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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 4 mai 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1019) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

M. Vermeire présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Maertens demande le bénéfice du pro Deo dans une affaire criminelle. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice propose un amendement au libellé d'un article du budget des voies et moyens. »

- Impression et distribution.


« M. Tremouroux demande un congé. »

- Accordé.


« M. Calmeyn, retenu chez lui par indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. »

- Pris pour information.


« Il est fait hommage à la Chambre par M. Eug. Stroobant de trois exemplaires d'un recueil de poésies flamandes qu'il vient de publier sous le titre de Gedichten. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Florennes, le 29 mars 18555, le sieur Baux, secrétaire communal à Florennes, prie la Chambre de prendre une mesure qui permette au gouvernement d'améliorer la position des secrétaires communaux et demande qu'en attendant ces fonctionnaires soient admis à participer au crédit extraordinaire de 400,000 fr.

Votre commission, considérant que les secrétaires communaux ne sont pas des fonctionnaires de l'Etat, mais des communes respectives, dont ils ressortissent, ce serait aux autorités communales et non à la Chambre qu'ils devraient s'adresser ; et quant à la participation au crédit de fr. 400,000, il n'est pas entré dans l'intention de la Chambre d'y admettre les employés des provinces ni des communes.

Elle devrait, en strict droit, vous proposer l'ordre du jour.

Considérant d'ailleurs que quelques honorables membres de cette Chambre s'intéressent spécialement aux secrétaires des communes, elle s'est décidée à vous proposer le renvoi pur et simple de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - Messieurs, je sais parfaitement que les traitements des secrétaires communaux sont à la charge des communes et que l'Etat n'est pas tenu à les rétribuer ; mais il n'en est pas moins vrai que leur rémunération est excessivement minime. La plupart de nos communes, et notamment dans les Flandres, sont endettées et ne peuvent accorder que très peu de chose à leurs secrétaires.

Et cependant ce sont les secrétaires qui font presque toute la besogne, car dans un très grand nombre de communes, le bourgmestre se borne à signer. Le secrétaire est réellement l'homme de la commune, il doit avoir de l'instruction et une certaine tenue.

On exige de ces fonctionnaires un grand zèle, une application constante à la besogne, on leur confie toute la correspondance administrative, on leur demande mille renseignements pour satisfaire la curiosité des faiseurs de statistique. Il me semble que le gouvernement, quand il emploie ainsi les secrétaires communaux, devrait bien leur accorder une indemnité.

J'appuie de toutes mes forces la pétition et j'espère que M. le ministre la prendra en sérieuse considération.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition respectivement datée de Renaix et d'Anvers, le 26 mars et le 21 avril 1855, le conseil de prud'hommes de la ville de Renaix demande la réforme de la législation relative aux conseils de prud'hommes.

Même demande du conseil de prud'hommes de la ville d'Anvers.

Voici les observations principales que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande :

« Il y a de puissantes considérations qui militent en faveur de cette réforme ;

« On sait que les conseils de prud'hommes sont encore régis en Belgique par des lois françaises qui comptent près d'un demi-siècle d'existence.

« Suffisantes pour les besoins de l'époque où elles virent le jour, ces lois ne répondent plus aujourd'hui aux nécessités de notre situation industrielle.

« Il s'y rencontre une foule de dispositions qui sont tombées en désuétude, d'autres dont l'application est impossible dans notre pays ; d'autres encore qui sont en opposition formelle avec nos usages et avec les principes de notre constitution politique.

« Le mécanisme, établi par les décrets de 1806, 1809 et 1810, est encore trop compliqué, et il importe de le simplifier davantage. Les lois des 9 avril 1812 et 4 mars 1848 ont introduit quelques améliorations ; mais il reste encore plus d'un pas à faire dans cette voie, si l'on veut consolider et populariser notre salutaire institution.

« Chaque conseil a des bases de composition spéciales, des attributions distinctes, des justiciables différents, de sorte que tel jugement, compétemment rendu ici, serait entaché d'illégalité là-bas, malgré la plus parfaite identité et de la nature des causes et de la qualité des parties.

« Le moment est venu de faire disparaître toutes ces anomalies, toutes ces défectuosités et d'inaugurer, un système plus logique, plus homogène, plus large, plus libéral, plus approprié à nos mœurs, à nos idées et à nos besoins.

« Il y a longtemps que la nécessité d'une réforme a été reconnue ; déjà lors de la discussion de la loi de 1842, elle a été signalée à l'attention du gouvernement.

« Depuis lors le gouvernement a mis la question à l'étude, et c'est sous ses auspices que M. Salvador Morhange a élaboré et publié en 1849 un avant-projet de loi réorganique qui a reçu l'adhésion des conseils de prud'hommes du royaume.

« Tous les éléments d'une nouvelle organisation ont donc été recueillis, discutés, coordonnés ; il ne s'agit plus que de soumettre ce travail aux délibérations des chambres législatives. »

Votre commission, appréciant toute l'importance de l'institution des prud'hommes et les nombreux services qu'elle rend à la société, a l'honneur d’appeler l'attention bienveillante et toute spéciale du gouvernement sur cet objet. Elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

M. Manilius. - Messieurs, on nous distribue ordinairement un feuilleton indiquant les pétitions sur lesquelles il doit être fait rapport. Je suppose qu'il s'agit ici de prompts rapports, mais il me semble que ce n'est pas une raison pour ne pas distribuer également un bulletin.

J'ai confiance dans l'honorable rapporteur ; je veux bien voter le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, mais je puis donner l'assurance que je ne sais pas de quoi il s'agit.

M. le président. - Je dois faire observer que jusqu'à présent la Chambre a toujours agi de cette manière, quand elle a eu à voter sur de prompts rapports demandés à la commission des pétitions.


M. Vander Donckt, rapporteur. - A l'observation faite par M. le président, j'ajouterai celle-ci ; c'est que la Chambre est libre de discuter maintenant le rapport ou de remettre la discussion à un autre jour ; si, par exemple, dans le cas actuel, la Chambre décide qu'elle discutera le rapport de la commission un autre jour, ce rapport sera imprimé dans les Annales parlementaires de demain, et alors la Chambre discutera en parfaite connaissance de cause.

Si la motion de l'honorable M. Manilius tendait à ajourner la discussion à un autre jour, je crois que la commission serait disposée à s'y rallier.

M. Manilius. - Le but de ma motion d'ordre est seulement d'obtenir qu'à l'avenir la Chambre ne prononce sur de prompts rapports de la commission des pétitions qu'après qu'ils auront été imprimés, ou du moins qu'on fasse un feuilleton spécial des pétitions qui ont provoqué la demande d'un prompt rapport, et que la Chambre discute à jour déterminé.

M. Vander Donckt. - La commission s'est conformée aux précédents qui ont toujours été suivis pour les prompts rapports.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Blankenberghe, le 2 mars 1853, le conseil communal de cette localité demaude un subside qui lui permette de faire le prolongement du canal de Blankenberghe et d'y construire un port de marée.

Les pétitionnaires disent que leur population de pêcheurs souffre de plus en plus et s'appauvrit tous les jours, de sorte qu'elle doit infailliblement succomber si on ne lui vient pas en aide.

Elle décharge aujourd'hui ses eaux sur l'arrière-port d'Ostende, et d'après eux, ce système d'évacuation est vicieux et insuffisant.

L'administration des wateringues de la localité a résolu de voter des fonds pour creuser une ouverture nouvelle à la mer, à environ 400 mètres de l'aggloméré, pour décharger les eaux du nord-ouest de Bruges, ils désireraient qu'elle fût pratiquée à la ville même et qu'il y fût joint un port de marée

(page 1020) Ils conviennent que cela donnerait lieu à un surcroit de dépenses assez fort et que la ville ne pourrait supporter ; ils disent qu'ainsi Blankenberghe deviendrait la principale station de pêche des côtes de la mer du Nord.

Votre commission ne s'est pas fait illusion, messieurs, sur la hauteur présumée de la dépense, dans un moment où, dans la prévision de la Chambre, l'exercice courant sera clos avec un déficit considérable, et en présence d'un découvert considérable du trésor.

Cependant vu l'importance qu'aurait pour cette localité un port de refuge ou d'échouage, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Rodenbach. - Avant de m'occuper de la pétition du conseil communal de Blankenberghe, je dois dire que l'observation qui a été faite tout à l'heure par l'honorable M. Manilius est très fondée. Il est presque impossible que nous sachions de quoi il s'agit ; quand la commission des pétitions vient présenter de prompts rapports qui lui ont été demandés par la Chambre, le rapporteur lit son rapport à la tribune, et nous ne pouvons saisir au vol les considérations que la commission fait valoir à l'appui de ses conclusions ; souvent nous n'entendons pas même les conclusions que la commission propose. Il me semble qu'on pourrait, sans grever bien considérablement le budget de la Chambre, faire imprimer d'avance les rapports que la commission fait à titre d'urgence ; cela n'est pas contraire au règlement ; la Chambre fixerait le jour de la discussion, et elle prononcerait alors en parfaite connaissance de cause. Ce serait, d'ailleurs, une marque de déférence pour le droit de pétition qu'elle a toujours respecté, j'appuie donc de toutes mes forces l'observation de l'honorable M. Manilius.

J'arrive à la pétition du conseil communal de Blankenberghe. Cette requête me paraît mériter toute la bienveillance de la Chambre et du gouvernement. L'intérêt que doit inspirer la pétition prend surtout sa source dans la cherté excessive des denrées alimentaires ; le prix de la vie animale est doublé depuis plusieurs années. Je crois que si l'on pouvait doubler, tripler, quadrupler le produit de la pêche en Belgique, ce serait un grand bienfait pour la classe du peuple qui éprouve aujourd'hui une peine infinie à subvenir à ses besoins, qui est aujourd'hui privée de pommes de terre, et qui trouverait dans cet accroissement considérable de la pêche un moyen nouveau et peu coûteux de pourvoir à son alimentation.

Je crois qu'il y a quelque chose à faire pour le gouvernement ; il ne doit négliger aucun des moyens qui peuvent nous procurer plus d'aliments, et le développement de la pèche n'est pas le moins efficace qui se présente à lui.

J'appuie donc le renvoi proposé.

M. Coppieters. - J'aurai fort peu de mots à dire, puisque la commission des pétitions a reconnu l'importance de la requête de Blankenberghe et en propose le renvoi au ministre des travaux publics. J'espère que M. le ministre voudra s'occuper sérieusement de l'objet de la pétition, qu'il l'examinera avec tout le soin qu'elle mérite, et qu'il sera en position de faire connaître les intentions du gouvernement avant la discussion de son budget. Je recommande vivement cette requête à sa sollicitude.

M. Sinave. - J'appuie les observations présentées par les honorables préopinants et le renvoi proposé par la commission.

- Le renvoi est ordonné.

