouvernement peut se passer de haras et laisser cet objet à l'industrie privée ; mais comme il a été décidé par la loi de budget que le gouvernement continuerait à diriger cette entreprise et que, d'un autre côté, nous avons voté les fonds nécessaires pour mettre le château de Tervueren à la disposition de Son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Brabant, il est certain que nous devons trouver le moyen de loger les étalons que le gouvernement a achetés et que nous devons conserver.
M. Coomans. - On peut les vendre.
M. Osy. - Nous devons les conserver et trouver un local pour les loger.
Je demande donc un vote approbaiif au projet de loi qui nous est soumis.
Messieurs, la section centrale a changé la forme du projet. Le gouvernement avait demandé un transfert de l'article 52 à l'article 54 du budget de 1854 ; la section centrale propose de faire du crédit de 50,000 fr. l'objet d'un article spécial.
Je trouve cette proposition beaucoup plus rationnelle et beaucoup plus régulière au point de vue de la comptabilité ; mais je crois que M. le ministre de l'intérieur devrait prendre l'engagement de ne plus mandater sur les 50,000 fr. qui restent disponibles sur le budget de 1854.
Je pense que telle est l'intention de M. le ministre, et il fera très bien de se rallier, sous ce rapport, à l'opinion de la section centrale.
Messieurs, j'ai appris également avec plaisir que M. le ministre de l'intérieur s'est engagé, pour le cas où il y aurait des constructions à faire, à demander les fonds par une loi spéciale, et à ne pas imputer la dépense sur le crédit du matériel, comme on l'a fait dans le temps pour l'école vétérinaire.
M. David. - Messieurs, j'ai été étonné des singulières maximes qu'a émises tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur ; il nous a dit qu'on avait voté un chiffre dans le budget de 1855 et que, par conséquent, l'existence du haras est consacrée à toujours. Nous sommes même menacés, d'après le bail, provisoire, je l'espère bien, fait avec le propriétaire de Gembloux, nous sommes menacés de rendre au haras une existence de 27 ans, existence que les circonstances ne lui permettront, sans doute pas, d'accomplir pendant 27 ans.
Messieurs, quand on a voté au budget de 1855 une somme de 50,000 fr. pour le matériel et pour les bâtiments du haras, on n'a pas alors parlé de Gembloux. L'honorable M. de Naeyer pense que le moment n'est pas venu de discuter la questionne pense, au contraire, que le moment est on ne peut pas plus opportun ; car si nous allouons 50,000 fr. pour faire des réparations et des constructions nouvelles à Gembloux, nous sommes pris pour 27 ans ; on ne reviendra plus là-dessus.
Il y aura des faits accomplis ; il y aura un contrat signé, et nous ne pourrons plus nous en délier que moyennant des indemnités à accorder au propriétaire de rétablissement nouveau dans lequel on veut transférer le haras.
M. le ministre de l'intérieur, en parlant de l'allocation votée dans le budget de 1855, nous a présenté ce vote comme un vote excessivement solennel ; eh bien, si mes souvenirs ne me trompent pas, la majorité a été loin d'être considérable.
A l'entrée en fonctions du ministère actuel, nous avons tous accueilli favorablement, dans le programme du cabinet, la déclaration que le gouvernement s'abstiendrait plus que jamais d'intervenir dans les affaires dont l'industrie privée pouvait se charger. Or, par le moyen que j'ai eu l'honneur de vous indiquer, moyen simple, rationnel, le plus juste de tous envers tout le monde en Belgique, vous donneriez à l'industrie privée le moyen de s'occuper de l'amélioration des races par le sang noble, par le sang anglais.
L'honorable M. de Naeyer disait que le moment de la mort du haras arriverait bientôt.
(page 1215) Je suis complètement de son avis ; car dans plusieurs pays où, comme chez nous, on a cherché à améliorer la race des chevaux, on s'est décidé à venir chercher chez nous des juments de gros trait, pour rétablir une race qui pût être utile à l'agriculture. C'est ainsi que dans une contrée que j'ai parcourue, il n'y a pas longtemps, une société d'agriculture a résolu tout récemment de faire acheter en Belgique des étalons et des juments de gros trait. Dans ce même pays, plusieurs grands seigneurs n'ont dans leurs haras que des chevaux de la Hesbaye et du Condroz. Et nous, nous voulons suivre une direction complètement inverse ; nous cherchons à amincir nos bons chevaux de trait, les seuls chevaux qui alimentent nos exportations à l'étranger.
