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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 janvier 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 489) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Plusieurs industriels du bassin du Centre présentent des observations contre le projet de transférer la station du Midi, à Bruxelles, vers les prairies de Cureghem. »

M. Ansiau. - La question dont il s'agit dans cette pétition est très importante ; elle intéresse au plus haut degré les provinces méridionales ; je demande qu'elle soit envoyée à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Quelques habitants de Ninove déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand, relative au projet de loi sur l'enseignement agricole. »

« Quatre adhésions semblables d'habitants de Nevele, de Breendonck, de Bruxelles et du sieur de Graeve. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les bourgmestres de Roy, Marcourt, Hotton et Beffe présentent des observations concernant l'enseignement agricole. »

- Même décision.


« Plusieurs habitants d'Anvers prient la Chambre de s'occuper de la réforme du régime actuel de la télégraphie électrique et demandent la taxe uniforme d'un franc pour la transmission de 25 mots non compris les dates et les adresses ; la progression d'une demi-taxe pour 25 à 50 mots et l'établissement d'un ou de plusieurs bureaux au centre même des villes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Osy. - Lors de la discussion du budget des travaux publics, j'ai fait une motion afin d'engager le gouvernement à apporter un changement au règlement du service télégraphique, M. le ministre a promis d'examiner cette question ; je demande le renvoi à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport. J'espère qu'alors M. le ministre s'occupera de cet objet qui est très important.

- Cette proposition est adoptée.


« M. de Bronckart, retenu par des affaires importantes, demande un congé. »

- Accordé.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Deliége

Secrétaire : M. T’Kint de Naeyer

Rapporteurs de pétitions : M. Coomans


Deuxième section

Président : M. Osy

Vice-président : M. Rousselle

Secrétaire : M. Calmeyn

Rapporteurs de pétitions : M. de Moor


Troisième section

Président : M. Mercier

Vice-président : M. de Renesse

Secrétaire : M. Vermeire

Rapporteurs de pétitions : M. de Portemont


Quatrième section

Président : M. Lesoinne

Vice-président : M. Van Cromphaut

Secrétaire : M. Wasseige

Rapporteurs de pétitions : M. Julliot


Cinquième section

Président : M. Laubry

Vice-président : M. le Bailly de Tilleghem

Secrétaire : M. Tack

Rapporteurs de pétitions : M. de Ruddere


Sixième section

Président : M. Mascart

Vice-président : M. Lelièvre

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteurs de pétitions : M. Vander Donckt

Projet de loi sur la police sanitaire des animaux domestiques

Rapport de la section centrale

M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné les amendements apportés par le Sénat au projet de loi relatif à la police sanitaire des animaux domestiques.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée d'Aye le 16 décembre 1854, le conseil communal sollicite l'intervention de la Chambre afin que la société concessionnaire du Luxembourg reprenne immédiatement les travaux du chemin de fer interrompus sur une grande partie de la ligne et notamment sur la section de Grupont à Recogne.

Même demande par les membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance de Saint-Hubert en date du 6 décembre 1854.

Même demande du bourgmestre et des membres du conseil communar de Marche en date du 18 décembre 1854.

Votre commission, n'ayant pas en sa possession les éléments d'appréciation qui ont engagé les pétitionnaires à ces démarches, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces requêtes à M. le ministre des travaux publics.

M. Tesch. - Je demande que ce rapport soit inséré aux Annales parlementaires et qu'on en mette la discussion à la suite de l'ordre de jour.

- Cette proposition est adoptée.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition en date du 12 octobre 1854 l'administration locale et des habitants notables de Bornhem demandent le rétablissement d'un service régulier de bateau à vapeur entre Anvers et Tamise ; même demande des habitants d'Eykenvliet, Wintham, Leysele, Puers, Hingene, etc.

Les pétitionnaires exposent qu'une population de 80,000 habitants, riverains du Rupel et de l'Escaut, parmi lesquels grand nombre d'industriels et commerçants se trouvent hautement intéressés à jouir de cette voie de communication avec la ville d'Anvers, où ils sont obligés de se rendre fréquemment pour leur négoce ;

Que le gouvernement, convaincu de l'utilité de ce service, a fait des dépenses considérables dans ce but, ainsi que la province d'Anvers et la commune de Tamise ;

Qu'enfin les interruptions fréquentes de ce service leur sont très préjudiciables.

Voire commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre des travaux publics.

M. de Perceval. - Cette réclamation est très fondée : elle émane d'un centre populeux où règne une grande activité industrielle et commerciale ; il est indispensable d'y organiser un service régulier de bateaux à vapeur.

J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur les considérations que font valoir les pétitionnaires à l'appui de leur demande, et je la recommande à sa sollicitude.

J'aime à espérer qu'il l'examinera non seulement avec tout l'intérêt qu'elle mérite, mais aussi avec la volonté d'y faire droit aussitôt que possible.

Encore une fois, je le répète, il importe d'établir un service régulier de bateaux à vapeur entre Anvers et Tamise pour desservir ces importantes et populeuses communes.

M. Van Overloop. - Je demande le renvoi de la requéle dont il s'agit à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget des affaires étrangères, car c'est dans ce budget que se trouve le service de la navigation entre Anvers et les communes riveraines jusqu'à Tamise.

M. le président. - Le budget des affaires étrangères n'est pas présenté.

M. Van Overloop. - Il le sera.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je demande que la pétition me soit renvoyée ; j'aurai soin d'en faire l'objet d'un examen particulier et d'en conférer avec la section centrale qui sera chargée de l'examen de mon budget.

M. de Perceval. - Je crois, en effet, que pour cet objet, qui est assez important, le double renvoi est nécessaire. Je prierai M. le ministre des affaires étrangères qui ne s'oppose pas au renvoi de cette pétition à son département, de vouloir nous donner des explications sur les réclamations dont nous sommes saisis.

M. Loos. - L'honorable ministre des affaires étrangères accepte le renvoi de la pétition à son département ; il a promis de conférer de cette question avec la section centrale qui sera chargée de l'examen de son budget. Je n'insisterai donc pas pour provoquer des explications du gouvernement. Sans cela, je devrais rappeler à la Chambre que dans la discussion du budget des affaires étrangères de l'année dernière, le service du passage d'eau d'Anvers à la Tête de Flandre et vers Tamise, a déjà fait l'objet de critiques et d'une assez longue discussion. A cette époque on demandait que ce service fût perfectionné, ou bien qu'il fût cédé à une compagnie particulière. Si ma mémoire ne me trompe, M. le ministre des affaires étrangères promit alors que de l'époque de la discussion de son budget à l'époque actuelle, il examinerait s'il n'y avait pas moyen de faiie cession à une compagnie particulière ; il croyait à la possibilité de cette cession. Je n'ai pas cru, pour ma part, qu'une compagnie particulière voulût accepter ce service. Mais, dans tous les cas, le service, tel qu'il est fait, ne peut continuer, il doit être perfectionné et il peut l'être au moyen de la construction d'un nouveau bateau à vapeur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - J'insiste (page 490) pour que la pétition soit renvoyée à mon département, et je répète que je m'expliquerai lorsque viendra le moment de discuter le budget des affaires étrangères.

M. de T’Serclaes. - Il y a de nombreuses plaintes sur les interruptions fréquentes du service de navigation à vapeur en amont d'Anvers : les communes des deux rives, et principalement les habitants de Tamise, localité où le commerce et les affaires ont pris un grand développement, ne cessent de former des réclamations extrêmement fondées. Je saisi cette occasion pour recommander de la manière la plus pressante à M. le ministre des affaires étrangères de donner des ordres pour faire effectuer dans le moindre délai possible aux navires les réparations nécessaires, et de pourvoir aux besoins impérieux de ce service par la construction d’unnouveau bateau qui nous a été promis depuis plusieurs années.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics et à M. le ministre des affaires étrangères est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Hasselt le 11 décembre 1854, le sieur Willems se plaint des retards que l'on met dans l'examen de son système d'inoculation de la pleuro-pneumonie qu'il a soumis au gouvernement.

Il dit que toutes les commissions nommées par les gouvernements voisins se sont montrées favorables à son système en France, en Prusse, en Hollande, tandis que la commission belge lui fait une opposition inexplicable, qu'elle s'est basée sur des rapports vagues et partiaux de quelques vétérinaires après avoir absorbé des sommes très considérables. Il dit qu'il s'est adressé à cette commission qui ne lui répond pas, qu'il s'en est plaint à M. le ministre, par lettre en date du 20 septembre dernier, etc., que par le fait de cette commission il n'a pu encore obtenir les communications promises.

Votre commission, messieurs, ne partage pas les opinions avancées du pétitionnaire et n'approuve pas ses instances empressées ; elle est d'avis, au contraire, que dans des cas aussi graves où les plus hauts intérêts de l'agriculture et de la santé du bétail sont en jeu, il est de la dignité du gouvernement de procéder avec une grande prudence et une sage lenteur jusqu'à ce que le temps et l'expérience aient fourni les preuves non équivoques de l'efficacité de ce remède prophylactique. Quelque louables que soient d'ailleurs les efforts du pétitionnaire, votre commission, sans rien préjuger, quant à présent, a l'honneur de vous proposer le renvoi pur et simple de sa demande à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Renesse. - Je demande que la pétition de M. le docteur Willems soit déposée sur le bureau de la Chambre pendant la discussion du budget de l'intérieur ; je compte, au chapitre de l'agriculture, adresser à la Chambre quelques observations sur le procédé de l'inoculation de la pleuropneumonie et demander à M. le ministre de l'intérieur quelques renseignements sur les nouvelles expériences qui auraient été faites, par la commission chargée d'étudier ce moyen préservatif, depuis son rapport du 6 février 1853.

