(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Delfosse.)
M. Dumon (page 547) procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Godefroid-Augustin Léonard, qui a demandé la naturalisation, a refusé de produire les pièces nécessaires et de s'engager à payer, le cas échéant, le droit d'enregistrement exigé par la loi. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Des habitants d'Opvyck déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand en date du 25 décembre 1853. »
« Même déclaration des sieurs Meert et Van Hamme, président et secrétaire de la société littéraire dite de Klauwaerts. »
« Même déclaration des sieurs Roman, Sanden et autres membres de la société de Saint-Sébastien, à Deurne. »
« Même déclaration des sieurs Devaere, Vandevelde et autres membres de la société de Sainte-Cécile, à Dcnterghem. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.
« Quelques habitants de Nil-Saint-Vincent-Saint-Martin demandent la libre entrée des houilles, des fontes et des fers et subsidiairement que ces articles soient seulement soumis à un droit qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.
« Le conseil communal de Heers demande que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. »
- Même disposition.
« Des distillateurs à Liège présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les sieurs Jacquelart, Bergh et Jacob, membres du comité directeur de la société agricole du Luxembourg, prient la Chambre de maintenir au budget de l'intérieur pour 1854, l'allocation qui a été accordée depuis 1847, pour la distribution de la chaux à prix réduit. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Les membres du conseil communal de Matagne-la-Grande demandent la création d'un tribunal de première instance à Philippeville. »
« Même demande des membres de l'administration communale de Villers-en-Fagne. »
« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs à Omezée. »
« Même demande du conseil communal de Dailly. »
« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs à Vodelée. »
« Même demande de l'administration communale de Vogenée. »
« Même demande de l'administration communale de Pry. »
« Même demande des membres du conseil communal de Mesnil. »
« Même demande des membres du conseil communal de Cerfontaine. »
« Même demande des membres du conseil communal de Sart-en-Fagne. »
« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs à Daussoit. »
« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs à Jamagne. »
« Même demande du conseil communal de Couvin. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Delforge, ancien préposé des douanes, demande une augmentation de pension. »
- Même disposition.
« Les membres du conseil communal de Lierde-St-Martin prient la Chambre d'accorder à la société Delaveleye la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain vers Gand. »
- Même disposition.
« Le conseil communal d'Audregnies prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer du Couchant de Mons à Gand passant par Thulin. »
- Même disposition.
« M. le ministre de la justice renvoie à la Chambre, avec les renseignements y relatifs, la demande collective de grande naturalisation des sieurs Bregentzer (Jean-Pierre-Paul) et Bregentzer (Edouard-Nicolas). »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Van Iseghem. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant maintien provisoire des dispositions du traité avec le Zollverein, relatives au transit.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion en est fixée à la suite de l'ordre du jour.
M. de Bronckart. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi tendant à réunir divers hameaux à la commune de Sprimont.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion en est fixée à la suite de l'ordre du jour.
M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la contribution personnelle.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.
M. le président. - La discussion continue sur l'article du chapitre de l'agriculture, relatif aux haras.
M. Thiéfry demande un moment la parole pour rectifier une erreur de chiffre. Y a-t-il de l'opposition à ce que M. Thiéfry soit entendu ? (Non ! non !) La parole est à M. Thiéfry.
M. Thiéfry. - Messieurs, le Moniteur rend bien ce que j'ai dit hier ; mais, en relisant mon discours, je me suis aperçu que j'avais commis une erreur, en fixant à un dixième le nombre des pertes de poulains sur le chiffre des saillies. J'ai fait confusion, parce que je me suis servi du chiffre de la remonte. C'est un tiers qu'il faut mettre. Ainsi. 100 étalons, produisant 4,200 saillies, et diminués d'un tiers pour les pertes, donnent pour résultat 2,800 poulains pour lesquels on aurait payé 211,000 francs ou 75 francs par poulain. Voilà l'erreur de chiffre que j'avais à rectifier.
M. le président. - (erratum, page 569) L'examen des deux projets de loi sur la charité ayant été ajourné, les sections seront convoquées demain pour l'examen du projet de loi concernant l’enseignement agricole. (Assentiment.)
La parole est continuée à M. de Naeyer.
(page 554) M. de Naeyer. - Messieurs, je commencerai par remercier l'assemblée de l'attention bienveillante qu'elle a bien voulu me prêter hier et par implorer la même indulgence pour les observations qu'il me reste à lui soumettre. Je serai aussi bref que possible. Je pense d'ailleurs que ceux qui attaquent ici un établissement ruineux pour nos finances n'occuperont pas plus longtemps les moments de la Chambre que ceux qui le défendent.