Projets de loi abrogeant la contribution obligatoire des riverains du canal de la Campine

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter aux Chambres les projets de lois suivants :

« 1° Projet de loi qui abroge les dispositions des lois des 29 septembre 1812, 10 février 1843 et 6 avril 1845, qui ont appelé les propriétés riveraines des deux premières sections du canal de la Campine et du canal d'embranchement vers Turnhout, à concourir aux frais de construction des voies navigables ;

Projets de loi allouant des crédits supplémentaires aux budgets des ministères des travaux publics, de la justice, des finances et au budget des non-valeurs et remboursements

Dépôt

« 2° Projet de loi qui alloue au département des travaux publics un crédit de 1,920,000 fr. pour l'exécution de travaux d'utilité publique : Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst ; amélioration des ponts et côtes, etc. » ;

« 3° Projet de loi qui ouvre au département de la justice un crédit supplémentaire de 950,000 fr. pour poursuivre et développer dans les prisons le travail pour l'exportation pendant l'année courante. Pareille somme est portée au budget des voies et moyens de 1855.

« 4° Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire de 8,573 fr. 10 c. au budget des dépenses du département des finances et au budget des non-valeurs et remboursements pour l'année 1854.

Projets de loi autorisant l’aliénation de bien domaniaux

Dépôt

« 5° Projet de loi qui autorise l'aliénation, par voie d'adjudication publique, de certains biens domaniaux. »

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets de lois qu'il vient de déposer.

Ces projets, et les motifs qui les accompagnent, seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi concernant les poids et mesures

Discussion des articles

Articles 10 et 11

M. le président. - La discussion continue sur les articles 10 et 11 et l’amendement de M. de Perceval.

M. de Perceval. - En rouvrant la discussion sur les articles 10 et 11 du projet de loi qui se rapportent au service des poids et mesures, je dois faire remarquer tout d'abord à la Chambre que ce n'est pas une question de personnes que j'agite devant elle ; il s'agit d'une question de principe et d'administration, il s'agit d'asseoir définitivement le service des poids et mesures sur des bases solides, durables et respectées.

Je regrette de n'avoir pu lire, dans les Annales parlementaires qui nous ont été distribuées ce matin, le discours prononcé à la fin de la séance d'hier par l'honorable ministre de l'intérieur ; je ne pourrai donc pas rencontrer toutes les observations qu'il a présentées pour combattre ma proposition. Je ne puis qu'interroger mes souvenirs.

A l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer et de développer dans la séance du 27 avril, j'ai ajouté un paragraphe additionnel, rencontrant ainsi une objection sérieuse qui m'élait faite.

L'on me disait que le personnel du service des poids et mesures exigeait plus d'un vérificateur dans quelques provinces.

D'après les termes de mon amendement, le gouvernement est autorisé à doubler le nombre des vérificateurs dans les provinces où les nécessités du service pourraient le réclamer.

J'accorderai à l'honorable ministre de l'intérieur l'inspection qu'il nous demande de créer, mais à la seule condition que la loi réduise considérablement le personnel de cette administration et qu'elle n'établisse en principe qu'un vérificateur par province.

Le système que je préconise en ce moment et sur lequel vous êtes appelés à vous prononce, messieurs, n'est que la conséquence logique, la conclusion naturelle de tous les beaux discours prononcés dans cette Chambre depuis cinq années, en faveur de la simplification des rouages administratifs.

Aujourd'hui, chose étrange ! on semble tomber dans le même défaut que l'on n'a pas cessé un instant de reprocher aux ministères précédents. Quels griefs articulait-on alors ? On reprochait au gouvernement une tendance outrée, une manie excessive à créer des places. Que de philippiques n'avons-nous pas entendues contre le fonctionnairisme ! On allait même jusqu'à réclamer la suppression des commissaires de district !...

Je convie maintenant ces honorables collègues à mettre en pratique leurs brillantes théories ; assez de paroles, il faut des actes aujourd'hui. J'ai, du reste, l'intime conviction que leur appui ne me fera point défaut.

Ma proposition simplifie les rouages administratifs et elle concilie tous les intérêts ; ceux du trésor, des contribuables et dos vérificateurs eux-mêmes, car le gouvernement pourra, dans la suite, élever leur traitement sans imposer de nouvelles charges à l'Etat.

Elle ne désarme pas le gouvernement, puisque, selon les besoins du service, le nombre des vérificateurs pourra être doublé dans les provinces importantes.

M. Vandenpeereboom. - J'avais l'intention de proposer un sous-amendement à la proposition que vous a soumise mon honorable ami M. de Perceval. Mais les motifs déduits dans le dernier rapport de la section centrale et les observations faites hier par plusieurs orateurs, spécialement par M. le ministre de l'intérieur, m'ont déterminé à y renoncer.

Toutefois, messieurs, comme je pense que les principes que cet amendement contenait peuvent être bons et utiles, je demanderai à la Chambre la permission de le faire connaître, en priant le gouvernement de vouloir bien examiner si les diverses dispositions que je comptais proposer ne pourraient pas être introduites soit dans le règlement d'exécution qui sera fait par le département de l'intérieur, soit même dans un arrêté royal organique du service des poids et mesures.

L'amendement que je me proposais de soumettre à la Chambre avait pour but de diminuer le nombre des vérificateurs des poids et mesures, dans une proportion toutefois moins forte que ne le propose mon honorable ami.

Cet amendement avait en outre pour but de diviser ces fonctionnaires en deux classes ; en aspirants-vérificateurs et en vérificateurs.

En troisième lieu, il tendrait à fixer le traitement de ces fonctionnaires par la loi elle-même, et enfin à allouer à chaque catégorie de ces fonctionnaires un traitement maximum et minimum.

En diminuant le nombre des vérificateurs, à mesure bien entendu des décès et des démissions, on arriverait à réaliser le système qui a été souvent développé dans cette Chambre, et qui consiste à diminuer le nombre des fonctionnaires en améliorant leur position ; on obtenait ainsi un résultat d'économie pour l'Etat et un résultat bienfaisant pour le fonctionnaire lui-même dont les traitements pourraient être augmentés.

La possibilité de diminuer le nombre des vérificateurs ne me semble pas contestable.

L'honorable M. de Perceval a déjà fait observer avec raison que ces fonctionnaires n'ont pas une besogne très grande pendant toute l'année et M. le ministre de l'intérieur lui-même a reconnu qu'il serait possible plus tard d'en supprimer un certain nombre ; il a reconnu qu'ils ne pouvaient pas donner l'année entière leur temps au gouvernement.

Si vous diminuez le nombre de ces fonctionnaires, leur position pourra être améliorée sans qu'il en résulte de nouvelles charges pour l’Etat.

(page 1021) En proposant de diviser les vérificateurs des poids et mesures en deux catégories, c'est-à-dire en aspirants vérificateurs et en vérificateurs, je voulais atteindre un but qui ne peut échapper à personne, c'est-à-dire stimuler leur zèle.

Aujourd'hui un vérificateur est nommé ; s'il est jeune, il n'a aucune perspective d'amélioration, aucun avenir, tandis que s'il y a deux catégories, il entrera d'abord dans la catégorie inférieure et au bout de quelques années il pourra arriver à la catégorie supérieure.

En fixant les traitements dans la loi même ou au moins dans un arrêté organique le gouvernement atteindrait un but très utile.

Dans toutes les administrations où les traitements des fonctionnaires et employés ne sont pas fixés d'une manière invariable, le pouvoir et la législature sont assaillis de sollicitations incessantes de toute espèce ; là, au contraire, où cette mesure est admise, il n'y a jamais de réclamations.

C'est ainsi que dans l'armée personne n'a jamais demandé un traitement exceptionnel, supérieur à celui de son grade, un traitement de faveur enfin. C'est ainsi encore que dans l'enseignement moyen les professeurs, en acceptant une place, savent parfaitement quel est le traitement qui y correspond ; et jamais les bureaux administratifs ni la législature ne sont saisis de demandes d'augmentations de traitements personnels. La fixation d'un traitement par la loi ou par un arrêté royal à encore un autre avantage, c'est de faire mesurer tout le monde à la même aune ou plutôt, puisque nous parlons du système métrique, de soumettre tout le monde à la même mesure, c'est d'empêcher les faveurs qui ont donné lieu à de très vives réclamations, réclamations souvent fondées.

Enfin, pour les vérificateurs aspirants et les vérificateurs en titre, il ne serait pas impossible de fixer un traitement maximum et un traitement minimum ; cette mesure aurait pour effet aussi de stimuler encore plus le zèle des fonctionnaires. Déjà la Chambre a admis ce système. Sans dévoiler les mystères du huis clos, nous pouvons bien dire que la Chambre a fixé un minimum et un maximum de traitement pour ses employés, et le gouvernement lui-même a fixé, pour les professeurs des athénées et les régents des écoles moyennes, un traitement minimum qui, après un certain nombre d'années déterminées, est porté au maximum déterminé par les arrêtés organiques.

Du système que j'ai l'honneur de soumettre à M. le ministre de l’intérieur, il résulterait en outre une économie. A la vérité, elle serait faible, mais enfin, aujourd'hui que nous avons de gros crédits à voter, nous devons faire cas de toutes les économies, quelque minimes qu'elles puissent être.

Les vérificateurs coûtent actuellement une somme de 53,000 francs au trésor, soit en moyenne 1,900 à 2,000 fr. ; si vous en réduisiez successivement le nombre à 20, vous pourriez encore économiser quelques milliers de francs, et porter le traitement des vérificateurs à 2,500 fr. et celui des aspirants à 2,000.

Maintenant, messieurs, un mot de l'inspecteur. La Chambre est peu sympathique, en général, aux places d'inspecteurs, fonctionnaires que l'honorable comte de Mérode appelle « fonctionnaires payés pour voir travailler les autres ». Or, si les positions d'inspecteurs peuvent être combattues, c'est plus spécialement dans le service qui nous occupe, que dans beaucoup d'autres. Quand il s'est agi de l'agriculture et des chemins viciqaux ou....

M. de Perceval. - Et de l’enseignement moyen.

M. Vandenpeereboom. - Attendez... On a contesté l'utilité des inspecteurs. Cependant il est incontestable que dans certains cas une direction uniforme et venant d'en haut est utile en ce qui concerne l'agriculture et les chemins vicinaux. Chacun conprendra que quand il s'agit d'établir un chemin de grande communication il ne faut pas laisser aux communes le soin de faire le tracé ; l'intérêt local dominerait souvent l'intérêt général.

L'honorable M. de Perceval m'interrompait en disant ; « et l’enseignement moyen ». En effet, on a encore combattu les inspecteurs en ce qui concerne l'enseignement moyen. Et cependant sans inspecteurs de l'enseignement moyen, je crois que la loi de 1850 fonctionnerait très difficilement. Tous ceux qui sont chargés d'appliquer cette loi reconnaissent que c'est la visite des inspecteurs qui assure la bonne exécution de la loi et des programmes.

