(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 216) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Canivet-Gravez demande la révision des articles du Code civil qui permettent des libéralités. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Henry, curé de Limes, prie la Chambre de rapporter ou de modifier les lois relatives à l'expropriation des bruyères et à l'exportation des minerais du Luxembourg. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Battice prient la Chambre d'examiner s'il n'y a pas lieu de supprimer les dépôts de mendicité. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur de Marneffe, qui lui a été renvoyée par décision de la Chambre, du 29 avril dernier. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« MM. de Bronckart, de Breyne et Vanden Branden de Reeth demandent un congé, les deux premiers pour cause d'indisposition, le troisième parce qu'il çsl retenu chez lui pour affaires urgentes. »
- Ces congés sont accordés.
« Par dépêche du 4 décembre, M. le ministre de l'intérieur informe la Chambre qu'à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du Roi, un Te Deum sera célébré, le samedi 16 de ce mois, en l'église des SS. Michel et Gudule, et que l'escorte d'usage sera mise à la disposition de la Chambre, si elle le désire. »
- La Chambre décide qu'elle se rendra en corps à cette cérémonie.
M. le président. - Je viens de recevoir de M. le ministre de l'intérieur les pièces relatives aux opérations électorales qui ont eu lieu à Marche. La commission de vérification des pouvoirs va être formée par la voie du sort.
- Cette commission se compose de MM. Landeloos, de Liedekerke, de Stcenhault, de Theux, Rodenbach, de La Coste et de Brouckere.
M. le président. - Les membres de la commission seront priés de se réunir le plus tôt possible.
M. le président. - Le mandat de tous les membres de la cour des comptes expire à la fin de l'année.
La Chambre aura à procéder, avant cette époque, à la nomination des membres de cette cour. On pourrait fixer cette opération au 15 de ce mois.
- La Chambre décide qu'elle s'occupera de ces nominations le 15 courant.
M. le président. - Je crois que M. le ministre des finances est d'accord avec la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Oui, M. le président.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le projet de la section centrale, auquel se rallie le gouvernement.
M. de Renesse. - Messieurs, dans le discours du trône, on nous a fait espérer que, grâce à la progression des produits de nos voies ferrées et de plusieurs autres branches du revenu public, il ne serait pas nécessaire de recourir à un nouvel impôt ; dans l'exposé de la situation du trésor au 1er septembre 1854, l'honorable ministre des finances indique pareillement, qu'il n'y aurait pas urgence, pour le moment, de créer de nouveaux impôts permanents, mais que l'on proposerait des mesures temporaires, propres à établir l'équilibre entre les recettes et les dépenses.
En acceptant toutefois ces déclarations du gouvernement « sous bénéfice d'inventaire », je crois devoir présenter à la Chambre et au gouvernement quelques considérations, dans le but spécial de provoquer successivement une meilleure répartition dans les charges publiques.
D'après les évaluations du budget des voies et moyens, pour l'exercice 1855, rectifiées par la note du 15 novembre dernier et par les propositions faites en section centrale, les revenus de l'Etat se répartissant en impôts, capitaux, revenus et remboursements, sont fixés à un produit présumé de 127,998,550 fr., non compris la somme de 1 million à provenir de la vente des domaines, ni celle de l'accroissement du contingent de la contribution foncière, que le gouvernement demande de pouvoir encore percevoir, pour une année, en compensation des ressoures assez considérables dont le trésor sera privé par l'adoption de la loi sur les denrées alimentaires.
Dans l'évaluation du produit présume du budget des recettes, les impôts figurent pour une somme de plus de quatre-vingt-dix millions de francs ; si l'on examine la part contributive des impôts payés par la propriété immobilière, on peut l'évaluer au moins à 42 millions de francs. En effet, on doit nécessairement y comprendre une certaine part de la contribution personnelle (portes et fenêtres et les foyers), qui affecte la propriété foncière, ainsi qu'une partie des droits de douanes et d'accises, dont les revenus immobiliers sont indirectement frappés ; car les 738,000 propriétaires fonciers, formant une partie essentielle des consommateurs du pays, doivent contribuer, au moyen de leurs revenus territoriaux, dans les payements de ces droits, aussi bien que les industriels, capitalistes, commerçants et les rentiers de l'Etat.
En 1851, la propriété immobilière a été frappée d'un nouveau droit de mutation en ligne directe, d'un droit dû par les époux survivants, et par 1 p. c. d'augmentation sur les droits entre frères et sœurs ; on peut donc affirmer que cette propriété doit contribuer actuellement pour au moins 42 millions de francs, à peu près la moitié des impôts, tandis que toutes les autres matières et valeurs imposées ne payent au trésor, par les impôts, qu'environ la somme de 49 millions.
Il est à observer que le foncier paye aussi aux provinces et communes plus de 3 millions de francs par les centimes additionnels, et que les octrois communaux atteignent presque tous les produits de l'industrie agricole, ce qui n'a presque pas lieu pour les productions industrielles ; en outre, d'après les documents fournis pour l'institution d'une caisse de crédit foncier, il a été constaté qu'en général la propriété immobilière était grevée d'hypothèques du 10ème au 11ème de sa valeur.
En examinant si l'égalité proportionnelle est équitablement répartie dans la fixation des impôts, on peut, avec un certain fondement, prétendre que non.
D'après le cadastre, le produit net de la propriété foncièrr n'était évalué au 31 décembre 1852 qu'à 161 millions de francs ; cette évaluation me paraît trop modérée ; on pourrait plutôt la fixer à environ 250 millions.
D'après une estimation moyenne, la richesse totale de la Belgique serait représentée par un revenu de 1,500,000,000 de francs.
Le « Journal des Economistes » de Paris et M. Heuschling estiment même ce revenu à 2 milliards ; ce que je crois plus conforme à la vérité, par suite de l'augmentation de la valeur et du revenu des propriétés immobilières, et par le grand nombre de sociétés industrielles, financières et commeiciales, formées depuis 1830.
Si le revenu net foncier ne s'élève qu'à 250 millions de francs, s'il fallait même le porter à 300, il me semble qu'en contribuant dans les revenus annuels des impôts proprement dits de l'Etat, pour une somme au-delà de 42 millions de francs, il n'y aurait pas eu, pour la répartition proportionnelle des impôts, à l'égard du revenu foncier, la même impartialité fiscale que pour les différentes autres bases de la richesse nationale, se montant environ à un revenu de 1,800,000,000 de francs ; car le produit immobilier paye à lui seul presque la moitié des impôts directs de l'Etat.
Le revenu foncier devrait être plus ménagé pour que, dans les temps de grandes crises, il puisse procurer les ressources extraordinaires au trésor de l'Etat, lesquelles ne pourraient être fournies alors par la plupart des autres voies et moyens, et l'administration financière obtiendrait des recettes budgétaires plus considérables, en modifiant plusieurs des impôts ne produisant actuellement que peu de revenus au trésor, comparativement à leur importance, et, en outre, en recherchant d'autres bases d'impôts pour équilibrer les recettes et les dépenses de l’Etat et obtenir ainsi un excédant de ressources assez notable.
En passant successivement en revue les revenus du budget des voies et moyens, ou peut se convaincre qu'il y aurait possibilité d'y trouver des ressources plus considérables. C’est ainsi que la contribution personnelle, comme je crois l'avoir démontré antérieurement, si elle était basée sur une nouvelle évaluation des propriétés bâties, donnerait un revenu plus important qu'actuellement.
La révision de l'impôt des patentes mérite aussi d'attirer l'attention du gouvernement ; il y a encore des inégalités choquantes qui doivent nécessairement disparaître ; il y a des catégories de patentables, surtout parmi les financiers et commerçants, qui ne payent pas une juste part par rapport à l’importance de leurs bénéfices, tandis que d'autres payent comparativement trop ; il y a des professions qui ne sont pas encore patentées ; il n'y a pas de raison pour leur exemption de l’impôt des patentes.
Déjà, à plusieurs reprises j'ai vivement appuyé les propositions d'augmenter la redevance des mines, et de fixer un droit de concession en fa-1 veur du trésor ; il s agirait aussi d'examiner s'il ne faudrait pas, dans l'intérêt des finances de 1 Etat, fixer un3 cirlaine redevance sur l'exploitation clos mines de 1er et autres. f
J'espère que dans le courant de cette session on pourra s'occuper du projet de loi sur les mines présenté par mon honorable collègue et ami M. le baron de Man d'Attentode : il ne faut pas que le droit d'initiative des membres de la législature devienne une lettre morte, et que leurs propositions restent enfouies dans les cartons de la Chambre.
Je dois aussi, de nouveau, insister pour que l'on fasse produire plus au tabac, matière essentiellement imposable ; avec les droits de douane, l'impôt sur les tabacs devrait au moins rapporter 3 millions ; il est (page 217) vraiment inconcevable que le gouvernement, ayant besoin d'augmenter ses voies et moyens, ne veuille point tirer un meilleur parti des ressources que pourrait lui produire le tabac, qui, dans d'autres pays, offre des recettes très considérables, notamment en France, en Angleterre, en Prusse, et même dans l'Amérique du Nord, où le tabac paye à l'entrée 40 p. c. de sa valeur.
En révisant, comme le propose de faire le gouvernement, notre tarif douanier, j'espère que l’on diminuera les frais de perccption et de surveillance, se montant actuellement de 30 à 35 p. c., et en modifiant les taux exagérés de certains droits, on parviendra à n'établir qu'un droit purement fiscal qui sera réellement perçu. Il augmentera les recettes du trésor, tout en empêchant la fraude et ses primes.
Quant à l'accise sur les sucres, je crois que cet impôt, ne donnant à l'Etat qu'environ une recette de 3,500,000 fr., ne contribue pas assez largement dans les voies et moyens du trésor ; je voudrais que le gouvernement fît examiner s'il n'y aurait pas lieu d'admettre la proposition faite, il y a quelques années, par l'honorable M. Mercier, de ne permettre l'exportation des sucres, avec la restitution des droits, que pour autant qu'ils aient été raffinés en entrepôt.
L'Etat retirerait alors de cette denrée de luxe au moins la somme de 5 à 6 millions de francs. D'après la note fournie à la section centrale les pertes qu'essuie le trésor par suite de l'exportation du sucre raffiné s'élèveraient annuellement à 2,345,938 fr. Dans la situation si peu prospère de nos finances, il faudrait examiner si l’Etat doit persister à faire des sacrifices au moyen des primes, pour certaines industries favorisées ; si ce système pernicieux pour le trésor public doit être maintenu.