M. Visart. - Je profite du renvoi à l'honorable ministre de l'intérieur pour l'engager à faire, autant que possible, activer le travail de la commission. Un temps déjà assez long s'est écoulé depuis le commencement de ses opérations : la question qu'elle est chargée de résoudre a assez d'importance pour qu'une cause quelconque d'inertie n'en retarde point la solution ; en ce cas, le remplacement des membres disponibles deviendrait nécessaire : car il serait anomal que le pays, éminemment agricole, où la découverte a eu lieu, fût le dernier à l'apprécier officiellement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je m’expliquerai lorsque l'article du budget correspondant à cet objet viendra en discussion. La Chambre verra qu'il n'y a de retard imputable à personne, et que l'expérience seule doit nous apprendre ce qu'il faut faire du procédé inventé par le docteur Willems.

- La Chambre décide que la pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur et sera ensuite renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 194,750. »

M. Van Overloop. - Messieurs, dans la séance d'hier l'honorable ministre de l'intérieur disait : « Le budget de l'intérieur a presque tous les ans le privilège de payer à lui seul les frais de toutes les critiques qui sont adressées à l'administration générale de l'Etat, sous le rapport des dépenses. »

L'honorable M. Piercot prononçait ces paroles en réponse à des observations critiques qu'avait faites l'honorable baron Osy sur la tendance d'absorption qui se manifeste au département de l'intérieur.

En émettant ces critiques, l'honorable baron Osy n'a été que l'organe de la section centrale, et je crois que la section centrale n'a été elle-même que l'organe du pays entier.

Le pays, messieurs, comprend ces sages paroles qui, le 1er janvier 1850, furent adressées au Roi par un membre du cabinet actuel. Que la Chambre me permette de lui en donner lecture :

« La liberté que nos lois accordent à l'action des communes et des provinces n'a pas peu contribué à développer cet esprit public et cet amour de la nationalité qui font notre force et votre gloire.

« L'histoire ne manquera pas d'enregistrer que le torrent révolutionnaire qui désola presque toute l'Europe, épargna la Belgique, la Hollande et l'Angleterre ; les trois seuls pays où l'unité politique se fortifie par la décentralisation administrative ; les trois seuls royaumes où l'on comprenne bien qu'en ramenant au centre toutes les attributions, on y attire aussi la responsabilité de tous les actes, de toutes les erreurs, de tous les mécomptes. »

Le pays, messieurs, comprend en outre que la centralisation n'a en général d'autre résultat que d'augmenter les dépenses, et il est d'avis que les dépenses obligatoires sont déjà assez élevées pour qu'on puisse se passer autant que possible des dépenses facultatives.

Est-il étonnant dès lors, messieurs, que l'on se plaigne avant tout du budget de l'intérieur ? N'est-ce pas au budget de l'intérieur que se trouvent surtout les dépenses facultatives ? N'est-ce pas l'administration du ministère de l'intérieur qui se fait surtout sentir dans le pays ?

En principe l'Etat, d'après nous, et je crois que sous ce rapport nous sommes d'accord et avec le droit public et avec la science politique qui convient à notre pays. En principe, d'après nous, le seul but de l'Etat, le but essentiel de l'Etat, c'est le maintien de l'ordre social.

Le développement des citoyens, tant sous le rapport moral que sous le rapport matériel, n'est, d'après nous, qu'un but secondaire de la mission de l'Etat. Que résulte-t-il de là ? Il en résulte évidemment que l'intervention de l'Etat n'est légitime qu'à deux conditions : d'abord qu'elle soit utile, en second lieu que, indépendamment de cette utilité, elle soit nécessaire.

Eh bien, messieurs, nous le demandons, l'action de l'Etat, telle qu'elle est exercée par le ministère de l'intérieur, a-t-elle cette double qualité dans une foule de matières sur lesquelles l'action de l'Etat se déploie ? C'est, messieurs, ce que vous aurez à examiner à propos des divers postes portés au budget de l'intérieur. Je ne m'en occuperai pas en ce moment, je me bornerai à quelques observations générales.

Tout le monde, et, j'en suis convaincu, l'honorable ministre de l'intérieur le premier, conviendra que les rouages administratifs sont trop compliqués et, par conséquent, que le personnel est trop nombreux. Permettez-moi encore, messieurs, de faire ici une comparaison outre l'organisation actuelle du ministère de l'intérieur et l'organisation du ministère de l'intérieur à partir de 1830 jusqu'en 1840 à peu près, Aujourd'hui le ministère de l'intérieur est ainsi organisé :

1. Ministre.

2. Cabinet du ministre : un secrétaire.

3. Secrétariat général : Un secrétaire général, quatre bureaux, le premier ayant dans ses attributions l'indicateur général ; le deuxième, l'expédition ; le troisième, les affaires générales ; le quatrième, la statistique.

4. Huit divisions.

La première, composée de deux bureaux, a dans ses attributions les affaires provinciales et communales ; la deuxième, la garde civique et la milice ; la troisième, divisée en deux bureaux, l'industrie. A cette division est, en outre, attaché un inspecteur pour les affaires industrielles. La quatrième division est chargée de l'instruction publique. Elle compte trois bureaux, dont le premier s'occupe de l’enseignement supérieur ; le deuxième, de l'enseignement moyen ; le troisième, de l'enseignement primaire. Cette division a, de plus, un inspecteur général et deux inspecteurs de l’enseignement moyen. La cinquième division a pour objet les lettres, les sciences et les beaux-arts. Elle se divise en deux bureaux. Il existe encore un inspecteur général des beaux-arts, lettres et sciences. A la sixième division appartiennent la voirie communale, le service sanitaire et l'hygiène. Elle compte deux bureaux, plus un inspecteur général du service sanitaire et un inspecteur général de l'agriculture et des chemins vicinaux. La septième division, qui a deux bureaux, s'occupe de la comptabilité générale et des pensions du département. La huitième division a dans ses attributions l'agriculture. A cette division est attaché un inspecteur général du haras.

5. Un conseil supérieur d'hygiène publique institué en 1849.

6. Un comité consultatif pour les affaires industrielles, fondé en 1841.

7. Une caisse de pensions des veuves et orphelins des fonctionnaires de l'intérieur.

8. Idem des veuves et orphelins des professeurs de l'enseignement supérieur.

9. Une commission administrative de la caisse centrale de prévoyance des instituteurs et professeurs urbains.

10. Un comité permanent du contentieux, institué en 1850.

Outre ces services, le département de l'intérieur a eu, de 1830 à 1839, dans ses attributions, à peu de chose près :

1° Les prisons ;

2° la sûreté publique ;

3° le culte ;

4° les établissement de bienfaisance : tous services ressortissant aujourd'hui au ministère de la justice ;

5° le commerce, attribution actuelle du ministère de l'intérieur ;

6° les ponts et chaussées ;

7° les mines, minières et (page 491) carrières ;

8° les messageries ;

9° les bailliages maritimes.

Actuellement le soin d'administrer ces services est confié au ministère des travaux publics.

Et cependant, de 1830 à 1839, le personnel du ministère de l'intérieur ne s'est trouvé composé que d'un administrateur et d'un inspecteur des prisons, d'un administrateur de l’instruction publique, d'un administrateur de la sûreté publique, de cinq chefs de division, d'un chef de bureau de statistique, de 9 à l11 premiers commis, ayant des traitements divers, de 40 à 45 employés, de 15 huissiers, concierges, messagers.

Si, depuis 1839, des services nouveaux ont été créés à l'intérieur, et si d'anciens services ont été développés, il n'est pas moins vrai que cette augmentation opérée depuis 1839 ne compense pas la diminution effectuée depuis lors.

Vous voyez, messieurs, quelle est la différence entre l'organisation actuelle fu ministère de l'intérieur, et l'organisation telle qu'elle a existé à partir de 1830 jusqu'en 1839.

Il est évident que le pays n'a pas rétrogradé depuis 1830 jusqu'en 1839, il est évident qu'il n'a fait que progresser. Or, si le pays n'a fait que progresser sous une administration peu compliquée, pourquoi veut-on nous faire administrer aujourd'hui par un personnel aussi nombreux que celui qui se trouve actuellement au ministère de l'intérieur ? Que résulte-t-il de ce nombreux personnel ? C'est qu'en définitive, permet-tez-moi la comparaison, chaque employé veut un peu jouer le rôle de la mouche du coche ; cela est dans la nature humaine ; on est employé, on sent le besoin de faire sentir qu'on est employé ; partant, on multiplie nécessairement les écritures ; en multipliant les écritures, on multiplie également les frais du matériel.

Ce n’est pas tout : celle multiplication d'écritures, qui s'opère à l'administration centrale, se manifeste également dans les provinces. Que résulte-t-il de cette multiplication d'écritures dans les provinces ? C'est que les employés des gouvernements provinciaux viennent vous demander une augmentation de traitement. Aussi, dans le budget de l’intérieur, a-t-on réclamé une majoration de crédit de 60,000 fr. pour les employés provinciaux.

Les employés provinciaux ont-ils tort de demander une augmentation de traitement ? Evidemment non ; ces employés tiennent un raisonnement fort simple : « Vous avez augmenté notre travail, vous devez donc augmenter notre salaire. »

Encore si cela s'arrêtait aux employés provinciaux ! mais cette multiplication d'écritures qui se produit dans les provinces, se manifeste aussi dans les communes. Qu'en résulte-t-il encore une fois ! C'est qu'à leur tour les secrétaires communaux viennent se plaindre de leur position et demander qu'elle soit améliorée.

