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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 11 mai 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1679) M. Dumon procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de, la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Mathieu Ingenbleek, instituteur communal à Exel, né à Weeze (Prusse), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Chansay, mécanicien à Molenbeck-Saint-Jean, demande un subside qui le mette à même de confectionner un appareil de gaz économique, pour lequel il a obtenu un brevet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Parys, sous-intendant militaire pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension, et la différence entre son traitement de réforme durant les années qu'il a été placé sous ce régime. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Hollenfeltz, à Virton, déclarent adhérer aux pétitions des pharmaciens relatives au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie, et à la représentation des pharmaciens dans l'Académie de médecine. »

« Même déclaration des pharmaciens et médecins à Perwez. »

- Même renvoi.

Rapports sur des pétitions

M. H. de Baillet, rapporteur. - La Chambre a demandé un prompt rappoit sur plusieurs pétitions, je vais avoir l'honneur de le lui présenter.

Le sieur Minet, ancien ingénieur du cadastre de la province de Namur, demande l'établissement d'un concours sur le mode à suivre pour obtenir le plus grand degré de précision possible dans les opérations d'arpentage, afin de parvenir à échapper aux inconvénients qui résultent de la tolérance qui aux termes des articles 1618 et 1619 du Code civil, existe en matière de vente de propriétés, lorsque la contenanc 'exprimée au contrat présente avec celle réellement existante une différence inférieure à 1/20 en plus ou en moins.

Le pétitionnaire indique la manière dont ce concours devrait être organisé, et il désigne même le personnel dont la commission qui en serait juge devrait être composée.

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.

M. Lelièvre. - Messieurs, la pétition de M. Minet contient des observations très judicieuses dignes de la méditation du gouvernement. J'appuie les conclusions de la commission.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. H. de Baillet, rapporteur. - Le sieur Minet, ancien ingénieur du cadastre de la province de Namur, propose des mesures pour assurer le bornage des propriétés, b

Le pétitionnaire expose les inconvénients graves auxquels donne lieu l'absence d'un bon bornage des propriétés et les avantages qui résulteraient de celui-ci pour l'exactitude des plans du cadastre. Selon lui, pour parvenir à obtenir ce bornage, il faudrait interdire la vente d'une propriété sans qu'au préalable, il ail été procédé à son bornage, pour tous les points non fixés par une délimitation certaine et invariable, n'opérer les mutations cadastrales pour les parcelles divisées qu'après le bornage de leurs divisions, et enfin n'admettre pour les hypothèques que des propriétés parfaitement bornées.

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. H. de Baillet, rapporteur. - « Le conseil communal de Grammont prie la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain à Gand et d'imposer aux concessionnaires l'obligation de construire un embranchement de Sottegem à Grammont. »

La commission propose le renvoi au ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. David. - J'ai l’honneur de déposer le rapport de la commission d'industrie sur une pétition très intéressante du sieur Dupont, maître de forges à Fayt, par laquelle il s'oppose à la concessibilité des minerais de fer.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Closset. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section, centrale qui a été chargée d'examiner un projet de loi relatif à une demande de crédits supplémentaires pour le département de l’intérieur.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur les brevets d’invention

Transmission du projet amendé par le sénat

M. le président. - Le Sénat vient de transmettre le projet de loi sur les brevets d'invention, dans lequel il a introduit un assez grand nombre d'amendements.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution du projet de loi, et le renvoie à la section centrale qui a examiné le projet de loi primitif.

M. Coomans. - Je demande que la section centrale hâte la présentation du rapport,, afin que nous puissions terminer cette affaire importante avant notre séparation.

M. le président. - Si le projet est imprimé et distribué ce soir, la section centrale se réunira demain matin, elle verra s'il y a moyen de faire un prompt rapport.

M. Coomans. - Je pense que la Chambre s'associe à ce vœu.

M. le président. - La section centrale y aura égard autant que possible.

Motions d’ordre

Exemptions en faveur d'un établissement de bienfaisance

M. Rodenbach (pour une motion d’ordre). - M. le ministre des finances a, dans la séance d'avant-hier, déposé un rapport sur l'importante question des Sœurs de la charité de Rumbeke (arrondissement de Roulers) qui, par diverses requêtes, ont demandé, à être exemptes des contributions personnelles et patentes.

Le motif allégué par ces sœurs est que leur établissement est entièrement consacré à donner de l'instruction aux enfants pauvres de la commune et à soigner les malades indigents. La Chambre n'a décidé que le renvoi au dépôt des renseignements, mais, attendu que cette question est de la plus haute importance, je demande que ce rapport soit imprimé, car je suis résolu, ainsi que mon honorable collègue, le comte de Muelenaere et autres membres, de prendre l'initiative pour proposer un projet de loi en faveur d'un grand nombre d'institutions charitables qui se dévouent, avec une admirable dénégation, à l'instruction des pauvres et aux soins des malades nécessiteux.

M. de Muelenaere. - Je pense que la proposition de l'honorable préopinant ne peut pas rencontrer d'opposition. L'honorable membre se proposant de faire usage de son droit d'initiative, l'impression devient indispensable ; il vaut mieux l'ordonner maintenant.

- L'impression est ordonnée.

Etablissements des listes électorales

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, dans la séance d'avant-hier, l'honorable M. Van Overloop a provoqué des explications sur une circulaire à laquelle il attribue une assez grande portée à la veille des élections. Je vais donner les explications demandées, vous verrez que mon seul but a été de supprimer les écritures inutiles fort longues et à mon avis en aucune façon nécessaires pour la rédaction des listes électorales.

Ceux qui ont fait partie de la Chambre en 1842 et 1843, se rappelleront qu'à cette époque et avant la révision de la loi électorale, il y avait sur les listes un grand nombre de faux électeurs, c'est-à-dire des personnes qui payaient indûment des contributions pour se créer un cens électoral, soit qu'elles fissent ce payement de leurs derniers, soit qu'elles le fissent des deniers de personnes qui voulaient se faire des créatures électorales. C'est pour porter remède à cet abus qu'on présenta un projet de loi qu'on appela la loi contre des fraudes électorales, mais qui était simplement une loi modifiant la loi électorale.

Dans cette loi, pour porter remède à l'abus que je viens d'énoncer, on exigea, afin qu'on n'eût plus la tentation de payer un impôt plus fort que celui qu'on devait pour se créer un droit électoral, on exigea que, sauf l'impôt foncier, ou payât la contribution, outre l'année courante, pendant deux années antérieures pour être porté sur la liste électorale.

Cette loi a eu l'effet qu'on en attendait ; dans ma position de gouverneur j'ai pu voir que depuis lors les faux électeurs ne se sont plus rencontrés. On comprend qu'on n’ira pas en 1854 commencer à payer un impôt qu'on ne doit pas pour exercer dans 3 ans son droit électoral contre tel ou tel candidat.

Le terrain électoral, vous le savez, est beaucoup trop mobile ; les personnes qui aujourd'hui sont le point de mire des électeurs, ne le sont plus dans trois ans, et personne ne voudra faire ce sacrifice.

Messieurs, outre ce changement très salutaire qu'on a fait subir à la loi, on a ordonné en outre que chaque année, avant le 1er avril, le receveur des contributions adressât au bourgmestre et échvins dans sa commune, un double du rôle des contributions. Mon prédécesseur de cette époque, en exécution de cet article, fil une formule comprenant le rôle (page 1680) intégral que chaque receveur devait adresser à l'administration de sa commune.

Ce rôle n'indiquait pas seulement la cotisation de chaque contribuable du chef de la personnelle, de la foncière, des patentes, des boissons, les tabacs, etc., mais il indiquait en outre, en 14 colonnes rien que pour l'impôt personnel, chacune des bases de cette cotisation, grandes ou petites. Ce travail était tellement considérable que tous les receveurs ne cessèrent de réclamer, et chaque fois que l'inspecteur général allait en tournée, c'était l'objet de ses observations dans son rapport au ministre. Mais il y a plus, ce travail était tellement énorme que dans beaucoup de communes il était impossible de satisfaire à la loi, c'est-à-dire d'adresser le travail à l'administration communale avant le premier avril. Ainsi je vous citerai un exemple. Je me suis rendu moi-même à l'hôtel de ville de Bruxelles ; j'ai demandé qu'on me présentât les extraits des rôles des receveurs adressés année par année à l'administration communale, et j'ai pu me convaincre que pour une des sections de la ville jamais depuis bien des années, certains receveurs n'avaient joint au rôle proprement dit ces détails innombrables, compris dans les 14 colonnes de la formule.

J'ai interpellé, en présence du bourgmestre, l'employé chargé de ces attributions, sur le point de savoir si l'absence de ces renseignements avait donné lieu depuis dix ans à des réclamations. Il m'a répondu que jamais depuis 1843, personne n'était venu consulter les bases de ces cotisations, attendu que depuis lors, il ne se créait plus de faux électeurs.

Eh bien, ce qui se faisait à Bruxelles, je me suis demandé s'il n'était pas possible de le faire d'une manière générale, tout en prenant certaines précautions pour qu'en cas de réclamation on pût aller à la source et connaître tous les détails. Avant de formuler une circulaire à mes receveurs, j'ai consulté le département de l'intérieur. Celui-ci m'a répondu qu'il ne voyait aucun inconvénient à la suppression de ces détails. J'ai alors adressé aux receveurs une circulaire dans laquelle, par forme d'essai (je dirai tout à l'heure pourquoi), je leur dis qu'il faut qu'ils continuent comme par le passé, d'après une formule que je leur envoie, de donner par espèce de contribution, tous les détails qu'indique la formule, mais qu'ils peuvent supprimer l'incidation des bases de chacune de ces cotisations, en un mot, les 14 colonnes qui se rapportent à l'impôt personnel.

Cependant j'ajoute dans la circulaire que chaque fois que l'autorité communale voudra avoir la minute du rôle de la contribution, il devra la mettre à sa disposition, afin que l'on puisse savoir jusqu'au moindre détail de quoi se compose chacune des cotisations.

Bien plus, à la vue d'un journal de Diest où des contribuables demandent à avoir le même droit que l'autorité communale, je me suis empressé de faire partir une circulaire supplémentaire pour dire aux receveurs que pendant tout le temps que les électeurs peuvent exercer le droit de recours, il faut que les rôles, avec tous les détails qu'ils renferment, soient à la disposition de tous les contribuables. Je crois qu'avec ce supplément de circulaire, il est satisfait à toutes les réclamations que l'on pourrait faire.

D'après l'espèce de critique que l'honorable M. de La Coste avait faite dans la séance d'avant-hier, il semblait croire que moyennant la nouvelle formule, il serait au pouvoir du ministre de créer des électeurs. Je vous avoue que je ne comprends pas la portée de cette critique. Il faudrait ici deux personnes capables de commettre un faux, qu'il serait d'ailleurs facile à tout le monde de vérifier ; il faudrait que le ministre dît à un de ses receveurs de commettre ce faux, et il faudrait trouver un receveur assez complaisant pour faire cette fausse indication qu'il doit certifier conforme à son rôle au bas de la pièce.

Or, avec les facilités que je donne à l'administration et à chaque contribuable d'aller contrôler les rôles, le faux est impossible.

Du reste, pour mettre tout le monde à l'aise dans cette circonstance, je dirai que je ferai une enquête minutieuse auprès des gouverneurs, des commissaires d'arrondissement et des administrations communales, et quoique cette circulaire n'ait été faite que dans le but d'épargner aux receveurs un travail très considérable et complètement inutile, je n'hésite pas à dire que s'il s'élève des réclamations dans l'intérieur du pays, je n'éprouverai aucune difficulté à revenir à l'ancien mode ou de présenter une loi qui dispense les receveurs de l'obligation de donner un grand nombre de ces détails.

Messieurs, pour vous donner un exemple de l'énormité du travail dont je parle, je vous dirai que pour chaque section de Bruxelles, le receveur a à remplir un cahier de près de 400 pages, et ce travail doit être fait avant le 1er avril. Voilà 8 volumes in-folio qui depuis dix ans n'ont jamais servi à rien. La moitié de ces écritures était au moins inutile.

Du reste, je le répète, c'est par forme d'essai que j'ai pris cette mesure. Mon inspecteur général, tout en m'apportanl après sa tournée des remerciements de la part des receveurs pour cette simplification de travail, aurait voulu qu'on allât plus loin ; mais je n'y ai pas consenti.

J'espère que ces explications apaiseront les scrupules de l'honorable M. Van Overloop.

M. de Muelenaere. - Messieurs, je crois que pas un seul de nous ne voudrait exiger que l'on imposât aux receveurs de contributions un travail qui n'est pas nécessaire dans l'intérêt de la vérité des élections. Mais je me permettrai de demander à M. le ministre des finances de vouloir nous dire si, conformément à la loi, on remet aux bourgmestres et échevins un double du rôle certifié conforme par le receveur.

C'est là une prescription exigée par la loi et à laquelle on ne peut se soustraire.

M. le ministre des finances a parlé tout à l'heure de 14 colonnes d'un tableau qu'un de ses prédécesseurs avait prescrit aux receveurs de remplir. Je demanderai à M. le ministre s'il n'est permis de voir ce tableau. (M. le ministre passe à M. de Muelenaere ce tableau.)

Il importe, messieurs, qu'on dépose dans les bureaux de l'administration communale les pièces qui puissent mettre les citoyens belges à même de vérifier si ceux qui sont portés sur les listes jouissent réellement du droit d'y figurer. Le but de la loi ne serait pas rempli, si les personnes intéressées ne pouvaient vérifier si les individus portés comme électeurs remplissent toutes les conditions exigées par la loi.

Or, il me semble que si l’on se borne à indiquer que tel individu paye en impôts de toute nature... (Interruption.) On signale donc en regard de chaque nom les diverses natures de contributions. Il faut en outre fournir les renseignements qui peuvent éclairer les intéressés.

Du reste, il me serait assez difficile d'établir une discussion sur ce point. D'ailleurs, M. le ministre des finances vient de nous promettre de prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout abus. Cela doit nous suffire quant à présent.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, le tableau qui est remis à l'administration communale remplit toutes le« conditions voulues pour s'assuser que chacun des citoyens, portés au tableau, paye le cens requis pour être électeur.

Mais il supprime des détails qui, sous l'empire de la loi de 1848, pouvaient être supprimés sans inconvénient ; c'est surtout pour le petit nombre de cas où l'on aurait intérêt à vérifier les bases qui ont servi à l’établissement de chaque cote, que je donne, par la circulaire, l'ordre qu'on mette à la disposition, non seulement des administrations publiques, mais encore du moindre citoyen, le rôle original sur lequel tous les détails sont consignés. Ainsi, on a indiqué dans le tableau le nom du citoyen, sa demeure, son numéro, sa profession et le taux de sa patente ; mais il n'indique plus quelle est la décision du conseil des répartiteurs. Ce conseil fixe la cotisation de chaque contribuable contre son gré. Il est donc inutile que les citoyens sachent quelle a été la décision du conseil des répartiteurs, à l'occasion de la loi électorale. C'est un détail complètement inutile.

M. Van Overloop. - Je suis satisfait des explications que vient de nous donner M. le ministre des finances. Je dois cependant dire encore un mot.

D'après l'honorable ministre, les fraudes seraient devenues impossibles depuis que la loi a exigé que, pour exercer le droit électoral, on eût payé pendant deux ans la contribution personnelle. « Qui ira, deux années avant les élections, payer une contribution indue, pour pouvoir exercer le droit électoral ? » a dit l'honorable ministre. Il est vrai que l'obligation de payer deux années avant le jour de l'élection, constitue une présomption qu'il ne se fera plus de fraude ; mais, si les faits démontrent que cette présomption n'est qu'une présomption, la force de l'argument de M. le ministre disparaît.

Or, il paraît qu'en fait dans la commune de Diest trois enfants, dont les parents sont encore en vie, ont été portés sur la liste électorale, comme payant, depuis deux ans, la contribution personnelle voulue pour être électeur.

Pour faciliter le contrôle des listes, ne suffirait-il pas de déposer, au lieu d'un tableau en 14 colonnes, un tableau conforme à l'avertissement que reçoit chaque contribuable et qui indique les 5 bases de la contribution personnelle ?