Malgré les objections que l'on m'a faites contre le rétablissement du timbre des journaux, je crois devoir persister dans mon opinion ; si le rétablissement de ce droit devait porter, comme on l'a dit, une atteinte à la liberté de la presse, je m'opposerais formellement à son rétablissement ; mais avant 1848, lorsque ce timbre existait, aucune atteinte n'était portée à cette liberté.
Je demanderais : Pourquoi le maintient-on en Angleterre où la presse jouit de la liberté la plus complète, et où elle exerce la plus grande et la plus heureuse influence, tandis qu'aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord, où n'existe aucun droit sur les journaux, ceux-ci n'y ont presque aucune influence politique, et y jouissent, en général, de peu de considération.
Si l'on ne veut pas du mot de timbre, ou d'une taxe des journaux, qui paraît effrayer ceux qui actuellement profitent d'un privilège accordé en 1848, je demanderai formellement que l'on frappe d'un timbre les annonces dans les journaux ; c'est une spéculation financière, comme toute autre, et ceux qui se disent chargés de défendre la liberté et l'égalité constitutionnelle devraient commencer par donner l'exemple, contribuer aux charges de l'Etat, et soutenir avec moi qu'il doit y avoir, dans un pays régi par la constitution la plus libérale du continent, égalité devant la loi comme devant le fisc, c'est-à-dire, pas de privilégiés en matière d'impôt.
Sous le rapport des péages sur les rivières et canaux, il est à observer que, depuis quelques années, l'on a considérablement diminué les revenus du trésor par les réductions des péages sur certains canaux et rivières ; ces diminutions de revenus doivent donc être compensées par d'autres ressources, et si, pour le moment, les revenus des péages se sont un peu relevés, cela tient uniquement à la circonstance toute exceptionnelle de la forte reprise des affaires, par l'exportation des houilles, fers, etc. ; mais si l'on revenait à l'état normal, il est probable que les ressources du trésor provenant de ces péages diminueraient encore. Il faudrait examiner si, en faisant une plus juste répartition de tous les péages, il n'y aurait pas moyen d'augmenter leurs ressources.
Le chemin de fer commence à présenter un résultat avantageux pour les recettes du trésor ; cependant, il faudra encore accorder au département des travaux publics des sommes assez importantes pour le parachèvement de notre voie ferrée, et pour le renouvellement d'une partie du matériel. Il faut donc que l'administration, pour pouvoir maintenir l'exploitation par l'Etat, cherche par tous les moyens à l'améliorer, à la rendre moins onéreuse, réellement profitable aux intérêts du pays, à augmenter ses produits, et ainsi compenser les énormes charges qui grèvent le budget de la dette publique, par suite des capitaux que l'on a été obligé d'emprunter pour faire face aux dépenses de rétablissement du railway national ; il faudrait, sous ce rapport, de l'économie dans l'exploitation, et dans l'administration suivre l'exemple des sociétés concessionnaires.
J'espère que la commission permanente du chemin de fer stimulera, sous ce rapport, le zèle de cette administration, et que cette commission ne sera pas un rouage inutile auprès de la haute direction de nos voies ferrées. Si d'autres ressources étaient nécessaires pour maintenir l'équilibre entre les recettes et les dépenses de l'Etat ; pour, surtout, pouvoir faire une répartition plus équitable des charges publiques, qui est le but de mes observations, on pourrait recourir à d'autres bases d'impôts, dont j'ai déjà eu l'honneur, en d'autres circonstances, d'entretenir la Chambre.
Je désire toutefois que le gouvernement introduise dans les différentes administrations de l'Etat la plus stricte économie, et le moins d'intervention possible dans des entreprises qui pourraient être laissées à l'exécution particulière, à moins qu'elles ne doivent procurer de nombreuses ressources au trésor pour pouvoir successivement décharger certains contribuables, actuellement surchargés de contributions de toute nature.
C'est réellement par la trop grande extension dans les attributions que l'Etat s'est créées que l'on est parvenu à augmenter les charges du trésor, et l'on a singulièrement perdu de vue le principe de notre régénération politique : le gouvernement à bon marché. Maintenant, presque chaque année, les charges du gouvernement ont été augmentées, ce qui entraîne en définitive un accroissement de la part contributive des contribuables.
Pour établir une plus égale répartition des contributions, j'avais déjà indiqué antérieurement de nouvelles bases d'impôt ; quoique l'on ait fait quelques objections contre elles, je crois devoir persister dans mon opinion, et ma profonde conviction me fait une obligation de les signaler de rechef ; car pour qu'une vérité se fasse jour, il faut parfois la répéter, et ce n'est que quand l'attention publique a été attirée sur elle d'une manière plus spéciale que l'on parvient à la faire apprécier, à faire triompher la cause que l'on défend.
Il est incontestable qu'il n'y a pas une égalité équitable dans la répartition des charges publiques, et que sous ce rapport le revenu foncier est beaucoup plus fortement atteint par l'impôt direct de l'Etat que les autres revenus industriels, financiers et commerciaux, qui ne contribuent actuellement qu'à raison de 1/4 p. c, 1 1/2 p. c. ou 2 p. c. tout au plus ; ainsi certains de nos contribuables doivent supporter la plus large part des impôts, lorsque d'autres n'ont que peu ou point de rapports avec le fisc, et il y a beaucoup de nos concitoyens riches, ou jouissant d'une certaine aisance qui ne contribuent aux charges publiques que pour une trop minime part de leurs revenus ; les capitalistes, par exemple, ayant la plus grande partie de leurs ressources, soit en rentes ou créances hypothécaires, soit en rentes sur l'Etat, ne payent presque rien de ce chef au trésor ; c'est ainsi qu'environ 800 millions de capitaux en rentes et créances hypothécaires ne contribuent que dans les droits de constitution et d'inscription à charge des débiteurs, et dans les droits de succession, et les 600 et quelques millions de francs en fonds publics belges ne donnent presque aucune ressource à notre budget des voies et moyens. Et cependant, pourquoi l'Etat ne pourrait-il pas percevoir au moins un droit de transfert ?
L'on a prétendu que « par la conversion opérée de notre dette constituée de 5 à 4 1/2 p.c, les rentiers de l'Etat avaient dû subir une réduction de 1/2 p. c. sur leur revenu, et auraient, par conséquent, eu à supporter leur part dans les charges de l'Etat. »
Je ferai, à cet égard, remarquer qu'en Angleterre il y a aussi été question d'une conversion de la dette constituée ; néanmoins, les rentiers de l'Etat doivent y contribuer pour 5 p. c. par l’income tax dans les charges publiques, et actuellement même, ils supportent provisoirement une charge de 6 p. c.
L'on a, en outre, objecté que le système d'imposer les rentiers de l'Etaltétait le moins praticable, puisque le pays était saturé de sa dette publique ; qu'il serait difficile, dorénavant, d'en caser une plus forte partie en Belgique.
Quant à moi, je souhaite que réellement il soit plus difficile au gouvernement de se procurer des bons du trésor, et par suite des emprunts pour consolider la dette flottante ; on ne pourrait plus alors se laisser aller si facilement à décréter des dépenses extraordinaires, à voter des crédits supplémentaires et complémentaires aux budgets et des travaux extraordinaires dont les voies et moyens ne seraient pas couverts par nos ressources ordinaires.
J'ose engager MM. les ministres à vouloir méditer avec soin les sages observations que la cour des comptes vient d'adresser aux Chambres, à la page 43 de son cahier de cette session, sur la nécessité d'affecter de véritables voies et moyens aux crédits demandés en dehors de la loi annuelle des dépenses.
Nous voyons actuellement, lorsqu'il s'agit de créer de nouveaux impôts ou d'augmenter ceux existants, la grande difficulté que rencontre le gouvernement de les faire admettre par les Chambres législatives, et cependant l'on vote presque toujours les dépenses extraordinaires, et ainsi le déficit du trésor doit s'augmenter chaque année, au risque de compromettre le crédit de l'Etat, surtout en temps de crise.
Pour égaliser autant que possible les charges des contribuables, il faut chercher à faire produire des ressources au trésor par les capitaux que j'ai indiqués, et qui, actuellement, échappent au fisc.
Ces capitaux sont imposés en Angleterre sans inconvénient aucun ; et le gouvernement anglais, lorsqu'il contracte des emprunts, obtient néanmoins un taux plus modéré que les autres puissances sur le continent.
Une autre ressource importante, que j'ai déjà plusieurs fois renseignées, c'est l’assurance par l'Etat contre l'incendie ; je sais que l'on a formé des objections plus spécieuses que sérieuses contre cette intervention de l'Etat ; elles proviennent, en grande partie, de l'opposition des sociétés puissantes d'assurances qui, actuellement perçoivent des bénéfices considérables,ctne voudraient pas en être privées par la concurrence du gouvernement ; cependant, si l'on considère que le capital effectif de ces sociétés est d'une si minime importance, comparativement à la somme énorme des assurances, on peut se convaincre que l'assuré n'a aucune garantie réelle.
La commission créée, dans le temps, pour élaborer un système (page 218) d'assurances générales de l'Etat, avait estimé que le bénéfice net annuel serait au moins de 4 millions de francs ; mais, d'après les études faites par d'autres publicistes, il résulte qu'en traitant sur le même pied que les compagnies, pour la totalité des valeurs assurables, le trésor pourrait en retirer un intérêt net beaucoup plus considérable. J'aurai l'honneur de faire remarquer à la Chambre qu'en Angleterre les assurances maritimes et contre l'incendie procurent au budget de l'Etat une recette de près de 50 millions.
Cette question mérite d'être de nouveau examinée ; en tout cas, il faudrait soumettre les polices d'assurances à un timbre proportionnel.
J'ai aussi indiqué, antérieurement, que les sociétés financières, industrielles et commerciales, ne sont cotisées, depuis 1849, qu'à raison de 1 et deux tiers p. c. de leurs bénéfices ; avant 1830, elles étaient taxées à 2 p. c, mais ne payaient rien sur les intérêts de leurs capitaux.
En Angleterre, pays essentiellement industriel et commercial, ces mêmes sociétés sont frappées d'un droit de 3 p. c. ; pourquoi en Belgique, l'Etat ne pourrait-il pas obtenir plus de ressources des nombreux capitaux engagés dans ces sociétés ?