En définitive, de tous côtés, on réclame des augmentations de traitement, comme conséquence de la complication du système administratif. Ne dirait-on pas que ce ne sont pas les mêmes contribuables qui ont à payer toutes les dépenses !

Résulte-t-il de cet étal de choses que la besogne marche vite ? En fait, quiconque d'entre vous a eu des relations avec le département de l'intérieur doit reconnaître que les affaires sont expédiées avec une grande lenteur, conséquence nécessaire de la complication des formalités.

Ainsi, une commune adresse une demande en subside, je suppose, à M. je ministre de l'intérieur ; cette demande est renvoyée à la province, de la province, elle est renvoyée au commissaire d'arrondissement, du commissaire d'arrondissement elle est renvoyée à la commune ; puis elle retourne de la commune au commissaire d'arrondissement, du commissaire d'arrondissement à la province, de la province à l'Etat ; le chef du département l'examine, nouveau retour vers la province, et de la province vers la commune.

Voilà une complication que je trouve parfaitement inutile pour la généralité des cas.

Mais, résulte-l-il au moins de cette intervention du gouvernement que les affaires sont mieux traitées ? En apparence c'est le chef du département ministériel qui décide, mais en réalité c'est le commissaire d'arrondissement ou la députation permanente. Nous demandons, au nom de la section centrale, non pas que la Chambre diminue l'allocation pour le personnel qui figure au budget, mais que M. le ministre de l'intérieur examine attentivement les griefs exprimés par la section centrale. Nous demandons qu'il examine sérieusement jusqu'à quel point une foule d'attributions qui appartiennent au département de l'intérieur ne pourraient pas, avec infiniment d'économie, être abandonnées aux députations permanentes.

Nous demandons simplement que M. le ministre examine sérieusement nos observations, nous sommes convaincus qu'il déférera à notre désir.

Ces observations m'amènent, messieurs, à examiner les traitements des fonctionnaires du département de l'intérieur. A mon point de vue, les traitements sont loin d'être exagérés, mais le personnel est trop nombreux. Je crois que la comparaison faite par l'honorable M. Osy entre les employés de l'Ettl et ceux d'une maison de commerce n'est pas juste.

Le contrat qui lie les employés d'une maison de commerce à leur patron est un contrat de louage, tandis que le contrat qui lie les fonctionnaires à l'Etat est un mandat.

Il ne faut pas se le dissimuler, les fonctionnaires que paye l'Etat sont en partie les délégués du pouvoir social, du pouvoir exécutif. Ils doivent donc jouir d'une certaine dignité. Sous aucun rapport on ne peut les comparer à des employés d'une maison de commerce.

Ne pourrait-on pas, - c'est encore une question que je me permets d'adresser à M. le ministre, - ne pourrait-on pas commencer par réunir des divisions en une seule et par supprimer le personnel superflu ?

Si je demande la diminution du personnel, remarquez-le bien, messieurs, c'est à condition qu'un traitement d'attente soit donné aux fonctionnaires qui se trouveront sans emploi, et ce, jusqu'à leur rappel à l'activité de service. Ce rappel aurait lieu au fur et à mesure des vacances.

Il est un autre ordre d'idées que je me permets de soumettre à M. le ministre de l'intérieur. Au département des finances, si mes renseignements sont exacts, il y a une hiérarchie d'avancement ; on débute par le premier degré pour arriver au sommet de la hiérarchie. Que résulle-t-il de là ? En premier lieu un grand encouragement pour tous les employés d'avenir ; tous ont leur bâton de maréchal dans leur sac de soldat. En second lien vous obtenez ainsi des fonctionnaires qui n'ont plus à faire leur éducation, des fonctionnaires qui ont acquis les connaissances théoriques et pratiques qui font le fonctionnaire parfait.

Ne serait-il pas convenable, en laissant toute liberté au ministre, d'encourager les fonctionnaires attachés aux provinces en leur offrant la perspective de l'entrée dans l'administration centrale, en leur offrant ainsi un avancement juste, équitable ? C'est une observation qui a été faite hier par l'honorable M. Mercier, et sur laquelle j'appelle à mon tour, l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Il ne faut pas, messieurs, se le dissimuler, plus vous augmentez le nombre des emplois publics, plus vous excitez les jeunes gens à se lancer dans cette carrière.

La tendance vers les professions libérales et les fonctions publiques est déjà trop grande.

D'autres pays nous ont donné l'exemple du danger qu'il y a à encourager cette tendance. Quand des mouvements se manifestent, ils n'émanent pas, en général, du peuple, mais de ces ambitions prétentieuses qui ne vont jamais assez vite pu gré de leurs désirs ; au lieu d'être des artisans d'ordre, ce sont des artisans de désordre.

Je ne crois pas nécessaire d'en dire davantage ; ce que je crois pouvoir demander, au nom de la section centrale, c'est que M. le ministre examine très sérieusement les moyens d'arriver à une plus grande simplification des rouages administratifs.

Cette simplification est dans nos mœurs ; elle est seule couforme à l'esprit libéral de notre Constitution.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est en quelque sorte à une seconde discussion générale que la Chambre vient d'assister ; cependant je reconnais que l'honorable membre était parfaitement dans son droit en présentant les observations qu'il vient de soumettre à la Chambre. Je répondrai à celles qui me paraissent devoir être rencontrées.

Je constate d'abord qu'il y a un progrès dans la discussion, car l'honorable membre reconnaît qu'il ne peut pas être question de réduction, que les appointements des fonctionnaires et employés du département de l'intérieur ne sont pas fixés à un taux trop élevé ; mais il pense qu'on pourrait chercher à arriver à une plus juste répartition du travail et à la diminution du nombre des employés, afin de mieux les rétribuer. Ce qu'il demande, c'est une simplification dans le travail.

L'honorable membre a parlé de décentraliser les divers services administratifs. Sous ce rapport il m'est impossible de partager son opinion ; une centralisation convenable comme celle que nous avons actuellement, loin d'être une source de désordre et d'entraver le service, est un moyen d'améliorer le travail et d'amener dans l'expédition des affaires autant de célérité que possible avec la certitude d'une instruction approfondie.

Quant à la simplification du travail, je n'y suis pas opposé, mais en conservant notre système administratif ; si j'exprime cette opinion, ce n'est pas seulement parce que j'ai pu me convaincre que ce système fonctionne bien, mais parce que j'ai l'autorité de tous les ministres qui se sont succédé depuis 1830. On a reconnu que le régime qui existe aujourd'hui donne de bons résultats et offre la garantie d'une bonne administration.

Est-ce à dire que le nombre de divisions et le nombre d'employés par division qui existent aujourd'hui, soient choses immuables ? Evidemment non ; à mesure que l'expérience démontrera la possibilité de simplifier les rouages, ou s'empressera d'introduire des simplifications ; et la preuve, c'est qu'on procède ainsi depuis plusieurs années déjà au ministère de l'intérieur.

Le crédit du personnel n'éprouvant guère de changement, il faut avec la somme volée annuellement rémunérer d'une manière équitable tous les employés. Or, avec les cadres tels qu'ils sont remplis, il est impossible d'accorder à chaque fonctionnaire ou employé le traitement auquel il a droit, beaucoup n'avaient pas le minimum ; très peu ont obtenu le maximum.

Afin de rentrer dans une voie normale, il a fallu procéder par (page 492) suppression d'emploi, afin de reporter sur le personnel restant la portion de crédit laissée libre par suite des vacances. C'est donc en diminuant le nombre que je suis parvenu à améliorer la position ; et ce genre de simplication, je continuerai à le mettre en pratique.

Sous ce rapport, je puis me rallier aux idées émises par l'honorable préopinant, tendantes à ce que le gouvernement simplifie les rouages administratifs et réduise le personnel. Le gouvernement en saisira l'occasion. Mais des choses de cette nature ne s'improvisent pas. Il faut du temps et de l'expérience. Il faut surtout que le gouvernement se rende un compte fort exact de la nature des réformes qu'il est possible d'introduire sans nuire à aucun service public.

On a demandé s'il était possible d'établir des règles pour l'avancement hiérarchique des employés de l'administration centrale. Sous ce rapport, le règlement du ministère de l'intérieur répond au désir de l'honorable membre. Pour avoir des titres à l'avancement, il faut dans certains cas produire un diplôme de docteur ; dans d'autres, il faut subir un examen.

On a demandé si les employés provinciaux ne pourraient pas participer à l'avancement dans l'administration centrale. Sous ce rapport, le gouvernement doit rester parfaitement libre. Quandun emploi est vacant, le gouvernement a le choix entre le personnel qu'il a sous la main, ou les employés provinciaux ou tous autres qui peuvent se présenter. On examine les titres, et c'est le plus digne qui l'emporte.

On a dit que, depuis 1839 surtout, le département de l'intérieur avait pris des proportions de plus en plus absorbantes. On prétend qu'en 1839, le département de l'intérieur avait des attributions plus considérables que celles qu'il a eues depuis, et que cependant il avait un nombre d'employés moindre qu'aujourd'hui. Celle observation n'est point exacte. En 1839, le département de l’intérieur avait des attributions qu'il n'a pas aujourd'hui. Cela est vrai. Mais il en a maintenant qu'il n'avait pas à cette époque ; et elles sont beaucoup plus nombreuses.