Il me semble qu'on pourrait se borner à indiquer dans le tableau les bases qui se rapportent à chacun des électeurs, et ce que chacun d'eux paye pour chacune des bases.

Au surplus, je remercie encore une fois M. le ministre des finances des explications qu'il nous a données, et je suis persuadé que sa sollicitude fera cesser les abus, s'il en existe, comme on me l'a assuré.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Discussion générale

M. le président. - Je ne mettrai en discussion que les articles amendes par le Sénat, les propositions faites par la commission de la Chambre. Toutefois, chacun a le droit de faire des observations et des propositions sur tous les autres articles.

- La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Messieurs, de tous les amendements admis par le Sénat, un seul me paraît avoir une importance réelle, parce qu'il décide une question de principe, c'est celui relatif à la force probante des procès-verbaux émanés de deux gardes forestiers.

D'après le système admis par le Sénat, les procès-verbaux dressés par deux agents feront foi jusqu'à inscription de faux, alors même que le fait entraîne la peine d'emprisonnement.

Votre commission n'admet pas cette doctrine, et je pense que c'est avec juste motif. En effet, la défense est de droit naturel, et lorsque la liberté est en question, un prévenu doit être admis à se justifier par tous moyens de droit sans qu'il soit permis de restreindre ses moyens de justification à une inscription de faux environnée d'obstacles et à laquelle il est si difficile, souvent même dangereux de recourir. D'un autre côté il y a des inconvénients réels à ce qu'un citoyen puisse être jugé sur le vu d'un procès-verbal, sans instruction orale.

Le projet de la commission propose d'admettre le prévenu à la preuve (page 1681) contraire, dans tous les cas où la peine d'emprisonnement est prononcée comme peine principale. Cette opinion est celle que j'ai défendue dans les discussions antérieures.

Toutefois il est nécessaire d'avoir une explication claire et catégorique sur la portée de l'amendement.

Lorsque le fait emporte la peine d'emprisonnement, le prévenu peut être admis à la preuve contraire, mais il doit être bien entendu que si cette preuve résulte de l'instruction, l'acquittement devra être prononcé, non seulement quant à l'emprisonnement, mais aussi en ce qui concerne l'amende.

En effet, il n'est pas possible de prononcer une amende alors qu'on considère le délit comme non constaté en ce qui concerne l'empriso nement.

En conséquence, la preuve contraire étant admise, il ne pourra in ervenir contre le prévenu aucune condamalion même pécuniaire, du moment que l'instruction orale ne démontre pas l'existence du délit.

Cette interprétation est la seule raisonnable, car un procès-verbal ne peut pas faire foi jusqu'à inscription de faux quant à l'amende et ne faire foi que jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne l'emprisonnement.

Il est essentiel que M. le ministre de la justice nous donne sur ce point des explications précises qui ne permettent aucun doute dans l'application de la loi.

Je demanderai aussi à M. le ministre une explication sur le sens de l'article 147 en ce qui concerne la prescription. Cette disposition fixe à trois mois la prescription des délits et contraventions à partir du procès-verbal.

Si le délit ou la contravention n'a pas été constaté par un procès-verbal, dans ce cas j'estime que c'est la prescription ordinaire, telle qu'elle est réglée par le Code d'instruction criminelle, qui est applicable.

En conséquence, la prescription d'un mois, applicable à l'enlèvement de bois dans les forêts des particuliers ou des communautés en vertu de la loi rurale de 1791, vient sans doute à cesser.

Je pense, messieurs, qu'il conviendrait d'énoncer dans la loi que si aucun procès verbal n'a été dressé pour constater le délit ou la contravention, la prescription sera réglée conformément aux dispositions du code d'instruction criminelle.

Je soumets cette observation à M. le ministre, et si un amendement avait quelque chance de succès, je serais prêt à le formuler dans le sens que je viens d'exposer. Mais eu égard à la nécessité de voter sans délai le Code forestier, je ne veux proposer aucun amendement que de concert avec le gouvernement.

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la commission ?

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Oui, M. le président.

Messieurs, il y a cinq articles sur lesquels la Chambre se trouve en dissentiment avec le Sénat ; ce sont les articles 36, 97, 138, 166 et 179.

Sur quatre de ces articles, sauf un léger changement de rédaction, la commission s'est ralliée au système adopté par le Sénat. Il reste l 'article 138 sur lequel je dois entrer dans quelques explications. Le Sénat a adopté ce système : dans tous les cas où les procès-verbaux sont dressés par deux gardes ils font foi jusqu'à inscription de faux.

Dans tous les cas où le procès-verbal est dressé par un seul garde, il fait foi seulement jusqu'à preuve contraire.

J'ai très énergiquemenl combattu ce système au sein du Sénat. Au premier aussi bien qu'au second vote, j'ai prié le Sénat de ne pas admettre ce système, parce qu'il désarmait l'administration forestière pour tous les petits délits et qu'il rendait la répression illusoire en chargeant les poursuites de frais frustratoires. Le Sénat n'apas admis les considérations que j'ai présentées et il a adopté le système que je viens d'indiquer.

La commission de la Chambre ne veut pas du système du Sénat, elle m'a appelé dans son sein, je me suis mis d'accord avec elle sur une rédaction nouvelle qui a cette portée, que les procès-verbaux dressés par un seul garde font foi jusqu'à inscription de faux, toutes les fois que le fait ne doit pas entraîner la peine de l'emprisonnement ; quand le fait entraînera cette peine, la disposition nouvelle sera applicable : « Toutefois, l'emprisonnement ne pourra être prononcé comme peine principale qu'autant que le prévenu aura été admis à la preuve contraire. »

C'est le système qui avait été consacré par l'article 137 ancien, l'emprisonnement ne peut être prononcé comme peine principale que lorsque le prévenu aura été admis à la preuve contraire, c'est-à-dire que lorsque ayant demandé à faire la preuve contraire, le tribunal aura usé de son droit de l'admettre ou de ne pas l'admettre.

Dans ce cas la poursuite et la pénalité étant indivisibles, si le prévenu prouve qu'il n'est pas l'auteur du fait, on ne pourra pas plus prononcer l'amende que la prison.

Quand les procès-verbaux sont dressés par un seul garde, ils font foi jusqu'à inscription de faux à concurrence de 100 francs d'amende, c'est-à-dire quand la peine encourue est inférieure à 100 francs d'amende sans emprisonnement comme peine principale. C'est la disposition ancienne, qui avait été primitivement introduite par la Chambre et adoptée par le Sénat.

L'administration forestière insiste vivement pour que dans la poursuite de ces petits délits qui sont les plus fréquents et dont la répression est la plus nécessaire, on admette la validité des procès-verbaux jusqu'à inscription de faux, sans cela les poursuites deviendraient très onéreuses et pour ainsi dire impossibles. Dans les petits bois des communes, des établissements publics ou de l'Etat, il n'y a qu'un garde en exercice ; pour conserver aux procès-verbaux la preuve jusqu'à inscription de faux, il faudrait doubler le personnel de surveillance dans ces petits bois.

Si on laisse le personnel tel qu'il est actuellement, avec le système du Sénat, il faudra faire venir le garde devant le tribunal pour affirmer ou certifier son procès-verbal par leur présence et leur déposition et combattre les preuves contraires administrées par les prévenus, il faudra lui faire faire quelquefois sept ou huit lieues pour se présenter devant le tribunal correctionnel toujours compétent dans ces cas ; il faudra le détourner pendant trois ou quatre jours de sa surveillant.

Or cela est impraticable ; car indépendamment de ce que les frais de déplacement du garde seront considérables, ils retomberont à la charge du trésor, les délinquants se feront presque toujours acquitter au moyen de ces preuves contraires qu'il est facile de se procurer.

Les abus que je signale avaient été nettement signalés dans le rapport de la commission du Sénat.

Voici comment s'exprimait le rapport :

« Le Sénat prendra en sérieuse considération le caractère particulier des délits forestiers, la presque impossibilité pour les gardes de faire appuyer par d'autres témoins le contenu de leur procès-verbal, et la facilité qu'ont au contraire les délinquants de produire comme témoins leurs complices que les gardes n'auraient pas reconnus. Ces observations font penser à la majorité de votre commission qu'il ne faut pas innover en cette matière ; elle pense que l'intention du Sénat ne peut pas être de modifier la position des gardes au détriment de la constatation et de la répression efficace des délits forestiers. »

C'était donc le statu quo qu'on voulait maintenir dans la mesure que j'indique. Ce statu quo existe en France dans le code forestier ; il y est en vigueur depuis nombre d'années et il ne présente aucun inconvénient, tandis que le système contraire en présenterait beaucoup.

Dans ces termes j'ai cru devoir me rallier au projet de la commission qui me semble de nature à tout concilier.

Il est possible qu'en examinant très sévèrement la nouvelle combinaison on trouverait qu'elle peut présenter quelques inconvénients ; mais si on voulait faire une loi et surtout une loi de ce genre sans inconvénient pratique, on ne parviendrait jamais à se mettre d'accord. Il faut faire des deux côtés quelques concessions et laisser à la prudence des juges et de l'administration quelque chose pour l'exécution de la loi.

M. Delehaye. - Sans doute il est difficile de faire une loi qui ne donne lieu à aucune réclamation ; mais cependant on ne doit point hésiter à rechercher tous les moyens d'améliorer la loi. C'est pourquoi je regrette que la commission ait cru devoir adopter un système que l'on pouvait rendre meilleur.

D'après le Sénat, les procès-verbaux régulièrement dressés par un seul agent ou garde ne font foi que jusqu'à inscription de faux. La commission de la Chambre tout en améliorant cette disposition laisse cependant subsister une lacune.

En effet, un garde fait un procès-verbal, si le fait donne lieu à l'emprisonnement la commission propose de ne pas donner foi au procès-verbal jusqu'à inscription de faux, c'est-à-dire que le délinquant aura le droit de prouver son innocence ; mais s'il s'agit d'un fait n'entraînant que la condamnation à une amende, le caractère change tout à fait. Je suppose qu'au lieu d'un emprisonnement il s'agisse d'une amende, quels sont les individus qui commettent des délits de ce genre, des maraudages ? Ce sont des gens qui n'ont aucune solvabilité.

Eh bien, un individu sera condamné à 20, 30 et 40 fr. d'amende. Comme il ne pourra pas payer, il devra subir un emprisonnement. Est-il très logique que, dans ce cas, il ne puisse invoquer la preuve testimoniale, tandis qu'il le peut dans l'autre cas ? Je dis que ce n'est pas très logique. Je dis qu'il serait plus logique d'admettre la preuve testimoniale dans les deux cas.

Nous savons ce que sont les gardes forestiers ; ils sont probes sans doute ; mais ne sont pas cependant d'une probité qui doive leur donner la supériorité sur beaucoup d'autres. Je suppose qu'un garde forestier dresse un procès-verbal, constate un fait de maraudage, et que ce fait soit dénié par le bourgmestre et l’échevin. Ce procès-verbal devra-t-il faire foi jusqu’à inscription de faux ?

Quand il s'agit de pénalités telles que celle-ci, la preuve testimoniale devrait toujours être admise.

Toutefois, messieurs, j'avoue que la proposition de la commission est préférable à celle du Sénat, mais je regrette que la commission ne soit point allée jusqu'à l'adoption du système admis pour la procédure ordinaire.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il y a plusieurs erreurs dans les appréciations que vient de vous soumettre l'honorable M. Delehaye.

Voici le véritable état des choses.

Le projet de loi tel qu'il a été élaboré par la commission du gouvernement et présenté à la Chambre établit le système suivant : amende pour toutes contraventions forestières, et dans tous les cas emprisonnement subsidiaire.

Cest-à-dire qu’en cas de non-payement de l'amende, ii y a lieu (page 1682) d'autoriser un emprisonnement proportionnel à l’amende, et qui est déterminé dans la loi. Cet emprisonnement ne constitue pas une peine principale, ce n’est en quelque sorte qu’une contrainte par corps subsidiaire, qui remplace la condamnation. Cette contrainte est de droit commun dans le Code pénal, pour tous les cas où l’individu condamné à l’amende ne la paye pas.

Voilà le système adopté, lors des deux votes de la Chambre et du Sénat, et sur lequel les deux Chambres n'ont pas varié. Il est écrit dans le projet soumis à vos délibérations.

Dans 3 ou 4 cas, il y avait un emprisonnement prononcé comme peine principale. Le Sénat a cru devoir étendre à 8 ou 10 autres cas l'emprisonnement comme peine principale, et c'est de cet emprisonnement comme peine principale qu'il s'agit, lorsque nous discutons la question de la foi due aux procès-verbaux.

Or, le système du Sénat, qui est celui que la commission vous propose d'adopter, c'est précisément celui que vient de préconiser l'honorable M. Delehaye.

Le Sénat veut que dans tous les cas où un procès-verbal est rédigé par 2 agents ou par 2 gardes, il fasse foi jusqu'à inscription de faux et que le procès-verbal dressé par un agent ou un garde ne fasse foi que jusqu'à preuve contraire.

J'ai dit, d'accord avec l'administration belge, avec l'administration française et avec le Code forestier français, que ce système était impraticable, et qu'il devait donner lieu à des anomalies, et j'ai demandé qu'on revînt au système deux fois adopté par la Chambre et par le Sénat.

C'est le système en vertu duquel le procès verbal rédigé par un seul emprisonnement comme peine principale, le délinquant pourra demander de faire la preuve contraire, et le procès-verbal pourrai être combattu par les voies de droit.

Quelle est donc, au point de vue de la répression et des garanties du prévenu, la conséquence du système que préconise la commission d'accord avec le gouvernement ? C'est de donner au procès-verbal rédigé par un agent ou par un garde, foi jusqu'à inscription de faux, lorsqu'il s'agit d'une amende inférieure à 100 fr. Alors le prévenu n'est pas dépourvu des moyens de se défendre. Il a la voie de l'inscription de faux.

Mais vous comprenez que le garde forestier ne constatera pas par un procès-verbal des faits de maraudage qu'il saurait être faux. Les gardes forestiers sont choisis par l'administration avec beaucoup de précautions et après des enquêtes sévères ; leur conduite est l'objet de la surveillance de tous les agents supérieurs ; leur moralité offre de réelles garanties.

Si, par impossible, un garde se laissait aller à poser des faits tels que celui d'un procès-verbal faux, la chose vaudrait bien une inscription de faux ; l'individu contre lequel le procès-verbal aurait été dressé, l'enverrait au procureur du roi, s'inscrirait en faux, et si le faux était prouvé, le garde serait condamné et le prévenu acquitté.

M. Delehaye. - Il pourrait y avoir erreur.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Alors l'instruction sur l'inscription de faux pourrait avoir une grande influence sur la résolution à prendre au sujet du prévenu. Mais on ne peut s'arrêter à des hypothèses tout à fait exceptionnelles, telles que celle qu'a citée l'honorable préopinant lorsqu'une expérience si longue (car depuis 1791 ce système est en vigueur en Belgique et en France) n'a signalé aucun inconvénient.

Voilà la force du système que j'ai présenté, c'est qu'il n'est que la consécration de ce qui existe, et d'un état de choses qui n'offre pas d'inconvénients, car je crois que l'honorable M. Delehaye, dans l'expérience qu'il a faite, comme moi, de l'administration de la justice, n'a point vu de cas où un agent se soit rendu coupable d'une fausse attestation dans un procès-verbal.

Voilà, messieurs, la réalité des choses, et en toute conscience je crois que le système de la commission peut être admis.

M. David. - Le système que M. le ministre de la justice vient de désigner comme impraticable pour les bois des communes, des établissements publies et du domaine de l'Etat, ce système a toujours été pratiqué pour les bois des particuliers, sans que la bonne conservation de ces bois en ait souffert le moins du monde. Pour les délits de la plus minime importance, les gardes en particulier dressent procès verbal, et le prévenu peut, par tous les moyens de droit, venir prouver son alibi par exemple devant le tribunal correctionnel. Dans le système contraire on condamnera certainement des innocents. Ainsi j'ai eu l’expérience de ce fait-ci : un garde particulier dresse procès-verbal contre un braconnier qu il ne peut pas atteindre et par conséquent parfaitement reconnaître ; le braconnier est attrait devant la justice et condamné.