L'augmentation du taux de la redevance de ces sociétés de 1 1/3 p. c. à 1 2/5 p. c. depuis 1849, est d'une trop minime importance, si on la compare à la contribution payée par la propriété immobilière, et si l'on considère, en outre, que les sociétés anonymes ne payent l'impôt que pour autant qu'elles fassent des bénéfices. C'est un véritable privilège dont elles jouissent, comparativement à d'autres contribuables, qui, ayant bénéficié ou non, doivent toujours contribuer aux charges publiques.
Jusqu'ici, ces sociétés anonymes n'ont fourni au trésor que peu de ressources ; d'après les renseignements que j'ai pu me procurer au département des finances, seulement pour l'année 1851 le produit de la redevance aurait été, pour cette année, de 235,433 fr. 70 c. au principal ; depuis, il paraît que l'on n'a plus tenu une note séparée de ce produit, qui serait compris avec l'ensemble des contributions directes.
Le produit indiqué ci-dessus, pour 1851, doit faire supposer que les actionnaires de ces sociétés auraient obtenu, pour cette année, un bénéfice net de plus de 14 millions de francs ; la propriété immobilière, avec un pareil bénéfice, aurait versé au trésor environ une somme de quinze cent mille francs.
Les octrois de ces sociétés et les transmissions de leurs actions devraient aussi être frappés d'un droit en faveur de l'Etat ; actuellement., les capitaux de ces sociétés, divisés en actions, passent dans différentes mains, sans payer le moindre tribut au trésor ; mais, lorsqu'il y a transmission de la propriété immobilière, l'Etat a toujours soin d'intervenir, et le trésor perçoit de ce chef un droit de 6 à 7 p. c. de la valeur de cette propriété.
Cette taxe sur les sociétés anonymes aurait pour effet de restreindre l'agiotage et l'exagération des capitaux de l'association ; on n'émettrait alors que le capital réellement nécessaire pour leur établissement ; on ne verrait plus une partie des capitaux employés à payer des primes aux Macaires de la Bourse, et à créer de gros appointements pour l'état-major de ces sociétés.
Avant de terminer mon discours, je crois devoir attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement sur des ressources plus importantes que le trésor de l'Etat devrait nécessairement retirer de la Banque Nationale. D'après la situation du trésor, au 1er septembre 1854, la part réservée à l'Etat dans les bénéfices annuels de cette banque conformément à la loi du 5 mai 1850, n'a été portée, pour 1853, qu'à la somme de 155,364 fr. 45 ; cette somme peut varier chaque année du plus au moins ; par contre, l'Etat lui paye annuellement, pour encaisser les recettes du trésor, une redevance de fr. 200,000 ; ainsi réellement le trésor national n'en retire aucun bénéfice et donne plus à la Banque qu'il n'en reçoit ; en outre, cette Banque obtient l'important privilège de pouvoir émettre pour 100 millions de billets au porteur.
Si un si grand avantage est accordé à une société financière, il me semble que le trésor de l'Etat devrait percevoir, en compensation d'un privilège aussi exorbitant, une somme beaucoup plus forte que celle qu'il reçoit habituellement. Un autre avantage dont cette banque profite largement, c'est de pouvoir pendant des mois, même des années, conserver des sommes très importantes de l'encaisse du pays, sans que l'Etat en retire aucun intérêt. D'après le rapport de la Banque nationale du 27 février 1854, l'encaisse de l'Etat, au 31 décembre 1853, se montait à la somme de 32,047,093 fr. 09 1/2.
D'après l'article 9 de la loi du 5 mai 1850, la convention conclue entre le gouvernement et la Banque sera révisée tous les cinq ans ; j'ose espérer qu'au prochain renouvellement de cette convention, le gouvernement voudra bien prendre en considération les observations que j'ai présentées sur la nécessité de faire contribuer la Banque nationale plus largement aux ressources du trésor.
Je renseignerai encore quelques autres bases d"impôts, dont on pourrait tirer parti ; dans d'autres pays, entre autres en Angleterre, l'Etat a établi un droit sur les briques, tuiles, papiers, matières facilement imposables ; l'on pourrait aussi établir de droits sur les carrières de pierres et tourbières, et rétablir les droits sur les vins indigènes, abolis en 1830.
En indiquant au gouvernement différentes nouvelles bases d'impôts, j'ai cru devoir le faire pour amener successivement une meilleure et plus équitable répartition dans les charges publiques, pour alléger ceux qui payent actuellement trop comparativement à leurs ressources ; car, dans un pays aussi libre et constitutionnel que la Belgique, il ne doit pas y avoir de privilèges en matière d'impôts : il faut l’égalité devant la loi, comme devant le fisc ; il faut que chacun contribue aux charges de l'Etat d'après ses moyens.
M. Van Grootven. - Messieurs, le budget des voies et moyens est pour moi un des plus intéressants et des plus importants que la Chambre puisse avoir à discuter dans le cours de cette session. Il est vrai de dire que le rapport de notre honorable collègue, M. Rousselle, a rendu notre examen extrêmement facile. Ce rapport est clair, lucide et d'une intelligence à la portée de tout le monde. C'est ce que réclame un document de cette espèce.
Je trouve, messieurs, la situation du trésor satisfaisante, eu égard aux circonstances difficiles que nous traversons. Nous aurions même lieu de nous applaudir de cette situation, si, par suite des sacrifices que le trésor public subira par la réduction de quelques droits de douane compris dans la loi sur les denrées alimentaires, l'insuffisance des recettes sur les dépenses ne devait pas dépasser,60,000 francs à la fin de l'exercice dont nous nous occupons.
D'après le travail de la section centrale, qui a examiné avec une attention très scrupuleuse les diverses évaluations, il nous est permis d'espérer que tous les articles du budget des voies et moyens atteindront leurs évaluations, et alors le déficit n'excédera pas la somme modique de 60,000 francs que je viens d'indiquer, même après une défalcation de deux millions pour crédits extraordinaires et supplémentaires pendant l'exercice 1855.
S'il est vrai de dire, messieurs, que la moindre augmentation de recette (et j'ai lieu d'espérer que nous l'obtiendrons) peut couvrir le déficit de 60,000 fr., j'ajoute aussitôt que ce déficit prendrait une proportion plus forte, si la Chambre ne votait pas la loi du 31 décembre 1853 sur le contingent de l'impôt foncier, loi qui garantit au trésor une ressource de 525,540 fr.
Messieurs, cette loi nous a été demandée il y a trois ou quatre ans, par l'honorable ministre des finances, M. Frère-Orban. J'ai même été chargé de faire un rapport sur ce projet, et je me suis fortement opposé à son adoption. Je ne suis pas, vous le savez, partisan d'augmentations sur l'impôt foncier. Il me semble que la propriété foncière, en Belgique, supporte largement sa part.
L'honorable comte de Renesse vient encore d'appuyer cette opinion par plusieurs considérations très importantes et que la Chambre a écoutées attentivement.
Quoi qu'on en dise, messieurs, la loi du 31 décembre est une augmentation déguisée de l'impôt foncier. D'après la loi, le contingent en Belgique doit rester invariable ; il ne peut être augmenté ni diminué, quel que soit l'accroissement de l'impôt annuel sur les propriétés. C'est donc une somme de 526,000 fr. qui devrait être répartie entre un nombre considérable d'ayants droit, et qui pour chacun d'eux serait peu de chose.
Ce n'est pas à ce point de vue que je suis contraire à la loi de 1853. Mais personne ne saurait méconnaître que cette loi porte une infraction au principe de la contribution foncière.
Messieurs, cette année je voterai cette loi, tout en en réprouvant le principe, parce que, il faut bien en convenir, nous nous trouvons dans des circonstances réellement exceptionnelles, et dont personne d'entre nous ne saurait méconnaître la gravité et l'incertitude.
L'année dernière déjà la Chambre a sanctionné par un vote la demande que M. le ministre des finances lui avait faite et a voté la loi comme le gouvernement nous le propose encore cette année. Je pense que le parlement cédera de nouveau au désir exprimé et qu'il votera cette loi, d'autant plus qu'il est nécessaire de couvrir par des ressources nouvelles le déficit que le trésor éprouvera en 1855, par suite de notre vote récent de la loi sur les denrées alimentaires. On peut dire au surplus que la part pour laquelle chacun contribuera dans l'impôt que réclame le ministre pour cette année seulement, sera telle qu'elle ne pourra être ressentie par aucun d'eux.
Je crois, messieurs, vous avoir indiqué les motifs pour lesquels je voterai cette année la loi du 31 décembre 1853. Si l'on voulait faire de cette loi, qu'on déclare provisoire aujourd'hui, une loi permanente, j'aurais à examiner s'il y a lieu de l'adopter.
Messieurs, avant de terminer, je tiens encore à rappeler au cabinet la promesse qu'il nous a faite et à laquelle il ne faillira pas, je l'espère, d'introduire dans les dépenses de l'Etat toutes les économies compatibles avec une bonne et régulière administration.
Il faut bien le dire, il y a beaucoup de gêne dans la société, et le temps des impôts nouveaux me paraît définitivement passé. Il ne reste donc plus au cabinet présent et aux cabinets à venir que de songer aux économies, d'y songer constamment et sérieusement ; c'est le seul moyen d'éviter aux contribuables des charges nouvelles.
M. Osy. - Messieurs, comme l'honorable préopinant, je dirai que ma tâche est rendue très simple par le rapport de la section centrale qui a examiné avec beaucoup d'attention les évaluations du budget des voies et moyens.
Je rends grâce au gouvernement d'avoir, cette année, réduit considérablement le chiffre de la dette flottante. Il est vrai que le gouvernement a fait un sacrifice, mais je crois que, dans les circonstances (page 219) présentes, il était nécessaire de pourvoir au grand déficit que nous avions.
Le gouvernement nous demande aujourd'hui 13 millions de bons du trésor pour satisfaire au découvert encore existant. Ce chiffre ne me paraît pas trop considérable, et, sous ce rapport, je pense que nous devons être tranquilles sur la marche des affaires du pays.
