(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 543) M. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et demie.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres de l'administration communale, des négociants et d'autres habitants de la ville d'Enghien prient la Chambre d'accorder à la compagnie Houdin-Lambert la concession d'un chemin de fer destiné à relier la ville de Gand à celle de Charleroi par Sotteghem, Grammont, Enghien, Soignies, Roeulx, la Louvière, Carrières, Morlanwelz, Fontaine-l'Evêque et Marchienne, avec embranchement sur Lobbes. »
M. Matthieu. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le conseil communal d'Ertvelde prie la Chambre d'accorder aux sieurs Delaveleye et Moucheron la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain par Gaud et Ertvelde à Terneuzen. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Quelques habitans d'Auwegem demandent qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires, d'agriculture et d’horticulture dans les provinces flamandes que dans les provinces wallonnes ; que l'enseignement y soit donné dans la langue maternelle et que si, pour l'une ou l'autre branche de l'enseignement, on n'établit qu'une seule école pour tout le pays, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leurs provinces. »
« Même demande de plusieurs habitants d’Ostende. »
- Dépôt sur le lureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« M. Landeloos, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
« M. Thienpont, retenu chez lui par un événement de famille, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Moreau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi sur les poids et mesures.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 65 (voirie vicinale) et les amendements y relatifs.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, nous en sommes arrivés à la voirie vicinale. Dans la séance d'hier, la discussion a porté principalement sur le chiffre du crédit et sur l'amendement proposé par la section centrale au libellé de l'article.
Messieurs, j'ai peu d'observations à présenter sur ces deux points. D'abord quant au chiffre du crédit, on aurait tort de prétendre que le gouvernement a peu de sympathie pour la voirie vicinale : le gouvernement n'a jamais été, comme on l'a insinué hier, hostile à l'amélioration de cette partie importante du service public ; il a manifesté ses sentiments à cet égard à toutes les époques.
Mais il ne suffit pas d'avoir de la sympathie pour les travaux d'utilité publique, le gouvernement doit avoir encore d'autres préoccupations, il doit notamment examiner quelles sont les possibilités du trésor, il doit s'enquérir aussi si les ressources des provinces et des communes qui interviennent dans les dépenses générales de la voirie vicinale, leur permettront de faire de plus grands sacrifices.
Quant au trésor public, si nous étions dans une situation normale, il serait possible de porter le crédit à 700,000 fr. sans altérer le crédit du pays ; mais dans les situations où nous sommes, en présence des événements qui peuvent détruire l'équilibre de nos finances, le gouvernement a cru qu'il devait s'imposer une très grande réserve et ne pas aller au-devant d'augmentations de crédits sans nécessité absolue.
Ce serait, d'ailleurs, une erreur de croire que la voirie vicinale se trouvera abandonnée, parce que le crédit n'est pas élevé à 700,000 fr. ; pendant plusieurs années une somme de 500,000 fr. a suffi à des besoins normaux. Elle était en rapport avec les ressources que les communes et les provinces peuvent consacrer à cet objet.
Dans ces limites, les améliorations pourront continuer et le gouvernement a pensé qu'on pouvait, sans de graves inconvénients, ajourner à d'autres temps l'augmentation qui a été proposée. C'est donc uniquement parce que la situation du trésor a donné la conviction au gouvernement qu'en face des événements qui peuvent nous atteindre, il était prudent de réserver toutes les ressources de l'Etat pour parer aux éventualités dont il s'agit.
Des considérations analogues à celles que je viens de présenter relativement au trésor, peuvent être invoquées en ce qui concerne les communes et les provinces à propos de l'augmentation du crédit dont il s'agit. On sait que les provinces et les communes, les Communes surtout, interviennent pour la plus grande part dans la dépense des chemins vicinaux.
L'Etat est intervenu dans une proportion qui n'a jamais dépassé le tiers.
Il est sensible que si l'on augmente le crédit dont le gouvernement dispose pour venir en aide aux provinces et aux commîmes, celles-ci devront s'apprêter à faire des sacrifices considérables pour se mettre en harmonie dans une juste proportion avec les subsides accordés par l'Etat.
La question est de savoir si, pour l'année dans laquelle nous entrons, les communes et les provinces pourront s'imposer des sacrifices plus considérables.
Il est permis d'en douter, la crise alimentaire et les dépenses extraordinaires auxquelles les communes sont exposées ne permettent pas de penser qu'elles puissent faire pour les chemins vicinaux plus qu'en 1853, alors que le crédit de l'Etat était de 500 mille francs seulement.
Je ne dis pas que cela leur sera absolument impossible, mais je dis qu'il est prudent, de la part du gouvernement, de se renfermer dans des limites modérées, de ne pas leur imposer des charges plus considérables que celles de 1853. Quoi qu'il en soit, la Chambre éclairée sur la situation du trésor et des communes prendra la décision qui lui paraîtra la plus équitable.
Je dois dire un mot maintenant de la mention de la section centrale au libellé du crédit.
La section centrale voudrait changer le mode de partage du crédit et le laisser à la disposition absolue des députations provinciales entre lesquelles le gouvernement le répartirait par portions égales.
On a longtemps discuté dans cette Chambre sur le point de savoir à quel système de répartition il fallait s'arrêter pour obtenir un juste partage entre les provinces.
Après avoir examiné les différents systèmes indiqués, on a généralement reconnu que le système suivi par le gouvernement depuis un certain nombre d'années, était le plus équitable. Il distribue une partie du crédit par portions égales entre toutes les provinces, et il en réserve une autre qui est répartie entre les provinces qui ont des besoins plus considérables et qui consentent à s'imposer des sacrifices plus étendus.
Ainsi, pour citer un exemple, quand le crédit était de 500,000 francs, chaque province recevait 50,000 francs, cette somme était d'après une appréciation qui avait été faite sur une dizaine d'exercices, en harmonie avec les dépenses que les communes et les provinces pouvaient s'imposer sans trop se gêner. Quant à l'excédant, le gouvernement attendait des députations un travail spécial qui faisait connaître si telle province avait des besoins plus considérables et voulait s'imposer des sacrifices plus grands pour obtenir une plus forte part dans le crédit.
Ce système a été reconnu le plus équitable après une discussion à laquelle ont pris part plusieurs membres de cette Chambre ; notamment en 1853 ; contrairement à ce qu'a dit hier l'honorable M. de La Coste, ce système a été examiné dans tous ses détails.
Alors, messieurs, on a généralement reconnu, et notamment l'honorable cemte de Muelenaere, que le système indiqué par le gouvernement était le plus équitable : c'est-à dire la répartition, dans une certaine mesure, par portions égales, sauf à reporter l'excédant du crédit sur celles des provinces qui s'imposaient le plus de sacrifices. Vous comprenez que s'il en était autrement, les provinces les plus riches obtiendraient une part beaucoup plus grande dans le crédit que des provinces qui ont des besoins plus étendus et qui sont plus pauvres, ce qui amènerait nécessairement une répartition injuste.
Ainsi, pour citer encore un exemple, il y a des provinces, comme le Brabant et le llainaut, qui ont à leur disposition des ressources très considérables, qui peuvent par conséquent, non pas seulement dépenser 100, 150 ou 200 mille francs pour les chemins vicinaux, mais qui en dépensent3500,000. Il y a des provinces qui ont moins de ressources, le Luxembourg, Namur, le Limbourg, qui ne peuvent pas atteindre un chiffre aussi élevé.
Il arriverait donc, si l'on devait répartir le crédit, en raison de la possibilité des provinces à faire le plus grand nombre de chemins, qu'on donnerait la plus grande partie du crédit à celles qui ont le plus de ressources, qui, par conséquent, se trouvent dans des conditions meilleures pour exécuter des travaux d'utilité publique que les provinces moins fortunées.
Quoi qu'il en soit, après avoir examiné tous les systèmes, on s'est arrêté à celui auquel le gouvernement, depuis dix ans, donne la préférence sans qu'il en soit résulté de plaintes fondées. C'est une raison de persévérer.
La section centrale recommande à la Chambre d'adopter la mention (page 544) que le partage se ferait entre les députations permanentes, afin que le gouvernement n'ait plus à s'occuper de la distribution des subsides. Messieurs, je crois que ce système est inadmissible.
Ce système tend directement à annihiler l'action et le contrôle du pouvoir exécutif sur les crédits qui sont mis à la disposition du gouvernement pour les répartir entre les provinces.
Le moins qu'il importe au gouvernement de faire, quand il distribue des subsides, c'est de s'assurer par un contrôle réel si ces subsides sont bien employés ; s'ils sont surtout employés à l'objet pour lequel ils sont destinés. Or, il n'y a qu'un moyen d'avoir à cet égard une certitude complète : c'est de réserver au gouvernement la distribution des subsides entre les communes sur les propositions qui lui sont faites par les députations provinciales.
Ne croyez pas, messieurs, qu'il résulterait un avantage du système qui est proposé par la section centrale. Le travail auquel donne lieu aujourd'hui cette répartition des subsides est des plus simples. Le gouvernement demande aux députations de lui soumettre un état des communes qui ont des chemins vicinaux à exécuter, et des subsides qui doivent être proposés pour ces communes. Cet état général est soumis par les députations au gouvernement. Généralement les propositions des députations peuvent être admises, parce qu'elles sont le résultat d'un travail consciencieux et fait en parfaite connaissance de cause.
Mais il arrive très souvent que des réclamations sont faites directement au gouvernement contre les propositions de la députation permanente en tant qu'elles portent sur telle ou telle commune, et que des subsides pourraient être plus utilement accordés à d'autres. Il arrive très souvent, et vous en avez tous l'expérience, que les membres des Chambres eux-mêmes, éclairés par leurs commettants sur l'utilité de telle ou telle construction de chemins, font à cet égard au gouvernement des observations auxquelles il s'empresse d'avoir égard, lorsque, après examen des faits, il reconnaît ces réclamations fondées.