Eh, bien, aussitôt que le temps voulu pour la prescription fut écoulé, un autre individu déclara hautement et publiquement que c'était lui qui avait été vu chassant, par le garde qui avait dressé le procès-verbal. Voilà, messieurs, le danger auquel on s'exposera le plus souvent par une méprise de la part du garde forestier ; la chose peut cependant se faire aussi avec mauvaise intention.

L'honorable ministre de la justice nous dit : Mais un prévenu innocent peut s'inscrire en faux. Remarquez, messieurs, que pour s'inscrire en faux, il y a à faire des dépenses qui bien souvent dépasseront la faible amende à laquelle le prévenu pourra être condamné.

M. Lelièvre. - Le système admis par la commission modifie la législation en vigueur dans un sens favorable au prévenu.

Aujourd'hui, messieurs, le procès-verbal émané de deux gardes fait foi jusqu'à inscription de faux, tandis que d'après le système du projet proposé par la commission, ce procès-verbal ne fera plus foi que jusqu'à preuve contraire dans le cas où la peine d'emprisonnement est prononcée par la loi comme peine principale.

Ainsi, sous le rapport de la protection due au prévenu, le projet de la commission réalise un progrès important.

Quant à la force probable attachée à un procès verbal émané d'un seul garde, nous ne faisons que maintenir les dispositions de la législation existante, législation qui, en vigueur depuis 1791, n'a jamais donné lieu à aucun inconvénient. Aussi, messieurs, jamais aucun auteur qui n'a écrit sur nos lois criminelles n'a demandé la réforme du système dont nous croyons pouvoir réclamer le maintien.

On n'a jamais signalé de faits justifiant un changement aux dispositions de la loi de 1791 sur le point en discussion.

Du reste, le Sénat avait proposé un système beaucoup moins libéral que celui énoncé au rapport de votre commission. La proposition de celle-ci avec les explications de M. le ministre de la justice me paraît garantir les intérêts des prévenus qui ont toute ma sympathie et en ce qui me concerne, je n’hésite pas à me rallier au projet.

Ne perdons pas de vue que dans la plupart des dispositions importantes la peine d'emprisonnement est prononcée comme peine principale, de sorte qu'en règle générale, la preuve contraire sera admise. Ce n'est qu'à l'égard de délits peu importants que les moyens de défense seront restreints à l'inscription de faux. Or, je l'ai dit, l'expérience ne révèle aucun inconvénient sérieux de cet ordre de choses.

M. Delehaye. - Messieurs, j'ai commencé par dire que le projet de la commission valait mieux que la loi du Sénat, et je donnerai mon adhésion au premier de ces projets, mais j'ai signalé quelques inconvénients qui doivent en résulter. Ainsi le procès-verbal dressé par un garde champêtre ou par un gendarme pour délit de maraudage, ne fera pas preuve jusqu'à inscription de faux et le procès-verbal dressé pour un fait identique, par un garde forestier, qui est partie intéressée, fera preuve jusqu'à inscription de faux.

Maintenant, est-il bien juste de dire que le prévenu a toujours la faculté de s'inscrire en faux ?

Mais l'inscription en faux est une formalité extrêmement importante et je doute fort que lorsqu'un maraudeur aura été l'objet d'un procès-verbal il puisse arriver à faire constater le faux quelque réel qu'il soit : l'inscription de faux exige de grandes dépenses, il faut recourir aux tribunaux ; or, ces délits se commettent dans les campagnes et les prévenus en cette matière peuvent être fort éloignés du greffe ; comment voulez-vous dès lors qu'ils puissent s'inscrire en faux ?

Or, comment s'y prendront-ils pour s'inscrire eu faux ?

Au reste, je bornerai là mes observations. Je ne veux pas aller plus loin. Je me borne à déclarer que la proposition de la commission me paraît préférable à celle qu'a adoptée le Sénat, mais que, selon moi, elle est loin d'être parfaite.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 36

« Art. 36. Aucune vente de coupe ordinaire ou extraordinaire ne pourra avoir lieu dans les bois soumis au régime forestier, si ce n'est par voie d'adjudication publique.

« Le jour, l'heure et le lieu en seront annoncés, au moins quinze jours d'avance, par des affiches apposées dans les lieux ordinaires. »

- Adopté.

Article 97

« Art. 97. Chaque année, avant le 1er mars, pour le pâturage, et le 15 septembre, pour le panage ou la glandée, l'administration forestière fera connaître aux usagers les cantons déclarés défensables et le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage, ainsi que la durée du parcours.

« Les conseils communaux indiqueront, sauf recours à la députation permanente du conseil provincial et au Roi, combien de bestiaux chaque usager pourra mettre au troupeau commun.

« Le collège des bourgmestre et échevins fera, sans retard, la publication de ces décisions dans les communes usagères. »

M. le président. - La commission propose de substituer aux mots : « fera sans retard la publication de... », ceux-ci : « fera publier sans retard, etc. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Articles 138 à 140

M. le président. - Le Sénat a remplacé les articles 138, 139 et 140 du projet adopté par la Chambre par la disposition suivante :

« Art. 138. Les procès-verbaux réguliers, dressés par un seul agent ou garde, ne font foi que jusqu'à preuve contraire. »

- La commission, n'adoptant pas cette disposition, propose d'ajouter à l'article 137 le paragraphe suivant :

« Toutefois l'emprisonnement ne pourra être prononcé comme peine principale qu'autant que le prévenu ait été admis à la preuve contraire. »

Elle demande également le rétablissement de l'article 138, déjà voté, en ajoutant après les mots « condamnation pécuniaire plus forte » de la phrase finale, ceux-ci : « ou l'emprisonnement ».

Cet article 138 était ainsi conçu :

« Art. 138. Les procès-verbaux réguliers, dressés par un seul agent ou garde, feront de même preuve, jusqu'à inscription de faux, si le délit ou la contravention n'est pas de nature à entraîner une condamnation de plus de cent francs, tant pour amende que pour dommages-intérêts. Lorsque le délit est de nature à emporter une condamnation pécuniaire plus forte, ces procès-verbaux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire. »

(page 1683) - Ces deux propositions sont successivement adoptées.

Articles 166 et 179

« Art. 166. Ceux qui auront fait ou laissé passer leurs voitures, animaux de trait, de charge ou de monture, dans les bois, hors des routes et chemins ordinaires, seront condamnés à 5 fr. d'amende par voiture ou par chaque animal de charge, de trait ou de monture, sans préjudice à l'application de l'article 168. »

- Adopté.

« Art. 179. Les dispositions des articles 107, 108, 109 et les paragraphes 1 et 3 de l'article 110 sont également applicables aux bois des particuliers. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.

71 membres répondent à l'appel nominal.

63 votent pour le projet.

6 votent contre.

2 s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Decker, de Haerne, de La Coste, Delchaye, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de T’Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Jouret, Julliot, Landeloos, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Pirmez, Rodenbach, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux,Van Cromphaut, Vandenbranden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Brixhe, Clep, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, H. de Baillet, de Breyne et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. de Perceval, Lesoinne, Closset, Coomans, David et de Bronckart.

Se sont abstenus : MM. Jacques et Pierre.

M. Jacques. - Messieurs, c'est la troisième fois que la Chambre vote le code forestier ; j'ai fait connaître précédemment les motifs de mon abstention.

M. Pierre. - Je me suis abstenu aujourd'hui par les mêmes motifs qui m'avaient forcé à m'abstenir au premier vote.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l'intérieur

Rapport de la section centrale

M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant allocation de crédits pour mesures relatives à la typographie et à l'exécution de la convention littéraire conclue avec la France.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédis supplémentaires au budget du ministère de la justice

Discussion générale

M. Loos. - Messieurs, la section centrale qui a examiné le budget de la justice a exprimé le veeu de voir supprimer dans les prisons tout autre travail que celui qui se fait pour l'exportation. Je viens, messieurs, m'assoeier à ce vœu, et je demande itérativement qu'on veuille dorénavant supprimer dans les prisons toute fabrication de toiles pour l'armée. Aujourd'hui, messieurs, dans quelques prisons du pays les détenus s'occupent encore de faire de la toile et d'autres objets d'équipement pour nos troupes. Cette fabrication nuit essentiellement à l'industrie libre ; elle nuit d'autant plus aux Flandres que depuis l'organisation de l'industrie, depuis qu'on a introduit dans les Flandres le travail à la façon, le cercle des tisserands qui font de la toile chez eux se trouve extrêmement réduit.

Ce sont ces toiles qui arrivent sur les marchés des Flandres et qui, par suite de l'irrégularité du travail, ne trouvent plus le débouché qu'elles avaient autrefois.

La concurrence s'exerce donc aujourd'hui sur un nombre d'indu triels beaucoup plus restreint et elle en est d'autant plus sensible. Je désire, par conséquent, que cette concurrence vienne à cesser et que les prisons ne s'occupent plus que de produits destinés à l'exportation et ne pouvant faire aucune concurrence à l'industrie libre sur le marché intérieur.

Vous apercevez tout de suite, messieurs, quel est le résultat de ce mode de travail dans les prisons : c'est que le salaire des détenus est payé par l'étranger, et que leur entretien diminue de tant le bénéfice que fait l'Etat sur la fabrication de ces marchandises. Grâce, messieurs, au dévouement de la commission de St-Bernard, ces bénéfices s'élèvent déjà à une somme considérable ; c'est à tel point que les frais d'entretien des détenus à la charge de l'Etat se trouvent réduits dans une forte proportion et que je ne désespère pas, si toutes les prisons s'occupent de travailler pour l'étranger, de voir ces frais d'entretien entièrement couverts par l'étranger.

Messieurs, cela peut vous paraître exagéré, mais si vous voulez jeter les yeux sur le rapport vous verrez qu'il a été réalisé dans la seule prison de St-Bernard, depuis qu'on y travaille pour l'exportation, un bénéfice de 244,364 francs, de 1844 à 1848 le nombre des détenus qui's'occupaient à la fabrication était de 5.023 et les bénéfices de toute nature ne s'élevaient qu'à 15 fr. 22 c, par individu ; aujourd'hui ces bénéfices se trouvent portés à 42 fr. 20c, par individu, et si vous tenez compte des sacrifices qu'on a faits dans le principe en faveur des Flandres, sacrifices faits sur le budget de la prison de St-Bernard, vous trouverez que la réduction opérée sur les frais d'entretien des détenus, ou le bénéfice par individu s'élève à 67 fr. 67 c, tandis que les frais d'entretien d'un détenu ne sont calculés qu'à raison de 226 à 230 fr. Vous voyez messieurs, que les bénéfices viennent atténuer ces frais dans une très forte proportion.

Je dis, messieurs, que le travail pour l'exportation ne nuit en aucune façon à l'industrie libre. En effet sur les marchés étrangers ce ne sont pas les toiles de St-Bernard qui viennent faire concurrence aux autres toiles belges, ce sont les toiles belges qui font concurrence aux toiles de la Russie, aux toiles du Zollverein et aux toiles anglaises. Cela est si vrai, messieurs, que vous pouvez, en consultant la statistique commerciale, vous rendre compte des effets produits quant à l'exportation vers les pays transatlantiques par la fabrication des toiles à la prison de St. Bernard.

Ainsi en 1847, nos exportations générales de toiles vers les pays transatlantiques ne s'élevaient qu'à 578,000 francs. Depuis 1848, époque où l'on a commencé la fabrication des toiles à la prison de Saint-Bernard, le chiffre de ces exportations s'est élevé à 3,867,000 fr. Déduisez de ce chiffre le montant de la fabrication de Saint-Bernard et vous verrez que l'industrie libre a participé à ce mouvement pour au-delà de trois millions. Vous voyez donc que la fabrication de Saint-Bernard a donné une forte impulsion à l'industrie libre, car c'est cette fabrication qui lui a fait prendre le développement que je viens d'indiquer.

Messieurs, je disais tout à l’heure que depuis 1848 jusqu'à ce jour le bénéfice réalisé à la prison de St-Bernard s'élevait déjà à 244,364 fr. Mais vous ne perdrez pas de vue que indépendamment de ce bénéfice la fabrication de St-Bernard a fait rentrer dans le pays une somme de 1,565,118 fr. Cette somme importante constitue le montant des salaires et des matières premières qui, en grande partie, ont été produites dans le pays. C'est encore un bénéfice direct procuré à l'industrie du pays et à nos détenus.

D'un autre côté, les résultats moraux ne sont pas moins importants que les résultats matériels que je viens d'indiquer.

En effet, on forme aujourd'hui dans les prisons des tisserands qui sont capables, à leur sortie de prison, de s'établir immédiatement pour leur compte.

La masse de sortie, résultant de leur salaire, est telle qu'un détenu, qui a séjourné 3 ou 4 ans en prison, est nanti d'une somme suffisante pour se procurer les outils et la matière première dont il a besoin pour commencer sa première pièce de toile. Vous savez la répugnance qu'on éprouve généralement à employer des hommes sortant de prison ; le détenu dont je parle ne doit recourir à personne ; il peut commencer et achever sa première pièce de toile, soit qu'il la fasse à la façon, soit qu'il la livre au marché.

Ce fait a produit pour résultat une diminution considérable dans les chiffres des récidives, en ce qui concerne les tisserands. L'importance de cette diminution vous étonnera sans doute autant que les autres résultats qui ont été obtenus.

Une statistique que j'ai sous les yeux montre qu'à St-Bernard, en 1842, le nombre des tisserands sortis comme tels, et rentrés comme récidifs, était de 59 p. c ; aujourd'hui, ce chiffre se trouve réduit de 59 à 18 p. c. C'est une preuve évidente qu'aujourd'hui la plupart des détenus, après avoir appris le métier de tisserand, trouvent à s'établir pour leur compte, et ont pris le parti de gagner honnêtement leurs moyens d'existence.

N'eût-on obtenu que ce grand résultat moral, la réduction du nombre des récidives que la société, pendant un si grand nombre d'années, a recherchée par tant de moyens coûteux, et notamment par le système cellulaire qui occasionne une dépense si considérable, n'eût-on obtenu que ce grand résultat, cela devrait être un motif déterminant pour que les détenus ne travaillent plus dans nos prisons que pour l'exportation.

Au reste, les commandes augmentent de jour en jour. Nos toiles ont gagné une préférence telle, que Saint-Bernard ne peut en produire assez ; et vous voyez que l'industrie libre contribue pour une très large part dans les exportations vers les pays transatlantiques.

Il serait donc désirable que cette fabrication s'étendît d'une manière exclusive à toutes nos prisons, c'est-à-dire qu'on n'y fît plus d'autres travaux.

Je sais que c'est là l’intention de M. le ministre de la justice, mais je voudrais voir prendre des mesures un peu plus promptes que celle qu'on paraît avoir en vue. On voudrait une transition qui, à mon sens, pourrait être abrégée.

Ainsi, si l'on mettait un grand nombre des détenus des prisons de Gand, de Vilvorde et d'Alost à la disposition de la commission administrative de la prison de St-Bernard, ces détenus pourraient être tous (page 1684) employés. : car le nombre des commandes est tel, qu'il est à ma connaissance que la commission a même demandé à pouvoir faire fabriquer par l’industrie libre.

Je dirai que cette mesure pouvait être approuvée en 1848, alors que l'industrie linière était aux abois, et qu'il y avait nn si grand nombre de malheureux dans les Flandres ; mais elle ne trouverait peut-être pas sa justification aujourd'hui. Toutefois, quant aux détenus dans les prisons, il est de l'intérêt du pays qu'ils soient employés de façon à ne pas faire concurrence à l'industrie privée ; surtout en présence des résultats que je viens d'avoir l'honneur de signaler à la Chambre.