Enfin, messieurs, on a encore contesté l'utilité des inspecteurs quand il s'est agi des haras. C'est cependant là un service plus important que celui des poids et mesures. Il s'agit là aussi d'étalons, mais je crois qu'il est beaucoup plus nécessaire de surveiller ces étalons que de surveiller les étalons assez inoffensifs qui reposent ici à la Chambre et dans les chefs-lieux de province.

Toutefois, messieurs, je ne suis pas absolu dans mes appréciations. Je reconnais qu'il y a dans ce service, comme dans beaucoup d'autres, quelque chose à faire.

Si les idées que j'ai eu l'honneur de soumettre à M. le ministre de l'intérieur sont acceptées par lui, il y aura une économie sur le budget de l'Etat, et dès lors, sans décorer un fonctionnaire quelconque du nom d'inspecteur en chef ou d'inspecteur général des poids et mesures, il me semble qu'on pourrait charger l'un des vérificateurs, le plus intelligent, celui qui mérite le plus la confiance du gouvernement, de remplir des fonctions un peu supérieures, avec un titre modeste, par exemple, celui de vérificateur en chef et avec un léger supplément de traitement,, (page 1201) 500 ou 1,000 francs. Cette légère dépense n'entamerait pas trop l’économie que le gouvernement pourrait faire, et le service serait assuré.

Le fonctionnaire dont je parle pourrait très bien remplir en même temps ses fonctions de vérificateur et celles de vérificateur en chef ; il vérifie pendant deux ou trois mois de l'année, il lui en resterait huit ou neuf pour inspecter.

Je crois, messieurs, que ces différents détails ne trouveraient pas convenablement leur place dans la loi. La loi ne doit établir que les grands principes, mais les mesures dont il s'agit devraient être consacrées par un arrêté royal organique, parce que des actes de cette nature ne changent pas avec les ministères. Nous savons par expérience que rien n'est plus fragile que l'existence ministérielle ; M. le ministre de l'intérieur actuel ne sera pas plus immortel que tous ceux qui l'ont précédé ; car ministre il vivra ce que vit un ministre ; comme je l'ai déjà dit, les ministres s'en vont, mais les arrêtés restent, et les ministres qui arrivent sont obligés d'accepter la succession des ministres qui partent, ne fût-ce que sous bénéfice d'inventaire. J'appelle donc la bienveillante attention de M. le ministre de l'intérieur sur ces diverses questions.

J'espère qu'il appréciera la modération et le désir de conciliation que je mets dans mes propositions ; car, ce que je propose n'est qu'une transaction entre les idées un peu absolues de l'honorable M. de Perceval et les idées un peu absolues en sens contraire des auteurs du projet. Sous ce rapport, j'abonde entièrement dans l'ordre d'idées du cabinet.

M. Moreau, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas à me prononcer sur le mérite de la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom puisqu'il ne l'a pas convertie en amendement.

Je désire seulement répondre quelques mots à l'honorable M. de Perceval. Je crois que l'honorable membre n'a nullement réfuté hier les observations de M. le ministre de l'intérieur, qui vous a parfaitement démontré hier qu'on ne pouvait, sans graves inconvénients, réduire dès maintenant le nombre des vérificateurs.

Car, si d'un côté il importe de réaliser des économies, il faut aussi avant tout, tenir compte des besoins du service ef des intérêts des fabricants de poids et des marchands.

Je puis même dire à la Chambre que je connais un fabricant de poids qui devrait probablement cesser cette fabrication, si dans la ville qu'il habite ne résidait plus un vérificateur.

Si d'ailleurs les vérificateurs étaient même trop nombreux, s'ils n'avaient de la besogne que pendant quelques mois de l'année, je ne pense pas, avee la majorité de la section centrale, qu'il y ait quelque utilité à en fixer le nombre dans la loi sur les poids et mesures.

Dans mon opinion, ce mode de procéder serait insolite.

En effet, l'amendement de l'honorable M. de Perceval soulève une question de budget, une question d'application qui se rattache à l'exécution de la loi et dont la solution doit être laissée au pouvoir exécutif, sous le contrôle des Chambres, contrôle qu'elles exercent lors de la discussion du budget de l'intérieur.

Dans la plupart de nos lois organiques, nous n'avons pas fixé le nombre des agents qui doivent concourir à leur exécution.

Ainsi dans la loi sur l'enseignement moyen, on n'a pas déterminé le nombre des professeurs des athénées et des écoles moyennes ; dans celle sur les chemins vicinaux, on n'a pas non plus indiqué le nombre des inspecteurs, ni en France ni en Hollande, on n'a fixé le nombre des vérificateurs dans la loi sur les poids et mesures.

La raison en est que les besoins du service varient nécessairement suivant les temps et les circonstances ; c'est là une chose que le législateur doit chaque année apprécier., En agissant autrement, on risquerait de devoir modifier à chaque instant les lois organiques.

J'engage donc l'honorable M. de Perceval à retirer son amendement sauf à le reproduire, s'il le juge convenable, lors de l'examen du budget de l'intérieur.

Puisque la discussion est également ouverte sur l'article 11, je présenterai quelques considérations sur cette disposition.

Vous le savez, messieurs, la section centrale, après avoir de nouveau délibéré sur le maintien de l'article 11, relatif à l'inspecteur des poids et mesures, persiste à vous en proposer à l'unanimité la suppression, et les considérations qu'on a présentées en faveur de la création de ce nouvel emploi n'ont pas modifié mon opinion sur ce point.

Un des motifs qu'on a d'abord fait valoir en faveur de cette inspection, c'est que quand l'administration des poids et mesures était annexée au département des finances, il y avait un fonctionnaire chargé de ce travail.

Mais messieurs, je conçois qu'à cette époque il était nécessaire de soumettre à certaine surveillance les vérificateurs qui étaient des agents comptables.

Ces fonctionnaires percevaient alors une taxe pour la vérification des poids et mesures, taxe dont le produit était versé au trésor, il importait donc que cette perception fût contrôlée, et cela explique parfaitement la nécessité d'un fonctionnaire chargé de cette besogne.

On a ajouté ensuite qu'il était indispensable d'établir dans cette administration, comme dans toute autre, une hiérarchie, une autorité supérieure à laquelle les assujettis puissent adresser leurs plaintes et recourir en cas d'abus ou de contestation.

Quant à moi, messieurs, je crois que cette hiérarchie est parfaitement établie, que si elle n'est pas assez efficace, il y a. moyen facile de (page 1022) la rendre telle en donnant des instructions positives à certains fonctionnaires.

En effet, les commissaires d'arrondissement et les gouverneurs sont, comme en France les sous-préfets et les préfets, les chefs immédiats des vérificateurs des poids et mesures, c'est à eux que les assujettis doivent s'adresser, lorsqu'ils se croient lésés ; et, certes l'on ne peut prétendre que ces fonctionnaires ne puissent instruire, comme toutes autres, les affaires concernant les poids et mesures qui leur sont soumises.

Je ne sache pas d'ailleurs que les marchands et trafiquants se soient plaints depuis 1846 jusqu'à ce jour, d'un seul déni de justice.

Enfin, messieurs, au département de l'intérieur, il y a un chef de division et un chef de bureau chargés d'examiner toutes les questions, de faire droit aux plaintes, s'il y a lieu ; n'est-ce pas là, je vous le demande, une hiérarchie complète et bien organisée ?

A cette division est de plus attaché un inspecteur dont on peut utiliser les services.

Nommer encore un nouvel inspecteur ce ne serait qu'ajouter un rouage inutile à la machine administrative, rouage qui ne serait propre, comme cela arrive souvent, qu'à en retarder la marche.

Quant au matériel dont font usage les vérificateurs, il est inspecté au bout de deux ans à Bruxelles, en présence d'une commission spéciale, nommée par le ministre ; ici donc encore le rôle d'un inspecteur est superflu.

Cette vérification ne présentera pas d'ailleurs des opérations bien difficiles à exécuter et si, même, dans certains cas qui se présenteront rarement, il était nécessaire de recourir aux lumières d'un homme spécial, M. le ministre de l'intérieur peut très bien dans ce cas déléguer un membre de la commission instituée par l'article 12

Je persiste donc à croire qu'il n'y a pas lieu de maintenir l'article 11.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je crois avoir donné l'exemple de la conciliation et de l'esprit de transaction dans le discours que j'ai prononcé à la fin de la séance d'hier.

D'un côté, je me trouvais en présence de l'organisation actuelle du service des poids et mesures qui comprend 25 vérificateurs ; d'un autre côté, j'avais l'amendement de M. de Perceval qui propose d'en réduire le nombre à neuf, un par province, avec la faculté pour le gouvernement d'en nommer un second dans les provinces où le besoin s'en fait sentir

Après avoir examiné ce que commandent les intérêts de l'administration, je me suis convaincu qu'il y a lieu de s'opposer à la réduction systématique et immédiate du nombre des vérificateurs, mais qu'il y a possibilité, au fur et à mesure des extinctions, de diminuer dans une certaine proportion le nombre actuel de ces fonctionnaires. Je persiste dans cette manière de voir.

La réduction successive du nombre des vérificateurs des poids et mesures ne date pas d'aujourd'hui. Immédiatement après 1830, il y avait 29 vérificateurs, plus deux vérificateurs adjoints. Il n'y a plus de vérificateurs adjoints aujourd'hui, et de 29 le nombre des vérificateurs est tombé à 25.

Une expérience ultérieure prouvera probablement qu'il y a moyen de persévérer dans cette voie et de diminuer encore le nombre des vérificateurs.

Mais je pense qu'il serait impossible de déterminer en ce moment, d'une manière positive, le nombre nécessaire des vérificateurs, de le régler systématiquement par province, et d'appliquer la mesure de réduction immédiatement.

L'honorable M. Vandenpeereboom a proposé d'introduire par l'arrêté royal d'organisation du service des poids et mesures, certains éléments nouveaux qui n'existent pas dans l'administration actuelle.

Il propose de créer deux catégories de vérificateurs ; des aspirants vérificateurs et des vérificateurs en titre.

Je comprends la pensée qui a inspiré cet amendement ; c'est de donner aux agents de l'administration un stimulant qui les engage à mériter, à force de zèle et d'activité, de passer d'un grade inférieur à un grade plus élevé. Je vois bien là deux grades, mais je ne vois pas deux fonctions. Je ne comprends deux traitements différents que quand il y a deux fonctions différentes.

Je ne vois pas la possibilité de diviser les opérations de la vérification et d'accorder, à raison de la diversité des fonctions, des traitements divers.

Quant à fixer un maximum et un minimum de traitement, c'est une question à examiner. Je n'y vois das d'inconvénient. Les traitements de ces fonctionnaires n'ont pas varié depuis de longues années. Je ne verrais pas d'inconvénient à les déterminer dans un arrêté royal, et à introduire dans ce service ce stimulant qui y manque aujourd'hui ; l’avancement.

