(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1163) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Dutoit, ancien employé du département des finances, demande la révision de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs brasseurs à Antoing demandent la prohibition provisoire des houblons à la sortie, ou du moins l'établissement d'un droit élevé. »
« Même demande de brasseurs à Tournai. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Le sieur Mathieu Ingenblut, instituteur communal à Exel, né à Weeze (Prusse), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement.
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Van Boterdael réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit donné suite à une demande en dommages-intérêts dont il a saisi l'autorité judiciaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Laencn prie la Chambre de s'occuper de la demande de la ville de Diest, tendant à faire déclarer dettes de l'Etat celles contractées lors du la construction de la route de Diest à Louvain. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bofaine se plaint de la manière dont on a fait la répartition de la somme allouée pour venir en aide aux employés inférieurs du gouvernement. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dumont, éclusier du canal de Charleroi, demande la restitution du droit d'enregistrement acquitté par lui pour sa naturalisation. »
- Même renvoi.
« Le sieur Thierry, capitaine pensionné, demande s'il ne peut être admis à jouir du bénéfice de l'article 20 de la loi du 24 mai 183 sur les pensions militaires. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lefebure, officier pensionné, demande qu'il lui soit fait application de l'article 20 de la loi du 21 mai 1838, sur les pensions militaires. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale de St-Germain demandent la mise en exploitation ce la ligne de chemin de fer comprise entre Bruxelles et Rhisnes. »
« Même demande des membres du Conseil communal de Warisoulx et de Rhisnes. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Ceroux-Mousty demandent que la société du Luxembourg soit autorisée à exploiter la section de chemin de fer construite entre Bruxelles et Gembloux. »
- Même renvoi.
« Des cultivateurs de Deynze, Gavre et Asper demandent des modifications à la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries. »
- Même renvoi.
M. Vander Donckt. - Vu l'urgence et l'importance de cette pétition, je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Des habitants d’Eyseringen demandent que le hameau de Lennick-St-Quentin soit érigé en commune distincte. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Cardinal et Saincteclette, vice-président et secrétaire de la commission des exploitants des mines de houilles du Couchant de Mons, demandent la révision des lois relatives aux conseils de prud’hommes. »
- Même renvoi.
« Des notaires de troisième classe demandent la suppression des diverses classes de notaires. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l’instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédit de 2,580,000 fr. au département de la guerre pour organiser le service des lits militaires.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Dubus. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l’aliénation de biens domaniaux.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l’ordre du jour.
M. Vanden Branden de Reeth. - J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif à la cession à la ville de Lierre de quelques terrains provenant de ses fortifications.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le Roi m'a chargé de présenter aux Chambres deux projets de loi ayant pour objet :
1° le premier d'établir un droit fixe sur les contrats d'entreprise dont le prix est payé par le gouvernement ;
2° le deuxième, d'autoriser un échange de bâtiments et terrains appartenant à l'Etat et situés à Poperinghe.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets de loi qu'il vient de déposer.
Ces projets et les motifs qui les accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.
« Article unique. Il est accordé au département des finances un crédit de neuf cent mille cent vingt francs quatre-vingt-quinze centimes (fr. 900,120 95 c.), destiné à liquider les frais résultant de la négociation du capital de 20,964,000 fr. en dette à 4 1/2 p. c. effectuée en vertu de la loi du 14 juin 1853 (Moniteur, n° 166).
« Ce crédit, qui formera l'article 22 2°, chapitre premier, du budget de la dette publique pour l'exercice 1854, sera couvert au moyen des ressources de cet exercice.
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.
62 membres répondent à l'appel nominal.
61 votent pour le projet.
1 vote contre.
En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux,Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loost, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vervoort et Delehaye.
A voté le rejet : M. de Perceval.
La discussion générale est ouverte.
M. Loos. - Je dois prendre un instant la parole pour présenter une observation concernant le rapport.
D'après l'honorable rapporteur, il paraîtrait que les opérations auxquelles le projet actuel a trait n'auraient pas présenté les résultats indiqués par le gouvernement ; qu'en tenant compte des intérêts du capital engagé dans cette opération, il en serait, au contraire, résulté une perte de 2 à 3 p. c.
J'ai examiné les calculs faits dans les rapports précédents et dans l'exposé des motifs du projet de loi actuel, et j'avoue n'avoir pu me rendre compte du chiffre trouvé par l'honorable rapporteur. Je crois ce chiffre erroné ; je le crois d'autant plus, que je vois, d'après les exposés qui nous ont été présentés successivement chaque année, qu'en tout il a été employé 4,194,70- fr. 50 c.
(page 1164) Divisant ce capital sur le nombre d'années consacrées aux travaux dont il s'agit dans la prison de St-Bernard, et en admettant même que ces capitaux aient été constamment employés, je trouve encore que nous avons fait un bénéfice au lieu d'une perte de 2 à 3 p. c.
Je tiens, messieurs, à ce que la Chambre ne reste pas sous cette impression que ces opérations, qui sont représentées comme donnant un bénéfice de 12 à 13 p. c,.constitueraient en définitive le gouvernement en perte.
Je suppose que l'honorable rapporteur pourra nous donner des explications pour justifier l'allégation qu'il a émise dans le rapport. J'attendrai ces explications avant de poursuivre.
M. Jacques, rapporteur. - Les explications que j'ai à donner ne seront pas longues. Lorsque j'ai été chargé de faire ce rapport, il paraissait que la session allait finir. On était pressé d'avoir mon rapport ; la section centrale avait exprimé le vœu de l'avoir dans les 48 heures. Je n'ai donc pu faire des calculs très approfondis.
Voici comment je m'exprime dans la phrase à laquelle l'honorable membre a fait allusion :
« D'après ces détails, il a été réalisé sur cette fabrication, depuis 1848 jusqu'au 31 décembre 1854, un bénéfice de fr. 315,159 56 c. au profit du trésor public, ce qui, pour une avance de fonds montant à fr. 4,194,706 50 c, produit près de 8 p. c. Il est à remarquer, du reste, que l'on ne parvient à faire ressortir un pareil bénéfice, qu'en négligeant de tenir compte de l'intérêt des avances de fonds et de l'amortissement de l'outillage ; si l'on portait ces deux dépenses en ligne, comme devrait le faire un industriel, l'opération, au lieu de laisser un bénéfice de près de 8 p. c., se solderait par une perte de 2 à 3 p. c. »
Eh bien, messieurs, ordinairement les industriels comptent 10 p. c. pour l'intérêt des avances de fonds et pour l'amortissement de l'outillage. Or, puisqu'il n'y avait qu'un bénéfice de 8 p. c., j'étais autorisé à conclure à une perte de 2 à 3 p. c. Depuis le dépôt du rapport, il s'est écoulé quelques jours et j'ai pu dans l'intervalle faire quelques recherches qui m'ontp ermis d'arriver à une plus grande exactitude dans l'appréciation du résultat des opérations ; au surplus, il m'a été impossible d'obtenir une exactitude complète, parce que je n'avais pas à ma disposition les livres de la prison de Saint-Bernard ; toutefois j'ai acquis la certitude que je n'avais pas exagéré la perte, en ce qui concerne les premières années des opérations de Saint-Bernard. En effet, nous voyons dans l'exposé des motifs d'un projet de loi en 1851, par l'honorable M. Tesch pour une demande de crédit, qu'à la date du 31 décembre 1850, le trésor était à découvert de plus de 1,500,000 fr. et qu'à la fin de septembre 1849, il avail été à découvert de plus d'un million. Depuis lors, la commission de Saint-Bernard s'est attachée à réduire la quantité des matières premières et des toiles fabriquées qui restaient en magasin. Il en est résulté que la mise de fonds du gouvernement a diminué successivement ; aussi, voyons-nous dans l'exposé des motifs du dernier projet de loi que cette mise de fonds n'était plus, à la fin de l'année dernière, que de 400,000 fr. Si les opérations continuaient sur le pied de l'année dernière, il y aurait pour le trésor un avantage de quelques pour cent, mais si l'on retombait dans les errements de 1850 on aurait une perte, non pas de 3 p. c., mais de 6 ou 7 p. c.
