(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart ; la séance est ouverte.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Bruxelles demandent que l'enseignement agricole dans les contrées flamandes soit donné en flamand. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« Les sieurs Lievens, Devooght et autres membres de la société dite « de Hoop », à Bruges, déclare adhérer à la pétition du comité central flamand, relative au projet de loi sur l’enseignement agricole. »
- Même décision.
« Le sieur Lermoray, préposé des douanes, demande que les employés de l'Etat, qui sont célibataires, soient admis à participer au crédit extraordinaire de 400,000 fr. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant ce crédit.
« Le sieur Maustat, ancien gendarme, prie la Chambre de statuer sur sa demande de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des cultivateurs, fermiers, engraisseurs et marchands de bestiaux, à Saint-Jacques-Cappelle, Dixmude, Eessen, Alveringhem, Eggewaerts-Cappelle, Lampernisse, Oostkerke, Caeskerke, Stuyvekenskerke, Oude-Cappelle, Loo, Nieucappelle, demandent que les vétérinaires non diplômés soient admis à continuer l'exercice de leurs fonctions. »
- Même renvoi.
« Par dépêche du 31 janvier, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, une demande de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par dépêche du 2 février, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre un exemplaire du cahier comprenant les circulaires de son département pendant l'année 1855, formant suite à la première partie du sixième volume de la troisième série du recueil de ces circulaires. »
- Dépôt à la bibliothèque.
Les sections de février se sont constituées comme suit :
Première section
Président : M. Tremouroux
Vice-président : M. Moreau
Secrétaire : M. de Perceval
Rapporteur : M. de Moor
Deuxième section
Président : M. Lange
Vice-président : M. Coomans
Secrétaire : M. de Naeyer
Rapporteur : M. Van Overloop
Troisième section
Président : M. Mercier
Vice-président : M. Mascart
Secrétaire : M. Tack
Rapporteur : M. Van Renynghe
Quatrième section
Président : M. Osy
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. Van Iseghem
Rapporteur : M. Matthieu
Cinquième section
Président : M. Coppieters
Vice-président : M. Magherman
Secrétaire : M. Lambin
Rapporteur : M. Boulez
Sixième section
Président : M. Rousselle
Vice-président : M. Jacques
Secrétaire : M. Vermeire
Rapporteur : M. Vander Donckt
Le transfert d'une somme de 2,000 fr. de l'article 71 à l'article 2 est définitivement adopté.
« Art. 56. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; subside pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ; achat d'instruments aratoires nouveaux à distribuer par l'entremise des commissions d’agriculture ; dépenses diverses.
« Charges ordinaires : fr. 90,300. »
« Charges extraordinaires : fr. 3,700.
M. le président. - Plusieurs changements ont été apportés à cet article. On a supprimé le mot « graines » et l’allocation portée pour distribution de graines.
En second lieu, on a supprimé les mots « à distribuer aux comices agricoles ».
En troisième lieu on a supprimé les mots : « bibliothèque rurale et industrie séricicole » et les allocations destinées à ces deux objets.
La Chambre a supprimé l'allocation pour la bibliothèque rurale, mais avec cette réserve que les engagements pris seraient respectés. En conséquence de cette réserve, la section centrale vous propose un article nouveau ainsi conçu : « Crédit pour faire face aux engagements pris pour la bibliothèque rurale, charge extraordinaire et temporaire 6.000 fr. »
La Chambre avait rejeté l'allocation pour l'industrie séricicole sans réserve. Mais le gouvernement a transmis à la section centralé des renseignements dont il résulte que des engagements ont aussi été pris pour l'année commencée. La section centrale propose en conséquence un second article nouveau ainsi conçu :
« Encouragement à l'industrie séricicole, charge extraordinaire et temporaire : fr. 5,000 fr. »
La discussion est ouverte sur l'article 56.
M. Sinave. - La Chambre, par un premier vote, a supprimé à l'unanimité l'allocation pour les graines proposée par le gouvernement sans aucun espoir de réussir. Je crois pouvoir revenir sur cette décision, en ce qui concerne la graine de lin à semer et démontrer que l'intervention pécuniaire du gouvernement est encore indispensable pour un terme de trois années au moins Après cette époque, le conours moral suffira pour consolider l'œuvre commencée.
Riga, depuis un temps immémorial, fournit toute la graine nécessaire aux besoins de la culture du lin cn Belgique. Tant que cette culture est restée à peu près stationnaire. ce monopole ne pous portait aucun préjudice ; mais par le progrès considérable de cette culture, il n’en est plus de même aujourd'hui.
C'est à la Belgique d'aviser aux moyens de se soustraire à ce monopole qui, certain de voir passer nos cultivateurs par ses mains, leur extorque des prix exorbitants. Aucun cultivateur, en effet, ne se permettrait de semer d'autres graines, le prix en fût-il de moitié. Cet état de choses s'aggravera de jour en jour en proportion de l'extension de cette culture, qui sous peu d'années occupera sans doute près de deux cent mille hectares de terrain. Aujourd'hui déjà l'exportation du lin dépasse celle de tout autre produit industriel.
Je suis un de ceux qui ont vivement prié le gouvernement à faire venir par ses agents de nouvelles semences de diverses localités de la Baltique, telles que Pernau, Widau, Libau, etc., etc.
Des essais ont été faits avec ces semences, notamment dans la Flandre occidentale. Un résultat excellent a été constaté par les rapports officiels.
Il convient de continuer ces essais sur une échelle un peu plus étendue pour se convaincre que ces semences conviennent également dans les diverses espèces de terrains. Quand ce fait sera bien constaté le gouvernement pourra s'adresser à la Russie et à la Prusse et les inviter à établir dans ces diverses localités le même système d'expertise qui existe à Riga. Alors nos cultivateurs auront la même garantie.
Pour ces motifs, je propose à la Chambre de maintenir au budget une petite allocation de six cents francs pour cette spécialité de graines.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Sinave ne me paraît pas sérieux ; le gouvernement ne peut rien faire avec 600 fr.
L'article dont il s'agit a trop occupé la Chambre pour que je prolonge ce débat ; je ne dirai donc que quelques mots.
Ce n'est pas ici, messieurs, une affaire nouvelle ; l'encouragement donné à l'agriculture par voie d'achat de graines remonte à l'année 1834. Ce n'est pas non plus une affaire due à l'initiative du gouvernement, c'est le conseil supérieur d'agriculture qui avait proposé ce système d'intervention.
Il a produit de bons résultats, et les comices agricoles qui sont bons juges en cette matière, en ont demandé le maintien. J'ajouterai que depuis que vous avez, au premier vote, supprimé cet encouragement, des demandes nombreuses sont arrivées au gouvernement de la part des commissions d'agriculture, notamment des provinces des Flandres, d'Anvers et du Brabant. Quant à la dépense, l'encouragement dont il s'agit n'a jamais coûté au-delà de 1,500 fr. Le crédit de 3,000 fr., qui figurait au projet de budget, était le résultat de circonstances extraordinaires, qui, très probablement, ne se reproduiront pas en 1855 ; il ne s'agit donc, en définitive, que d'un crédit de 1,500 fr.
- L'amendement de M. Sinave n'est pas appuyé.
Le mot « graines », supprimé au premier vote, est remis aux voix ; il n'est pas adopté. En conséquence il est définitivement supprimé.
M. le président. - Nous nous occuperons maintenant de la bibliothèque rurale. Pour le cas où le premier vote serait maintenu la (page 628) section centrale propose un crédit de 6,000 francs, destiné à faire face aux engagements pris.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la proposition de la section centrale implique nécessairement l'idée de la suppression du crédit pour l’année prochaine. A cette occasion le gouvernement a encore été blâmé d'intervenir en toutes choses ; permettez-moi donc, messieurs, de compléter les explications sur la Bibliothèque rurale.