Hier, j'ai démontré cette proposition et j'ai fait voir que les dépenses qui sont la conséquence des attributions nouvelles sont nécessitées par des lois votées depuis 1839, dont le département de l'intérieur doit assurer l'exécution, et dont personne ne doit méconnaître l'importance.

Puisque nous sommes d'accord avec l'honorable membre sur la nécessité de maintenir le crédit dans les limites que la Chambre y a assignées, je ne crois pas avoir des explications plus complètes à donner sur ce point et je pense avoir répondu suffisamment aux observations qui ont été présentées sur la nécessité de simplifier les rouages administratifs.

- L'article 2 est adopté.

Articles 3 et 4

Article 3. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage, chauffage, menues dépenses et loyer d'une succursale de l'hôtel des bureaux : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaires : fr. 4,3000. »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre II : Pensions et secours

M. Deliége. - Vous savez tous les services que les conservatoires royaux de musique ont rendus, les résultats qu'ils ont obtenus. Vous savez qu'ils ont produit une infinité d'hommes capables qui ont soutenu dans le pays et à l'étranger la réputation du nom belge. Dans les conservatoires royaux de musique, il existe actuellement plusieurs professeurs qui sont devenus vieux, qui ont évidemment atteint l'âge où chacun doit aspirer au repos. Je crois qu'il serait juste de donner à ces professeurs la pension qui leur est due.

Vous connaissez le caractère des conservatoires royaux de musique ; vous savez qu'ils ont toujours été assimilés aux athénées. Les professeurs des conservatoires royaux de musique sont des fonctionnaires de l'Etat ; ils sont salariés comme les professeurs des athénées, sur les fonds de l'Etat et des provinces.

Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur si une loi à cet égard se fera encore longtemps attendre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est avec une véritable satisfaction que je saisis l'occasion de donner à la Chambre des explications sur un fait relatif aux conservatoires royaux de musique. La situation de ces établissements est réellement déplorable au point de vue des intérêts du personnel enseignant et de la prospérité des études. Les conservatoires royaux de musique sont des établissements de l'Etat et dont l'Etat couvre la dépense avec le concours des villes et des provinces. Le personnel attaché à ces établissements émane directement de l'Etat, c'est le gouvernement qni nomme à ces places ; c'est lui qui administre et qui paye le personnel.

D'après la loi générale des pensions, tous les fonctionnaires de l'Etat, rétribués par le trésor public, reçoivent une pension. On s'est demandé pourquoi les professeurs des conservatoires de musique ne pouvaient pas faire liquider leurs droits à la pension comme tous les autres fonctionnaires rétribués par l'Etat.

Après l'adoption de la loi des pensions, cette question s'est présentée et a été soumise au gouvernement.

La cour des comptes n'a pas cru pouvoir liquider une pension demandée dans l'intérêt d'un professeur du conservatoire de musique de Bruxelles, en se fondant sur une discussion qui a eu lieu dans cette Chambre où l'on a émis le vœu que les professeurs des conservatoires de musique fussent considérés comme des fonctionnaires publics de l'Etat, rétribués par l'Etat.

Le gouvernement était d'avis que les professeurs du Conservatoire avaient droit à la pension ; mais la cour des comptes a émis un doute fondé sur une discussion soulevée incidemment au sujet du Conservatoire, lorsque la loi fut soumise à la Chambre.

Messieurs, selon le gouvernement, ce doute est le résultat d'un malentendu, d'un fait mal compris. Les conservatoires sont fondés directement par l'Etat, mais les villes où ils existent, ainsi que les provinces, accordent un concours financier. Or, on a pensé qu'en raison de cette dernière circonstance, ces établissements avaient un caractère mixte et qu'on ne pouvait considérer le personnel qui y était attaché, comme étant rétribué directement par l'Etat.

Le gouvernement s'est efforcé de démontrer à différentes reprises à la cour des comptes l'erreur de son opinion. Mais la cour des Comptes, s'appuyant sur ce qui lui paraissait ressortir des discussions de la Chambre, n'a pas cru pouvoir liquider les pensions dont il s'agit.

Récemment la même question s'est présentée et elle intéressé au plus haut degré la prospérité de nos établissements de musique. Car vous comprenez que si les professeurs qui sont très âgés, ou que leurs infirmités éloignent des fonctions, ne peuvent espérer de pension ; le gouvernement qui ne peut renvoyer, sans ressources, des hommes qui ont rendu des services utiles, est obligé de les conserver et de compromettre ainsi le sort de l'enseignement.

Le gouvernement s'est efforcé, dans ces derniers temps, de démontrer à la cour des comptes qu'il ne s'agissait dans cette affaire que d'une difficulté de pure forme, intéressant la comptabilité et que, sans se mettre en opposition avec la loi, on pouvait, assimilant les professeurs de ces établissements à ceux des athénées, par exemple, qui sont dans une position tout à fait analogue, liquider la pension dont il s'agit. L'espoir que le gouvernement avait conçu s'est évanoui.

La cour des comptes n'a pas cru pouvoir partager la manière de voir du gouvernement.

Dans cette situation le devoir du gouvernement est tout simple : il doit soumettre la question à la Chambre ; à cet effet, j'aurai l'honneur de déposer, sous peu de jours, un projet de loi sur le bureau. Je suis persuadé, messieurs, que l'on reconnaîtra alors que les professeurs des conservatoires ont droit à la pension en vertu de la législation en vigueur.

M. Osy. - Vous voyez, messieurs, que l'intervention du gouvernement vous amène non seulement de très grandes dépenses, mais encore l'obligation de pensionner un nombre considérable de fonctionnaires. Pour moi, messieurs, je ne suis pas contraire à ce que le gouvernement donne un subside aux conservatoires, mais il devait faire ce qu'il fait pour les athénées, c'est-à-dire allouer une somme fixe aux villes. Quand vous avez voté la loi sur l'instruction moyenne, vous avez dit : je donne en moyenne 30,000 fr. par athénée et c'est aux villes à s'arranger ; s'il y a des pensions à accorder, c'est aux villes à les payer.

M. Deliége. - C'est une erreur.

M. Osy. - Pour ma part je dis qu'il vaudrait beaucoup mieux que le gouvernement ne se mêlât point des conservatoires. S'il trouve convenable d'en avoir un à Bruxelles et un à Liège, qu'il donne un subside à ces villes, mais qu'il n'entre plus dans des dépenses qui augmentent sans cesse. Il y a deux ans, l'honorable M. Lebeau a extrêmement bien plaidé la cause du Conservatoire de Bruxelles, et la Chambre a augmenté d'une forte somme le chiffre alloué pour cet établissement. Aujourd'hui on demande déjà des pensions pour les professeurs. Il faut que tout cela cesse ; il faut au moins que le gouvernement sache à quoi il s'engage. Voici ce qui arrive : on commence par accorder un petit subside, ce subside est augmenté ensuite, puis enfin on vient demander des pensions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis pas laisser la Chambre sous l'impression des paroles qu'elle vient d'entendre. L'honorable M. Osy se trompe complètement : il parle comme s'il s'agissait d'établissements à créer, or, ces établissements existent en vertu de l'initiative gouvernementale, ils existent tout aussi légalement que les athénées. Les conservatoires royaux ne reçoivent pas un subside du gouvernement, c'est le gouvernement qui reçoit un subside des villes et des provinces et c'est le gouvernement qui porte tous les ans au budget les crédits nécessaires pour ces établissements. C'est lui qui a fondé les conservatoires, qui les administre seul. Les villes n'ont pas le droit de s'en mêler. C'est donc par un simple malentendu que la (page 493) pension dont il s'agit n'a pas pu être liquidée et j'espère que la Chambre reconnaîtra la nécessité de faire cesser cette erreur.

M. Dumortier. - Je reconnais, messieurs, comme notre honorable collègue M. Osy, que la voie dans laquelle nous entrons est réellement ruineuse pour le trésor public. Que faisons-nous depuis quelques années ? Nous centralisons et nous centralisons toujours. Une foule d'institutions qui, sous le gouvernement précédent, étaient des institutions communales ont une tendance à devenir des institutions générales et à venir ainsi augmenter les charges du budget, c'est-à-dire les charges des contribuables. Et il ne s'agit pas seulement de traitements, il s'agit encore de pensions.

Ce serait, messieurs, un travail bien curieux que de comparer le chiffre des pensions à l'époque où nous vivons à celui qui existait à la fin du royaume des Pays-Bas.

Je me souviens qu'en 1829 et en 1830 on s'élevait avec force d'un bout de la Belgique à l'autre contre les pensions qui accablaient le trésor public, et ce grief était tellement considérable aux yeux du pays et du congrès qu'un paragraphe de l'article 139 de la Constitution a prescrit de réviser les pensions dans le plus bref délai. Eh bien, je n'hésite pas à déclarer que si vous compariez le chiffre des pensions de la fin du royaume des Pays-Bas à celui auquel nous sommes arrivés aujourd'hui, vous seriez très surpris de voir que les pensions s'élèvent aujourd'hui probablement au double du chiffre auquel elles s'élevaient alors. A mes yeux, messieurs, c'est là un abus des plus graves. Les fonctionnaires publics ne sont pas, en définitive, d'une autre nature que tous les particuliers.