Je reconnais, au surplus, qu'en opérant comme l'année dernière, on arrive à un bénéfice de 4 ou 5 p. c.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je remercie l'honorable M. Loos des observations qu'il a présentées, et que je me proposais de présenter moi-même. Je n'ai rien à y ajouter, et je me contenterai de faire remarquer également une autre erreur qui s'est glissée dans le rapport. Il y est dit qu'on ne tenait pas compte de l'amortissement de l'outillage ; or, messieurs, cet amortissement est compris dans les frais généraux. Je ferai observer, en outre, qu'à mesure que l'établissement reçoit des fonds de la vente, ces fonds sont immédiatement versés dans la caisse de l'Etat. L'établissement ne possède donc pas le million dont il est question ; à mesure que des rentrées sont faites, il en tient compte à l'Etat. Du reste, messieurs, il ne s'agit pas ici pour l'Etat de faire un bénéfice ; il s'agit, avant tout, de procurer du travail aux prisonniers. Dans tous les cas, il y a, en fait, un bénéfice d'au moins 3 à 4 p. c.
M. Loos. - D'après les explications données par l'honorable rapporteur, je n'ai pas à insister, puisqu'il reconnaît que ses calculs ne sont pas rigoureusement exacts. Je puis en conclure que les bénéfices qui sont indiqués par le gouvernement existent bien réellement et que, de cette manière, le travail qui se fait pour l'exportation donne cet immense avantage de ne faire aucune concurrence à l'industrie libre et, en même temps, de procurer à l'industrie nationale une exportation considérable. Il est à remarquer, en effet, que dans le chiffre d'affaires qui a été obtenu, il y a des matières premières achetées dans le pays pour près de trois millions de francs, qui, au moyen de l'exportation des toiles qui se font à l'établissement de St-Bernard, ont trouvé un écoulement ; les détenus ont un salaire et le gouvernement est remboursé de ses frais généraux.
On a donc résolu un problème assez difficile ; c'est d'occuper les détenus dans les prisons, sans nuire à des industries similaires dans le pays et de dégrever le trésor d'une partie des charges qui résultent de l'entretien des détenus.
Oui, je crois pouvoir dire avec quelque certitude, qu'alors même que l'établissement de St-Bernard eût dû payer les intérêts des capitaux qui lui ont été avancés, il lui serait resté, non pas 2 p. c., mais 3 ou 4 p.c. de bénéfice. C'est là, en tout état de cause, la plus belle opération qui ait été faite en aucun pays en ce qui concerne le travail des détenus dans les prisons.
- La discussion générale est close. La Chambre passe aux articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la justice un crédit supplémentaire de neuf cent cinquante mille francs (950,000 francs), à titre d'avance pour l'exercice courant.
« Cette somme sera ajoutée à celle qui est portée à l'article 54, chapitre X, du budget du département de la justice pour l'exercice 1855. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera affecté à poursuivre et à développer, dans les prisons, le travail pour l'exportation. »
- Adopté.
« Art. 3. Une somme de neuf cent cinquante mille francs sera portée au budget des voies et moyens de 1855. »
- Adopté.
« Art. 4. Il sera rendu compte des opérations aux Chambres législatives dans la session de 1855-1856. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet est adopté à l'unanimité des 67 membres présents.
Il sera transmis au Sénat.
Ont adopté : MM. Coomans, Dautrebande, de Bronckart, de Chimay, de Decker, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, Devaux, Dubus, Dumon, Frèrc-Orban, Goblet, Jacques, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Brixhe, Closset et Delehaye.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre un projet de loi tendant à proroger le délai pour l'achèvement du chemin de fer du Luxembourg.
- Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.
Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.
M. Rodenbach. - Messieurs, pour la dernière fois je voterai la prorogation des lois autorisant la libre entrée des machines et mécaniques perfectionnées, et j'aime à croire qu'à la session prochaine, le gouvernement nous soumettra un projet de loi définitif, établissant un droit d'entrée très modéré sur les mécaniques.
Messieurs, la fabrication des machines est une de nos grandes industries, une de celles qui font la gloire du pays, à ce point que nous pouvons soutenir la concurrence avec l'Angleterre. ; nous en avons donné des preuves, car nous avons exporté, avant la guerre, des locomotives pour la Russie ; nous en avons fourni à l'Allemagne, à l'Italie et à d'autres pays lointains.
Nous pouvons donc soutenir la concurrence pour les grandes machines ; mais il est certaines petites mécaniques perfectionnées que nous devons faire venir de l'Angleterre.
La loi existante en permet la libre entrée ; mais les demandes de libre entrée sont entourées de tant de formalités, soumises à tant d'exigences, notamment au dépôt d'un cautionnement, qu'elles gênent considérablement les industriels qui les font. Il faut d'abord avoir de l'argent, il faut ensuite solliciter la franchise, et quand après des expertises et des demandes, on a obtenu la franchise de droit et qu'on demande la restitution du cautionnement versé, on est obligé d'attendre longtemps.
Les petits industriels qui n'ont que des capitaux très limités peuvent difficilement profiter des avantages que la législation semble leur offrir. Ils aimeraient mieux avoir à payer un léger droit ; et ce droit devrait être établi au poids, parce que les grandes machines que nous ne tirons pas de l'Angleterre ne peuvent pas être préemptées, car elles seraient sans valeur entre les mains du préempteur.
Il faudrait établir un droit très modéré au poids. En 1834 les machines n'étaient imposées qu'à raison de 6 p. c. de la valeur. Sous l'empire de cette législation, les fabriques ont marché et progressé, cependant on est venu imposer les mécaniques étrangères à raison de 15, 20, 25 et même 75 p.c. Mais il ne nous en vient pas, parce que nous savons les faire aussi bien que l'Angleterre. Aussi ce droit ne nous donne-t-il qu'un revenu de 60 mille francs.
Quant aux machines perfectionnées dont nous avons besoin, on devrait les laisser entrer moyennant un léger droit que les industriels aimeraient mieux payer que d'avoir à remplir les formalités dont on a entouré la franchise du droit.