L'origine de cette intervention remonte à 1845. C'est l'honorable M. de Theux qui en a pris l'initiative, et je pense qu'il a bien fait. Les résultats ont démontré que les encouragements donnés par l'Etat pour répandre dans les campagnes les connaissances élémentaires relatives à l'agriculture ont été des plus utiles, et qu'ils y ont été bien appréciés.
Je n'en veux d'autre preuve que l'énorme quantité de volumes qui ont été vendus dans l'espace de six ans. Le nombre s'élève à 130,000.
Le mode d'intervention du gouvernement dans cette affaire est très simple ; il consiste à procurer à des libraires, qui se chargent de l'entreprise à leurs risques et périls, des manuscrits ou des traductions d'ouvrages parus à l'étranger.
Le libraire, d'après un tarif arrêté par le gouvernement, établi dans les chefs-lieux de canton et dans toutes les communes importantes de petites librairies agricoles où les cultivateurs pouvaient venir prendre les ouvrages qui sont à leur convenance.
Ce système d'encouragement a été indiqué dans une circulaire que l'honorable comte de Th-eux a publiée et qui contient les meilleurs conseils pour l'agriculture. Contrairement à l'opinion exprimée par quelques membres de cette Chambre à l'occasion de l'intervention du gouvernement, l'honorable M. de Theux disait en 1847, que l'on ne pouvait pas abandonner les campagnes à elles-mêmes, et que dans la plupart dès circonstances où il s'agissait d'encourager l'agriculture, l'initiative devait provenir du gouvernement, et c'est à cet effet qu'il consacrait dans cette circulaire le principe de la bibliothèque rurale, que son honorable successeur, M. Rogier, a eu l'honneur de mettre en pratique.
Messieurs, c'est par le résultat qu'on juge de la bonté d'un système d'encouragement. Les publications ont commencé en 1849. La bibliothèque comprend aujourd'hui 27 volumes de texte français ; 21 sont traduits en flamand. Car c'est aussi principalement en vue des provinces flamandes que l'honorable comte de Theux avait cru devoir répandre, par ce genre d'écrits, les connaissances agricoles dans les campagnes. Il y a donc eu jusqu'à présent une publication de 48 volumes.
Savez-vous, messieurs, ce que nous a coûté en tout pendant six ans, ce mode d'encouragement approuve par toutes les personnes qui s'occupent d'agriculture ? 18,000 fr.
On a dit à cette occasion, et je pense que ce n'était pas sérieux, que nous ne faisions que de la littérature d'almanach ; et cela pour jeter de la défaveur sur une publication dont l'utilité est appréciée dans plusieurs pays étrangers. Je regrette que cette parole ait été prononcée, car si la Chambre met le gouvernement dans l'obligation de cesser le mode d'encouragement dont il s'agit, il est évident que les éditeurs qui ont traité avec le gouvernement et qui seraient dans l'intention de continuer l'entreprise, sans son intervention, doivent craindre pour le succès de leur opération, si dans la Chambre même elle est traitée en termes aussi sévères que ceux que vous avez entendus récemment.
Je me bornerai à citer quelques-uns des ouvrages pour vous donner une idée de l'importance de la bibliothèque rurale ; nous y trouvons un traité sur la chaux, un manuel d'arboriculture, un premier manuel de drainage, un manuel de chimie agricole ; d'autres ouvrages non moins importants ont encore été publiés par des auteurs belges.
Toutes les publications de la bibliothèque rurale, qui ont été traduites en flamand pour la plupart, ont obtenu le plus grand succès : le nombre des volumes vendus en fait foi.
Voilà la situation de l'affaire. Conçue dans une pensée de progrès, elle poursuit modestement sa route et ses succès ne sont douteux pour personne. Il n'en est pas qui ait moins coûté à l'Etat. La Chambre jugera si elle doit se rallier au système de la section centrale qui consiste à permettre uniquement au gouvernement de liquider pour 1855 les engagements contractés, ou bien si elle doit en revenir à la proposition du gouvernement, qui se résume dans le vote de 6,000 fr. comme charge permanente.
La Chambre est maintenant fixée sur l'importance de la bibliothèque rurale. J'attends avec confiance sa décision.
M. Dumortier. - Messieurs, je veux bien admettre qu'une bibliothèque rurale peut présenter de l'utilité pour le pays ; mais ce que je ne puis pas concevoir, c'est que le gouvernement se mette à la tète d'une pareille publication, se fasse éditeur, commande des ouvrages à des auteurs ; voilà un rôle qui n'est pas gouvernemental, qui n'appartient pas au gouvernement ; car, vous venez de l'entendre, le gouvernement commande des ouvrages. Ainsi voilà le gouvernement se transformant tout à coup en académie des sciences, en académie de belles-lettres, en académie d'agriculture, que sais-je ! et qui se met à commander des ouvrages ! Existe-t-il au monde qui que ce soit de plus inapte à commander un ouvrage que le gouvernement ?
Pour mon compte, je ne connais rien de plus impropre qu'un gouvernement à commander des ouvrages ; pourquoi ? Parce que la mission du gouvernement est de gouverner, et non pas de suivre le progrès des sciences. Il est à ma connaissance que certains de ces ouvrages que le gouvernement a commandés et qui ont été payés aux frais du trésor, ne sont autre chose que le plagiat d'ouvrages antérieurement publiés par des Belges.
On nous dit que c'est l'honorable M. de Theux qui a commencé la publication de la bibliothèque rurale ; cela est possible : l'honorable M. de Theux a pu donner l'impulsion comme il l'a donnée pour d'autres bonnes choses. Mais je suis convaincu que si l'honorable M. de Theux était resté ministre, il se serait dit, en voyant que les choses marchaient bien, que l'action du gouvernement devenait superflues.
Laissons faire la liberté. Le gouvernement a donné bien des impulsions, il a donné l'impulsion à l'industrie sétifère d'abord, séricicole ensuite ; depuis il a donné l'impulsion aux cultures nouvelles, par des distributions de graines ; il a donné l'impulsion pour la bibliothèque rurale ; il l'a donnée pour l'exploitation des colonnades ; il a bien fait, mais, l'impulsion une fois donnée, faut-il continuer à faire marcher ? Cela est inutile. Comme dans les travaux publics, dit-on à côté de moi. En effet, le gouvernement a donné l'impulsion pour la construction des chemins de fer en en faisant lui-même.
Maintenant le gouvernement fait-il tous les chemins de fer qui se construisent ? Non, on les laisse faire par les particuliers.
Laissez également dans les autres matières faire les particuliers. Je suis d'autant plus opposé à l'action du gouvernement en matière de publication, que par suite du traité avec la France, l'imprimerie belge doit vivre des ouvrages nationaux, la contrefaçon étant interdite, elle a le plus grand intérêt à faire traduire et à faire produire des ouvrages, qu'elle imprimera. C'est le moment le plus mal choisi pour l'intervention du gouvernement dans les publications.
On nous dit que le gouvernement a fait une distribution de 150 mille volumes. Dans cette distribution se trouve un mémoire sur l'emploi de la chaux, quel est l'agriculteur qui ne sait pas l'utilité de l'emploi de la chaux ? Ils le savent, car tous l'emploient et en apprécient les résultats.