Je demanderai à M. le ministre des finances si le chiffre de 450,000fr., proposé du chef de recouvrement d’avances, n'est pas trop élevé. J'ai examiné le tableau des sommes à recouvrer par le gouvernement et que la section centrale avait déposé sur le bureau. Ces sommes montent à près de 6 millions ; mais dans ce chiffre sont compris 450,000 francs avancés à une grande société ; il y a là un engagement pris. Il ne reste donc en réalité qu'un peu plus d'un million. Le gouvernement aura de la peine à recouvrer 450,000 francs pendant l'année 1855. Il y aurait donc peut-être quelque chose de ce chef à défalquer du budget.
J'ai dit, tout à l'heure, que la section centrale a déposé sur le bureau l'état des sommes à recouvrer par le gouvernement. Pour pouvoir se rendre bien compte de ce tableau, il faudrait adopter une autre marche. Je proposerai à la Chambre de le renvoyer à la commission des finances ; la commission pourrait examiner avec soin les raisons du retard apporté au payement de diverses avances faites par le gouvernement ; elle demanderait au gouvernement des éclaircissements à cet égard.
Maintenant qu'on est d'accord que toutes nos recettes et toutes nos dépenses doivent figurer au budget, je renouvelle une proposition faite par moi depuis plusieurs années de renseigner au budget de l'Etat le produit des inscriptions prises pour l'obtention des grades académiques, ainsi que les indemnités à payer aux membres des jurys d'examen ; la cour des comptes a fortement appuyé la proposition que j'ai faite en ce sens, à plusieurs reprises. On a aujourd'hui nommé un agent comptable qui a, je crois, déposé un cautionnement. Il faudrait de plus que les recettes et les dépenses relatives au jury fussent renseignées au budget, et la dépense au budget de l'intérieur, de manière qu'il y aurait un contrôle sur le tout.
Je vois aussi dans le rapport qu'on espérait, avant la fin de la discussion, savoir du gouvernement quelle somme devra être portée au budget des voies et moyens, comme recette, et au budget de l'intérieur, comme dépense, du chef de l'objet dont je viens de parler ; si M. le ministre des finances n'avait pas le chiffre sous les yeux pour le budget actuel, je demanderai au moins que pour 1856 nous rentrions dans la régularité, et qu'on suive cette marche pour le budget qui sera présenté un mois de février prochain.
Je demanderai également à M. le ministre des finances s'il ne faudrait pas porter, soit à ce budget-ci, soit au budget prochain, des abonnements pour couvrir les frais de surveillance de certaines fabriques : par une loi que nous avons votée dernièrement, nous avons autorisé le gouvernement à percevoir des droits de surveillance des distilleries, comme nous l'y avions autorisé l'année dernière pour les fabriques de produits chimiques ; je demanderai que ces recettes soient portées au budget des voies et moyens, comme les dépenses qui y correspondent doivent figurer au budget des finances.
Il me reste un mot à dire sur l'augmentation de l'impôt foncier. Dans les circonstances où nous nous trouvons, je crois qu'il est très sage d'accorder encore pour 1855 ce que nous avons accordé pour 1854 ; sans cela il serait impossible d'équilibrer les recettes et les dépenses. J'ai dit l'année dernière pour quels motifs je suis opposé, en principe, à une telle augmentation ; mais cette année je la voterai par exception comme je l'ai fait l'année dernière.
M. Verhaegen. - Messieurs, j'entendais dire à mes côtés, il n'y a qu'un instant, que dans les circonstances où nous nous trouvons, il faut introduire dans les dépenses de l'Etat toutes les économies possibles, et l'on faisait à cet égard une recommandation toute spéciale au gouvernement.
Je me joins à l honorable membre qui présentait ces observations ; je pense que tous, dans cette enceinte, nous sommes bien d'avis que l'on ne fasse aucune dépense inutile et que le gouvernement réalise en toute circonstance toutes les économies compatibles avec la marche régulière des services publics.
J'entendais dire aussi qu'il ne faut pas de nouveaux impôts, et que, surtout dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons, il faut ménager les classes souffrantes ; je suis encore parfaitement de cet avis.
Cependant, quand il y a des déficits, il faut bien les couvrir. On tenait aussi ce langage à une certaine époque où nos amis étaient au pouvoir ; il fallait alors couvrir un déficit, on l'a couvert courageusement, grandement, c'est la loi sur les successions qui l'a comblé. Cette loi qui a fait beaucoup crier d'abord, qui a jeté une certaine irritation dans le pays, est passée maintenant dans les habitudes, et l'impôt se perçoit très facilement. C'est un impôt juste quoi qu'on en dise, un impôt équitable, car il frappe l'aisance, il frappe là où il y a des ressources. C'est un impôt qui a pris racine dans le pays. C'est, si vous voulez, un legs de l'ancien ministère, mais il restera, car tout le monde l'a accepté, et on se gardera bien d'y toucher, quels que soient la majorité et le ministère qui la représentent.
Si, contre toute attente, il pouvait encore un jour y avoir lieu à couvrir un déficit, pour cette hypothèse, je recommande au gouvernement tes impôts que j'ai déjà recommandés si souvent, et que je recommanderais même à titre de réforme, n'y eût-il pas de déficit, car il faut alléger le fardeau des classes qui souffrent, il faut diminuer certains impôts qui sont injustes, sinon les mettre à néant, il faut frapper l'aisance et le luxe. Ceci me rappelle notre discussion du mois de mars dernier, discussion qui a eu une fin si malheureuse.
Depuis plusieurs années nous restons toujours dans la même voie, et je puis dire dans la même mauvaise voie ; tous les ans nous avons à discuter un budget des voies et moyens basé sur des impôts que nous n'avons cessé de critiquer. Il semble qu'on ait pris à tâche de laisser les choses dans l'état où elles sont ; la mauvaise assiette de l'impôt reste subsister.
Il y a dans la Constitution un certain article, l'article 139, si je ne me trompe, qui exige la révision des lois en matière d'impôts le phs tôt possible.
Si je me rappelle bien, en 1842, on présenta un premier projet de loi de réforme de la contribution personnelle ; mais il y eut tant d'observations critiques que le projet ne fut pas examiné, et qu'il finit par être abandonné en 1844.
Il y eut un nouveau projet présenté en 1849 par le ministère du 12 août ; ce projet, personne ne le contestera, renfermait beaucoup d'améliorations, mais, par des raisons qu'il est inutile de détailler, la discussion en fut entravée. A l'avénement du ministère actuel, des amendements furent proposés et renvoyés à l'examen de la section centrale, et, après beaucoup d'cfl'orls, on n'arriva à la discussion publique qu'au mois de mars dernier.
Nous espérions du moins alors arriver au résultat que nous voulions atteindre depuis longtemps. Nous trouvions dans ce projet amendé certaines bases qui frappaient et l'aisance et le luxe ; nous nous sommes permis de faire aussi à notre tour certains amendements.
Quelques honorables membres avaient critiqué les bases nouvelles présentées par le ministère, entre autres la septième base frappant un droit sur les voitures ; l'honorable M. Osy ne voulait pas de cette base ; il s'en expliquait d'une manière assez claire dans la séance du 8 mars :
« Je ne puis, disait l'honorable membre, donner mon assentiment aux sept bases indiquées, parce qu'elles font double emploi, notamment quant à la septième.
« A l'article portes et fenêtres, nous portons à 10 fr. l'impôt pour les portes cochères ; ensuite pour les personnes qui tiennent deux chevaux, il y a augmentation de 8 fr. par cheval, ce qui fait pour deux chevaux une augmentation de 16 fr. ; de plus, d'après la proposition de M. le ministre, uu droit uniforme de 12 fr. serait perçu sur une voiture à 4 roues.
« Je le demande à ceux qui ont une voiture, quand on a deux chevaux on a deux voitures. C'est encore un impôt de 24 francs, de manière que pour avoir un équipage à deux chevaux, on devra payer 50 francs de plus d'après la loi nouvelle.
« Le droit de 12 francs par voiture est trop élevé. Non seulement certaines personnes ont deux voitures, mais elles en ont trois, elles en ont quatre, et, dans ce cas, l'impôt serait de 50 francs. »
Uu honorable membre qui ne siège plus dans cette enceinte, l'honorable M. Moxhon de s'écrier : « Mais véritablement il y a de quoi s'apitoyer sur le sort de ces malheureux qui ont équipage, et qui sont obligés de payer 50 francs pour l'agrément de se faire traîner en voiture ! »
Tout en appuyant l'observation de l'honorable M. Moxhon, je m'empressai de faire remarquer que l'impôt proposé n'était pas assez élevé, qu'il fallait le quadrupler et même établir une certaine progression à raison du nombre.
J'indiquais, en outre, quelques autres objets de luxe qui pourraient servir de base à des impôts nouveaux.
On se préparaît à discuter ; mais qu'arriva-t-il ? On vint demander demander l'ajournement de la loi, et sous quel prétexte ? Sous prétexte que, pour la première base, il fallait attendre que la révision du cadastre fût accomplie. J'eus l'honneur de faire observer que la révision du cadastre pouvait bien être considérée comme nécessaire pour la première base, mais qu'elle était tout à fait inutile pour les autres bases étrangères à cet objet. J'insistai pour qu'on atteignît immédiatement les dépenses de luxe.
Mais une proposition d'ajournement fui adoplte, et la discussion fut renvoyée pour le tout à la session ordinaire de 1855-1856.
Nous voici donc dans la même situation que précédemment. On demande une amélioration, et l'ajournement est prononcé. Ainsi ceux qui prennent un si grand soin des classes qui souffrent ne font rien pour elles, attendu que les impôts les plus odieux continuent de les frapper, alors que des impôts qui pourraient très bien se percevoir sans injustice, sont renvoyés aux calendes grecques, parce qu'ils effrayent d'honorables membres, tels que l'honorable M. Osy.
Je demande que le gouvernement s'occupe sérieusement de cet objet. Si la question de la première base est renvoyée à la session prochaine, ce n'est pas une raison pour maintenir l'état actuel des choses et les injustices criantes qui se rencontrent dans les différentes bases de la contribution personnelle.
M. Osy. - L'honorable M. Verhaegen était certainement dans son droit en parlant de la révision de la loi sur la contribution personnelle. Mais il faut remarquer que la Chambre, comme il l'a reconnu, en a ajourné la discussion à la session de 1855-1856, parce que le gouvernement est obligé de faire des recherches pour faire une bonne loi.
(page 220) Sous ce rapport, la discussion serait impossible dans cette session, d'autant plus que c'est une décision prise par la Chambre, et sur laquelle ou ne peut revenir à l'occasion du budget, puisque la Chambre n'est pas encore saisie des éléments qu'elle a jugés nécessaires pour faire ia révision.