(page 1165) Vous savez que c'est au moyen du perfectionnement des machines qu'on gagne les batailles industrielles. Il est temps qu'on nous présente un projet de loi définitif sur cet objet. C'est, comme je l'ai dit en commençant, pour la dernière fois que je vote la prorogation du régime actuel ; il nous faut un meilleur système. Les industriels n'auront plus de motif de se plaindre quand on aura établi un léger droit d'entrée au poids.
M. Osy. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer à l'adoption du projet de loi qui nous est soumis, mais je regrette beaucoup que l'ancien ministre n'ait pas présenté ou préparé un projet de loi définitif.
Il y a deux ans, quand on a prorogé la loi du 24 mai 1848, il y avait unanimité pour demander que le système actuel cessât, car vous voyez d'après le tableau qui a été remis à la section centrale que toutes ou presque toutes les machines entrent en franchise de droit.
Il faut pour cela remplir beaucoup de formalités, subir beaucoup d'expertises et attendre les avis des commissions et chambres de commerce. Mais ce n'est plus la peine de maintenir le principe. Comme nous le disions il y a deux ans, si on remplaçait ce système par un faible droit d'entrée, on donnerait beaucoup de facilité au gouvernement sans nuire à l'industrie, car nos exportations sont très considérables, nous avons exporté pour au-delà de 8 millions de francs en 1853 ; nous avons importé avec exemption de droit pour une valeur de 658,800 fr. et nous n'avons importé avec payement de droit que pour 168,000 fr.
La section centrale ne propose l'adoption du projet de prorogation que pour autant que, dans la session prochaine, on présente un projet définitif. Le projet qui nous est soumis a été envoyé à l'avis des chambres de commerce ; presque toutes demandent qu'on en finisse avec le système actuel et qu'on établisse un droit modéré sur les machines en général.
Vous savez ce qui est arrivé il y a peu de temps à Gand.
La chambre de commerce avait donné son avis défavorable à l'importation en exemption de droit. Le gouvernement avait déjà perçu le droit. Après une nouvelle expertise, le gouvernement a trouvé convenable de restituer le droit et d'admettre la machine en franchise de droit.
Je crois qu'il y a eu erreur. Mais vous voyez que les avis de la chambre de commerce ne sont pas toujours suivis.
J'engage donc le gouvernement à nous présenter, au commencement de la session prochaine une loi définitive qui, d'après l'avis de la chambre de commerce, offrira un avantage au trésor, aux constructeurs qui seront protégés par un droit et enfin aux industriels qui seront débarrassés de formalités gênantes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je regrette avec l'honorable préopinant que l'on n'ait pas réuni à temps les éléments nécessaires pour préparer un projet de loi définitif tendant à faire sortir l'industrie de la construction des machines de la position exceptionnelle qu'elle a aujourd'hui dans notre législation douanière.
Je trouve aussi que, dans l'intérêt de nos constructeurs, dans l'intérêt des chambres de commerce qui sont souvent consultées sur des questions dont elles n'aiment pas à se mêler, enfin dans l'intérêt des industriels à qui les formalités nécessaires répugnent, il vaudrait mieux percevoir un droit fixe, modéré, qui ne fût pas un obstacle à l'introduction de machines nouvelles, et qui pût, d'autre part, offrir une certaine protection à la construction de machines dans le pays.
La prorogation, du reste, n'est demandée que pour une année.
Tout ce que, dans l'état actuel des choses, nous devons et nous pouvons faire, c'est qu'on n'abuse point de la loi pour introduire, en franchise de droits, des machines qui ne constituent pas une nouveauté, un progrès. Il faut donc des garanties suffisantes en faveur des établissements de construction existant dans le pays. C'est ce que ces établissements demandent et ont le droit de demander ; car si l'on a cru devoir introduire un traitement exceptionnel, mais nécessaire, pour l'entrée des machines nouvelles, il est évident que cela ne doit pas s'étendre contrairement au vœu du législateur, à des machines qui n'ont pas le caractère de nouveauté exigé pour donner droit à l'exemption de droits d'entrée.
Cependant, j'aurai l'honneur de dire à la Chambre que les honorables préopinants et même la section centrale ne me paraissent pas avoir une connaissance complète des précautions qui ont déjà été prises par le gouvernement contre la surprise d'exemptions indûment accordées à des machines qui n'ont pas un caractère de nouveauté.
Déjà il existe un ensemble de garanties réelles et suffisantes pour qu'on n'outre-passe pas le but de la loi. A-t-on prévenu tous les abus ? Je n'oserais le dire ; je crois facilement que des abus peuvent s'être glissés dans l'exécution de la loi.
Quelles sont ces garanties ? Un arrêté royal du 5 juillet 1853, réglant l'exécution de la loi du 11 juin même année, porte, à l'article 4, que lorsqu'on demande l'exemption des droits d'entrée d'une machine nouvelle, les dessins et plans de cette machine seront pcndant quinze jours déposés au secrétariat de la chambre de commerce de la localité, à l'inspection des intéressés, c'est-à-dire des constructeurs.
Ceux-ci sont donc avertis, et mis à même d'examiner par eux-mêmes si la machine pour laquelle on demande l'exemption des droits d'entrée offre vraimeut un caractère de nouveauté.
Seconde garantie ; les chambres de commerce devront déléguer quelques-uns de leurs membres, chargés de voir fonctionner la machine nouvelle. Or, les chambres de commerce des villes industrielles (et c'est là que s'introduisent d'ordinaire ces sortes de machines) renferment dans leur sein des hommes éclairés qui, par l'expérience acquise et par la parfaite connaissance des machines à l'usage de leur industrie, sont mieux que personne à même de constater impartialement si la machine pour laquelle on demande l'exemption de droits offre réellement un caractère de nouveauté.
En outre, et pour offrir encore plus de garanties à l'industrie des constructions mécaniques, le département de l'intérieur a, sous la date du 26 juillet 1853, adressé une circulaire aux chambres de commerce, où l'on recommande aux délégués des chambres de commerce de s'adjoindre dans leur enquête quelqu'un présentant des connaissances encore plus spéciales dans la matière.
Voici les termes de cette circulaire :
« L'examen des demandes en exemption de droits continuera à vous être déféré. Vous appréciez trop bien le soin que réclame cet examen, pour que j'aie besoin de vous présenter, à ce sujet, des observations particulières. Je vous recommanderai seulement de comprendre, en toute circonstance, un constructeur-mécanicien parmi les délégués chargés d'éclairer votre opinion relativement à l'objet de la demande. Si la chambre de commerce n'avait point de constructeur au nombre de ses membres, elle pourrait en appeler un pour cet objet, en dehors de son sein. Il serait utile également que l'on s'adresse de préférence, pour la mission de délégués, aux membres de la chambre de commerce dont la spécialité se rattache à la catégorie de machines qui se trouve en jeu. »
En pratique, je ne sais si l'on suit rigoureusement et dans tous les cas ces utiles prescriptions. Mais je puis affirmer que, pour toutes les affaires de ce genre qui me sont passées par les mains, les chambres de commerce ont adjoint à leurs délégués des mécaniciens de la localité, ayant des connaissances spéciales dans la fabrication des machines.
Leur avis est ordinairement résumé dans le rapport de la chambre de commerce, pour que l'administration centrale puisse apprécier, à la fois l'avis des constructeurs et l'avis des membres délégués de la chambre de commerce.