Je suis donc d'accord avec l'honorable député d'Ypres, en ce sens, que le nombre des vérificateurs serait réduit au fur et à mesure des vacances autant que le permettront les besoins du service ; mais je ne crois pas que ce nombre puisse être réduit beaucoup, car les opérations de vérification augmentent d'année en année en importance, et les attributions des vérificateurs sont étendues par la loi nouvelle.

D'un autre côté, il ne faut pas qu'on se fasse illusion ; la réduction du nombre des vérificateurs n'amènera pas une grande économie. Ce qu'on économisera sur le personnel, il faudra le donner en une augmentation de frais de tournée ; car ces frais devront être plus considérables qu'aujourd'hui.

Voilà, pour l'amendement de l'honorable M. de Perceval qui concerné le nombre des vérificateurs.

J'arrive à la question de l'inspecteur.

Messieurs, je ne suis pas l'auteur de la loi ; je n'ai pas d'intérêt d’amour-propre à maintenir telle ou telle disposition de cette loi. C'est au point de vue de l'administration que j'examine la disposition qui est relative à la création d'un inspecteur.

La question est de savoir s'il y a lieu, dans l'intérêt de l'administration, d'avoir un inspecteur.

Pour moi, je resté convaincu, après un nouvel examen de cette question, qu'une inspection sérieuse et efficace est nécessaire. Cependant je n'ai pas de parti pris. Nous examinerons s'il n'y a pas moyen de se soustraire à la création de la fonction nouvelle d'inspecteur ; je voudrais démontre à la Chambre la nécessité d'une surveillance active et d'une direction uniforme dans le service des poids et mesures ; et, d'un autre côté, je voudrais tenir compte des répugnances de la Chambre quant à la création d'une nouvelle fonction.

L'administration des poids et mesures est la seule administration spéciale qui n'ait pas de hiérarchie. L'honorable rapporteur de la section centrale ne voit dans cette partie de l'administration n'en qui nécessite une inspection.

Envisageant la chose sainement, on reconnaît qu'il est impossible que des agents s'occupent de leur service avec unité et régularité, sans avoir au-dessus d'eux d'autres agents qui les contrôlent. On dit qu'il y a une espèce de hiérarchie, en ce sens que les vérificateurs sont plus spécialement placés sous la surveillance des commissaires d'arroudissement et des gouverneurs. Je l'ai reconnu, mais aussi j'ai fait observer que ce contrôle n'existe pas, en réalité, quant à présent, et qu'il sera impossible d'obtenir jamais que ce contrôle soit efficace et sérieux.

Messieurs, on ne comprend pas assez l'importance de la vérification des poids et mesures.

Cette vérification est indispensable aux yeux de ceux qui considèrent ce but élevé de la loi, qui est un but d'ordre et de sécurité publique. Or, le contrôle à créer est le seul moyen de s'assurer de la réalité et de l'exactitude de la vérification.

Si les vérificateurs sont sans contrôle, comme cela existe aujourdhui, vous avez la plus grande bigarrure dans les opérations. Dans un bureau on autorisera l'emploi de tel instrument qu'on détruira ou confisquera dans d'autres.

Il est de fait qu'on ne peut pas dire aujourd'hui que le service des poids et mesures soit organisé d'une manière sérieuse, comme l'a voulu le législateur.

On ne comprend pas assez non plus que, pour contrôler les vérificateurs, il faut avoir été vérificateur soi-même, c'est-à-dire avoir passé par toutes les opérations qui constituent à proprement parler la vérification. C'est en cela que consistera principalement la fonction d'inspecteur ; ce sera en reproduisant devant l'assujetti les opérations de la vérification qu'il inspirera de la confiance. D'un autre côté cette croyance qu'à chaque instant on peut les surveiller et les surprendre, sera pour les vérificateurs un grand stimulant.

Ce sera là en même temps une grande garantie pour les assujettis tandis qu'aujourd'hui, malgré tout le bon vouloir des fonctionnaires, il y a une espèce d'arbitraire qui préside à ces opérations.

J'ai dit que ces fonctions d'inspecteur n'étaient pas nouvelles, qu'elles étaient remplies par un vérificateur en chef, quand le service des poids et mesures était au département des finances.

L'honorable rapporteur explique ce fait par cette circonstance que les vérificateurs étaient alors de véritables agents du fisc, puisqu'on percevait des rétributions pour le poinçonnage et qu'il y avait de ce chef des rentrées au trésor.

Il est possible que cela ait contribué à faire établir un vérificateur en chef. Cependant remarquez qu'après dix-sept ans d'expérience le directeur général des contributions directes émettait, en 1848, cet avis ; « Je crois devoir émettre l'avis qu'un vérificateur en chef soit établi pour tout le royaume. Ce qui n'a pas été fait jusqu'à ce jour à défaut de connaissances spéciales chez les contrôleurs. Ce même défaut de connaissances spéciales se fera sentir tant que vous n'aurez pas un fonctionnaire appartenant à cette administration d'un caractère tout particulier. » L'utilité, la nécessité de la fonction d'inspecteur ne saurait donc être niée.

Faut-il créer un fonctionnaire nouveau, sous le titre d'inspecteur ? Puisque la Chambre est si effrayée de la création de fonctions nouvelles, on pourrait les confier à un employé de l'administration centrale, à qui l'on accorderait quelque légère augmentation de traitement, ou en tout cas, quelques frais de tournée. Cela deviendrait alors une question de budget.

Vous voyez, messieurs, que je veux la conciliation des intérêts en présence, et je reste parfaitement fidèle à mon système de transaction que je remercie l'honorable M. Vandenpeereboom de m'avoir rappelé tout à l'heure.

M. Vandenpeereboom. - Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur de la déclaration qu'il vient de faire, et, au moins sur la question des poids et mesures nous sommes parfaitement d'accord. Je le remercie d'avoir dit que son intention était de réduire (page 1023) successivement le nombre des vérificateurs. L'amendement que je comptais présenter fixait à 20 au maximum le nombre des vérificateurs, ce chiffre serait atteint non pas immédiatement, mais dans un temps donné ; je crois ce nombre suffisant, surtout dans un avenir assez rapproché ; le système légal se popularisera. Les développements de l'instruction publique, ainsi que les usages ne tarderont pas à généraliser le système qui sera apprécié par tous. Alors la surveillance et l'intervention constante et répressive de vérificateurs ne sera plus requise et leur travail sera encore diminué ; mais en diminuant le nombre de ces fonctionnaires, je voudrais, comme je l'ai dit, améliorer leur position, je voudrais que le traitement normal des aspirants-vérificateurs fût fixé à 2,000 francs, et celui des vérificateurs à 2,500 francs, non compris les frais de bureaux et de déplacement. L'Etat ferait une économie cependant, et les fonctionnaires seraient mieux rétribués.

L'honorable ministre a demandé quelle différence il y aurait, quant au travail, entre les aspirants-vérificateurs et les vérificateurs ; il a demandé si les aspirants-vérificateurs auraient d'autres attributions que les vérificateurs. Non, sans doute, les attributions seront exactement les mêmes. Pourquoi donc alors, dit le ministre, donner deux noms différents ? Mais je crois avoir expliqué les motifs de la double dénomination. C'est pour stimuler le zèle des fonctionnaires. Un vérificateur qui, à 25 ans, obtient une position, et qui n'a rien à espérer de plus, se trouve dans une impasse ; il a pour ainsi dire son bâton de maréchal. N'ayant plus rien à espérer, il sera disposé à faire peu de chose.

Cette différence de dénomination n'est pas une innovation. Daus tous les départements ministériels, je trouve des cas analogues ; ainsi dans les douanes je trouve des vérificateurs de première et de deuxième classe, des contrôleurs de première et de deuxième classe. Cependant les uns et les autres ne font que vérifier ou contrôler.

Au ministère de la justice il y a des tribunaux de premier, de deuxième et de troisième rang. Il y a une différence dans le rang, mais non dans les attributions. Les tribunaux de troisième rang rendent la justice comme les tribunaux de premier rang. Le ministère public près les tribunaux de troisième rang comme le ministère publie près les tribunaux de premier rang fait des réquisitoires et remplit ses fonctionst

Je puis citer encore les athénées et les écoles moyennes.

Mon but, en faisant cette proposition, est de stimuler le zèle de ces employés en leur faisant entrevoir dans l'avenir une amélioration de position.

L'honorable ministre de l'intérieur vient de nous dire qu'il renonce à la création des fonctions d'inspecteur et qu'il examinera s'il ne peut y être suppléé en confiant à un vérificateur en chef des attributions plus étendues.

C'est l'opinion que j'ai émise ; je remercie M. le ministre de la concession qu'il vient de faire. La transaction à laquelle il consent, je l'accepte pour ma part, et je pense que la Chambre fera de même.

- L'amendement de M. de Perceval est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je retire l'article 11.

Articles 14 et 16

Les articles 14 et 16 sont adoptés dans les termes suivants, avec la suppression de la mention de l'inspecteur.

« Art. 14. Les commis des accises spécialement commissionnés à cet effet constatent, concurremment avec les officiers de police judiciaire, les infractions à la loi et aux règlements sur les poids et mesures.

« Les vérificateurs et vérificateurs adjoints ont qualité pour constater les mêmes infractions.

« Les vérificateurs et vérificateurs adjoints prêtent serment devant le président du tribunal de piemière instance de leur ressort.

« Leurs procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve du contraire. »

« Art. 16. Le produit des amendes prononcées en matière de poids et mesures sera partagé, par moitié, entre les employés verbalisants et l'Etat. Toutefois, lorsqu'il s'agira de contraventions constatées par l'inspecteur, les vérificateurs et vérificateurs adjoints, le produit des amendes sera en totalité versé dans les caisses du trésor. »

Article 15

M. le président. - La Chambre passe à la discussion sur l'article 15 que, d'accord avec le gouvernement, la section centrale propose de rédiger de la manière suivante ;

« Toutefois, les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent s'introduire dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public, si ce n'est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, soit du commissaire de police, soit d'un membre de l'administration communale, et le procès-verbal sera, le cas échéant, signé par celui en présence duquel il aura été fait.

« Les visites ne peuvent avoir lieu avant le lever ou après le coucher du soleil. »

M. Manilius. - Je crois que cet article peut être très utile pour pousser à la mise à exécution très sévère du système des poids et mesures décimal. Mais, messieurs, ce que je trouve dans cet article, c'est l'assimilation toute nouvelle et beaucoup trop grande que l'on y établit entre les assujettis actuels et de nouvelles classes de citoyens.

Ainsi on veut comprendre dans le nombre des assujélis tous les cultivateurs.Vous savez, messieurs, que les cultivateurs fout rarement usage de poids et mesures autrement que pour leur propre compte, ils ont des poids et mesures pour s'assurer de la contenance approximative des objets qu'ils doivent diriger vers les marchés, mais ils n'offrent pas leur marchandise en vente dans les fermes.

