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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 716) M. Dumon procède à l'appel nominal à midi et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Ed. Crabbe prie la Chambre de lui faire obtenir la pension dont jouissent les blessés de septembre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Segelsem demandent l'établissement d'un chemin de fer direct de Saint-Ghislain à Gand. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Berchem prie la Chambre d'accueillir favorablement la demande des frères Hertogs tendant à prolonger le chemin de fer concédé de Gand à Audenarde, par une ligne vers Leuze et Thulin. »

« Même demande du conseil communal d'Eenaeme. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vercruysse demande à être réintégré dans ses fonctions de cuisinier à l'hôpital militaire de Gand ou qu'on lui accorde un autre emploi ou tout au moins une pension ou un secours. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Silenrieux demandent la création d'un tribunal de première instance à Philippeville. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Herzeele prient la Chambre de décréter le chemin de fer direct de Gand à Saint-Ghislain, par Sotteghem, Ath et Villerot avec embranchement sur Grammont. »

- Même renvoi.


« Le sieur Doubet demande à jouir de la pension attribuée aux décorés de la croix de Fer ou une indemnité équivalente. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Lanaye demandent que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Caprycke demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi sur l'organisation des cours d'assises. »

« Même demande d habitants de Louvain. »

« Même demande de membres d'une société dite de Moedertael à Roulers. »

« Même demande d'autres membres de la même société. »

« Même demande d'habitants de Meerle. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Des membres du conseil communal de Rumbeke déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même adhésion de membres d'une société dramatique de Malines. »

« Même adhésion d'autres membres de la même société. »

« Même adhésion d’habitants de Malines. »

« Même adhésion de membres d'une société de littérature flamande à Bruxelles. »

« Même adhésion d’habitants de Belcele. »

- Même renvoi.


« La direction de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale fait hommage à la Chambre de 112 exemplaires du compte rendu des opérations de la Société Générale pendant l'année 1853. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Mercier s'excuse de ne pouvoir assister à la séance de ce jour. »

- Pris pour information.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). présente un projet de loi ayant pour objet d'accorder au département des travaux publics un crédit spécial de 170,000 fr. à l'effet de pourvoir à l'extension des lignes télégraphiques.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du chapitre XVI, relatif à l'enseignement moyen.

M. Verhaegen. - Messieurs, je me propose d'examiner la convention que le gouvernement a faite avec le clergé, au sujet de l'athénée royal d'Anvers ; mais je crois qu'il entre dans les intentions de la Chambre de vider d'abord l'incident qui a surgi à la suite d'une proposition que j'ai eu l'honneur de lui soumettre dans une des précédentes séances. Je me réserverai donc de faire mes observations sur la convention elle-même, lorsque l'incident aura été vidé.

J'ai eu l'honneur de proposer à la Chambre le dépôt et l'impression de tous les documents officiels relatifs à la négociation qui a eu lieu entre le gouvernement et MM. les évêques sur l'exécution de l'article 8 de la loi du ler juin 1850 et ce depuis le 15 mai 1851, date de la dernière lettre publiée de M. le cardinal-archevêque.

Depuis la séance du 8 février, le gouvernement a fait imprimer au Moniteur certaines pièces qui ont rapport à la négociation et j'ai lieu de croire que le gouvernement n'est pas disposé à en communiquer d'autres.

Parmi les pièces communiquées il en est une cependant qui faisait l'objet de ma proposition ; j'aurai donc l'occasion de modifier ma proposition, quant à la pièce dont communication a été donnée ; je veux parler du règlement d'ordre en entier, qui a été fait pour l'athénée d'Anvers.

Sauf cette modification, je dois persister, messieurs, dans la demande que j'ai faite précédemment et qui a pour objet le dépôt sur le bureau de la Chambre et par suite l'impression de tous les documents officiels qui ont rapport aux négociations entre le gouvernement et le clergé sur l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850, et ce depuis le 15 mai 1851, daté de la dernière lettre publiée de M. le cardinal-archevêque de Malines.

Il est vraiment étonnant, messieurs, que le gouvernement se refuse à faire une communication qui est conforme à tous les précédents parlementaires et qui n'a pour but que de mettre la Chambre à même d'apprécier en pleine connaissance l'acte dont l'approbation lui est soumise.

Messieurs, il y a à peu près trois ans que les négociations avec le clergé pour l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850 ont été suspendues après qu'il avait été bien constaté qu'il ne restait aucun moyen d'arriver à un arrangement. Bien souvent on a demandé au cabinet du 12 août ce qu'il avait fait pour parvenir à une conclusion, quels étaient les efforts qu'il avait tentés. On reprochait alors au gouvernement d'avoir été trop roide dans ses négociations, de n'avoir pas tenu compte de l'indépendance et de la position du clergé, d'avoir exigé du clergé le sacrifice de ses opinions et de ses principes ; aussi lors de l'examen du budget de 1852, des observations ayant été reproduites dans ce sens, le gouvernement donna des explications et consentit à la communication et à l'impression de toutes les pièces qui étaient de nature à fournir des éclaircissements sur ce point important. Ces pièces furent imprimées à la suite du rapport de la section centrale. Elles sont au nombre de huit : quatre lettres du ministre de l'intérieur et quatre réponses de M. le cardinal-archevêque de Malines.

La dernière lettre est du 15 mai 1851. Je rappellerai à cette occasion quelques mots qui furent insérés à cet égard dans le rapport de la section centrale :

« C'est après une lecture attentive, une étude approfondie des documents fournis par le ministère, disait l'honorable rapporteur, M. Lebeau, que la section centrale est arrivée à cette conclusion (l'approbation de la conduite du gouvernement dans sa négociation avec le clergé). »

Plus loin :

« La section centrale a dû se demander (ce sont encore les termes du rapport) si le gouvernement a fait tout ce que la religion lui prescrit, tout ce que la dignité du pouvoir lui permet pour amener l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850. »

Ce fut à la suite de ce rapport, ainsi que je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, qu'on publia la correspondance échangée entre le ministre de l'intérieur et M. ie cardinal-archevêque de Malines ; et cependant, à cette époque, la négociation n'avait pas encore été définitivement abandonnée ; on avait encore l'espoir de la renouer. L'on aurait pu dire alors : « Il ne faut pas entraver une négociation qui peut être reprise ; il y aurait de l'inconvénient à communiquer les pièces qui s'y rattachent, s Eh bien, on ne tint pas ce langage ; on voulut que la Chambre et le pays connussent tout ce qui s'était fait entre le clergé et le gouvernement, et l'on consentit sans opposition à l'impression des pièces.

Les choses restèrent dans cet état jusqu'à la chute du ministère du 12 août. Le cabinet nouveau renoua immédiatement les négociations qui avaient été suspendues ; il tenta de vains efforts ; il fit, de son aveu, les concessions les plus larges, et cependant, après un an et demi, il est obligé de venir déclarer qu'il lui a été impossible d'aboutir, qu'il est établi (ce sont les termes dont s'est servi M. le ministre de l'intérieur dans sa lettre au cardinal du 2 février), qu'il est établi par l'état actuel des négociations, qu'il devient impossible de conclure un arrangement général et qu'ainsi il convient de recourir à un autre mode d'arrangement, au règlement dn concours par établissement.

C'est, messieurs, dans ces circonstances que le gouvernement se (page 717) trouva réduit, comme il le prétend, à négocier sur une convention spéciale pour l'athénée et pour l'école moyenne d'Anvers, convention que nous nous réservons d'apprécier dans le cours de la discussion.

Plus tard, et pour atteindre un but qu'il désirait, le gouvernement a fait de nouveaux efforts ; c'est ce qui résulte encore des seules pièces que nous avons sous les yeux ; il y a eu de nouvelles négociations pour que la convention spéciale pour Anvers devînt la règle pour tous les établissements, et le gouverneuent a été obligé de venir nous dire que même sur ce point il avait échoué, et qu'il fallait renoncer désormais à traiter pour tous les établissements en général, même sur le pied de cette convention d'Anvers.

Il existe donc des documents quant à la négociation pour une convention générale, abstraction faite de tout établissement particulier. Ce sont ces documents que je demande, en première ligne. La dernière lettre connue est du 15 mai 1851, je demande la correspondance depuis cette époque jusqu'à ce jour.

Il y a eu ensuite une négociation pour la convention relativement à l'athénée d'Anvers. Ce sont aussi ces documents dont je viens demander le dépôt ; et à cet égard personne ne forme certes d'objection ; car puisqu'il s'agit d'approuver cette convention spéciale, il faut bien que la Chambre soit mise à même de savoir ce qui s'est passé entre le gouvernement et le clergé quant à cette convention dont l'approbation lui est soumise.

Enfin, messieurs, je demande la communication des documents relatifs à la négociation qui a suivi les pourparlers sur la convention d'Anvers, et qui devaient avoir pour résultat de rendre commune à tous les établissements cette convention particulière.

Est-il dans tous les cas possible de refuser la communication de ces derniers documents, dont la connaissance est indispensable pour apprécier ce qui a été fait quant à la convention elle-même ?

Le gouvernement semble se refuser à cette communication. Mais, messieurs, pour ceux-là mêmes qui n'admettraient pas que l'on pût forcer le gouvernement à communiquer des documents officiels relatifs à des tentatives faites pour obtenir une convention générale, parce que l'on considérerait cet objet comme étranger à la question actuellement soumise à la Chambre, il ne doit pas y avoir l'ombre d'un doute sur la nécessité de la communication des pièces qui se rattachent à l'objet même en discussion.

Or, pour ce point même, la communication est incomplète, et je vais vous l'établir.

Grand a été mon étonnement, lorsque j'ai vu dans un projet d'arrêté que le gouvernement nous a communiqué par la voie du Moniteur, qu'il s'agissait, non seulement d'approuver le règlement qui a été fait pour l'athénée royal d'Anvers, mais un autre règlement qui a été fait pour l'école moyenne de la même ville.

L'approbation porte sur les deux règlements ; donc la correspondance porte sur les deux règlements. Je vois qu'on nous communique le règlement intérieur de l'athénée d'Anvers ; je ne vois pas le règlement pour l’école moyenne. Le gouvernement aura à s'en expliquer ; on me dit que c'est le même ; j'attends à cet égard une affirmation ou une dénégation du ministère.

J'insiste sur ce point, parce qu'il serait très possible que si l'on a jugé à propos de faire des concessions très larges lorsqu'il s'agissait de l'athénée, on aurait encore fait des concessions beaucoup plus larges, lorsqu'il s'agissait d'une école moyenne.

Au reste, l'affirmation, si elle est faite, me suffira ; je n'aurai pas à en demander davantage.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Elle est faite.

M. Verhaegen. - Il est un autre point également important.

La partie du règlement qui concerne l'enseignement religieux a été modifiée ; elle a été modifiée dans une de ses dispositions principales, et il y a eu des explications importantes quant à d'autres dispositions.

Je vois bien, dans les pièces communiquées, les observations qui ont été faites sur ce point par le bureau administratif, mais je ne vois pas que ces observations et modifications aient été soumises au conseil communal d'Anvers et à la députation permanente. C'est une lacune dans les communications. N'ayant sous les yeux que les pièces communiquées, j'ai nécessairement le droit de demander au gouvernement de compléter sa communication, entre autres par le dépôt de l'approbation du conseil communal ctde l'approbation de la deputation permanente.

Mais le point principal est celui-ci : où est l'approbation du clergé à l'égard des modifications et explications ? Ici, messieurs, on me permettra d'insister. Ce point est grave pour ceux-là mêmes qui ne partageraient pas mon opinion quant à la demande de communication de tous les documents qui concernent la négociation en général. Je vois bien dans une lettre qui a été.écrite à M. le cardinal-archevêque sous la date du 2 février 1854, que le ministre parle d'une convention qui a reçu une modification et des explications interprétatives de la part du bureau administratif-, mais je ne vois pas, dans la réponse de M. le cardinal, qu'il y ait approbation de la modification et des explications dont il s'agit. J'ai de très bonnes raisons pour croire que le clergé n'approuvera jamais en termes formels cette modification et explications. Je crois même que, d'après ses principes, il ne pourrait pas l'approuver. Je demande ce qui en est.

Voici la réponse de M. l'archevêque :

« Malines, le 3 février 1854.

« A M. le Ministre de l'intérieur.

« Monsieur le Ministre,

« Je m'empresse de vous informer, en réponse à votre lettre du 2 de ce mois, que je me rallie à la marche que vous indiquez pour faciliter l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850.

« Je crois pouvoir aussi vous donner l'assurance que les autres évêques en seront également satisfaits.

« Les mesures que le gouvernement se propose de prendre, ainsi que les dispositions connues des bureaux administratifs et des conseils communaux, me font espérer que l'instruction religieuse sera donnée, dans un bref délai, aux élèves catholiques de la plupart des établissements de l'Etat, et que,de cette manière, le gouvernement pourra bientôt prendre les mesures générales qui donneront les autres garanties offertes au clergé.

« Recevez, etc.

« Engelbert, Cardinal-archevêque de Malines. »

A la suite de cela le ministre de l'intérieur écrit le 4 février une lettre ainsi conçue :

« Bruxelles, le 4 février 1854.

« A M. le Cardinal-Archevêque de Malines.

« M. le Cardinal,

« Ensuite de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser sous la date d'hier, en réponse à ma dépêche du 2 février courant, je vous prie de vouloir bien me faire connaître si vous êtes disposé à faire donner l'enseignement religieux à l'athénée royal et à l'école moyenne d'Anvers. Agréez, etc.

« Le ministre de l'intérieur, F. Piercot. »

L'Archevêque répond :

« Malines, le 7 février 1854.

« A M. le Ministre de l'intérieur.

« Monsieur le Ministre,

« Les informations que j'ai prises sur l'athénée et l'école moyenne d'Anvers me donnent la confiance que le clergé pourra se charger avec succès de l'instruction religieuse et de l'éducation chrétienne des élèves de ces deux établissements, lorsque les règlements, préparés par le bureau administratif et approuvés par le conseil communal et la députation provinciale, auront été sanctionnés par le Roi et mis en vigueur.

« C'est pourquoi je suis heureux, Monsieur le Ministre, de pouvoir vous déclarer, en réponse à votre lettre du 4 de ce mois, que je suis disposé à faire donner l'enseignement religieux dans ces établissements, sur le pied indiqué dans votre lettre du 2 de ce mois.

« Recevez, etc.

« Engelbert, card. arch. de Malines. »

Eh bien, messieurs, le règlement, vous le connaissez. La modification faite et les explications données par le bureau administratif sont en dehors du règlement. L'archevêque approuve-t-il ces modifications et explications, oui ou non ? Il ne s'agit pas de rester à cet égard dans le vague ; il ne suffit pas de dire : Le clergé ne dit rien, il se tait ; quant à nous, nous nous sommes expliqués ; le silence du clergé est une approbation tacite. On ne traite pas de cette manière des questions aussi graves. Il s'agit, en définitive, de savoir si le clergé admet qu'il sera libre à des élèves catholiques de ne pas suivre le cours de religion, quand la demande d'abstention sera faite par le père ou le tuteur ; il s'agit de savoir si on approuve cette modification.

Moi je ne trouve pas de trace de cette approbation dans les documents qui nous ont été communiqués.

Il faut donc nécessairement compléter la communication qui a été faite. Nous avons besoin de connaître tout ce qui s'est passe entre le gouvernement et le clergé. Ne procédons pas, dans une matière si importante, par réticence. Il faut qu'on sache tout ; il faut qu'on sache à quel prix le clergé consent à intervenir dans l'athénée ou dans l'école moyenne d’Anvers.

(page 718) Il y a, messieurs, dans les projets d'arrêtés qu'on nous a soumis et qui sont relatifs à l'approbation du règlement intérieur de l'athénée et de l'école moyenne, il y a dans ces arrêtés une chose qui est encore digne de fixer notre attention et qui est de nature à nous faire insister sur la communication que nous avons demandée. Le second arrêté que je vois aux Annales parlementaires, porte dans ses considérants ce qui suit :

« Considérant que si la loi du 1er juin 1850 ne contient aucune disposition formelle relative à l'organisation de l'inspection ecclésiastique, il a été reconnu tout d'abord par le gouvernement que le principe de cette inspection se trouve écrit à l'article 8 précité, et qu'il résulte des débats auxquels cet article a donné lieu dans le sein des Chambres, que le clergé pouvait, d'accord avec le gouvernement, organiser son inspection de l’enseignement religieux ;

« Considérant que les bases de cette organisation ont été réglées de commun accord entre le gouvernement et les chefs diocésains. »

Veuillez au moins nous faire connaître ce que vous avez fait à cet égard, ce que vous avez fait relativement aux bases arrêtées de commun accord entre vous et les chefs diocésains ; je ne vois rien de cela dans les pièces qui ont été communiquées ; vous venez vous-mêmes nous dire qu'il y a des bases arrêtées entre vous et le clergé et vous ne nous donnez aucune connaissance de ces bases.