Je demande donc à M. le ministre de la justice, qu'il veuille bien nous donner l'assurance que dorénavant tous ses efforts tendront à généraliser, dans les diverses prisons, les travaux pour l'exportation.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, l'honorable M. Loos, qui fait partie de la commission des prisons d'Anvers et de Saint-Bernard, était en position de vous fournir des renseignements très pertinents sur la fabrication des toiles pour l'exportation, dans la prison de Saint-Bernard et dans d'autres prisons. Ces détails ont dû vous satisfaire, et les résultats qu'on a obtenus sont de nature à déterminer la Chambre comme le gouvernement, à reconnaître que la commission des prisons a bien mérité du pays, en travaillant à l'extension de cette fabrication de toiles pour l'exportation. A cet égard, je suis heureux de me trouver complètement d'accord avec l'honorable M. Loos dans les appréciations qu'il a faites des résultats obtenus.

La question de savoir si l'on doit supprimer immédiatement et d'une manière absolue tout travail faisant concurrence à l'industrie privée, est une de celles qui ont été étudiées avec le plus de soin depuis un certain nombre d'années, et l'honorable M. Loos reconnaîtra avec moi que si l'on compare l'état des choses d'aujourd'hui avec ce qui existait il y a une quinzaine d'années, la question a fait d'immenses progrès, c'est-à-dire que le travail dans les prisons a de moins en moins fait concurrence à l'industrie privée et que l'administration s'est constamment attachée à étendre dans les prisons le travail pour l'exportation, de façon à ne pas nuire au travail indigène.

Maintenant je suis pour ma part, en principe et comme administrateur, tout disposé à restreindre de plus en plus et le plus promptement possible le travail auquel on a fait allusion et qui fait concurrence au travail libre à l'intérieur. Je dois dire que déjà j'ai fait prendre des informations dans le but de savoir comment et dans quelle mesure je pourrais mettre à la disposition de la commission administrative de la prison de Saint-Bernard des bras pour fabriquer des toiles destinées à l'exportation.

Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Loos, la commission administrative qui a de fortes commandes, désirerait faire travailler hors de la prison les ouvriers libres. En présence des déclarations que j'ai faites ici l'année dernière, lorsque j'ai obtenu un crédit de 550,000 fr. pour cet objet, j'ai cru devoir informer la commission que je ne pouvais pas satisfaire à sa demande, mais que je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour mettre à sa disposition des métiers et des bras dans les autres prisons.

Maintenant il sera impossible de ne jamais faire concurrence à l'industrie privée par le travail des prisons. D'abord il faut qu'on travaille dans les prisons. Voilà la première chose ; on choisira les branches de fabrication qui n'ont pas de similaires dans l'intérieur du pays ; mais au bout d'un certain temps, les succès obtenus par l'administration des prisons en exportant les produits qu'elle aura fait fabriquer, provoquerait une utile émulation à l'intérieur, et des imitateurs feront concurrence aux prisons ; les prisons ne s'en trouveront pas mal, ne s'en plaindront pas ; mais par la suite, ces imitateurs qui se trouveront en concurrence avec les prisons ne demanderont-ils pas qu'on modifie les travaux des prisons, qu'on ne leur fasse pas concurrence ?

Il est à ma connaissance que les personnes qui fabriquent des russias pour l'exportation trouvent mauvais que les prisons s'occupent de cet article.

Messieurs, on ne peut pas admettre pour le travail des prisons une exclusion absolue de ce que fabrique l'industrie privée ; nous devons maintenir aux prisons une fabrication qui est due à l'initiative de la commission d'Anvers, fabrication d'ailleurs qui n'est pas pour l'intérieur, mais qui est destinée à l'exportation.

Le principe doit avoir une limite tracée ; pour faire travailler les prisonniers, il peut être permis à l'administration d'entrer en concurrence avec les industriels privés sur les marchés étrangers.

Dans ces limites, la question doit recevoir une solution unanime de votre part. Ou ne peut pas étendre aux matières exportées l'exclusion adoptée pour les produits qui doivent se vendre à l'intérieur.

M. Osy. - La commission administrative des prisons a rendu un très grand service en faisant confectionner des russias par les prisonniers ; vous voyez que cette mesure a été favorable non seulement à l'industrie privée en ce qu'on ne lui fait pas concurrence, mais aussi au trésor. L'industrie des russias s'est tellement développée que pour répondre à toutes les demandes venant de l'étranger, la commission a dû s'adresser au gouvernement pour lui demander de mettre à sa disposition les détenus des prisons d'Alost et de Vilvorde pour confectionner des russias. Par suite de l'autorisation reçue, la commission a pris beaucoup de commandes de l'étranger pour l'exportation.

Mais il paraît que le gouvernement voudrait revenir sur cette mesure pour faire confectionner par les détenus d'Alost et de Vilvorde les toiles destinées pour l'armée.

J'engage M. le ministre à ne rien changer au système qu'il a adopté à. laisser les prisons d'Alost et de Vilvorde à la disposition de la commission de St-Bernard pour l'exécution des ordres qu'elle a reçus de l'étranger.

De cette manière on travaillera dans les prisons sans faire concurrence au travail intérieur.

M. Rodenbach. - Je pense comme l'honorable préopinanl que le gouvernement doit restreindre le travail dans les prisons à des marchandises que l'industrie privée ne confectionne pas et qu'il se borne à y faire fabriquer des russias ; l'industrie privée n'en produit pas, tandis que les autres toiles nos tisserands peuvent les faire. Aujourd'hui ils manquent de main-d'œuvre et pour donner du pain à leurs enfants, ils sont obligés de se rendre dans le département du Nord. Quand on peut diminuer l'émigration d'une population laborieuse valide et probe, on doit faire tous ses efforts pour y parvenir.

On voudrait faire confectionner dans les prisons les toiles dont on a besoin pour l'armée.

L'industrie privée peut bien confectionner ces toiles : on ne doit pas protéger les hommes qui ont fait banqueroute à l'honneur au point de leur procurer un travail dont on prive nos ouvriers honnêtes.

A St-Bernard les prisonniers ont de bon pain, sont bien nourris, et quand ils ont subi leur peine, ils rentrent chez eux, - comme bourgmestre, j'ai eu occasion de le constater, - avec des économies que nos ouvriers ne peuvent pas faire. Parce qu'un homme a volé, ce n'est pas une raison pour le protéger avec tant de sollicitude ; c'est là de la fausse philanthropie ; je ne veux pas qu'on maltraite, qu'on traite durement les prisonniers, mais comme l'honorable M. Coomans, je ne veux pas que ceux qui ont commis de mauvaises actions soient plus heureux que des honnêtes gens qui ont des enfants et sont au comble de la misère. Je ne veux pas qu'on laisse les prisonniers dans l'oisiveté, ni qu'on leur donne de l'ouvrage au détriment de notre classe ouvrière. Ou doit se borner à leur faire fabriquer des russias pour l'exportalion, mais non des toiles pour l'armée, ni des soieries. Voilà ce que je demande.

M. T'Kint de Naeyer. - Comme l'a fait observer M. le ministre de la justice, il est impossible de s'arrêter à un principe absolu en ce qui concerne le travail dans les prisons, mais il a été entendu, dans toutes les discussions antérieures, que le gouvernement s'efforcerait d'introduire des industries, n'ayant pas de similaires dans le pays, ou pouvant convenir au commerce d'exportation. C'est à ce point de vue que je me joins aux honorables préopinants, pour engager M. le ministre de la justice à ne pas continuer dans les prisons la fabrication des toiles pour l'armée.

Il importe de remarquer que les toiles communes fabriquées avec des fils à la main ne sont guère demandées que pour l'armée. Il en résulte que la concurrence des prisons est très nuisible précisément à la classe de tisserands flamands qui a le plus souffert de la transformation de l'ancienne industrie linière.

J'insiste donc pour que le gouvernement fasse un nouveau pas dans la voie où il est entré. Cela lui sera d'autant plus facile qui d'après les explications qui viennent d'être données par l'honorable M. Loos, la commission de Saint-Bernard ne peut suffire aux nombreuses demandes qui lui arrivent de l'étranger. (Interruption.)

Il est bien entendu, messieurs, que, lorsque je parle de l'extension à donner à la fabrication des russias, je n'ai en vue qu'un moyen d'utiliser les bras des détenus.

Je ne veux en aucune manière engager la commission à s'immiscer dans les opérations du travail libre.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je désire répondreà l'observation de l'honorable M. Osy.

Je reconnais que depuis nombre d'années, certaines prisons, celles d'Alost et de Vilvorde notamment, ont travaillé pour l'année, et je ne crois pas qu'il soit possible de supprimer immédiatement ce travail dans les prisons et de répudier les commandes acceptées, en supprimant le travail entrepris pour les fournitures de l'année. Ce que j'ai dit, c'est ce à quoi l'administration s'attache et s'attachera, c'est de procurer à la commission de Saint-Bernard le moyen d'étendre le genre de travail qu'elle a créé par de longs efforts : si la fabrication des russias prend assez d'importance pour occuper la majeure partie des détenus, je ne demande pas mieux que de les employer.

Je dois dire que j'ai été très surpris d'entendre les dernières observations de l'honorable M. Rodenbach, lesquelles avaient déjà été émises hier dans le même sens par l'honorable M. Coomans.

Ces honorables membres se plaignent de ce que les prisonniers sont trop bien traités, mieux traités que certaines catégories d'ouvriers libres dans les Flandres. Ce n'est pas là la question.

Il s'agit de savoir si les détenus dans les prisons doivent être tenus proprement, suffisamment nourris, et s'il n'est pas légitime et convenable de leur procurer, au moyen du travail qu'ils font, un léger pécule, qui les mette en position de se procurer, en sortant de prison, un petit établissement. Si vous ne permettez pas que les détenus travaillent dans les prisons, si vous les laisser mourir de faim, et si, à l'expiration de leur peine, vous les jetez sans aucune industrie, sans aucune épargne dans la société, vous arriverez à un résultat contraire à celui qui a été (page 1685) signalé par l'honorable M. Loos, à une déplorable multiplicité de récidives, et à la démoralisation la plus profonde des prisonniers.

Les détenus sont traités avec toute la parcimonie possible. Il se fait en ce moment une enquête dont le résultat tend à établir que la ration accordée aux détenus, qui sont soumis dans les prisons à un travail assez fort ne suffirait pas pour entretenir leurs forces et leur santé dans des conditions convenables. La question est très sérieuse, elle attire l'attention de l'administration. Je suis en ce moment à attendre les résultats de l'enquête qui se poursuit sur cette grave question.

Les prisonniers sont tenus dans leurs prisons dans des conditions de propreté, d'aérage et d'hygiène convenables. Mais je ne suis nullement d'opinion qu'il faille supprimer le travail dans les prisons.

Il faut que les prisons fassent honneur au pays. Il faut qu'elles contribuent à la moralisalion des détenus.

Il ne faut pas qu'elles soient un supplice pour ceux qui y sont entretenus. Nous ne sommes plus au temps où les prisons devaient nécessairement être une torture perpétuelle. Ces idées-là ne sont plus de notre temps.

M. Delehaye, rapporteur. - Je suis d'accord avec le gouvernement, qu'en fait de régime des prisons, le premier devoir de l'Etat est de donner du travail aux prisonniers, moins pour alléger les charges que leur entretien fait peser sur le pays, que pour leur donner des habitudes d'ordre et de moralités telles qu'à leur sortie de prison ils cessent d'être un danger pour la société.

On travaille pour l'exportation ; de sorte que le travail des prisons ne fait pas concurrence au travail national sur le marché intérieur. Sous ce rapport, la commission de la prison de Saint-Bernard a atteint un but que l'on poursuivait depuis longtemps. Aussi je m'étonne que cela ait été l'objet d'attaques de la part de quelques honorables membres.

D'abord, nous avons souvent réclamé une société d'exportation. Pendant longtemps ce vœu a été émis particulièrement par les députés des Flandres. Comme représentant d'une grande ville industrielle, je me suis toujours associé à cette demande. Le but de cette société est en partie atteint par la commission de Saint-Bernard.

Vous savez que le gouvernement a autorisé l'introduction dans le pays de fils anglais destiués à l'exportation ? Nous savons que c'était un moyen de fraude, parce que l'on achetait à l'entrepôt des fils très fins, soumis à des droits très élevés et qu'en se faisant rembourser ces droits en exportait de gros fils achetés dans le pays et ayant payé des droits minimes. Avec la commission de Saint-Bernard cette fraude n'existe pas. On exporte les fils anglais qui ont été importés.

Voilà le motif pour lequel je m'associe à cette mesure.

On a dit tantôt qu il fallait nécessairement que l'on travaillât dans les prisons et pas pour l'armée. On y arrivera sans doute. Jusqu'à présent, je ne sache pas qu'une seule industrie se soit plainte de la concurrence du travail des prisons ; au contraire, elle y a gagné, car on a introduit dans le pays une industrie qui élait tellement inconnue que beaucoup d'honorables membres ne savaient pas ce que c'étaient que des russias.

- La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - La somme dont il s'agit et la question dont nous nous occupons valent bien la peine que la Chambre y consacre quelques minutes encore.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la justice un crédit supplémentaire de cinq cent mille francs à titre d'avance pour l'exercice courant.

« Cette somme sera ajoutée à celle qui est portée à l'article 49, chapitre X du budget du département de la justice pour l'exercice 1854. »

M. Coomans. - Messieurs, je ne puis m'associer au désir qu'expriment quelques honorables membres de voir l'administration des prisons se borner à la confection des produits dont les similaires n'existent pas en Belgique. Je trouve qu'il y a là une certaine étroitesse de vue, aussi contraire aux vrais principes économiques qu'à l'intérêt de la nation et à l'intérêt des prisonniers.

Si vous n'occupez vos prisonniers qu'à un travail qui n'existe pas en Belgique, je vous le demande, à quoi s'emploieront-ils lorsqu'ils sortiront de prison ?

Il faut, au contraire, les initier à des métiers lucratifs, les mettre à même de pouvoir profiter en liberté de l'éducation qu'ils auront acquise pendant la séquestration.

Et puis, je ne comprends pas trop le but qu'ont les honorables membres en voulant restreindre ainsi l'aclion du gouvernement. Pourquoi n'accorderait-on pas au gouvernement belge la faculté de faire ce qu'on laisse faire à l'étranger ? On pose ici des doctrines de liberté commerciale, des doctrines de libre échange ; on veut que tous les produits étrangers entrent chez nous à des droits modérés. C'est ce qu'on m'a forcé de vouloir aussi ; c'est la thèse que j'ai constamment plaidée au point de vue de l'égalité du traitement de l'industrie nationale. Et l'on ne permettrait pas au gouvernement de pratiquer lui-même cette théorie ; en aurait plus peur du travail de nos compatriotes que du travail des étrangers ! Je m'opposerai à cette doctrine arbitraire et illogique.

Quant à ce qui concerne l'observation faite par M. le ministre de la justice, qu'il n'approuve pas les plaintes que j'ai élevées hier au sujet du traitement alimentaire des prisonniers, je n'ai qu'un mot à dire, c'est qu'il y a des milliers de familles très honnêtes, très innocentes qui ne mangent pas de viande du tout.

Si le gouvernement a de quoi en fournir avec une certaine abondance aux prisonniers, aux hommes que la justice sociale a dû frapper, il devrait en distribuer aussi aux honnêtes gens, peut-être même devrait-il commencer par ces derniers.

Mais j'avoue que l'application de ce principe nous mènerait trop loin ; aussi dois-je me borner à signaler une anomalie fâcheuse, due à une philanthropie exagérée, qui, si on la laissait faire, finirait par attirer dans les prisons tous les pauvres du pays.

M. Delehaye, rapporteur. - L'honorable membre aurait parfaitement raison si les prisonniers, en sortant de la prison de St-Bernard, ne savaient faire que des russias, sorte de toiles que l'honorable M. Coomans paraît croire ne pas être aussi confectionnées par le travail libre. Mais remarquez qu'il y a des industriels qui font des russias, et que les russias fabriquées par l'industrie libre s'exportent aussi du pays, dans des proportions moins fortes, il est vrai, que celles qui sont fabriquées dans les prisons.