Les gouverneurs de province ont aussi fréquemment des observations à présenter sur le travail soumis au gouvernement par les députations permanentes. Ces observations portent sur la nécessité d'établir un bon système de communication de commune à commune et de province à province.
Or, qu'arriverait-il dans quelques circonstances, si les députations permanentes étaient maîtresses absolues de distribuer les subsides comme elles l'entendent ? II arriverait ce que l'on craint pour le gouvernement, et à plus forte raison cela arriverait pour les députations ; c'est que très souvent les subsides seraient accordés en raison des sollicitations plus ou moins pressantes, des obsessions dont elles seraient l'objet et auxquelles on est plus exposé, j'en appelle à l’expérience de tous, dans les communes et dans les provinces, qu'on ne l’est au gouvernement, où les choses se voient avec un coup d'œil d'ensemble et après avoir puisé les renseignements aux sources les plus officielles et par conséquent les plus impartiales.
Le système que l'on propose au nom de la section centrale est donc un système qui détruit d'emblée toute l'action du pouvoir exécutif sur la manière dont les subsides votés par la législature doivent être distribués aux communes. Il détruit toute espèce de contrôle ; il s'oppose à ce que le gouvernement établisse, par une intervention régulière, de bonnes règles pour créer entre toules les communes de bonnes communications ; et pour relier, ceci est de la plus haute importance, toutes les communications vicinales, non seulement entre elles, mais aux grandes routes et surtout au chemin de fer.
Si le gouvernement n'a pas un mot à dire sur les propositions qui lui seront faites annuellement par les députations permanentes, relativement à la préférence à donner à tel ou tel chemin, autant vaudrait, selon moi, supprimer le subside, parce qu'on lui enlèverait son caractère le plus utile, qui est ce caractère d'intérêt général, auquel le gouvernement doit toujours subordonner toutes les propositions qui lui sont faites et toutes les décisions qu'il prend.
Sous tous ces rapports il est impossible au gouvernement de se rallier à la proposition de la section centrale. Mais je vais démontrer en peu de mots que cette proposition ne conduirait à rien sous le rapport du travail.
Quel est le motif que la section centrale allègue pour proposer le nouveau mode de répartition donl il s'agit ? Elle dit qu'il faut débarrasser le pouvoir central d'une quantité d'affaires qui l'encombrent aujourd’hui, qu'il faut simplifier la besogne afin d'arriver à une simplification d'administration.
Or, messieurs, le mode qui est suivi aujourd'hui par le gouvernement dans ses rapports avec les députations provinciales est absolument le même qui devrait être suivi, si l'on adoptait le système proposé par la section centrale.
En fait, toute l'intervention du gouvernement consiste aujourd'hui en ceci : que les députations permanentes dressent un état général des chemins à l'égard desquels des subsides sont demandés au gouvernement. Cet état général, document unique, est envoyé par le gouverneur au ministre. Le ministre examine l'état général. Si aucune réclamation ne lui parvient dans le temps déterminé, s'il croit, par les renseignements personnels qu'il possède et les documents qu'il a à sa disposition, que ces propositions sont bien établies, le gouvernement, par un arrêté collectif et unique, décide sur toutes les demandes de subsides et transmet sa décision au gouverneur de la province. Après cela, le gouvernement mandate, au nom du gouverneur de la province, la part de crédit afférente à cette province.
Ainsi deux documents : le premier, les propositions faites par les députations permanentes et l'arrêté du gouvernement ; le second, un mandat délivré sur le gouverneur de la province. Tout le reste du travail est fait par la députation permanente.
On veut simplifier ce système. Mais qu'arriverait-il si vous adoptiez la proposition de la section centrale ? Absolument la même chose, sous le rapport du travail. Les députations permanentes seraient toujours obligées de se faire rendre compte de toutes les propositions de subsides, qui leur arriveraient de la part des communes, de dresser un état général des chemins à exécuter dans le courant de l'exercice et d'attacher à chacun une partie de subside pour concourir à leur exécution.
La députation, après avoir fait ce premier travail, devrait faire ce que le gouvernement fait aujourd'hui, prendre un arrêté collectif et arrêter la répartition définitive entre les communes, ce qui n'empêcherait pas les députations de demander un mandat de payement que le gouvernement ferait au nom du gouverneur.
Ainsi, messieurs, un simple déplacement dans le travail, un seul document qui, au lieu d'émaner du ministre, émanerait désormais des députations, voilà tout le résultat de la mesure proposée par la section centrale.
Est-ce la peine de porter le trouble dans un système qui, jusqu'à présent, n'a donné lieu à aucune plainte ?
Je défie qu'on cite une circonstance quelconque où l'allocation de ces subsides ait été l'objet même d'un retard, bien entendu lorsqu'il ne se présentait pas des faits extraordinaires. Il est impossible de changer ce système sous peine de bouleverser toute l'économie de notre organisation administrative, qui a pour but de remettre au gouvernement un juste et légitime contrôle sur la distribution des subsides votés par la législature.
M. de Mérode. - On vous a prouvé hier surabondamment l'utilité supérieure des chemins vicinaux que j'ai célébrés bien des fois ; lorsqu'il s'agissait de millions et millions pour des chemins de fer oa des canaux dont on réduisait les péages avec excès au détriment du trésor public, par conséquent des moyens de consacrer des sommes un peu considérables aux chemins vicinaux. Mais par quelles ressources réelles de ce trésor public veut-on couvrir la dépense nouvelle qu'on propose ? C'est ce que je ne vois pas. Et ce résultat, si on l'adopte, sera l'accroissement des emprunts.
Nous lisons cependant dans un journal anglais reproduit par extraits dans les nôtres, qu'en Angleterre, pays qu'on nous cite trop souvent hors de propos, mais qu'on peut citer parfois à propos, nous lisons, dis-je, que pour pourvoir même aux frais de la guerre, l'impôt est considéré par d'habiles financiers comme préférable à l'emprunt ; 1° si la guerre se paye par des impôts, dit le journal « l'Economiste », il n'y aura pas de dette permanente à éteindre ; 2° si elle est payée par l'emprunt, il faudra créer de nouveaux impôts, non pas temporaires, mais permanents, afin de payer les intérêts des emprunts accumulés, et rien ne prouve que les périodes futures, les générations suivantes, et la nôtre même, n'auront pas à soutenir ultérieurement leurs propres embarras, leurs propres calamités. C'est pourquoi il ne faut pas les charger de celles du présent. Je sais bien, messieurs, qu'un de mes amis, siégeant à droite et ancien ministre, nous disait un jour, il y a plusieurs années, que nos descendants jouiraient d'un tel bien-être plus tard, que nous pouvions hardiment leur léguer une part notable de nos dépenses actuelles ; mais j'ai toujours combattu cet optimisme, et je m'en félicite.
Depuis 1839, c'est-à-dire depuis quatorze à quinze ans, nous sommes en pleine et complète paix avec tout le monde, et néanmoins nous n'équilibrons jamais nos budgets de receltes et dépenses, parce que nous trouvons toujours des raisons pour dévorer plus ou moins les ressources de l'avenir, de sorte que si la guerre nous surprend, ce qui est très possible aujourd'hui, notre imprévoyance nous surchargera à outrance.
Quand on a diverses dépenses à faire et qu'on n'a pas de recettes pour le tout, comment faut-il procéder ? Choisir les plus pressantes ; et je ne mets à ce point de vue aucune comparaison entre l'avantage des chemins vicinaux pour l'ensemble du pays et des magnificences spécialement locales, comme très coûteuses, canaux latéraux ou rivières depuis longtemps navigables, ou des doubles voies de chemins de fer, là où il n'est pas évidemment nécessaire de les établir.
Il y a trois jours, nous avons refusé, et j'étais du nombre des opposants, de fournir ultérieurement aux dépens de l'Etat de la chaux à prix réduit aux cultivateurs ardennais. Mais nous continuons de donner un subside énorme, sous forme de prime, à la raffinerie de sucre pour l'étranger, subside tellement démontré malgré les enveloppes qui le cachent, que si le sucre en Belgique ne payait aucun droit d'entrée et ne recevait par conséquent aucune restitution à la sortie, la raffinerie pour l'étranger n'existerait plus. Notre collègue, M. Julliot, a utilisé son temps de vacances pour rappeler, à l'aide de la presse, ce singulier abus, qui coûte à l'Etat bien plus que toute la somme qu'obtiendraient dans notre budget les chemins vicinaux. Qu'on supprime ce don gratuit sucré, qui nous a coûté déjà peut-être 40 millions, et qui a moins de raison d'exister que le cadeau de chaux à prix réduit ; qu'on ne fasse point de doubles voies à certains chemins de fer, qui seront encore bien plus commodes établis seulement avec une voie, que les affreux (page 545) bourbiers décrits avec une indignation chaleureuse par M. Vander Donckt ; et sans verser dans de nouveaux emprunts, nous sortirons en peu d'années des fondrières.
Mais comme je sais que l'exaltation contre les chemins impraticables est un puissant moyen d'animer beaucoup de membres de cette chambre contre les emplois mauvais et injustes ou d'une utilité secondaire des deniers de l'Etat, je ne voterai pas préalablement l'accroissement de, la somme présentée pour voirie vicinale.
Je crois qu'il est indispensable d'exciter par des privations la suppression des abus funestes à l'équilibre des recettes et des dépenses, équilibre qu'on essaye aujourd'hui de maintenir dans la Grande-Bretagne, même en état de guerre ; tant on y a senti les inconvénients d'emprunts générateurs des plus dangereux du paupérisme. Je croirai rendre ainsi un très important service aux cultivateurs et possesseurs de biens ruraux destinés à payer tôt ou tard, et peut-être trop tôt, toutes les imprévoyances financières et leurs conséquences directes et indirectes. Ils finiront de la sorte par résister fortement à ce péril, tandis qu'en les couchant sur l'édredon trompeur des bons du trésor, ils s'endormiraient dans l’insouciance des taxes exagérées de l'avenir.