Complétez votre communication par les documents qui se rattachent à ces bases.

Il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'introduire dans l'enseignement moyen ce que nous n'avons pas voulu, à savoir l'inspection ecclésiastique ; car il y a une chose digne de remarque, c’est que les inspecteurs ecclésiastiques que vous allez nommer deviendront des inspecteurs de l'enseignement moyen. (Interruption.) Cela est en toutes lettres dans l'article premier de cet arrêté ainsi conçu :

«Art. 1er. L'inspection de l'enseignement religieux, donné aux élèves catholiques dans les établissements d'instruction moyenne soumis au régime de la loi, sera exercée par des ecclésiastiques nommés par les chefs diocésains, et admis par le gouvernement, lesquels porteront le titre d'inspecteurs diocésains pour l'enseignement moyen. »

Et savez-vous pourquoi vous avez dû donner cette dénomination à l'inspecteur ? C'est qu'en définitive il ne s'agit pas seulement pour le clergé de donner l'enseignement de la religion, mais encore de s'assurer que, dans les autres cours, donnés à l'athénée et à l'école moyenne, il n'y ait rien de contraire aux principes enseignés dans le cours de religion. C'est qu'il doit aussi être entendu que les professeurs, par leur conduite, par leur manière de faire, ne donneront aucun exemple qui soit contraire à ces principes, etc., etc. ; et que si vous instituez un inspecteur ecclésiastique, il aura aussi le droit de s'enquérir de tout ces points-là et qu'en définitive vous arriverez à ce résultat que, puisqu'on ne peut rien faire dans l'établissement qui puisse venir contrarier l'instruction religieuse, le clergé aura le droit d'examiner si cela est ainsi ; et comme vous voulez donner des attributions à l'inspecteur en dehors du cours de religion, vous jugez à propos de terminer la phrase en disant qu'il portera le nom d'inspecteur diocésain de l'enseignement moyen.

Tout cela, messieurs, mérite de sérieuses réflexions. La question doit être examinée sous toutes ses faces ; or, pour l'examiner il nous faut les pièces, il nous faut connaître les bases sur lesquelles le gouvernement a traité ; entre autres, quant à l'inspection. On convient que des bases ont été arrêtées entre le gouvernement et le clergé ; qu'on nous fasse donc connaître ces bases ; qu'on nous donne les pièces qui s'y rattachent et alors nous pourrons, en connaissance de cause, nous expliquer.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez pour démontrer que la communication demandée ne peut pas être refusée par le gouvernement. C'est une communication de la nature de celles qui doivent se faire chaque fois qu'il s'agit d'examiner la conduite tenue par le gouvernement quant à l'acte dont il vient demander à la législature l'approbation.

Je maintiens donc ma proposition avec le changement qui est commandé par la communication faite. Je demande. le dépôt sur le bureau et, par suite, l'impression de tous les documents officiels qui ont rapport aux négociations entre le gouvernement et le clergé, depuis le 15 mai 1851.

(page 727) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'honorable préopinant, en parlant sur l'incident qui fait l'objet de sa proposition, a demandé la communication d'abord des documents relatifs à une convention générale, en second lieu, des documents qui concernent spécialement le règlement d'Anvers ; enfin les documents qui se rattacheraient, selon lui, à l'extension qui devra être donnée, de ce règlement, aux autres établissements d'instruction moyenne. En quatrième lieu, l'honorable préopinant a demandé pourquoi le gouvernement ne produisait pas le règlement spécial relatif à l'école moyenne d'Anvers. Je vais m'expliquer, messieurs, sur ces divers points, et je commencerai par rappeler à la Chambre ce qui s'est passé dans la séance du 8 février.

L'honorable membre a demandé alors aussi la communication des documents qui se rattachaient à la première partie des négociations indiquée par le gouvernement et qui avait trait alors à une convention générale. Le gouvernement a répondu à cette demande qu'il communiquerait tous les documents qui se rattachent à la seule négociation qui ait abouti, et dont les éléments sont aujourd'hui apportés à la Chambre. J'ai ajouté que le gouvernement ne pouvait pas communiquer les documents qui appartiennent à la partie des négociations qui n'a pas abouti.

Pour apprécier, messieurs, la déclaration que j'ai faite, il importe, indépendamment des considérations qui ont déjà été exposées dans la séance du 8 février, de se rappeler la position que le gouvernement a cru devoir prendre lorsqu'il a renoué les négociations avec le clergé. Convaincu alors par l'expérience, que la forme officielle imprimée à une négociation d'une nature aussi délicate, était pleine de difficultés, le gouvernement avait résolu de suivre, dans la reprise des négociations, la forme officieuse, et de ne donner, aux communications à échanger, de caractère officiel que lorsqu'on serait tombé d'accord sur un arrangement quelconque avec le clergé.

Il avait été également entendu, et je prie la Chambre de bien le retenir, que les notes et les lettres qui seraient échangées entre le gouvernement et le clergé, pendant la période des négociations officieuses, ne seraient pas produites si l'on ne parvenait pas à s'entendre.

Le gouvernement, en adoptant une semblable ligne de conduite, avait été déterminé par le désir de faciliter les explications entre les deux parties contractantes. Or, il s'agit aujourd'hui d'appliquer ce qui avait été réglé dès le début des ouvertures faites au clergé. Que s'est-il donc passé ?

Divers systèmes de concours pouvaient être essayés ; aucun n'était exclu. Le premier, qui se présentait naturellement à la pensée du gouvernement, était celui qui avait été tenté par l'ancien cabinet. C'était le système d'une convention s'appliquant immédiatement à tous les établissements d'instruction moyenne. D'autres modes de concours pouvaient aussi être examinés, s'appliquant, par exemple, dès à présent, à quelques établissements spéciaux et pouvant, dans la pensée commune du gouvernement et du clergé, s'étendre successivement à d'autres établissements, à tous les établissements d'instruction moyenne de l'Etat.

Cette négociation fut longue et laborieuse ; mais enfin après tous les essais qui furent tentés pour s'entendre, le gouvernement a pensé que le système qui offrait le moins de difficultés dans son application et qui laissait le plus de liberté réciproque aux parties était celui de traités particuliers à faire avec des établissements déterminés, parce qu'il trouvait dans ces traités particuliers le double avantage, d'abord de faciliter un premier acte de concours et en second lieu celui d'étendre l'intervention du clergé successivement à tous les autres établissements. C'est ce système qui a prévalu en définitive et qui a produit les résultats, que vous connaissez.

Maintenant, l'acte posé avec le clergé relativement à l'athénée et à l'école moyenne d'Anvers a donné lieu à un échange de documents officiels qui ont été soumis à l'examen de la chambre.

J'ajoute que les documents qui sont produits sont les seuls qui (page 728) existent relativement à la négociation spéciale dont il s'agit, et que nous considérions comme ayant un caractère officiel. Pourquoi voudrait-on nous obliger à produire des pièces qui sont étrangères à l'arrangement particulier qui est en discussion et qui n'ont pas à nos yeux ce caractère ? Le gouvernement, me semble-t-il, doit rester juge de la convenance qu'il y a de produire les documents antérieurs et qui sont étrangers au seul fait sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer.

Le gouvernement se croit d'autant plus obligé à refuser la communication des documents en dehors du traité d'Anvers, que tout n'est pas fini. Nous avons traité pour deux établissements déterminés. Mais il nous reste à faire en sorte que cette convention spéciale puisse s'appliquer successivement à tous les établissements d'instruction moyenne. Il reste donc quelque chose à faire, il reste des négociations à ouvrir avec les chefs de diocèse intéressés. Cela étant, n'est-il pas sensible que si nous introduisons dans le débat actuel des documents qui ne lui appartiennent pas, non seulement cette communication serait inutile, mais elle pourrait donner lieu à des complications et peut-être dans la suite à des difficultés nouvelles qu'il importe, tant au gouvernement qu'au clergé, d'éviter dans l'hypothèse de l'exécution complète de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850 ?

Nous ne pensons donc pas devoir aller au-delà des communications qui ont été effectuées. Le gouvernement déclare au surplus que tout ce qui se rattache au fait du traité particulier est produit, qu'il n'existe aucun autre document. Au moyen de cette déclaration, il me paraît, messieurs, que la Chambre peut laisser au gouvernement, qui a la responsabilité de l'exécution, le soin de régler l'étendue des communications qu'il fait à la Chambre.

En ce qui concerne les documents que l'honorable M. Verhaegen suppose exister relativement à de futures négociations à poursuivre ; j'affirme qu'en dehors des pièces qui sont produites par le gouvernement, il n'existe pas une ligne relative soit au règlement d'Anvers, soit aux négociations qui devront s'ouvrir dans la suite avec les autres chefs de diocèse.

Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a dit à la Chambre que sur certains points le gouvernement continuait à s'envelopper d'un mystère qui a besoin d'être pénétré ; il a demandé notamment si la modification que le chapitre de l’enseignement religieux du règlement d'Anvers avait subie, avait été approuvée par les autorités instituées à cet effet par la loi.

Messieurs, cette modification était relative au choix des livres. D'après la loi, le choix des livres appartient au conseil de perfectionnement. Le gouvernement, observateur de tous les principes de la loi du 1er juin 1850, a voulu qu'un article du règlement d'Anvers qui contenait une dérogation plus ou moins explicite à l’article 33 de cette loi, fût mis en harmonie avec elle. La modification a été proposée au bureau administratif de l'athénée d'Anvers, et après en avoir délibéré, le bureau introduisit à l'unanimité le changement dans les termes indiqués par le gouvernement.

On a demandé si cette modification avait elle-même subi l'épreuve légale en passant par l'appréciation du conseil communal et de la députation permanente ? Messieurs, le conseil communal d'Anvers a été saisi de cette modification ; il l'a approuvée, comme le règlement lui-même, à l'unanimité. La dépulalion a donné son assentiment de la même manière. Tout est donc parfaitement régulier.

J'arrive aux explications qui ont surtout préoccupé l'honorable membre. Les explications que ce règlement comportait étaient relatives à deux points essentiels, pour qu'il ne pût y avoir aucune espèce d'équivoque dans l'esprit de personne. Le règlement respecte la liberté des cultes, car aucun élève étranger à la religion de la majorité n'est tenu d'assister à l'enseignement religieux.

Nous avons cru qu'outre cette garantie il fallait une explication à l'effet de démontrer que le bureau administratif avait pris des mesures pour que les élèves n'appartenant pas au culte de la majorité reçussent à leur tour l’enseignement religieux de leur culte respectif. Nous avons demandé comment il entendait exécuter cette obligation légale ? Le bureau a répondu, en des termes que vous avez sous les yeux, que les élèves non-catholiques recevraient l'enseignement religieux par les ministres de leur culte respectif.

Un autre point restait à éclaircir, c'était relativement à l'obligation d'assister au cours de religion, pour les élèves catholiques, alors que les pères ou tuteurs de ces mêmes élèves réclameraient pour eux une exemption.

Dans la pensée du gouvernement, cela ne pouvait être l'objet d'un doute sérieux, car il s'agit d'une garantie constitutionnelle qui ne peut être mise en question par qui que ce soit.

Or, quand la Constitution dit que nul ne peut être astreint à suivre les exercices d'un culte quelconque, cela est obligatoire partout, dans les écoles comme ailleurs. Néanmoins allant au-devant d’un doute, le gouvernement a provoqué une explication sur ce point, et le bureau a répondu que si un père de famille voulait affranchir son fils de l’obligation d'assister à l'enseignement religieux, il en aurait le droit, en se fondant sur l'article 15 de la Constitution.

L'honorable membre a demandé encore si le clergé, avait été averti de l'existence des explications données par le gouvernement et le bureau administratif d'Anvers sur les points que je. viens d'énumérer.

Le gouvernement n'a qu'une règle de conduite :la loi et la franchise en toute chose ; il a voulu que de l'absence de ces garanties formelles dans le règlement il ne pût résulter, pour personne, prétexte d'ignorance sur la manière dont le règlement d'Anvers serait exécuté par le gouvernement.

En conséquence le gouvernement a porté à la connaissance de M. le cardinal-archevêque de Malines le mode d'exécution qu'il entendait donner au règlement d'Anvers ;

La lettre du ministre de l'intérieur du 2 février est explicite à ce sujet, car elle porte que le gouvernement est disposé à soumettre les projets de règlement à la haute sanction du Roi avec la modification introduite et en tenant compte des explications données par le bureau administratif sur le mode d'exécution desdits règlements.

Et M. le cardinal, répondant à cette communication du gouvernement, écrivit sous la date du 3 février :

« Je m'empresse de vous informer, en réponse à votre lettre du 2 da ce mois, que je nie rallie à la marche que vous indiquez... »

Et dans sa lettre du 7 février, non moins explicite, l'archevêque dit en terminant, après avoir annoncé que le clergé se chargerait de l'instruction religieuse dans les établissements d'Anvers :

« Je suis disposé à faire donner l'enseignement religieux dans ces établissements sur le pied indiqué dans votre lettre du 2 de ce mois. »

Le gouvernement s'était donc prononcé de la manière la plus nette au sujet des déclarations faites par le bureau administratif d'Anvers.

D'un autre côté, Mgr. le cardinal, répondant les 3 et 7 février, ne laisse lui-même aucun doute sur la connaissance qu'il a des intentions du gouvernement.

Il n'y a donc pas de place ici à la moindre équivoque. Tout le monde a parfaitement su quel était l'objet de la négociation, à quoi il s'engageait, et je suis convaincu qu'après un examen attentif des pièces publiées, il ne restera à cet égard aucune incertitude dans l'esprit de personne.

Quant aux explications données par le bureau d'administration sur le mode d'exécution du règlement d'Anvers, il y a entre la déclaration du ministre de l'intérieur et la double réponse du cardinal-archevêque de Malines, une concordance qui en fait un tout indivisible.

Quand le gouvernement pose les termes d'un programme qu'il soumet à l'autre partie contractante, le clergé, et que cette partie répond : Je suis d'accord avec vous sur les termes, je me rallie à la proposition, en ajoutant que le règlement sera exécuté sur le pied indiqué dans la lettre du 2 de ce mois, où l'on a été au-devant de toutes les difficultés, pour ceux qui voudront examiner attentivement les documents, il est impossible qu'il existe le moindre doute dans leur esprit.

En ce qui concerne la question posée par l'honorable préopinant sur l'absence de production du règlement de l'école moyenne d'Anvers, cette absence s'explique par la raison que ce dernier règlement est entièrement conforme à celui de l'athénée.

J'arrive aux projets d'arrêtés qui ont été communiqués.

L'honorable membre a manifesté des inquiétudes au sujet des garanties offertes au clergé ; spécialement en ce qui concerne l'inspection ecclésiastique de l’enseignement religieux.

Cette concession de l'inspection ecclésiastique existe implicitement dans la loi ; l'ancien cabinet, comme le cabinet actuel, l'a reconnu.

M. Frère-Orban. - C'est dans la discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le ministère précédent l'a donc admis comme un fait évident, comme un point hors de toute controverse dans la correspondance avec les évèques. Nous avons fait de même.

M. Frère-Orban. - Nous ne nous sommes pas rendus à l'évidence. C'est nous qui l'avons déclaré dans la discussion de la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - N'importe. L'honorable M. Verhaegcn élève quelques doutes sur l'insuffisance des documents ; il croit qu'il en existe d'autres ; il fonde cette opinion sur le considérant suivant du projet d'arrêté n°2.

« Considérant que les bases de cette organisation ont été réglées de commun accord entre le gouvernement et les chefs diocésains. »

On demande : Où sont ces bases ? Quelle est cette règle ? Que l'honorable membre se rassure.

Messieurs, ces bases, cette règle ne sont autre chose que les dispositions transcrites dans le projet d'arrêté même. Pour cette partie de la négociation qui est relative à l'inspection ecclésiastique, comme pour toutes les autres parties, tout a été réglé par conférences, par échange de notes, et quand on a été d'accord sur les bases, on les a rédigées. De manière que les articles composant le projet d'arrêté en question comprennent toutes les bases de l’inspection ecclesiastique, il n'en existe pas d'autres.

Mais, dit-on encore, il y a dans le projet d'arrêté relativement à l'inspection ecclésiastique quelque chose de vague et qui peut, dans la suite, sinon aujourd hui, donner lieu à des interprétations excessives, à des abus, et qui peut amener à une situation telle que l'enseignement en général se trouverait subordonné à l'influence du clergé. C'est pousser, messieurs, les suppositions au-delà des limite raisonnables qui circonscrivent, dans l'arrêté, l'inspection ecclésiastique.