Une dernière garantie existe encore, la voici :
Lorsque l'avis de la chambre de commerce arrive au département de l'intérieur, il y est soumis à l'examen d'un comité consultatif composé d'hommes tout à fait spéciaux pour la mécanique industrielle ; ce comité consultatif adresse au ministre un rapport circonstancié et scientifiquement motivé. Ce n'est que lorsque ce rapport concorde parfaitement avec celui de la chambre de commerce que le ministre prononce l'exemption définitive de droits d'entrée en faveur de la machine nouvelle, objet de cette longue instruction.
Il y a plus. Dans certains cas, lorsqu'un industriel, importateur d'une machine, croit devoir réclamer contre l'avis de la chambre de commerce ou des constructeurs-mécaniciens, on procède, sur la réclamation de l'industriel, à une contre-enquête. Ce cas s'est présenté à Gand pour une affaire qui a fait un certain bruit. La chambre de commerce s'est adressée à trois nouveaux experts, elle a fait faire un nouvel examen de la machine soumise à cette deuxième enquête, pour constater si elle se distinguait par des organes nouveaux, par des rouages encore inconnus.
Le résultat de la deuxième enquête fut de convaincre la chambre de commerce que la machine offrait un caractère de nouveauté, et qu'elle avait droit à l'exemption des droits d’entrée.
La chambre de commerce n'a pas hésité, par conviction, par conscience, à se déjuger ; elle a déclaré, dans un second rapport, qu'il y avait lieu d'accorder l'exemption de droit pour la machine soumise à son deuxième examen.
J'entre dans ces détails pour prouver que sous la législation actuelle il y a déjà des garanties, que l'exemption des droits n'est accordée qu'aux machines offrant le caractère voulu par la loi, c'est-à-dire un caractère de nouveauté.
Cependant rien ne s'opposerait à ce que les constructeurs, qui peuvent pendant quinze jours examiner, au secrétariat de la chambre de commerce, la machine nouvelle, adressassent un avis directement au gouvernement. Cet avis motivé serait apprécié par le gouvernement qui en tiendrait évidemment compte comme parlant d'hommes très spéciaux dans la matière et qui ont le droit d'être entendus. Il serait examiné par le comité consultatif qui siège au département de l'intérieur, et qui pourrait, au besoin, déléguer un de ses membres pour aller examiner personnellement la machine là où elle fonctionne. Tout le monde aurait à y gagner, gouvernement et industriels.
Du reste, le régime qui règle aujourd'hui l'entrée des appareils nouveaux est généralement considéré comme ayant fait son temps.
Je n'hésite pas à prendre, dès ce moment, l'engagement de soumettre la législation concernant les machines à un nouvel examen, pour voir s'il n'y aurait pas lieu de faire rentrer cette catégorie d'objets dans le droit commun, de faire cesser la position exceptionnelle faite aux machines nouvelles, et d'établir, à l'entrée, un droit fixe, soit à la valeur, soit au poids. Jusqu'à présent, je crois que personne n'a d'opinion arrêtée à cet égard, et il serait difficile de dire ce qui vaudrait le mieux. Les chambres de commerce qui ont parlé en général d'un droit fixe à établir n'ont discuté, ni la base, ni laquotité du droit à percevoir. C'est une question à examiner. De graves intérêts sont en présence. (page 1166) Il s'agit de concilier les progrès de l'industrie en général avec le respect dû aux intérêts d'une industrie spéciale dont je suis le premier à reconnaître l'importance.
M. de Haerne. - Messieurs, quels que soient les inconvénients et les embarras auxquels a donné lieu la mesure prise sous le ministère de l'honorable M. Rogier, je persiste à croire qu'elle a été utile, qu'elle a été favorable au développement de l'industrie en général, sans en excepter celle de la construction des machines. Les résultats ont répondu à l'attente.
Il est vrai qu'il y a en présence plusieurs intérêts, qu'il s'agit de concilier le mieux possible. Mais d'après tout re qui se passe, d'après ce que je viens encore, d'entendre, je crois que les industriels qui ont sollicité une réforme, dans cette mesure législative seront bien étonnés du résultat qu'ils obtiendront.
En effet, d'où partent les réclamations ? Elles proviennent surtout des constructeurs de machines. Que veulent ces derniers ? Ils demandent une protection pour les machines nouvelles non connues dans le pays. Ils demandent qu'on soit plus rigoureux dans l'admis-don de ces machines, qu'on ne les reçoive plus sans droits, et ils prétendent qu'il y a un privilège en faveur des industriels qui doivent se servir de ces machines pour faire marcher leur industrie.
Mais quelle est la conclusion que d'autres tirent de leurs réclamations ?
On arrive à la conclusion d'un droit uniforme très léger.
Pensez-vous que cela soit conforme aux intentions, aux désirs des industriels constructeurs ? Je ne le crois en aucune manière. Je suis persuadé que du moment où un projet pareil sera soumis à la Chambre, le bureau sera saisi d'une quantité de pétitions émanant des constructeurs de machines, pour réclamer un droit plus élevé, et alors, si l'on fait droit à ces réclamations, le but ne sera plus atteint. Pour protéger une seule industrie, celle des constructeurs de machines, on frappera toutes les autres.
Tels sont précisément les inconvénients qu'on avait prévus dans le temps, lorsqu'on a pris cette mesure exceptionnelle ; d'un côté il faut donner à l'industrie générale toute l'impulsion possible en admettant les instruments de travail les plus perfectionnés, et, d'un autre côté, il ne faut pas renoncer à la source de travail qui consiste dans la construction des machines.
Il y a donc ici deux intérêts à consulter. Les constructeurs de machines prétendent qu'ils sont victimes d'un privilège accordé aux autres industriels ; mais, en principe, je ne vois pas qu'il y ait ici privilège, du moins dans leur sens.
En effet, les constructeurs de machines, pour se livrer à leur industrie, ont eux-mêmes besoin de machines, et ces dernières jouissent des mêmes avantages que les outils employés dans les autres industries ; de plus, les constructeurs ont la faculté d'introduire sans droit les machines dont ils peuvent avoir besoin pour modèles. Il n'y a donc pas de privilège, dans ce sens que les constructeurs seraient moins bien traités que les autres industriels nationaux.
On objecte que le chiffre des machines introduites sans droit est plus élevé que celui des machines importées moyennant le payement du droit. Cela prouve seulement que l'industrie, en progressant, demande beaucoup d'instruments nouveaux, et que, pour ceux qui ne sont pas nouveaux, le droit est tellement élevé qu'il en rend l'importation difficile. D'un autre côté nos exportations de machines ont considérablement augmenté. Les constructeurs n'ont donc pas à se plaindre. Pour bien apprécier le prétendu tort, il faudrait comparer les machines introduites sans droit à celles qui ont été construites dans le pays sous l'empire de la loi qu'on attaque.
Quant à la quotité du droit, je ne suis pas à même de me prononcer sur cette question. Seulement j'ai des appréhensions à cet égard. Je crains que lorsque le projet sera présenté, il ne contente personne. Si le droit uniforme est élevé, il paralysera le mouvement général de l'industrie. S'il est peu élevé, il froissera les constructeurs. Dans tous les cas je ne crois pas que les inconvénients qu'on a signalés, et il peut en avoir existé, soient tels qu'il faille s'en alarmer. Pour ma part je crois que si l'on change la loi, il faut prendre beaucoup de précautions.