Les fonctionnaires publics rendent des services à l'Etat, services loyaux, parfaits, utiles, je le reconnais, mais il y a bien des personnes en Belgique qui rendent des services à l'Etat et qui, après avoir rendu ces services pendant un grand nombre d'années, n'ont cependant pas droit à la pension. Les industriels, les négociants, les membres des assemblées délibérantes, rendent des services à l'Etat, et cependant il n'est jamais venu à l'esprit de personne de leur accorder des pensions. Pourquoi donc voulez-vous créer dans le pays deux classes d'hommes : l'une qui paye et l'autre qui consomme jusqu'à la mort ?

Je vous avoue franchement que cela m'a toujours paru un système fort peu utile en matière de gouvernement à bon marché. Je conçois le système de tontine, système excellent, mais quant au système des pensions à charge de l'Etat, je l'ai toujours considéré comme vicieux, en ce sens qu'il amène une augmentation incessante des charges publiques. En effet, messieurs, d'une part, quand un fonctionnaire a atteint l'âge auquel il croit avoir droit à la pension, presque toujours vous le voyez désirer la retraite et obtenir la pension ; d'autre part, quand il y a un changement de ministère, il faut nécessairement que les nouveaux ministres donnent des places à leurs amis et connaissances ; eh bien, on met à la retraite un certain nombre de fonctionnaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cela est réglé par la loi.

M. Dumortier. - La loi dit qu'un fonctionnaire ne peut pas être mis à la retraite avant telle époque, mais elle ne dit pas qu'un fonctionnaire sera mis à la retraite à telle époque. C'est une simple faculté qui est accordée au gouvernement et elle lui est accordee dans l'intérêt du service ; mais on en fait usage pour accorder des places ou de l'avancement à ses créatures. C'est ainsi que j'ai vu des hommes de grand mérite mis à la retraite sans qu'ils l'eussent demandé ; nous nous en sommes plaint et on nous a répondu : Il faut bien qu'on puisse donner de l'avancement. Je dis, moi, que cette manière de faire amène des budgets qu'il ne sera plus possible de payer et que le régime du gouvernement à bon marché qu'on célébrait en 1830 et qu'on voulait introduire en Belgique finira par devenir le plus dispendieux de tous les régimes.

Je pense donc, messieurs, qu'il est excessivement important de ne pas changer légèrement le système des pensions et, pour mon compte, si une réforme pouvait être introduite, celle que j'appellerais de tous mes vœux ce serait d'attribuer aux provinces et aux communes une foule de choses dont l'Etat s'occupe très mal à propos, qui seraient souvent beaucoup mieux faites et faites à beaucoup moins de frais.

Une motion a été faite par un honorable député de Liège. Quand j'ai entendu la motion, j'étais convaincu que j'allais avoir la réponse, et la réponse ne s'est pas fait attendre ; c'est avec reconnaissance qu'on y a répondu. Qu'en résulte-t il ? M. le ministre de l'intérieur prétend qu'il n'y a qu'un malentendu. Mais non, il n'y a pas de malentendu. La Chambre, en discutant la loi des pensions, a examiné la question, et elle n'a pas admis l'opinion de M. le ministre de l'intérieur. S'il n'en était pas ainsi, il est certain que la cour des comptes n'aurait pas, pendant dix ans, refusé de faire droit à de justes réclamations. Et la Chambre a eu raison. Car, quoi qu'en dise M. le ministre, les institutions dont il s'agit, et surtout celle de Liège, ne sont pas des institutions de l'Etat. Liège a son institution de l'Etat : c'est son université. Mais le conservatoire de musique de Liège est un établissement qui doit être subsidié par l'Etat, et rien que subsidié par l'Etat.

Vous dites que la commune et la province vcrsent leurs subsides entre vos mains, et que c'est vous qui payez.

Eh bien, renversez la question, versez votre subside entre les mains de la province, qui le payera à la commune, et vous dégrèverez le trésor public d'une charge de pensions qui lui est superflue. Voilà comment il faudrait procéder.

Mais si vous étendez le système qui est appliqué aux athénées et que j'ai combattu lorsqu'il a été présenté non pas que je voulusse combattre les intérêts des professeurs qui me sont chers, mais que j'ai combattu au point de vue des intérêts du trésor public ; si vous étendez ce système aux conservatoires de musique, vous devez aussi l'appliquer aux écoles de peinture et de dessin. Toutes ces écoles deviendront des établissements de l'Etat. Les professeurs de l'académie de peinture d'Anvers rendent-ils moins de services à l'Etat que les professeurs de son athénée ? Mais Anvers fournit beaucoup plus d'illustrations en fait de beaux-arts que beaucoup d'athénées et de collèges n'en fournissent dans la littérature. Pourquoi donc pas les pensionner aussi ? Est-ce que l'art de la musique aurait plus de mérite que l'art de la peinture ? Sans doute, si l'on jette de l'éclat sur le pays, l'autre n'est pas en arrière.

Voilà donc où vous arriverez. Vous arriverez à faire considérer comme fonctionnaires de l'Etat ceux qui ont été considérés de tout temps comme fonctionnaires de la commune. Vous accroîtrez considérablement les charges du trésor et les choses n'en iront pas mieux ; elles en iront peut-être moins bien.

Le seul système utile pour notre pays, c'est la décentralisation ; c'est de renvoyer à la province et à la commune ce qu'elles peuvent bien faire et ce qu'elles font toujours beaucoup mieux qu'un gouvernement. De cette manière, vous dégrèverez nécessairement vos finances, qui en ont grand besoin, si vous ne voulez pas arriver un jour à une augmentation des charges publiques.

M. Deliége. - L'honorable M. Dumortier n'a pas dit un mot contre la motion que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre. Il a fait le procès, non pas à ma motion, mais à ce qui existe, mais à ce que vous avez consacré ; il l'a fait à la loi. Il a trouvé que la loi sur les pensions était mauvaise. Mais si vous trouvez que la loi est mauvaise, il faut la réformer ; il faut que l'honorable membre présente un projet de loi sur cet objet.

L'honorable membre, messieurs, est trop frappé, à mon sens, de ce qui s'est passé anciennement, et ce qui s'est passé anciennement a rejailli sur ce qui existe aujourd'hui. Il y a évidemment beaucoup de pensions ; il y en a peut-être trop, mais on y a remédié Une loi de 1849 a été portée à ce sujet, et je crois qu'à l'avenir nous aurons beaucoup moins de pensions et que bon ordre sera mis aux abus qui existaient anciennement.

L'honorable M. Dumortier conviendra lui-même que des hommes qui ont rendu des services au pays, que des hommes qui ont été nommés par le gouvernement, qui professent dans une institution créée par le gouvernement ont droit à la sollicitude de celui-ci, ont droit à la sollicitude de la Chambre, comme les autres professeurs des établissements de l'Etat. Les professeurs des athénées ont droit à la pension ; les professeurs des conservatoires doivent y avoir aussi droit ; d'autant plus, remarquez-le bien, qu'un grand nombre, que presque tous sont très mal rétribués, ne sont pas même rétribués comme le sont des employés subalternes des accises. Je crois qu'après qu'ils ont employé leur temps et leurs veilles à produire des résultats comme ceux que nous pouvons constater, vous ne leur refuserez pas la pension, je ne dirai pas la misérable pension qui leur est due.

M. Osy. - Je ne veux pas prolonger cette discussion, puisque M. le ministre de l'intérieur nous annoncé qu'il nous présenterait un projet de loi ; cependant je ne puis laisser sans réponse les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Deliége.

Lorsque nous avons fait la loi des pensions, on a demandé si les professeurs de l'académie de peinture d'Anvers, dont vient de parler l'honorable M. Dumortier, auraient droit à la pension. Il a été décidé qu'ils n'y auraient pas droit. Or, parce que le gouvernement a trouvé bon de créer un conservatoire de musique à Bruxelles et un conservatoire de musique à Liège, pourquoi devrions-nous pensionner les professeurs qui y enseignent ? Si la ville de Bruxelles et la ville de Liège jugeaient utile d'avoir un conservatoire, il eût été plus convenable que le gouvernement dît aux communes : Au lieu que vous me donniez votre subside, je vous donnerai le mien, et vous dirigerez votre conservatoire. De cette manière, la dépense pour les pensions devenait une charge communale, tandis que l'on veut en faire une charge de l'Etat.

Je crois, messieurs, que le gouvernement ferait beaucoup mieux d’examiner s'il n'y a pas lieu pour lui de remettre la direction des conservatoires aux villes. Il n'est pas convenable qu'il fasse d'aussi grandes dépenses pour deux villes ; qu'il leur accorde un subside, c'est tout ce que ces villes peuvent désirer.

M. de Mérode. - Messieurs, je ne me sens pas disposé à admettre le projet de loi qu'on nous annonce et qui tend à augmenter le chiffre des pensions.

Si l'Etat doit intervenir d'une manière si étendue dans les conservatoires, en égard aux résultats avantageux qu'on dit obtenir à l'aide de ces établissements, il y a une foule d’autres choses pour lesquelles il interviendrait avec non moins d'utilité ; on peut, avec beaucoup d argent, faire prospérer toute espèce de conceptions utiles en elles-mêmes ; si l'Etat élargit ainsi le cercle de son action pécuniaire, il pourra l'appliquer également aux académies de peinture ; déjà il se mêle d'agriculture ; il faudra donc pensionner les professeurs d'agriculture, puis les professeurs de dessin ; car je ne vois pas pourquoi celui qui enseigne le dessin ou l'agriculture à des élèves ne serait pas aussi apte à recevoir une pension que celui qui leur apprend la musique. Je crois que la plupart des professeurs qui sont attachés aux conservatoires (page 494) ont accepté volontiers cette position et qa'ils l'accepteraient encore, indépendamment de toute pension ; lorsqu'ils ne peuvent plus exercer leurs fonctions, ils sont comme tous autres individus devenus trop âgés pour se livrer à leurs occupations et qui se retirent, après s'être arrangés d'avance sur ce qu'ils doivent avoir pour se livrer plus ou moins au repos quand ils n'ont plus les mêmes facultés de travail.