En effet, remarquez que ce projet d'arrêté relatif à l'inspection n'a d'autre objet que « l’inspection de l'enseignement religieux ». C'est dit en toutes lettres :

(page 729) « Art. 1er. L'inspection de l'enseignement religieux donné aux élèves catholiques... »

Il ne peut donc être question d'étendre cette inspection à aucune autre partie de l'enseignement.

Mais, dit-on, pourquoi plus bas, lorsqu'on règle la forme relative à l'investiture des inspecteurs ecclésiastiques, dites-vous que l'inspecteur diocésain est établi pour l’enseignement moyen ? Je réponds que les termes mêmes dont le gouvernement s'est servi (pour l'enseignement moyen) indiquent qu'il ne s'agit pas de l'inspection ecclésiastique de l'enseignement moyen en général.

Il s'agit uniquement de l'inspection spéciale indiquée par l'article premier, qui est celle de l'enseignement religieux, et qui ne pourra jamais s'étendre à d'autres branches de l'enseignement moyen. Sous ce rapport, il y a une différence essentielle à noter entre les principes de la loi sur l'enseignement moyen, et les principes de la loi sur l'enseignement primaire.

Là, l'inspection par les membres du clergé s'adresse à toutes les parties de l'enseignement ; l'instruction religieuse est donnée dans toutes les classes ; par conséquent, l'inspection religieuse comprend aussi toutes les classes de l'école primaire.

Mais, dans l'enseignement moyen, l'instruction religieuse est l'objet d'un cours spécial, et, par suite, l'inspection de cet enseignement ne dépasse pas les limites de ce cours.

J'ajoute, pour terminer sur ce point, que le clergé n'a pas élevé de prétention plus étendue que celle-là. Ainsi, il n'est pas possible de supposer qu'il y ait aucune espèce de réticence, d'omission quelconque. Je le répète, cela se rapporte exclusivement et ne peut s'appliquer qu'à l'enseignement religieux.

Je crois avoir répondu ainsi aux observations qui ont été présentées par l'honorable M. Verhaegen.

(page 718) M. le président. - Voici la proposition telle qu'elle a été modifiée par M. Verhaegen.

« J'ai l'honneur de demander le dépôt sur le bureau de la Chambre et, par suite, l'impression de tous les documents officiels relatifs à la négociation entre le gouvernement et MM. les évêques sur l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850, et ce depuis le 15 mai 1851, date de la dernière lettre publiée de M. le cardinal-archevêque de Malines.»

M. Frère-Orban. - Je demanderai s'il n'y aurait pas lieu de joindre l'incident au fond. Il peut résulter des explications et de la discussion même qu'il n'y aurait pas lieu d'insister sur le dépôt des pièces. Continuons donc la discussion.

M. le président. - La discussion a été ouverte sur le chapitre XVI Enseignement moyen. A moins qu'il n'y ait une proposition de disjoindre la discussion sur l'incident de la discussion sur le chapitre, cette discussion reste jointe au fond. Or, il n'a été fait aucune proposition de ce genre. La discussion continue donc, tant sur le chapitre que sur l'incident.

M. Frère-Orban. - Puisque l'on n'insiste pas, tout est dit.

M. Verhaegen. - Je n'y vois pas d'inconvénient.

M. Devaux. - D'honorables membres ont désiré être éclairés par la communication de la correspondance. Il est un point qui n'est pas douteux, c'est qu'une convention étant soumise à la Chambre, celle-ci a le droit de s'assurer du sens de chacune de ses parties. Rien n'en doit rester douteux.

Pour moi, j'ai besoin aussi d'éclaircissements, j'attache moins d'importance à la manière dont on me les communiquera qu'aux éclaircissements-mêmes. MM. les ministres pourront, s'ils le préfèrent, répondre directement à mes questions ; mais je demande que ces réponses soient bien complètes, bien précises. Je dois le dire, de la nature de ces réponses, et surtout du degré de précision qu'elles auront, dépendra en grande partie mon opinion sur le fond même du débat.

Je demande des éclaircissements sur quatre points différents.

Dans une lettre de M. le cardinal-archevêque, il est dit que, outre la convention d'Anvers, le gouvernement a offert au clergé d'autres garanties. Je demande à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous énumérer d'une manière précise les autres garanties dont il s'agit, et nous dire si ce sont les seules qui aient été offertes au clergé.

En second lieu, à l'article 4 de la convention, il est dit : « L'ecclésiastique aura également soin de l'éducation chrétienne des élèves. Il veillera à ce qu'ils accomplissent en temps opportun leurs devoirs religieux. » Il y a là deux phrases. Par la seconde on entend que l'ecclésiastique veillera (en s'entendant avec le préfet des études comme il est dit plus loin) à ce que les élèves se confessent et communient en temps opportun.

Je désire savoir si cette seconde phrase est l'explication et la limite du sens de la première, qui dit que l'ecclésiastique a soin de l'éducation chrétienne des élèves ; en d'autres termes, si l'ecclésiastique chargé de l'enseignement religieux a d'autres droits que celui de donner l'enseignement religieux dans sa classe, et en second lieu celui de veiller de commun accord avec le préfet des études à ce que les enfants aillent à la confession et à la communion.

Pour être plus clair encore, je désire savoir si l'ecclésiastique chargé de l'enseignement religieux intervient d'une manière quelconque dans l'enseignement des autres classes.

Remarquez bien qu'il s'agit ici de l'externat ; le gouvernement n'a que des externats ; les pensionnats ne regardent pas le gouvernement ; c'est l'affaire de la commune.

Je fais la même question pour l'inspection de l'enseignement religieux. Cette inspection s'appliquera-t-elle uniquement au coure d'enseignement religieux donné par l'ecclésiastique ?

On vient de dire que le clergé n'a jamais entendu que dans ce sens les mots « enseignement religieux ». On perd de vue ce qui s'est passé l'année dernière dans cette Chambre même.

L'année dernière, à l'occasion de quelques paroles que j'avais prononcées, il y a eu une discussion sur ce point. J'avais dit que l'amendement proposé, en 1850, par deux honorables membres qui voulaient faire inscrire dans la loi l'inspection de l'enseignement religieux, avait été reproduit par l'article 8 qui donnait la surveillance de l'enseignement religieux au clergé. L'un des auteurs mêmes de l'amendement m'a répondu que ce que l'on voulait, ce n'était pas seulement l'inspection de l'enseignement religieux proprement dit, c'est-à-dire du cours d'enseignement religieux, mais que c'était en même temps l'inspection de la partie religieuse, de la partie morale qui pouvait se trouver dans tous les autres cours ; c'est-à-dire que l'on voulait qu'à l'occasion de l'inspection de l'enseignement religieux, il y eût une inspection de tous les autres cours, quant à ce qu'ils pouvaient avoir de contact soit avec la morale soit avec la religion. Ainsi la surveillance s'étendait à toutes les classes.

Je demande sur ce point une explication bien nette, je crois que le règlement franchement, sainement interprété, n'a pu donner au clergé que l'inspection de l'enseignement religieux proprement dit.

Mais précisément, à raison de la discussion de l'année dernière, précisément à raison de la différence qu'on a voulu établir entre ces mots « inspection religieuse » et ces mots « surveillance de l'enseignement religieux », je désire une explication claire et catégorique.

Il y a un dernier point qui est très important et sur lequel je désire savoir les intentions du gouvernement.

Messieurs, si l'on peut introduire dans le bureau administratif un membre du clergé qui soit en même temps l'ecclésiastique chargé de l'enseignement religieux dans l'établissement ou bien l'inspecteur chargé d'inspecter cet enseignement, on donne une telle prépondérance à cette personne, qu'on peut dire que la direction de l'établissement cesse d'être laïque.

Il doit donc y avoir incompatibilité, selon moi, entre les fonctions de membre du bureau administratif et celles d'inspecteur ou de professeur. Il n'en peut être autrement. C'est, d'ailleurs, ce qui existe administrativement ; les professeurs de l'établissement ne sont pas membres du bureau administratif, pas même le préfet des études. Les inspecteurs civils ne sont pas non plus membres des bureaux administratifs.

Il est indispensable qu'il y ait incompatibilité des fonctions de professeurs ou d'inspecteur de l'établissement religieux avec celles de membre du bureau.

Ainsi pour me résumer, je désire savoir : 1° quelles sont les autres garanties dont parle M. le cardinal-archevêque ; 2* quel est le sens des (page 179) mots « veiller à l'éducation chrétienne », qui se trouvent dans l'article 4 du règlement de l'athénée royal d'Anvers, et des mots « enseignement religieux » ; 3° si l'inspecteur chargé de l'inspection religieuse, et qu'improprement, à mon avis, on nomme inspecteur de l'enseignement moyen, fera autre chose qu'inspecter le cours de l'ecclésiastique qui donne l'enseignement religieux ?

En quatrième lieu, je désire savoir si, dans l'esprit du gouvernement, il y a incompatibilité entre les fonctions de membre du bureau administratif et les fonctions d'inspecteur ou de professeur de l'enseignement religieux ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je vais répondre aux questions de l'honorable préopinant dans l'ordre où elles ont été posées.

L'honorable membre demande quelles sont les autres garanties dont il est question dans la lettre de M. l'archevêque du 3 février.

Dans la lettre du 3 février, M. l'archevêque de Malines, répondant à la demande du gouvernement, dit en terminant qu'il espère que l'instruction religieuse sera donnée dans un bref délai aux élèves catholiques de la plupart des établissements de l'Etat, et que de cette manière le gouvernement pourra bientôt prendre les mesures générales qui donneront les autres garanties offertes au clergé.

Messieurs, les mesures générales contenant les autres garanties offertes, sont précisément celles qui résultent des projets d'arrêtés qui ont été communiqués à la Chambre et qui l'avaient été au clergé. Ces mesures, qui étaient indiquées en vue du système d'intervention générale immédiate ; maintenant que l'intervention est provisoirement restreinte à quelques établissements spéciaux, doivent, dans la pensée du gouvernement, être ajournées jusqu'à une autre époque.

C'est ce qui a été dit dans la lettre écrite de M. le cardinal, et c'est ce que M. le cardinal a compris en y répondant comme il vient de le faire.

Les garanties dont il s'agit sont relatives, l'une à l'admission d'un ecclésiastique dans le conseil de perfectionnement ; l'autre à l'organisation de l'inspection ecclésiastique de l'enseignement religieux ; on a offert en outre au clergé, d'étendre l'enseignement religieux aux écoles normales dès qu'elles seraient organisées sur le pied des arrêtés rovaux sur la matière.

Je me suis déjà expliqué à cet égard dans l'exposé que j'ai fait à la Chambre en la séance du 8 février.

Les garanties sur lesquelles porte l'interpellation se rattachent donc à un ordre d'idées qui embrasse la généralité des établissements de l'Etat, et le gouvernement s'est tenu, à cet égard, dans la liberté la plus complète, puisqu'il a fait connaître au clergé que ces mesures ne seraient mises à exécution que quand lui, gouvernement, le jugerait convenable.

L'honorable M. Devaux a demandé des explications à propos de l'article 4 du règlement d'Anvers, qui porte :

« L'ecclésiastique a également soin de l'éducation chrétienne des élèves ; il veille à ce qu'ils accomplissent en temps opportun leurs devoirs religieux ; il s'entend à ce sujet avec le préfet des études. » Il a demandé si cet article pouvait s'entendre d'autre chose que de l'enseignement religieux dans la classe à laquelle le professeur de religion est préposé.

Précisant davantage la question, l'honorable membre a demandé si l'ecclésiastique chargé de l'enseignement religieux a d'autres droits que celui de donner l'enseignement religieux dans sa classe, et en second lieu celui d eveiller, de commun accord avec le préfet des études, à ce que les enfants remplissent leurs devoirs religieux ?

Je réponds à cette question que l'ecclésiastique n'a pas d'autre droit que celui de donner à ses élèves l'instruction religieuse, dans sa classe, et de leur inculquer les principes de la morale chrétienne. J'ajoute que l'ecclésiastique s'entend, en cas de besoin, avec le préfet des études pour que les élèves remplissent leurs devoirs religieux. Là se borne l'action de l'ecclésiastique.

M. Devaux. - Le préfet des études veille sur tout l'établissement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cela est vrai, mais l'ecclésiastique n'a d'autre mission que de veiller, dans sa classe comme je viens de le dire, à ce que les élèves remplissent leurs devoirs religieux, à quel effet il s'entend, s'il est nécessaire, avec le préfet des études.

M. Frère-Orban. - Pas dans les autres cours ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Pas dans les autres cours.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les élèves viennent tous aboutir au cours de religion. Eh bien, là, le professeur veille à ce qu'ils remplissent leurs devoirs religieux ; il leur adresse telles recommandations qu’il trouvera bon ; et après cela, s'il a besoin, comme autorité morale, du concours du préfet des études, il l'invite à faire des recommandations de son côté.

On a demandé en troisième lieu si l'inspection de l'enseignement religieux peut comprendre autre chose que le cours de religion ; messieurs, je réponds, en un seul mot : Non ; l'inspection ecclésiastique s'adresse uniquement au cours de l'enseignement religieux.

On a parlé du bureau administratif, et l'honorable préopinant a demandé si le même ecclésiastique qui donnera l'enseignement religieux dans un établissement d’instruction moyenne, pourra être membre du bureau administratif. Messieurs, l'incompatibilité qui existe entre l'une et l'autre fonction résulte de la nature même des choses. Les professeurs d'un athénée, d'une école moyenne sont subordonnés au bureau administratif et ne peuvent pas, par conséquent, en faire partie ; il en sera du professeur de religion comme de tous les professeurs ; il ne pourra pas faire partie du bureau administratif, mais il va de soi que le conseil communal, lorsqu'il s'agira de présenter des candidats pour le bureau administratif, s'entendra avec le chef du diocèse pour apprendre de lui quel sera le candidat qui pourra être présenté au gouvernement.

M. Devaux. - J'avais demandé si l'inspecteur ecclésiastique pourra faire partie du bureau administratif.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Evidemment non.

M. Frère-Orban. - Messieurs, la question de l’enseignement religieux dans les établissements d'instruction moyenne a pris d'assez grandes proportions depuis la loi du 1er juin 1850. Avant cette époque, on ne s'en préoccupait guère, et jamais, que je sache, les membres de la droite n'avaient fait remarquer que, depuis un très grand nombre d'années, les professeurs de religion dans les établissements, qui étaient alors communaux, avaient été partout ou à peu près partout retirés par les chefs du clergé. Si quelques plaintes avaient été formulées à ce sujet, c'était de la part des membres de la gauche ; ils faisaient ressortir combien était grave l'attitude que le clergé prenait à l'égard des établissements d'instruction, en refusant d'y introduire des professeurs de religion ; mais ces observations n'avaient le mérite d'émouvoir ni le gouvernement, ni la majorité de l'époque, qui l'appuyait, et on ne se hâtait guère d'exécuter les prescriptions constitutionnelles en organisant l’enseignement moyen. Depuis qu'il a été réglé par la loi du 1er juin 1850, qui offrait au clergé une occasion de rentrer dans les établissements d'instruction, on s'est pris à déclarer que cette loi était impie, athée, et que pour effacer ses vices, le gouvernement ne saurait s'humilier assez dans l'exécution pour obtenir le concours du clergé.

Je crois, messieurs, que les concessions qui avaient été offertes par l'ancien cabinet, pour arriver à l'exécution de l'article 8, étaient de nature à satisfaire toutes les exigences légitimes. Vous l'avez ainsi pensé, il y a deux ans à peine ; l'opinion publique a sanctionné votre résolution ; les pères de famille, en envoyant leurs enfants dans vos écoles, qui ne furent jamais plus prospères, ont témoigné de la confiance qu'elles leur inspiraient.

Etait-il donc nécessaire de faire au clergé les nouvelles et très graves concessions qui lui ont été faites par le gouvernement ?

Mais avant de les examiner, je me demande s'il est bien convenable, s'il est bien prudent que le gouvernement refuse non seulement de s'expliquer sur certains points, mais refuse encore de communiquer des documents officiels et qui seraient de nature à éclairer la Chambre ? Veuillez, messieurs, remarquer la singulière position que prend le gouvernement. D'après la marche qu'il a adoptée, il renvoie aux conseils communaux l'exécution de l'article 8 de la loi. C'est à raison de l'initiative qui a été prise par le bureau administratif de l'athénée d'Anvers que nous sommes saisis aujourd'hui du règlement de l'enseignement religieux.