On parle des difficultés qu'il y a à constater si une machine est nouvelle ou non... Certes, dans l'application, il peut y avoir des difficultés ; mais d'après ce que vient de nous dire M. le ministre de l'intérieur, je pense que les mesures prises par le gouvernement et celles qu'on pourra prendre encore doivent suffire pour donner satisfaction à ceux qui ont réclamé de ce chef. D'un autre côté, ceux qui introduisent des outils nouveaux se plaignent des formalités à subir ; mais ceux qui ont besoin de ces instruments ont l'avantage d'en jouir sans payer de droits. Il est juste qu'ils passent par quelques embarras ; ces entraves sont une espèce de protection en faveur des constructeurs, à laquelle les industriels qui emploient les machines doivent se résigner.
Je pense, messieurs, qu'il n'y a pas ici de privilège proprement dit. Il n'y a pas plus de privilège en cette matière qu'en ce qui concerne les brevets d'invention. Une invention peut se produire dans plusieurs pays à la fois. Une invention peut être présentée par plusieurs personnes du même pays ; ou si elle n'est pas présentée par plusieurs personnes, elle peut avoir surgi dans plusieurs têtes à la fois. Cependant, lorsque le brevet d'invention est accordé à quelqu'un, il n'est pas moins exclusif à l'égard de tous les autres industriels. Un autre industriel ne peut plus faire valoir de prétentions, tout en se trouvant peut-être dans le même cas que celui qui le premier a présenté l'invention dont il prétend être l'auteur.
C'est une question de raison et d'appréciation. L'équité doit être invoquée ici, comme elle doit l'être, lorsqu'il s'agit de déclarer qu'une machine est nouvelle, et que les constructeurs nationaux n'ont pas droit à la protection pour un produit qu'ils ne fabriquent pas. La mesure relative à l'introduction, sans droit, des machines nouvelles est un complément de la loi des brevets.
Par celle-ci on fait appel aux inventeurs, aux importateurs, on leur accorde un privilège dans l'intérêt de l'industrie ; par la loi en discussion, on appelle les machines mêmes dans le pays où elles sont encore inconnues
Les différends qui s'élèvent à propos des brevets de perfectionnement, ne sont pas plus faciles à aplanir que ceux que fait naître la matière dont nous nous occupons.
On accorde un avantage, un privilège, si l'on veut, au constructeur étranger, dans ce sens qu'on l'exempte du payement du droit. On lui donne en quelque sorte un brevet dans cette limite. Par là on développe l'industrie qui réclame les machines, et l'on stimule en même temps celle des constructeurs,en l'engageant à fabriquer lui-même ces produits étrangers.
Les constructeurs n'ont pas droit à la protection pour les instruments de travail qu'ils ne confectionnent pas. On ne protège que ce qui se fabrique dans le pays, on n'accorde pas de protection à ce qui n'existe pas.
Quant à la constatation de la nouveauté de la machine, j'ai déjà dit que j'admets toutes les garanties dont on voudra l'entourer. Il faut obvier aux abus, sans pour cela méconnaître les avantages du principe.
Il y a donc ici une simple question de loyauté qui doit être mûrement examinée par l'administration dans la pratique. Qu'on remarque bien que le gouvernement n'a aucun intérêt à ne pas présenter les choses telles qu'elles sont. Il me semble donc que les industriels doivent être satisfaits lorsque le gouvernement a prononcé, sauf à réclamer en temps opportun, s'il y a lieu de le faire.
Messieurs, je ne prétends pas que la loi est parfaite à tous égards ; je ne m'opposerai donc pas d'avance à la présentation d'un projet de loi quelconque sur la matière ; seulement, je dirai en me résumant que la mesure dont il s'agit n'a pas produit les mauvais effets dont on se plaint et je crains qu'une nouvelle loi ne produise pas les bons résultats qu'on semble en attendre.
M. Prévinaire. - Messieurs, j'ai entendu tout à l'heure un honorable membre, dont le gouvernement semble partager l'opinion, exprimer le regret que le cabinet précédent n'ait pas saisi la Chambre d'un projet de loi modifiant la loi que nous discutons, dans le sens d'une réduction des droits d'entrée.
Je crois qu'il y a quelque confusion dans cette manière de voir, et qu'il faut distinguer la portée de la loi dont la prorogation nous est proposée.
Selon moi, l'intérêt de l'industrie exige que les machines d'invention nouvelle puissent en tout état de choses être introduites dans le pays en franchise de tout droit ; il importe en effet d'alléger autant que possible la charge qui pèse sur l'industriel qui veut s'assimiler une machine nouvelle, en vue de se placer à la hauteur des progrès réalisés à l'étranger.
Mais lorsqu'il s'agit de machines déjà construites en Belgique, la question se complique de l'intérêt du constructeur, et je conçois qu'alors la loi actuelle ne puisse être appliquée et qu'on lui substitue le droit commun et l'application d'un tarif de droits réduits.
Cependant nos manufacturiers ont un intérêt si considérable à pouvoir renouveler leur mobilier industriel, que je n'hésite pas à déclarer que le gouvernement devrait pouvoir user de la loi actuelle pour favoriser l'importation de machines déjà construites en Belgique, et cela aussi longtemps que le tarif actuel restera en vigueur.
Je voudrais toutefois que l'usage de cette faculté fût subordonné à certaines conditions. Parce qu'un constructeur aura fait une machine, s'ensuivra-t-il qu'il faille assujettir l'industriel aux délais qu'entraînerait une insuffisance de moyens de fabrication de sa part, ou ne leur donner que la ressource d'acquitter les droits énormes qui les grèvent en ce moment ? Je pense que lorsqu'il s'agit de machines perfectionnées, on doit laisser au gouvernement le soin d'apprécier, d'après certaines circonstances, s'il convient qu'il fasse usage de la loi actuelle, alors même que des machines semblables auraient déjà été construites dans le pays. Agir autrement, ce serait placer l'industrie dans la dépendance de l'un ou l'autre constructeur.
Pour ce qui est des machines d'invention nouvelle qui n'ont pas été confectionnées dans le pays, les constructeurs eux-mêmes ont intérêt à pouvoir les introduire sans droits.
J'ai dû m'étonner, messieurs, de voir le gouvernement partager le regret que le cabinet précédent n'eût pas présenté un projet de loi modifiant le tarif actuel sur les machines, lorsque le cabinet a retiré le projet de réforme douanière dont la Chambre était saisi, en nous déclarant l'intention de procéder à cette réforme par un travail d'ensemble. Pour être logique, une loi modifiant les droits sur les machines devait avoir le même sort que le projet de réforme retiré par le cabinet et avec bien plus de raison, puisque, pour être juste, il ne faut songer à (page 1167) élargir, pour nos constructeurs, le champ de la concurrence qu'après avoir amélioré leurs conditions de production en dégrevant leurs matières premières.
C'était là le système adopté par l'ancien cabinet, et le cabinet actuel donne la préférence à un travail d'ensemble ; je crains bien qu'il n'aboutisse pas et que les intérêts menacés ne se coalisent pour rendre impossibles les réformes que l'intérêt de l'industrie aussi bien que l'intérêt général réclament.