Il est certain, quoi qu'on en dise, qu'il n'est pas un agriculteur qui ne sache ce que c'est que le chaulage des terres ; il n'en est pas un seul qui n'emploie la chaux dans ses cultures,
M. Faignart. - Ils ne l'emploient pas toujours bien.
M. Dumortier. - Voulez-vous que tous pensent comme vous ? Est-ce qu'il a fallu des publications de mémoires pour faire comprendre aux cultivateurs du Luxembourg l'utilité de l'emploi de la chaux ?
Voyez dans les carrières de Tournai combien on expédie de chaux pour les Flandres ! Les agriculteurs du pays sont capables de servir de modèles à ceux qui écrivent des livres pour les instruire. Pour beaucoup de ces livres on pourrait dire : C'est Gros Jean qui veut remontrer son curé.
On a fait un mémoire sur l'utilité des animaux de basse cour. Je vous le demande, a-t-on besoin d'apprendre aux paysans l'utilité des coqs, des poules, des pigeons, des oies, des canards et des dindons ?'
On a distribué un manuel de chimie agricole ; la chimie est une science extrêmement abstraite ; pour y comprendre la moindre chose il faut avoir des connaissances très vastes que n'ont pas les cultivateurs. On n'enseigne la chimie que dans les universités ou dans les cours de rhétorique des athénées, et vous voulez que les cultivateurs comprennent un traité de chimie agricole ! C'est une dérision. C'est vouloir enseigner la pratique à ceux qui n'ont pas la moindre idée de la théorie. Toutes ces publications sont des choses superflues, qu'il est temps de faire disparaître du budget.
On vient de dire qu'en 6 ans on avait dépensé 18,000 francs. Par conséquent, on dépense 3,000 fr. par an. Or, comment se fait-il qu'on vienne dire que les engagements priss'élèvent à 6,000 fr., c'est-à-dire à l'import de deux années ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, en traductions et en compositions.
M. Dumortier. - Voilà donc le gouvernement qui se mêle de faire faire des compositions. Je ne le reconnais pas capable de se mêler de faire faire des compositions.
Je remarque que le gouvernement est un peu dans le système de vouloir se rendre juge de bien des choses. J'ai été bien surpris quand j'ai vu que le gouvernement avait la prétention de juger, par lui-même ou par ses commissaires, les ouvrages auxquels devaient être accordés les prix quinquennaux. Ceci n'est pas du ressort du gouvernement, mais du ressort de l'Académie. Ou l'Académie mérite votre confiance, ou elle ne la mérite pas. Si elle ne mérite pas votre confiance, supprimez-la. Si elle la mérite, laissez-la juger. Peut-on s'imaginer qu'un ministre de l'intérieur, parce qu'il est ministre de l'intérieur, peut se rendre juge des ouvrages de lettres et de sciences présentés à un concours et des prix à décerner par le gouvernement ? C'est entièrement déraisonnable.
Nous n'avons qu'une chose à faire, c'est de supprimer purement et' simplement le crédit. Je ne pense pas d'ailleurs que le gouvernement ait 6,000 francs d'engagés. On vous demande à ce titre le double de ce qu'on dépense en une année.
Or, vous savez que des engagements formels ont été pris par le (page 629) ministre pour que les exercices futurs ne soient pas grevés. Le gouvernement n'en a pas le droit.
Au mépris de cet engagement, avant l'ouverture de l'exercice, le crédit aurait été dépassé d'une somme double de celle que l'on dépense annuellement.
C'est un abus que l'on à voulu arrêter dans le temps ; car on a interdit, à l'honorable M. Rogier de commander des œuvres d'art, qui devaient grever le budget de deux ou trois exercices. A plus forte raison, le ministre n'a pas le droit de commander des ouvrages, lorsqu'il n'y a pas de crédit voté. Je n'admets pas les engagements qui ont pu être pris en pareil cas. Je demande qu'on supprime le crédit entièrement.
M. Visart. - En présence de la majorité qui s'est déjà produite et des dispositions où je vois la Chambre, je préconiserais vainement, le pense, le maintien du chiffre qui figure au libellé du gouvernement ; màis je crois devoir défendre la nouvelle proposition de la section centrale.
Il s'est fait, à l'occasion de la bibliothèque rurale, beaucoup d'observations inexactes ou trop sévères, selon moi... on a blâmé, en général, cette conception que l'on attribue à l'honorable comte de Theux, qui ne mérite que les félicitations du pays pour une initiative très fructueuse, quoi qu'on en puisse dire.
'Ainsi une instruction agricole nouvelle s'est infiltrée, à cause des bas prix, avec assez de facilité dans les écoles primaires et chez des cultivateurs pour qui une bibliothèque de vingt francs serait un grand luxe : elle a contribué à leur faire adopter des connaissances nouvelles, mais cependant éprouvées auparavant par d'autres, mieux en situation de risquer des essais... mais quand on prend des mesures de ce genre, on ne leur donne pas un caractère exagéré de permanence, une permanence centenaire, par exemple ; on ne les continue qu'autant qu'elles actionnent utilement, ou que leur propre vitalité permette de les émanciper, au profit de l'intermédiaire gouvernemental, qui n'a plus alors sa raison d'être, et je pense que nous en sommes à peu près là.
On s'amuse à plaisanter, à déverser une sorte de mépris sur ces publications modestes contenant cependant des indications très utilisables. Ce ne sont point, dit-on, des œuvres de génie. Tant mieux, messieurs, car le génie, en agriculture, a besoin de la solidarité de la pratique, ou de capitaux surabondants, ce qui est bien l'exception. Les compilations sont donc, pour la spécialité dont il s'agit, plus conseillables que ne le seraient de belles théories nouvelles, ingénieuses souvent, mais rarement utilisables.
L'honorable M. Dumortier a parlé de l'emploi de la chaux dans les assollements comme d'un procédé extrêmement simple et facile. Eh bien, messieurs, je déclare, comme praticien, que c'est une des choses les plus compliquées que l'on puisse imaginer. La composition des terrains varie à l'infini ; si dans un sol sec et léger, comme la plupart de ceux de la Campine et de l'est et du midi de Bruges, vous mettez de la chaux, vous ne récolterez rien ; elle agira comme poison. Si, au contraire, dans un sol argileux et froid, vous n'en mettez pas, à cause de cette omission vous récolterez peu de chose. Il y a entre ces deux extrêmes des myriades d'intermédiaires ; il faut les connaître, c'est les but de ce livre ; les degrés en sont difficiles à apprécier ; alors il faut encore invoquer la fortune ; car j’ai vu des fermiers manquer leur récolte, de trèfle, par exemple, pour avoir mis de la chaux d'après les usages locaux, par la raison qu'ensuite il y avait eu une sécheresse qui seule eût fait moins de mal qu'avec la coopération d'un puissant siccatif.
Vous le voyez, tout cela est plus compliqué, plus délicat que l'a ne dit l’honorable député de Roulers.
J'ai fait déjà connaître mes conclusions, je voterai d'après le système de la section centrale.
M. de Theux. - Je voterai aussi le crédit de 6,000 fr. proposé par la section centrale pour faire face aux engagements qui ont été pris, par la raison très simple que le ministre ne devait pas s’attendre à ce que le crédit fût refusé tout d'un coup, puisqu'il n'y a pas eu de discussion dans les sessions précédentes. Il y a donc eu bonne foi dans cet acte administratif. et d’ailleurs, la somme est peu importante.
Quant au fond, j'exprimerai en peu de mots les motifs de mon vote pour la suppression du crédit pour l'avenir. Je crois en effet que, comme l’a dit M. le ministre de l'intérieur, la plupart des ouvrages publiés ont un caractère d'utilité essentielle. Je crois qu'il importait surtout que le gouvernement favorisât cette publication dans le passé, parce que les cultivateurs qui voulaient s'occuper des progrès de l'agriculture, ne trouvaient pas d'ouvrages de lecture. Il n'y avait pas dans le commerce d'ouvrages de ce genre dont le prix fût à leur portée.