Si l'on veut ainsi favoriser sans réserve tout ce qu'il est possible de favoriser, si l'on veut s'occuper, comme Pic de la Mirandole, « de omni re scibili et quibusdam aliis », il n'y aura plus de budget assez gros pour suffire à ces efforts d'universel perfectionnement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'honorable M. de Mérode se trompe complètement sur le but de la proposition que le gouvernement fera soumettre à la Chambre ; il ne s'agit pas de créer de nouvelles pensions, il s'agit uniquement de conserver ce que l'Etat a fait et de régulariser la position des fonctionnaires qu'il a nommés et qu'il paye...

- - Un membre. - Cela est contesté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On ne le contestera plus, quand on aura écouté les observations qui seront présentées à l’appui du projet d eloi ; vous reconnaîtrez alors que c’est par suite d’un malentendu qu’on n’a pas compris les professeurs des conservatoires dans la loi sur les pensions.

- La discussion sur le chapitre II est close.

Articles 5 à 7

« Art. 5. Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Secours à d'anciens employés belges aux Indes ou à leurs veuves ; charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés ou à leurs veuves, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres a l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 7,000. »

Chapitre III. Statistique générale

Articles 8 et 9

« Art. 8. Frais de la commission centrale de statistique et des commissions provinciales. Jetons de présence et frais de bureau : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Frais de rédaction et de publication des travaux, du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 5,300. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre IV : Frais de l'administration dans les provinces.

M. Vander Donckt. - Messieurs, comme M. le ministre de l'intérieur l'a parfaitement bien dit dans la séance d'hier, c'est le budget de l'intérieur qui a toujours l'honneur de subir toutes les critiques concernant l'administration ; c'est sur ce budget qu'on veut constamment faire des économies, après avoir, par les diverses lois qu'on a votées, augmenté outre mesure le travail qui incombe à ce département. De là résulte un accroissement considérable de besogne, non seulement pour les employés du ministère, mais encore pour ceux des administrations provinciales ; or, c'est principalement sur le nombre et les traitements des employés des administrations provinciales que j'ai l’intention de présenter quelques observations à la Chambre.

Depuis 1830, époque à laquelle les travaux du ministère de l’intérieur étaient très peu compliqués et très peu nombreux, aucun changement n'a eu lieu dans les bureaux des administrations provinciales, tant sous le rapport du nombre des employés que sous le rapport de la rémunération du travail ; il en est résulté que le personnel de ces administrations dans les provinces les plus importantes, telles que le Brabant, la Flandre orientale et le Hainaut, est devenu complètement insuffisant ; de plus, les émoluments que touchent les membres de ce personnel ne sont nullement en proportion avec leurs besoins et avec le travail ardu et pénible auquel ils sont assujettis.

Messieurs, à cet égard, on vous a déjà fait voir dans la discussion combien les rouages administratifs ont été multipliés, combien le travail a augmenté par suite des diverses lois que la législature a successivement votées. Eh bien, les choses en sont aujourd’hui, dans les provinces les plus importantes du royaume, au point que les gouverneurs ne trouvent plus des hommes capables ; et ceux qui ont des capacités quittent une carrière aussi ingrate, aussi mal rétribuée ; ils en trouvent autant qu'ils veulent dans les capacités inférieures ; ils sont réduits à ne plus faire un choix que parmi ceux qui considèrent comme un pis-aller l'occupation d'une place dans les administrations provinciales.

Les chefs de bureau et de division, qui devraient être à la hauteur de leur mission, no le sont en aucune manière et ne répondent nullement aux besoins du service. Eh bien, c'est pour porter remède à cet état de choses que M. le ministre de l'intérieur, dans le projet de budget pour 1855, nous a proposé une augmentation de crédit de 62,000 fr., pour rétribuer convenablement les employés aujourd'hui en exercice, et pour combler les lacunes qui existent dans le personnel des administrations provinciales. Ainsi que je l'ai dit, ce sont les provinces les plus importantes qui souffrent le plus sous ce rapport.

Vous comprenez qu'il est impossible de persévérer dans cette voie. M. le ministre de l'intérieur, convaincu d'abord lui-même, ensuite par les sollicitations de plusieurs membres de la Chambre, et j'étais du nombre, qui ont provoqué une réforme dans la session dernière, a voulu y donner suite, en vous proposant cette augmentation de 62,000 francs ; la section centrale demande l'ajournement de cette proposition.

Mais, messieurs, ne suffit-il donc pas de vous faire voir qu'il y a une injustice à réparer, que les employés ne sont pas convenablement rétribués, car dans les administrations provinciales, il y a des employés dont le traitement ne suffit pas, à beaucoup près, à leur entretien ?

Messieurs, il en est dans la Flandre orientale qui travaillent depuis plusieurs années gratuitement, et d'autres qui ont des traitements de 300, 400, 500 et 600 fr. pour un travail de 7, 8 et 9 heures par jour. Je vous le demande, est-ce là une situation supportable ?

Le gouverneur de la Flandre orientale n'a pas même un secrétaire particulier, parce qu'il est obligé d'employer tous ses employés dans ses bureaux, qui doivent, du matin au soir," être attachés aux travaux dans les bureaux.

Je demande s'il n'est pas temps de pourvoir à ces besoins- et s'il est possible, par un nouvel ajournement, de renvoyer à d'autres temps le redressement de cette criante injustice dont se plaignent le Brabant, la Flandre orientale et le Hainaut.

Il est plus que nécessaire de prendre des mesures dès à présent. Pour ma part, je voterai pour l'augmentation de l'allocation.

J'ai ici quelques observations dont je me proposais de vous donner lecture, à moins que pour économiser les moments précieux de la Chambre vous me permettiez de les faire insérer dans les Annales parlementaires. (Oui ! oui ! certainement.)

Comme je n'espère pas trop de faire adopter l'augmentation de 62,000 fr. au budget actuel, elles serviront de renseignement pour le budget de 1850, dans lequel M. le ministre a promis de reproduire la demande d'augmentation d'allocation qu'il avait faite cette année, pour rendre une justice bien tardive aux employés des provinces ?

M. Osy. - M. le ministre se ralliera à la proposition de la section centrale d'ajourner au budget de 1856 l'augmentation de 62,000 francs qu'il demande pour les bureaux de l'administration dans les provinces. S'il en est ainsi il est inutile de continuer la discussion. Mais j'engagerai M. le ministre, quand il examinera le travail des commissions, à. tenir compte des observations qu'il pourra recevoir en dehors de ces commissions.

On nous a distribué une pièce où l'on dit qu'on pourrait obtenir le même résultat moyennant une réduction de fonctionnaires avec 32,000 fr. Cette pièce provient, je crois, du greffier de la province du. Brabant.

Maintenant que j'ai la parole sur les administrations provinciales, je dirai que lors de la vérification des pouvoirs des membres de la Chambre, il a été révélé que les listes électorales étaient excessivement mal faites.

Vous avez vu qu'une masse d'étrangers habitant Anvers figuraient depuis nombre d'années sur les listes électorales.

Je ne sais où l'honorable M. Devaux a eu ce renseignement, je ne le lui demande pas ; qu'il l'ait obtenu de la commune ou du bureau d'arrondissement, si ces erreurs étaient connues depuis longtemps, pourquoi ne les a-t-on pas fait disparaître ? C'est un couteau à deux tranchants : quand cela plaît, on n'en parle pas ; quand il ne plaît pas, c'est un moyen dont on se sert pour attaquer son élection.

J'engage beaucoup M. le ministre, maintenant qu'on va faire les listes pour le mois d'avril, d'adresser une circulaire à toutes les communes pour qu'on examine attentivement la composition des listes, afin d'éviter les tristes discussions que nous avons eues au commencement de la session.

Si les commissaires faisaient bien leur devoir, examinaient attentivement les titres des individus inscrits, ces faits ne se produiraient pas.

Le gouvernement avait pris l'engagement de ne pas se mêler aux élections générales provinciales ou communales. Je lui rends cette justice qu'il a été fidèle à cet engagement ; mais il est fâcheux que ses subordonnés n'aient pas fait de même. Nous savons tous que, dans plusieurs provinces, les subordonnés du gouvernement, sans tenir compte de l'engagement pris par le gouvernement de s'abstenir et des fonctionnaires très élevés se sont mêlés aux élections.

Je prie M. le ministre de vouloir bien leur prescrire de ne plus se permettre à l'avenir d'agir contrairement à ses engagements. Je ne suis pas de ceux qui approuvent ce qu'on a fait en 1847, je ne demande pas qu'on en démissionne un seul, mais je demande que tous les fonctionnaires obéissent au pouvoir, que quand le ministre a exprimé une opinion à la tribune, ils ne se permettent pas d'aller à rencontre ; elle doit être une règle pour tous. Je prie donc M. le ministre d'adresser à ses subordonnés une circulaire pour leur prescrire de se conformer, à l'engagement qu'il a pris de ne pas se mêler d'élections.

M. de Steenhault. - J'avais prié M. le président ele m'inscrire sur ce chapitre. Espérant que M. le ministre nous communiquerait le travail qu'il avait dû faire à propos de l'organisation du personnel des (page 495) bureaux des administrations provinciales, mon intention était de proposer de renvoyer la discussion de ce chapitre à la fin du budget, afiunde donner le temps à chacun d'examiner les pièces promises et de rattacher au budget de 1855 l'augmentation demandée.