Il est du plus haut intérêt pour l'industrie manufacturière que l'introduction des machines puisse se faire à un droit très modéré ; le renouvellement en quelque sorte périodique du mobilier industriel est devenu une nécessité en présence des progrès incessants qui se réalisent.
Dans l'état actuel des choses, je le répète, il importe de permettre au gouvernement de faire usage de la législation que nous allons proroger, alors que les circonstances le rendront convenable.
Les brevets d'invention créent aux industriels des entraves qu'il ne faut pas aggraver par la législation douanière ; il suffirait d'un brevet pris en Belgique et cédé à un constructeur pour placer l'industrie dans l'alternative doublement onéreuse, ou de payer les droits énormes du tarif, ou d'accepter les conditions du seul constructeur qui pourrait lui fournir des machines.
J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à bien examiner cette question et à ne pas se familiariser trop facilement avec l'idée qu'on peut rentrer immédiatement dans le droit commun pour les machines indistinctement. Il est certain que l'importation d'une machine qui n'est pas encore introduite dans le pays ne peut en aucune manière léser les constructeurs ; les constructeurs y trouvent, au contraire, un immense avantage au point de vue de leur production.
Lorsque le constructeur qui doit livrer des machines à l'industrie manufacturière, à des prix avantageux, n'a pour champ d'exploitation qu'un petit pays, comment voulez-vous qu'il récupère les frais des modèles qu'il doit fabriquer ? Si, au contraire, il possède un marché comme celui de l'Angleterre ou de la France, le prix de ses modèles est immédiatement récupéré du moyen d'une réparation sur une vente beaucoup plus considérable de produits.
Il ne faut donc pas qu'on ait en Belgique la prétention de fabriquer toute espèce de machines. Nous sommes, au point de vue de ce genre de fabrication, dans des conditions propres, et c'est pour cela que, malgré les conditions d'infériorité où nous nous trouvons pour la fabrication de certaines machines, nous voyons nos constructeurs exporter sur une assez vaste échelle les machines pour lesquelles ils sont dans des conditions convenables ; de sorte que je ne puis pas attacher à la loi en discussion un caractère provisoire. Je crois que cette loi devra rester définitive, en ce qui concerne les machines entièrement nouvelles ; que cela est utile à tout le monde ; je crois que la loi devra recevoir une application élastique, au moyen d'une appréciation convenable du gouvernement aussi longtemps que le tarif actuel sur l'introduction des machines n'aura pas été modifié dans le sens d'une réduction nolable des droits.
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, si le système défendu par l'honorable M. Prévinairc devait prévaloir, il faudrait, ce me semble, y mettre un peu plus de franchise et déclarer la libre entrée des machines. Car, en droit, d'après nos tarifs, les constructeurs de machines jouissent d'une protection très élevée, qu'on a même qualifiée d'exorbitante ; mais, en fait, comme l'honorable M. Osy l'a fait observer tout à l'heure, l'entrée des machines a lieu sans aucuns droits. Vous avez vu dans le rapport qu'en 1853 il est entré 658,898 kil. en franchise de droit, et que seulement 168,645 kil. ont acquitté les droits.
Je pense donc que le système qui est en vigueur consacre une injustice au point de vue des constructeurs et même des industriels.
Les constructeurs sont placés en dehors du droit commun. La protection qui forme la base de notre tarif n'est, comme j'avais l'honneur de le dire, qu'une déception pour eux. D'un autre côté, toutes les matières premières qui entrent dans la fabrication des machines, telles que les fontes, les fers, les bois, l'acier et le cuivre, restent protégées par des droits excessivement élevés, souvent prohibitifs. Et c'est dans de pareilles conditions que l'on songerait à livrer nos ateliers de construction sans aucune défense à la concurrence étrangère. Ce serait, messieurs, un acte d'inqualifiable témérité.
Maintenant, au point de vue des industriels, il faut bien le dire, le régime actuel se résume en faveur, en privilège qu'on accorde à ceux qui se montrent les plus diligents ou à ceux qui sont les mieux informés.
Si un industriel a le bonheur d'arriver le premier, il importe ses machines en franchise de droits.
Les retardataires, au contraire, ne sont plus admis à jouir des mêmes avantages. L'immunité cesse dès qu'une machine similaire a été construite dans le pays. Est-ce là de la justice distributive ?
Dans un pareil état de choses, il convient de mettre un terme à une loi d'exception qui en définitive semble ne contenter personne. Toutes les chambres de commerce du pays ont demandé qu'on substituât un droit modéré au régime actuel. Je crois qu'à cet égard les constructeurs et les industriels se sont en quelque sorte mis d'accord.
Mais il est certain que lorsque le gouvernement viendra nous faire des propositions, il faudra tenir compte du tarif qui prévaudra pour les matières premières. S'il n'y a pas un dégrèvement notable de droits sur les matières premières, vous ne pourrez plus songer à abaisser de moitié, comme on l'a déjà demandé, les droits sur les machines.
Tout se lie en matière de tarif ; c'est une œuvre d'ensemble.
Messieurs, l'industrie des machines est une des plus intéressantes du pays et la plus difficile peut-être de toutes. Avec cette industrie, on en crée d'autres.
Pour ma part, je plaindrais un pays où il n'existerait pas d'ateliers pour la construction des machines, car ce pays pourrait, dans certains cas, se trouver complètement à la merci de l'étranger.
En Angleterre, chose assez remarquable, avec des tarifs pour ainsi dire libre-échangistes, on a conservé une protection assez élevée pour les machines ; les machines y jouissent encore d'une protection de 10 p. c. Il me semble que si l'Angleterre s'est préoccupée des intérêts des constructeurs de machines, alors qu'elle se trouve dans des conditions de production si avantageuses par le bas prix du combustible, du fer et généralement de tout ce qui entre dans la construction des machines, alors que la production, sous toutes les formes, s'y développe dans des proportions si colossales ; il me semble, dis-je, que si l'Angleterre, malgré son incontestable supériorité, ne croit pas devoir enlever aux constructeurs la protection dont ils jouissent, ce n'est pas à la Belgique qu'il convient de donner un exemple du libre échange.
J'engage donc le gouvernement à prendre ces observations en sérieuse considération, lorsqu'il saisira la Chambre de propositions définitives concernant les droits d'entrée sur les machines ; je l'engage aussi à avoir égard aux observations qui ont été faites par la section centrale, afin qu'à l'avenir les abus contre lesquels on a cru devoir réclamer ne se reprodui sent plus.
M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, après ce que vient de dire l'honorable M. T'Kint, j'aurai peu de chose à ajouter. Je crois que si les principes mis en avant par l'honorable M. Prévinaire devaient être adoptés par la Chambre, mieux vaudrait déclarer, dès aujourd'hui, la libre entrée de toutes les machines indistinctement.
En effet, messieurs, ainsi que je le constate dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous soumettre au nom de la section centrale, l'exception est devenue aujourd'hui la règle, c'est-à-dire que de toutes les machines importées de l'étranger, les cinq sixièmes entrent en franchise de droit.