Que va-t-il arriver ? C'est qu'avec cette latitude que vous donnez de faire des visites domiciliaires chez tous ceux qui font usage de poids et mesures, vous autorisez à faire dans les communes ces visites chez tous les cultivateurs.

Ils sont assujettis ; ils ont des poids et mesures. Eh bien, évidemment, si ces visites sont nécessaires, ce n'est pas là ; c'est chez les personnes qui ont la réputation de tromper. Mais vouloir rechercher les anciens poids et les anciennes mesures avec la même sévérité que l'on recherche les criminels, c'est ce que je ne puis pas admettre.

Messieurs, pour justifier ce droit de recherche, droit de recherche que d'ailleurs on n'a jamais voulu dans cette enceinte, droit de recherche qu'on n'a pas voulu dans la loi sur la chasse, droit de recherche qu'on n'a pas voulu dans la loi sur la douane, la section centrale nous dit qtïe ce droit n'est que celui qui est mis en pratique par le Code de procédure criminelle.

Ce n'est pas autre chose, dit-elle, que ce que l'on est habitué de faire. C'est-à-dire qu'un commissaire de police peut faire une visite domiciliaire dans une maison où l'on dit qu'il y a un voleur ou un assassin. Eh bien, le cas est le même, nous dit-on, quand un employé des accises, quand un vérificateur des poids et mesures désignera une maison comme contenant des poids et mesures illégaux ; on priera alors, on requerra un commissaire de police ou un membre du conseil communal qui en remplit les fonctions dans les communes, de faire une visite domiciliaire.

Vous savez ce qui se passe dans nos communes. Il y a là un bourgmestre qu'on trouve souvent avec difficulté. Il y a ensuite un échevin qu'on trouve aussi souvent assez difficilement et qui fait le service de commissaire de police.

Eh bien, voyez-vous ce commissaire de police ou ce membre du conseil communal s'introduire chez les fermiers pour rechercher les faux poids et les fausses balances ? Le voyez-vous accompagné d'un employé de deuxième ou troisième classe, ou même d'un vérificateur, saisir les poids de ces fermiers ?

Messieurs, nous savons, par expérience, ce que c'est le plus souvent, que les poids des fermiers. Que trouve-t-on dans leur grenier ? On y trouve une vieille balance avec des morceaux de grès ou pierre de taille pour poids. Ils ne se servent que de cela, parce qu'ils n'offrent pas leur marchandise en vente chez eux, sur leur pesée ; l'acheteur à la ferme fait livrer par l'intervention du peseur ou mesureur commissionné.

Ces observations s'appliquent jusqu'à un certain point aux négociants. Vous autorisez un commissaire de police, un employé des accises ou un employé des poids et mesures à aller faire des visites domiciliaires chez un négociant armateur, chez un négociant spéculateur, chez le banquier qui a besoin de poids et mesures pour peser ses lingots, enfin chez tous les assujettis, quels qu'ils soient.

Messieurs, n'est-ce pas assez de dire à l'article 15 que l'on pourra s'introduire partout où l'on fait publiquement usage de poids et mesurzs. Si l'on suppose que dans un de ces endroits on se sert de faux poids ou de fausses mesures, le juge de paix accorde l'aulorisation de faire la visite. Je crois que l'article 15 ainsi admis peut être adopté.

Mais dire qu'un commissaire de police ou un membre du conseil communal en remplissant les fonctions, pourra aller faire des visites domiciliaires partout où il y a des poids et des mesures, c'est aller trop loin ; je crois que la Chambre ne mentira pas à ses précédents et qu'elle ne se montrera pas plus sévère dans cette circonstance que dans d'autres. Vous savez, messieurs, qu'il nous est quelquefois permis, malgré la fermeture de la chasse, de manger des perdreaux et des lièvres ; personne ne peut de ce chef venir faire chez vous une visite domiciliaire. Cependant la chasse a été déclarée fermée et le transport du gibier prohibé. Mais cette prohibition, vous ne pouvez l'étendre au domicile. Vous avez voulu maintenir le domicile sacré pour les délits de chasse, vous l'avez voulu en matière de douane, vous devez le vouloir dans l'occurrence.

Il ne doit pas être permis de faire à la légère des visites domiciliaires comme s'il s'agissait d'affaires criminelles.

Dans cette dernière circonstance tout le monde est prêt à assister l'autorité, à l'aider à saisir le criminel. Mais il ne peut être permis de venir vexer la première personne venue qui a d'anciens poids ou d'anciennes mesures dans son domicile fermé.

Je crois, messieurs, qn'un instant de réflexion suffira pour faire reconnaître l'exorbitance de cette disposition si contraire au bien public, si contraire à notre Constitution et à nos précédents.

Je le répète, dans beaucoup de circonstances, on n'a pas voulu autoriser les visites domiciliaires. J'espère que vous n'autoriserez pas davantage aujourd'hui une mesure dont j'ai déduit suffisamment les fâcheuses conséquences.

M. Moreau, rapporteur. - Messieurs, l'article 15 du projet de loi portait ce qui suit :

« Les assujettis sont tenus de se prêter aux visites des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article qui précéde. »

En section centrale on a présenté l'amendement en ce moment en discussion pour donner plus de garantie, pour sauvegarder plus sûrement l'inviolabilité du domicile du citoyen.

Le reproche donc que l'honorable M. Manilius semble faire à la section centrale n'est en aucune manière fondé.

(page 1024) Cet honorable membre se plaint de ce que la section, centrale a, par l’amendement, placé le commissaire de police sur la même ligne que le juge de paix.

Messieurs, s'il en est ainsi, c'est qu'aux termes du Code d'instruction criminelle, le commissaire de police est un officier de police judiciaire qui a mission de faire des visites domiciliaires et d'accompagner dans ces visites les agents de la force publique. Dès lors, nous avons dû nécessairement le comprendre parmi les fonctionnaires qui pouvaient assister les employés des accises dans l'exercice de leurs fonctions. C'est, d’ailleurs ce que le commissaire de police fait déjà.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Il est magistrat de par la loi.

M. Moreau. - Avec les précautions qu'indique l'amendement, je crois que les citoyens sont à l'abri de toutes les tracasseries que vient de signaler l'honorable M. Manilius.

Car pour bien interpréter la loi, il faut mettre l'article 15 en rapport avec l'article 4. C'est en combinant ces deux articles que vous connaissez quelle est la portée de la disposition qui nous occupe. Aussi la section centrale a-t-elle consigné dans son rapport que la défense de posséder ou d'employer des poids et mesures autres que ceux établis par la loi, ne s'applique que là où les transactions exigent l'emploi de poids et mesures, qu'ainsi donc on ne peut faire de visites domiciliaires dans les lieux où l'on ne fait pas de transactions qui en nécessitent l'usage.

L'honorable M. Manilius dit que les cultivateurs seront assujettis à dzs visites ; mais lorsqu'ils font des transactions commerciales, lorsqu'ils vendent, pourquoi voulez-vous les exempter d'une mesure qui atteint tous les autres marchands ? Est-ce que, par hasard, la vente d'objets de première nécessité, la vente de denrées alimentaires doit se faire avec moins de fidélité que la vente des autres marchandises ? Il n'y a donc aucun motif pour ne pas appliquer aux cultivateurs qui sont en même temps marchands, une mesure qui concerne tous les marchands en général.

M. Coomans. - Messieurs, à force de faire des lois inutiles et d'étendre la besogne gouvernementale, nous sommes amenés à reprendre en détail des libertés décrétées par la Constitution.

Voici une nouvelle atteinte portée à l'un des grands principes de nos institutions nationales, l'inviolabilité du domicile.

Après les principes généranx que j'ai entendu soutenir au nom de la section centrale, je ne suis pas surpris de l'extrême indifférence avec laquelle l'honorable rapporteur écoute nos plaintes. L'honorable M. Manilius a fait remarquer avec infiniment de raison, ce me semble, qu'il est déraisonnable d'assujettir à peu près tout citoyen belge à des visites souvent arbitraires, parce que de temps à autre ils vendraient du blé, des pommes de terre ou même de la viande.

Je suis persuadé qu'il n'entre pas dans l'intention de la Chambre de suivre jusque-là la section centrale. Il s'agirait vraiment de sauvegarder le plus grand intérêt de la nation belge, qu'on ne rédigerait pas une loi avec plus de rigueur minutieuse.

Quoi ! messieurs, parce que le cultivateur vendra quelquefois à son voisin du blé, des pommes de terre, quelques livres..., je veux dire quelques kilogrammes de viande, il sera assujetti, exactement comme les marchands, aux visites des agents de l'Etat ! Je ne puis pas admettre une telle exigence.

Je le puis d'autant moins que vous donnez une prime aux vexations, en accordant aux agents de l'Etat la moitié du produit des amendes.

Si vous voulez effacer cette prime de la loi, je serai un peu rassuré ; mais devant cet appât continuel fourni à des agents qui se montreront d'autant plus sévères qu'ils ont de plus faibles appointements, je ne puis pas consentir à étendre si loin les attributions de ces agents.

Je demande dans tous les cas une définition exacte du mot « assujettis », et jusqu'à ce qu'on me la donne je proposerai celle de « patentés ». Je conçois, à la rigueur, si vous allez jusque-là, que vous soumettiez les marchands proprement dits à toutes ces visites, mais quant aux citoyens qui ne sont pas assujettis au département des finances, il faut les excepter de votre article 15.

M. le président. - M. Coomans propose de substituer au mot « assujettis » le mot « patentés ».

M. Manilius. - Messieurs, il est vrai que jusqu'à ce jour il n'y a que les patentés qui ont été passibles de la vérification, parce que, quoi qu'en ait dit hier l'honorable ministre de l'intérieur, au lieu de ne plus rien payer pour le poinçonnage, je puis établir qu'on paye beaucoup, et que souvent on paye plus qu'on ne devrait payer.

Ainsi, messieurs, les marchands d'aunages n'ont besoin que d'un mètre, qui peut coûter un franc, et ils payent souvent pour le poinçonnage quatre fois cette somme, sous la forme des centièmes qu'on a ajoutés de ce chef à la patente.

L'amendement de l'honorable M. Coomans se réduirait à maintenir l'ancien état de choses. Je ne crois pas que ce soit là ce que veut le gouvernement.

Le gouvernement veut étendre sa surveillance non seulement sur les patentables, mais sur tout le pays. Il veut faire disparaître les anciens poids aussi bien dans les campagnes que dans les villes, aussi bien chez les cultivateurs que chez les boutiquiers. Si vous admettez l'amendement de l'honorable M. Coomans, vous donnerez une satisfaction aux cultivateurs, mais vous n'aurez rien fait pour les patentables des communes qui seront encore pourchassés par les employés qui, ainsi que l'a dit l'honorable membre, ont à cœur de dresser des procès-verbaux parce qu'ils touchent la moitié de l'amende.