M. Coomans. - Je n'ai pas parlé des russias, j'ai demandé une liberté entière.

M. Delehaye. - Il est certain que la plupart des ouvriers qui sortent de la prison de St-Bcrnard sont d'excellents tisserands ; et ceux qui savent tisser des russias, savent tisser d'autres toiles. Or, messieurs, ou le sait, beaucoup de nos tisserands libres ne se sont pas perfectionnés dans leur état, ils laissent beaucoup à désirer.

Eh bien, comme les tisserands sortant de la prison de Saint-Bernard sont d'excellents ouvriers, le travail libre, l'industriel sera heureux de les employer, parce qu'il est persuadé que ce sont des hommes actifs, des hommes qui ont l'intelligence et l'habitude du travail.

Il y a une considération sur laquelle j'appelle également l'attention de l’honorable M. Coomans et qui touche un peu au libre échange. On me croira d'autant mieux que si quelqu'un a été contraire au libre échange, ç'a été moi.

J'ai d'ailleurs remarqué que les libre-échangistes, tout en défendant leur système en théorie, voulaient bien l'appliquer à certains produits, mais ne voulaient pas l'appliquer à d'autres. Or, quant à moi, je crois que ce système peut être adopté lorsque le travail national ne doit pas en souffrir ; mais lorsqu'il doit porter atteinte au travail national, je n'en veux pas. Ainsi j'accepte ce système pour les produits que nous ne faisons pas encore.

Prenons pour exemple le fil anglais. Le système qui a été admis pour la fabrication du fil a produit de bons résultats ; car on fait aujourd hui à Gand des fils qu'on ne confectionnait pas il y a trois ou quatre ans.. L'adoption de ce système n'a donc pas donné lieu à un résultat regrettable.

Cependant, je viens de le dire, par suite de l'adoption de ce système on est parvenu à produire en Belgique les mêmes fils à peu près qu'en Angleterre, et doit-on s'en étonner ? Savez-vous, messieurs, que la Belgique possédera d'ici à quelques mois le plus grand établissement industriel qui existe en Europe ? Savez-vous que nous sommes à la veille d'avoir à Gand, en pleine activité, une filature qui n'a pas sa pareille ea Angleterre ni en Ecosse ?

Messieurs, je veux me renfermer dans la discussion. Je réponds au système qu'a développé l'honorable M. Coomans. Tous les systèmes sont bons pour l'industrie, mais c'est à une condition, c'est qu'ils ne nuisent pas au travail national. Eh bien, je répète qu'il n'est pas d'industrie en Belgique qui ait fait plus de progrès que l'industrie linière, et que ces progrès sont dus au système de protection qui a été adopté.

Messieurs, adopter sans exception, sans modification, sans amendement un système de libre-échange ou un système de protection exagérée serait également une faute. Il faut que nous adoptions un système qui réponde aux exigences de nos industries ; c'est le seul qui puisse réellement nous être avantageux.

- L'article est adopté.

Article 2 à 4

« Art. 2. Ce crédit sera affecté à la fabrication, dans les prisons, de toiles pour l'exportation. »

- Adopté.


« Art. 3. Une somme de cinq cent mille francs sera portée au budget des recettes de 1854. »

- Adopté.

« Art. 4. Il sera rendu compte de l'opération aux Chambres législatives, dans la session de 1854-1855. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 71 membres présents.

Ce sont : MM. de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donck, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Vilain IIII, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart et Delfosse.

Projet de loi prorogeant le délai d'exécution de la section ferroviaire de Tielt à Deynze

Discussion générale

(page 1686) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - M. le président, je me rallie au changement de rédaction proposé par la section centrale mais il y a une rectification à faire : il est dit ; « L'intérêt du produit net garanti. » Or, ce n'est pas l'intérêt que le gouvernement s'est engagé à fournir, c'est le minimum du produit net ; il faut donc dire : « Le minimum du produit net garanti. »

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet en discussion qui relève d'une déchéance la société de la Flandre occidentale, je crois devoir faire une interpellation à M. le ministre des travaux publics relativement à la suspension des travaux concernant le chemin de fer de Namur à Luxembourg. Est-il permis d'espérer dans un bref délai la continuation des travaux ? Cet objet est très important pour la province de Namur, et je prie M. le ministre de ne pas le perdre de vue.

M. Devaux. - Messieurs, je n'ai rien à dire sur le fond même du projet de loi ; je crois qu'il est très juste de relever la compagnie de la Flandre occidentale de la déchéance qu'elle a encourue ; je crois que les raisons données à l'appui de cette mesure, dans l'exposé des motifs, sont suffisantes.

Cette compagnie est une compagnie très sérieuse, très active, et il serait à désirer que toutes les autres lui ressemblassent.

Mais j'ai une observation à faire sur une décision prise par M. le ministre des travaux publics au sujet du chemin de fer de la Flandre occidentale. J'ai encore une fois à me plaindre de ce que les intérêts de l'arrondissement de Bruges ont été injustement lésés par le chef du département des travaux publics. J'avoue que ce genre de plaintes me répugne beaucoup et qu'il faut vraiment le sentiment d'un devoir impérieux pour m'y contraindre.

Je veux parler, messieurs, d'une décision qui paraît avoir été prise par le gouvernement, en ce qui touche le point de raccordement entre l'embranchement de Thielt et le chemin de fer de la Flandre occidentale ; il paraît que M. le ministre a fixé ce point de raccordement à Ingelmunster. Pour vous faire comprendre en deux mots de quoi l'arrondissement de Bruges a à se plaindre, permettez-moi une comparaison : Je suppose que le chemin de fer de Bruxelles à Anvers ne passe pas à Malines, qu'il laisse cette ville de côté à une ou deux lieues, et qu'il s'agisse de faire un embranchement qui relie Malines à la ligne principale. Savez-vous comment, dans le système de M. le ministre, les voyageurs iraient de Malines à Bruxelles ?

Ils commenceraient par se diriger sur Anvers pendant trois lieues, puis reviendraient sur Bruxelles, en parcourant dix lieues au lieu de quatre.

Voilà, messieurs, ce que, d'après la décision du gouvernement, devront faire les voyageurs pour se rendre de Thielt à Bruges.

A vol d'oiseau, la petite ville de Thielt se trouve environ à 5 lieues de Bruges ; par le chemin de fer le trajet sera de dix à onze lieues. Voici ce qui s'était passé à ce sujet.

Lorsque le chemin de fer de la Flandre occidentale a été concédé, en 1845, la loi portait que Thielt serait relié à cette ligne sur un point intermédiaire entre Bruges et Courtrai, à déterminer par le gouvernement. Dans toute la discussion, l'on a toujours compris que Thielt serait relié au chemin de fer de la Flandre occidentale sur un point réellement intermédiaire entre Bruges et Courtrai, c'est à-dire de manière à ne pas allonger inégalement la distance vers l'une ou l'autre de ces villes.

Il y avait deux intérêts en présence : les communications vers Bruges et les communications avec Courtrai ; la chambre de commerce de Courtrai disait sagement : D'un côté Thielt fait un commerce de toiles avec Courtrai, de l'autre il a des rapports administratifs avec le chef-lieu de la province ; il faut concilier ces deux intérêts. Il fallait donc placer le point de raccordement de manière à ce que le détour ne fût pas sensiblement plus grand vers l'une des deux villes que vers l'autre. C'est-à-dire que le raccordement devait se faire vers Thourout ou Lichtervelde. Tout paraissait d'accord à cette époque, et les intérêts, paraissaient conciliés, aucun ne triomphait de l'autre.

Il y a plus : d'après le projet de loi, Thielt n'était pas seulement rattaché à l'est au chemin de fer de la Flandre occidentale, mais cet embranchement se prolongeant à l'ouest allait se relier aussi au chemin de fer de l'Etat ; ici pour le raccordement la loi laissait au gouvernement une alternative. Cette seconde extrémité de l'embranchement pouvait aboutir ou bien à Aeltre, entre Bruges et Gand, ou bien à Deynze, entre Gand et Courtrai.

Viut le moment où il fallut se décider entre ces deux points ; le gouvernemeut envoya à la ville de Bruges une lettre de la compagnie dans laquelle on lui disait qu'on désirait adopter la direction de Deynze qui s'éloigne complètement de Bruges, de préférence à celle d'Aeltre qui s'en rapproche, qu'on engageait la ville de Bruges à ne pas s'y opposer puisqu'il serait satisfait à ses intérêts par l'embranchement à l'est de Thielt et que dans tous les cas de Bruges à Thielt il n'y aurait pas plus de six lieues.

La ville de Bruges répond : qu'elle s'abstient de réclamer l'embranchement par Aeltre ; mais en prenant formellement acte de la promesse qu'on lui fait, que l’autre embranchement, qui doit lui en tenir lieu, ne la mettra pas à plus de six lieues de la ville de Thielt.

Eh bien, messieurs, d'une part on a enlevé à la ville de Bruges l'embranchement de Thielt au chemin de fer de l'Etat à Aeltre ; de ce côté on ne peut plus aller de Bruges à Thielt qu'en passant par Gand et Deynze, c'est-à-dire en faisant 16 à 17 lieues. De l'autre côté, l’embranchement qui devait rattacher Bruges à Thielt par le chemin de fer de la compagnie, et qui devait avoir 6 lieues, en a 10 ou 11. En réalité donc les deux embranchements sont perdus pour Bruges.

D'après cela, messieurs, je demande si l'arrondissement de Bruges a droit de se plaindre ? A-t-on fait ici ce qu'on doit faire en administration ? A-t-on taché de concilier des intérêts divers ? Non, on a écouté un intérêt ; on en a froissé un autre, et on a méconnu une promesse formelle faile à l'administration de la ville de Bruges.

Thielt, je le veux, fait plus de commerce de toile avec Courtrai qu'avec Bruges, et quoique les toiles ne soient pas une matière pondéreuse comme la houille, que pour le transport d'une pièce de toile de 80 fr., un détour de 4 lieues ne soit qu'une affaire de 6 centimes, il fallait en tenir compte ; mais même pour Thielt, il ne fallait pas oublier qu'à l'aide d'un embranchement moins indirect, elle ne pouvait manquer d'avoir de nombreuses relations de tous les jours avec un chef-lieu de 53,000 habitants.

Malines peut avoir avec Anvers des relations de commerce proprement dit, plus étendues qu'avec Bruxelles, mais supprimer les relations de Malines avec Bruxelles serait assurément lui faire un tort considérable.

Si l'on a fait croire à Thielt qu'on ne nuisait pas à ses intérêts en le plaçant à onze lieues de Bruges on l'a bien certainement trompé.

Le chemin de fer de la Flandre occidentale était déjà conçu d'une manière très peu favorable à l'arrondissement de Bruges. Le but de ce chemin de fer était de relier Bruges, Courtrai et Ypres, qui forment un triangle. Or, Bruges, pour aller à Ypres, dont elle n'est séparée que par une distance de 9 lieues, est obligée d'en faire 15 ou 16 par le chemin de fer. C'était bien assez, fallait-il qu'on vînt faire aujourd'hui pour Thielt ce qu'on avait fait pour Ypres ?

Je m'efforce, messieurs, d'imposer une grande modération à mon langage, mais une pareille manière d'agir de la part du gouvernement est déplorable.

M. le ministre des travaux publics a grand tort, dans les questions de ce genre, de ne pas écouter tous les intérêts et de ne pas faire la moindre enquête, avant de prendre une décision ; il devrait consulter les localités les plus intéressées et surtout les chefs-lieux de provinces. Il n'alléguera pas sans doute que dans je ne sais quelle occasion il a circulé ici une carte de chemin de fer où Ingelmunsler figurait commet point de raccordement de l'embranchement de Thielt.

Je ne sait pas quelle autorité on pourrait emprunter à un pareil document qui n'avait aucun caractère officiel. Tout était encore à décider lorsque le gouvernement a pris, il y a peu de temps, la résolution dont je me plains.

Si à cette époque on avait voulu consulter les autorités du chef-lieu, on se serait épargné une grande injustice et la violation d'une promesse.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable M. Devaux me prouvent, une fois de plus, combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre uns résolution quelconque sur des questions de ce genre sans mécontenter un des intérêts qui sont en jeu.

Je vais rappeler brièvement les faits, je remonterai à l'année I845, quoique à la rigueur je n'eusse pas à tenir état de ce qui s'est dit et fait en 1845, parce que les Chambres en 1851, lorsqu'elles ont discuté à nouveau les conventions qui sont intervenues entre les concessionnaires et le gouvernement, avaient à prendre vis-à-vis du gouvernement les précautions qu'elles auraient jugé convenables. A la rigueur donc, je ne devrais pas faire état des engagements qui peuvent avoir été pris en 1845 ; je vais rappeler cependant ce qui a été fait, je vais dire les résultats de la résolution qui a été prise en 1845, et la Chambre jugera avec quel soin dans le cas actuel l'instruction de cette affaire a été conduite.

La loi, autorisant la concession du chemin de fer de la Flandre occidentale, portait à son article premier :

« Le gouvernement est autorisé, sous les réserves indiquées ci-après, à accorder à la compagnie la concession d'un chemin de fer de Bruges à Courtrai, par Thourout, Roulers et Menin, avec embranchement sur Thielt et sur Dixmude et de Thielt sur Aeltre ou sur Deynze, etc. »

Ainsi, le point intermédiaire où l'embranchement de Thielt devaitse joindre à la ligne de Courtrai à Bruges, n'était pas déterminé par la loi de concession. Les Chambres, à cette époque, n'ont pas voulu à cet égard lier l'action du gouvernement. Si je consulte les discussions qui ont eu lieu en 1845, lorsque la loi fut présentée à la Chambre, je suis entièrement confirmé dans cette opinion.

En effet, l'honorable M. de Foere voulut connaître, à cette époque, du ministre des travaux publics sur quel point la ligne de Thielt allait s'embrancher.

Il en fit la demande dans la séance du 9 mai 1845 et aucune réponse formelle ne lui fut donnée.

Le ministre des travaux publies d'alors s'est borné à répondre qu'il y avait deux intérêts en présence, l'intérêt politique qui élail de rattacher Thielt au chef-lieu de la province, à Bruges, et l'intérêt commercial qui voulait que Thielt fût rattaché à Courtrai.

(page 1687) Voici dans quels termes le ministre des travaux publics s'exprima dans la séance du 18 mai 1846. (M. le ministre cite les déclarations du ministre des travaux publics de cette époque.)

Un membre interrompit pour dire : et avec Gand ?

Le ministre reconnut que cet intérêt existait également.

Ainsi, en 1845 pas d'engagement de la part du gouvernement.

A la date du 5 septembre 1845 intervient un arrêté aux termes duquel l'embranchement de Thielt sur Deynze et celui de Thielt sur Aeltre étaient abandonnés. (M. le ministre cite cet arrêté.)

Avant de soumettre aux Chambres le projet de convention qui a été ratifié par elles, une enquête fut ouverte par les soins du gouvernement. La compagnie proposait de faire l'embranchement de Courtrai sur Ypres, et demandait en même temps d'être exonérée des embranchements de Thielt sur Fumes et Dixmude, et du prolongement d'Ypres sur Poperinghe. Le gouvernement consulta la députation permanente de la Flandre occidentale et les chambres de commerce d'Ostende, d'Ypres, de Courtrai, de Bruges et de Roulers.

Voici commeut la députation de la Flandre occidentale et la chambre de commerce de Bruges s'exprimèrent :

A la question ainsi posée : Y a-t-il lieu de décharger la compagnie de l'obligation de construire l'embranchement de Furnes Deynze ?

Oui, répondit la députation ; et sur la même question la réponse de la chambre de commerce fut également favorable. La députation et la chambre de commerce pensaient que l'intérêt général commandait au gouvernement de traiter avec la compagnie pour l'exécution de la simple ligne de Courtrai à Ypres.

Cependant grâce aux sollicitations du gouvernement la compagnie consentit à faire l'embranchement non seulement d'Ypres vers Poperinghe, mais encore de Deynze à Thielt et de Thielt à un point quelconque à déterminer de commun accord entre la compagnie et le gouvernement. La convention qui intervint ne donna lieu à aucune observation de la part des honorables députés de Bruges dans la discussion du grand projet de travaux publics. Cette convention portait formellement qu'il y aurait un embranchement de Thielt à un point quelconque a déterminer de commun accord entre le gouvernement et la compagnie.