Messieurs, lorsqu'on a cru utile à l'intérêt du pays d'accorder l'immunité des machines et mécaniques nouvelles, on avait principalement en vue les machines qui pussent servir de modèles à nos constructeurs ; mais la loi a été souvent prolongée, et d'extension en extension, on en est venu au point que si le gouvernement n'est pas très sévère dans l'application de cette loi, presque toutes les machines peuvent entrer exemptes de droit.
Les mécaniciens et les constructeurs du pays n'ont fait entendre aucune réclamation contre la loi jusqu'en 1845 ; mais c'est à cette époque que certains abus ont été signalés à la Chambre et que l'opinion s'en est émue ; aussi, en 1848, le ministre de l'intérieur d'alors, qui avait présenté un projet de prorogation, n'a pas pu méconnaître le grand intérêt qui est attaché à cette question, au point de vue des constructeurs du pays.
Il disait que « la condition essentielle pour les constructeurs se trouve dans la garantie, que la franchise de droits n'est applicable qu'aux machines qui ne se fabriquent pas dans le pays. »
Eh bien, je crois que la prorogation de 1855 et celle qu'on vous propose aujourd'hui veut encore le maintien de ce principe ; c'est cette loi-là qui doit être prorogée. Si vous voulez que le fabricant mécanicien ne trouve pas ses droits lésés, vous devez, afin de les garantir, l'admettre dans le comité des experts qui doivent juger de la nouveauté de la machine. Aussi cette admission d'un constructeur dans le comité a-t-elle été demandée par notre honorable président en 1845.
Il est nécessaire, disait notre honorable président, d'introduire parmi les experts un fabricant de machines ; il déclarera si la machine est nouvelle ou non ; s'il prétend qu'elle n'est pas nouvelle, il devra prouver son assertion par la production d'une machine semblable.
M. le ministre a indiqué la marche suivie, et qui, d'après lui, donne toutes les garanties possibles.
Pour obtenir plus de garanties encore, il me semble qu'on pourrait, sans inconvénient aucun, laisser de côté les chambres de commerce. Elles se trouvent composées de personnes qui, dans certaines circonstances, n'ont pas les connaissances spéciales nécessaires pour juger la chose, et doivent, en ce cas, s'adresser à des délégués qui ne se trouvent pas toujours dans des conditions d'indépendance suffisantes pour donner un avis motivé, entièrement désintéressé.
Je crois que quand il y a des intérêts divers en jeu, il faut permettre aux ayants cause de les débattre contradictoirement devant des juges indépendants et impartiaux qui ont des connaissances spéciales suffisantes pour connaître de l'affaire.
Eh bien, un comité composé des éléments réunis au ministère de l'intérieur avec l'adjonction d'un constructeur mécanicien offrirait toutes garanties et aux constructeurs mécaniciens et aux industriels qui voudraient profiler du bénéfice de la loi.
J'engage M. le ministre à vouloir bien prendre en considération ces observations.
(page 1168) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, dans la loi actuelle on a eu pour but, ne l'oublions pas, de concilier les intérêts des constructeurs et ceux des industriels. Les constructeurs n'ont pas, que je sache, autant souffert qu'ils le disent de la législation actuelle.
La preuve en est dans les progrès constants que fait cette industrie à l'intérieur du pays et dans les succès qu'elle obtient au dehors.
L'honorable M. Prévinaire se trompe s'il croit que les principaux centres industriels tiennent au maintien de la législation actuelle en ce qui concerne la franchise de droit pour les machines nouvelles.
On aimerait beaucoup mieux un droit fixe, modéré, que la franchise au prix des formalités nombreuses et très désagréables qu'on a à remplir aujourd'hui.
Ainsi, l'établissement d'un droit fixe modéré ne serait pas un obstacle au progrès de nos industries.
En attendant une législation nouvelle, le tout est de trouver des garanties pour constater la réalité de la nouveauté ou du perfectionnement des machines. A mes yeux les garanties qui existent et que j'ai exposées tout à l'heure sont très sérieuses.
Il y a d'abord exposition des dessins et plans pendant quinze jours sous les yeux de toute l'industrie de la localité ; appel à tous les constructeurs de venir les examiner ; faculté pour eux de faire arriver leurs réclamations ou observations sur ces machines nouvelles ; enquête de la chambre de commerce ; dernier examen par le comité consultatif du département de l'intérieur.
Mon honorable ami M. Vermeire voudrait supprimer ici l'intervention des chambres de commerce. Mais ces institutions renferment dans leur sein des industriels parfaitement compétents pour apprécier ce genre de question. L'honorable M. Vermeire voudrait, en revanche, adjoindre un constructeur au comité consultatif. Mais, quelle espèce de constructeur ? Remarquez qu'il faut des constructeurs spéciaux pour chaque spécialité d'industrie.
Un constructeur de Liège ne serait pas, en général, aussi apte qu'un constructeur de Gand pour apprécier les mécaniques dont se servent les filateurs de Gand. Vous trouverez difficilement un constructeur capable de dire que telle ou telle machine d'un caractère tout spécial, dont on demande l'entrée en franchise, est ou n'est pas nouvelle dans l'une ou l'autre de ses parties. Il y a une si grande variété, une si grande complication d'organes dans la mécanique industrielle, qu'il est presque impossible à un homme de réunir les connaissances indispensables pour apprécier la nouveauté des appareils dans tel ou tel cas donné.
Dans les grands centres industriels comme Gand, Liège, Verviers, Bruxelles, où ces sortes de demandes se font et s'accordent le plus souvent, les chambres de commerce ont des membres parfaitement compétents pour apprécier la nouveauté d'une machine.
Pour adjoindre un constructeur au comité consultatif, on ne saurait dans quelle spécialité prendre ce constructeur. Aujourd'hui, d'ailleurs, le comité consultatif est composé de personnes indépendantes et instruites, ayant des connaissances théoriques et pratiques en fait de construction de machines.
L'un de ces membres est un savant qui, depuis vint-cinq ans peut-être, a enseigné la mécanique industrielle dans ses diverses applications.
Le deuxième est un professeur de physique distingué. Le troisième n'offre guère moins de garanties de savoir et ses connaissances pratiques sont incontestables.
Ces trois membres du comité consultatif, dont deux sont étrangers à l'administration centrale, sont donc parfaitement en mesure d'apprécier la nouveauté ou le perfectionnement de toute machine pour laquelle on demande l'exemption des droits d'enlrée. Que ferait ici une personne de plus ?
Il vaut mieux conserver l'intervention des chambres de commerce, mais en insistant pour que toujours ils s'adjoignent un constructeur de la localité, c'est-à-dire habitué à faire des machines dans le genre de celles qui sont en usage dans la localité.
On semble insinuer que les choses ne se passent pas ordinairement ainsi. Je donnerai des ordres pour que cette partie des instructions ministérielles soit observée, et pour que les chambres de commerce admettent dans leur sein ou s'adjoignent quelqu'un qui puisse, dans les enquêtes auxquelles elles ont à procéder, les renseigner complètement sur les mécaniques spéciales en usage dans la localité.