J'insiste avec l'honorable M. Verbaegen pour que le gouvernement présente un bon projet de révision, qui soit de nature à alléger la plus possible les charges qui pèsent sur les classes souffrantes.
L'honorable M. Verhaegen a profité de l'occasion du budget des voies et moyens pour parler de la loi des successions que l'ancien ministère avait présentée. D'abord, je dirai que cette loi a été proposée, non pour combler des déficits antérieurs, mais pour de grands travaux publics et pour combler le déficit résultant des garanties de minimum d'intérêt assurées à des sociétés de chemin de fer. Ensuite, ce n'est pas un droit de succession, mais un droit de mutations en ligne directe pour les immeubles. La loi des successions a été mutilée. Il n'est plus resté qu'une loi de mutations pour lu propriété foncière. Ce n'est donc pas une loi de successions. J'aurais désiré que cette loi ne fût pas votée ; niais de manière dont elle l'a été, je dois dire qu'elle est moins mauvaise que le projet de loi. L'honorable M. Verhaegcn le trouvait bon ; je le trouve mauvais ; j'ai le droit de le critiquer, comme il a le droit de le louer.
J'ai combattu la loi primitive. Cette loi n'a pas été votée par les deux Chambres. J'espère que la loi qui a été vtlée ne sera pas maintenue, et que, quand la situation financière le permettra, on pourra revenir sur un impôt très désagréable.
M. Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots.
J'ai appuyé, l'an dernier, ce qu'a dit l'honorable M. Verhaegen sur les impôts de luxe. Lorsque le gouvernement s'occupera de nouveaux impôts, il doit mettre la plus grande attention à frapper le luxe ; car il est réellement impossible d'augmenter les contributions qui pèsent sur la classe moyenne. Il est impossible d'augmenter les patentes, il n'est guère possible d'augmenter la contribution foncière.
On doit donc absolument songer à frapper le luxe.
Je n'ai demandé la parole que pour recommander au gouvernement, lorsqu'il s'occupera de cet objet, d'avoir égard à ce qui a été dit l'an passe. En Angleterre et dans d'autres pays il y a beaucoup d'objets de luxe qui sont frappés d'impôt. Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se faire également dans notre pays.
On a parlé du timbre des journaux et de l'augmentation du droit sur le tabac. On a déjà tenté d'augmenter ce droit ; on n'y a pas réussi.
Quant à rétablir le timbre des journaux, puisque nous avons proclamé le grand principe de la liberté de la presse, puisque nous avons voulu que la classe moyenne même pût lire les journaux, vous ne pouvez plus atteindre la presse d'un impôt qui viendrait lui enlever 30 à 40 p. c. du produit de son industrie.
Un pareil impôt aurait pour effet de ne plus permettre la lecture des journaux qu'aux personnes qui sont dans l'aisance, aux personnes riches. Or, je crois que telle ne peut être l'intention d'un gouvernement constitutionnel. Il doit vouloir que la presse soit libre. La frapper d'un impôt, ce serait diminuer la somme de nos libertés.
Je persiste donc à demander de préférence des lois somptuaires, des lois sur le luxe.
M. Rousselle, rapporteur. - Plusieurs honorables membres ont indiqué de nouvelles sources d'impôt. Quant à moi, messieurs, je désire sincèrement que le gouvernement ne soit pas réduit à la nécessité de créer de nouveaux impôts et qu'il puisse se borner à rechercher dans les impôts existants, les injustices qui peuvent s'y être glissées et à en proposer le redressement à la Chambre.
Il me semble que nous devons attendre sur ce point les différentes propositions que le gouvernement aura à nous soumettre.
Mais je le convie instamment à persévérer dans la marche qu'il a suivie, c'est-à-dire à faire des économies sur les articles des budgets des dépenses.
Précédemment, messieurs, les situations du trésor indiquaient toujours à une somme annuelle, d'un million les excédants de crédit.
Je vois avec une grande satisfaction que, dans la situation du trésor au 1er septembre dernier, ces excédants de crédit, qui sont pour moi des économies, s'élèvent, sur l'exercice 1852, à 1,900,000 fr. et que sur 1853 elle sera de 2,500,000 fr. Je convie instamment le gouvernement à persévérer dans cette marche, qui nous donnera une balance bien plus favorable entre nos budgets des recettes et ceux des dépenses.
M. de Mérode. - Je n'ai que peu de mots à dire sur le budget des voies et moyens. L'honorable M. de Renesse vous a faii dilférentes observations dont la plupart me paraissent très justes. Mais je voudrais que l'on ne complût pas beaucoup sur l'établissement de certains impôts, qui ne sont pas de nature à fournir des produits importants au trésor public. Ainsi, on fonde de grandes espérances sur les taxes qui frapperaient le luxe, qui frapperaient les armoiries, les voitures et autres objets de mêmes catégories. On croit qu'il y a là une espèce, de Pactole pour les recettes.
Mais toutes les fois qu'on a examiné ces impôts, on n'a rien trouvé de pratique. Si on les discute encore, je me réserve de montrer que la plupart de ces impôts ne produiraient presque rien et qu'ils anéantiraient l'industrie d'un grand nombre d'ouvriers.
M. Rodenbach. - Et en Angleterre ?
M. de Mérode. - Nous ne sommes pas en Angleterre. Quand les chevaux seront semblables à des éléphants, et que l'on pourra chasser le tigre sur la première de ces montures, sans risquer d'être dévorés, vous nous comparerez à l'Angleterre, à propos.
Mais toutes les fois que vous nous mettez sur la même ligne, vous nous assimilez à un pays auquel nous ne ressemblons pas. Comparez-nous à la France qui comporte cette similitude de mœurs, et voyez si en France on a pensé à établir les impôts sur le luxe que vous sollicitez comme une ressource sérieuse. Ces impôts n'y existent pas, et il est probable que si l'on en avait attendu de grands avantages, on les aurait établis.
Du reste, je ne veux pas entrer dans le fond du débat. Je veux seulement tenir la Chambre et le ministère en garde contre l'idée que l'on pourrait retirer en Belgique quelque bon résultat de ces sortes de contributions.
M. Orts. - J'ai demandé la parole pour adresser une question ou, si on le veut, une interpellation au gouvernement.
Tout à l'heure l'honorable M. de Renesse signalait à notre attention comme une source d'impôt ce qu'on peut percevoir et ce qu'on perçoit à titre de patente ou à d'autres titres sur les sociétés commerciales ou industrielles qui se trouvent établies sur notre sol, qui sont nationales.
Je demanderai à M. le ministre des finances si, au moment oh nous sommes saisis d'un projet de loi destiné à mettre les sociétés anonymes étrangères sur la même ligne que les sociétés anonymes nationales, il entre dans les vues du gouvernement de mettre aussi ces sociétés étrangères sur la même ligne que les sociétés anonymes nationales quant à l'impôt ; si, par exemple, le gouvernement a l'intention, en cas d'adoption du projet de loi, d'exiger des sociétés étrangères la patente proportionnelle au bénéfice, qu'il exige des sociétés nationales ?
M. Verhaegen. - Je ne puis laisser sans réponse les quelques mots qui vient de prononcer l'honorable comte de Mérode.
M. de Mérode prétend que si l'on frappait les objets de luxe que nous avons indiqués, la classe ouvrière en souffrirait. Je ne veux pas répéter ce que j'ai eu l'honneur de dire à cet égard, en mars dernier, en réponse à un autre discours de M. le comte de Mérode. Je le renvoie à mon discours.
M. de Mérode. - Et moi au mien.
M. Verhaegen. - Mais il nous dil que les impôts sur le luxe ne produiront presque rien, d'où la conséquence qu'il ne faut pas frapper le luxe. J'ai déjà eu l'honneur aussi de répondre à cette objection, et je me suis dit que si l'on voulait aller plus loin que nous et élargir les bases que j'indiquais, il était évident que cet impôt produirait un revenu assez considérable. Mais dût-il même ne produire que peu, cet impôt aurait au moins l'avantage de prouver aux classes qui souffrent que l'on est juste et que l'on s'adresse, avant tout, à la richesse et au luxe. Voilà l'avantage qu'il y aurait dans l'établissement d'un pareil impôt et, fût-il le seul, il sérail assez grand pour qu'il ne fallût pas l'abandonner.
M. de Mérode. - L'honorable M. Verhaegen nous a proposé l'année dernière, entre autres impôts, un impôt sur les armoiries ; il vous a proposé de taxer les armoiries des voitures à 80 fr. Eh bien, que résulterait-il d'un impôt semblable ? C'est que de petits ouvriers peintres se trouveraient sans occupation. (Interruption.)
L'honorable M. Verhaegen prétend qu'il veut soulager les classes malheureuses. Je dis que ses propositions auraient un résultat tout contraire et qu'il invente des impôts tels, que ceux qui vivent de certains travaux se trouveraient privés de pain. C'est pour cela que je combats ses propositions.
Si l'on pouvait en obtenir quelque résultat, je ne demanderais pas mieux que de voir frapper chaque annoirie d'un impôt de 10,000 fr. si cela peut faire vivre le trésor public. Je souhaite de tout mon cœur qu'on puisse faire prospérer le trésor public avec de pareilles ressources, mais je suis convaincu que s'il n'en avait pas d'autres, il resterait parfaitement à sec.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Parmi les observations qui ont été présentées dans la discussion générale, il en est quelques-unes qui se rattachent aux articles du budget, et celles-là j'aurai l'honneur de les rencontrer dans la discussion des articles.
D'autres observations ont pour but de faire voir qu'il existe encore une foule d'objets imposables pour le cas où il faudrait établir ces impôts nouveaux. Mais, messieurs, cette nécessité d'établir ces impôts nouveaux existe-t-elle, et faut-il se préoccuper en ce moment de la question de savoir quels seront un jour les meilleurs impôts ?
Je suis heureux de pouvoir le dire à la Chambre (et la situation du trésor qui vous a été distribuée l'atteste), en ce moment rien n'indique que dans un avenir rapproché il doive y avoir nécessité d'établir des impôts nouveaux. En effet, messieurs, depuis trois ans nos recettes, avec les impôts existants, progressent de un à deux millions par an, et cela malgré la double crise au milieu de laquelle nous vivons.