Mais la déclaration faite par M. le ministre a rendu inutile la proposition que je voulais soumettre à la Chambre. Dans cette situation je ne puis que témoigner tous mes regrets de ne pas voir discuter cet objet cette année. Le gouvernement avait pris des engagements formels l'année dernière ; nous devions espérer qu'on nous remettrait en temps ut L- le.' renseignements demandés par la section centrale. Je le regrette d'autant plus vivement que je suis convaincu qu'on aurait pu nous soumettre ces renseignements en temps pour nous permettre de discuter la proposition du gouvernement.

Il y a bientôt six ans que nous réclamons. Il y a un an que M. le ministre nous disait que lui aussi avait pensé à cet objet, qu'il nous disait qu'il s'était mis en rapport avec MM. les gouverneurs que les pièces étaient préparées, et un an n'aurait pas suffi pour élaborer un simple projet d'organisation.

Cette réponse ne peut avoir été sérieuse ; si elle l'était, ce serait, en vérité, de la part de M. le ministre, y mettre trop d'humilité ou faire un bien mauvais compliment à son département.

Ce qui est vrai, ce qui est seul vrai, c'est que la commission instituée pour élaborer ce projet a été réunie seulement le 13 novembre, à la veille du jour où le budget de l'intérieur allait être mis en discussion, au moins dans les sections ; cependant il s'agit d'une chose juste, équitable, nécessaire, comme l'a reconnu l'honorable M. Osy, qui ne peut pas être taxée, que je sache, de trop de bienveillance à l'égard des employés.

Je dirai qu'il a bien raison de dire qu'elle est nécessaire ; car je pourrais vous citer plus d'un employé qui ne reçoit que 300 à 400 fr., ce qui est moins qu'un maçon ou un charpentier. Ce n'est pas le moyen d'avoir de bons employés, ni surtout d'exiger comme le demandait hier l'honorable M. Osy, qu'ils consacrent tout leur temps à l'administration publique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cette affaire n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire au premier abord.

L'honorable préopinant a dit que, depuis six ans, on a projeté de modifier la position des employés provinciaux. Je ne puis répondre de ce qui s'est fait à cette époque ; je ne sais si l'on a pris alors des engagements. Ce que je sais, c'est que, depuis un an, on s'est occupé de la réorganisation des administrations provinciales. Mais ce travail présentait plus d'une difficulté. D'une part, il fallait respecter les prérogatives des gouverneurs, qui, d'après la loi provinciale, ont une autorité très étendue sur le personnel de l'administration. D'autre part, le gouvernement avait envoyé un projet aux gouverneurs et leur avait demandé leur avis. Les gouverneurs ont dû l'examiner dans son ensemble et s'assurer s'il était en rapport avec les prérogatives qu'ils tiennent de la loi. Plusieurs ont voulu consulter les députations permanentes, qui, à leur tour, avaient exprimé le vœu que la position des employés provinciaux fût améliorée.

Cette première enquête a exigé un temps assez considérable. Ce n'est qu'en novembre dernier qu'elle a été terminée. Alors, le gouvernement a reconnu que ce projet exigeait une nouvelle révision, et il a institué une commission qui a présenté un nouveau travail, lequel n'a pas encore été l'objet des délibérations du gouvernement.

D'ici à peu de temps, ce projet sera examiné et communiqué à l'occasion du budget de l'exercice de 1856. Ce n'est qu'à cette époque que l'on pourra discuter le chiffre du crédit nouveau demandé, puisque la section centrale a désiré connaître préalablement le règlement d'ordre. Je pense donc que personne ne peut être accusé d'avoir manqué de sollicitude pour les employés. Le gouvernement est désireux d'améliorer leur position et de récompenser les services que rendent les fonctionnaires et employés provinciaux.

L'honorable M. Osy a demandé si le gouvernement avait pris des mesures pour faire disparaître les inscriptions irrégulières qui ont été constatées dans les listes électorales. Des irrégularités ont été constatées à toutes les époques ; il ne dépend pas toujours des autorités de les éviter. Tout le monde sait que le grand nombre de renseignements dont on doit s'entourer rend les erreurs assez fréquentes quelque soin qu'on apporte à ce travail. Le gouvernement a donné des instructions pour qu'on apporte à la rédaction des listes toute la sévérité nécessaire. J'ai lieu de croire que les intentions du gouvernement seront comprises.

L'honorable M. Osy, tout en rendant hommage à l'abstention du gouvernement dans les élections, a demandé si les fonctionnaires s'étaient conformés aux instructions du gouvernement. D'après les rapports qui m'ont été faits par les gouverneurs de province, il n'est aucun fonctionnaire, aucun commissaire d'arrondissement, notamment, qui s'en soit écarté.

M. Coomans. - C'est entièrement inexact.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si on affirme que c'est entièrement inexact, j'ai pour garantie de mon assertion le rapport des gouverneurs de province qui méritent la confiance du gouvernement, Il est établi par une enquête administrative faite avec impartialité, que généralement on s'est conformé aux instructions du gouvernement.

Le gouvernement a recommandé aux fonctionnaires de s'abstenir, en leur qualité, de toute intervention dans les élections. Ils se sont conformés à cette ligne de conduite. Quant à leurs préférences personnelles pour tel ou tel candidat, ils n'en doivent compte à personne.

Je puis affirmer que ce n'est ni le gouvernement, ni aucun de ses fonctionnaires qui ont porté la moindre atteinte à la sincérité, à l'indépendance du vote dans les élections. Toute assertion contraire est dénuée de preuves, et ne mérite pas que la Chambre s'y arrête.

M. le président. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - Je ne l'ai pas demandée.

M. le président. - Je croyais que vous l'aviez demandée.

- La discussion est close sur le chapitre IV dont les articles sont successivement adoptés dans les termes et avec les chiffres ci-après proposés par la section centrale.

Articles 10 à 36

(page 118) « Province d'Anvers.

« Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,000. »

- Adopté.

« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,300. »

- Adopté.


« Province de Brabant.

« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 49,575 »

- Adopté.

« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »

- Adopté.


« Province de la Flandre occidentale.

« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,300.

« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.

« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250 »

- Adopté.


« Province de la Flandre orientale.

« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 45,000.

« Charge extraordinaire : fr. 3,150. »

- Adopté.

« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »

- Adopté.


« Province de Hainaut.

« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 23. Traitement des employés et gens de service : fr. 52,840. »

— Adopté.

« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,930. »

- Adopté.


« Province de Liège.

« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 43,800. »

- Adopté.

« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »

- Adopté.


« Province de Limbourg,

« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.

« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 35,500. »

- Adopté.

Article 30

« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues, ordinaires : fr. 12,497. »


« Province de Luxembourg.

« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 31,800. »

(page 496) Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »


« Province de Namur.

« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700.

« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 36,000. »

« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »

Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Discussion générale

M. Osy. - Messieurs, les journaux américains nous entretiennent d'un fait très grave qui s'est passé depuis peu de temps, et c'est à l'occasion de ce chapitre que je veux en parler.

Vous savez que nous nous occupons beaucoup en Belgique de l'émigration des Allemands. Le gouvernement, qui a cru devoir se mêler aussi des émigrations, paraît avoir donné des instructions dans les provinces pour engager nos populations à émigrer aussi.

Je ne trouve pas mauvais que nos populations, si elles croient avoir une existence meilleure dans les pays lointains, fassent comme les Allemands.

Mais il paraît que ce sont les libérés, ceux qui ont été longtemps dans les prisons, qu'on engage à partir pour l'Amérique. Et vous avez vu ce qu'il arrive, on les retient en Amérique parce que l'Amérique ne veut pas devenir le Botany-Bay de l'Europe.

Vous avez dû lire comme moi, messieurs, la circulaire d'un de nos commissaires d'arrondissement, circulaire que reproduisent tous les journaux américains.

D'après des renseignements de personnes qui s'occupent de l'émigration des Allemands, cette circulaire a rendu notre pays odieux en Amérique, et si l'on n'en détruisait pas le fâcheux effet, si l'on continuait à vouloir envoyer nos libérés en Amérique, on pourrait finir par ne plus y recevoir les émigrés qui viennent d'Anvers, bien que ce fussent des gens très honorables.

Je voudrais avoir sous ce rapport quelques renseignements du gouvernement. Je lui demanderai s'il a voulu encore user de son initiative dans cette affaire des émigrations et cela d'une manière aussi malheureuse ? Je lui demanderai si cette circulaire que nous avons lue dans les journaux américains et qui est reproduite par les journaux de la Belgique, est duc aux instructions qui ont été données par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce n'est pas en réalité par l'initiative du gouvernement que les faits auxquels on vient défaire allusion se sont passés. Depuis quelque temps, un assez grand nombre de communes en Belgique ont pensé qu'il était désirable de faire émigrer un certain nombre d'indigents qui sont pour ces communes une charge considérable. Cette disposition des communes s'est propagée et plusieurs ont demandé des instructions au gouvernement pour avoir une règle de conduite. C'est à ce sujet que le gouvernement avait envoyé des instructions à MM. les gouverneurs des provinces pour éclairer les communes sur la voie qu'elles devaient suivre pour faire diriger sur l'Amérique ceux de leurs indigents qui en exprimaient le désir.