Le gouvernement déclare que ce sont les conseils communaux qui auront ultérieurement à faire des propositions, à s'entendre avec le clergé sur des bases analogues à celles du règlement d'Anvers.

Ainsi, les conseils communaux ou les bureaux administratifs vont faire ce qu'ont fait le bureau d'administration et le conseil communal d'Anvers : ils se sont entendus avec les chefs du clergé, avec les ministres du culte. Or, tout conseiller communal aura le droit, en vertu de la loi communale, de se faire communiquer toutes les pièces sans exception qui auront été échangées entre le collège des bourgmestre et échevins et les chefs du clergé. Il en serait de même, s'il s'agissait d'une négociation analogue faite par le conseil provincial ; chaque conseiller provincial aurait le droit de prendre communication de toutes les pièces indistinctement.

Et maintenant que le gouvernement a tenté, sans succès, de rendre d'application générale le projet de règlement admis pour l'athénée d'Anvers, maintenant qu'il fait, en dehors de ce règlement, des concessions que je discuterai dans un instant et que rien ne justifie, on refuse ce que l'on n'oserait refuser à un conseiller communal, c'est-à-dire la communication de documents propres à nous éclairer !

Je sais bien qu'on fait une distinction ; on dit : « Une négociation a été ouverte sur les bases qui ont été suivies par l'ancien cabinet ; elle n'a pas abouti ; nous n'avons pas à faire connaître les pièces relatives à une négociation qui n'a pas eu de résultat. »

C'est là, selon moi, messieurs, une erreur. Le cabinet précédent a compris autrement son devoir ; il a montré les obstacles qu'il avait rencontrés : et certes, on l'aurait énergiquement blâmé, si, s'obstinant à ne point donner d'explications, à ne mettre aucun document sous les yeux de la Chambre, il s'était borné à déclarer qu'il n'avait pas obtenu le concours du clergé parce qu'il n'avait pas obtenu le concours du clergé. Mais, à défaut d'actes écrits, ou pourrait du moius exposer les raisons qui ont empêché le gouvernement de s'entendre avec le clergé.

Mais non, on ne veut pas répondre ; on ne veut rien communiquer, on ne veut pas indiquer les motifs qui ont fait échouer les tentatives du cabinet.

De nombreuses difficultés ont été d'abord consignées dans la correspondance du clergé ; mais on a affirme qu'elles ont été résolues.

(page 720) Plus de difficulté, si j'en crois l'exposé de M. le ministre de l'intérieur, quant aux écoles mixtes ; point de difficulté, quant à l'homogénéité du personnel enseignant ; point de difficulté quant au choix des livres ; point de difficulté quant à l’inspection de l'enseignement religieux. Tout cela a été réglé, convenu, accepté. Je ne recherche pas en ce moment à quel prix ces obstacles d'autrefois ont été levés ; je constate seulement un fait qui résulte de ce que M. le ministre de l'intérieur a bien voulu nous apprendre. Qu'est-ce donc alors qui a empêché de s'entendre avec le clergé ? Voilà ce que le pays doit savoir pour que l'on sache bien jusqu'où vont les prétentions du clergé. Si vous ne voulez pas communiquer les pièces, qui jetteraient quelque lumière sur ce point mystérieux, parlez du moins, expliquez-vous !

M. le ministre des finances a essayé de me donner une réponse ; je -vous fais juge de son mérite. « Je m'étonne, m'a-t-il dit, que l'honorable préopinant, qui a fait partie de l'ancien cabinet, me fasse une pareille question. » A mon tour, je m'étonne très fort de l'habileté de cette réponse.

Je sais parfaitement quelles sont les difficultés qui ont surgi pendant que j'étais au pouvoir, et la Chambre les connaît aussi ; elles sont consignées dans une correspondance qui a été rendue publique. Mais je ne sais rien que cela ; il y a quelque chose de plus, puisque tous les obstacles anciens ont été écartés ; et à quelle source M. le ministre des finances veut-il que j'aille puiser des renseignements à cet égard ? Les ministres seuls pourraient nous éclairer et, en vérité, il me semble que le pays aurait bien le droit de savoir quelles sont les causes d'une résistance que le gouvernement a été impuissant à surmonter.

Jusqu'ici je n'ai parlé que des longues conférences qui ont été closes sans résultat dans les derniers mois de l'année passée. Mais immédiatement après le fait d'Anvers, il y a eu encore une négociation tendant à arriver à un arrangement général.

Vous ne pouvez plus prétendre cette fois que vous avez le droit de vous abstenir ou de produire des pièces ou de parler, car vous avouez que vous ne devez rien laisser ignorer touchant les actes qui nous sont soumis.

Vous êtes donc obligés en nous apportant le fait d'Anvers sur lequel vous avez négocié avec MM. les évêques, vous êtes donc obligés de dire pourquoi tout étant convenu, arrêté, accepté, à ce point que M. le cardinal accède aux conditions proposées, vous avez cependant essuyé pour tous les établissements, deux exceptés, un refus de concours persévérant. N'insinuez pas qu'il faut attendre que les bureaux administratifs et les conseils communaux se soient prononcés ; Car vous nous auriez annoncé, que dans l'hypothèse où l'on ferait ailleurs ce qui a été fait à Anvers, l'enseignement religieux serait donné partout, et vous ne le faites point. Je vous ai formellement interrogés à cet égard et vous n'avez pas répondu. Expliquez-nous donc les raisons d'un refus si difficile à concevoir ! Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s'entoure sur ce point de mystères et de réticences. Je ne vois pas à qui cela peut être utile. Au gouvernement ? Mais il autorise le soupçon ! A MM. les évêques ? Il est certain que dans leur correspondance officielle, il n'est rien énoncé qu'ils ne soient prêts à soutenir et à défendre ; rien qui ne soit l'expression de leur pensée ; rien qu'ils ne considèrent comme l'accomplissement de leurs devoirs.

Quels inconvénients y a-t-il donc pour le gouvernement et pour le pays à ce que les pièces soient communiquées à la chambre ? Si, au contraire, il y a dans ces lettres des réserves qui donnent un sens particulier à certaines conditions de l'arrangement intervenu ; si l'on veut plus encore ; si l'on a promis davantage que ce qui est connu ; si l'exécution doit donner satisfaction à des exigences qu'il est permis de soupçonner, la Chambre n'aura-t-elle pas à regretter, et peut-être trop tard, l'indifférence qu'elle montrerait aujourd'hui ?

Je suis autorisé à croire que, indépendamment des prétentions relatives à ce que l'on nomme l'homogénéité du personnel et qui s'appliquent non seulement à l'avenir, mais au passé, il y a eu, sur des points essentiels, une divergence d'opinion, que des réserves ont été faites, qu'elles ont été écrites. Voilà ce qu'on cache avec soin à la Chambre.

Il est un point, cependant, sur lequel, je l'espère, on ne refusera pas de répondre. Il a été l'objet des négociations : il s'agit de la faculté, pour le père de famille, de dispenser son fils de suivre le cours de religion.

Cette dispense est considérée comme étant de droit par l'honorable ministre de l'intérieur. A son avis, il ne peut y avoir aucune espèce d'équivoque sur le sens de l'article 15 de la Constitution. Mais je ferai remarquer à l'honorable ministre que l’on n'est pas d'accord à cet égard.

L'honorable comte de Theux a soutenu, dans cette enceinte, dans la discussion de la loi sur l'enseignement primaire, que cette faculté ne pouvait être conservée aux pères de famille. Un amendement appuyé par toute la gauche, qui protestait contre cette opinion et mettait en évidence la liberté de conscience, a néanmoins été écarté.

Sans doute, le rejet de l'amendement n'implique pas l'abrogation de l'article 15 de la Constitution, il n'implique pas que le droit du père de famille n'existe point ; mais il est permis de penser que l'opinion de l’honorable comte de Theux n'est pas isolée et que le clergé ne la trouve pas empreinte d'exagération.

M. le ministre de l'intérieur peut-il dire, par oui ou par non, si des réserves n'ont pas été formellement faites sur ce point ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Aucune !

M. Frère-Orban. - Aucune réserve, dites-vous ? Ainsi, il est bien entendu que le clergé accepte le règlement interprété en ce sens que le père de famille a le droit de dispenser son fils d'assister au cours d'enseignement religieux.

Tel est le sens de l'explication acceptée sans réserve par les chefs des cultes. C'est une solution importante pour l'appréciation du règlement d'Anvers.

Mais ce n'est pas ce règlement qu'il faut d'abord examiner. Il ne renferme pas l'arrangement avec les chefs des cultes. Celui-ci repose sur deux conditions, la première c'est l'obligation imposée aux conseils communaux, pour obtenir le concours du clergé, de faire entrer un ecclésiastique, désigné par l'évêque, dans le sein du bureau administratif ; la seconde, c'est l'obligation imposée au gouvernement d'appeler dans le conseil de perfectionnement un membre du clergé désigné par les chefs du clergé.

Afin de bien apprécier le sens et la portée réelle des conditions que le gouvernement a dû subir et qui, pour le moment, n'ont pas même paru suffisantes, il importe de se rappeler quelles ont été, sinon à toutes les époques, du moins dans ces dernières années, les prétentions nettement énoncées par MM. les évêques.

Après la révolution de 1830 les établissements d'instruction étaient devenus communaux. L'enseignement religieux y était donné par les ministres des cultes, et il fut maintenu dans la plupart d'entre eux pendant quelques années. Le gouvernement n'avait, à cette époque, aucun établissement d'instruction sous sa direction exclusive. Cependant, bientôt après, il organisa l'école militaire et l'école vétérinaire, et plus tard l'école des enfants de troupe.

L'intervention du clergé fut réclamée pour ces établissements. A quelles conditions fut-elle accordée ? A des conditions très simples, très rationnelles, parfaitement acceptables et que l'on aurait pu, me ce semble, continuer à pratiquer encore. Le gouvernement fit avec M. l'archevêque de Malines, quant à l'école militaire, un règlement qui n'est pas bien compliqué. Le voici :

« 1° Le dimanche et les jours de fêle l'aumônier dira la messe dans la chapelle de l'école, la messe sera suivie d'une instruction religieuse et morale.

« 2° Les élèves assisteront à la messe et à l'instruction de l'aumônier, à moins qu'ils n'aient obtenu la permission de s'en dispenser, pour cause de culte différent, ou pour d'autres motifs légitimes.

« 3° Le commandant de l'école prendra les mesures les plus propres à faciliter l'accomplissement des autres devoirs religieux.

« 4° L'aumônier visitera l'infirmerie au moins une fois par semaine ; il pourra également visiter la salle de police et les salles d'arrêt. »

Aucune garantie ne fut demandée...

M. Le Hon. - Quelle est la date ?

M. Frère-Orban. - 1834 ou 1835 ; je n'ai pas la date sous les yeux. La loi d'organisation est de 1838, et la convention est antérieure à cette loi. On ne demanda ni garantie contre le caractère mixte de l'école, ni garantie d’homogénéité dans le personnel, ni garantie quant au choix des livres, et les choses se passèrent depuis lors d'une manière parfaitement convenable, à la commune satisfaction du gouvernement, du clergé, des élèves et des parents.

Cependant on remarqua bientôt que les aumôniers étaient successivement retirés de la plupart des établissements communaux ; de là des plaintes très vives de la part des autorités ; mais les réclamations ne furent pas écoutées. Un honorable membre se fit l'écho de ces plaintes dans la Chambre, ce fut l'honorable M. Dolez.

Chacun de vous se souvient de l'impression pénible que ses révélations produisirent et dans la Chambre et dans le pays. Il résultait des explications de l'honorable M. Dolez que le collège de Mons ayant été privé de son professeur de religion, l'autorité locale avait fait des instances également vaines auprès de M. l'évêque et auprès de M. le cardinal-archevêque pour obtenir qu'il fut réintégré dans ses fonctions ; on ne voulait y consentir qu'à la condition qu'on accorderait au clergé une part d'intervention dans la nomination des professeurs.

A cette occasion, M. l'évêque de Liège, croyant devoir répondre au discours de l'honorable M. Dolez, déclara que, en effet, le clergé belge avait adopté comme règle invariable de n'accorder son concours à des établissements d'instruction qu'à la condition d'obtenir une part d'intervention dans la nomination de tous les professeurs et maîtres des écoles et collèges.

Les administrations communales ne cédèrent pas à une pareille exigence.

Lorsque l'on fit la loi sur l'enseignement primaire, le clergé obtint certaines concessions ; mais on ne lui accorda pas une part d'intervention quelconque ni directe, ni indirecte, dans la nomination des professeurs ; le choix des instituteurs fut réservé exclusivement à la commune, conformément à ia loi coiiîniunale.

Le projet de loi primitif de l'enseignement primaire contenait pour le clergé une garantie très considérable, exorbitante ; il déclarait qu'à défaut de concours de sa part l'école serait fermée ; cette disposition ne put pas être maintenue ; elle tomba devant la répulsion de la Chambre. La Chambre n'admit pas qu'il pût dépendre du clergé d'obliger le gouvernement à fermer une école.

(page 721) Le pouvoir, en ce cas, aurait été remis aux mains du clergé. Cette disposition ayant été repoussée, les droits des ministres des cultes, énoncés dans la loi, n'avaient plus aucune sanction. La loi, malgré son cortège de dispositions relatives aux ministres des cultes et à l'enseignement religieux, n'offrait plus, en réalité, d'autres garanties que celles que l'on peut faire découler du simple article 8 de la loi sur l'enseignement moyen. (Interruption.)

L'honorable M. Dechamps se récrie. Cela est pourtant évident et je vais le prouver !

M. Coomans. - Il y a les écoles normales.

M. Frère-Orban. - Je répondrai dans un instant à cette objection.

Supposez une plainte de la part du clergé, plainte qu'il croit fondée, et que le gouvernement n'admet point. Quel est son droit ? Il n'en a pas ; il n'a que le droit de s'abstenir et de se retirer. Dans le système de la loi de 1850 sur l'enseignement moyen, quelle est la position du clergé ? Il peut s'abstenir ; la situation est la même.

Sans doute il a toujours le droit de réclamer, de faire des observations, de se plaindre, d'entrer en correspondance sur ce qui ne lui paraît pas régulier ; mais il en est de même, soit qu'il s'agisse de l'enseignement primaire ou de l'enseignement moyen ; et si ses réclamations ne sont pas écoutées, son droit unique consiste à s'abstenir, à se retirer.

Mais, reprend l'honorable M. Coomans, il y a, dans la loi sur l'enseignement primaire, la garantie résultant des écoles normales. L'honorable membre se trompe, et le clergé, comme nous rétablirons tout à l'heure, n'est pas de son avis.

Veuillez remarquer que la loi sur l'enseignement primaire donne au gouvernement la faculté, non seulement de créer deux écoles normales, mais encore d'adjoindre des cours normaux à toutes les écoles primaires supérieures qui depuis ont été remplacées par des écoles moyennes. La loi sur l'enseignement primaire ne dit nullement que les écoles normales qui seront érigées par le gouvernement, ou qui seront adjointes aux écoles primaires supérieures seront dirigées par le clergé. Ne parlons pas du fait, mais du droit.

D'après la loi, elles ne sont pas nécessairement dirigées par le clergé. De simples écoles privées acceptant le régime d'inspection établi par la loi, peuvent former des instituteurs. Les conseils communaux peuvent, avec l'assentiment du gouvernement, choisir des instituteurs qui ne sortent ni des écoles normales de l'Etat, ni des écoles établies par le clergé. Il n'y a donc sous ce rapport aucune garantie dans la loi pour le clergé.

Dans le fait, nous savons comment les choses se sont passées. Nous savons que le clergé a créé un grand nombre d'écoles normales, que le gouvernement en a organisé deux seulement ; que par conséquent les élèves des écoles normales du clergé concourent en plus grand nombre pour les places d'instituteur qui peuvent devenir vacantes.

Mais là il n'y a pas non plus de garanties telles que le veut le clergé. En effet, lorsque les jeunes gens ont quitté l'école normale pendant plusieurs années, et qu'ils se présentent ensuite pour entrer dans l'enseignement, rien ne prouve qu'ils n'ont pas changé de conduite, et qu'ils sont dans une situation qui ne puisse soulever les scrupules du clergé ; rien ne prouve qu'ils réunissent les conditions sur lesquelles le clergé insiste particulièrement quand il s'agit du choix des professeurs.

Aussi immédiatement après la mise à exécution de la loi sur l'enseignement primaire, MM. les évêques réclamèrent les garanties indirectes, disaient-ils, qui devaient leur assurer une part d'intervention dans la nomination des professeurs de l'enseignement primaire.