Maintenant, messieurs, quant à la distribution dont a parlé M. le ministre de l'intérieur, j'admets plutôt son système que celui qu'on y a opposé, mais je ne l'admets pas entièrement. En effet, M. le ministre a parlé de provinces plus riches que les autres, c'est à-dire, probablement, les provinces où l'on paye le plus de contributions. Mais, messieurs, ces provinces ont beaucoup plus de difficulté à construire leurs chemins. C'est dans les provinces les moins riches qu'on trouve presque toujours les pierres, c'est-à-dire le moyen de construire des chemins vicinaux, tandis que dans les provinces riches chaque lieue de chemin vicinal coûte énormément parce qu'il faut employer des pavés. Ensuite dans les pays très pauvres il y a des chemins vicinaux sur lesquels il ne passe presque personne, tandis que dans les pays où la population est serrée les chemins sont beaucoup plus parcourus et par conséquent beaucoup plus utiles.
M. Julliot. - Messieurs, représentant d'une province exclusivement agricole, la question des chemins vicinaux est de sa nature une question délicate pour moi en présence du but d'une diminution dans les impôts que je poursuis dans toutes les occasions.
Mais j'honore trop mes commettants pour que je croie un seul instant qu'ils puissent exiger de moi que je dise à la tribune la chose que je ne pense pas. Car si l'agriculture est l'intérêt dominant dans le Limbourg, la sincérité aussi y a son prix.
Et si quelques-uns des nôtres trouvent que je ne leur fournis pas assez de subsides, d'autres reconnaîtront que j'emploie mieux mon temps à les défendre contre l'impôt.
Fournir beaucoup de subsides et ne pas aggraver les impôts est une combinaison qui échappe à mon intelligence. Déjà j'ai trop de peine à arriver à quelque chose de possible, pour que la fantaisie me prenne de poursuivre l'impossible dans quoi que ce soit.
Néanmoins je reconnais que la dépense en voirie vicinale constitue l'intervention officielle la plus excusable parmi les dépenses facultatives parce que du moins celle-ci s'adresse à tous sans exception aucune.
Les fonds affectés par l'Etat à cette dépense proviennent des 2,500 communes auxquelles ils sont restitués sous forme de subside ; il n'en est pas moins vrai que, si l'initiative des communes était assez développée, elles pourraient, pour le même sacrifice, se construire elles-mêmes un huitième de chemins vicinaux en plus, puisque par la perception de l'impôt et sa restitution sous forme de subside, treize pour cent restent en perte sèche entre les mains des percepteurs et autres officiers fiscaux.
J'avoue que dans cette intervention les villes viennent en aide aux campagnes, mais il me serait difficile de parler journellement contre les dépenses facultatives que fait l'Etat sous toute espèce de forme, alors que moi-même je lui imposerais des aggravations de dépenses de cette nature qu'il ne demande pas à faire.
Je ne crains pas de prédire que, dans quelques années, on cessera grand nombre de subsides aux intérêts communaux et privés, faute de pouvoir s'entendre sur la proportionnalité de ces donations. Il y a trop de dupes dans ce système, et la lumière se fera petit à petit. Ces distributions se font par procédure administrative, et les avocats influents dans cette procédure sont l'habileté, les influences politiques et souvent l'intrigue.
Comme député campagnard, j'ai la conviction que si on faisait le bilan fidèle de toutes ces interventions gouvernementales dans les intérêts privés, la terre, quoi que l'on fasse, se reconnaîtrait dupée au premier chef dans l'ensemble de ces applications.
Je suis persuadé que si toutes les parties prenantes autres que les agricoles, pouvaient être consultées, elles nous diraient : Nous votons un million à l'agriculture pourvu qu'elle ne recherche pas le chiffre de notre quote-part.
Je ne suis donc pas d'accord avec plusieurs de mes honorables collègues, quand ils me disent : Augmentons le gâteau du côté où noussommes attablés au banquet du budget. Non ; je dis moi : Réduisons-le dans toute sa circonférence à sa plus minime expression, nous aurons bien servi les intérêts de la généralité en nous rapprochant de la justice et de l'égalité devant la loi et l'impôt.
Nous voulons tous maintenir le principe proportionnel dans l'impôt et nous ne remarquons pas que nous le bouleversons de fond en comble par les restitutions sous forme de subsides et autres avantages plus ou moins dissimulés. Aussi quand j'analyse et que je compare tous ces faits, je m'étonne de la facilité qu'il y a parfois à gouverner les hommes.
Par exemple, j'attends avec impatience la discussion des péages sur les canaux ; en attendant je voterai le crédit demandé par le gouvernement, parce que je dois supposer que les ressources disponibles dans les provinces et les communes lui ont servi de base, mais je ne pourrais lui imposer d'aggravation d'une dépense facultative qu'il ne me demande pas, à moins de le faire comme moyen de coercition contre le système, ce que nous verrons.
A mes yeux l'agriculture est engagée dans une société où elle a le rôle du mouton, et au lieu d'émettre de nouvelles actions elle doit demander la liquidation de la société interventioniste où elle est engagée.
Voila où est son intérêt ; mais tant que tous prennent ce qu'ils peuvent, pourquoi ne prendrait-on pas, ne fût-ce que pour restituer ce qu'on prend aux nôtres.
Pour la distribution des subsides, je m'en rapporte à la responsabilité du gouvernement.
M. Rodenbach. - A entendre l'honorable préopinant, il semblerait qu'il s'agit de voter plusieurs millions. Il parle de sommes considérables auxquelles l'Etat ne pourrait pas faire face. Or, messieurs, il s'agit tout simplement de 200,000 francs, et ce n'est pas une augmentation ; nous restons dans le statu quo. En 1854, on a augmenté le crédit de 200,000 fr., et l'on veut maintenant revenir sur cette décision, c'est-à-dire arrêter brusquement plusieurs travaux qui sont commencés. Je demande si ce serait là un acte de bonne administration.
J'ai déjà eu occasion de le dire dans cette enceinte. Quand il s'agit de travaux gigantesques, de chemin de fer, de grands monuments somptueux, alors beaucoup de membres se lèvent pour appuyer et voter ces dépenses de luxe ; tandis qu'aujourd'hui cette allocation de 200,000 fr. fait dire à quelques-uns de nos honorables collègues : « Vous allez augmenter les charges du pays. » Je vous le demande, messieurs, ces 200,000 fr. vont-ils aggraver la somme de nos impôts ? Je ne le crois pas ; nous sommes, je le sais, en déficit ; le découvert s'augmente, depuis dix ans, de quelques millions ; cependant je suis d'opinion qu'on ne peut pas augmenter les impôts, surtout au point de vue de l'agriculture. Le ministère combat l'allocation des 200,000 fr. ; voyez la contradiction ; d'une part il se montre le paitisan de la liberté de commerce, et d'un autre côté il est hostile aux chemins vicinaux à l'aide desquels les cultivateurs pourraient faire arriver facilement leurs grains dans les grands centres de consommation.
L'honorable M. de Mérode vous dit : « Si vous n'augmentez pas les impôts, vous devrez recourir à l'emprunt. »
A mon avis, il est indispensable de voter les 200,000 fr. ; eh bien, s'il est nécessaire, j'aimerais mieux que de ce chef on fît un emprunt que d'augmenter les contributions. On ne peut plus imposer le peuple. Il peut être imposé davantage en Angleterre où il y a des richesses immenses ; peut-être peut-il l'être aussi en France ; mais, je le répète, il ne peut pas l'être en Belgique.
Je ne vois pas qu'il nous serait impossible de faire un emprunt. L'état de notre dette est de 650 millions Cette dette n'est pas aussi exorbitante qu'on l'a prétendu. La dette de l'Angleterre est de trois fois supérieure à la nôtre ; la Hollande a deux fois plus de dettes que nous, et sous ce rapport, la France nous devance de 50 p. c.
Messieurs, si l'on ne votait pas les 200,000 fr. il faudrait arrêter les travaux commencés. Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, si on porte le crédit à 700,000 fr., les communes et les provinces ne pourront pas fournir leur quote-part. M. le ministre est dans l'erreur ; dans la province que je connais le mieux, dans la Flandre occidentale, une somme d'un demi-million a été votée pour la voirie vicinale, et tous les ans on consacre au-delà de 100,000 fr. à cette importante branche du service public. Ainsi vient à tomber l'assertion sur laquelle s'appuie M. le ministre de l'intérieur pour demander l'ajournement de l'allocation de 200,000 fr. Quoi ! vous accordez cette somme en 1854, on fait exécuter les travaux en conséquence, puis vous la supprimeriez en 1855 ! Ce serait, je dois le dire, un acte de mauvaise administration.
M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à M. le ministre de l'intérieur. Le principal argument qu'il a fait valoir contre l'allocation de 200,000 fr., est celui-ci : les communes et les provinces se trouvent dans une situation financière à ne pouvoir contribuer, à proportion de cette augmentation, dans les dépenses de la voirie vicinale.
L'état obéré des budgets communaux a été le motif de rejet pour la section centrale.
Messieurs, dans la session dernière, c'est le même argument que M. le ministre des finances a fait valoir. C'est un moyen de nous éconduirc chaque fois que nous venons demander une allocation qui profite à l'agriculture. Quand il s'est agi des chemins de fer, on a invoqué des motifs d'utilité et d'urgence, on a dit qu'il fallait faire cette dépense dans l'intérêt général, acheter de nouvelles locomotives ; quand il a été question de l’établissement des télégraphes, on a fait valoir l'intérêt du commefce ; on a dit que vous auriez un intérêt de 6, 7 ou 8 p. c. sur le capital à lever. Eh bien, je prétends, sans crainte d'être contredit, que le capital qui produit la plus grande somme de bien-être, c'est le capital employé à la voirie vicinale.