Messieurs, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire hier, le haras qui nous coûte 240,000 fr. par an n'a servi ou ne peut servir à perfectionner ou à améliorer nos races indigènes, en conservant les types qui existent dans le pays, types qui sont appropriés aux besoins des localités et qui sont en même temps vivement recherchés par l'étranger. Le haras, au contraire, ne peut servir absolument qu'à créer en Belgique une nouvelle race de chevaux, le cheval de trait léger et le cheval de selle, enfin une nouvelle race, provenant du croisement des juments du pays avec l'étalon anglais, résultat qui ne peut être obtenu qu'au bout de 30 à 40 ans puisqu'il faut 6 à 8 générations, afin qu'on puisse implanter dans l'organisme de la nouvelle race, la constance des caractères nécessaires pour l'empêcher de faire retour au type primitif.
Il y a donc deux industries en présence. Il y a d'abord l'ancienne qui est enracinée dans nos usages, qui a été jusqu'ici une source de profits pour nos cultivateurs et pour laquelle l'éducation de nos éleveurs est faite ; il y a ensuite une nouvelle industrie pour laquelle leur éducation n'est pas encore faite et dont les résultats économiques sont contestés par des hommes très compétents.
Maintenant quelle est leur importance relative ? L'ancienne industrie, quant à la production, équivaut de trente-cinq à quarante fois la nouvelle. L'ancienne industrie, messieurs, n'a-t-elle plus de progrès à faire ? Au contraire, on vous a signalé de grandes améliorations, de grands perfectionnements dont elle est susceptible, au point que, dans plusieurs localités, les races indigènes sont menacées d'une espèce de dégénérescence ; le fait ne sera contesté par personne, c'est même un des arguments de nos adversaires.
Que faisons-nous pourtant pour l'ancienne industrie, que faisons-nous pour la nouvelle ? Je disais hier que nous accordions à l'ancienne industrie une aumône de 20,000 fr. ; eh bien, ce n'est pas vrai ; je me trompais, ces 20,000 fr. qui figurent au budget et qui sont distribués en primes ne sont pas exclusivement attribués à l'ancienne industrie chevaline ; la nouvelle y prend une large part.
Nous ne faisons donc rien ou bien peu de chose pour maintenir, pour protéger, au moins, contre toute dégénérescence, les anciennes races de chevaux créées par les besoins du pays, appropriées à ses besoins, et qui sont depuis longtemps la source d'un grand commerce d'exportation et nous employons toutes nos ressources pour marcher bravement a la conquête d'une nouvelle race.
(page 555) Eh bien, je dis qu'un pareil système n'est pas soutenable, qu'il suffit de le dévoiler aux yeux du pays pour qu'il tombe frappé de réprobation.
L'honorable M. T'Kint s'exprimait comme suit dans le discours qu'il a prononcé, il y a quelques jours :
« Si l'administration veut maintenir le haras uniquement dans le but de créer une nouvelle race de chevaux de luxe et sans tenir compte des besoins réels de l'agriculture, je voterai contre le crédit demandé pour l'achat d'étalons. »
Je crois que telle est bien l'opinion d'un très grand nombre de membres de cette Chambre. Or, le haras ne peut être maintenu que dans le but exclusif de créer une nouvelle race de chevaux de luxe, il ne peut rien faire pour l'amélioration des races indigènes. Cela est reconnu par l'administration elle-même.
L'honorable M. de Steenhault vous l'a prouvé en vous donnant lecture hier d'un passage du rapport de la commission d'enquête instituée en 1851. On a fait des essais avec des étalons percherons, avec des étalons boulonnais, avec des étalons anglais de gros trait et ces essais ont été trouvés malheureux par l'administration, donc elle n'y reviendra plus, le haras reste donc exclusivement réservé aux étalons destinés à la création d'une nouvelle race. D'ailleurs il est prouvé pour tous les hommes compétents, que le moyen le plus efficace d'améliorer nos chevaux indigènes eu conservant les types qui existent dans le pays c'est de procéder par voie de sélection, c'est-à-dire de prendre dans chaque race pour les appareillements les étalons et les juments présentant toutes les conditions nécessaires pour donner de bons produits. Je puis à cet égard invoquer l'autorité de l'honorable M. David, et certes elle est de nature à exercer une grande impression sur vos esprits.
Si l'on veut donc que le haras tienne compte des vrais besoins de l'agriculture, comme le disait l'honorable M. T'Kint, c'est-à-dire qu'il contribue à améliorer véritablement nos races indigènes, alors il faut créer, à côté du dépôt d'étalons anglais, un dépôt d'étalons appartenant aux races du pays ; or il est évident qu'on s'engagerait de cette manière dans la voie la plus déplorable, car on ferait une concurrence désastreuse à l'industrie privée, on ferait tomber successivement les étalonniers qui travaillent avec leurs propres ressources, et on arriverait à cette singulière situation que le gouvernement serait obligé d'envoyer des étalons à presque toutes les juments du pays. Je pense que l'honorable M. Piercot reculerait devant une pareille tâche.
Ainsi, messieurs, voilà qui est bien entendu, le haras n'existe absolument que pour créer une nouvelle race de chevaux, et les besoins de l'agriculture, c'est-à-dire l'amélioration de nos types indigènes, n'ont rien à y voir.