M. Osy. - En entendant l'horable M. Prévinaire, je croyais qu'il allait conclure à la libre entrée. Je me proposais de le combattre. Sans demander une forte protection, nos établissements de construction de machines ont encore besoin de quelque protection. Quant à la libre entrée, nous n'y sommes pas encore. Rappelez-vous ce qui s'est passé en Angleterre. Là on a commencé par défendre la sortie des machines, même sous peine de mort. Aujourd'hui dans un pays qui a le régime du free trade, il y a un droit de 10 p. c. à l'entrée.
Nous devons donc prendre des précautions. Mais le système actuel est le plus mauvais que nous puissions continuer. Je ne dis pas qu'il ait été mauvais quand on l'a introduit ; mais nous n'en avons plus besoin. Il nous faut un droit modéré, sans ces expertises auxquelles il y a beaucoup à redire.
L'honorable M. Vermeire a dit qu'on pouvait mettre de côté les Chambres de commerce, Je pense que ce serait un tort. Membre de la chambre de commerce d'Anvers depuis nombre d'années, je puis dire que cette chambre, lorsqu'il s'agit d'une affaire de ce genre, délègue des membres parfaitement compétents. S'il n'en est pas ainsi dans les petites villes, du moins dans les grandes villes, les chambres de commerce font leur rapport d'après l'avis d'hommes spéciaux.
J'engage donc beaucoup le gouvernement à maintenir le système actuel jusqu'à ce qu'on vote une loi définitive, c'est-à-dire pendant une année ; car je ne pense pas qu'il y ait une nouvelle prorogation.
M. Vermeire, rapporteur. - La loi que nous faisons est sans contredit une loi exceptionnelle ; C'est une loi qui ne peut léser que l'industrie de la construction des machines. Cette industrie peut seule être lésée par la loi que nous discutons en ce moment. Il est donc bien juste qu'elle trouve sa sauvegarde dans une application équitable, en d'autres termes qu'elle ait voix au chapitre.
Si j'ai demandé qu'il y ait dans le comité du département de l'intérieur un mécanicien-constructeur, mon intention n'a pas été de créer une place nouvelle. J'entendais seulement que ce comité s'adjoignît toujours un mécanicien-constructeur ayant les connaissances spéciales nécessaires pour contrôler sa propre opération, en ce sens que si le constructeur-mécanicien dit : « La machine à laquelle vous voulez accorder l'exemption de droits n'est pas nouvelle, elle fonctionne dans tel atelier, elle est construite dans tel autre », il doit apporter la preuve à l'appui de son assertion. Si au contraire, il se borne à dire : « La machine n'est pas nouvelle », on lui répondra ; « Administrez-en la preuve ». Rien ne me paraît plus simple que cette manière de procéder pour exécuter équitablemenl la loi.
L'honorable M. Osy n'est pas de mon avis, lorsque je demande qu'on laisse de côté les chambres de commerce. Je ne tiens pas rigoureusement à l'observation que j'ai produite en ce sens. Si le gouvernement croit trouver plus de garanties dans l'intervention des chambres de commerce, qu'il s'adresse à elles. Mais puisqu'une seule industrie est lésée par la loi, je demande qu'elle soit entendue en tout état de cause.
M. Prévinaire. - Messieurs, je dois combattre l'opinion qui vient d'être exprimée par l'honorable M. Vermeire ; je ferai observer d'abord que la loi ne s'applique pas seulement à l'introduction de machines nouvelles, mais aussi aux machines perfectionnées.
Je conçois que le concours des constructeurs mécaniciens puisse être utile pour constater que la machine est d'invention nouvelle ; mais on doit reconnaître aussi que le concours des industriels ne l'est pas moins pour aider à la constatation du perfectionnement et de la valeur relative d'une machine.
Il me paraît impossible de n'appliquer la loi qu'aux machines connues ; je citerai les filatures de coton où vous avez des métiers à filer et des métiers de préparation ; c'est un système connu.
Dira-t-on que la loi ne peut être appliquée à des bancs à broches, à des métiers à filer ou à tisser, à moins qu'il ne s'agisse de métiers d'un système nouveau ; ou bien considérera-t-on la loi comme applicable aux machines qui offriraient un perfectionnement, sans qu'il y ait néanmoins d'application d'un système nouveau ?
Je pense que cette question ne peut être douteuse, et que l'on considérera comme perfectionnement toute amélioration de construction qui doit avoir pour effet soit une production plus considérable, soit une production plus économique.
Dans cette situation le gouvernement doit procéder à l'enquête par voie administrative et il ne peut être question, ainsi que l'indiquait l'honorable M. Vermeire, d'abandonner sa solution aux parties intéressées. Le gouvernement, sous sa responsabilité, doit attribuer à la loi sa véritable application, en tenaut compte des deux intérêts qu'il s'agit de sauvegarder.
Sans cette latitude la loi que nous faisons serait inefficace, en présence d'une législation exorbitante ; car les droits actuels sont exorbitants. Entraver par de tels droits l'introduction d’outils perfectionnés, c'est ralentir le progrès, c'est nuire à l'intérêt général. Il faut donc pencher vers une application trop libérale plutôt que vers une application trop restreinte de la loi. Non pas que je prétende, comme on le suppose, qu'il faille introduire le free trade, sous prétexte de l'application de cette loi. Ce n'est pas là ce que je veux ; car je désire que notre système douanier soit modifié dans son ensemble et coordonné de manière à concilier l'intérêt du consommateur avec celui du producteur.
Mais je dis que s'il y a lieu de pencher dans un sens plutôt que dans un autre, il faut pencher dans le sens d'une application libérale de la loi que nous allons voter.
M. Vermeire, rapporteur. - L'honorable préopinant dit que nous voulons renfermer la loi dans un cercle tellement restreint qu'elle deviendra dorénavant un obstacle à l'importation en franchise de droits des machines perfectionnées. C'est une erreur.
En effet que fait la loi actuelle ?
Elle proroge les lois des 24 mai 1848 et du 11 juin 1853. Or, la nouveauté est expliquée dans la loi de 1848, en ce sens que l'on peut jouir des bénéfices de la loi chaque fois que l'appareil importé ne se fabrique pas dans le pays.
Ainsi l'existence d'une mécanique ou d'un appareil similaire dans le pays n'empêche pas l'introduction d'appareils ou de mécaniques semblables. Pour que le droit soit exigible, il faut qu'elle y soit (page 1169) confectionnée. Sans cette dernière condition, l'exemption peut toujours être accordée.
- La discussion est close.
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« La loi du 24 mai 1848, qui autorise le gouvernement à accorder l'exemption des droits d'entrée sur des machines, métiers ou appareils nouveaux ou perfectionnés, est maintenue en vigueur jusqu'au 24 mai 1856 inclusivement, avec les modifications qui y ont été apportées par la loi du 11 juin 1853. »
Il est procédé auvote par appel nominal sur ce projet de loi.
68 membres prennent part au vote.
67 votent l'adoption.
1 vote le rejet.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté pour le projet de loi : MM. Dautrebande, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Theux, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prèvinaire, Rousselle, Sinave, Tack, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Brixhe, Calmeyn et Delehaye.
A voté contre le projet : M. Coomans.
(page 1178) M. Laubry. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit de 17,000 fr. pour travaux à exécuter dans la vallée de la Haine.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures et un quart.