(page 546) L'argument tiré de la position financière des provinces et des communes pouvait nous être objecté avec quelque raison en 1852, lorsque nous avons demandé sans succès l'allocation de 200,000 francs, dans le budget de 1853 ; mais la majorité de la Chambre, cédant aux insistances du gouvernement n'a pas voté cette augmentation, elle l'a votée seulement en 1854.
Or, aujourd'hui toutes les demandes sont faites, les communes se sont attendues à obtenir une part équitable et proportionnée dans la répartition des 700,000 francs à accorder aux communes. On dit, pour combattre notre amendement, que nous proposons une augmentation ; ce n'est pas une augmentation que nous proposons ; nous demandons simplement le maintien de ce qui existe, nous demandons que les 200,000 francs votés l'année dernière soient maintenus au budget pour 1855. Dans le choix que M. le ministre de l'intérieur a fait, pourquoi s'cst-il précisément attaqué à l'allocation la plus utile, la plus nécessaire et la plus juste de toutes celles qui se trouvent au budget ?
J'ai dit qu'il y avait beaucoup d'économies à faire sur le budget de l'intérieur ; M. le ministre reproduit la plupart des articles qui seraient susceptibles d'être fortement réduits ou même supprimés ; il s'attaque malheureusement aux 200,000 fr. inscrits dans le budget de 1854 à la suite d'un vote solennel de la majorité de la Chambre.
« Cette somme, dit-on, va augmenter le défieit de nos finances ; nous marchons à la banqueroute. »
Je vous le demande, messieurs, peut-on tenir un semblable langage à propos d'une dépende aussi utile et aussi peu importante de 200,000 fr. ? Je le répète, il ne s'agit pas d'une augmentation de subside, mais du maintien de l'allocation qui a été votée l'année dernière ; sans doute, M. le ministre de l'intérieur a le droit de nous proposer telles allocations qu'il juge convenable ; mais à la Chambre, à son tour, de faire justice et de rester conséquente avec elle-même, en votant le maintien du subside de 1854.
Alors reste au ministre de l'intérieur à trouver des économies de manière à équilibrer son budget. S'il fallait réviser le budget de l'intérieur, on y trouverait beaucoup à retrancher sur des dépenses très peu utiles, par conséquent dont la nécessité est beaucoup moins bien démontrée que celle des chemins vicinaux.
M. le ministre nous dit qu'annuellement le gouvernement demandait un état des subsides réclamés par les provinces et les communes ; s'il veut être sincère, il reconnaîtra qu'avec l'augmentation de 200,000 fr. il ne suffira pas même à donner satisfaction aux demandes actuellement instruites et prêtes, qu'il ne suffira pas à l'achèvement des chemins vicinaux commencés ; si vous ne maintenez pas l'allocation portée au budget, on devra éconduire les provinces et les communes, on devra leur dire : Vous devez chômer une année de plus. Est-ce là une marche régulière, et digne de la législature, quand la législature une année avant, a trouvé bon d'augmenter l'allocation vu l'urgence reconnue par M. le ministre lui-même dans un discours que j'ai eu l'honneur de vous rappeler qu'il avait prononcé dans la séance du 9 décembre 1852 ?
Après ce discours si sympathique, si favorable à la voirie vicinale, comment est-il possible que M. le ministre soit le premier à retrancher de son budget une allocation qui n'était pas du reste très importante ?
Il faut encore vous dire que quand il s'agit de chemin de fer ou de télégraphes, c'est-à-dire de choses qui intéressent les grandes cités et le haut commerce, on vote les allocations sans s'enquérir de l'état de nos finances.
Si quelques membres font des observations, on passe outre et les subsides sont votés. Pour la voirie vicinale, c'est constamment la même raison qu'on objecte pour nous éconduirc : l'état de nos finances ne permet pas la plus légère augmentation dans l'intérêt de l'agriculture, dans l'intérêt des communes rurales !
Ne perdez pas de vue, messieurs, que nous campagnards, nous sommes trois millions contre un dans les villes.
Je demande une légère augmentation pour satisfaire aux nombreuses demandes pour pouvoir achever les chemins vicinaux commandés. J'ai eu l'honneur de le dire, toutes les sections ont demandé le maintien de l'allocation de l'année dernière.
MM. Osy et de Mérode, chaque fois qu'il s'agit d'allocations pour la voirie vicinale répètent : Personne ne révoquera en doute nos sympathies pour l'agriculture et la voirie vicinale. Mais il faut quelque chose de plus que votre concours moral, ce n'est pas avec des sympathies qu'on fait des chemins vicinaux ; il faut quelque chose de plus solide, de plus dur, il faut des grès et des bordures.
M. Osy. - Le gouvernement a fait connaître à la section centrale son opinion sur le maintien du chiffre de 700,000 fr. pour les chemins vicinaux. Malgré sa sympathie pour les chemins vicinaux et le besoin des communes de les augmenter, le gouvernement n'a pas pu se rallier à la demande des sections à cause des événements politiques qui lui font un devoir de ne pas augmenter les dépenses.
Messieurs, quand M. le ministre présente son budget avec une augmentation de 114,000 fr. et qu'il ne fait aucun effort pour réduire ses dépenses, qu'il résiste au contraire à ceux que nous ne cessons de faire pour réduire de quelques milliers de francs les allocations que nous trouvons en dehors de sa sphère et même inutiles, je suis étonné qu'il vienne nous parler de sa crainte d'exagérer les dépenses.
Je suis persuadé que si le gouvernement le voulait, il trouverait à faire pour plus de 200,000 francs d'économie en élaguant ce qui n'avait pas besoin d'être dirigé par le gouvernement. En section centrale comme en séance publique, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour obtenir une réduction du budget ; n'ayant pu y parvenir, dans les circonstances actuelles, je ne saurais me décider à voter les deux cent mille francs pour la voirie vicinale.
Je le regrette d'autant plus, que je considère cette dépense comme la plus utile du budget. En effet, quel est le besoin du pays ? D'avoir des denrées alimentaires à bon marché. Quand les fermiers pourront venir au marché et transporter les engrais des villes pour améliorer leurs terres, c'est alors que vous aurez les denrées à bon marché. Mais le gouvernement maintient toutes les malheureuses créations qu'on a introduites dans le budget de l'intérieur depuis quelques années ; il est impossible d'en déraciner une seule, quoique la majorité de la Chambre soit contraire à l'intervention du gouvernement en général. Le gouvernement compte au second vote vous faire revenir sur les petites économies que vous avez admises.
Il en résultera qu'au lien d'une réduction, le budget sera voté avee une augmentation. Malgré l'inutilité des efforts que j'ai faits jusqu'ici, je ne cesserai de lutter jusqu'à la fin, pour tâcher d'écarter du budget des dépenses que je trouve inutiles et même nuisibles.
Il me reste à apprécier la proposition de la section centrale qui demande que la distribution des 500 mille francs se fasse par les députations provinciales.
M. le ministre nous dit qu'il reçoit les propositions des députations par l'intermédiaire des gouverneurs, qu'il lui suffit de rendre un arrêté royal et d'envoyer un mandat. Je crois qu'il a plus que cela à faire.
Le gouverneur, après avoir entendu la députation, fait des propositions ; croyez-vous qu'elles soient toutes admises ? Si le gouvernement était disposé à les admettre, croyez-vous qu'il serait nécessaire que la députation vînt solliciter le gouvernement de fixer le subside à allouer à chaque commune ? Il serait mieux de partager la somme entre les provinces et de laisser à la députation le soin de faire la répartition entre les communes de ce qui lui serait attribué. La députation connaît mieux que le gouvernement les ressources de chaque commune. Et si le gouvernement s'en mêle, ce seront encore ceux qui seront le plus actifs, qui auront le plus d’influence auprès du gouvernement, même par la politique, qui obtiendront le plus. C’est un homme qui décide alors, tandis que dans la députation c’est un corps de six membres qui décide à la majorité.
Je vous demande si les intérêts des communes ne seront pas mieux gérés ainsi, et s'il est possible qu'un ministre voie, par lui-même, les détails d'une administration aussi étendue.
C'est donc dans les bureaux que ces affaires se décident, tandis que la députation, qui connaît les besoins et les ressources des communes, fera mieux cette répartition.
Je demande donc que nous votions la proposition de la seclion centrale, que le gouvernement se borne à faire la répartition entre les provinces des 500,000 fr. que nous allons voter, et que la sous-répartition entre les communes soit faite par la députation. Soyez persuadés qu'ainsi les besoins des communes seront bien mieux satisfaits.
M. de La Coste. - Je me renfermerai dans le point que j'ai traité à la séance d'hier, et sur lequel M. le ministre de l'intérieur a bien voulu me donner des explications dont je le remercie. C'est la première fois que j'entends le gouvernement donner ces explications. M. le ministre a fait mention, à cette occasion, d'une discussion qui a eu lieu, en 1853, où différentes opinions ont été émises, quelques-unes contraires, quelques autres favorables au système que le gouvernement a suivi. Mais la Chambre ne s'est pas prononcée. Il arrive dans nos discussions que quelques membres prennent la parole, qu'un plus grand nombre ne la demandent pas. On ne peut dire que ceux-ci partagent l'opinion des premiers, qu'ils admettent ou n'admettent pas l'opinion du ministère. On ne peut considérer le silence d'une partie des membres comme une approbation des opinions qui ont été émises.
Je vois que le ministère a maintenu le système de l'administration précédente en répartissant le crédit également entre les neuf provinces, sauf qu'il a admis une réserve d'environ 10 p. c. destinée à être répartie suivant les besoins et les sacrifices. Il me semble que si l'on veut encourager l'amélioration de la voirie, il faudrait que cette réserve, distribuée proportionnellement, fùl relativement plus considérable. En effet, c'est bien peu de chose que 50,000 fr. à partager entre toutes les provinces, pour les exciter à faire des sacrifices, lorsqu'elles ont la certitude d'obtenir chacune 50,000 fr. pour leur part, sans le moindre effort.
Je ne plaide pas ici la cause de certaines localités, mais celle des chemins vicinaux.