Maintenant que la plupart des ouvrages les plus utiles ont été publiés sous les auspices du gouvernement, que malgré les conditions inégales de la concurrence résultant de ce chef, l'industrie privée s'est développée dans la même voie, il me semble qu'on peut croire que ces publications continueront à être faites par les éditeurs, parce qu'ils y trouveront leur compte.
En effet, si les cultivateurs ont pris goût à la lecture de ces ouvrages, il n'y a pas d'ouvrages qui aient de meilleures chances de vente. Ainsi les éditeurs peuvent continuer avec succès leur publication, sans le concours du gouvernement. Tout au moins y a-t-il des motifs suffisants pour en faire l'expérience pendant un certain temps, pour voir si l'industrie privée ne peut pas arriver au but que l'on poursuit. S'il était démontré qu'on ne peut pas y parvenir, et qu'il convient d'accorder quelques encouragements à ces publications, je n'hésiterais pas à voter les fonds nécessaires.
M. Faignart. - Lorsque j'ai interrompu l'honorable M. Dumortier pour lui dire, contrairement à ce qu'il avançait, qu'il y a beaucoup de cultivateurs qui ne connaissent pas l'emploi de la chaux, je crois avoir été dans le vrai. L'honorable membre connaît infiniment de choses ; mais en ce qui concerne l'agriculture, qu'il me permette de lui dire, qu'il est très mal renseigné.
L'emploi de la chaux est une des choses les plus difficiles en agriculture, et il est reconnu par les anciens cultivateurs que cet emploi a souvent été mal fait. Je ne dis pas qu'on emploiera à l'avenir plus de chaux. Mais les ouvrages qui ont paru et qui ont rendu de grands services, feront qu'on emploiera cet amendement avec plus de succès. Il y a quelques années, avant que par les ouvrages qui ont été publiés on eût acquis des connaissances, on employait souvent la chaux à contretemps. L'honorable M. Dumortier prétend cependant que tout le monde connaît l'emploi de la chaux ; je dis, au contraire, que les personnes qui ont à cet égard des connaissances suffisantes forment l'exception.
M. Rousselle, rapporteur. - Si j'ai demandé la parole, c'est afin de bien préciser l'état de la question.
Je dois d'abord rappeler que, dans son premier rapport, la section centrale n'avait pas proposé le retranchement des mots « bibliothèque rurale ». Ce retranchement a été demandé dans la Chambre, et c'est la Chambre elle-même qui, contre l'avis de la section centrale, a prononcé le retranchement, toutefois avec la réserve que la section centrale examinerait, de commun accord avec le gouvernement» quelle était la somme nécessaire pour faire face aux engagements pris.
Le second rapport que la section centrale a présenté dans la séance du 31 janvier, n'a eu pour objet que de présenter à la Chambre le chiffre qui, dans l'opinion de cette section, doit être alloué pour faire face aux engagements. Le calcul de ce chiffré a été expliqué dans le rapport, et je pense que la Chambre est suffisamment édifiée sur ce point. La section centrale n'a pas rouvert la discussion, elle ne le devait pas en présence du vote de la Chambré. Chacun de ses membres est donc libre de son vote comme tous les membres de la Chambre, du moment ou M. le ministre demande au second vote le rétablissement des. mots « bibliofhèque rurale » ; et je n'ai pas l'intention de prendre part à la discussion soulevée par cette demande.
M. Devaux. - Rien ne serait plus triste que de voir renverser brusquement et sans raison une belle et utile entreprise dont le succès a demandé beaucoup de temps et d'efforts.
Messieurs, j'ose dire que la fondation de la bibliothèque rurale est une des plus belles et des plus utiles œuvres qui aient été entreprises dans le pays, et une de celles qui ont eu le plus de succès. Quand elle a été établie, il n'y avait pour ainsi dire pas en Belgique de livrés agricoles à la portée du grand nombre et répandus dans les campagnes. Il n'y en avait surtout pas dans la partie flamands du pays.
C'est ce qu'a reconnu le conseil supérieur d'agriculture en 1846. C'est sur la demande formelle de ce conseil, en 1846, demande répétée en 1847 et motivée surtout sur ce que les provinces flamandes manquaient de livres propres à favoriser les progrès agricoles, que M. de Theux a commencé à s'occuper de cette affaire.
Il a demandé l'avis des commissions d'agriculture et d'autres autorités locales, et de toutes parts elles ont appuyé la demandé faite au gouvernement par le conseil supérieur.
En 1848, l'honorable M. Rogier a procédé à la fondation de la bibliothèque rurale, et quelles en ont été les suites ? On vous l’a dit ; en six années 120,000 à 130,000 volumes ont été vendus daris le pays, tous ouvrages agricoles mis à la portée des cultivateurs.
Messieurs, c'est là un fait immense ; si l'on avait dit, en 1846, qu'en six ans. on arriverait à faire circuler dans les campagnes 130,000 volumes consacrés à des idées progressives d'agriculture, Cette prévision aurait paru chimérique. Obtenir ce résultat pour 18,000 francs en six ans, c'est vraiment l'avoir pour rien.
Une publication qu'on est parvenu peu à peu à faire lire dans les campagnes, dont le titre aujourd'hui y a acquis de la popularité, qui cependant doit s'étendre beaucoup encore surtout dans les provinces flamandes, où l'édition flamande a eu plus de peine à se répandre que l'édition française dans les provinces wallonnes, voudrait-on la supprimer au moment où elle réussit à se faire connaître ?
Alors qu'on a été assez heureux pour créer dans les campagnes cet utile canal aux idées agricoles progressives, veut-on le supprimer au moment même où il commence à rendre des services ? A supposer qu'à cette publication du gouvernement en succèdent dautres auxquelles il sera étranger, n'est-ce rien que de perdre tout le fruit de la popularité de ce recueil et de la vogue qu'il s'est acquise ?
Voyez, messieurs, comme on a agi différemment ailleurs. Sur cette initiative de la Belgique, savez-vous ce qui s'est fait en Europe. Eh bien, la France a imité la Belgique, elle a établi une bibliothèque rurale à l'imitation de la nôtre. La Russie a également suivi notre exemple.
La Hollande a pris tout récemment des informations sur ce qui se pratique chez nous à l'effet d'introduire une mesure analogue ; on m’a même assuré que les Etats-Unis venaient de s'enquérir de l’organisation de notre bibliothèque rurale.
(page 630) M. Osy. - Ce sont des particuliers qui ont pris ces renseignements.
M. Devaux. - On dit que ce sont des particuliers, c'est possible; miais j'en doute, et je dirai à ce propos que l'honorable M. Osy trouve tout naturel que le gouvernement soudoie des lignes de navigation à Anvers ; mais quand il s’agit de l’agriculture, il ne veut plus du gouvernement. Ce n’est pas cependant avec 3,000 fr. que l’on soudoie des lignes de navigation.
Certainement, messieurs, ce ne sont pas là des dépenses qui doivent durer toujours, mais quand elles le devraient, avouez que la charge ne serait pas excessive. L'entreprise obtenant un plein succès, on conçoit que îe gouvernement puisse songer, quand elle pourra subsister sans son assistante, à la faire passer tout entière en d'autres mains.
Mais si vous la renversez brusquement, il est possible que cette utile publication soit perdue. Ainsi il va arriver qu'elle tombera dans la spéculation. Le prix des livres, qui est très peu élevé aujourd'hui (70 centimes par volume), se relèvera.