Maintenant l'honorable M. Dcvaux croit (car c'est le fond de la question, au point de vue de la légalité, la conduite du gouvernement est inattaquable), l'honorable membre croit devoir l'attaquer au point de vue administratif.

Il s'agit de savoir si le gouvernement a bien fait d'autoriser la compagnie à faire l'embranchement de Thielt sur Ingelmunster. Si le gouvernement avait pu traiter de l'exécution de l'embranchement de Dixmude et Furnes, la section de Thielt se serait rattachée à la ligne de Courtrai à un autre point qu'Ingelmunster ; et si les propositions à ce sujet venaient à se renouveler, je me réserve d'examiner jusqu'à quel point il ne conviendrait pas de rentrer dans les vues de l'honorable préopinant.

En ce moment la question est de savoir si, en adoptant le tracé vers Ingelmunster, l'intérêt du trésor et des relations commerciales des localités à desservir est d'accord avec les intérêts de la compagnie concessionnaire, et si l'intérêt administratif, au nom duquel parle l'honorable M. Devaux, est froissé, comme il semble le croire.

J'étais en présence de ce triple intérêt, car je ne fais pas état de l'intérêt de la compagnie. Il est vrai qu'en prenant la direction vers Ingelmunster, on fait 15 kilomètres de moins, mais je le répète, je fais abstraction des intérêts de la compagnie, je dis que j'étais placé en face de trois intérêts : l'intérêt des localités qu'il s'agissait de rattacher à la ligne nouvelle, l'intérêt administratif et l'intérêt du trésor.

Les inlérèls des localités seront mieux desservis par la ligne sur Ingelmunster, que par celle sur Roulers ou Lichlervelde ; car les relations de l'arrondissement de Thielt sont toutes avec la France, Ypres, Courtrai et le Hainaut. Les charbons et la chaux, les pierres du Hainaut lui arrivent plus facilement par cette direction. L'intérêt commercial est donc mieux satisfait, on traverse des communes d'une plus grande importance ; pour n'en mentionner qu'une, je citerai Meulebeke qui compte 10 mille habitants ; par l'autre tracé on laissait à une certaine distance des communes moins importantes.

L'intérêt administratif, il est vrai, est moins bien desservi par la ligne d'Ingelmunster, qu'il ne le serait par celle de Lichtervelde ou sur Roulers ; il y a 11 lieues à faire par le chemin de fer, tandis qu'il n'y en a que six par la route pavée ; mais sous le rapport du temps, l'avantage sera toujours à la voie ferrée ; les 11 lieues pourront se faire en une heure et demie, tandis que pour faire les six lieues de route pavée il faudra au moins 3 ou 4 heures.

D'autre part n'est-il pas évident que la compagnie a le plus grand intérêt à avoir la circulation qui va s'établir entre Thielt et Bruges, elle ne pourra pas maintenir le tarif plein sous peine devoir établir des messageries qui lui enlèveraient ces transports.

Je dis donc que, comme temps et comme dépense, le tort fait à Bruges par l'embranchement d'Ingelmunster n'est pas aussi grand qu'on pourrait le croire.

Il y a d'ailleurs un intérêt commercial évident, et puis l'intérêt du trésor m'a déterminé à donner la préférence à la direction vers Ingelmunster.

En effet il est reconnu (personne ne le niera) que de Thielt à Roulers il y aurait une dislance de 25 kilomètres par le chemin de fer, que de Thielt à Ingelmunster la distance est seulement de 10 kilomètres. Il y a donc 3 lieues de plus par l’embranchement sur Roulers. Trois lieues de plus constituent une dépense assez notable pour une compagnie, mais d'autre part une dépense d'exploitation beaucoup plus forte.

Or, comme le gouvernement garantit à la compagnie un minimum de produit de 160 mille francs sur cette ligne, il est assez naturel qu'il se préoccupe de la dépense d'exploitation. Plus les dépenses seront fortes, moindre sera le produit net, plus sera grande la responsabilité du gouvernement, plus sera lourde son intervention.

On voit par ces explications que le gouvernement, encore dans cette affaire, s'est trouvé devant plusieurs intérêts en présence.

Je sais qu'il y aurait eu encore un moyen de retarder la décision, d'ajourner la résolution, c'eût été d'ordonner de nouvelles enquêtes. Il y a eu, en 1845, une enquête sur la direction sur Aeltre, il y en a eu une autre en 1850.

S'agissait-il de consulter les localités ? Mais elles ne manquent jamais de s'adresser à nous. Il y a eu une enquête de commode et incommodo : on a envoyé les plans à la province. Si Bruges s'était adressé à moi, et si elle avait fait valoir d'autres arguments que ceux que l’on a fait valoir ici, il est possible que j'eusse été arrêté dans la détermination que j'ai prise.

Mais, après l'enquête faite en 1850, j'ai cru devoir m'abstenir d'en ouvrir une autre, d'autant plus que le résultat de ces enquêtes est toujours connu à l'avance. Si l'on avait ouvert une enquête sur la direction de Thielt vers Ingelmunster, Bruges aurait demandé la direction sur Roulers ou sur Lichtervelde.

Du reste, je finis par l'observation que je présentais tantôt, que si la compagnie pour le chemin de fer de Furnes à Dixmude renouvelle ses propositions, je me réserve d'aviser à nouveau.

Je finis, en répondant à l'interpellalion de l'honorable M. Lelièvre. Déjà un honorable membre de cette Chambre, M. Tesch m'avait annoncé l'intention de m’interpeller au sujet de la situation de la compagnie du Luxembourg. D'accord avec moi, il avait compris qu'il était préférable d'ajourner une discussion sur cet objet. En effet, je ne puis répondre d'une manière complète à la demande qui m'est adressée. Les embarras de cette compagnie sont réels ; j'aime à croire qu'ils seront momentanés. Mais je ne suis pas à même de fournir des explications positives, officielles. J'ai écrit à la compagnie ; je lui ai fait des observations sur la suspension des travaux, sur la cause de cette suspension...

Par une lettre toute récente, j'ai appelé son attention sur les conséquences graves de cette suspension. Je lui ai fait entrevoir qu'au 1er janvier 1855 elle devait avoir achevé la moitié des travaux sur la ligne de Namur à Arlon, et que le gouvernement se réservait d'user des droits que lui donne la convention.

C'est tout ce que je pouvais faire.

M. de Haerne. - Les explications de M. le ministre des travaux publics m'ont paru si claires que j'aurais pu me dispenser de joindre ma voix à celle de l'honorable orateur. Je tiens cependant à ajouter quelques mots pour confirmer les idées qu'il a émises.

Il est vrai, comme il l'a fait remarquer, qu'il y plusieurs interdis en présence : l'intérêt administratif, l'intérêt commercial, l'intérêt du trésor.

Mais, en fait de chemin de fer, nous avons toujours vu l'intérêt commercial primer tous les autres intérêts. Ensuite vient l'intérêt du trésor ; l'intérêt administratif se place en troisième ligne. En faut-il une autre preuve que les grandes lignes que nous avons construites en premier lieu ? Pourquoi ces lignes qui devaient relier nos ports de mer au Rhin ne se sont-elles pas dirigées sur la capitale ? Parce que l'on avait compris qu'il fallait avant tout donner satisfaction à l'intérêt commercial. C'était une faute, je le sais. On l'a reconnue plus tard.

Mais pourquoi ? Etait-ce à cause des exigences administratives ? En aucune manière ; mais parce que l'expérience nous a fait voir que le commerce intérieur avait comme toujours plus d'importance que le commerce extérieur. C'est donc au point de vue commercial qu on a reconnu cette faute, et qu'on a tâché d'y remédier.

L'honorable M. Devaux s'est plaint de l'isolement où l'on a placé Bruges, en fait de chemin de fer. Cet isolement est réel ; mais il tient à la nature des choses, il résulte de ce que cette ville est dans une position anormale et excentrique sous ce rapport, et que les intérêts commerciaux de la Flandre occidentale ne se portent pas vers cette ville.

On a parlé d'Ypres.

Par quel motif la ligne d'Ypres n'a-t-elle pas abouti à un point plus rapproché de Bruges ?

Parce que l'arrondissement d'Ypres a des relations plus grandes avec Gand et Bruxelles qu'avec Bruges.

La question commerciale a prévalu.

Sans m'attacher aux intérêts de l'arrondissement que je représente spécialement dans cette enceinte, je dirai que, dans cette question, c'est la localité à relier à la ligne déjà construite, que l'on doit consulter avant tout. C'est l'arrondissement de Thielt qui doit venir en première ligne. Quel est son intérêt ? Consultez les hommes compétents, les centres de fabrication, de commerce et d'industrie de cet arrondissement, les personnes qni ont fait connaître leur opinion, les réunions qui ont eu lieu, et qui ont émis leur avis sur la question ; et vous verrez qu'en général on s'est prononcé pour la direction vers Ingelmunster (page 1688) et non pour celle vers Lichtervelde, vers Thourout ou vers Roulers.

L'honorable M. Devaux a parlé particulièrement de Lichtervelde. Mais du moment qu'on s'éloigne d’Ingelmunster, on abandonne l'intérêt commercial, alors vient la question de savoir si ce n'est pas à Roulers plutôt qu'à Lichtervelde ou à Thourout que doit aboutir la ligne de jonction. c

Il est évident qu'alors l'intérêt général disparaît pour faire place à des intérêts de localités.

Permettez-moi, messieurs, d'ajouter quelques observations sur la question commerciale qui domine ici. Quel est cet intérêt pour l'arrondissement de Thielt ? L'honorable ministre des travaux publics l'a parfaitement expliqué ; il a fait voir que l'arrondissement de Thielt a de nombreuses relations avec le Hainaut, avec Lille, avec Courtrai. Les houilles, les pierres de construction, la chaux, les toiles, les épiceries, les objets de commerce de détail ; l'arrondissement de Thielt correspond pour tout cela avec les localités que je viens de nommer.

On a dit : pour le transport des toiles il y aurait une très petite différence entre le point de Lichtervelde et celui d'Ingelmunsler. Mais la question n'est pas là. La question est moins dans le transport des marchandises que dans les facilités qu'on doit offrir aux négociants qui toutes les semaines se rendent au marché de Thielt ; or vous comprenez bien que si vous leur faites faire le détour par Lichtervelde ou même par Roulers, vous entravez les relations avec cette ville qu'il s'agit de relier à la ligne existante.

Messieurs, il se fait aussi des affaires très considérables entre l'arrondissement de Thielt et la France sous un autre rapport : c'est pour les produits du sol, pour les lins, par exemple. Il y a ensuite la fabrication des huiles qui a des rapports très suivis avec le marché de Courtrai. un des premiers pour ce produit.

Parlerai-je d'une nouvelle fabrication sur laquelle j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de la Chambre, il y a quelques semaines, lorsqu'il a été question pour la première fois de cette affaire ? C'est la fabrication des étoffes à pantalon. Depuis lors, j'ai appris qu'un fabricant français était en négociation avec l'administration d'un village de l'arrondissement, de Thielt pour établir une fabrique, et cette fabrication ne peut que s'étendre par suite du traité conclu dernièrement avec la France.

Ainsi, messieurs, l'intérêt commercial doit ici primer la question. L'intérêt administratif ne doit certes pas être négligé, mais il ne peut pas venir en première ligne et par conséquent il faut donner la préférence au premier projet, à celui qu'appuie le ministère.

L'intérêt du trésor qu'a fait valoir l'honorable ministre des travaux publics, est ici particulièrement en jeu. Car remarquez, messieurs, que la dépense résultant des 4 p. c. que le gouvernement doit payer, diminuera si la ligne est plus courte ; et cela pour deux raisons : d'abord parce que les frais d'exploitation seront moindres, ensuite parce qu'à raison du raccourcissement de la ligne le mouvement en voyageurs et en marchandises devra être plus considérable et par conséquent la ligne nouvelle couvrira plus facilement ses frais.

L'intérêt du trésor, messieurs, se rattache aussi implicitement à la ligne vers Ingelmunster, à cause d'une éventualité à laquelle M. le ministre des travaux publics a fait allusion et sur laquelle je me trouve un peu en disidence avec lui.

Je crois qu'où ne doit pas se préoccuper de la ligne vers Dixmude et vers Furnes. Plusieurs compagnies se sont présentées pour cette section ; mais ou les a vues successivement se retirer, parce que cette ligne, je dois le dire en passant, n'a pas de chances de succès. Mais alors même qu'elle devrait s'effectuer, je crois que la direction vers lngelmunster devra toujours être adoptée de préférence à toute autre, parce qu'en parlant d’Ingelmunster vers Roulers on fait une courbe vers Dixmude et que si plus tard la ligne sur Dixmude et Furnes doit s'exécuter, il y aura un très petit détour en rattachant cette ligne à Roulers. C'est une raison de plus pour ne pas abandonner la ligne vers Ingelmunster.

J'invoque encore ici l'intérêt du trésor ; pour la section entre Ingelmunster et Roulers, su rlaquelle le gouvernement n'aurait pas les 4 p c. à payer, parce que la ligne de Courtrai sur Bruges a été concédée sans cette condition.

Ainsi, messieurs, pour tous les motifs qui ont été invoqués par l'honorable ministre des travaux publics, et pour ceux sur lesquels j'ai cru devoir un peu insister, il me semble quil ne peut y avoir le moindre doute sur la préférence à accorder à la direction vers Ingelmunster.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai deux mois à répondre à l'honorable M. Devaux.

D'abord je dois faire remarquer à l'honorable M. Devaux, ainsi qu'à l'honorable député de Namur qui a parlé le premier, que le projet que nous allons voler ne relève pas la société de la déchéance. Le projet ajourne, mais ne relève pas la déchéance. Nous voulons que l'Etat reste entier dans ses droits pour le cas où la société n'exécuterait pas ses engagements nouveaux ; j'aime à croire qu'elle aura soin de les exécuter, et le délai nouveau est plus que suffisant pour cela. Mais il ne faut pas s'y tromper, la société n'est pas relevée de la déchéance qu'elle a encourue ; seulement on accorde provisoirement l'autorisation du payement, sauf, plus tard, s'il y a lieu à prononcer la déchéance, à agir comme de droit.

Messieurs, à la suite des observations de tracé présentées par l'honorable M. Devaux au point de vue de Bruges et par l’honorable M. de Haerne au point de vue de Courtrai, vous me permettrez à moi, député de Roulers, de dire quelques mots au point de vue du district qui m'a envoyé ici.

Il est certain, messieurs, que le système de l'honorable M. Devaux, en indiquant Thourout comme le point où devrait se raccorder le chemin de fer, n'aurait d'autre résultat que de priver le district de Roulers d'un embranchement que, dans tous les cas, la législature a voulu lui accorder.

Si vous admettez le système de l'honorable membre, si vous n'avez en vue que la ville de Bruges, si pour cela vous vous dirigez vers Thourout, vous créez le chemin de fer exclusivement dans l'intérêt de Bruges, mais vous supprimez une des conditions du contrat ; à savoir de donner au district de Roulers un nouvel embranchement qui lui est indispensable.

Et ce n'est ici que justice ; car comme l'honorable membre l'a dit lui-même, il eût été peut-être plus rationnel que le chemin de fer d'Ypres se dirigeât sur la ville de Roulers. Si parce qu'une faute a été commise au profit du district de Courtrai, on en commettait une seconde au profit du district de Bruges, il en résulterait que le district de Roulers serait victime de deux fautes et serait complètement dépossédé.

Eh bien, je dois protester contre cette manière de faire ; et comme député du district de Roulers, je dois insister pour que le gouvernement maintienne le tracé dans l'intérieur de ce district.

Messieurs, le district de Roulers est en position de devenir, je ne dirai pas un des plus importants, mais peut être le plus important de la Flandre occidentale. Car c'est un fait de notoriété publique : il n'existe dans la Flandre occidentale aucun point où l'industrie prenne un développement aussi rapide et aussi progressif qu'à Roulers et à Iseghem.