Si vous voulez stimuler les efforts des provinces et des communes, il faut que l'on y trouve un intérêt plus grand que d'obtenir une quote-part dans le dixième seulement du montant du crédit.
Cela me paraît évident.
Il ne faut pas se figurer que les besoins des communes et les sacrifices mêmes qu'elles sont prêtes à faire n'excèdent pas de beaucoup les dépenses qu'elles font avec le concours de l'Etat et de la province. Ainsi, dans le Brabant, on ne fait pas la moitié, on ne fait pas le quart peut-être de ce que les communes sont disposées à faire. Pourquoi ? Parce que la province ne pouvant obtenir du gouvernement qu'une quote-part, toujours la même ou peu différente, du crédit, fait ce calcul et je ne l'en blâme pas ; elle dit : Nous nous occuperons d'abord d'un certain nombre de voies qu'on appelle des voies de grande communication.
(page 547) Quand nous les aurons terminées, nous en ferons d'autres. Ainsi, il y a un grand nombre de communes dont le concours ne sera accepté que plus tard, qui, en attendant, exécutent bien de petites améliorations, mais ne prennent aucune part à celles qui doivent exercer le plus d'influence sur la voirie vicinale.
Si le gouvernement encourageait davantage les provinces par de subsides proportionnels aux sacrifices qu'elles feraient, elles embrasseraient un plus grand ensemble de travaux, et toutes les communes qui attendent leur tour et semblent endormies, se réveilleraient avec empressement ; c'est alors que l'étendue des besoins et la mesure véritable des efforts se révéleraient.
Je cite cet exemple, parce qu'il m'est particulièrement connu ; mais il en est ainsi probablement dans d'autres provinces. Ainsi l'encouragement véritable destiné à donner la plus grande impulsion aux travaux d'amélioration de la voirie vicinale est l'accroissement de la somme à distribuer entre les provinces, proportionnellement aux sacrifices qu'elles feraient conjointement avec les communes. En résumé, en maintenant dans une certaine mesure l'égalité, comme M. le ministre se le propose, je pense qu'il y aurait lieu de donner davantage à ce que j'appellerai la proportionnalité.
M. le président. - M. Osy vient de déposer un amendement dont le but est de réduire de 9,710 à 6,210 le chiffre de l’article 66.
M. Rousselle, rapporteur. - En ma qualité de rapporteur de la section centrale, je me crois obligé de dire quelques mots pour soutenir les conclusions qu'elle a prises, c'est-à-dire de demander que le gouvernement se borne à faire une répartition du subside entre les provinces sur les bases qu'il établira sous sa responsabilité, mais qu'ensuite la sous-répartition, dans les provinces, entre les communes et les chemins, soit abandonnée aux députations permanentes, sous leur responsabilité, bien entendu, vis-à-vis des conseils provinciaux dont elles tiennent leur mandat.
Evidemment, dans l'état actuel des choses, le ministre décide quel sera le subside que chaque commune obtiendra sur les fonds votés au budget, ce qui présuppose que le gouvernement fait une instruction minutieuse par commune pour lui assigner la somme qu'elle prend dans le crédit global qu'il se réserve d'allouer à la province.
J'ai fait, pendant plusieurs années, partie du conseil provincial du Hainaut. Chaque année, nous demandions à la députation un état général, présentant, par commune, tous les subsides qui leur sont accordés à quelque titre que ce soit, afin de juger les répartitions ; mais nous n'avons jamais pu porter nos investigations sur ce qui concernait le partage du subside de l'Etat pour les chemins, attendu que la députation disait avec raison, qu'elle n'intervenait que par des avis, que c'était le gouvernement qui prononçait. C'est cet état de choses, contraire aux intérêts des localités et à la loi sur les chemins vicinaux, que la section centrale voudrait faire cesser.
La loi de 1841 sur les chemins vicinaux déclare l'entretien de ces chemins charge locale et non charge générale ; l'Etat, comme la province, n'y intervient qu'à titre de subside. Si donc vous voulez débarrasser le gouvernement d'une foule de détails, vous devez laisser aux localités ce qui les regarde, sous la haute surveillance des provinces. Cela même ne porterait aucun préjudice à ce que le gouvernement fît inspecter l’emploi que les provinces auraient fait des subsides de l'Etat.
Toutefois, j'ai écouté avec une grande attention ce que nous a dit l'honorable ministre, et je conviens que la question devient plus ou moins générale, lorsqu'il s'agit des chemins vicinaux de grande communication ; il y a là en effet un certain examen à faire au point de vue des autres provinces, au point de vue du gouvernement, parce que ces chemins vicinaux de grande communication doivent établir des relations s'étendant sur un rayon tout autre que les chemins vicinaux ordinaires. Mais ce sont là des appréciations administratives dans lesquelles je ne veux pas entrer. Le gouvernement, en faisant sa répartition, peut réserver une part du crédit pour les chemins vicinaux de grande communication, et sur la part réservée il établirait sa répartition pour ces chemins en raison de leur importance et des sacrifices que les provinces et les communes consentiraient à faire pour les établir.
Mais pour les chemins de petite vicinalité qui sont restreints à un intérêt purement local, je demande que le partage du crédit ne se fasse que par province et que la répartition soit abandonnée aux députations.
Maintenant que je crois avoir dit, à l'appui des conclusions de la section centrale, ce qu'il m'appartenait de dire comme rapporteur, je vais présenter quelques courtes observations en mon nom personnel sur la question du crédit de 200,000 fr. Je ne puis être tenu, à cet égard, de soutenir les conclusions de la section centrale, n'ayant point partagé l'avis de la majorité.
Je demande donc que l'on maintienne au budget de 1855, et à la colonne des charges temporaires, le crédit de 200,000 fr. qui a été accordé l'année dernière. L'utilité de cette allocation est manifeste, et je crois, quant à moi, que la situalion financière permet de la comprendre au budget.
Voici, messieurs, la situation de nos budgets, telle qu'elle résulte des votes de la Chambre.
Le budget des voies et moyens a été arrêté au chiffre de 128,590,590 francs, non compris le million qui doit provenir de l'aliénation de domaines et qui est réservé pour l'amortissement de la dette.
Tous les budgets arrêtés jusqu'aujourd'hui, y compris le budget du département des travaux publics, qui ne l'était pas au moment où j'ai eut honneur de déposer le rapport sur le budget de l'intérieur, comportent une somme de 120,606,603 fr. La balance nous donne donc une différence de 7,989,987 fr. Quels que soient les votes que vous émettrez sur le budget de l'intérieur, même y compris certaines augmentations déjà votées et celles qui pourront être votées encore, je ne pense pas que ce budget puisse s'élever à plus de 7 millions cent mille ou cent vingt mille francs. Il restera donc un excédant des ressources sur les dépenses présumées d'environ 800,000 fr. pour l'exercice 1855. Outre cela, messieurs, vous ne devez pas ignorer que sur les prévisions des dépenses, se fait chaque année une annulation de crédits de plus d'un million et qui, depuis deux ou trois ans, est plus importante encore. Le compte de 1852 qui vient de nous être distribué donne en annulation de crédits, la somme de 1,960,540 fr. 29 c.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, les observations de l'honorable M. Osy et celles de l'honorable rapporteur de la section centrale tendent directement, selon moi, à amener dans l'administration générale une véritable confusion de pouvoirs.
Qu'est-ce que c'est en définitive qu'une allocation de crédit ? C'est un fonds mis par la législature à la disposition du gouvernement, qui doit en répondre devant les Chambres, qui doit leur prouver qu'il a été fait un bon emploi des deniers de l'Etat. Voilà ce que c'est qu'une allocation portée au budget de l'Etat. Le budget en général, comme chaque article en particulier, est confié sous le rapport de l'exécution à la responsabilité ministéiielle.
Maintenant je suppose que le système de l'honorable M., Osy triomphe. Vous déplacez complètement la responsabilité du ministère, vous donnez aux députations permanentes des attributions qui n'appartiennent qu'au gouvernement, puisque le gouvernement seul répond vis-à-vis de vous du bon emploi des deniers de l'Etat.
Je vous prie d'y réfléchir : de quel droit et avec quelle justice pourriez-vous demander encore au ministère compte de l'emploi régulier des crédits que vous lui confiez, si vous le dessaisissez, par une mention faite au budget, du contrôle qui lui appartient sur toutes les mesures qu'il doit prendre ? C'est donc une confusion de pouvoirs que vous allez créer. C'est un premier pas fait, non pas vers la décentralisation, mais vers la confusion.
La Chambre est maintenant avertie du résultat que doit avoir pour l'économie générale du budget, une mention comme celle que l'on veut introduire dans le budget ; et cela, je l'ai démontré de la manière la plus évidente, sans aucune espèce d'utililé, sans aucune espèce de nécessité. Car il ne s'agit pas ici de nombreuses écritures à faire au ministère. Les actes de l'instruction sont les mêmes dans un système que dans l'autre.
Mais, dit l'honorable rapporteur, et ceci va vous démontrer que le systènie'qu'il soutient est complètement faux, je comprendrais que lorsqu'il s'agit de la grande vicinalilé, lorsqu'il s'agit d'un chemin de grande communication qui tend à rattacher les provinces les unes aux autres, ou à rattacher des localités au chemin de fer, le gouvernement conservât le contrôle direct des deniers de l'Etat. Eh bien, il s'agit, pour la presque totalité des subsides que l'on donne pour la voirie, de la grande vicinalilé. La petite vicinalilé y est pour très peu de chose.
Par conséquent le seul point d'appui que l'on croyait avoir trouvé pour attribuer aux députations le contrôle des derniers dont l'Etat seul doit avoir la gestion, ce seul point manque encore à la section centrale.
Je crois en avoir dit assez pour éclairer la Chambre sur le résullat du vote qu'on sollicite d'elle.
- La clôture est demandée.