Nous avons descommunes de 10,000 ou 12,000 habitants, comme celle qu'habite l'honorable ministre de l'intérieur, communes où il y a peut-être cent boutiquiers, qui vont être surveillés dans leur maison, qui vont subir des visites domiciliaires de la part du commissaire de police, s'il en existe un. Ce commissaire de police sera sans doute, la plupart du temps, l'ami de celui qui voudra faire la visite ; ils viendront ensemble visiter la boutique, ils n'y trouveront rien ; ils iront un peu plus loin, puis encore un peu plus loin et ils finiront par visiter toute la maison, puisque la loi dit que le commissaire de police peut aller partout.

Il faudrait, messieurs, que les visites fussent limitées aux lieux où se font les ventes, et s'il y a des motifs pour faire une visite plus complète, admettez le veto du juge, homme prudent, qui examinera si les soupçons reposent sur une base légitime. Mais ne laissez pas, en matière de poids et mesures, faire des visites comme en matière criminelle.

Ecoutez, messieurs, de quelle manière le rapport de la section centrale traite ces visites.

(L'orateur donne lecture de cet article.)

Ainsi, ce n'est rien que de laisser faire cela partout, de le laisser faire chez tous les assujettis ; or, dans la dénomination d'assujettis sont compris tous les négociants, les banquiers, les armateurs, les boutiquiers de toute nature, tous ceux enfin qui font des transactions ; il suffif, pour que la loi vous soit applicable, que vous fassiez des transactions ; en poussant si loin la rigueur de la disposition, vous ne ferez absolument rien d'efficace pour la surveillance , mais vous laisserez commettre des excès ; la Chambre est-elle disposée à entrer dans cette voie ?

Messieurs, je crois qu'en donnant l'autorisation de faire des visites dans les lieux où l'on fait publiquement usage de poids et mesures, cela doit suffire ; dans tous autres lieux, il convient de s'en rapporter au juge qui seul est compétent pour autoriser la visite en ce cas.

M. F. de Mérode. - Messieurs, il résulte de ce que vient de dire l'honorable rapporteur, qu'on pourra entrer dans le domicile des cultivateurs qui ont chez eux des poids quelconques, parce qu'ils font des transactions, parce qu'ils vendent du blé, du beurre ou de l'avoine ! A ce compte, on veut donc soumettre à peu près tout le monde aux visites domiciliaires. Vraiment, je ne conçois pas le goût qu'on peut avoir dans notre pays où l'on nous donne des libertés politiques très larges, souvent peu commodes pour ceux qui sont appelés à en jouir ; je ne conçois pas, dis-je, le goût qu'on peut avoir à priver les citoyens de la liberté naturelle de rester tranquilles chez eux et de n'être pas tracassés continuellement par l'administration qui veut vous rendre savants, malgré vous, qui veut vous faire connaître les mètres et décimètres, les litres et décilitres, qui veut vous contraindre à acquérir cette science le plus tôt possible.

Qu'on n'aille pas si vite, la science finira par arriver ; nous n'en vivrons pas moins ; ne vit-on pas en Angleterre où cette science cependant n'existe pas ? Quoi qu'il en soit, puisque le système métrique est notre mesure officielle, il a assez de moyens de se propager, sans qu’on mette à son service un despotisme insupportable. Si l’on voulait faire ainsi l'éducation des habitants sur toute espèce d'autres objets, dignes, au même titre, de la sollicitude de ceux qui aiment tant à instruire, je ne sais où ce système pourrait nous mener.

Pourquoi, par exemple, ne pourrait-ou pas établir aussi des lois somptuaires pour apprendre aux habitants à dépenser leur argent d'une manière utile à tout le monde.

Je voudrais, pour ma part, que dans le cas actuel on ne tourmentât pas les particuliers, comme on veut le faire ; je désire qu'on se borne aux indications qu'a données l'honorable M. Manilius, qu'on applique la loi aux patentés qui se servent continuellement de poids et mesures pour leur commerce, mais qu'on n'aille pas plus loin et qu'on veuille bien permettre que notre éducation se fasse un peu plus lentement.

M. Verhaegen. - Messieurs, l'honorable M. Coomans reproche à la section centrale de vouloir violer une de nos libertés constitutionnelles ; je crois que l'honorable membre a tort de s'attaquer à la section centrale. S'il y a un coupable, ce n'est pas la section centrale, c'est le gouvernement et par conséquent c'est le gouvernement que l'honorable M. Coomans doit attaquer, non pas seulement le cabinet actuel, mais le cabinet précédent qui est l'auteur du projet et dont l'œuvre a été adoptée par le cabinet actuel.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Le cabinet actuel s'est rallié au projet de la section centrale.

M. Verhaegen. - Il s'est rallié au projet de l'ancien cabinet, avec le tempérament proposé par la section centrale. A ce compte il y aurait deux et même trois coupables. Mais laissons-là les coupables, et voyons ce qu'il convient de faire.

Le gouvernement est d'accord avec la section centrale pour rédiger la disposition de la manière suivante ;

« Toutefois, les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent s'introduire dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public, si ce n'est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, soit du commissaire de police, soit d'un membre de l'administration communale, et le procès-verbal sera, le cas échéant, signé par celui en présence duquel il aura été fait.

(page 1025) « Les visites ne peuvent avoir lieu avant le lever ou après le coucher du soleil. »

Cette disposition vient à la suite du premier paragraphe de l'article 15, qui est ainsi conçu :

« Les assujettis sont tenus de se prêter aux visites des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article qui précède. »

Ainsi le principe était posé dans le projet de loi ; la section centrale a apporté au principe un tempérament auquel le gouvernement s'est rallié. Voilà l'état des choses.

Eh bien, il ne faut pas se le dissimuler, c'est une chose très grave que de s'introduire dans le domicile d'un citoyen, d'y faire des recherches, partout ailleurs que là où se font les transactions commerciales.

Ainsi, ce ne sera pas seulement, pour me servir d'une expression triviale, dans la boutique, dans l'établi, dans les accessoires, mais ce sera partout, dans toute la maison, dans la chambre à coucher même, sous le lit ; on pourra faire ouvrir les meubles, les commodes ; c'est bien là l'intention.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Non ! Je demande la parole.

M. Verhaegen. - Je ne sais plus alors l'intention qu'on a eue, en rédigeant cette phrase :

« Dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public. »

Je crois que c'est aller beaucoup trop loin ; du moment où les poids et mesures ne se trouvent pas là où l'on en fait usage, la loi ne devrait pas être applicable.

Maintenant, il y a des membres qui trouvent des inconvénients à cette mesure, parce qu'elle atteindrait les cultivateurs, et l'honorable M. Coomans a proposé par amendement de substituer au mot « assujettis » le mot « patentés » ; par là, il exempte les cultivateurs, c'est vrai ; mais il en exempterait encore d'autres ; les houillères seraient aussi exemptées, parce qu'elles ne sont pas patentées.

M. Coomans. - C'est un amendement de complaisance.

M. Verhaegen. - Je le veux bien ; il faut cependant bien voir où nous marchons.

Maintenant, il y a beaucoup de patentés que vous allez assujettir à la mesure et qui, à la rigueur, ne font pas emploi des poids et mesures, dans le sens de la loi.

Vous exemptez d'un côté ceux qui font emploi de poids et mesures dans les transactions, et vous allez soumettre à la mesure ceux qui n'en font pas emploi ; ainsi un brasseur a chez lui des poids pour contrôler les quantités que lui a fournies un commerçant. Il ne fait pas emploi de poids dans les transactions, il ne vend pas au poids.

- Un membre. - Il a des mesures.

M. Verhaegen. - Pour les mesures il devra être soumis à la disposition, mais par votre amendement il y serait aussi soumis pour les poids (interruption.)

Si M. Coomans reconnaît que son amendement n'est pas bon...

M. Coomans. - Je dis qu'il est meilleur que la loi.

M. Verhaegen. - Moi je trouve la loi mauvaise, la proposition de la section centrale mauvaise et l'amendement mauvais.

L'amendement remet en question l'article 15 et l'article 4. Je voudrais qu'on n'assujettît à la visite que ceux qui font réellement emploi des poids et mesures et dans les lieux où la transaction peut s'opérer. Si, par esprit de transaction, M. le ministre admet que cela ne se fera que dans ces lieux-là, je n'ai plus rien à dire.

Toutefois, dit l'article, les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent s'introduire dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public, si ce n'est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, soit du commissaire de police, soit d'un membre de l'administration communale, et le procès-verbal sera, le cas échéant, signé par celui en présence duquel il aura été fait.

Les visites ne peuvent avoir lieu avant le lever et après le coucher du soleil.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Les honorables membres que vous venez d'entendre font aux défenseurs de l'article actuellement en discussion une singulière position. Il est facile de faire de la popularité en se récriant contre les mesures vexatoires auxquelles pourrait donner lieu la mesure dont il s'agit, et d'exposer à l'animadversion publique les partisans du système métrique des poids et mesures. Mais cela est-il juste ? Remarquez, je vous prie, que nous sommes en présence d'un système qui, depuis de longues années, s'applique tous les jours, et que ce système nous venons l'adoucir.

L'honorable comte de Mérode s'apitoie sur les tracasseries auxquelles donneront lieu les vérifications de poids et mesures ; je pourrais, moi, m'apitoyer sur le sort de ceux qu'il s'agit de protéger contre les fraudes.

Je pourrais dire qu'il est triste de voir le peuple exposé aux tromperies des négociants qui le rançonnent et l'exploitent tous les jours. Vous oubliez le but qu'on s'est proposé en présentant la loi ; il s'agit ici d'une question de sécurité pour les intérêts les plus chers de la classe la plus nombreuse de la société.

Voyons les choses de plus haut.

En regard des inconvénients auxquels peut donner lieu la vérification des poids et mesures, mettons les bienfaits de l'organisation d'un bon système métrique.

Messieurs, à entendre les honorables préopinants, on dirait que, pour la première fois, on va éprouver urt système dont les bons citoyens vont être les victimes. Qu'on se rassure.

Ce système si exorbitant existe, et je ne sache pas qu'il ait amené les maux qu'on redoute. Je n'entends parler ni de violation de domicile, ni de tracasserie, et cependant tous les jours on applique ce système.

Voyez-vous que ces maux se produisent ? Pourquoi vous effrayer aujourd'hui de l'application d'un système qui, jusqu'ici, s'est exécuté tous les jours sous vos yeux, sans inconvénient ?

Livrons-nous à l'examen calme de ce formidable article 15 ; cet examen rassurera pleinement les esprits.

L'article 15 porte ; Les assujettis sont tenus, de se prêter aux visites des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article précédent.

Veut-on une sanction à l'exécution de la loi ? Il faut nécessairement adopter cet article. Cet article est mauvais, dit M. Verhaegen ; supprimez-le.

Bien, mais que devient la loi, si vous ne laissez plus à l'autorité la faculté de rechercher et de constater les contraventions ? Mieux vaut retirer toute la loi ; car la sanction de la loi est là.

Maintenant la loi statue que tous les assujettis sont tenus de se prêter aux visites des agents et fonctionnaires déterminés par l’article précédent.