Le contrat actuel est fait de cette manière-ci : l'éditeur doit avoir un dépôt dans toutes les communes de 2,000 âmes et de plus, pour les plus petites communes, dans chaque groupe de quatre communes. Ces dépôts sont ainsi accessibles à tout le monde. Mais si l'entreprise tombe dans la spéculation, cela se fera-t-il encore ? Savez vous ce que la spéculation fera ?
Ces publications ont été faites dans les deux langues ; il a été assez difficile de les faire prendre dans les provinces flamandes, où. elles sont encore beaucoup moins répandues que dans les provinces wallonnes Si la main du gouvernement s'en retire et si l'éditeur n'a plus à consulter que son intérêt, il pourra très bien s'en tenir à l'édition française et laisser en arrière l'édition flamande.
Je ne m'oppose pas à ce que dans l'avenir le gouvernement se décharge de cette entreprise, pourvu qu'il puisse la consolider en d'autres mains et lui conserver tout son caractère d'utilité populaire, mais ne brusquez pas les choses ; nous sommes tous d'accord que cette année il faut voter 6,000 fr., soit qu'on maintienne encore l'allocation pendant quelques années, soit qu'on veuille seulement faire face aux engagements.
Ainsi pour cette année dans aucun cas on ne fera d'économie, laissons donc les choses entières, votons la disposition du budget et si le gouvernement parvient, en conservant à l'entreprise toute son utilité, à la faire passer en d'autres mains qui lui présentent suffisamment de garanties, par exemple dans celles de la société centrale d'agriculture, que cette œuvre utile soit placée sous d'autres auspices, peu importe ; mais, de grâce ne détruisons pas le fruit d'efforts si heureux., ne soyons pas démolisseurs en nous disant conservateurs.
On a dit, messieurs, que le traité sur l'emploi de la chaux ne signifie rien. Mais alors comment se fait-il qu'il y a eu deux éditions françaises et deux édition flamandes ? On a dit que le traité de chimie agricole n'est pas à la portée des cultivateurs ; eh bien, il en a été imprimé 8,000 exemplaires, et ils sont à peu près épuisés. Le manuel de culture a eu cinq éditions.
Le manuel du drainage traduit de l'anglais en a eu deux, et un traité de drainage plus récent de M. l'ingénieur Leclerc vient en outre d'être imprimé. C'est, dit-on, le meilleur ouvrage qui ait encore été écrit sur cette intéressante matière.
Messieurs, 153,000 volumes vendus prouvent l'utilité de cette publication. Des livres de ce genre, s'ils n'étaient pas d'une grande utilité, pourront se vendre à quelques centaines d'exemplaires ; on n'en débiterait pas 100,000 volumes.
Je demande, messieurs, que nous maintenions le crédit de 6,000 fr. et que le gouvernement examine, pour une autre année, s'il y a moyen de faire passer la Bibliothèque rurale sous les auspices d'une société, tans qu'elle périsse et sans qu'elle dévie de son but.
M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la plupart des observations de l'honorable M. Devaux pourraient être fondées, s'il s'agissait de détruire la Bibliothèque rurale, c'est-à-dire, d'anéantir les ouvrages qui ont été publiés ; mais il n'en est pas question. Les exemplaires qui ont été achetés par les campagnards ne sont probablement pas usés, ils continueront à propager les notions utiles qu'ils pourraient contenir.
La seclion centrale propose même d'allouer encore un crédit pour compléter la bibliothèque rurale ; mais nous disons qu'il ne faut pas aller plus loin, afin de ne pas entraver la presse agricole libre qui commence a prendre des développements assez importants.
Je puis dire que j'ai lu presque tous les volumes de la Bibliothèque rurale, et je n'hésite pas à déclarer que le plus grand nombre n'est aucunement destiné à augmenter la somme des connaissances que possèdent généralement nos cultivateurs ; je dis même qu'il en est plusieurs qui peuvent être plutôt nuisibles qu'utiles, parce que les auteurs se sont trop attachés à la méthode descriptive, consistant, pour ainsi dire, exclusivement à faire connaître des méthodes de culture, des instruments aratoires, etc., ce qui n'est pas toujours sans danger, lorsqu'on s'adresse à des cultivateurs qui ne possèdent pas l'instruction agricole nécessaire pour bien apprécier les circonstances qui permettent d'employer ces procédés ou ces instruments. Les ouvrages qui traitent de l'agriculture doivent avoir surtout pour objet d'étendre l'instruction des cultivateurs afin les familiariser avec les lois de la nature qui président à leurs opérations, et de les mettre ainsi à même d'introduire des améliorations en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Or, je n'hésite pas à dire que sous ce rapport la bibliothèque rurale, en général, ne répond pas aux exigences de la situation, et malheureusement, presque tous les traités qui font exception à la règle ont été publiés à l'étranger, de manière que la bibliothèque rurale n'a fait qu'en donner des contrefaçons, ce qui ne pourrait plus avoir lieu à l'avenir par suite des traités conclus avec plusieurs pays voisins.
Messieurs, je tâche de me tenir au courant, autant que possible, des ouvrages relatifs à l'agriculture, qui se publient en Belgique, et je dois dire que ce qui est publié par l'initiative dos particuliers vaut, en général, mieux que ce qui est publié avec les subsides du gouvernement. Peut-être le motif en est-il assez simple : le gouvernement achète les manuscrits et les donne gratuitement au libraire. Eh bien, quand un auteur a confiance dans son œuvre, il parvient à traiter directement avec un libraire, et c'est ordinairement pour des compositions ayant peu de chances de succès, qu'on a recours à l'intervention du gouvernement à cet égard. Je ferai remarquer encore que dans ces achats de manuscrits ou ces commandes d'ouvrages à composer, le favoritisme peut aussi jouer un grand rôle, et que le parlement n'est guère à même d'exercer un contrôle sérieux sur ce genre d'abus, car.jecpnsi-dère la responsabilité ministérielle comme une garantie des plus précieuses, lorsqu'il s'agit d'actes d'une certaine importance, que les ministres peuvent poser en pleine connaissance de cause ; mais quand il s'agit de cette foule de détails et de minuties, dont le budget de l'intérieur n'est que trop chargé, la responsabilité ministérielle ne peut guère être considérée, que comme une espèce de paletot destiné à abriter bien des misères administratives contre les intempéries parlementaires.
L'honorable M. Devaux s'est préoccupé des Flandres, il a dit que si la bibliothèque rurale disparaît, les ouvrages utiles à l'agriculture ne seront plus publiés en flamand ; mais l'honorable membre perd de vue qu'on publie aussi dans les Flandres des ouvrages agricoles composés en flamand et qui rendent, suivant moi, des services plus réels que les traductions du gouvernement.
On vous a parlé beaucoup, messieurs, du grand nombre de volumes qui ont été vendus ; mais si ce nombre est si considérable je ne vois pas pourquoi l'intervention du gouvernement est nécessaire. Pour des ouvrages qui se vendent bien, la liberté suffit.
Mais, messieurs, il y a quelque chose à rabattre de cette vente si considérable, car enfin plusieurs exemplaires sont achetés par le gouvernement, ensuite les comices agricoles qui sont subsidiés par le gouvernement en ont aussi acheté beaucoup, de sorte que le gouvernement fait d'abord des sacrifices pour mettre les ouvrages en vente et contribue ensuite soit directement soit indirectement, à couvrir une partie des frais d'achat.