M. de Naeyer. (contre la clôture). - Je désirerais répondre quelques mots aux dernières observations de M. le ministre. Il me semble que cette question est assez importante pour l'examiner un peu à fond. Jusqu'ici elle a été pour ainsi dire confondue avec celle de l'élévation du chiffre, sur laquelle je n'ai pas l'intention d'insister, parce que je suis certain que la Chambre votera le chiffre de 700,000 francs à une grande majorité.
M. Prévinaire. - Je voulais également présenter quelques considérations contre l'amendement de la section centrale pour démontrer que cet amendement est réellement incompatible avec la responsabilité ministérielle.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
La proposition faite par la section centrale d'ajouter au libellé les mots : « A distribuer entre les provinces pour être réparties par les députations permanentes des conseils provinciaux » est mise aux voix par appel nominal et rejetée par 50 voix contre 20, un membre (M. Vander Donckt) s'étant abstenu.
Ont voté pour : MM. Desmaisières, de T'Serclaes, Jacques, Lelièvre, Maertens, Malou, Osy, Rousselle, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Vermeire, Wasseige, Coomans, de Liedekerke, Dellafaille, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Royer et de Ruddere de Te Lokeren.
Ont voté contre : MM. de Sécus, de Steenhault, de Theux, Dumon, Faignart, Goblet, Jouret, Julliot, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, I.oos, Magherman, Manilius, Matthieu, Moreau, Prévinaire, Rodenbach, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Iseghem, Van Renynghe, Vilain XIIII, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, (page 548) Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Decker, de Haerne, de La Coste, Deliége, F. de Mérode, de Moor, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse et Delfosse.
M. Vander Donckt motive en ces termes son abstention. - Les observations de la section centrale m'avaient fait pencher en faveur de sa proposition. Mais les observations très judicieuses présentées par M. le ministre de l'intérieur m'ont engagé à m'abstenir sur la question.
- Le chiffre de 490,290 fr. (charges ordinaires) pour l'article 65, encouragements pour l'amélioration de la voirie vicinale, est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 200,000 fr. (charge extraordinaire), proposé au même article, par MM. Vander Donckt et consorts.
Il est adopté par 60 voix contre 9, trois membres (MM. de Haerne, de la Coste et de Mérode-Westerloo) s'étant abstenus.
Ont voté pour : MM. de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, T'Serclaes, Faignart, Jacques, Jouret, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Moreau, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Wasseige, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters t' Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Decker, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren et Delfosse.
Ont voté contre : MM. Dumon, Goblet, Julliot, Lebeau, Loos, Osy, Vilain XIIII, Anspach et F. de Mérode.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Haerne. - Messieurs, je crois que le crédit en faveur de la voirie vicinale est un des plus utiles qui figurent au budget de l'intérieur ; mais quelles que soient mes sympathies pour cette partie du service, je n'ai pas cru pouvoir voter pour l'augmentation, me fondant sur les raisons qui ont été alléguées par plusieurs orateurs et notamment par M. le ministre de l'intérieur qui m'a semblé ne pas pouvoir prendre sur lui la responsabilité de l'emploi actuel de cette somme.
M. de La Coste. - Messieurs, le principal motif de mon abstention réside dans les doutes qui me restent sur le mode de répartition, a savoir s'il est le plus utile qu'on puisse employer.
M. de Mérode-Westerloo. - En section centrale, messieurs, je me suis opposé à l'augmentation du crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale. Ce n'est pas que je sois contraire à cette dépense, dont les résultats sont à coup sûr des plus productifs ; mais, adversaire avant tout de nouveaux impôts, en présence d'un équilibre financier plus que douteux et en l'absence d'explications sur ce point de la part de M. leministre des finances, je n'ai pas cru pouvoir donner mon assentiment à l'augmentation proposée de 200,000 francs.
- L'ensemble de l'article 65 est mis aux voix et adopté.
M. Prévinaire (pour une motion d’ordre). - Messieurs, ma motion d'ordre est celle-ci : lorsque, après un vote par appel nominal, les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention, je demande que chacun de nous puisse contredire les allégations que contiennent les abstentions.
Un des membres qui viennent de s'abstenir a motivé en partie son abstention sur ce que notre situation financière est plus que douteuse. Il serait fâcheux que cette assertion ne pût pas être contredite.
M. le président. - Nous ne pouvons pas ouvrir en ce moment une discussion sur la situation financière. M. de Mérode s'est borné à faire connaître son opinion sur ce point.
M. Prévinaire aura plus d'une occasion de développer la sienne. Restons dans la discussion du budget de l'intérieur. (Oui ! oui !)
M. Malou. - Je veux seulement faire remarquer que, d'après les précédents de la Chambre, on n'a jamais admis de discussion sur les motifs d'abstention, que lorsque ces motifs impliquaient un fait personnel.
« Art. 66. Salaires des agents temporaires attachés à ce service : fr. 9,710. »
M. Osy. - Messieurs, d'après les renseignements que j'ai pris à la cour des comptes sur l'emploi de cette somme, 3,500 fr. ont été payés à la veuve d'un ancien employé pour des plans ; comme il n'y a plus de payements à faire de ce dernier chef, il me semble qu'il y a lieu de faire disparaître de l'article 66 ces 3,500 fr. ; j'en fais la proposition ; je propose en même temps de transférer cette somme à l'article 65 (voirie vicinale).
- L'amendement de M. Osy est appuyé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, c'est un amendement improvisé qui exige une vérification ; je demande la remise de l'article 66 à demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La Chambre passe au chapitre XIII (Industrie). La discussion générale sur le chapitre est ouverte. La parole est à M. Van Overloop.
M. Van Overloop. - Messieurs, dans une précédente session, j'ai déjà eu l'honneur d'appeler l'attention du gouvernement sur les fâcheux effets que l'intervention de l'Etat dans l'industrie a produits au point de vue de l'arrondissement de Saint-Nicolas et spécialement de la ville de Saint-Nicolas.
Je regrette de devoir revenir encore sur mes observations. Mais auparavant qu'il me soit permis de répondre un mot à la mercuriale que notre honorable collègue, M. Prévinaire, a lancée dans la séance d'avant-hier contre les décentralisateurs. L'honorable M. de Naeyer a déjà répondu au discours de l'honorable M. Prévinaire ; l'honorable député d'Alost avait, en faveur de son opinion, la haute raison, la longue expérience de M. Lebeau.
Permettez-moi, à mon tour, d'opposer à l'honorable M. Prévinaire une autre opinion que je trouve dans un remarquable rapport officiel sur l'organisation de l'enseignement industriel. Ce n'est pas long.
« La commission a pensé que l'action du gouvernement est d'autant plus sûre et plus puissante, qu'elle se borne à une direction morale, à une haute surveillance. Son concours n'est réclamé que trop souvent ; il doit compte des deniers de l'Etat.
« Le privilège tend à se glisser sous toutes les formes dans la société : il ne faut point prendre aux uns pour enrichir, doter ou même secourir sans nécessité les autres. La loi de solidarité n'est pas une loi de paresse ; elle n'existe qu'en faveur du concours actif de toutes les classes de la population, chacune agissant dans son cercle et restant à sa place. Que les deniers de l'Etat ne servent donc pas à fonder des institutions qui ne soient pas d’une utilité générale pour tout le pays ! Les industriels sont intéressés à posséder des agents capables, non seulement comme directeurs ou sous-directeurs, mais encore comme contremaîtres ou simples ouvriers.
« Il est du domaine de l'Etat de fonder des établissements scientifiques du domaine supérieur, mais pour ces établissements secondaires d'instruction professionnelle, pour l’enseignement des simples ouvriers, laissent aux industriels, aux communes, aux provinces à satisfaire à ce besoin, universellement reconnu, d'instruction, de moralisation des classes laborieuses. Ils ne solliciteront que trop l'intervention de l'Etat. »
A coup sûr, ce sont là des idées de décentralisation, et je suis fort étonné que le discours prononcé avant-hier par l'honorable M. Prévinaire soit si contraire aux idées de la commission que je viens de vous faire connaître, car le président de cette commission était l'honorable M. Prévinaire lui-même. Cette commission était composée, indépendamment de notre honorable collègue, de MM. Visschers, conseiller au conseil des mines ; Capitaine, président de la chambre de commerce de Liège ; de Bavay, docteur en sciences et fabricant à Bruxelles ; Ducpetiaux, inspecteur général des établissements de bienfaisance ; Fortamps, fabricant à Bruxelles ; Jacquemyns, fabricant à Gand ; Kindt, inspecteur des affaires industrielles au département de l'intérieur ; La Cambre, ingénieur civil, ancien professeur à l'école centrale de Bruxelles ; Loppens, professeur à l'école industrielle à Gand ; Pauwels, constructeur à Molenbcek-Sl-Jcan ; Warocqué, propriétaire et exploitant de mines.
Vous voyez, messieurs, que l'opinion des décentralisateurs est appuyée par les personnes les plus compétentes pour apprécier le mérite ou le démérite de la décentralisation.
Je disais que la ville de Saint-Nicolas a surtout à se plaindre de l'intervention du gouvernement dans l'industrie. Saint-Nicolas, messieurs, s'occupe de la fabrication des cotons, des tissus mélangés de coton et de laine et des tissus de laine pure. Cette industrie a été introduite à Saint-Niçolas par les efforts individuels des fabricants, sans concours aucun du gouvernement. Sous le rapport de l'énergie, de l'activité de ses habitants, Saint-Nicolas n'a à craindre aucune comparaison avec les autres centres d'industrie. Où sont les subsides que les industriels de cette ville ont obtenus ? Il n'y en a pas.
Cependant les industriels prospérèrent. Aussitôt, par la force des choses, la concurrence naquit.
Il en est résulté et il devait en résulter un avilissement dans les prix des fabricats et dans le salaire des ouvriers. Ce salaire était très bas lorsque le gouvernement a demandé des subsides pour introduire dans le pays des industries nouvelles. Quand on parle d'introduire des industries nouvelles, il ne peut évidemment s'agir que d'industries non connues dans le pays ; il ne peut être question d'industries connues dans une partie du pays, inconnues dans l'autre.