C'est une preuve manifeste qu'ils ne trouvent pas dans la loi ces garanties que l'on veut y trouver pour eux. Leur correspondance officielle est fort explicite à cet égard.

Or, l'honorable M. Nothomb ne consentant pas à inscrire dans un règlement, comme le demandait le clergé, le droit pour lui d'être entendu sur le choix des professeurs, et ne voulant admettre que des rapports officieux qui n'engageaient pas et n'attribuaient aucun droit, MM. les évêques s'adressèrent ultérieurement à M. Van de Weyer, qui avait succédé à M. Nothomb, et M. Van de Weyer refusa catégoriquement de faire un règlement contenant une pareille concession.

C'est dans ces circonstances, en présence de ces faits et de ces déclarations que nous venons de rappeler, que le cabinet précédent avait à négocier pour obtenir le concours du clergé conformément à l'article 8 de la loi.

J'oubliais une circonstance qui mérite d'être mentionnée. A la fin de l'année 1849, la place de professeur de religion à l'école vétérinaire devint vacante. Le gouvernement s'adressa à M. le cardinal-archevêque de Malines pour obtenir la désignation d'un professeur de religion.

Après avoir d'abord traité cette affaire par correspondance, M. le cardinal envoya deux délégués à M. le ministre de l'intérieur, et ils tombèrent d'accord sur un règlement aussi simple et aussi rationnel que celui de l'école militaire. Le voici :

« Art. 1er. L'enseignement religieux est donné à l'école de médecine vétérinaire de l'Etat par un aumônier sous la direction et la surveillance du chef diocésain ou de son délégué.

« Art. 2. L'aumônier est désigné par le chef diocésain, et agréé par le gouvernement qui fixe son traitement.

« Art. 3. Les dimanches et les jours de fêtes l'aumônier dit la messe dans la chapelle de l'école et donne une instruction religieuse.

« Art. 4. Il y a en outre une instruction religieuse dans le courant de la semaine au jour et à l'heure à arrêter de commun accord entre le directeur et l'aumônier.

« Art. 4. Toute facilité sera donnée aux élèves pour l'accomplissement de leurs devoirs religieux.

« Ils assisteront à la messe et aux instructions religieuses, à moins qu'ils n'aient obtenu la permission de s'en dispenser pour cause de culte différent, ou pour d'autres motifs légitimes.

« Art. 5. L'aumônier remet tous les 15 jours au directeur les notes qu'il croira devoir tenir sur la conduite, la tenue et le zèle des élèves, en ce qui concerne le service qui lui est confié.

« Art. 6. L'aumônier a en tout temps accès à l'infirmerie des élèves. »

La discussion de la loi du 1er juin 1850 étant sur le point de s'ouvrir, M. l'archevêque crut ne devoir donner aucune suite à cet arrangement.

Nous crûmes que des bases de ce genre, acceptées ou exécutées pour l'école militaire, pourraient également être admises pour les athénées et les écoles moyennes.

Aussi, dès que les athénées furent réorganisés, M. le ministre de l'intérieur adressa une lettre à MM. les évêques pour réclamer leur concours. Ce fut alors que les objections et le prétentions que vous connaissez se produisirent. Vous connaissez les huit difficultés apposées au concours du clergé à l'exécution de la loi sur l'enseignement moyen.

Après nos explications, elles se réduisirent en définitive à celles-ci ; les écoles mixtes ; l'homogénéité du personnel enseignant et le choix des livres. On ne parvint pas à s'entendre.

Qu'a fait maintenant le cabinet actuel ? Il n'a donné aucune solution nouvelle, aucune explication plus satisfaisante que celles que nous avions nous-mêmes indiquées quant aux écoles mixtes.

Il n'a rien ajouté à ce que nous avions dit quant à l'inspection ecclésiastique de l'enseignement religieux, qui avait été proposée par nous, qui résultait de l'article 8 de la loi, ainsi que nous l'avions exprimé dans la discussion de cet article.

Il a, de plus que ce qui avait été accordé précédemment, concédé deux choses : la première, la condition sine qua non de l'admission d'un ecclésiastique parmi les membres du bureau administratif de l'athénée et de l'école moyenne ; deuxièmement, la condition également sine qua non, pour le cas d'un arrangement général, de l'admission d'un ecclésiastique dans le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen.

C'est ici, messieurs, que réside, selon moi, toute la gravité de l'arrangement dont nous nous occupons ; c'est sur ce point que je diffère avec le gouvernement.

Le gouvernement a ici fait droit à la réclamation du clergé vainement formulée quant à la loi de l'enseignement primaire, vainement réclamée de M. Nothomb, vainement réclamée de M. Vandeweyer ; il a reconnu qu'il devait obtenir l'avis préalable du clergé sur le choix du personnel et sur le choix des livres. Je concevrais parfaitement qu'un ecclésiastique fût choisi librement, spontanément, par les conseils communaux ou par le gouvernement pour faire partie du bureau administratif ou du conseil de perfectionnement.

J'admets sans aucune espèce de difficulté que c'est le droit et qu'il peut être de l'intérêt des conseils communaux, de comprendre, en cas de concours du clergé, un ecclésiastique parmi les membres du bureau administratif de l'athénée. Mais ce que je ne comprends pas, ce qui, selon moi, est contraire à la loi, c'est que des conditions de cette nature soient mises au concours du clergé.

Remarquez, messieurs, que dans la discussion de la loi, on a fait dans cette Chambre la proposition de faire entrer un ecclésiastique dans les bureaux administratifs, dans le conseil de perfectionnement. L'honorable M. Osy en a fait la motion ; elle a été rejetée, elle a été formellement combattue par le gouvernement ; elle a été rejetée à une très grande majorité.

Aussi, messieurs, lorsque la section centrale a été appelée à examiner les négociations qui avaient eu lieu avec le clergé, l'honorable M. Lebeau dans le rapport qu'il a fait sur ces négociations et dans lequel on trouve une approbation pleine et entière de l'attitude prise par le gouvernement ; l'honorable M. Lebeau a examiné si, comme MM. les évêques semblaient le désirer, on pouvait stipuler que des membres du clergé feraient partie du bureau administratif et du conseil de perfectionnement.

Il s'est demandé si l’intervention des ecclésiastiques dans les bureaux administratifs et dans le conseil de perfectionnement n'eût pas été un élément, n'eût pas été un moyen de solution des difficultés qui se présentaient, et voici ce que l'honorable membre a déclaré au nom de la section centrale :

« Tout le monde désire que les communes et le gouvernement puissent appeler des membres du clergé dans les bureaux d'administration et dans les conseils de perfectionnement...

« Mais la difficulté d'insérer, dans une convention générale, l'obligation de placer des membres du clergé dans ces conseils est grande. Cette obligation qu'on a voulu mettre dans la loi en a été repoussée. L'inscrire dans une convention, serait-ce bien conforme à l'esprit de cette loi ? En fait, n'y aurait-il pas à cela de graves inconvénients ?...»

Et ici, M. le rapporteur énumère les divers inconvénients qu'une semblable intervention pourrait présenter.

(page 722) Puis il termine : « Encore une fois, que l'on s'en rapporte, sinon au bon vouloir, à l'impartialité, à la loyauté du gouvernement et des administrations communales, au moins à leur intérêt. »

Cette intervention obligée, cette intervention imposée comme une condition, c'est manifestement la soumission de l'autorité civile à l'avis préalable sur le choix des professeurs et le choix des livres.

Si les conseils communaux étaient libres à cet égard, personne n'aurait d'objections à présenter ; personne n'aurait à se plaindre ; ce ne serait pas la condition du concours du clergé à l'enseignement religieux ; et, sous ce rapport, comme le disait l'honorable M. Lebeau, on n'y trouverait rien à reprendre. Mais ce, qui me paraît tout à fait inadmissible, c'est que le gouvernement ait subi une pareille condition.

En outre, messieurs, ce qui est non moins grave, c'est que le gouvernement se dépouille du droit qui lui appartient, du devoir qui lui incombe, de faire exécuter la loi. Ici l'exécution de la loi ne lui appartient plus ; il dépend du bon ou du mauvais vouloir du conseil communal. Au point de vue gouvernemental, au point de vue de ceux qui veulent plus particulièrement l'enseignement religieux, qui le considèrent comme essentiel dans l'enseignement moyen, l'arrangement ne peut paraître satisfaisant, car il laisse à un conseil communal le pouvoir de paralyser l'exécution de la loi. Si un conseil communal ne présente pas le candidat désigné par M. l'évèque, le concours du clergé fera défaut dans l’école.

Est-ce là, messieurs, ce que vous avez voulu ? Est-ce ainsi que la loi a été entendue ? Est-ce ainsi que l'on a voulu que la loi fût pratiquée et exécutée ? Mais, messieurs, je vous ai rappelé que pendant douze à quinze ans la plupart de nos établissements, parce qu'ils étaient communaux, n'avaient pas le concours du clergé, et aujourd'hui sous prétexte de sortir de cette voie, vous y rentrez ; vous retournez pour l'enseignement religieux précisément au point d'où nous sommes partis. Une des considérations qu'on faisait valoir en faveur de la loi du 1er juin 1850, et de l'organisation par l'Etat de ces établissements d'instruction, c'est qu'on allait régler dans une sphère supérieure ces conditions difficiles de l'intervention du clergé dans l'enseignement. C'est aussi ce qu'on disait, lorsqu'on a discuté la loi sur l'enseignement primaire. On n'a pas voulu que le règlement de l'enseignement religieux pût s'agiter dans les sphères inférieures, on a voulu que toutes les difficultés relatives à cet enseignement vinssent aboutir dans le sein du gouvernement. Là, a-t-on dit, il y aura plus d'impartialité, il y aura moins de contact avec les personnes ; il y aura moins de ces froissements, moins de ces susceptibilités qui se rencontrent souvent dans la commune. Eh bien ! vous retournez précisément à cet état de choses que vous avez considéré comme fâcheux, que l'on n'a pas voulu en 1842 lorsqu'il s'agissait de l'enseignement primaire et que l’on n'a pas voulu davantage lorsqu'il s'agissait de l’instruction moyenne.

Il n'y a pas à se faire illusion sur les conséquences des concessions faites par le gouvernement. La direction de l’enseignement passera peu à peu dans les mains du clergé. On vient de reconnaître que si le professeur de religion ou l'inspecteur est en même temps membre du bureau administratif, l'autorité civile n'aura plus en réalité la direction de l'enseignement. Mais, à mon avis, que ce soit un seul membre du clergé ou plusieurs qui remplissent ces diverses fonctions, le même esprit et la même pensée animant les uns et les autres, le résultat sera absolument le même.

Il est facile de prévoir, à mesure que grandira l’influence que l'on a fait pénétrer dans le bureau administratif, ce que deviendra l'indépendance, la dignité ou la liberté des croyances du professeur.

La concession que je combats est, sous tous ces rapports, une concession que rien n'excuse, que rien ne peut faire admettre. Du moment où la condition de l'intervention du clergé est la présence d'un ecclésiastique dans le bureau administratif, et qu'il est certain, d'autre part, que le bureau administratif doit donner son avis sur le choix du personnel, il est évident que, chaque fois que l'on voudra s'écarter de l’avis du clergé, sa retraite se présentera comme une menace ; et pour éviter un éclat, on sera le plus souvent obligé de céder. La dignité du gouvernement en souffrira ; on ne croira plus que des choix sont libres.

Messieurs, le bureau administratif d'Anvers, le conseil communal d'Anvers n'avaient pas stipulé cette condition ; elle n'est pas énoncée dans les propositions. C'est ultérieurement que cette concession a été faite. C'est bien cette fois, si je ne me trompe, quelque chose qui est relatif à l'exécution d'un point dont nous sommes actuellement saisis.

Mais d'où est née cette prétention et quelles sont les nouvelles difficultés qui ont surgi ? Le bureau administratif et le conseil communal s'étaient mis d'accord avec M. le cardinal-archevêque, sans cette condition.

Aujourd'hui, on l'impose, et, ce qui est bien étrange, toutes les difficultés qui avaient été indiquées, dans la lettre concernant les négociations primitives, étaient levées ; aucune question n'était plus soulevée, ni quant aux écoles mixtes, ni quant au choix des livres ; l'organisation de l'inspection ecclésiastique n'avait jamais été contestée ; on fait de plus cette immense concession, que je n'admets point pour ma part, qui m'empêche de donner mon approbation à la convention ; cette immense concession qui concerne le bureau administratif et le conseil de perfectionnement est faite, et il y a encore refus de concours !

Le gouvernement a négocié avec toutes ces concessions et il n'obtient pas le concours du clergé.. .(Interruption). Vous n'obtenez point le contours du clergé. Vous dites en vain que vous avez traité partiellement, cela n’est pas exact ; vous avez traité en présence de toutes ces concessions, sur les bases d'une convention générale ; votre exposé le constate, et vous n'avez pas obtenu, à de pareilles conditions, le concours du clergé.

Je demande quels en sont les motifs ? Je demande pourquoi le clergé, à de pareilles conditions, n'intervient pas encore ? Vous n'avez, sur ce point, donne aucune espèce d'éclaircissement, communiqué aucune espèce de document. (Interruption.)

Vous prétendez que vous avez négocié sur les bases d'une convention partielle, spéciale. Je le méconnais, je le méconnais de la manière la plus absolue. Vous vous disposez à approuver le règlement d'Anvers, mais vous déclarez que ce règlement sera successivement étendu à d'autres établissements, et vous annoncez, en effet, des concessions qui impliquent une convention générale.

Ainsi l'inspection ecclésiastique implique une convention générale, à votre sens, tout au moins générale quant à un diocèse, et si vous avez le concours en ce qui concerne l'athénée et l'école moyenne d'Anvers, vous ne l'avez pas en ce qui concerne les autres établissements qui font partie du diocèse de Malines. Pourquoi ? Quels sont les motifs ?

Vous concédez l'admission d'un ministre du culte au sein du conseil de perfectionnement ; c'est encore une condition qui suppose un arrangement général ; vous le dites ; vous suspendez même l'exécution de ces mesures, vous déclarez que vous y aviserez dans un moment opportun : vous ne pouvez admettre un ecclésiastique au sein du conseil de perfectionnement qu'autant que le concours soit général, vous ne pouvez pas l'admettre alors que l'intervention n'existe que pour 2 ou 3, pour 3 ou 4 établissements, car vous donneriez à cet ecclésiastique le pouvoir de venir surveiller ce qui concerne toutes nos écoles, où le clergé n'interviendrait pas.

Ce serait introduire la critique au sein du conseil de perfectionnement, ce serait y introduire la condamnation permanente de la presque totalité de nos établissements. Cela n'est pas possible et vous suspendez l'exécution de cette mesure.

C'est dans le sens d'une convention générale que vous avez traité. Vous accordez, dans cette hypothèse, l'admission d'un ministre du culte au sein du conseil de perfectionnement. Pourquoi donc malgré ces offres si honorables n'avez-vous pas encore le concours du clergé ?

El puis, ici encore vous allez au-delà de ce qu'a concédé la loi sur l’enseignement primaire ; la loi sur l'enseignement primaire n'a pas admis qu'un ecclésiastique ferait nécessairement partie du conseil supérieur, comme condition du concours du clergé. Le contraire est écrit dans la loi : l'inspecteur diocésain est appelé dans certaines circonstances, lorsqu'il s'agit de renseignement religieux, mais il n'est pas admis à discuter les autres parties de l'enseignement.

Vous allez plus loin, vous concédez comme condition du concours du clergé, que toutes les autres matières d'enseignement seront réglées de commun accord avec les représentants de l'autorité religieuse.

Je ne puis donc, messieurs, ni approuver la marche suivie par le gouvernement ni les concessions exorbitantes qu'il a faites, et qu'il a faites sans obtenir le résultat qu'il poursuivait.

Un mot maintenant sur le règlement d'Anvers. Ce règlement a été profondément modifié.

Les journaux l'ont publié avant qu'il ne fût soumis à la Chambre. Il s'y rencontrait, si mes souvenirs ne me trompent pas, certaines dispositions que nous ne voyons pas reproduites dans la pièce qui nous a été communiquée. Notamment on y lisait que les professeurs conduiraient chaque dimanche à la messe les élèves de l'établissement. On a fait disparaître cette condition, et l’on a bien fait : c'était manifestement contraire à la liberté de conscience. On ne pouvait imposer cette obligation aux professeurs, sauf à eux à l'accomplir, si tel était leur sentiment.