Messieurs, je désire beaucoup, pour ma part, que les ouvrages utiles à l'agriculture se répandent dans les communes rurales, car je crois, moi, que l'instruction agricole est une chose essentielle aux progrès de l'industrie rurale. Mais je pense que l'impulsion est donnée et que la bibliothèque rurale a fait son temps. A cet égard je me rallie aux observations très judicieuses présentées par l'honorable M. Visart. Je voterai la proposition de la section centrale.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article qui a été rejeté au premier vote.
M. Malou. - M. le président, si j'ai bien compris la discussion, il paraît qu'on est généralement d'accord pour admettre le chiffre de 6,000 francs ; le dissentiment ne porte que sur le point de savoir si ce crédit sera le dernier.
Dès lors, pourquoi ne pas mettre aux voix par assis et levé le chiffre de 6,000 fr., sauf à voter ensuite par appel nominal sur la question de savoir si le crédit sera permanent ?
M. le président. - Le règlement veut que les articles rejetés au premier vote soient remis aux voix.
Le chiffre de 6,000 fr. demandé comme charge permanente par le gouvernement pour la bibliothèque rurale a été rejeté par la Chambre ; si le premier vote est maintenu, c'est-à-dire si le chiffre comme charge permanente est définitivement rejeté, il y aura lieu de statuer sur la réserve faite par la Chambre.
On a demandé l'appel nominal ; il va y être procédé ; ceux qui veulent le maintien de l'allocation de 6,000 fr. comme charge permanente pour la bibliothèque rurale, répondront oui ; ceux qui sont contraires au maintien de cette allocation, comme charge permanente, répondront non.
- Voici le résultat de l'appel nominal :
69 membres ont répondu à l'appel.
39 ont répondu non.
30 ont répondu oui.
En conséquence la Chambre décide que le chiffre de 6,000 francs, comme charge permanente, pour la bibliothèque rurale, n'est pas maintenu.
Ont répondu oui : MM. Goblet, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Mascart. Moreau, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vervoort, Anspach, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, Deliége, de Moor, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dubus et Delfosse.
Ont répondu non : MM. Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, (page 631) Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Mercier, Orts, Osy, Taek, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Wasseige, Ansiau, Brixhe, Coomans, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, Dellafaille, de Mérode (F.), de Naeyer, de Portemont, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren. de Sécus, Desmaisières, de Theux et Dumon.
La Chambre adopte ensuite '’article spécial proposé par la section centrale pour la bibliothèque, rurale et qui est ainsi conçu : « Crédit pour faire face aux engagements pris pour la bibliothèque rurale, 6,000 francs (charge extraordinaire et temporaire) ».
M. le président. - Au premier vote, la Chambre a retranché du libellé de l'article 56 les mots : « Industrie séricicole. »
La section centrale, considérant que l'exercice 1855 s'est ouvert sans qu'il y ait eu une disposition expresse, pour faire cesser les effets de l'arrêté royal du 30 janvier 1832, qui est encore en vigueur, a été d'avis, à l'unanimité, que l'on doit continuer encore, mais pendant l'année 1855 seulement, la distribution de mûriers et le payement de la prime, autorisés par cet arrêté.
En conséquence, elle propose de porter an budget, pour ce service, un article spécial ainsi formulé :
« Encouragements à l'industrie séricicole, 5,000 fr. »
Cette somme serait inscrite à la colonne des charges extraordinaires et temporaires.
La discussion est ouverte sur cette proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la Chambre a rejeté au premier vote les encouragements demandés pour la culture du mûrier et l'éducation des vers à soie. Ce résultat a été quelque peu inattendu, car jamais cet article n'avait souffert la moindre difficulté. Lorsqu'on a examiné dans les sections le budget de l'intérieur pour l'exercice 1855, personne n'avait fait la moindre objection contre l'adoption de l'article ; la section centrale même proposait d'adopter le crédit, en aorte que personne n'était préparé à donner à la Chambre des renseignements puisés dans le passé pour démontrer la nécessité de maintenir encore pendant quelque temps le crédit dont il s'agit.
Dans l'intervalle du premier au second vote, le gouvernement a fait parvenir à la section centrale des documents, destinés à fixer définitivement votre opinion. La Chambre verra par l'exposé de quelques faits qu'il n'est pas convenable de supprimer l'allocation en ce moment.
D'abord les crédits pour l'encouragement de l'industrie séricicole remontent à une époque antérieure à 1830 ; le gouvernement était propriétaire d'un établissement situé à Meslin-l'Evêque ; après 1830, la législature a désiré qu'on se défît de cet établissement, et une loi du 16 mars 1841 a autorisé le gouvernement à procéder à la location de l'établissement d'Uccle ou à sa vente. La vente a eu lieu.
En même temps que cette location s'opérait, on a fait connaître au locataire le système d'encouragement qui avait existé jusque-là et qui consistait à accorder une prime de 2 fr. 11 centimes par kilog. de cocons de vers à soie. Ces encouragements avaient été accordés par un arrêté royal du 30 janvier 1832.
Dans la section centrale, on a cru qu'il ne résultait pas nécessairement de ces précédents un engagement, même moral, de maintenir jusqu'à la fin du bail fait avec M. de Mevins, le système d'encouragement par prime, introduit en 1832.
Il est vrai que cet arrêté porte que l'encouragement dont il s'agit est accordé jusqu'à mûre disposition ; d'où l'onau conclu que le gouvernement n'était pas tenu de maintenir indéfiniment en faveur du locataire de l'établissement d'Uccle la prime de fr. 2.-11 par kilogramme de cocons.
Mais je dois compléter les renseignements fournis à la section centrale par un document qui a été porté depuis à ma connaissance et qui est de nature à exercer une certaine influence sur l'opinion de la Chambre. C'est une déclaration faite le 20 décembre 1842, par M. Liedts, le ministre des finances actuel, à l'occasion d'une discussion sur le maîntien du crédit dont il s'agit.
Voici en quels termes il s'exprimait à la Chambre sur la convention faite avec M. de Mevius, à laquelle il avait assisté dans l'intérêt de l'Etat :
« Messieurs, en proposant de supprimer le crédit de 4,000 francs, en faveur de l'industrie sétifère, la section centrale suppose que, dans l'acte de location de l'établissement d'Uccle, le gouvernement n'a pris aucun engagement quant à la distribution des primes.
« Je dois déclarer à la Chambre que lorsque cette location a eu lieu, aucun engagement formel n'a été pris de ma part envers l'acquéreur ; cependant sur sa demande qu'il avait faite, si cette prime serait continuée au budget, je n'ai pas hésité à lui répondre que si d'un côté, je ne pouvais pas lui garantir le vote de la législature, je croyais, d'autre part, que la législature, conséquente avec elle-même, continuerait d'allouer cette prime. »
C'est dans cet état de choses que vous avez à examiner s'il y a lieu de supprimer le crédit accordé jusqu'à présent.
Si la Chambre incline pour la suppression de la prime, j'estime qu'il faut le faire par degré, de façon qu'en trois ou quatre ans on puisse parvenir à faire disparaître cet article du budget.
Pour vous donner une idée, de l'importance qu'il y a lieu d'encourager quelque temps encore l'industrie séricicole, il importe de savoir qu'il existe actuellement 27 établissements où l'on s'occupe de l'éducation des vers à soie, et 160 plantations de mûriers répandues ; dans les Flandres, la province d'Anvers, le Hainaut et le Brabant.
Ce sont là des résultats qui ne sont pas à négliger. Quand on songe que dans une province de la Prusse, cette industrie progresse et donne de bons résultats, on peut espérer que la Belgique n'aura pas fait de sacrifices inutiles. Je conviens que ce n'est pas une raison pour continuer les encouragements indéfiniment et je viens d'indiquer une limite. Ces observations suffisent, je pense, pour faire écarter la proposition de la section centrale de n'accorder le crédit que pour une année seulement.