Je prierai donc la Chambre de vouloir bien ne pas perdre de vue qu'en votant cette première somme de 50,000 francs, elle s'engage dans un contrat de vingt-sept ans avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux ; elle s'oblige à voter dorénavant toutes les sommes qui seront demandées pour le maintien du haras ; au contraire, par le moyen que j'indique, vous économisez beaucoup d'argent et vous arrivez au même but.
En effet, je ne supprime pas l'étalon de pur sang, l'étalon plus ou moins noble ; je le prête à celui qui peut s'en servir ; mais je lui dis ; « Vous entretiendrez le cheval, vous payerez le domestique ; quand le cheval sera trop vieux, je vous en prêterai un autre. » L'opération est toute simple. Mais je supprime en même temps la dépense des bâtiments, le traitement du personnel, la nourriture des chevaux ; tout cela tombe à charge de celui à qui on prêtera les chevaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, l'honorable M. David trouve que j'ai soutenu de singulières doctrines ; qu'il me permette de lui dire que je trouve son assertion singulière.
Qu'ai-je soutenu ? J'ai dit que la Chambre est en présence d'une décision qu'elle a prise ; qu'elle est en présence du chiffre qu'elle a voté dans le budget de 1855 pour le haras de l'Etat.
Que doit faire la Chambre ? D'une part, elle a décidé que le domaine de Tervueren serait mis à la disposition de S. A. R. monseigneur le Duc de Brabant, d'autre part, elle a conservé dans le budget, le chiffre nécessaire pour le haras ; puisque le haras est maintenu et qu'il ne peut plus continuer à être placé à Tervuercn, il faut donc bien le transférer ailleurs.
Ce vote de la Chambre n'a pas été plus solennel que tout autre vote. Je n'ai pas dit que ce vote eût de la solennité, mais il a la portée d'un vote formel, et c'est en exécution de ce vote qu'on demande le déplacement du haras.
L'honorable M. David prétend que si la Chambre vote le projet de loi en discussion, elle s'engage pour 27 ans. Il n'en est pas ainsi, vous n'avez, messieurs, qu'à parcourir le bail qui a été fait avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux, pour vous assurer que ce bail peut être résilié tous les 6 ans. (Interruption.) et même tous les ans.
Que voulez-vous faire du haras ? La Chambre, je le répète, s'est prononcée pour le maintien du haras ; car en 1855 il n'y a eu dissentiment entre le gouvernement et la section centrale que sur uue question de comptabilité.
Le gouvernement croyait pouvoir prendre les 50,000 francs fur l'allocation ordinaire du budget, la Chambre a été d'un avis contraire, on a dit que d'après les règles de la comptabilité, il fallait un crédit spécial, le matériel ordinaire du haras ne comprenant pas les constructions à faire.
Or, c'est pour se conformer à la décision de la Chambre que mon honorable prédécesseur, car je suis complètement étranger à cette affaire, a fait négocier un bail avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux.
Maintenant on vient nous dire : « Le ministère actuel a promis d'intervenir le moins possible dans toutes les matières qui sont du ressort de l'industrie privée. » Le gouvernement ne faillira pas à celle promesse ; niais nous nous tiouvons ici devant un fait.
Quant à moi, je n'ai pas à exprimer aujourd'hui mon opinion personnelle sur l'existence du haras ; je me réserve toute ma liberté d'appréciation pour l'avenir.
Il y a beaucoup de personnes très compétentes dans cette Chambre et en dehors de cette enceinte, qui pensent que l'on pourrait utilement faire, pour la race chevaline, ce qu'on fait pour la race bovine, c'est-à-dire que le gouvernement pourrait acheter des étalons et les mettre ensuite à la disposition des particuliers.
Je ne suis pas appelé à me prononcer sur ce point ; je suis devant un vote de la législature que j'exécute. Ainsi le gouvernement ne prend en aucune façon sous sa responsabilité la décision qui a été prise par la Chambre de conserver le haras.
Si la Chambre veut revenir sur cette question, elle peut le faire, mais il est permis de penser que d'une année à l'autre la Chambre ne voudra pas renverser une institution qui, pour ne pas rendre tous les services que certains membres la croient susceptible de rendre, n'est pas cependant sans utilité.
C'est l'opinion des personnes qui se sont occupées de cette question, de celles entre autres qui faisaient partie de la commission spéciale chargée d'examiner toutes les questions relatives au haras de l'Etat.