On a, d'autre part, donné une interprétation de l'article 2, qui sauvegarde le droit du père de famille de dispenser son enfant de suivre le cours d'enseignement religieux. Je présume que cette réserve s'applique à l'art.icle4, et qu'un élève étant dispensé de suivre le cours de religion, le professeur ecclésiastique n'a plus à s'enquérir de la manière dont cet élève remplit ses devoirs religieux. C'est bien ainsi qu'on l'entend.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est clair.

M. Frère-Orban. - Pourquoi n'a-t-on pas modifié l'article du règlement, et s'en est-on tenu à une explication séparée ?

On a cru nécessaire de modifier l'article 7, parce qu'il était contraire à l'article 33 de la loi du 1er juin 1850 ; pourquoi n'a-t-on pas modifié l'article 2 comme étant contraire à la Constitution ?

Y a-t-il un motif pour ne pas faire cette insertion dans l'article même ? Il me paraît d'autant plus facile de l'admettre qu'à une époque où l'on était rapproché des discussions du congrès national, où l'on se souvenait du véritable sens des disposilions constitutionnelles, une commission, dans laquelle on comptait MM. P. Devaux, de Gerlache, de Theux, Ernst, a admis sans difficulté, comme disposition applicable à la loi sur l'enseignement primaire que le vœu des parents, quant à l'enseignement religieux, serait toujours consulté et suivi.

D'après l'article 9, l'instruction religieuse est comprise parmi les branches qui concourent pour les prix généraux et d'ensemble. Il ajoute que le nombre de points, à assigner aux élèves non catholiques pour l'instruction religieuse sera déterminé par la moyenne des points qu'ils auront obtenus dans tous les autres cours obligatoires de leurs classes.

Ce mode me paraît défectueux. On aurait dû, ce me semble, admettre un concours spécial pour le cours de religion, et ne pas comprendre (page 723) l'instruction religieuse parmi les branches qui concourent pour les prix généraux on d'ensemble. On se trouve par là obligé d'attribuer un nombre de points arbitraire à certains élèves.

L'article 9 ne parle que des élèves non catholiques ; cependant il est bien entendu qu'il s'agit, non seulement des dissidents, mais des catholiques dispensés.

M. Vilain XIIII. - Ces derniers ne sont plus catholiques.

M. Frère-Orban. - Comment ! parce que le père de famille juge convenable de ne pas faire donner l'instruction religieuse à son fils par le professeur de l'établissement, il cesse d'être catholique ! Je sais bien que dans les explications du bureau administratif de l’athénée d'Anvers relativement à la dispense, il est dit : « Nous croyons devoir ajouter que jamais pareille dispense n'a été réclamée. »

Je sais encore que M. le ministre de l'intérieur, donnant une explication sur le même article, a répété que jamais pareille dispense ne serait réclamée. Mais M. le ministre de l'intérieur avait sans doute alors perdu le souvenir de certains faits qu'il a connus.

C'est qu'à une époque où l'enseignement religieux était donné au collège de Liège la dispense a été accordée par un très grand nombre de parents qui sont restés, quoi qu'en pense l'honorable M. Vilain XIIII, très bons catholiques...

M. de Mérode. - Il ne faut pas dire « très bons. »

M. Frère-Orban. - Si vous voulez me le permettre, je vais vous démontrer que ce n'est pas pour avoir dispensé leurs enfants de suivre le cours de religion, que vous pouvez prétendre, qu'ils ne sont pas restés très bons catholiques ; je vais dire pourquoi la dispense a été donnée et pourquoi, si l'état de choses que je vais signaler vient à se reproduire, cette dispense aurait encore lieu et probablement dans plus d'un établissement.

Les parents ont autorisé leurs enfants à s'abstenir de suivre le cours de religion ; pourquoi ? Vous paraissez vous imaginer qu'ils ne voulaient pas qu'on donnât l'instruction religieuse à leurs fils ! Pas le moins du monde : c'est parce qu'on ne leur donnait pas une instruction religieuse appropriée à leur âge. Cela a été constaté officiellement. Le professeur de religion se bornait à donner à des jeunes gens de quinze à dix-huit ans des leçons qui ne pouvaient guère convenir qu'à des enfants que l'on prépare à la première communion.

Il faut le reconnaître, c'est là un des côtés défectueux de l'enseignement religieux dans les établissements d'instruction moyenne. Si l'enseignement religieux était successivement proportionné au degré d'intelligence des élèves, il pourrait produire, et même au point de vue littéraire, un bien qui serait apprécié.

S’il y avait à côté de la rhétorique grecque et latine, une rhétorique chrétienne où l'on fît connaître les grands écrivains, les grands orateurs de l'Eglise, ce cours serait sans doute suivi, et personne n'en contesterait l'utilité. Mais les hommes propres à l’enseignement et ayant ce genre de connaissances ne sont pas nombreux. Les professeurs éminents sont rares dans le clergé aussi bien que parmi les laïques.

D'ailleurs, comme l’instruction religieuse n'a guère été donnée dans le sens que je viens d'indiquer, des hommes ne se sont pas formés ; il se peut que je me trompe et que l'on en trouve en nombre suffisant pour nos écoles ; je le désire dans l'intérêt même de l'enseignement religieux.

Quoi qu'il en soit, tel qu'il a été modifie, interprété, expliqué, tel qu'on le déclare accepté par le clergé, ce règlement, dont je n'approuve pas tous les termes, ne présente cependant rien de contraire ni à la Constitution, ni à la loi sur l’enseignement moyen. Isolé, et il pourrait l'être sans la faute commise par le ministère, il n'aurait pas soulevé d'objection sérieuse.

Mais les concessions qui ont été faites en dehors de ce règlement et qui me semblent contraires à la loi, auront eu tous cas pour conséquence de remettre dans les mains du clergé la direction de l’enseignement moyen, si les communes accèdent aux conditions qui leur sont imposées. Elles consacrent la prétention si longtemps combattue par toutes nos grandes villes, d'obtenir pour le clergé une part d'intervention dans la nomination des professeurs, ce qu'on avait refusé même de consigner dans un règlement pour l'exécution de la loi sur l’enseignement primaire. Je souhaite que l'on n'ait pas plus tard à s'en repentir.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, malgré le vif intérêt avec lequel j'ai écouté l’honorable préopinant, je ne le suivrai pas dans l'examen auquel il s'est livré des actes et des discussions antérieures à notre entrée aux affaires. Ces actes, ces discussions nous sont complètement étrangers, et nous n'avons pas à nous expliquer sur ce qui les concerne ; je me bornerai donc à répondre quelques mots à l'honorable orateur : d'abord quant au reproche qu'il nous a adressé d'avoir laissé nos communications iucomplètes, et en second lieu en ce qui concerne la partie de son discours qui se rapporte à la critique du règlement d'Anvers.

Messieurs, lorsque le gouvernement soumet à la sanction de la Chambre ou même à son approbation indirecte, comme c'est ici le cas, un document quelconque, il est juste, il est convenable, il est dans tous les usages que le gouvernement accompagne ce document de toutes les pièces qui peuvent conduire à le bien apprécier ; ce devoir, le gouvernement l'a rempli, quant à ce qui concerne le règlement d'Anvers ; sans attendre ni injonction, ni provocations de la part de la Chambre ; il vous a de prime abord offert de déposer sur le bureau et de livrer à l'impression toutes les pièces se rattachant à l'acte que vous étiez invités à apprécier ; il a accompagné cette offre d'explications qui ont encore été complétées aujourd'hui par l'organe du ministre de l'intérieur.

Cependant on ne se tient pas pour satisfait ; on nous dit : Vous nous avec communiqué certaines pièces ; mais vous en avez par devers vous que vous ne voulez pas nous faire connaître ; nous avons le droit de nous en plaindre ; nous réclamons ces dernières pièces.

Il nous eût été bien facile, si une pareille manière d'agir entrait dans nos habitudes et dans notre caractère, il nous eût été très facile de nier l'existence d'aucune autre pièce que celles que nous mettions sous les yeux de la Chambre ; mais ici comme toujours, nous avons voulu montrer de la franchise, de la sincérité ; nous avons déclaré spontanément que nous étions en effet en possession d'autres pièces émanant du clergé qui nous avaient été adressées en retour de pièces émanant du gouvernement lui-même ; mais nous nous sommes empressés d'ajouter que ces pièces appartenaient à des phases de la négociation qui ne présentaient aucun intérêt, qu'en présence du règlement dont nous vous donnons communication, elles n'avaient plus pour vous aucune importance, aucune valeur.

Nous avons été plus loin ; nous avons dit que dès le principe de la négociation, il avait été entendu que toutes les pièces qui ne se rapporteraient pas à un arrangement qui aurait abouti, seraient considérées comme non avenues. Voulez-vous la preuve que ce n'est pas un argument dont nous nous servons comme d'un échappatoire ? Voulez-vous la preuve que c'est toujours ainsi que les choses ont été entendues entre le clergé et nous ? Nous déclarons que toutes les pièces que nous n'avons pas produites n'ont jamais été inscrites à l'indicateur d'aucun ministère, qu'elles ne sont pas destinées à entrer dans les archives d'un département quelconque. Non pas cependant que nous entendions les détourner ou les supprimer ; quand nous quitterons le pouvoir, nous les remettrons de la main à la main à nos successeurs ; ils jugeront si nous avons bien ou mal fait de ne pas les publier, et nous sommes rassurés sur leur jugement.

De ce que je viens de dire, il doit résulter pour la Chambre que ces pièces n'ont pas et n'ont jamais eu un caractère officiel.

M. Frère-Orban. - Elles contiennent donc des mystères ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - On me dit : Ces pièces contiennent donc des mystères ? Non, il n'y a aucun mystère dans notre conduite, nous n'avons aucune raison de la cacher. Mais comment peut-on insister pour un dépôt de pièces, alors que nous déclarons qu'elles ne peuvent avoir aucune utilité et que, dans notre pensée, en les déposant nous poserions un acte qui manquerait de délicatesse ? Ce serait en effet manquer de délicatesse que de communiquer des pièces qui ne sont entre nos mains...

M. Frère-Orban. - Du moment que vous dites qu'il y aurait indélicatesse, je n'insiste pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je déclare formellement que ce serait, à notre avis, commettre un acte qui manquerait de délicatesse, qne de communiquer des pièces qui n'étaient pas destinées à la publicité, du moment que l'acte qu'on avait en vue, quand on les échangeait, ne s'accomplissait pas ; je le déclare de la manière la plus formelle.

Ainsi l'honorable membre n'insiste plus sur la communication de ces pièces ?

M. Frère-Orban. - Vous dites que ces pièces ne sont pas officielles, qu'elles n'étaient pas destinées à la publicité et qu'il y aurait indélicatesse à les communiquer. Je ne puis pas insister.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je me suis expliqué.

J'abandonne donc ce point de la discussion. Je crois, après ce qui vient d'être dit, que le gouvernement n'a plus à se justifier de n'avoir pas fait un dépôt de documents complet.

J'arrive à la partie du discours de l'honorable M. Frère, renfermant quelques critiques, critiques bien modérées ; j'aime à le reconnaître, critiques dont il ne nous sera pas difficile de nous justifier et qui tombent sur certaines dispositions du règlement d'Anvers.

Ce que l'honorable membre nous reproche le plus, c'est d'avoir consenti à ce que le clergé ne prêtât son concours aux établissements d'enseignement moyen que pour autant qu'un membre du clergé fasse partie du conseil d'administration de l'établissement. Il y a là, vous a-t-il dit, une illégalité, il y a là une concession immense. Pour qu'il y eût dans un semblable arrangement une illégalité, il faudrait que l’honorable membre eût démontré que la loi a interdit l'entrée dans les bureaux administratifs des établissements d'enseignement moyen de tous les ecclésiastiques. Jusqu'à ce qu'il m'ait fait cette preuve, il me permettra de ne pas croire qu'il y a eu de notre part illégalité.

Qu'avons-nous fait ? Conformément aux principes de la loi du 1er juin 1850, nous avons dit au clergé : Voulez-vous prêter votre concours a l'établissement d'Anvers ? Le clergé a répondu : Oui, je prêterai mon concours, si un membre du clergé fait partie du bureau administratif. Le gouvernement, qui n'est pas maître d'introduire de son propre mouvement une personne quelconque dans le bureau administratif, s’est borné à dire : J'inviterai ceux qui ont des présentations à faire a y comprendre un membre du clergé. Il est bien entendu que si les conseils qui ont des présentations à faire n'accèdent pas à cette invitation, ne (page 724) répondent pas à ce vœu, ils en sont parfaitement libres, comme le clergé reste libre de ne pas prêter son concours.

Et lorsque, tout le monde conserve sa liberté et les bureaux administratifs, et les conseils communaux, et les conseils provinciaux, et le gouvernement lui-même. On nous dit : Vous avez fait une illégalité ; vous avez fait une concession immense. Eh bien, je dis que nous n'avons fait aucune illégalité, et qu'en réalité nous n'avons fait aucune concession ; nous sommes entièrement libres ; et tout le monde reste libre d'agir comme on le voudra relativement aux autres arrangements partiels qui pourraient être faits.

En vérité, je ne conçois pas qu'on insiste pour démontrer qu'il y a une illégalité, une concession immense dans un arrangement qui est d'une simplicité extrême, qui est parfaitement conforme à la loi, et qui de plus laisse la plus grande liberté à tout le monde.

Mais, dit-on, puisque vous trouvez la chose si simple, pourquoi, au lieu d'un règlement particulier, n'avez-vous pas fait un règlement applicable à tous les établissements du royaume. Nous ne l'avons pas fait, et, c'est un des grands motifs pour lesquels nous n'avons pas conclu un arrangement général avec le clergé, parce que, pour faire un arrangement général, nous aurions dû prendre l'engagement de faire entrer un ecclésiastique dans chaque bureau administratif, et ce n'était ni dans nos pouvoirs, ni dans les attributions que nous donne la loi.

Il valait donc mieux, comme je l'ai dit dès la première séance, agir par voie d'arrangement partiel et local que par voie d'arrangement général, puisque ainsi nous évitions des difficultés immenses qui étaient inévitables, en présence d'un arrangement général.

Pour condamner cette immense concession que je viens de réduire à sa véritable valeur, on s'est appuyé sur un rapport fait par un des membres les plus éminents de cette Chambre, par l'honorable M. Lebeau. On vous a lu le passage de son rapport, qui a trait à la partie du règlement d'Anvers dont je m'occupe. Eh bien, la lecture même de ce travail fait reconnaître que l'honorable M. Lebeau n'a rien condamné, et n'a fait qu'émettre des doutes. Il n'y a dans son travail aucune désapprobation formelle, aucune condamnation articulée. Ce sont de simples doutes qu'il émet, et il les émet au point de vue d'un arrangement général et non au point de vue d'un arrangement partiel, laissant à chacun sa liberté.

On nous a, en deuxième lieu, reproché d'avoir fait des concessions générales, et tandis qu'il n'y a d'arrangement conclu que pour deux établissements sur une soixantaine qui existent dans le royaume, d'avoir déjà pris des engagements, d'abord à l'effet d'organiser l'inspection de l'enseignement religieux, ensuite à l'effet de faire entrer un ecclésiastique dans le conseil de perfectionnement. Or, il suffit de lire la correspondance échangée entre M. le ministre de l'intérieur et M. le cardinal-archevêque de Malines pour s'apercevoir qu'il n'a été pris aucun engagement déterminé pour reconnaître au contraire que le clergé a laissé au gouvernement toute latitude sur le moment où il jugerait convenable d'organiser l'inspection de l'enseignement religieux et d'associer un ecclésiastique au conseil de perfectionnement

Il reste encore quelques critiques de détail. Mais je m'aperçois que j'ai perdu de vue un argument, que j'ai encore un argument à présenter, pour démontrer combien il était difficile, ou plutôt combien il nous était impossible de faire un règlement général à l'instar de celui d'Anvers, de l'imposer aux différentes communes du royaume.

Voici, messieurs, comment est conçu l'article 13 de la loi du 1er juin 1850 : « Indépendamment des autres missions qui pourront lui être confiées par les règlements généraux ou particuliers, le bureau aura pour attributions spéciales de faire ses observations sur les livres employés dans l'établissement, de donner son avis sur la nomination du personnel, d'arrêter les projets de budgets et les comptes, de préparer le projet de règlement intérieur et d'en surveiller l'exécution.

« Ces budgets, comptes et règlement ne seront arrêtes par le gouvernement qu’après avoir été soumis à l'avis du conseil communal et de la députation permanente. »

Ainsi, vous le voyez, messieurs, un texte formel de la loi du 1er juin 1850 nous interdisait de prendre l'initiative en fait de règlement d'ordre intérieur. Cette initiative appartient de par la loi au bureau administratif, et le premier examen de ces règlements est attribué aux conseils communaux ; ils sont ensuite soumis aux députations permanentes avant d'arriver au gouvernement.