M. Rousselle, rapporteur. - La section centrale s'est trouvée vis-à-vis d'un vote considérable de la Chambre qui s'était prononcée contre le crédit demandé pour l'industrie séricicole à une majorité tellement forte, que neuf membres seulement, si je ne me trompe, en avaient voté le maintien. La section centrale, en présence de ce vote qu'elle n'avait pas provoqué par son premier travail, a examiné la question avec d'autant plus d'attention, qu'un membre de la Chambre, qui s'était abstenu, avait motivé son abstention sur l'existence d'engagements pris.
Les pièces sont sous les yeux de la Chambre ; elles ont été transcrites dans le rapport qne j'ai eu l'honneur de faire. La Chambre a donc pu s'édifier complètement sur les engagements qui, prétenduement, lieraient le gouvernement.
M. le ministre vient de produire une nouvelle déclaration, c'est celle que l'honorable M. Liedfs, ministre actuel des finances, a faite en 1842, et de laquelle il résulte qu'on ne croyait pas alors pouvoir supprimer la prime. Mais depuis cette époque, il s'est écoulé douze ans, et en examinant la question telle qu'elle se présente aujourd'hui, on peut trouver que l'encouragement s'est suffisamment prolongé.
Nous l'avons dit dans notre nouveau rapport, le bail ne contient aucune espèce de clause concernant des distributions de primes, l'arrêté qui les institue, s'est réservé le droit de les faire cesser à la volonté du gouvernement.
Je rappellerai à la Chambre qu'on a loué 24 hectares de terre pour 30 ans, à partir de 1841, moyennant un fermage de 500 francs pendant les 10 premières années, de 900 francs pendant les 10 années suivantes et de mille francs pendant les dix dernières. Le bail prévoit les cas de résiliation dont la famille du locataire ne s'est pas prévalue ; je suppose qu'elle trouve un avantage dans le bail, abstraction faite de la prime.
M. Prévinaire. - M. le ministre et M. le rapporteur ont fait l'historique des encouragements donnés à l'industrie sétifère ou séricicole ; permettez-moi de rappeler un précédent dont on n'a pas parlé.
En 1848, la section centrale, chargée de l'examen du budget de l'intérieur pour l'exercice 1849, désirant apporter dans les dépenses la plus grande économie, et vous vous rappelez, messieurs, qu'à aucune époque peut-être plus qu'alors on ne se montra animé du désir de réaliser les économies compatibles avec une bonne administration et le respect des engagements contractés, la section centrale examina avec la plus sérieuse attention l'allocation dont il s'agit, des explications, des éclaircissements furent demandés au ministre ; un document annexé à son rapport les reproduit ; ils étaient conformes à ceux que fournit le rapport qui nous a été distribué récemment ; la section centrale reconnaissant l'équité de maintenir l'allocation, on proposa l'adoption malgré son vif désir de voir disparaître les primes.
Quoi qu'on puisse alléguer en faveur de la suppression de ces primes, je maintiens qu'un engagement moral tout au moins a été contracté envers M. de Mevius qui avait repris en location l’établissement d'Uccle et y a fait à ses frais des constructions considérables qui ont absorbé la plus grande partie de sa fortune.
Je n'ai qu'un regret, c'est que les membres de la Chambre n'aient pas eu l'occasion d'aller visiter cet établissement intéressant, au mois de juillet, époque à laquelle il est en pleine activité.
En supprimant aujourd'hui la prime, messieurs, vous allez changer d'une manière tellement radicale les conditions faites à cet établissement que vous donnerez ouverture à une résiliation du bail, car le locataire ne l'a renouvelé que sur la foi d'engagements du gouvernement qu'il croyait être aussi permanents que son bail.
Si la Chambre veut faire bonne justice, elle maintiendra le crédit comme crédit ordinaire et permanent.
M. Dumortier. - J'éprouve une véritable satisfaction à entendre l’honorable préopinant. Lorsqu'il s'agit d'une question industrielle, lorsqu'il s'agit d'accorder des primes à une industrie générale, répandue sur la surface du pays, il s'élève avec force contre les primes ; et il prend la défense des primes lorsqu'elles se rapportent à une industrie sans progrès qui n'a jamais rien fait, qui ne fera jamais rien en Belgique.
Qu'est-ce que l’industrie séricicole ? Je ne veux pas rappeler ce que j'ai eu l'honneur de vous dire dans la première discussion. Mais la Chambre a par son vote manifesté qu'elle désire voir la cessation de ces primes. L'unanimité de la Chambre, moins 4 ou 5 voix, a été pour la suppression. En effet tous les renseignements que le gouvernement fournit tendent à prouver que la Chambre a émis un vote parfaitement consciencieux et éclairé. Que demande-t-on ? 5,000 fr., montant d'un crédit accordé depuis 1842$.
Mais remarquez que dans le crédit actuel il y a une indemnité au propriétaire des pépinières de Vilvorde pour les plants de mûrier qui lui ont été commandés. Nous sommes donc au même point qu'il y a 13 ans ; (page 632) et cela se conçoit : les orages et les grandes gelées auxquels notre climat est sujet sont également funestes aux vers à soie et aux mûriers. La Belgique a dépensé environ 200,000 fr. pour cette industrie qui n'a rien produit.
Mais, dit-on, il y a des engagements. Il n'y en a jamais eu. M. le ministre de l'intérieur vient de le rappeler ; lorsque l'honorable M. Liedts est venu demander, en 1842, le maintien du crédit, il a lui-même déclaré qu'il n’y avait pas d'engagement du gouvernement, le jour où la législature n'accorderait plus de subside.
Veuillez jeter les yeux sur les tableaux qui vous ont été présentés vous verrez qu'un grand nombre d'établissements n'opèrent que sur 4 ou 5 grammes de graine de vers à soie, et l'on appelle cela des établissements ! Je demande si cela a quelque chose de sérieux. Evidemment ce n'est pas une industrie en progrès, c'est une industrie stationnaire, qui ne rapporte absolument rien au pays.
C'est en 1825 qu'un Italien est venu proposer au roi Guillaume d'introduire cette industrie dans le pays. Après trente ans d'essais sans résultat, il est sans doute bien temps d'y renoncer.
Immédiatement après la révolution, un Italien est venu proposer d'introduire en Belgique la culture du maïs. C'était une chose très importante ; car vous savez combien le maïs serait utile à l'alimentation des populations.
Eh bien, M. Panigada a encore engagé le gouvernement à introduire dans le pays la culture du maïs. On a donné des subsides, on a fait beaucoup de dépenses, et cette culture en est toujours restée au même point ; c'est-à-dire que dans un certain nombre de jardins on élève quelques plantes de maïs pour la nourriture des poulets.
Je dis qu'il est temps d'en finir avec tous ces essais. Quant à l'industrie séricicole, il n'y a pas d'engagement pris, puisque l'honorable M. Liedts lui-même a déclaré que l'engagement du gouvernement était subordonné au vote du subside par la législature. Si donc vous persistez dans votre vote primitif, comme je n'en doute pas, puisqu'il a été émis à l'unanimité, il n'y a plus rien au budget, et, par conséquent, il n'y a plus d'engagement.
M. de Theux. - Il est probable qu'en France où l'industrie séricicole fait une grande partie de la culture, on tenait à peu près le même langage que l'honorable préopinant. Car le gouvernement français a dû, pendant un laps de temps considérable, faire les plus grands efforts pour introduire et développer cette industrie.