Il se fait dans cette contrée un mouvement ascensionnel qui présage un avenir immense pour la Belgique. J'ai vu dans ma jeunesse naître la ville de Roubaix. J'ai connu Roubaix une simple petite bourgade et je l'ai vu devenir une ville importante comme elle l'est aujourd'hui. Eh bien, je déclare que la ville de Roulers est précisément dans la même situation, et elle se trouvera avant peu de temps dans des conditions aussi favorables que Roubaix. Et pourquoi ? Messieurs, d'abord à cause de sa position centrale ; en second lieu, à cause de l'industrie de ses habitants, et en troisième lieu à cause de ses excellents tisserands qui sont tout à fait de premier ordre. Je ne pense pas, messieurs, qu'il faille sacrifier des intérêts semblables et les sacrifier au point de vue de la ville de Bruges.

Il me semble que ce serait un grand tort que de diriger le chemin de fer sur Thourout, c'est-à-dire sur le district de Bruges, district très respectable sans doute, et que je respecte beaucoup, mais qui n'est pas en progrès comme le district de Roulers. Je crois que ce serait commettre une grosse faute que de le diriger vers Thourout en abandonnant le district qui est le plus en progrès. C'est vers ce district en progrès qu'il faut se diriger. C'est vers lui que tendront nécessairement les chemins de fer ; car, ne vous faites pas illusion, un jour viendra où un chemin de fer sera nécessaire entre Ypres et Roulers.

La force des choses mènera à la construction de ce chemin de fer. Eh bien, je pense que ce serait la plus grande des fautes de diriger le chemin de fer qui se construit aujourd'hui hors dn district de Roulers, d'autant plus c'est une des conditions auxquelles la loi a été votée par la Chambre.

Comme député de l'arrondissement de Roulers, il ne m'appartenait pas de me prononcer entre les trois localités qui m'ont envoyé dans cette enceinte, mais j'engage le gouvernement à peser mûrement la question ei surtout à ne pas se laisser prendre aux admirables paroles de l'honorable M. Devaux, qui auraient pour résultat de nous priver de notre chemin de fer.

- La clôture est demandée.

M. de Muelenaere (sur la clôture). - J'avais demandé la parole. Bien que la Chambre soit très pressée d'en finir, et que la question soulevée par l'honorable député de Bruges ne soit pas à l'ordre du jour, j'eusse néanmoins désiré dire quelques mots. Si la Chambre est décidée à clore le débat, je me bornerai à déclarer que je me réfère aux considérations qui vous ont été présentées par mon honorable ami M. de Haerne. C'est dans un intérêt commercial que l'on construit les chemins de fer. Or, il est évident que l'intérêt commercial de l'arrondissement de Thielt exige que M. le ministre des travaux publics maintienne la résolution qu'il a prise ; c'est à-dire le raccordement à Ingelmunster de la secton de Deynze par Thielt.

- La discussion est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à payer à la Compagnie concessionnaire du chemin de fer de la Flandre occidentale le minimum du produit net garanti par la convention du 2S janvier 1852, approuvée par arrêté royal du 4 février suivant, sur la ligne de Courtrai à Poperinghe, en proportion de sa longueur.

« La présente autorisation cessera de produire ses effets, si la Compagnie reste en retard de remplir, dans les délais fixés à l'article suivant, les engagements qu'elle a contractés envers l'Etat. »

- Adopté.


« Art. 2. L'embranchement de Deynze par Thielt à la section de Bruges à Courtrai du chemin de fer concédé de la Flandre occidentale, devra être livré à la circulation le 1er juillet 1856, et la moitié des travaux de cet embranchement terminée avant le 1er octobre 1855.

« Les autres dispositions de la convention du 28 janvier, et (page 1689) notamment les articles 15 et 16, applicables en cas de non-exécution de la moitié ou de la totalité des travaux dans les nouveaux délais ci-dessus, sont maintenues. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je dois donner une explication sur le sens des mots : « la moitié des travaux ». Il est entendu qu'il s'agit de la moitié des travaux, y compris les ouvrages d'art et les bâtiments.

M. Dumortier. - La section centrale a entendu parler des travaux sérieux, des travaux sur le terrain et non pas des tracés qui se font dans le cabinet.

- L'article 2 est adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 72 membres présents.

Ce sont : MM. de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, Devaux, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre. Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, T Kint de Naeyer, Van Crompbaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanden Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Breyne et Delfosse.

Projet de loi relatif à la distillation des mélasses et autres substances saccharines

Discussion générale

« Article unique. Le terme fixé par l'article 10 de la loi du 9 juin 1853 (Moniteur, n°172), concernant la distillation des mélasses et autres substances saccharines, est prorogé jusqu'à la fin de la session 1854-1855. »

M. Visart. - Je regrette de ne point voir M. le ministre des finances à son banc ; ce que j'ai à dire devant lui être particulièrement adressé. Je ne doute pas cependant que mon but sera néanmoins atteint... parce que le vœu que j'exprimai concernant des épreuves importantes, qui ont de l'actualité, lui sera transmis et qu'il en rencontrera d'ailleurs l'expression au Moniteur.

C'est avec plaisir que je trouve dans le rapport de la section centrale le vœu de voir faire un nouvel essai pour constater le rendement, en alcool, des mélasses.

Les distillateurs intéressés disent que, dans les premières épreuves, on a employé cette matière en quantité non restreinte ; tandis que, pour les farines, on tolère qu'elles ne soient introduites qu'à raison de treize kilogrammcs par hectolitre de macération... Ils disent aussi que l'on n'a pas tenu compte de cette circonstance que « pour porter le rendement d'un hectolitre à dix ou onze litres d'alcool il faut augmenter démesurément le coût de la matière fermentative. »

En outre, messieurs, je rencontre à la fin du rapport ce paragraphe : il en résulte que si un distillateur déclare qu'il emploiera du jus de betterave non concentré, il sera pris en charge à raison de 7 litres, soit au taux de l'accise de fr. 1 50 c. »

Il y a lieu de croire, jugeant par comparaison, que si l'hectolitre de mélasse produit dix à onze litres et les farines sept à huit, le jus direct de la betterave, à son degré moyen, amènera un rendement fort en dessous de ces sept litres... et alors l'effet de la loi, faisant obstacle à un développement utile, serait nuisible et injuste.

Si, par impossible, cet hectolitre donnait plus que sept litres, alors le fisc y perdrait. L'état de choses actuel est donc anormal et tend à léser, en l'excitant, l'essor que des industriels sont prêts à prendre, ou bien il léserait le trésor, ce qui ne vaut pas mieux. Je me joins encore ici à la section centrale pour engager M. le ministre des finances à faire faire, cette année, des expériences en Belgique, et à se servir des études du même genre, faites en grand, en France, non pas seulement en théorie, mais par une pratique d'une importance du premier ordre, pour qu'un tarif régulateur soit établi, dont les degrés correspondraient au plus ou moins de richesse saccharine des jus ; car, c'est le plus ou moins de sucre contenu dans une liqueur quelconque qui détermine le rendement en alcool.

Il est certain, messieurs, que si la maladie de la vigne continue, l'industrie qui emploie la betterave pour obtenir de l'alcool franchira la frontière... Ce serait une conséquence avantageuse, attendu que cela contiendrait l'extension démesurée, provoquée par cette même maladie de la vigne, de la consommation des céréales pour en obtenir une liqueur en général plus énervante que nutritive...

Ainsi, l’alimentation de la classe ouvrière, à un prix modéré, rencontrerait un obstacle de moins... En vain on objecterait que les déchets de la distillation des céréales procurent de la viande… car ces déchets ne représentent qu'une partie extrêmement minime des farines, qui, si elles étaient, pour une fraction seulement, données directement au bétail, en amèneraient, en bon étar, sur les marchés une bien plus grande quantité.

M. Delehaye, rapporteur. - Je dois faire observer que le voeu exprimé par l'honorable comte Visart a été exprimé également par la section centrale, et nous avons lieu de croire que le gouvernement le prendra en sérieuse considération.

Vote de l’article unique

Il est procédé à l'appel nominal sur l'article unique du projet de, loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 71 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokereb, Desmaisières, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Clep, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, David, H. de Baillet, de Baillel-Latour, de Breyne, de Bronckart et Delfosse.

Projet de loi régularisant certains crédits relatifs à la nouvelle dette à 4 1/2 p. c. et à la dette flottante

Vote de l’article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Les crédits alloués par les articles 15, 16 et 18 du budget de la dette publique pour l'exercice 1854, sont annulés et remplacés par les crédits suivants :

« Art. 15.

« A. Intérêts à 4 1/2 p. c. sur un capital de 157,615,300 francs, montant des obligations émises en vertu des lois du 1er décembre 1852 et du 14 juin 1853 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1854) : fr. 7,092,688 50.

« B. Dotation de l'amortissement de cette dette à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 788,076 50.

« Total ; fr. 7,880,765 00. »

« Art. 16. Frais relatifs à la même dette : fr. 28,000 00. »

« Art. 18. Intérêts et frais présumés de la dette flottante. ; fr. 450,000 00.

« (Ce crédit pourra être augmenté jusqu'à concurrence de 1,050,000 fr. dans le cas où la négociation, autorisée par l'article 3 de la loi du 14 juin 1853, serait retardée et nécessiterait cette augmentation.)

« La somme de fr. 322,182-20, formant la différence cnlre les crédits ci-dessus indiqués et ceux de même nature, figurant au budget de la dette publique de l'exercice 1854, sera couverte au moyen d'une émission de bons du trésor. »


- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.

Le projet est adopté à l'unanimité des 65 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. de Haerne, de La Coste, Delehaye, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, Devaux, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, Thienpont, T Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Visart, Allard, Ansiau, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Breyne et Delfosse.

Projet de loi approuvant le traité de navigation conclu entre la Belgique et l’Autriche

Discussion générale

« Article unique. Le traité de navigation conclu le 2 mai 1854 entre la Belgique et l'Autriche sortira son plein et entier effet. »

La commission propose l'adoption du projet.

M. Osy. - Messieurs, pour ma part, j'ai à féliciter le gouvernement d'avoir dans le courant de la session présente amené la conclusion de plusieurs traités favorables au commerce, à l'industrie et à la navigation intérieure et extérieure. Celui qui nous occupe en ce moment, sans être très étendu, pourra, je crois, être très utile au pays dans les négociations que nous avons à faire avec un pays voisin. Le traité actuel (page 1690) contient des conditions avantageuses sur lesquelles le gouvernement ne fera pas de sacrifices dans les futures négociations.

J'ai vu avec plaisir que l'article 12 du traité contient une stipulation pour les déserteurs de la marine, car depuis l'augmentation considérable des frets et des salaires des matelots dans tous les pays maritimes, malheureusement la navigation du commerce a beaucoup à se plaindre de la désertion de nos marins. Il est très heureux que dans le traité qui nous occupe on ait stipulé l'engagement réciproque d'arrêter et de livrer les marins déserteurs. Je profite de l'occasion pour engager M. le ministre des affaires étrangères à tâcher de conclure une convention semblable avec deux nations avec lesquelles nous avons beaucoup de relations, l'Angleterre et l'Amérique. Il serait très heureux pour notre marine que M. le ministre pût atteindre ce résultat dans l'intervalle des deux sessions.

M. David. - Je trouve qu'on dépense beaucoup d'argent en frais de diplomatie pour faire des traités, tandis qu'il serait si facile d'éviter toutes ces dépenses au moyen d'un petit bout de loi par lequel on dirait que les pavillons des autres pays seront traités chez vous aussi favorablement que le nôtre le sera chez eux. Nous mettrons par là fin à toutes ces négociations diplomatiques qui font perdre beaucoup de temps et occasionnent inutilement beaucoup de dépenses au pays.

Pour moi, je voterai contre ce traité en engageant M. le ministre à réfléchir sur la proposition d'une loi comme celle que je viens d'indiquer.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Je me joins à l'honorable M. Osy pour remercier M. le ministre des affaires étrangères d'avoir fait insérer dans le traité une clause relative aux déserteurs de la marine marchande, caries désertions qui ont lieu depuis quelque temps sont une véritable calamité pour le commerce maritime. J'engage M. le ministre à mettre tout en œuvre pour obtenir la même réciprocité des pays avec lesquels nous avons le plus de relations, l'Angleterre et presque tous les Etats d'Amérique.

Nous pourrions encore obtenir peut-être d'autres conditions ; celles obtenues jusqu'à présent ne semblent pas suffisantes pour atteindre le but que tous les gouvernements doivent se proposer.

Comme le rapport de la section centrale n'a jusqu'à présent pas été attaqué, je n'ai pour le moment rien à dire de plus.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Le gouvernement n'ignore pas l'embarras dans lequel se trouvent les armateurs par suite de la désertion de plus en plus fréquente des matelots ; mais ce mal n'existe pas seulement en Belgique, il existe partout, et de toutes parts on signale celle désertion comme une chose éminemment fâcheuse. L'article 12 du traité conclu avec l'Autriche vous montre que le gouvernement connaît le mal et cherche à y porter remède quand l'occasion s'en présente. Je verrai si la clause peut être étendue à d'autres pays. Je ferai des ouvertures ; mais je ne puis donner l'assurance à la Chambre que mes ouvertures trouveront toujours l'accueil qu'elles ont obtenu en Autriche.

- La discussion est close.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :

64 membres répondent à l'appel.

62 répondent oui.

2 répondent non.

En conséquence, la Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu non : MM. Closset et David.

Ont répondu oui : MM. de Haerne, de La Coste, Delehaye, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, Devaux, Dumortier, Jacques, Landeloos, Lange, Laubry, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Visart, Allard, Ansiau, Brixhe, Clep, Coomans, Coppieters, Dautrebande, H. de Baillet, de Breyne et Delfosse.

Projet de loi prorogeant la loi sur les péages du chemin de fer

Discussion générale

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. L'article premier de la loi du 12 avril 1835 (Bulletin officiel, n°196), concernant les péages du chemin de fer, est prorogé jusqu'au 1er juillet 1855. »

M. Vermeire. - Je ne veux pas entrer dans de longues considérations pour établir que, dans l'état actuel des choses, le tarif des marchandises, tel qu'il est, doit être prorogé encore pendant une année.

Je ne puis cependant me dispenser de faire remarquer que ce tarif présente certaines anomalies, et je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics s'il croit pouvoir, lorsque le terme actuel sera expiré, nous saisir d'un projet de loi définitif pour le transport des marchandises par le chemin de fer.

M. Dumortier. - Le tarif des marchandises est une question de la plus grande importance, et qui, dans mon opinion, se rattache intimement au projet de loi de crédit extraordinaire de 9 millions concernant le chemin de fer.

Je suis assez disposé à voter les dépenses pour le chemin de fer, quand il sera mis à même de les payer lui-même. Mais je ne suis pas disposé à voter les dépenses du chemin de fer, lorsqu'il ne rapporte pas ce qu'il coûte.

Le tarif des marchandises a été abaissé à un taux tel, que le chemin de fer ne peut rapporter ses dépenses. L'année dernière, nous avons eu 19 millions de recettes, qui sont loin de représenter les intérêts du capital employé et les dépenses d'exploitation.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics s'il a l'intention de présenter un projet de loi pour rétablir le tarif du chemin de fer, comme il était avant le 1er septembre 1848.

Il y avait alors un tarif de marchandises qui ne provoquait aucune espèce de plainte, et qui était de nature à rapporter beaucoup. Je demande si M. le ministre a l'intention de revenir à ce tarif. Si vous ne le faites pas, nous aurons cette situation insolite que l'on viendra proposer une dépense de 9 millions pour une entreprise déjà aujourd'hui en perte.

Quant à moi, je regarde la question des dépenses comme connexe à celle des recettes. Aussi longtemps que je verrai le chemin de fer en déficit, j'élèverai la voix pour que l'on fasse cesser ce déficit.

Je disais que le tarif qui existait avant 1848 n'a donné lieu à aucune espèce de réclamations.