C'est le principe général. Qu'ont fait la section centrale et le gouvernement ? Se préoccupant du danger qui peut résulter pour les citoyens de ce droit de visite, voulant prévenir les violations de domicile, ils ont pris une précaution entre cet abus éventuel.

Le paragraphe 2 proposé par la section centrale et par le gouvernement stipule qu'on ne pourra pénétrer dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public qu'avec le concours du juge de paix, du commissaire de police ou d'un membre de l'administration communale.

C'est une pensée de protection pour les citoyens qui a inspiré la section centrale quand elle a proposé cet amendement et le gouvernement quand il s'y est rallié.

Mais, dit-on, c'est donc tout le domicile du citoyen qui est exposé à ces visites ? c'est non seulement la boutique, mais le foyer intime de la famille, tous les appartements qui sont soumis à ces visites. Entendons-nous bien. L'honorable rapporteur vient de vous dire qu'il faut mettre en regard de l'article 15 la disposition de l'article 4. De ces deux articles combinés, il résulte que la loi doit être appliquée partout où se font des transactions exigeant l'emploi habituel de poids ou de mesures. C'est ce qui est expliqué plus formellement encore à la page 11 du rapport de la section centrale.

Voici les expressions dont elle se sert ;

« La défense de posséder ou d'employer des poids et mesures autres que ceux établis par la loi ne s’applique pas là ou les transactions exigent l’emploi de poids et mesures ; les lieux où l’on ne fait pas de transactions qui en nécessitent l’usage ne sont pas assujettis à la visite des employés. »

Mais, continue l'honorable M. Verhaegen, vous permettez, sous certaines conditions, la visite des lieux dont l'accès n'est pas libre au public. Cela est-il logique ? cela n'est-il pas dangereux ? Expliquons-nous. Voici de quels lieux on entend parler dans l'amendement qui effraye les honorables préopinants. Il y a chez les marchands des lieux dont l'accès est libre au public. Ce sont les boutiques. Il y a ensuite les arrière-boutiques, les magasins, les ateliers, où l'on se sert aussi de poids et de mesures, mais dont l'accès n'est pas libre au public. C'est à ces derniers lieux que s'applique l'autorisation de faire des visites avec le concours du juge de paix, du commissaire de police ou d'un membre de l'administration communale. Ce n'est pas dans le domicile entier que les agents pourront faire ces recherches avec l'assistance d'un officier de police judiciaire, mais seulement dans les lieux consacrés à des opérations commerciales et où le public n'est pas admis.

Si vous n'autorisez la visite que dans les lieux ouverts au public, c'est-à-dire dans les boutiques, le droit de visite devient complètement illusoire ; car il n'est presque pas de maison de commerce où il n'y ait derrière la boutique une arrière-boutique, un magasin, où ne pénètre pas le public. Encore une fois, il doit être bien entendu qu'on ne peut pas fouiller tout le domicile du citoyen.

Les honorables préopinants trouveront, j'espère, dans ces explications tous les apaisements qu'ils peuvent désirer et je suis heureux de pouvoir les leur donner.

Je me crois donc autorisé à dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de l'application de l'article 15. Aujourdhui les mêmes mesures s'appliquent sans présenter d'inconvénient ; avec le tempérament qu'y ont apporté le gouvernement et la section centrale, il y a moins que jamais à redouter qu'elles deviennent vexatoires.

L'honorable M. Coomans s'effraye du mot « assujettis » et propose de le remplacer par le mot « patentés ». Le mot « assujettis » est reçu en matière de poids et mesures ; il a une signification, une portée officielle pour ainsi dire. Les assujettis ce sont les personnes qui opèrent des transactions se servent habituellement de poids et de mesures. La visite éventuelle des agents peut froisser ou effrayer telle ou telle catégorie de personnes auxquelles s'intéresse mon honorable ami ; mais la justice avantrlout. L'honorable membre l'invoque souvent, et à bon droit ; je l'invoque contre son amendement.

(page 1026) M. de Theux. - Il me semble que l’article 15 doit être mis en rapport avec l'article 4. J'avoue qu'à la première lecture. Je n’ai été effrayé ni de l’article 15, ni de l'amendement proposé par la section centrale. Il y a une distinction à établir ; elle résulte des termes mêmes de l'article 4.

Cet article est ainsi conçu : « Il est défendu de posséder ou d'employer des poids et mesures autres que ceux établis par la loi. » On aurait d'abord pu croire qu'aucun habitant de la Belgique ne pourrait posséder que des poids et des mesures dusystème métrique ; mais la loi établit elle-même la limite. Le deuxième paragraphe de l'article porte : « Cette défense s’applique partout où les poids et mesures sont employés aux transactions, ou servent de base à des perceptions à charge des particuliers. »

Le mot « partout » indique un lieu et non une personne. Le paragraphe 3 de l'article confirme ce sens. Il est évident que, dans l'esprit de la loi, il ne s'agit que de transactions commerciales. C'est ainsi que la loi a toujours été entendue.

Il y a bien longtemps que le système métrique est en vigueur, il l'a été sous le gouvernement français et sous le gouvernement des Pays-Bas.

Je pense qu'il y a peu de personnes en Belgique, ne faisant pas le commerce, qui n'aient aucuns poids ou mesures du système ancien.

Personne n'a imaginé qu'on pût faire indistinctement des visites domiciliaires. Il n'y aurait aucune utilité à faire de semblables recherches, et voici quels inconvéniens cela aurait.

On mettrait beaucoup de personnes, qui reçoivent des marchandises, dans l'impossibilité d'en vérifier le poids, à moins d'obliger indirectement tout le monde à posséder des poids et mesures métriques. Tel n'a jamais été l'esprit de la loi ancienne, tel ne peut être l'esprit de la loi nouvelle.

Je crois qu'il ne peut être question que de transactions commerciales, en un mot, d'un débit. Ainsi, un paysan vendra une certaine quantité de pommes de terre ; sera-t-il tenu de les vendre à l'hectolitre ? Evidemment non. J'en dirai autaut d'un cultivateur qui vendra une certaine quantité de grains. Mais un meunier, un boulanger devront posséder des poids métriques, comme toute personne faisant un commerce.

L'article 15 doit être mis en rapport avec l'article 4. Quant à moi, je ne vois aucune difficulté de conserver le mot « assujettis », qui est consacré dans l'usage. Je crois qu'en admettant tout autre mot on laisserait des lacunes dans la loi, ou qu'on irait au-delà de ce qu'on veut. Le gouvernement ne veut que l'exécution des lois, telles qu'on les a comprises dans le passé. Sous ce rapport, je pense qu'il a raison.

M. de La Coste, rapporteur. - Avec l'interprétation de M. le ministre de l'intérieur et de M. le comte de Theux, j'admets que l'article devient intelligible, et qu'il peut ne pas offrir d'inconvénients dans la pratique. Mais il me semble que c'est toujours un vice d'admettre pour une loi une interprétation prise en dehors de la loi même, parce que l'exécution de la loi dépend de la manière dont l'interprètent les corps judiciaires.

Or il arrive que l'interprétation donnée à la tribune de la Chambre soit par un ministre, soit par un membre de la majorité, n'est pas admise par les corps judiciaires.

Je pense d'un autre côté qu'il y a quelque inconvénient à se référer, dans une loi nouvelle, à ce qui est consacré par l'usage pour le sens du mot « assujettis ». Il me semble qu'au lieu de se décider sur l'heure sur ce point, il vaudrait mieux laisser au ministre le temps d'y réfléchir, et de voir si l'on ne pourrait trouver uue définition plus convenable du mot « assujettis ». D'ici au vote définitif de la loi, M. le ministre pourra réfléchir à cela.

Il me semble qu'il serait désirable que l'on trouvât dans la loi ce qu'on doit entendre par les assujettis. On ne devrait, ce me semble, entendre par la que ceux qui font habituellement une profession qui exige l'emploi de poids et de mesures.

Je saisis cette occasion, n'ayant pas pris part a la discussion pour dire quelque chose en faveur de la loi.

Il faut bien se placer au point de vue de la réalité des choses. Où sommes-nous arrivés ? Nous ne sommes pas arrivés à discuter quel sera le système le plus convenable en matière de poids et mesures, à discuter s'il conviendrait de laisser au public les poids et mesures auxquels il est habitué, de savoir s'il faut préférer au système décimal le système duodénaire, binaire, ternaire, quaternaire ou tout autre. Il n'y a plus qu'une sorte de poids et mesures qui soient soumis à la vérification ; ce sont les poids et mesures métriques.

Tous les autres ne sont soumis à aucun contrôle. Ceux qui les emploient peuvent avoir de faux poids, de fausses mesures, contre lesquelles ou n'a aucune garantie.

C'est sous ce seul rapport, messieurs, que quant à moi je ne suis pas du tout opposé à ce qu'on rende le contrôle plus efficace, afin que les consommateurs en masse ne soient pas dénués de la garantie de police que le gouvernement leur doit dans l'emploi des poids et mesures. Si l'on ne parvient pas à rendre cet emploi réel et sérieux, il faut avouer que le pays n'a pas de contrôle des poids et mesures.

Mais je voudrais en même temps que la loi fût claire, qu'elle fût exempte de toute sévérité inutile, et c'est pourquoi, je le répète, j'ai été frappé du vague de ce mot « assujettis ». Je désirerais qu'on pût trouver moyen de le rendre plus clair.

M. Allard. - Messieurs, d'après l'amendement proposé, le commis des accises ne peut s'introduire dans les lieux dont l'accès n'est pas libre au public. Mais il y a des établissements où le public n'est pas admis et où les commis des accises peuvent penétrer jour et nuit ; ce sont les brasseries, les distilleries. Pourront-ils venir examiner, retourner toutes les futailles pour voir si elles sont poinçonnées ? Mais, dans l'affirmative, quelle en sera la conséquence ? Un tonneau aura eu besoin de réparations, la marque aura été enlevée ; l'employé entre ; contravention.

Un brasseur aura acheté des tonneaux qu'il n'aura pas encore eu le temps de faire poinçonner. L'employé se présente ; contravention !

Sept ou huit fois par jour le brasseur sera exposé à subir des contraventions.

Je désirerais que ces industriels fussent à l'abri de toutes les vexations dont on veut les accabler.

M. Manilius. - J'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau un amendement que je crois de nature à concilier toutes les opinions, et à amener la transaction dans la question qui nous occupe. Je pense qu'on peut maintenir les visites domiciliaires, mais qu'il faut les entourer des mesures que dicte une sage prudence, et je propose de faire disparaître l'autorisation que l'on veut donner aux commissaires de police ou aux membres d'un conseil communal, de faire des visites domiciliaires.

Ainsi, si l'on suppose qu'il existe dans telle habitation ou fabrique de faux poids, ou qu'un vendeur trompe le consommateur et fait usage de faux poids, le juge de paix autorise la visite domiciliaire. Mais vous ne pouvez vous en rapporter à l'arbitraire d'un employé qui sera toujours tenté de faire des visites par cela même que la moitié des amendes lui est réservée.