Or qu'a fait le gouvernement ? Je ne le blâme pas de venir en aide aux populations malheureuses ; loin de moi cette pensée, mais pour soulager les uns il ne faut pas faire le malheur des autres. Qu'a-t-il fait ? il a facilité l'introduction de onze fabriques faisant concurrence à Saint-Nicoîas, à Sleydinge, Eecloo, Aeltre, Schoorisse, Leupeghem, Oordeghem, Wichelen, Waesmunster, Grammont, Nazareth, Everghem.
Voilà ce qu'il a fait. Je trouve ces détails dans le rapport sur les ateliers d'apprentissage. Je lis dans ce rapport, à la page 21, la réponse, faite par l'atelier d'Aeltre à la question suivante :
« S'est-il formé notamment dans la commune ou les communes voisines, depuis que l'atelier existe, d'autres fabriques exploitant le même genre ou un genre analogue d'industrie ?
(page 549) « Non. Les tissus que l'on fabrique dans l'atelier ne sont pas nouveaux ; ils se confectionnent dans beaucoup d'autres localités de la province, et il serait très désirable qu'ils pussent être remplacés par des articles moins répandus dans notre commerce intérieur et plus lucratifs pour l'ouvrier. »
Voici maintenant comment s'exprime l'exposé de la situation de la Flandre orientale de 1854, p. 363.
« Les cotonnettes ont constitué pendant longtemps la spécialité des fabriques de Saint-Nicolas et de Lokeren ; mais depuis la crise survenue dans l'industrie linière, cette fabrication s'est répandue dans beaucoup d'autres localités des Flandres, notamment à Renaix. La consommation s'étant restreinte en même temps que la concurrence est devenue plus forte, il en est résulté un certain avilissement pour cet article ; le fabricant n'y trouve plus qu'un bénéfice très réduit, et le salaire de l'ouvrier en est affecté. »
D'après le rapport sur les ateliers d'apprentissage, adressé au gouvernement, le nombre des ouvriers employés dans ces ateliers est de 498. Mais, pour venir en aide à 498 ouvriers (chose utile), doit-on faire baisser le salaire des milliers d'ouvriers de St-Nicolas ? Cela ne se peut pas, et cela se fait. Je ne viens pas proposer de réduction immédiate, je n'ai pas en mains les éléments nécessaires pour proposer un amendement à cet égard, mais je demande que le gouvernement prenne des mesures efficaces pour que cet état de choses cesse, pour que nos fabricants qui, à leurs risques et périls, ont fondé une bonne industrie dans une partie du pays, ne se voient pas susciter une concurrence ruineuse dans une autre partie du pays, grâce à l'intervention du gouvernement et au moyen de fonds tirés de leur propre bourse.
J'espère qu'il me suffira d'avoir signalé cette anomalie à M. le ministre pour qu'il la fasse cesser, pour que nos ouvriers de St-Nicolas ne trouvent plus à l'avenir d'autre concurrence que celle qui résulte du développement naturel de l'industrie, mais non du développement factice provoqué par le gouvernement.
La cessation de l'état des choses actuel ne sera que justice, et certes il ne dépendra pas de l'honorable ministre qu'elle soit rendue. J'ai dit.
M. Prévinaire. - Je veux seulement faire voir que la contradiction que l'honorable M. Van Overloop a cru trouver entre le document que j'ai signé et les paroles que j'ai prononcés à l'avant-dernièrc séance n'existe pas. Je ne puis attribuer le reproche de contradiction qu'il m'a adressé qu'à la circonstance qu'il n'aurait pas lu avec attention ce que j'ai dit. Je ne me suis pas fait l'apôtre de la centralisation, mais j'ai fait ressortir, en plaidant la cause inverse, le danger de vouloir marcher trop vite dans la voie de la décentralisation ; on arriverait à poser des précédents fâcheux.
J'ai voulu faire ressortir combien la centralisation a présenté d'avantages dans certaines circonstances. Ce sont des faits dont je tiendrai toujours compte, quelles que soient mes opinions quant aux principes. Mes principes sont ceux qui sont exposés dans le document qui a été communiqué à la Chambre. Mais des principes à l'exécution il y a de la marge. Il faut tenir compte des faits.
Qu'il me soit permis de présenter une petite observation sur ce qu'a dit l'honorable M. Van Overloop de cette terrible concurrence que font les établissements fondés dans les Flandres à l'industrie de Saint-Nicolas. Il suffit de rappeler les chiffres qui ont été cités par l'honorable M. Van Overloop pour réduire cette concurrence à très peu de chose. Dans des établissements qui contiennent 400 ouvriers, on fait concurrence à des établissements contenant plusieurs milliers d'ouvriers. Voilà quelque chose de bien grave !
Je reconnais que l'intervention de l'Etat, en ce qui concerne les Flandres, est une intervention que vous ne pouvez admettre en principe. Mais rappelez-vous dans quelles circonstances se trouvaient les Flandres, et reconnaissez, comme vous devez le faire, que l'intervention de l'Etat dans ces provinces, à partir de 1846, a été d'une utilité incontestable. De sorte que, encore une fois, il faut abandonner la sphère des principes pour entrer dans la sphère des faits. Il est évident que l'intervention du gouvernement a été utile, que vous ne pouvez la glorifier comme un principe et que vous devez l'admettre comme une exception qui a produit d'excellents fruits.
Maintenant, quant à l'industrie dont a parlé l'honorable membre, c'est l'industrie des tissus mélangés de coton, industrie qui convenait particulièrement aux Flandres, où l'on a heureusement conservé l'habitude d'un travail industriel qui s'allie au travail agricole ; car elle exige un matériel peu considérable et la mobilisation de petits capitaux ; ce qui permettait de transporter des métiers dans les campagnes. Sous ce rapport, c'est une industrie qu'il était utile de propager dans les Flandres.
Lorsqu'il s'agit de fonder des établissements pour des industries nouvelles, le gouvernement fait chose utile en donnant le moyen de former des ouvriers capables d'exercer ces industries. Il y a assez de prospérité dans l'arrondissement de Saint-Nicolas pour qu'il n'ait pas à redouter cette concurrence. Aujourd'hui, cela sert de prétexte à ceux qui souffrent momentanément ; mais, en réalité, le gouvernement n'a pas fait une chose si condamnable.
M. Magherman. - J'ai demandé la parole seulement pour rectifier une citation inexacte qui n'est pas le fait de l'honorable M. Van Overloop, mais qui se trouve dans l'exposé même de la situation administrative de la Flandre orientale.
Voici ce qu'il porte :
« Les cotonneltes ont constitué pendant longtemps la spécialité des fabriques de Saint-Nicolas et de Lokeren ; mais depuis la crise survenue dans l'industrie linière, cette fabrication s'est répandue dans beaucoup d'autres localités des Flandres, notamment à Renaix, etc. »
D'après cet exposé et les commentaires de l'honorable M. Van Overloop, on serait tenté de croire que cette industrie a été introduite tout récemment à Renaix par le gouvernement.
Il n'en est rien. Cette industrie est aussi ancienne à Renaix qu'à St-Nicolas.
C'est à l'activité et à l'énergie des habitants qu'est due l'introduction de celle industrie à Renaix aussi bien qu'à St-Nicolas. Je ne veux pas prendre texte de l'introduction dans les Flandres de quelques industries déjà existantes dans d'autres provinces du pays, et dans les Flandres mêmes, pour m'élever contre les ateliers d'apprentissage.
J'observerai cependant que le gouvernement doit user de beaucoup de circonspection dans l'introduction d'industries qu'il croit nouvelles, pour ne pas léser l'industrie d'autres localités du pays. Il ne faut pas qu'on puisse exercer une concurrence aux frais de la caisse du gouvernement contre des industriels qui n'ont que leurs propres moyens à mettre en œuvre.
Du reste, je le reconnais volontiers, plusieurs ateliers d'apprentissage du gouvernement ont fait beaucoup de bien dans certaines localités des Flandres, notamment les ateliers qui ont répandu les méthodes perfectionnées de tissage de la toile de lin. Le gouvernement a ainsi relevé le travail dans plusieurs communes et dans des cantons entiers qui se trouvaient frappés de la plus grande détresse.
M. Vander Donckt. -En général, on se fait une idée inexacte de l'établissement d'ateliers d'apprentissage dans les communes des deux Flandres et du Hainaut. J'ai été étonné d'entendre les observations de mon honorable collègue M. Van Overloop ; car indépendamment de la ville de Saint-Nicolas, il existe grand nombre d'autres localités industrielles à Renaix, à Mouscron, à Melden, et ailleurs ces localités où l'on a fabriqué les articles de Saint-Nicolas ne se sont jamais plaintes de souffrir de la concurrence que leur feraient les ateliers d'apprentissage du gouvernement.
Le gouvernement, dit-on, ne peut faire concurrence à l'industrie privée. Mais il n'en est rien, et s'il y a abaissement des salaires à Saint-Nicolas, il doit être attribué à toute autre cause qu'à une prétendue concurrence qu'aurait faite le gouvernement à l'industrie de cette ville.
Pour vous donner une idée exacte de ce que sont les ateliers d'apprentissage, je rappellerai qu'en 1845 ou 1846, sous le ministère de M. de Theux, le gouvernement pour apporter quelques allégements à la misère si profonde des populations des Flandres, fit tous les efforts possibles pour venir au secours de ces populations, et entre autres bonnes mesures, il institua des ateliers d'apprentissage. Ces ateliers produisirent les meilleurs résultats dans un très grand nombre de localités.
Je citerai entre autres la commune de Cruyshautem. J'ai l'honneur d'appartenir à l'administration de l'atelier d'apprentissage de cette commune, et je puis dire qu'au moyen de deux mille et quelques cents francs, l’atelier a été institué avec économie à raison de six métiers. Aujourd'hui, nous avons 440 ouvriers formés à l'atelier, ayant appris le tissage de la toile par les méthodes perfectionnées, gagnant ainsi un salaire suffisant pour pourvoir à leur existence et aux besoins de leurs familles.