J'ajouterai qu'il rapportait beaucoup, puisque, en 1847, nous avions déjà de 15 à 16 millions de recette, et la recette s'élevait d'un million chaque année.

Vous devez comprendre que si l'on voulait placer le pays dans cette situation de mettre notre chemin de fer sur le même pied que les chemins de fer français pour la dépense, tandis qu'ils ne seraient pas sur le même pied pour la recette, cela tendrait à augmenter de plus en plus le déficit. Le chemin de fer belge doit rapporter 25 millions ; il serait très facile de les lui faire rapporter. Quand il rapportera 25 millions, je serai très disposé à voter toutes les dépenses propres à en améliorer l'exploitation. Mais aussi longtemps qu'il y aura déficit je ne voterai pas ces dépenses.

Ainsi la question fondamentale est celle des tarifs.

Je sais qu'on me répondra qu'en France on transporte la houille à meilleur marché que sur le chemin de fer belge. C'est la vieille histoire. Mais quand on transporte la houille à bas prix, sur le chemin de fer du Nord, on n'est pas assez niais pour prendre pour base du tarif des marchandises, la houille qui se transporte par trains complets parcourant la ligne dans toute sa longueur.

Ah ! quand vous nous procurerez des trains complets parcourant notre ligne de chemin de fer dans toute sa longueur, je suis prêt à faire de grandes concessions. Mais quand vous ne transportez que de petites quantités, les conditions sont tout à fait différentes. Et puis, je le répète, la France se garde bien de baser son tarif général sur un objet qui n'est qu'une exception et où la plus-value de la recette est évidente.

Il ne faut pas envisager ces questions d'un seul côté ; il faut les envisager des deux côtés ; il ne faut pas seulement voir les dépenses, mais il faut voir aussi les recettes, et je remarque qu'on se préoccupe beaucoup de faire des dépenses, mais qu'on ne se préoccupe pas avec autant de soin d'augmenter les recettes.

Or, il est certain que si la base générale du tarif était ramenée au taux où elle se trouvait en 1848, en faisant des exceptions de bon marché et de beaucoup meilleur marché pour les transports complets qui ne se font jamais qu'à grandes distances, vous augmenteriez considérablement vos recettes.

Je désire donc savoir si M. le ministre des travaux publics n'a pas l'intention de ramener les recettes à un taux plus normal. J'insiste d'autant plus sur cette considération que pendant longtemps on nous a prêché ici que le meilleur moyen d'augmenter les recettes, c'était d'abaisser les prix, et que, depuis que les prix ont été un peu haussés, nous avons vu les recettes s'élever considérablement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, il s'agit en ce moment de savoir s'il convient de proroger les pouvoirs qu'a le gouvernement de modifier les tarifs, de les changer, de les remanier complètement.

L'année dernière, quand un projet analogue à celui qui est soumis aux délibérations de la Chambre, a été présenté, j'ai eu occasion de déclarer que le remaniement qui serait opéré dans les tarifs pour les marchandises aurait pour résultat, indépendamment de l'accroissement normal des transports qu'on pouvait évaluer en recette à un million, d'amener une nouvelle augmentation d'un million. Ce résultat a été pleinement justifié par les six premiers mois de la mise en vigueur des nouveaux tarifs des marchandises.

Il résulte à la dernière évidence de l'exposé des motifs et des tableaux statistiques qui l'accompagnent, qu'indépendamment de l'accroissement des transports qui figurent dans les recettes du second semestre 1853 pour 600,000 fr., il y a 600,000 fr. dus exclusivement à la nouvelle tarification des marchandises ; et cette nouvelle tarification continue aujourd'hui à donner des résultats au moins aussi favorables.

(page 1691) Je demande si dans une situation semblable, alors que les changements introduits dans les tarifs au mois de juillet 1853 ont produit déjà une certaine perturbation, une certaine émotion dans le commerce, il serait convenable de bouleverser de nouveau ces tarifs ? Je ne le crois pas.

Cela veut-il dire qu'il n'y ait pas de changements à introduire dans ces tarifs ? qu'il n'y ait pas à faire disparaître certaines imperfections, quelques bigarrures qui sont en quelque sorte inséparables de toute tarification. Je suis loin de le prétendre, je reconnais au contraire qu'il y a des améliorations à décréter dans le systeme en vigueur, améliorations qui auront pour effet d'influer favorablement sur les recettes du chemin de fer. En cela je suis d'accord avec l'honorable M. Dumortier. Ces améliorations pourront être introduites et le projet n'a d'autre objet que de mettre le gouvernement à même de les introduire.

Messieurs, je ne puis être d'accord avec l'honorable M. Dumortier en ce qui concerne la situation financière qu'il fait au chemin de fer. Il est vrai que le chemin de fer ne figure que pour 19 millions dans les recettes ; mais je ferai remarquer, sauf à le démontrer ultérieurement que le chemin de fer depuis 1852, se trouve dans cette situation heureuse qu'il ne pourvoit pas seulement aux dépenses d'exploitation, y compris les crédits supplémentaires et les intérêts des divers emprunts contractés pour sa construction, mais que même en ce moment il éteint le solde débiteur du chef des avances qui ont été successivement faites par le trésor, et qu'on peut affirmer, sans crainte d'être démenti, qu'avant peu d'années, le chemin de fer belge sera une des bases principales du revenu public, qu'avant peu d'années, ses recettes s'élèveront à 25, 26 et peut-être même à 30 millions.

Mais, dit l'honorable M. Dumortier, pourquoi le chemin de fer ne produit-il pas dès à présent 25 millions ? Il y a à nos portes un chemin de fer, le chemin de fer du Nord, qui produit de pareils résultats.

Messieurs, je prie l'honorable M. Dumortier de remarquer qu'alors même qu'on appliquerait au chemin de fer belge des tarifs identiques à ceux qui sont appliqués sur d'autres chemins de fer, nous ne parviendrions jamais à faire produire à notre railway des recettes aussi considérables que celles que l'on obtient sur le chemin de fer d'Orléans ou sur le chemin de fer du Nord, et cela par une excellente raison, c'est qu'il ne dépend pas de la volonté du gouvernement, c'est qu'il ne dépend pas de la vertu des tarifs quels qu'ils soient, d'un système d'organisation quel qu'il soit, que les parcours moyens sur le chemin de fer belge soient égaux aux parcours moyens sur d'autres chemins de fer. Si je pouvais opérer ce miracle qu'une tonne de marchandises fît sur le chemin de fer belge 40 lieues en moyenne, comme elle fait sur le chemin de fer du Nord et sur le chemin de fer d'Orléans ; si je pouvais atteindre ce résultat qu'un voyageur au lieu de faire 5, 6 ou 7 lieues en moyenne, en fît autant qu'en font en moyenne les voyageurs sur d'autres chemins de fer, et notamment sur le chemin de fer du Nord, il est évident que j'aurais une recette beaucoup plus considérable.

M. de Mérode. - Cela n'est rien pour les voyageurs.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cela n'est rien pour les voyageurs ! mais il tombe sous le sens cependant que si un voyageur fait 50 lieues au lieu de 6 ou 7, vous aurez une recette beaucoup plus forte. Or cela ne dépend pas des tarifs. Si l’on abaissait les tarifs, ce serait pour avoir des parcours moyens plus considérables.

J'ai donc raison de dire qu'on ne peut raisonner par comparaison et que le parcours moyen étant moindre sur le chemin de fer belge que sur d'autres lignes, il est impossible d'avoir des recettes aussi fortes. Mais ce que nous pouvons atteindre, ce sont des recettes énormes par le mouvement progressif des transports, et c'est ce qui m'autorise à dire que d'ici à quelques années les recettes du chemin de fer s'élèveront à 28 millions au minimum.

M. Moncheur. - Messieurs, ce n'est pas le moment de discuter le mérite du tarif des péages dont on demande la prorogation pour une année ; mais, comme le dit l'honorable ministre des travaux publics lui-même, il y a des améliorations notables à introduire dans ce tarif.

J'ai déjà indiqué une de ces améliorations sur laquelle je crois devoir revenir en ce moment. C'est une amélioration toute dans l'intérêt de l'agriculture, et c'est un point à l’égard duquel on a agi dans le remaniement récent du tarif, en sens précisément contraire de ce qu'on aurait dû faire.

Je veux parler du transport de la chaux, destinée à l'amendement des terres. Ce transport devrait avoir lieu à prix réduit sur le chemin de fer comme il a lieu avec une faveur de la loi sur les routes. Vous savez en effet, messieurs, qu'on n'exige pas le péage des barrières sur les routes pour le transport de la chaux destinée à l'agriculture. Eh bien ! au lieu de transporter à prix réduit sur le chemin de fer la chaux pour engrais, on a fait passer du tarif n°3, dans le tarif n°2, le transport de la chaux en général, c'est-à-dire qu'on l'a frappée d'un péage plus élevé qu'auparavant.

Je crois, messieurs, qu'il faut faire une distinction, pour les transports de la chaux par chemin de fer comme on en fait une pour les transports par axe, entre la chaux destinée aux constructions et celle qui doit servir uniquement à l'agriculture et faire jouir cette dernière d'une faveur notable.

J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cet objet. J'en ai parlé lors de la discussion du budget de l’intérieur à l'article agriculture, et cela pour le bieu de cette industrie si intéressante, et M. le ministre de l'intérieur m'a promis alors d'appeler l'attention de son 'collègue sur cet objet. Mais puisque l'occasion s'en présente, j'appelle directement l’attention de M. le ministre des travaux publics sur cette question.

M. Vermeire. - Je commencerai par répondre quelques mots à mon honorable ami M. Dumortier.

Je ne suis pas de ceux qui croient que le chemin de fer ne produit pas, même au point de vue financier, des résultats très satisfaisants ; le chemin de fer de l'Etat a vu améliorer considérablement ses recettes d'année en année, et si vous comparez seulement les recettes des trois derniers mois aux trois mois correspondants, de l'exercice précédent, vous constaterez de nouveau que sur 3,700,000 fr. de recettes, il y a une augmentation de près d'un million, c'est-à-dire de plus de 25 p. c.

Le chemin de fer, dépenses déduites, a produit jusqu'au dernier exercice, à peu près 4 p. c. des sommes employées pour sa construction. Je crois que c'est là un beau résultat !

Je regrette, messieurs, que M. le ministre des travaux publics n'ait pas répondu à l'interpellation que je me suis permis de lui adresser sur le point de savoir si, à l'échéance de la prorogation que nous allons voter, il serait même de saisir la Chambre d'un projet de tarif définitif. Un projet de loi ayant pour objet de régler définitivement le transport des marchandises sur le chemin de fer, avait déjà été présenté à la Chambre, le rapport avait même été fait par l'honorable M. Lesoinne au nom de la section centrale, mais ce projet de loi a été en quelque sorte retiré lors de la nomination d'une commission chargée d'examiner tout ce qui concerne l'exploitation du chemin de fer. Cette commission, dont j'ai eu l'honneur de faire partie (car je ne sais pas si elle existe encore), cette commission, dis-je, a examiné la question d'une manière peu approfondie.

En effet, messieurs, il s'agissait de faire produire promplement des sommes plus fortes au chemin de fer du chef du transport des marchandises, et la commission, sans toucher en aucune manière aux principes qui étaient en contestation devant les Chambres, a fait un tarif provisoire, que l'on se réservait d'examiner à fond ultérieurement. Ce tarif n'est, en quelque sorte, qu'un retour vers un autre tarif, qui existait avant 1842.

Or, messieurs, comme je l'ai dit tantôt, ce tarif constitue plusieurs anomalies. Pour n'en citer qu'une seule, je dirai que, par exemple, de Bruxelles à Herbesthal, 250 kil. de marchandises payent le même prix de transport que 500 kilog., de manière qu'en rèunisant deux colis de 250 kilog chacun, l'expéditeur reçoit comme bénéfice autant que le gouvernement perçoit pour le transport.

Les recettes du chemin de fer pourraient être beaucoup plus importantes si l'on examinait non seulement tout ce que l'Etat transporte aujourd'hui, mais tout ce qu'il pourrait transporter dans une mesure beaucoup plus forte.

Je ne citerai que le bétail. Le chemin de fer ne produit presque rien de ce chef et cependant il se transporte considérablement de bétail d'une province à l'autre ; avec un tarif mieux entendu, l'administration recevrait non pas 10,000 à 12,000 francs comme aujourd hui, mais 100,000 francs par mois.

Il y a un autre point qui mérite aussi une attention sérieuse, c'est le transport de l'argent ; on pourrait encore obtenir là une recette beaucoup plus considérable.

Il y a bien d'autres améliorations à introduire, et j'engage beaucoup M. le ministre des travaux publics à faire examiner très promptement toutes les questions qui se rattachent aux transports par le chemin de fer.

Je dois répondre un mot à ce qu'a dit tantôt l'honorable M. Moncheur. Je crois que pour le transport de la chaux par le chemin de fer, il serait très difficile de créer diverses catégories. Comment pourrait on établir que telle quantité de chaux est destinée à la construction et telle aulre à l'agriculture ? Il faut pour la chaux un seul et même tarif. Je crois aussi qu'il faudrait construire pour la chaux des waggons exprès ; mais cela ne pourra se faire que lorsque le gouvernement aura à sa disposition le crédit de 9 millions qui vous est demandé.

M. David. - Le temps nous manque pour discuter à fond le tarif des marchandises, mais je me permettrai d'attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur deux points. Je parlerai d'abord des marchandises de cubage. Je pense que jusqu'à présent le cubage des marchandises, enlre autres de la laine, matière première d'un usage si fréquent, se fait d'une manière très peu exacte, ce qui cause souvent des pertes aux marchands qui ont à faire transporter ces marchandises.

L'honorable M. Vermeire a parlé du minimum de 500 kilog : je pense avec lui que le vice qu'il a signalé devrait être réformé saus aucun retard.

J'appelle sur ces deux points l'attention toute spéciale de M. le ministre.

J'ai demandé tantôt la permission d'interpeller M. le ministre sur les « express-trains » et l'arrondissement des prix ; si la Chambre le permet je ferai ces interpellations dans la séance de demain.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer autant que possible les observations très judicieuses qui vous ont été présentées par l'honorable M. Moncheur.

Il y a en effet un principe qui domine dans notre législation sur les péages et en vertu duquel on facilite autant que possible le transport de substances utiles à la production agricole. C'est ainsi que même une (page 1692) exemption complète est accordée, non seulement quant aux droits de barrières sur les routes, mais aussi quant aux droits de péages sur les canaux et rivières.

Il me paraît évident que par identité de motifs et afin de faire disparaître une véritable anomalie, il est indispensable d'adopter au moins le régime le plus favorable pour le mouvement de toutes les substances fertilisantes sur nos voies ferrés. Or tous ceux qui s'occupent d'agriculture savent combien la chose est non seulement précieuse, mais souvent indispensable pour la fertilisation des terres, d'où il suit qu'en appliquant à cette substance un tarif plus élevé qu'auparavant, l'agriculture a essuyé un dommage dont je réclame, autant qu'il est en mon pouvoir, la réparation.

L'honorable M. Vermeire pense qu'il serait difficile de distinguer la chaux destinée à la fertilisation des terres et celle qui peut être employée dans les constructions, - mais je ferai remarquer que la même distinction doit être faite quant au transport sur les routes, de même que sur les canaux et sur les rivières ; on n'aurait donc qu'à suivre une pratique qui est déjà en vigueur, et il n'y a là aucune difficulté insurmontable.

Je terminerai en faisant remarquer que dans toutes les mesures destinées à augmenter le rendement des terres, il s'agit bien moins encore de l'intérêt du cultivateur, que du grand et puissant intérêt de l'alimentation publique, si digne de notre plus vive sollicitude, et je suis persuadé que cette dernière considération surtout déterminera l'honorable ministre des travaux publics a faire droit à notre réclamation.

- La clôture est demandée et prononcée.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur le projet de loi.

Le projet est adopté à l'unanimité des 60 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. de Haerne, Delehaye, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Devaux, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Thiéfry, Van Cromphaut, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Brixhe, Clep, Closset, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp et Delfosse.

- La séance est levée.