Plusieurs de ces communes ont pensé qu’indépendamment des indigents, on poivait appliquer cette règle à certaines classes de détenus pour des délits fort légers, et qui, à l’expiration de leur peine, airaient, à leur tour, exprimé le désir de passer en Amérique. Vous comprenez que le gouvernement, recevant sous ce rapport des invitations de la part des communes pour leur donner des instructions, n'avait rien de mieux à faire, que d'indiquer aux gouverneurs par quelle voie on pourrait faire arriver à Anvers, port ordinaire d'embarquement, les personnes dont il s'agit, et quelles mesures de précaution devaient prendre les communes pour que ces indigents ne fussent pas abandonnés sans ressource, lorsqu'ils auraient touché le sol américain.

Le gouvernement s'en est tenu là ; il s'est borné à charger les gouverneurs de faire arriver aux communes par la voie des commissaires d’arrondissements, les instructions qu’il avait rédigées à cet égard.

Il est arrivé qu’un chef d’arrondissement ait cru pouvoir avertir, par voie de circulaire, les administrations de son ressort des intentons du gouvernement et des instructions qu'il aurait reçues pour faciliter le départ de ces émigrants. Par hasard, un journal belge est tombe en Amérique dans les mains d'un consul, qui a cru voir, dans cet appel fait par un commissaire d'arrondissement aux communes de son ressort, l'application d'un système consistant à transporter en Amérique tout ce qu'il y avait de mauvais sujets en Belgique. C'était mal interpréter l'avis tout paternel donné par le gouvernement belge. Le gouvernement ne se mêle pas en réalité des émigrations ; et les communes n'ont d'autre but que de faciliter le départ des indigents qui en témoignent le désir.

Fallait-il, messieurs, faire tant de bruit de cette affaire ? Je ne le pense pas. Si les journaux n'avaient pas reproduit cette circulaire, il est probable que personne n'aurait cru devoir critiquer l’acte dont il s'agit.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement est pénétré de la nécessité d'apporter la plus grande réserve dans ces sortes d'affaires et de ne pas autoriser, par des publications inopportunes, l'opinion qu'on se ferait en Amérique que la Belgique veut y envoyer des personnes qui pourraient y porter le trouble et le désordre.

En conséquence des instructions nouvelles ont été rédigées pour tous les fonctionnaires administratifs, instructions d'après lesquelles on se conduira avec la plus grande discrétion dans la transmission des dépêches qui concernent le départ des émigrants, et je suis convaincu qu'aucune plainte n'arrivera plus à cet égard.

Voilà ce qui s'est passé. La Chambre reconnaîtra qu'il s'agit d'un fait très simple.

M. Coomans. - Il est très grave, je vais le démontrer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si cette circulaire a paru dans un Mémorial de province, c'est le résultat d'une erreur qui s'explique par le fait même, et il n'y a là rien de répréhensible.

M. Vander Donckt. - Messieurs, c'est à propos du chapitre V, frais d'administration dans les arrondissements, que je me permets de vous soumettre encore quelques réflexions concernant le salaire des employés des commissariats d'arrondissement.

On dit : Tout peine vaut son salaire ! Mais il y a des commissariats d'arrondissement des plus importants du royaume où les employés ne sont pour ainsi dire pas salariés du tout.

En effet, messieurs, le commissaire d'arrodissement reçoit une certaine somme pour salarier ses employés, par exemple 1,800 fr ; Le chef de bureau touche un traitement de 800 fr. ; le second commis un traitement de 600 fr. ; le troisième commis un traitement de 30O fr. Les autres employés remplissent gratuitement leurs fonctions, et je vous demande même si une somme de 300 fr. peut être considérée comme un traitement.

Il faut ajouter que ces employés n'ont aucun droit à la pension ; qu'ils ne peuvent espérer une promotion quelconque. La position qu'ils occupent est pour eux le nec plus ultra, et il arrive pour les administrations des commissariats d'arrondissement la même chose que pour les administrations des provinces.

On a de la peine à trouver des employés qui veulent faire ce travail ardu.

Une autre réflexion, messieurs, que je dois encore vous soumettre, c'est que les employés des commissaires, d'arrondissement sont ordinairement moins rétribués que les employés de la ville ; il en est de même des employés provinciaux. Ainsi la ville de Gand rétribue ses employés plus largement que ne le fait la province et cependant la population de la ville ne s'élève qu'au dixième de la population de la province, tandis qu'elle alloue à son budget une somme de i49,900 et des francs pour salarier ses employés.

L'Etat y sacrifie seulement la somme de 48,000 francs.

M. Coomans. - Messieurs, je suis étonné que l'honorable organe du gouvernement fasse un reproche à la presse belge de s'être rendue i l'écho de l'émotion profonde produite aux Etats-Unis par une faute grossière du gouvernement belge. A entendre l'honorable M. Piercot, si un journal belge n'avait pas reproduit la circulaire du commissaire d'arrondissement de Liège, personne n'en aurait rien su en Belgique, il n'y aurait pas eu de réclamations dans les Chambres belges et tout se serait passé au mieux !

Je dis, moi que le journal qui a reproduit cette circulaire officielle, attribuée au gouvernement belge, a rendu un grand service au pays, en fournissant au gouvernement l'occasion de réparer autant que possible la faute commise. Mais cette réparation urgente n'a certes pas été donnée par le discours insuffisant et regrettable de l'honorable ministre de l'intérieur.

Depuis un mois, messieurs, les trois cents journaux des Etats-Unis sont remplis d'injures contre la Belgique, depuis un mois des voies de fait s'exercent contre les Belges qui résident aux Etats-Unis, depuis un mois des hommes influents de l'Union américaine demandent des mesures très sévères contre les émigrants venus de Belgique, d'autres vont jusqu'à demander qu'on examine la question de savoir s'il faut encore admettre les navires chargés d'émigrants venant de la Belgique.

Je suppose un instant que le journal auquel l'honorable ministre a adressé le reproche que je relève, se fût tu, le mal n'en aurait pas moins existé, ce me semble, et c'est à ce mal qu'il faut parer, je le répète. Cette circulaire, qui n'a été publiée hier, je pense, que par un seul journal, est imprimée et réimprimée depuis un mois, par tous les journaux des Etats-Unis. J'ai reçu des lettres de Belges très honorables qui résident aux Etats-Unis et qui sont au désespoir, se plaignant amèrement de cè qui se passe ; ils disent même que dans certains Etats leurs propriétés et leurs jours sont en danger. (Interruption.)

Je répète, messieurs, ce que j'ai lu et ce que vous pouvez lire soit dans des lettres que je tiens à votre disposition, soit dans les journaux américains qui sont à la disposition de tout le monde. On ne peut pas se figurer l’émotion qui a été produite aux Etats-Unis par la pièce dont il s’agit. Je suis très persuadé que les citoyens des Etats-Unis s’exagèrent beaucoup le danger qui résulterait pour eux de l’exécution de certaines mesures imaginées par le gouvernement belge ; il y a cependant quelque chose de très honorable dans la susceptibilité que nous avons excitée chez eux. Dans tous les cas, en politique, les préjugés ont la valeur de faits et il faut en tenir compte. Il y a, du reste, aux Etats-Unis, des milliers de Belges très honorables qui ont intérêt à ce qu'on ne les confonde pas avec des « libérés de Vilvorde », comme s'exprime le commissaire d'arrondissement de Liège. (Interruption.)

Il y a dans cette circulaire une invitation faite à tous les bourgmestres de l'arrondissement de Liège d'enyoyer aux Etats-Unis, aux (page 497) frais des communes, les « libérés de Vilvorde » et des dépôts de mendicité. Eh bien, |e le répète ; tous les Belges qui sont aux Etats-Unis sont grandement intéressés à ce que le gouvernement répare au plus tôt le détestable effet produit par cette circulaire : ils remercieront l'honorable baron Osy d'avoir pris l’initiative pour la défense de leurs intérêts moraux et matériels.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, si une réparation devait être donnée, la réparation a été complète, et je vais l'expliquer.

D'abord, l'honorable M. Coomans se trompe étrangement s'il pense que j'ai fait allusion au journal qui vient, dit-il, de publier la circulaire. Je n'ai pas lu ce journal. Je n'ai pas même fait allusion à la pressé belge. Le gouvernement a été informé du fait par la voie d'Amérique, c'est dans les journaux américains que le fait a paru, et aussitôt que le gouvernement en a été informé il a transmis des instructions, non seulement en Belgique, à ses agents, mais aussi à ses agents en Amérique, qui ont été chargés de donner des explications propres à détruire le mauvais effet que la circulaire dont il s'agit aurait pu produire ; ces explications ont été reconnues satisfaisantes par les autorités américaines. Les instructions portaient, entre autres, que désormais le gouvernement s'appliquerait à ne laisser délivrer des certificats de départ qu'à des hommes probes, connus par leur moralité et qui, s'ils sont indigents, ce qui n'est pas un crime, sont cependant des hommes honorables, et pouvant concourir à réaliser le but général de l'émigration.

Voilà ce que le gouvernement a fait depuis qu'il a appris par les journaux américains ce qui s'était passé. Quant aux journaux belges, ils n'en ont guère parlé et ils ont agi en cela très sagement.

Quoi qu'il en soit, messieurs, l'affaire est aujourd'hui réglée à la satisfaction de la seule partie intéressée, c'est-à dire que les autorités américaines sont satisfaites parce que nos agents leur ont donné l'assurance qu'il ne serait plus délivré de certificats qu'à des hommes de la plus parfaite moralité.

- La séance est levée à 4 heures et demie.