(page 221) Eh bien, messieurs, vous admettrez avec moi, je pense, que si cette progression continue, il ne sera nullement nécessaire d'établir d'autres impôts ; pour ce faire, nos dépenses devraient progresser d'une manière plus rapide que les recettes normales du budget. Or, je ne puis admettre qu'il faille chaque année ajouter deux millions aux dépenses normales de l'année précédente.
Je ne pense pas, messieurs, qu'il soit nécessaire de démontrer que dans un gouvernement parlementaire, plus encore peut-être que dans un gouvernement absolu, le ministre des finances tiendrait une conduite injustifiable en venant réclamer des impôts permanents, lorsque la nécessité la plus absolue n'en est pas établie.
Mais, messieurs, s'il n'existe pas de nécessité de créer des impôts permanents, il résulte également des documents qui soit, sous vos yeux, qu'il y a une nécessité relative de créer un impôt temporaire. Il n'y a donc qu'à choisir entre les divers impôts temporaires ; quant : :n trésor, pourvu qu'if reçoive ce qui lui est nécessaire, il se tient pour satisfait.
En ce qui me concerne, après avoir beaucoup examiné cette question, sous toutes ses faces, j'ai pensé que, dans une année où la propriété foncière jouit du double avantage d'avoir une récolte très abondante et des prix très élevés, il est juste, quoique j'eusse pris l'engagement de ne pas renouveler cette loi, il est juste, dis-je, de lui demander encore le léger sacrifice qu'elle a bien voulu faire l'année dernière par la loi du 31 décembre 1853.
Du reste, messieurs, à l'occasion de l'article premier, s'il s'élève des objections contre cet impôt, je suis prêt à y répondre.
Je me dispenserai donc, messieurs, d'examiner les diverses matières imposables qui ont été indiquées dans la discussion. Il y a cependant un point qui a été touché par M. de Renesse, mais qui n'est pas, à proprement parler, une question d'impôt. Comment est-il possible, a dit cet honorable membre, que le gouvernement n'exige pas de la Banque nationale une part plus large dans le bénéfice net de cet établissement ?
Messieurs, si la loi du 5 mai 1850 était à refaire, ou si la législature de cette époque avait pu prévoir le développement considérable qu'a pris la Banque nationale on aurait peut-être pu permettre au gouvernement d'élever quelque peu, de cinq en cinq ans par exemple, la part de l'Etat, mais, en 1850, il c'était donné à personne de prévoir qu'en si peu de temps l'établissement serait arrivé à un si haut degré de prospérité. Il en résulte que la législature a fixé, si ma mémoire est fidèle, à un sixième du bénéfice net, la part du trésor public.
Aussi longtemps, messieurs, que les statuts de la Banque nationale existeront, aussi longtemps que son privilège ne sera pas expiré, en présence de la loi de 1850, il sera impossible au gouvernement de rien modifier à cet état de choses. Du reste, messieurs ce sixième n'est pas un bénéfice à dédaigner ; cela s'élève presque à la somme que nous coûté la centralisation de nos recettes dans le pays. (Interruption.) Oui, la patente comprise, je crois que la Banque nationale nous paye les 200,000 francs que nous coûte la centralisation de nos recettes. Eh bien, je ne pense pas qu'on puisse citer en Europe un pays qui soit dans une situation si favorable.
En dehors de la question de l'établissement d'impôts nouveaux, on a bien voulu attirer l'attention du gouvernement sur l'utilité d'une révision des impôts existants, révision prescrite, ajoute-t-on, par la Constitution. Eh bien, messieurs, je ne recule pas devant cette mission, j'ai même beaucoup de matériaux préparés, mais j'ai la conviction que ce serait une grande faute que de présenter des lois de réforme sur un impôt quelconque dans une année de crise, parce que, malgré vous, vous, élus du peuple, vous seriez obligés d'examiner ces lois de réforme sous la piession des circonstances du moment.
Ainsi, prenons pour exemple la loi des patentes ; il est impossible, si, à l’heure qu'il est, une pareille loi était en discussion, que chacun de vous ne se crût obligé de diminuer la patente d'un très grand nombre de petits détaillants qui souffrent par suite des circonstances où nous nous trouvons. Qu'en résulterait-il ? C'est que, tout en augmentant, en doublant, en quadruplant la patente de quelques établissements importants, très peu nombreux dans le pays, vous imposeriez au trésor une perte sensible. Je dis donc que, pour discuter une pareille réforme avec toute la maturité et la tranquillité d'esprit nécessaire, il faut l'aborder à une époque normale et non pas au milieu d'une double crise comme celle que nous traversons en ce moment.
L'honorable M. Orts m'a posé la question de savoir si, aujourd'hui qu'il s'agit d'accorder aux sociétés anonymes étrangères la faculté de faire valoir leurs droits devant les tribunaux belges, il entre dans les intentions du gouvernement de les mettre aussi dans le droit commun sous le rapport de la patente. Je remercie l'honorable membre d'avoir appelé mon attention sur co point qui m'était échappé jusqu'ici ; mais il me serait très difficile de répondre en ce moment : ces sociétés ayant leur siège et leur avoir à l'étranger, je ne sais pas jusqu'à quel point le gouvernement belge pourrait les atteindre. C'est une question à examiner et elle peut être discutée en même temps que la loi à laquelle l'honorable membre a fait allusion.
M. Orts. - Messieurs, ce que j'ai demandé, je l'ai obtenu ; c'est une promesse d'examen, accompagnée de la déclaration que rien n'est préjugé contre l'opinion que j'ai émise tout à l'heure. Je suis satisfait.
- La discussion générale est close.
On passe au tableau du budget des voies et moyens.
« Principal : fr. 15,944,527.
« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 478,335.
« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 318,890.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,594,452.
« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 550,086.
« Ensemble : fr. 18,886,290. »
- Adopté.
« Principal : fr. 8,730,000.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 873,000.
« Ensemble : fr. 9,605,000. »
- Adopté.
« Principal : fr. 3,180,00.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 318,000. »
« Ensemble : fr. 3,498,000. »
- Adopté.
« Principal : fr. 300,000.
« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 30,000.
« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 16,500.
« Ensemble : fr. 346,500. »
- Adopté.
« Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 900,000. »
« Droit de débit des tabacs : fr. 170,000.
« Droits d’entrée (16 centimes additionnels) : fr. 11,000,000.
« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 100,000.
« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 25,000.
« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 525,000.
« Timbres : fr. 35,000.
« Ensemble : fr. 11,685,000. »
M. de Renesse. - J'ai l'honneur de demander à l'honorable ministre des finances, s'il ne compte pas présenter sous peu un projet de loi pour proroger la loi du 31 décembre 1853, qui autorise le gouvernement à régler temporairement le tarif des charbons de terre. D'après l'article 2 de cette loi, les effets doivent en cesser au 31 décembre de cette année, si la loi n'est pas renouvelée avant cette époque.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Le projet de loi sera déposé demain.
- Le chiffre de 11,685,000 francs est adopté.
« Sel (sans additionnels) : fr. 4,500,000. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - L'honorable M. Osy m'a demandé dans quelle partie du budget est renseigné le produit de sel employé dans les fabriques de produits chimiques. D'après la loi que nous avons faite, vous le savez, messieurs, il n'y a pas d'exemption : mais on a établi pour le sel destiné à la fabrication des produits chimiques un droit sur le sel, moindre que l'impôt supporté par le sel domestique. On a calculé que le sel employé ainsi dans les fabriques des produits chimiques rapporterait ensemble une somme de 40,000 fr., et on a ajouté ces 40,000 francs au produit ordinaire du sel.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Vins étrangers (sans additionnels) : fr. 2,150,000. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie étrangères (sans additionels) : fr. 170,000. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnels) : fr. 4,650,000. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, l'honorable M. Osy a bien voulu me demander à quel article du budgel se rapporte la somme de 10 centimes à payer éventuellement par les distillateurs qui travailleront sous le régime d'entrepôt, des sirops, sucres et mélasses, venant de l'étranger. Nous avons fait dernièrement une loi qui permet de distiller ces matières sous ce régime. Mais comme il s'agit là de faire une expérience, il faudra une surveillance constante, une section d'employés en permanence dans chacun des établissements qui se livreront à ces essais. Or, pour indemniser le trésor de la perte qu'il s'imposera du chef du personnel, il est établi dans la loi que les distillateurs payeront au trésor 10 centimes par hectolitre de cuve-matière mise en macération.
(page 222) Eh bien, je crois qu'il serait prudent de ne pas faire figurer pour la première fois cet article au budget.
Outre qu'il me serait très difficile, à l'heure qu'il est, d'indiquer un chiffre quelconque, il arrivera peut-être qu'aucun distillateur ne fasse usage de cette faculté. En effet, aujourd'hui et jusqu'au 1er janvier prochain, les distillateurs ne font que des essais pour lesquels, d'après la loi, ils ne payent rien ; il est possible que ces essais ne leur paraissent pas assez favorables pour accepter la charge que la loi leur impose, à dater du ler janvier prochain ; je sais de bonne source que des industriels qui distillent à l'heure qu'il est, du sucre de Havane sous régime d'entrepôt, obtiennent un résultat désastreux pour leurs intérêts et qu'ils devront peut-être abandonner cette distillation.
Si l'expérience n'est pas plus favorable pour les sirops et mélasses venant de l'étranger, il pourra très bien se faire qu'au 1er janvier prochain, les distillateurs qui se livrent à ces essais déclarent aussi qu'ils ne veulent pas accepter le bénéfice de l'article 6 de la loi votée par la Chambre. Dès lors, nous aurions dans le budget une recette qui ne s’effectuerait pas. La Chambre se contentera sans doute de ma déclaration que si le vœu de l'article 6 se réalise, le gouvernement fera figurer un article de ce chef dans le budget des voies et movens de l'exercice 1856.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Bières et vinaigres (sans additionnels) : fr. 6,440,000. »
- Adopté.
« Sucres de canne et de betterave : fr. 3,500,000. »
- Adopté.
« Glucoses et autres sucres non cristallisables : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Timbres sur les quittances : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l’Etat : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 10,700,000. »
- Adopté.
« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 275,000. »
- Adopté.
« Hypothèques (principal et 26 centimes additionnels) : fr. 1,800,000. »
- Adopté.
« Successions (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 6,500,000. »
- Adopté.