Je pense, messieurs, qu'en conservant l'article modifié comme le propose la section centrale, et en supprimant les mots : « soit d'un commissaire de police, soit d'un membre du conseil communal », le gouvernement aura sa satisfaction, il obtiendra des visites domiciliaires, toutes les fois qu'il y aura suspicion de fraude.

La loi sera ainsi ce que l'honorable ministre de l'intérieur veut qu'elle soit. M. le ministre de l'intérieur nous dit ; La loi existe, et il n'y a pas eu de tracasseries. Cela prouve que les cas ou il y a lieu de supposer l'usage des faux poids sont très rares. Si des cas semblables se présentent, demandez au juge de paix à faire une visite, et que ce magistrat accompagne, ou fasse accompagner par son suppléant, ou que tout au moins, il donne une autorisation. Les visites domiciliaires seront ainsi faites par des hommes que dirige la prudence.

M. le président. - M. Manilius propose de retrancher de la disposition en discussion les mots : « soit du commissaire de police, soit d'un membre de l'administration communale ».

M. Deliége vient de déposer l'amendement suivant ;

« Les lieux où se font habituellement des transactions pour lesquelles on emploie des poids et mesures sont soumis à la visite des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article qui précède.

« Toutefois les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent pénétrer, sans l'assistance d'un officier de police judiciaire, dans les lieux dont l'accès n'est pas ouvert au public. »

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, je crois que l'amendement que propose l'honorable M. Manilius irait diamélralemqnt à l'opposé de ce que cet honorable membre se propose ; il priverait les citoyens d'une très grande garantie.

Il faut bien se rendre compte de la pensée qui a présidé à la rédaction de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, déterminant les formalisés à l'aide desquelles les visites domiciliaires peuvent se faire. Cette disposition du Code d'instruction criminelle a pris soin de statuer que nulle visite domiciliaire ne pouvait se faire dans la demeure d'un citoyen qu'avec l'intervention, soit du juge de paix ou de son suppléant, soit avec celle du maire ou de son adjoint, ou enfin celle du commissaire de police.

Pourquoi, messieurs ? C'est que les membres de l'administration communale, le commissaire de police ou le juge de paix sont les protecteurs naturels des citoyens. Remarquons-le bien, il ne dépendra pas, comme quelques honorables membres ont paru le craindre, du caprice du premier agent venu de se ruer dans le domicile d’un citoyen et de tout y bouleverser. Non, il faut la présence d’un officier de police judiciaire, c’est-à-dore son acquiescement. La protection du citoyen, c’est l’intervention tutélaure de ce magistrat.

Un agent des poids et mesures ne pourra donc pas, je le répète, s'introduire arbitrairement daus la demeure d'un citoyen. Pour ce citoyen il y a une garantie ; c'est le consentement préalable de son protecteur naturel qui est le juge de paix, le bourgmestre ou le commissaire de police ; et comme corrollaire du consentement moral de ce fonctionnaire, il faut sa présence. Eh bien, presque toujours ces fonctionnaires, gens sages et éclairés, répugneront à faciliter dvs visites qui ne seraient inspirées que par un esprit de vexation.

Messieurs, on s'effraye beaucoup de ce droit de visite. Mais est-ce donc quelque chose de tout à fait nouveau ? Est-ce une mesure que l'on propose d'introduire à la légère dans la loi ? Mais non. Nous vivons, sous le régime de ce droit de visite depuis plus de quarante ans. Les lois générales d'instruction criminelle font peser ce droit de visite sur chacun de nous. Nous pouvons chaque jour, voir notre domicile, envahi (page 1027) et devenir les victimes, si l’on peut s'exprimer ainsi, de ce droit de visite.

C'est là une nécessité de la sécurité publique qu'il faut subir en toute matière et spécialement pour les délits ruraux et les délits forestiers ; tous les citoyens peuvent voir leur maison fouillée par un garde champêtre ou par un garde forestier, accompagné du bourgmestre ou d'un échevin. Il suffit d'une perche coupée pour qu'on puisse s'introduire dans dix maisons d'un village. Chaque jour cela se présente. A-t-on jamais abusé de cette recherche ? Est-ce que la sagesse de nos magistrats, municipaux n'est pas la meilleure garantie du droit des citoyens et de leur sécurité ?

Je pense, messieurs, que si vous effaciez de la proposition de la section centrale les mots : « du commissaire de police ou d'un, membre de l'administration communale », vous iriez tout à fait à l’encontre de la pensée qui anime l'honorable préopinant.

On voudrait qu'un agent des accises dût se faire accompagner chaque fois du juge de paix ou se munir d'une autorisation écrite de ce magistrat ; eh bien, messieurs, savez-vous ce que cela suppose ? Cela suppose une instruction préalable. Comment le juge de paix, qui peut demeurer à plusieurs lieues de distance, pourra-t-il autoriser une visite domiciliaire sans avoir examiné les faits pour lesquels elle est demandée ? Il faut donc une information antérieure, sans laquelle les magistrats ne donnent pas facilement une semblable autorisation.

Ils n'autorisent une visite que quand il y a présomption de l'existence d'un délit, et ici cette présomption n'existe pas encore.

D'ailleurs, messieurs, un simple papier signé du juge de paix, serait-ce la garantie à laquelle les citoyens ont droit ? La seule protection efficace, c'est la présence du juge de paix, du bourgmestre ou d'un échevin, comme l'exige le Code d'instruction criminelle.

Quant à la présence exclusive du juge de paix, comment veut-on que ce magistrat fasse trois ou quatre lieues pour assister le commis des accises ? Cela n'est pas possible et, cela fùt-il possible, le juge de paix sera rarement à même de connaître pertinemment l'individu chez lequel il s'agit de pratiquer la visite.

On ne doit faire de recherches domiciliaires que chez celui qui peut être justement soupçonné d'avoir commis un délit, d'en recéler le produit ou la preuve, et quel est le fonctionnaire le plus en situation d'apprécier si un particulier est dans ce cas ? C'est évidemment le bourgmestre, l'échevin ou le commissaire de police. Ceux-ci pourront dire ; Comment ! vous voulez envahir le domicile d'un tel ! Mais c'est un parfait honnête homme, incapable de s'être mis en contravention avec la loi. Ils pourront parvenir ainsi, par de sages remontrances, des visites intempestives ou vexatoires, qu'il est si essentiel d'éviter.

Il n'en est pas de même du juge de paix qui ne connaît pas aussi bien tous les habitants de sa circonscription.

L'honorable M. Deliége a présenté un amendement qui paraît rentrer daus le texte primitif de l'article 15. Je dois dire à la Chambre que c'est moi qui ai proposé en section centrale la disposition que nous discutons en ce moment. Le texte primitif portait ;

« Toutefois ceux-ci (les commis des accises) ne peuvent pénétrer... qu'avec l'assistance d'un officier de police judiciaire. »

Il m'a paru qu'il résultait de cette rédaction qu'un officier de police inférieur aurait pu se faire accompagner, et, passez-moi l'expression, messieurs, se faire doubler, d'un autre officier de son rang pour pénétrer dans le domicile d'un citoyen. Cela m'a semblé insuffisant ; c'est pourquoi j'ai demandé la reproduction de l'article 16 du Code d’instruction criminelle, qui consacre les véritables garanties personnifiées dans les magistrats locaux.

M. Verhaegen. - Messieurs, dans ce que vient de dire l’honorablc ministre de la justice, il y a une erreur très grave que je tiens à redresser immédiatement.

D’après M. le ministre de la justice, il dépend du juge de paix d'être présent ou de ne pas être présent, de faire une enquête préalable, de refuser son intervention à l'employé des accises. C'est une grave erreur, le juge de paix ne peut pas refuser son intervention, pas plus qu'il ne peut la refuser lorsqu'il s'agit, par exemple, de pratiquer la contrainte par corps et de pénétrer dans l'endroit où se trouverait l'individu à arrêter. La seule garantie se trouve dans la présence du juge de paix, mais le juge de paix'ne peut pas empêcher la visite en refusant d'y assister ; il est tenu d'y assister...

Il y a également erreur dans l'appréciation faite par l'honorable ministre de la justice, de l'amendement de mon honorable ami M. Manilius. M. Maniiius ne se contente pas d'une disposition qui exigerait une autorisation du juge de paix, l'amendement de M. Maniiius exige la présence du juge de paix et c'est là la garantie réelle. Il exclut les autres fonctionnaires pour rendre les visites domiciliaires plus difficiles et plus rares.

Maintenant, messieurs, depuis quelques jours la discussion amène des résultats et je m'en félicite ; elle en a amené ces jours derniers, et elle en a amené encore aujourd'hui. Nous voilà à peu près d'accord sur ce que nous voulons ; il ne s'agit plus que de le formuler par écrit. L'honorable M. de La Coste a dit avec raison ; Il ne fau tpas de doutes dans la loi ; il ne faut pas que l'exécution de la loi dépende de l'interprétation qu'on ira chercher dans nos discussions, il faut que la loi soit claire, que ses dispositions soient formelles.

Eh bien, messieurs, la pensée de M. le ministre se trouve traduite dans l'amendement de mon honorable ami M. Deliége, et je pense qu'on peut adopter cet amendement. Voici quelle en est la portée.

Vous nous l'avez déclaré tout à l'heure, vous ne voulez pas que la visite puisse se faire ailleurs que dans les endroits où ont lieu les transactions. Les termes de l'article 4 étaient un peu trop larges, ils pouvaient donner lieu à des doutes ; vous avez fait disparaître cet inconvénient, et la portée de l'article 4 se trouve maintenant restreinte à ces lieux où les transactions s'opèrent et où l'on fait usage de poids et mesures. C'est ce qu'a dit mon honorable ami. Ainsi dans l'arrière-boutique, ainsi dans les magasins, ainsi dans les ateliers, soit ; j'admets cela et il faudra, pour ces cas-là, l'intervention des fonctionnaires désignés dans le paragraphe.

Puisque telle est la pensée du gouvernement et la nôtre, adoptons tous l'amendement de l'honorable M. Deliége qui la formule.

- La suite de la discussion est remise à demain.

M. le président. - A quelle heure la Chambre veut-elle se réunir demain ?

- Des membres. - A 2 heures.

- D'autres membres. - A 1 heure.

M. de Theux. - Messieurs, il est d'un usage constant de fixer la séance de samedi à midi. Il y a quinze jours que nous sommes assemblés, et il y a près de huit jours que nous discutons la loi sur les poids et mesures. Il est temps d'en finir. Je demande qu'il y ait demain séance pleine.

M. Rodenbach. - Je suis persuadé que si l'on fixe la séance de demain à midi, on ne sera pas en nombre.

- La Chambre, consultée, fixe la séance de demain à une heure.

La séance est levée à 5 heures.