Eh bien, nous suivrons rigoureusement, religieusement la voie qui nous est tracée par la loi du 1er juin 1850 : nous laisserons et bureaux administratifs, et communes et provinces parfaitement libres d'arrêter et d'approuver les règlements qu'ils jugeront convenables, avant que le gouvernement s'en occupe.

On nous a dit : Vous avez trouvé dans le premier projet de règlement quelque chose d'illégal en ce qui concerne le choix des livres à donner en prix aux élèves ; vous avez eu soin de faire modifier le règlement à cet égard, et les modifications que vous avez présentées ont été accueillies favorablement partout.

Pourquoi, quand vous trouviez que l'article 2 était incomplet, n'avez-vous pas fait compléter cette disposition ? En d'autres termes, lorsque l'article 2 se taisait en ce qui concerne les parents qui exprimeraient le désir que leurs enfants ne reçussent pas l'instruction religieuse dans les établissements d'enseignement moyen, pourquoi n'avez-vous pas fait insérer que les réclamations émises dans ce sens par les parents devraient recevoir un bon accueil ?

Messieurs, autre chose est d'insérer dans un projet de règlement une disposition illégale, ou d'y insérer une disposition dont l'interprétation peut donner lieu à quelques doutes. Du moment où il y a illégalité, il faut que la disposition soit modifiée. Mais lorsqu'une disposition peut simplement donner lieu à un doute, une explication franche, loyale, écrite, acceptée, suffit pleinement.

Or le point qui restait douteux à la lecture de l'article 2, a été éclairci. Des explications ont été demandées par écrit ; ces explications ont été données par les bureaux d'administration, approuvées par la commune, approuvées par la province, et, M. le ministre de l'intérieur vous l'a démontré tout à l'heure, acceptées par M. le cardinal-archevêque.

Enfin, messieurs, et si ma mémoire est fidèle, c'est la dernière des critiques auxquelles s'est livré l'honorable M. Frère, il s'est plaint de ce que, tandis qu'à l'article 6, on a eu soin d'expliquer comment les élèves dissidents ne prenant pas part à l'enseignement religieux seraient traités lorsqu'il s'agirait de donner des prix ou des récompenses résultant de la combinaison des différents cours, de ce que tandis qu'on a eu soin, dis-je, de s'occuper de ce point en ce qui concerne les élèves dissidents, on ne l'avait pas fait en ce qui regarde les élèves catholiques ne recevant pas l'instruction religieuse.

Eh bien, je n'hésite pas à déclarer de la manière la plus formelle que, dans notre pensée, on doit appliquer aux élèves catholiques ne recevant pas l'enseignement religieux, la même règle qui a été tracée pour les élèves dissidents.

Cette manière d'établir un calcul relativement aux élèves de ces deux catégories nous a paru parfaitement juste. C'est une question de détails, une question de chiffres qui ne saurait prendre ici sa place ; mais nous nous faisons fort de démontrer à l'honorable M. Frère qu'elle n'établit aucune espèce d'injustice au préjudice des élèves dissidents ou des élèves catholiques ne suivant pas le cours religieux, qu'au contraire, si quelqu'un est favorisé par la disposition de l'article 9, ce sont les élèves dont on prend ici la défense.

M. Verhaegen. - Messieurs, le gouvernement a saisi le seul moyen qui lui fût offert pour rendre inutile ma demande de communication de tous les documents se rattachant à la négociation. Il vient de déclarer de la manière la plus formelle qu'il n'a entre les mains aucune pièce officielle autre que celles qui ont été insérées au Moniteur ; que les autres documents sont purement officieux, ou du moins qu'avant qu'ils fussent rédiges et échangés entre MM. les évoques et lui, il a pris vis-à-vis de ces prélats l'engagement de ne pas les livrer à la publicité ; il a ajouté qu'il ne pourrait le faire aujourd'hui sans manquer à la délicatesse.

Que me reste-t-il à faire en présence d'une pareille déclaration ? Je ne puis certes pas convier le gouvernement à poser un acte indélicat. Mais ce que je puis faire, c'est de condamner la marche qu'il a suivie et de blâmer sa conduite ; c'est de prendre acte, en face du pays, de la déclaration qu'il vient de faire et de l'abandonner à son appréciation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Nous sommes parfaitement rassurés.

M. Verhaegen. - Il n'en est pas moins vrai qu'il y a une partie de la négociation que le pays ne connaîtra pas, parce qu'il a été convenu entre le gouvernement et le clergé que cette partie resterait secrète. Il n'en est pas moins vrai, dès lors, qu'il nous est impossible d'apprécier l'acte tel qu'il a été posé par le gouvernement, parce que nous ne connaissons pas les circonstances qui l'entourent.

Au gouvernement donc toute la responsabilité de telle situation dont les annales parlementaires n'offrent guère d'exemple.

Mais, messieurs, ce qu'il importe, du moins dans l'état actuel des choses, c'est que toutes les explications telles qu'elles ont été données, toutes les déclarations telles qu'elles ont été faites au banc ministériel, toutes les réponses qui ont été fournies aux interpellations adressées au gouvernement, soient fidèlement consignées au Moniteur ; je compte à cet égard sur la loyauté qui caractérise le cabinet.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Sans y changer un mot.

M. Verhaegen. - Maintenant, messieurs, dans la position qui nous est faite par le gouvernement, nous qui désapprouvons la marche qu'il a suivie, nous qui condamnons la convention qu'il se propose d'approuver, nous n'avons d'autre moyen que de voter contre le chiffre qui sera pétitionné pour arriver à l'exécution de cette convention et en outre, pour bien marquer notre opposition, de voter contre l'ensemble, du budget.

Messieurs, je désapprouve l'arrangement fait avec le clergé pour obtenir son concours dans l'athénée et l'école moyenne d'Anvers ; je désapprouve les règlements d'ordre intérieur (chapitre de l'instruction religieuse) ; je désapprouve surtout les garanties offertes au clergé en dehors de ces règlements.

Il est évident pour moi, d'après l'ensemble de l'arrangement, que le clergé obtient ce que nous lui avons refusé par la loi sur l'enseignement moyen du 1er juin 1850.

Messieurs, je suis un de ceux qui ont voté contre la loi de 1842 sur l'enseignement primaire, parce qu'elle proclamait l'intervention du clergé à titre d'autorité, dont je ne voulais à aucun prix ; plusieurs de mes honorables amis qui ont admis la loi ne l'ont fait qu'à la condition que les principes qui servaient de base à cette loi, ne seraient jamais invoqués (page 725) lorsque plus tard il s'agirait d'enseignement moyen. Bien souvent ces réserves ont été répétées, et on y a eu égard dans la loi du 1er juin 1850. Aujourd'hui toutes ces réserves et la loi elle-même sont mises de côté et l'on finit par accorder au clergé, par voie administrative, c'est-à-dire en fait tout ce que naguère on lui a refusé en droit, on est même allé au-delà de la loi de 1842.

Tous les articles du règlement intérieur que le gouvernement se propose de sanctionner prouvent mon assertion.

D'après les articles premier et 2 l'enseignement religieux est donné dans l'athénée et dans l'école moyenne, mais il ne s'agit là que de l'enseignement religieux catholique. Le prêtre catholique seul a accès dans l'école, les ministres des autres cultes en sont exclus et les élèves dissidents sont obligés d'aller chercher l'instruction religieuse en dehors des établissements. Les ministres de la religion catholique sont payés pour l'instruction qu'ils donnent sur le budget de l'Etat, les ministres des autres cultes ne reçoivent aucune indemnité. Tout cela est contraire à l'article 8 de la loi du 1er juin 1850 qui invite les ministres de tous les cultes sans distinction à donner ou à surveiller l'enseignement religieux dans les établissements soumis au régime de la loi, cela est aussi contraire au texte et à l'esprit de la Constitution (article 14).

D'après l'article 3 les élèves non catholiques sont dispensés d'assister à l'enseignement religieux. Il est vraiment étonnant qu'on ait bien voulu admettre cette dispense ; mais comme il est entendu que l'enseignement dans toutes ses parties devra être imprégné des principes catholiques, qui sont ceux de la grande majorité, les élèves protestants ou Israélites seront, sous peine de devoir quitter l'école, dans l'impossibilité de se soustraire à ces tentatives incessantes de conversion.

Les élèves catholiques, sur la demande de leurs parents ou tuteurs, pourront aussi être dispensés d'assister au cours de religion. Mais le règlement lui-même ne consacre pas cette dispense. Elle ne résulte que d'une interprétation donnée par le bureau administratif, et je ne vois pas que le cardinal-archevêque ait formellement admis cette interprétation. Je doute même que, d'après les principes qui guident le clergé, il puisse l'admettre, et j'ai lieu de croire que dans la partie de la correspondance qu'on nous cache, il a été fait des réserves à cet égard .

D'après l'article 7, les livres destinés à la distribution des prix sont choisis, sous l'approbation du bureau administratif, par une commission dont le préfet des études et l’ecclésiastique font partie.

Cette disposition était évidemment contraire à la loi du 1er juin 1850. Aussi prétend-on qu'elle a été modifiée. Mais cette modification a-t-elle été admise par le clergé ? C'est ce dont il m'est permis de douter en l'absence des documents dont j'ai demandé la communication.

Dans tous les cas reste le paragraphe 2 du même article 7, qui dit : « Dans tous les autres cours il ne sera fait usage d'aucun livre qui soit contraire à l'instruction religieuse. »

Il est bien entendu qu'il ne s'agit encore une fois là que de l'instruction religieuse catholique ; et qui sera compétent pour décider la question en cas de conflit ? Evidemment on prétendra que ce ne peut être que le membre du clergé chargé de donner le cours de religion et dès lors le contrôle de tous les livres lui appartient.

Remarquons encore que la garantie donnée aux ministres du culte catholique, quant aux livres employés dans les divers cours, n'est pas donnée aux ministres des autres cultes ; dès lors comment empêcher que dans un cours quelconque on fasse emploi de livres qui, par exemple, combattraient le protestantisme ou le judaïsme ?

L'article 9 comprend l'instruction religieuse (catholique toujours) parmi les branches qui concourent pour les prix généraux ou d'ensemble. Toute autre instruction religieuse en est exclue ; ensuite d'après le même article, le nombre des points à assigner aux élèves non-catholiques pour l'instruction religieuse, sera déterminé par la moyenne des points qu'ils auront obtenus dans tous les autres cours obligatoires de leurs classes.

C'est encore là traiter les élèves dissidents d'une autre manière, et je puis ajouter moins favorablement que les élèves catholiques.

Mais, que fera-t-on pour les élèves catholiques dispensés par leurs parents ou tuteurs de suivre le cours de religion ? Le règlement n'en dit rien, et dès lors on ne leur tiendra compte d'aucun point pour cet enseignement.

L'explication donnée par M. le ministre des affaires étrangères restant isolée pourra bien certainement être combattue par le clergé qui n'y a pas donné son assentiment, et par suite il n'y aucune garantie pour les élèves catholiques dispensés.

Enfin l'article 11 dispose : « Le préfet des études et les professeurs profiteront des occasions qui se présenteront pour inculquer aux élèves les principes de morale et l'amour des devoirs religieux. Ils éviteront dans leur conduite comme aussi dans leurs leçons tout ce qui pourrait contrarier l'instruction religieuse. »

Ici le corps professoral est mis à la merci du clergé, et commençons par constater que de la manière dont cet article est conçu, tout professeur qui n'appartient pas à la religion catholique est nécessairement exclu de l’établissement ; puis, qui sera juge de la question de savoir si la conduite des professeurs n'est pas de nature à contrarier l'instruction religieuse ? Ce sera encore une fois le clergé, auquel seul on reconnaît compétence en matière religieuse.

Ainsi un professeur ne pratiquera pas, il n'ira pas à la messe, il se dispensera d'aller à confesse ou à communion ou bien il fréquentera des sociétés que le clergé condamne, et on dira que ce professeur par sa conduite contrarie l'instruction religieuse et on demandera son expulsion de l'établissement, à défaut de quoi le clergé se retirera.

Et tout cela sera appuyé par une inspection ecclésiastique.

Voila la portée de l'article 11 du règlement.

Nous venons de donner les raisons pour lesquelles nous condamnons le règlement en lui-même.

Restent les garanties offertes au clergé par le gouvernement en dehors des règlements.

D'abord, j'ai lieu de croire que ces garanties n'avaient été offertes au clergé qu'en vue d'un arrangement général et que la convention quant à l'athénée d'Anvers aurait pu être approuvée purement et simplement. La correspondance dont on nous a refusé la communication nous aurait fourni les renseignements qui nous manquent à cet égard.

Et quelles sont ces garanties ? D'après moi, elles sont contraires à la loi du 1er juin 1850, elles aliènent l'indépendance du pouvoir civil, elles compromettent sa dignité.

Nous ne pouvons pas, messieurs, nous expliquer sur les garanties offertes au clergé pour l'instruction religieuse dans les écoles normales. Nulle part, dans les documents imprimés, nous n'avons trouvé des traces de ces garanties. Il doit donc en être exclusivement question dans la partie de la correspondance qui reste secrète pour la Chambre et pour le pays.

Vient ensuite l'inspection ecclésiastique dont les bases nous restent également inconnues ; car tout ce que nous savons sur ce point, c'est que, sous le prétexte d'inspecter l'enseignement religieux, il y aura un inspecteur diocésain pour l'enseignement moyen, lequel sera rétribué sur les fonds du budget.

On doit supposer que pour remplir convenablement les intentions du clergé, l'inspecteur diocésain aura non seulement à contrôler le cours de religion, mais encore à s'assurer si dans les autres cours il n'est fait usage d'aucun livre qui soit contraire aux principes religieux, et, en outre, si la conduite des professeurs est bien orthodoxe.

Il est vrai que M. le ministre des affaires étrangères a déclaré officiellement que l'inspecteur diocésain ne sera admis qu'à contrôler exclusivement le cours de religion et qu'il n'aura l'entrée d'aucune autre classe ; mais M. le ministre a-t-il à cet égard l'assentiment du cardinal-archevêque ? J'ai lieu d'en douter.

Dans tous les cas, la loi du 1er juin 1850 n'admet pas l'inspection ecclésiastique, et, quant à moi, je m'y suis constamment opposé, parce que ce serait admettre, au profit des ministres du culte catholique, un privilège que la Constitution repousse.

Enfin, la troisième garantie offerte consiste dans l'entrée d'un membre du clergé, à désiguer par l'évêque, dans les bureaux administratifs et dans le conseil de perfectionnement.

Celte garantie est en opposition formelle avec la Constitution et avee l'article 12 de la loi du 1er juin 1850

Toujours nous nous sommes opposés à l'entrée d'un membre du clergé catholique en sa qualité dans les bureaux administratifs et dans le conseil de perfectionnement. En admettant un membre du clergé catholique, il aurait fallu y admettre aussi un membre des cultes dissidents, car tous les cultes sont, aux termes de la Constitution, mis sur la même ligne, et il ne peut y avoir de privilège pour aucun.

Qu'il me soit permis, messieurs, de le dire ici en passant : on perd trop de vue aujourd'hui l'article 14 de notre pacte fondamental. En 1830, une véritable transaction s'est faite entre les partis qui étaient alors en présence : on a accordé au clergé toutes les libertés qu'il demandait, et l'on peut dire à juste titre qu'il n'y a aucun clergé au monde qui soit aussi libre que le clergé belge ; mais aussi, comme équivalent de concessions aussi larges, on a adopté les articles 14 et 15 qui mettent tous les cultes sur la même ligne et qui proclament que « nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte. »

Ce sont ces principes qui ont guidé le législateur de 1830 et qu'on voudrait mettre de côté en 1854.

Lors de ladiscussion de la loi de l'enseignement moyen, ceux qui voulaient l'entrée d'un membre du clergé catholique dans les bureaux administratifs et dans le conseil de perfectionnement, auraient volontiers consenti à l'entrée, au même titre, d'un ministre des cultes dissidents ; mais on n'a voulu d'aucun.

Aujourd'hui on admet le ministre du culte catholique et on exclut les ministres des autres cultes. L'espace qu'on a franchi est immense.

L'article 12 de la loi du 1er juin 1850 a formellement exclu des bureaux administratifs les membres du clergé, en leur qualité et à titre d'autorité, et cependant on les y introduit comme tels d'après la garantie offerte par le gouvernement à M. le cardinal.