En Prusse il en a été de même. Le gouvernement ne s'est pas laissé décourager et l'on est arrivé aux plus grands résultats.
On nous dit : Vous avez dans le pays une trentaine d'établissements ; mais cinq seulement ont une importance réelle. Messieurs, cela me suffit à titre d'essai. Si cinq établissements parviennent à se développer et à faire des bénéfices, ils seront bientôt imités, alors même que la prime viendrait plus tard à être supprimée. C'est une matière dans laquelle on ne se lance pas en grand et à laquelle tout le monde ne participe pas. Mais il suffit qu'il y ait quelques personnes industrieuses qui consacrent des capitaux et qui parviennent, par de longs efforts, à réussir, pour que le pays soit tôt ou tard doté de cette industrie.
Comme la somme n'est pas importante, je ne contredirai pas les actes que le gouvernement a posés et que la Chambre a ratifiés en les modifiant cependant de manière à ce que le trésor n'eût plus à supporter qu'une charge légère. Elle est, messieurs, de 5,000 fr. Si ce crédit devait augmenter plus tard, parce que l'industrie prendrait de grands développements, ce serait le moment de cesser l'allocation, parce que le but serait atteint ; de manière que, dans mon opinion, le gouvernement ne peut jamais être engagé dans une dépense considérable.
D'après ces motifs, pour ne pas renier nos précédents et pour imiter les exemples de la France et de la Prusse qui ont persévéré si longtemps et qui ont obtenu de si brillants résultais, je suis d'avis que la Chambre peut continuer le subside.
Quant au climat, je ne pense pas que celui de la Belgique soit plus orageux que celui de la France ou celui de la Prusse.
M. Prévinaire. - Je n'aurais pas pris la parole, si l'honorable M. Dumortier n'avait pas cherché à me mettre en contradiction avec moi-même. Je ne lui répondrai qu'un mot. Il est évident pour les membres de cette assemblée qui, comme moi, prêtent aux discours de l'honorable M. Dumortier l'attention qu'ils méritent, que personne n'est moins fondé que lui à plaider devant vous l'abolition des primes.
En effet, personne plus que l'honorable membre ne s'est montré défenseur plus ferme, plus convaincu du système des primes.
Alors que quelques membres qui siègent sur les mêmes bancs que lui se bornaient à défendre ce qui reste encore debout du système protecteur, l'honorable M. Dumortier conséquent avec ses principes, voulait l'extension la plus large de la protection au moyen des primes. Il en est devenu aujourd'hui l'ennemi ; il a changé d'opinion ; est-il bien venu, je le demande, à nous reprocher une inconséquence d'opinion ? Mais cette inconséquence n'existe même pas.
Si demain on venait me proposer des primes nouvelles, je n'en accepterais aucune ; mais est-ce à dire qu'il faille immédiatement faire table rase, au risque de détruire en un jour l'œuvre du passé ? Je ne le pense pas, et je suis heureux d'avoir pour appui, dans cette circonstance, l'opinion si sage de l'honorable comte de Theux.
L'honorable comte deTheux vient de vous dire qu'en France et en Allemagne on a dû lutter aussi pour obtenir des résultats. Ces résultats ont fini par se produire, et vous voulez d'un trait de plume supprimer une grande partie des résultats déjà acquis et supprimer surtout ce que l'avenir vous promet.
Messieurs, plusieurs parties du pays ont intérêt à ce que cette industrie réussisse, et quoi qu'on en dise, elle n'est pas dénuée de vie. Les Flandres et la Campine, dont le sol est léger, ont besoin d'abriter leurs champs contre l'action des vents.
Eh bien, si au lieu de plantations qui rapportent très peu, on plantait des mûriers pour clôturer les champs, on offrirait aux populations si concentrées des Flandres, un moyen de travail qui profiterait surtout aux enfants.
Messieurs, si vous aviez vu le travail qu'exige la culture des verres à soie dans un établissement comme celui d'Uccle, vous comprendriez l'immense main-d'œuvre qui s'attache à cette fabrication.
J'ajouterai un dernier mot.
Sans doute la législature est libre en droit vis-à-vis le propriétaire de la magnanerie d'Uccle, mais moralement elle ne l'est pas autant. Quant ce propriétaire a fait un bail de trente ans, il n'a pas supposé qu'après dix ou quinze ans, on renoncerait à une des clauses auxquelles il devait attacher le plus d'importance.
Le gouvernement, pour faciliter le repeuplement des pépinières de mûriers qui sont disséminées dans beaucoup de localités, a besoin d'avoir une grande pépinière où l'on puisse venir s'approvisionner de jeunes plants. L'honorable M. Dumortier dit que les mûriers sont sujets à geler ou a périr par l'influence des orages ; c'est un motif pour que l'on maintienne l'établissement d'Uccle sur un pied tel qu'on puisse toujours y trouver de quoi repeupler des plantations. C'est ce motif qui a surtout conduit à l'arrangement contracté avec M. de Mévius qui a consacré, tout son capital, 100 à 150 mille fr. pour constructions, et qui comptait comme compensation sur la vente annuelle des plants destinés à repeupler les pépinières de mûriers.
La Chambre, je le répète, est libre de retirer le subside ; le gouvernement ne sera pas tenu en droit à indemnité ; mais vous portez au propriétaire de la magnanerie d'Uccle un détriment réel.
- La clôture est prononcée.
Le chiffre de 5,000 fr., comme chiffre permanent pour l'industrie séricicole, est mis aux voix par appel nominal. En voici le résultat :
66 membres sont présents.
58 rejettent.
7 adoptent.
1 membre (M. F. de Mérodc) s'abstient.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Prévinaire, Van Hoorebeke, Anspach, Coppieters 'T Wallant, Dequesne, de Theux et Devaux.
Ont voté le rejet : MM. Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jouret, Lambin, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Visart, Wasseige, Ansiau, Coomans, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Dubus, Dumon et Delfosse.
M. de Mérode. - La première fois, j'ai voté pour le crédit, mais aujourd'hui je me suis abstenu pour pouvoir protester contre la manie des appels nominaux insignifiants.
M. le président. - On ne peut pas protester contre l'usage d'un droit que le règlement assure aux membres de la Chambre.
« Article nouveau (proposé par la section centrale). Encouragements, à l'industrie séricicole : fr. 5,000 (à porter à la colonne des charges extraordinaires et temporaires) ». »
- Adopté.
Les autres amendements introduits au premier vote sont définitivement adoptés sans discussion.
La Chambre passe au vote du texte du budget.
« Article unique. Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de 7,293,744 francs, conformément au tableau ci-annexé. »
- Il est procédé à l'appel nominal.
68 membres y répondent.
3 (MM. Dumortier, Coomans et de Ruddere) s'abstiennent.
65 répondent oui.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jouret, Lambin, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Visart, Wasseige, Ansiau, Anspach, Brixhe, Coppieters't Wallant, Dautrebande, (page 633) de Baillet-Latour, de Bronckart, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, F. de Mérode, de Moor, de Percéval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon et Delfosse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Dumortier. - Messieurs, je me suis abstenu parce qu'il y a dans le budget de l'intérieur une foule de dépenses que je crois complètement inutiles et que jé désire en voir disparaître.
M. Coomans. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. de Ruddere. - Je me suis abstenu parce que le budget renferme certains crédits que je ne puis approuver.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi portant prorogation de la loi sur les concessions de péages.
- Ce projet de loi sera imprimé et distribué, ainsi que l'expose des motifs qui l'accompagne. La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
- La séance est levée à 4 heures et demie.