Mais, dit l'honorable M. de Naeyer, l'opinion de cette commission ne prouve rien ; cette opinion était connue d'avance par la composition même de la commission. Il se peut que les membres connus comme favorables à la conservation du haras de l’Etat y fussent en majorité. Mais il doit reconnaître qu'il s'y trouvait des personnes qui, comme lui étaient parfaitement à même de combattre cette opinion de la majorité. Il y a donc eu discussion.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai pas été converti.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est possible. Toujours est-il, et c'est là l'essentiel, que les membres composant la majorité étaient des juges compétents.
De ce qu'ils n'étaient pas de l'opinion de la minorité, il ne s'ensuit pas que ces membres ne fussent pas éclairés, et qu'ils eussent tort ; c'est là ce qu'il faudrait prouver. A la simple inspection de la composition de la commission, on peut dire, je pense, qu'il y avait pour le moins autant de lumières, de connaissances spéciales du côté de la majorité que du côté de la minorité.
Au reste toutes ces questions sont parfaitement réservées ; je n'attache pas à l'opinion de la majorité de la commission plus de valeur qu'elle n'a, mais il ne faut pas non plus lui refuser toute valeur. Ces questions sont renvoyées à une époque plus ou moins éloignée.
Pour le moment, toute la question est de savoir si le transfert du haras aura lieu aux conditions proposées.
Quant à des constructions ultérieures, il n'en sera pas fait sans crédit spécial, les sommes allouées pour le matériel ne seront jamais appliquées à des constructions. Les 50 mille francs portés au budget de 1854 resteront acquis au trésor.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, la section centrale n'a pas été appelée à examiner les différentes questions qui se rattachent à l'organisation ou à l'existence du haras de l'Etat, elle n'a été saisie que d'une question de régularisation de crédit, consenti déjà, en quelque sorte, par la Chambre.
Une longue discussion a eu lieu, l'année dernière, sur les haras ; trois longues séances ont été consacrées à cet objet ; et je pense qu'il y a pour le moment chose jugée. On prétend que si on rejetait le crédit demandé, le haras devrait cesser d'exister.
Cela est vrai jusqu'à certain point ; mais on ne tranche pas d'une manière indiiecte une question qui a une importance réelle ; ce serait une espèce de surprise, et il n'est pas dans les habitudes de la Chambre d'agir ainsi.
Si on voulait discuter en principe la question des haras, je serais forcé de décliner ma compétence.
La section centrale n'a envisagé la question qu'au point de vue financier, et la proposition qu'elle fait a pour but de vous offrir un surcroît de garantie.
Ainsi, le crédit de 50,000 francs ne sera, dans aucun cas dépassé, et jamais de nouvelles constructions ne seront élevées sans l'autorisation préalable de la législature.
La question sur laquelle vous avez à voter est celle qui se rapporte à la dépense du transfert ; elle est suffisamment justifiée par les précédentes résolutions de la Chambre.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
- La Chambre consultée ferme la discussion.
« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 50,000 fr., pour frais d'appropriation des bâtiments de l'ancienne abbaye de Gembloux au service du haras de l'Etat.
« Ce crédit formera l'article 54bis du budget de l'intérieur pour l'exercice 1853, et figurera dans la colonne des charges extraordinaires. Il sera couvert au moyen des ressources ordinaires du budget. »
Il est procédé au vote par appel nominal.
69 membres répondent à l'appel.
36 ont répondu oui.
31 ont répondu non.
2 membres se sont abstenus.
Le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Dumon, Faignart, Janssens, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Matthieu, Osy, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remortere, Wasseige, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, de Chimay, de Decker, de La Coste, Della Faille, de Moor, Dequesne, de Sécus, de Theux, de T'Serclaes, Devaux et Delehaye.
Ont répondu non : MM. Goblet, Jacques, Magherman, Manilius, Mascart, Moreau, Tack, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Renynghe, Verhaegen, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portement, de Royer, de Ruddere, Desmaisières et Dubus.
M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.
M. Van Overloop. - Je n'ai pas voulu voter pour le projet, parce que je ne veux pas maintenir le haras de l'Etat. Je n'ai pas voulu voter contre, parce qu'il me semble que ce projet n'est que la conséquence d'une décision antérieure de la Chambre.
M. Vermeire. - Je me suis abstenu par le même motif.
La séance est levée à 4 heures.