Rien ne s'oppose, et nous-mêmes nous ne nous sommes jamais opposés à ce que des ministres d'un culte quelconque figurassent comme simples citoyens sur la liste des candidats parmi lesquels le gouvernement aurait à faire son choix. Mais ce que nous n'avons pas pu admettre et ce que nous n'admettrons jamais, c'est que des ministres d'un certain culte aient, de plein droit et en leur qualité, entrée dans les bureaux administratifs.

C'est cependant ce que le gouvernement a offert aux évêques ; en effet, il a été entendu que le gouvernement userait de toute son influence près des conseils communaux, non seulement pour qu'ils choisissent comme candidats un ou plusieurs membres du clergé, mais pour qu'ils (page 726) plaçassent en tête de leur liste un membre spécialement désigné par l'évêque, s'engageant alors le gouvernement à nommer ce membre.

Voilà bien une entrée de droit, mettant de côté toute formation de listes de candidats par le conseil communal et tout choix à faire par le gouvernement, comme le veut l'article 12 de la loi de 1850.

En vain dit-on que c'est là la condition sine qua non du concours du clergé et qu'il est libre aux conseils communaux d'admettre ou de rejeter cette condition, car autant vaudrait dire que la condition sine qua non est l'abrogation de l'article 12 de la loi du 1er juin 1850, et que les conseils communaux peuvent de leur autorité abroger cet article. Ce serait en définitive permettre qu'on substitue le fait au droit, ce serait de l'anarchie !

Une dernière réflexion et je termine : le gouvernement y a-t-il bien réfléchi lorsqu'il abandonne des matières si importantes à l'initiative des conseils communaux ? Ne voit-il pas qu'en agissant ainsi il abdique la plus précieuse de ses prérogatives au profit des communes ? Ne s'aperçoit-il pas enfin qu'en abandonnant à elles-mêmes les communes dont naguère il a encouragé la résistance aux empiétements du clergé il les expose à toutes les conséquences de l'interdit dont leurs établissements seront l'objet s'ils n'obéissent pas aveuglément à l'épiscopat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, ce n'est pas pour répondre au discours de l'honorable préopinanl que j'ai demandé la parole ; c'est uniquement pour remercier l'honorable membre de la franchise qu'il a montrée dans cette circonstance, franchise dont il fait preuve, du reste, chaque fois qu'il prend la parole. Je remercie donc d'abord l'honorable M. Verhaegen d'avoir bien voulu dire, en demandant que rien ne fût changé à nos discours dans le Moniteur, qu'il ne faisait en cela qu'un appel à la loyauté qui nous caractérise.

Je promets à l'honorable M. Verhaegen que je ne changerai pas un mot à mon discours ; j'offre même à l'honorable membre de corriger pour moi les épreuves du Moniteur ; il me rendra, en le faisant, un véritable service...

M. Verhaegen. - Je vous remercie ; j'ai assez des miennes.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - J’ai un autre remerciement à adresser à l'honorable M. Verhaegen : c'est d'avoir bien voulu indiquer à chacun des membres de la Chambre un moyen parfaitement logique et parfaitement constitutionnel d'exprimer son opinion sur la conduite du gouvernement.

Il est donc bien entendu, car nous acceptons avec empressement l'ouverture de l'honorable M. Verhaegen, il est bien entendu que les membres de la Chambre qui voteront pour le chapitre du budget actuellement en discussion seront regardés comme approuvant la conduite du gouvernement, (Interruption.)

L'honorable M. Verhaegen s'est expliqué de la manière la plus nette...

M. Verhaegen. - J'ai parlé pour moi...

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Eh bien ! j'accepte votre manière de voir ; nous sommes parfaitement d'accord sur ce point ; cela nous est arrivé dans beaucoup d'autres circonstances. Je dis que le gouvernement accepte par mon organe l'ouverture que vient de faire l'honorable M. Verhaegen et que, dans notre pensée, les membres de la Chambre qui voteront en faveur du chapitre en discussion seront considérés par nous comme approuvant notre conduite ; que ceux-là seuls seront regardés comme blâmant notre conduite, qui voteront contre le chapitre.

M. Loos. - La Chambre comprendra parfaitement le motif qui m'a fait abstenir de toute initiative dans cette discussion. J'attendais que le règlement soumis à vos délibérations fût attaqué ; il l'a été fort peu jusqu'à présent. Mon honorable ami M. Frère a bien voulu terminer son discours en déclarant qu'il ne voyait dans le règlement rien qui fût contraire à Constitution ou à la loi du 1er juin 1850 ; j'accepte volontiers son autorité en ces matières ; pour ma part aussi, c'est parce que j'avais la conviction que ce règlement ne renfermait rien de contraire à la Constitution et à la loi du 1er juin 1850, que dans une autre attribution j'y ai apposé ma signature.

L'honorable M. Verhaegen, lui, désapprouve le règlement. J'ai prêté beaucoup d'attention à son discours pour entendre les critiques qu'il pourrait en faire ; je n'en ai entendu qu'une seule ; elle est relative à l'article qui concerne les prix généraux.

L'honorable membre trouve qu'on n'a pas suffisamment respecté la liberté des cultes, qu'on ne s'est occupé que des catholiques, et qu'on néglige les cultes dissidents.

J'aurais voulu qu'il nous eût indiqué comment, en comprenant l'enseignement religieux dans l'enseignement général, il eût désiré qu'on opérât ? Aurait-il fait participer les dissidents pour l'enseignement de leur culte, à raison du nombre de points qui leur ont été attribués à chacun par leurs professeurs respectifs ?

Les élèves de nos établissements qui n'appartiennent pas à la religion catholique sont très peu nombreux ; à Anvers, nous avons des grecs, des Israélites, des protestants, des anglicans ; j'aurais voulu, je le répète, que l'honorable nous eût indiqué un autre moyen que celui que nous avons proposé, bien entendu en comprenant l'enseignement religieux dans le concours général. Evidemment, il n'aurait pas voulu que le ministre du culte israélite vînt déterminer le nombre de points à compter pour l'enseignement religieux à celui auquel il aurait donné cet enseignement.

Même en agissant ainsi, il y aurait toujours eu une difficulté impossible à résoudre ; ainsi, messieurs, nous n'avons pas à Anvers de ministre de culte grec, il aurait donc bien fallu faire une exception pour les élèves de ce culte-là ; nous avons préféré l'établir pour tous les dissidents, attendu que dans l'athénée d'Anvers, à peu près 99 élèves sur cent sont catholiques. Nous n'avons pas voulu nous préoccuper outre mesure d'une exception aussi minime ; nous avons cherché seulement à établir ce que l'équité commandait.

C'est, du reste, le seul point du règlement d'Anvers que j'ai entendu critiquer par l'honorable membre. Je ne vois donc pas en quoi le règlement ne respecte pas suffisamment la liberté des cultes. Si l'honorable membre avait donné d'autres raisons, je me serais empressé d'y répondre. Il a critiqué des dispositions qui ne se trouvent pas dans le règlement, qui résultent des négociations du gouvernement avec le clergé.

Sous ce rapport, le gouvernement s'est suffisamment défendu. Je n'aurais rien à ajouter à ce que les membres du cabinet ont dit ; cependant je dois faire observer que toute liberté étant laissée aux conseils communaux d'admettre ou de ne pas admettre dans le bureau administratif un membre du clergé, les conseils communaux étant l'émanation de l'opinion publique, si dans une localité on ne se soucie pas que le clergé apporte son concours ; ce sentiment se produira nécessairement dans le conseil communal, qui ne votera pas pour introduire un membre du clergé dans le bureau d'administration et il en résultera que le clergé s'abstiendra.

Si, au contraire, dans d'autres localités on désire avoir le concours du clergé, le conseil communal répondra à ce vœu en nommant un membre du clergé dans le bureau administratif. C'est là ce qui se passera probablement à Anvers. On ne doit redouter aucun inconvénient ; car les membres du bureau ne sont nommés que pour peu d'années ; au bout du terme on jugera si la présence d'un membre du clergé dans le bureau administratif a présenté des inconvénients, et le conseil communal sera libre de ne plus en nommer s'il le juge convenable.

C'est ainsi que je comprends l'engagement pris par le gouvernement, et c'est ainsi qu'on pourra procéder, en conservant aux conseils communaux toute leur liberté d'action.

M. Frère-Orban. - Mon intention n'était pas et n'est pas de rentrer dans la discussion, que je considère comme épuisée. J'ai demandé la parole quand j'ai entendu M. le ministre des affaires étrangères déclarer qu'il attachait un sens au vote qui serait émis sur le chiffre de l'article du budget dont il s'agit. Mon intention est de voter ce chiffre assurément sans renoncer aux critiques que j'ai faites, sans retirer le moins du monde les critiques que j'ai adressées au gouvernement relativement à l'acte qu'il a posé. D'autres membres sont disposés à agir de la sorte ; aucun n'entend supprimer les établissements d'enseignement moyen, à l'occasion de la discussion qui vient d'être soulevée.

Je ferai, de plus, cette remarque que j'ai admis le règlement préparé pour l'athénée d'Anvers, tel qu'il a été modifié, interprété, expliqué et accepté par le clergé comme ne contenant rien de contraire à la Constitution ou à la loi du 1er juin 1850. Je n'ai rien à improuver de ce chef. Sur quel point ma critique a-t-elle porté ? Sur des choses qui sont en dehors du règlement ; sur les concessions faites, et j'ajoute : faites sans utilité. Il est certain que M. le cardinal-archevêque avait donné son concours à l'athénée d'Anvers, aux simples conditions du règlement, sans aucune autre modification.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une erreur.

M. Frère-Orban. - Cela est incontestable ; on a depuis fait cette concession de l'admission d'un membre du clergé dans le bureau administratif et dans le conseil de perfectionnement. Je dis que cette concession a été faite en pure perte, qu'elle n'a servi à rien, qu'on n'a pas obtenu pour cela le concours du clergé.

Une négociation générale a eu lieu sur ce point ; elle a échoué ; cela résulte des explications qu'on nous a données et c'est ce que je ne puis approuver par les raisons graves que j'ai fait valoir dans la discussion.

On dit : L'opiuion publique se fera jour dans les conseils communaux. Si l'on veut du concours du clergé, on prendra un membre du bureau administratif parmi les membres du clergé. Si plus tard on ne veut plus de ce concours, on le fera sortir du bureau administratif. Ce mode d'exécution de la loi quant à l’enseignement religieux dans des établissements dirigés par l’Etat est sans doute fort ingénieux.

Lorsque j'ai critiqué ce mode d'arrangement, j'étais loin de protester contre l'intervention du clergé, puisque j'approuve les dispositions du règlement d'Anvers.

En outre, je dois ajouter cette considération qu'il serait impossible, dans l'état actuel des choses, d'approuver l'acte du gouvernement. Il est impossible de se prononcer actuellement sur cet acte. L'acte du gouvernemeut n'est pas posé. C'est un acte futur ; cela dépend de ce que feront les conseils communaux.

Attendons. Voyons si le gouvernement obtiendra le concours du clergé pour les autres établissements aux mêmes conditions que pour Anvers. S'il ne l'obtenait pas, vous auriez approuvé un acte qui n'aurait pas la portée qu'on lui donne.

Je ne puis donc attribuer au vote sur le chapitre du budget la signification que vient d'y donner M. le ministre des affaires étrangères.

M. Osy (pour une motion d'ordre). - Pour moi, j'approuve l'arrangement que le gouvernemeut a conclu ; j'y vois un premier pas dans la voie de l’introduction de l'instruction religieuse et morale dans les (page 727) établissements d'enseignement moyen. J'espère que le premier arrangement conclu pour l'école moyenne et pour l'athénée d'Anvers amènera à ce résultat.

L'honorable M. Verhaegen nous a dit qu'il voterait contre le chiffre du budget. L'honorable M. Frère nous a dit qu'il voterait le budget, tout en maintenant ce qu'il a dit pour blâmer l'arrangement.

Mais comme il ne faut pas d'équivoque, j'aurai l'honneur de vous faire une proposition, et sur celle-là je crois que nous pourrions voter franchement et librement. Le gouvernement et le pays sauront ce que désire la majorité de la représentation nationale.

Avant de vous en donner connaissance, j'ai un mot à répondre à l'honorable M. Frère. En effet, dans la discussion de la loi de 1850, j'avais proposé, le jugeant nécessaire, de nommer par la loi un ecclésiastique dans le conseil de perfectionnement et un dans le bureau administratif. Ma proposition ne fut pas adoptée.

L'honorable membre, qui est maintenant le président de la chambre, combattant ma proposition, disait : Je ne suis pas opposé à ce qu'un ecclésiastique fasse partie du conseil de perfectionnement et du bureau administratif, mais je ne le veux pas de par la loi.

Voilà ce que disait l'honorable M. Delfosse. Vous voyez que nous venons au résultat indiqué par cet honorable membre.

Il repoussait ma proposition parce qu'un ecclésiastique eût été investi de ce mandat, de par la loi : Aujourd'hui c'est un conseil communal qui propose qu'un ecclésiastique fasse partie du bureau administratif. Je le voulais de par la loi. Mais le résultat est le même ; je suis charmé que l'on ait trouvé ce moyen.

Pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, et pour que chacun puisse approuver ou désapprouver l'arrangement relatif à l'athénée d'Anvers, j'ai l’honneur de faire la proposition suivante :

« La Chambre, approuvant l'arrangement qui a été communiqué et les explications qui lui ont été fournies par le gouvernement, passe à la discussion des articles de l'enseignement moyen. »

M. Orts. - J'étais pour ma part très disposé à voter dans le sens indiqué par l'honorable ministre des affaires étrangères, et à donner un vote approbatif, parce que, d'après ce qu'il avait dit, il s'agissait d'approuver l'intervention du gouvernement dans cette affaire, la conduite qu'il a tenue. Il ne nous demandait pas de nous prononcer sur un arrangement que je ne connais pas ; car je ne connais pas d'arrangement conclu par le gouvernement. Je ne connais que le règlement de l'athénée d'Anvers qui a donné lieu à une convention entre le conseil communal d'Anvers et un membre de l'épiscopat, et je n'ai pas à approuver ou à improuver la conduite du conseil communal d'Anvers. De sorte que, tout en me déclarant disposé à voter dans le sens indiqué par M. le ministre des affaires étrangères, je déclare que je ne puis voter l'ordre du jour motivé, proposé par l'honorable M. Osy.

M. Loos. - Je crois même qu'il y a dans la proposition de l'honorable M. Osy quelque chose de contraire à la loi. L'article 15 de la loi du 1er juin 1850 donne aux conseils communaux le droit de proposer des règlements d'ordre intérieur ; mais ces règlements doivent recevoir l'ap-probation de la députation permanente et, finalement, la sanction du gouvernement. La Chambre prendrait donc le rôle du gouvernement, en approuvant le règlement de l'athénée d'Anvers.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Cette observation est fort juste.

M. Loos. - C'est au gouvernement à porter la responsabilité de cet acte. La Chambre n'a donc pas à approuver le règlement, mais elle peut approuver ou blâmer la conduite du gouvernement.

M. Malou. - Je crois que nous serons d'accord sur ce point qu'il faut que toutes les opinions puissent se produire, et qu'il n'y ait pas d'équivoque, ni dans la Chambre, ni dans le pays, sur l'appréciation de la conduite du gouvernement dans cette circonstance.

Reste la question de rédaction. Veut-on simplifier celle qui est proposée ? On peut le faire. Mais ne cherchons pas à éviter le vote. La Chambre, si elle votait sur l'ordre du jour tel qu'il est proposé, approuverait-elle le règlement d'Anvers ? En aucune manière ; elle approuverait l'arrangement partiel conclu par le gouvernement avec le clergé et les explications du gouvernement. Du reste, que l'on cherche la formule la plus simple qui donne au vote le caractère le plus sincère, et je m'y associe.

M. le président. - Voici l'ordre du jour motivé tel qu'il a été modifié par M. Osy :

« La Chambre, approuvant la marche suivie et les explications données par le gouvernement, passe à la discussion des articles sur l'enseignement moyen. »

- La discussion est close.

L'ordre du jour motivé, proposé par M. Osy, est mis aux voix.

L'appel nominal est demandé.

En voici le résultat : Nombre des votants, 95.

Ont voté pour l'ordre du jour motivé, 86.

Ont voté contre, 7.

En conséquence, l'ordre du jour motivé est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. A. Roussel, Ch. Rousselle, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Loos, Maertens, Malou, Mascart, Matthieu, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Orts. Osy, Pierre, Pirmez, Previnaire, Rodenbach, Rogier et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Verhaegen, Allard, Anspach, de Bronckart, de Pitteurs, Frère-Orban et Lesoinne.

- La délibération sur les articles du budget est reprise.

Article 74

« Art. 74. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures 3/4.