Un autre atelier a été établi à Synghem avec le plus grand succès et il fonctionne parfaitement bien.
Un autre atelier encore a été établi à Schoorisse. Or c'est la localité la plus pauvre, la plus misérable de toutes les Flandres. C'est dans le voisinage de cette commune que se trouve celle d'Opbrakel qui peut servir de type sous le rapport de la misère de ses nombreux indigents et de l'état obéré de ses moyens financiers.
Enfin c'est de ces localités qu'a eu lieu la plus grande émigration pour la France à défaut de moyens d'existence.
Le gouvernement, en établissant là un atelier d'apprentissage, a encore fait un acte de bonne administration. Il a soulagé un grand nombre de pauvres familles qui envoient leurs enfants à l'atelier d'apprentissage.
Celui-ci ne peut d'ailleurs faire concurrence à la ville de St-Nicolas, qui est trop éloignée ; s'il avait fait une concurrence, c'eût été plutôt à la ville de Renaix ou à Mouscron, qui ne s'en plaignent nullement, car cela n'a pas eu lieu.
Lorsque les jeunes gens ont achevé leur apprentissage à l'atelier, ils se rendent chez les fabricants de Renaix et d'autres localités, telles que Leupeghem, Audenarde, etc., et en raison du degré de connaissances qu'ils ont acquises dans le tissage des printanières et des articles de Roubaix, on leur confie des chaînes et des trames pour la fabrication des tissus.
Je ne comprends pas comment une ville riche comme Saint-Nicolas peut venir réclamer à cet égard. L'honorable M. Van Overloop est d'ailleurs tombé dans une véritable erreur ; car le gouvernement ne fait pas le commerce ; il ne fait pas fabriquer pour son compte ni pour vendre les fabricats à prix réduits.
Le gouvernement s'entend seulement avec l'un ou l'autre fabricant (page 550) auquel il accorde une légère indemnité pour les pertes qu'il doit subir sur la matière première, et, pour payer un contre-maître pour enseigner les méthodes. C'est ainsi qn'il a introduit de nouvelles industries dans des localités où il n'y avait autrefois que l'industrie liniére, et qu'il a soulagé les populations de ces localités de la plus profonde misère qui les accablait.
Chaque année, presque à chaque session et aujourd'hui encore, on réclame contre l'élévation du subside et l'on dit : Cette somme figure dans les dépenses extraordinaires ; il faut la réduire, et, en définitive, elle doit disparaître du budget.
Je ne vous ferai, messieurs, qu'une seule comparaison pour vous faire voir que cette observation est entièrement dénuée de fondement.
Tous les ans il se présente un nombre de jeunes ouvriers qui, ayant acquis l'âge et la force pour être admis dans les ateliers, y apprennent un métier ; et, ordinairement, comme à une autre occasion je l'ai fait voir, on les soustrait ainsi au vagabondage, à la mendicité, on prévient les ravages qu'ils commettent dans les bois, boqueteaux et autres propriétés des communes. N'est-ce pas là, messieurs, un grand soulagement pour les localités où des ateliers d'apprentissage sont établis ?
Quel est le but du gouvernement, lorsqu'il établit des écoles d'horticulture, des écoles agricoles, des écoles industrielles dans les grandes villes ? N'est-ce pas d'instruire les populations ? N'est-ce pas d'apprendre aux jeunes gens à devenir des citoyens utiles au pays ? Mais les campagnes ont une seule perspective : c'est de voir tirer de la plus profonde misère la génération naissante qui, à l'âge de 14 ou 15 ans, est admise dans les ateliers d'apprentissage, où l'on forme des citoyens utiles, des travailleurs qui trouvent de l'ouvrage dans les localités où auparavant il n'y avait nul moyen d'existence.
A cet égard, je dois renouveler le témoignage de toute ma reconnaissance à l'honorable M. Rogier qui, pendant son administration, a certainement beaucoup fait pour les Flandres, et a, au moyen des ateliers d'apprentissage, fait prospérer l'industrie dans diverses communes où il n'y en avait plus. Pour vous donner encore un exemple, et pour en revenir à Cruyshautem, il n'y avait auparavant aucun fabricant qui voulût confier ses fils mécaniques aux tisserands de cette commune. Ceux-ci ont été instruits aux méthodes perfectionnées et aujourd'hui j'ai l'honneur de vous dire que les fabricants se font concurrence pour y envoyer des fils et qu'avant l'hiver il est arrivé pour plus de 30,000 fr. de fil, pour donner de l'ouvrage à 440 ouvriers jusqu'au mois de mai prochain. Messieurs, en présence de résultats semblables qui sont détaillés dans le rapport sur les ateliers d'apprentissage, il me semble qu'il n'y a pas de motifs fondés pour dire qu il faut réduire le subside, qu'il faut qu'il disparaisse du budget.
Messieurs, les ateliers d'apprentissage dans les campagnes sont une sorte de compensation de ce que sont les écoles industrielles, les écoles agricoles et les écoles des arts et méliers dans les villes, etc., car ces dernières sont réservées non pas à la classe ouvrière et indigente ou approchant de la classe indigente, mais à des industriels qui ont déjà des moyens d'existence et qui viennent s'y perfectionner. Mais les ateliers d'apprentissage dans les communes ont pour résultat de réformer les vagabonds et les mendiants et d'en faire des citoyens utiles. C'est en même temps accorder un secours à titre de salaire à des malheureux qui sans cela seraient obligés ou de mendier ou de mourir de faim et de misère J'ai dit.
M. le président. - M. de Haerne, obligé de s'absenter par suite de la mort d'un membre de sa famille, demande un congé.
- Ce congé est accordé.
M. Manilius. - Messieurs, j'ai demandé la parole en entendant les observations échangées entre l'honorable M. Prévinaire et l'honorable M. Van Overloop. J'ai cru devoir profiter de l'occasion pour faire cesser autant que possible les alarmes de l'honorable député de Saint-Nicolas.
Messieurs, les écoles industrielles n'ont pas été une invention du cabinet du 12 août. Elles ont été établies dans le but de mettre un terme au paupérisme qui régnait alors dans les Flandres, et elles étaient dans l'esprit de tous les hommes qui se sont occupés de la question dès 1846, c'est-à-dire avant la formation, du cabinet du 12 août. Ces établissements ont été créés dans des intentions loyales, non pas pour faire concurrence aux fabriques de Saint-Nicolas, mais pour transformer l'industrie linière, pour substituer d'autres industries à une fabrication arriérée et qui ne pouvait plus lutter contre la concurrence de l'étranger, et notamment de l'Angleterre.
Il faut, messieurs, savoir gré à ceux qui ont imaginé ce moyen de venir en aide aux Flandres. Cette idée a surtout été mise en avant par un comité administratif qui a été institué lors de l'arrivée au pouvoir du ministère du 12 août. Mais on n'a nullement eu l'intention d'établir de véritables fabriques.
On a eu seulement en vue de dépenser proportionnellement de grosses sommes. Les grandes dépenses ont cessé ; l'importance des ateliers d'apprentissage diminue ; ils cesseront probablement, lorsque la nécessité n'existera plus. Mais lorsqu'il s'agit de faire une transition, lorsqu'il faut apprendre à des ouvriers certaines branches d'industrie, il faut bien les instruire assez pour qu'ils soient en état de travailler. Le crédit qui vous est demandé n'a pas d'autre but.
Je crois donc que l’honorable M. Van Overloop aura tous ses apaisements à ce sujet, et qu'il se ralliera à mon opinion pour cette année. On verra, l'an prochain, ce qu'il est nécessaire de faire pour achever la transition ; car je le déclare franchement, je suis tout aussi contraire qu'il peut l'être aux établissements industriels du gouvernement ; je ne les admets que par nécessité et à titre de transition.
M. de T’Serclaes. - Je demande à ramener la question à son point de départ. L'honorable M. Van Overloop s'esl rendu l'organe de plaintes formulées depuis longtemps dans l'arrondissement de St-Nicolas, et qui portent sur ce que plusieurs établissements, que vous les appeliez écoles ou ateliers d'apprentissage ou autrement, font concurrence à l'industrie privée, au moyen des subsides du gouvernement, au moyen de l'argent des contribuables atteints eux-mêmes par cette concurrence. Ces plaintes, nous les croyons très légitimes et fondées. Elles ne sont point parties de l'arrondissement seul de St-Nicolas, mais de plusieurs autres localités.
L'honorable M. Prévinaire, en s'efforçant de les atténuer, n'en a pas moins reconnu qu'elles étaient vraies en grande partie, et que l'abus devait cesser.
Exposé en ces simples termes, un état de choses semblables mérite l'attention et la sollicitude de la Chambre.
Que l'on apprenne les métiers autant que possible, mais que l'Etat se garde bien d'ériger, avec les fonds de tous, des fabriques qui luttent contre celles des particuliers.
Je demande donc que M. le ministre de l'intérieur veuille bien prendre l'engagement d'interdire aux établissements, subsidiés par l'Etat, ateliers d'apprentissage ou autres, de placer leurs produits eu concurrence directe avec ceux de i'indiistrie privée ; et je prierai l’honorable M. Piercot de nous faire connaître les vues du gouveruemem sur le grief que nous lui signalons.
M. de Theux. - L'institution des ateliers d'apprentissage est très ancienne ; elle est antérieure à 1846. Alors on a voté dans ce but un subside extraordinaire. Mais il ne s'agissait nullement de favoriser telle ou telle fabrication aux dépens de telle autre ; il s'agissait uniquement de former de bons ouvriers. En effet, une des clauses était que les ouvriers après un certain temps seraient parfaitement libres de quitter l'établissement et d'aller ailleurs.
- Plusieurs membres. - A demain !
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.