« Droits de mutation sur les successions en ligne directe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 1,350,000. »
M. Desmaisières. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour signaler à la Chambre une lacune qui me paraît exister dans la loi sur les droits de mutation en ligne directe. L'article 3 est ainsi conçu :
« Le gouvernement déterminera périodiquement à l'aide des ventes publiques enregistrées pendant les cinq dernières années au moins, et en diminuant les prix d'un dixième, le rapport moyen du revenu cadastral à la valeur vénale.
« Ce rapport sera établi distinctement pour les propriétés bâties et pour les propriétés non bâties, soit par bureau de perception, soit par caution ou par commune.
« Les héritiers pourront le prendre pour hase de l'évaluation des immeubles soumis au droit de mutation établi par les articles précédents. Dans ce cas, leur déclaration sera appujéc d'un extrait de la matrice cadastrale.
« La valeur vénale des immeubles dont le revenu n'est pas constaté à la matrice cadastrale, ainsi que les immeubles pour lesquels les héritiers n'useront pas de la faculté accordée par le paragraphe précédent, sera déclarée, conformément à l'article 11 A de la loi du 27 décembre 1817. »
Ainsi, messieurs, il résulte des différents paragraphes de cet article de la loi que je viens de citer, que pour tous les biens immeubles à l'égard desquels il est constaté un revenu cadastral, les contribuables peuvent faire leur déclaration de mutation en se basant sur un multiplicateur à indiquer par le gouvernement. Or, il existe un revenu cadastral établi pour les bois, et cependant l'arrêté royal du 28 juillet 1852 qui a indiqué les multiplicateurs dont peuvent se servir les contribuables pour les droits de mutation, n'en porte pas pour les bois ; les bois sont même formellement exceptés.
Je désirerais que M. le ministre voulût bien expliquer pourquoi l'arrêté dont je viens de parler n'indique pas de multiplicateur pour les bois.
Car en vertu de la loi, le contribuable pourrait dire : Je ne puis payer le droit de mutation sur les bois, qu'autant que vous me donniez un multiplicateur ; aussi longtemps que vous ne m'en donnerez pas, je suis autorisé, par la loi, à ne pas payer le droit de mutation.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Mon honorable prédécesseur pourrait mieux que moi répondre à l'interpellation de l'honorable membre.
L'arrêté en effet n'établit pas le revenu au moyen duquel les héritiers peuvent se dispenser de faire procéder à une expertise des bois. Je suppose qu'on aura été arrêté dans l'exécution par la grande différence qui existerait entre une multitude de bois d'une commune à une autre. La simple croissance des bois fait que d'un hectare à l'autre un bois n'est plus comparable ; l'un présentera une belle futaie, l'autre n'aura que quelques petits arbres rabougris.
Cependant, il y a un revenu cadastral ; il a bien fallu pour l'impôt foncier fixer un revenu quelconque dans le cadastre ; mais si on voulait prendre le revenu d'un bois pour fixer le revenu d'un autre bois, je crois qu'il y aurait de grands inconvénients dans la pratique ; le trésor y perdrait et on n'atteindrait pas le but que s'est proposé le législateur. En effet qu'a-t-on voulu ? Eviter les expertises.
Eh bien, il résulterait de l'application qu'on voudrait faire de la loi, que pour les bois bien plantés on accepterait le multiplicateur du gouvernement, et le trésor serait lésé, tandis que pour les bois mal plantés les intéressés réclameraient l'expertise ; ils n'accepteraient pas pour base le revenu d'un bois voisin bien planté. Il était donc impossible de prendre pour base du droit de mutation sur les bois le revenu cadastral et d'en faire l'objet d'un multiplicateur.
M. Desmaisières. - Il résulte des explications que vient de donner M. le ministre des finances que, pour le point que j'ai signalé, la loi sur le droit de mutation en ligne directe n'est pas exécutable. Dès lors, je ne puis qu'engager M. le ministre à présenter un projet de modification à cette loi, car dans aucune loi il ne doit y avoir de disposition inexécutable. La loi doit être exécutée, par conséquent exécutable.
M. Frère-Orban. - Messieurs, il n'y a pas lieu, ce me semble de proposer des modifications à la loi. La loi n'est applicable que là où il est possible de déterminer un multiplicateur, à raison des ventes publiques enregistrées pendant les 5 dernières années au moins et en diminuant le prix d'un dixième.
Comment l'honorable membre veut-il qu'on trouve le multiplicateur qu'il cherche ? Il s'agit d'un hectare de haute futaie, de raspe, de taillis ou d'un hectare qui fut un bois, il a été cadastré jadis comme bois.
Quelle indication trouverait-on dans la vente de ces biens différents pour obtenir le multiplicateur que vous cherchez ? Aucune ; la loi n'est pas applicable aux bois ; elle est applicable et appliquée pour les autres im meubles de même nature susceptibles de concourir à donner une moyenne applicable aux divers cas qui peuvent se présenter, suivant qu'il convient aux particuliers de l'adopter. Les particuliers ne sont pas tenus de se servir du multiplicateur indiqué, ils sont toujours libres de réclamer l'expertise ; car l'expertise est de droit commun.
Avant le système qui a prévalu en 1851, l'expertise avait toujours lieu. Ce qui prouve que le système nouveau est favorable aux contribuables, c'est que personne ne s'en plaint ; il ne donne pas lieu à la moindre réclamation ; et le contribuable trouve avantage à se servir du multiplicateur indiqué par le gouvernement.
M. Desmaisières. - L'honorable M. Frère dit que la loi a simplement accordé aux contribuables une faculté de déclarer la valeur vénale des biens dont ils héritent, au moyen d'un multiplicateur indiqué par le gouvernement. Il est positif que la loi, comme le prouve l'article 3 dont je viens de donner lecture, dit formellement qu'elle permet au contribuable du droit de mutation en ligne directe, de faire sa déclaration en employant le multiplicateur à indiquer par le gouvernement pour tous les biens immeubles pour lesquels il y a un revenu cadastral constaté.
Or, il y a un revenu cadastral constaté pour les bois, donc le contribuable doit être admis à faire usage du multiplicateur pour la valeur vénale de ses biens.
Mais comme l’ont dit M. le ministre des finances d'abord et l'honorable M. Frère ensuite, il n'est pas possible, pour les bois, d'introduire un multiplicateur général, sans commettre des injustices envers tel ou tel contribuable. Il faut donc modifier la loi ; car il ne doit rester dans aucune loi des dispositions qu'on ne puisse pas exécuter.
- L'article « droit de mutation en ligne directe (principal et 30 c. additionnels), est adopté avec le chiffre de 1,350,000 fr.
« Droit dû par les époux survivants (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 150,000. »
- Adopté.
(page 223) « Timbre (sans additionnels) : fr. 3,100,000. »
- Adopté.
M. T'Kint de Naeyer. - Je viens appuyer une proposition qui a été faite dans la section centrale, et qui est l'application du système anglais en matière de timbre : je veux parler de timbres analogues aux timbres-postes pour les effets de commerce tirés de l'étranger.
Ce serait une simplification, car aujourd'hui, les heures d'arrivée et de départ des courriers rendent souvent impossible le visa au bureau du timbre. Il en résulte pour le commerce une perte de garantie et pour le fisc une diminution de recettes.
Je sais que la fraude est à craindre ; mais je pense que l'étude de la question peut offrir différents moyens de l'étuder. A défaut d'autres précautions, on pourrait annuler le timbre par l'endossement même. Je me borne à indiquer ce moyen, sans insister. Le département des finances sera mieux à même que moi de résoudre la difficulté.
Je saisirai cette occasion pour engager M. le ministre des travaux publics à examiner s'il ne serait pas possible d'introduire les timbres-postes pour affranchissement des journaux, imprimés et cartes de visite. On paraît se trouver très bien en France de ce système où il a été récemment introduit.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Quant aux timbres applicables aux effets de commerce, je me bornerai à répéter ce que j'ai dit en section centrale. Cette question est à l'étude ; j'ai fait venir d'Angleterre les lois et les règlements sur cette matière. Le gouvernement s'en occupe. J'espère que d'ici à peu de temps on arrivera à un résultat.
- L'article timbre est adopté avec le chiffre de 3,100,000 fr.
« Naturalisations : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Amendes en matière d'impôts : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Amendes de condamnation en matières diverses : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Rivières et canaux : fr. 2,900,000.
- Adopté.
« Routes appartenant à l'Etat : fr. 1,730,000.
- Adopté.
« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 3,360,000.
- Adopté.
« Port des journaux et imprimés : fr. 250,000.
- Adopté.
« Droits sur les articles d'argent : fr. 35,000.
- Adopté.
« Remboursements d'offices étrangers : fr. 350,000.
- Adopté.
« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 65,000.
- Adopté.
« Produit du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Chemin de fer : fr. 22,000,000. »
M. Vermeire. - D'après la loi du 1er mai 1834, les péages sur le chemin de fer doivent être réglés par la loi. Cette prescription n'est exécutée qu'en partie. Il est vrai que pour le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer un projet de loi a été déposé ; il y a même eu un rapport fait, au nom de la section centrale, par l'honorable M. Lesoinne. Je demande que la discussion de ce projet de loi soit mise à l'ordre du jour. Si le gouvernement croit devoir y proposer des amendements, il pourrait les présenter. De cette manière la prescription de la loi sera remplie.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il est très vrai, comme l'a fait observer l'honorable préopinant, que le projet de loi que le gouvernement a présenté relativement au transport des marchandises a été l'objet d'un rapport de l'honorable M. Lesoinnè. La discussion de ce projet de loi peut être mise à l'ordre du jour quand la Chambre le voudra. Seulement je dois faire une observation qui préjuge la question. L'année dernière, le gouvernement a présenté un projet de loi qui proroge les pouvoirs qu'il tient de la loi de faire dans le tarif les améliorations et les changements qu'il jugera convenables. La Chambre a pensé qu'il convenait, surtout eu égard au produit des marchandises, de laisser pendant un an ce pouvoir aux mains du gouvernement. Cette loi expire le 1er juillet 1855. Si d'ici là l'honorable M. Vermeire ou d'autres membres croyaient devoir formuler la motion qu'il vient d'annonéer, ils en seront parfaitement libres.
Quant à moi, je suis prêt à aborder l'examen de ce projet de loi, quand la Chambre le mettra à l'ordre du jour.
M. Vermeire. - Je ne tiens pas plus que d'autres à ce que le tarif du chemin de fer soit souvent changé ; cependant, comme je l'ai fait observer l'an dernier, le tarif présente diverses anomalies qu'il importe de faire disparaître au plus tôt. Je ne veux pas m'opposcr à ce que l'expérience dont parle M. le ministre des travaux publics soit complète. Mais je lui demanderai si d'ici à la fin de cette expérience il compte introduire de nouveaux changements dans le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer.
L'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, j'ai fait cette interpellation à M. le ministre des travaux publics qui m'a alors répondu qu'au commencement de la session actuelle il aurait présenté ce projet de loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Vermeire m'a probablement mal compris : je n'ai nullement pris l'engagement de soumettre aujourd'hui un projet de loi à la Chambre, mais j'ai déclaré qu'il y avait dans le tarif des complications, qu'on devait y introduire des simplifications.
Je me suis réservé de le faire par arrêté royal.
Je reconnais qu'il y a certaines imperfections dans le tarif actuel. L'on pourra les faire disparaître.
M. Allard. - Puisqu'on parle du tarif du chemin de fer, et que M. le ministre désire y introduire des modifications, je lui ferai observer que ceux qui exportent certaines marchandises jouissent d'une réduction de péage.
Je conçois que cette prime soit accordée aux fabricants qui exportent des marchandises. Mais je ne conçois pas qu'elle soit accordée à ceux qui viennent ravager le pays, enlever les œufs, le beurre et autres objets servant à l'alimentation du pays pour les transporter en Angleterre.
M. Vermeire. - Je n'insisterais pas sur la mise à l'ordre du jour du projet de loi des péages pour le transport des marchandises, si M. le ministre des travaux publics entend laisser continuer l'expérience jusqu'au 31 juillet. Mais puisque le gouvernement croit devoir de nouveau faire cesser par mesure administrative les anomalies des tarifs actuels, je dois insister pour la mise à l'ordre du jour du projet de loi.
Cette question, messieurs, est élucidée aujourd'hui. Pour moi, je préfère qu'elle soit discutée, car je crains bien qu'en voulant suffisamment simplifier on ne complique davantage.
M. Osy. - Si je comprends bien l'honorable M. Vermeire, il me paraît clair que le gouvernement doit, avant le 1er juillet, c'est-à-dire avant la fin de la session, nous présenterons un projet pour proroger de nouveau la loi que nous avons votée l'année dernière, ou un projet définitif pour régler les tarifs. Le gouvernement est obligé de suivre l'une ou l'autre de ces voies. C'est à lui à examiner ce qu'il trouve convenable. S'il juge utile de continuer l'expérience, il nous demandera une prorogation ; s'il croit que l'expérience est suffisante, il nous demandera de voter, dans la session actuelle, une loi définitive.
M. Rodenbach. - J'appuie les observations de l'honorable député de Tournai. Je comprends que l'on accorde des avantages pour faciliter le transport des céréales dans l'intérêt de la classe pauvre, parce que le pain est excessivement cher ; mais je ne comprends pas que dans l'intérêt de l'étranger, et notamment dans l'intérêt de l'Angleterre, on favorise le transport du beurre, des œufs, et d'autres denrées.
Messieurs, le beurre se paye aujourd'hui en Belgique jusqu'à 2 fr. 50 le kilog ; les œufs coûtent 2 fr. 25 ; tout est à un prix excessif. Pourquoi alors favoriser l'exportation de ces denrées qui servent, en Belgique aussi, à l'alimentation de la classe bourgeoise, et que les Anglais nous enlèveront toujours en grande quantité parce que leur richesse leur permet de les payer infiniment plus cher que nous ? Ne serait-il pas bien plus rationnel de frapper ces objets d'un léger droit à la sortie que d'en favoriser l'exportation par une prime ?
Je demanderai encore pourquoi l'on accorde des avantages sur les transports par chemin de fer du combustible à l'étranger, alors qu'il se paye dans le pays à un prix aussi élevé ?
Je me joins à l'honorable député de Tournai pour attirer l'attention du gouvernement sur ce point et pour l'engager à faire disparaître des faveurs dont profite l'étranger au détriment des indigènes.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il est vrai que le charbon destiné à l'exportation pour la France jouit d'un tarif différentiel, d'un tarif réduit, mais je ferai remarquer à la Chambre que le gouvernement n'est presque pour rien dans ce prix de faveur.
Il y a quelques années, on transportait, en destination pour Paris par le chemin de fer belge, environ 50,000 tonneaux de charbon. Aujourd'hui grâce à un tarif qui est plutôt l'œuvre de l'administration du chemin de fer du nord que de l'administration belge, ces transports ont (page 224) acquis une importance qui ira cette année à plus de 300,000 tonnes. Mais il faut voir à quelles conditions ces transports à prix réduits sont accordés par le chemin de fer du Nord.
D'abord le matériel
Les tarifs sont différentiels en raison des engagements plus ou moins sérieux que prennent les exploitants. L'administration belge n'est pas pour autre chose dans cette affaire que pour une faible fraction et l'acquiescement qu'elle a donné à ce tarif.
Au surplus je ferai remarquer à la Chambre que les prix de transport à l'intérieur pourraient subir également des réductions, si les expéditeurs prenaient, vis-à-vis de l'administration, des engagements analogues à ceux qui ont été pris par les expéditeurs vis-à-vis de l'administration du Nord.
Quant à l'observation présentée par l'honorable M. Allard, je vérifierai les faits, je me ferai rendre compte de l'importance que ces faits peuvent avoir et je verrai jusqu'à quel point il y a lieu de faire disparaître cette anomalie, si anomalie il y a.
- L'article est mis aux voix et adopte.
« Télégraphes électriques : fr. 270,000. »
- Adopté.
« Domaines (valeurs capitales) : fr. 800,000. »
- Adopté.
« Forêts : fr. 900,000. »
- Adopté.
« Dépendances des chemins de fer : fr. 60,000. »
- Adopté.
« Etablissements et services régis par l'Etat : fr. 150,000. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - C'est ici que vient se placer l'observation de la section centrale au sujet du produit des jurys des examens universitaires. Depuis plusieurs années on a demandé que ce produit figurât au budget des recettes comme toutes les autres recettes du pays.
Messieurs, je ne connais pas exactement le chiffre des recettes très éventuelles de ces jurys d'examen. Cependant nous avons un document qui nous fera établir des approximations exactes : c'est le compte rendu quinquennal de l'enseignement universitaire.,
Nous y voyons que depuis la deuxième session de 1849 jusques et y compris la deuxième session de 1852, le produit moyen par session est de fr. 35,838 09, ce qui, multiplié par 2, donne pour les deux sessions un produit de fr. 71,676 18.
Je propose donc à l'assemblée de prendre cette moyenne pour base et d'augmenter le chiffre pour les établissements et services régis par l’Etat, d'une somme de 71,500 fr., ce qui portera le chiffre à 221,500 fr.
De celle façon il sera fait droit à la fois et à la demande de la cour des comptes, et à la demande des sections centrales, qui depuis deux ans réclament cette modification.
- Le chiffre de 221,500 fr. est adopté.
« Produits divers et accidentels : fr. 350,000. »
- Adopté.
« Revenus des domaines : fr. 240,000. »
- Adopté.
« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et de consignations : fr. 643,000. »
- Adopté.
« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Produits des droits de chancellerie : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Produits des droits de pilotage et de fanal : fr. 590,000. »
- Adopté.
« Produits de la fabrication de monnaies de cuivre : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Produits de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et remises : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Chemin de fer rhénan. Dividendes : fr. 125,000. »
- Adopté.
« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Reliquats de comptes arrêtés et non arrêtés par la cour des comptes. Déficit des comptables : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Recouvrements d'avances faites par les divers départements : fr. 450,000. »
M. le président. - M. Osy a proposé de renvoyer à la commission des finances le tableau relatif à ces recouvrements.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je ne vois pas d'inconvénient à ce que ce tableau soit communiqué à la commission des finances ; mais, comme il s'agit de familles qui ont eu recours au trésor public dans des circonstances difficiles, j'espère qu'on en fera un usage discret et qu'on ne présentera pas de rapport à la Chambre. Si la commission a besoin de renseignements officieux, je me mets à sa disposition.
- La proposition de M. Osy est adoptée.
Le chiffre de 450,000 francs est adopté.
« Recouvrements d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons, pour achat de matières premières : fr. 825,000. »
- Adopté.
« Remboursement par les provinces des centimes additionnels sur les non-valeurs de la contribution personnelle : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Recettes accidentelles : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Abonnement des provinces, pour réparations d'entretien dans les prisons : fr. 20,300. »
- Adopté.
« Prélèvement sur les fonds de la caisse générale de retraite, à titre de remboursement d'avances : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Produit des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 1,000,000. »
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
L'amendement introduit dans l'article : « Etablissements et services régis par l'Etat » est mis aux voix et définitivement adopté.
La Chambre passe aux articles du projet de loi.
« Article 1er. Les impôts directs et indirects, existants au 31 décembre 1854, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profit de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, seront recouvrés, pendant l'année 1855, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assiette et la perception.
« Le principal de la contribution foncière est maintenu pour 1855 seulement au chiffre de 15,944,527 fr. et sera réparti entre les provinces, conformément à la loi du 9 mars 1848. »
- Adopté.
« Art. 2. D'après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l'Etat, pour l'exercice 1855, est évalué à la somme de cent vingt-huit millions cinq cent quatre-vingt-seize mille cinq cent quatre-vingt-dix francs (128,596,590), et les receltes spéciales, provenant des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843, à la somme de un million de francs (1,000,000 de francs). »
- Adopté.
« Art. 3. Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l'Etat, mettre en circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de la somme de treize millions de francs. »
(page 225) « Art. 4. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1855. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.
Ce sont : MM. de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon, Goblet, Janssens, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Mascart, Moreau, Orts, Osy, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienponl, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Allard, Anspach, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters ’t Wallandt, Dautrebande, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Perceval, de Renesse, de Royer.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi relatif à la reduction des péages sur les rivières et canaux de l'Etat.
- Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne.
La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
Il est procédé au scrutin secret sur la demande de grande naturalisation, formée par le sieur Biver, lieutenant d'état-major, né à Luxembourg.
Nombre des votants, 60
Majorité absolue, 31.
Boules blanches, 58.
Boules noires, 2.
En conséquence, la demande de grande naturalisation, faite par M. Biver, est prise en considération.
- La séance est levée à quatre heures.