Messieurs, il y a, au chapitre de l'agriculture, plusieurs crédits qui s'élèvent ensemble à la somme de 875,000 francs. Eh bien, le quart de cette somme est pris par le haras. Je dirai même que cela ne suffit pas à sa voracité, puisqu'il nous coûte en outre les intérêts des capitaux engagés, le prix de location des bâtiments, le prix de location des terrains qu'il occupe, et aussi une partie des frais d'administration au ministère de l'intérieur.
On devrait donc croire que cet établissement, abrité avec une si riche dotation sous ce beau nom d'agriculture, est une chose essentielle pour cette industrie, que c'est pour elle une condition indispensable de prospérité. On l'a soutenu quelquefois et même encore dans la séance d'hier. Je ne dirai pas que les arguments qu'on a produits sont absurdes, mais toujours est-il qu'ils sont passablement pauvres.
Voici comment on raisonne : ce sont les cultivateurs qui ont élevé et vendu les chevaux croisés provenant du haras, donc, impossible de soutenir que l'agriculture n'en a pas profité. D'abord je dirai que le fait n'est pas exact. Il y a aussi bien des cultivateurs amateurs, comme les qualifiait l'honorable M. Mascart, c'est-à-dire exerçant l'agriculture comme une espèce d'agréable passe-temps, qui se sont beaucoup adonnés à la nouvelle industrie chevaline, et ceux-là ne représentent guère les vrais intérêts de l'agriculture ; quoique mus par les intentions les plus louables, ils ne servent que trop souvent à bouleverser les saines idées agricoles dans les régions gouvernementales et ailleurs encore.
Mais, messieurs, il ne suffit pas d'élever et de vendre pour faire un profit. Vous pouvez d'abord élever et vendre ensuite et vous trouver en perte. Je sais bien que si tous ces grands prix qu'on a fait briller aux yeux des cultivateurs avaient toujours été obtenus, on pourrait peut-être soutenir qu'il y a un léger bénéfice. Mais à côté de ces prix, il en est d'autres qui vous ont été cités par l'honorable M. Mascart et dont, quoi que vous fassiez, il faut bien tenir compte, si vous voulez établir votre comptabilité en règle.
Notre système, dit-on, est celui-ci ; tout ce qui vient du haras de Tervueren est mauvais, détestable, monstrueux, Messieurs, puisqu'on a une si grande répugnance pour les absurdités, pourquoi nous en prêter gratuitement ? Nous avons dit que du haras de Tervueren sortaient de beaux produits, mais qu'il en sortait aussi beaucoup de médiocres et même un assez bon nombre de très mauvais, et tellement mauvais qu'ils sont pour ainsi dire dépourvus de toute valeur vénale. Voilà nos expressions, voilà le terrain sur lequel nous nous plaçons qu'on vienne nous y attaquer, mais qu'on ne déplace pas la question.
Je veux bien m'extasier devant de magnifiques chevaux venant du haras de Tervueren et qui ont figuré avec honneur dans les expositions.
Mais les expositions sont des collections d'élite, il faut bien le reconnaître. Je voudrais avoir quelque chose de plus complet. Je voudrais, par exemple, si la chose était possible, que l’on pût faire figurer dans une vaste plaine tout ce que le haras de Tervueren a produit depuis son origine jusqu'à ce jour. Ce serait là une exposition aussi, je crois. Mais pensez-vous que l'admiration serait le sentiment dominant parmi les spectateurs de cette exposition ? C'esl une question que je vous soumets. J'ai entendu parler en termes très pompeux de certains magnifiques coursiers croisés qui font l'ornement des plus somptueux équipages de notre capitale. Je ne conteste pas le fait ; il est possible. Mais enfin, nous connaissons aussi d'autres coursiers employés à des usages bien plus modestes et qu'il n'est pas juste de laisser dans l'oubli. Car, eux aussi, ils ont à revendiquer des droits de filiation au haras de Tervueren, et en fait de chevaux, la recherche de la paternité n'est aucunement interdite.
L'honorable M. de Steenhault a porté des coups terribles à ces 17 pauvres signataires de la proposition. Il ne s'est pas borné à les compter, car alors le nombre 17 aurait eu une certaine signification, mais il les a pesés, et de cette manière, il s'est complètement rassuré. Il y a d'abord deux députés d'Anvers, ils ne sont pas éleveurs de chevaux ni eux ni leurs commettants, donc rigoureusement parlant, cela ne les regarde pas, si ce n'est pour voter les crédits ; dix députés flamands, à peine sont-ils intéressés dans la question, et puis s'ils entendaient bien leurs intérêts, ils parleraient tout autrement ; puis il y en a d'autres qui ont signé cette proposition par principe.
M. de Steenhault. - Par principe en matière d'économie politique.
M. de Naeyer, rapporteur. - Oui, l'économie politique appliquée à l'industrie chevaline, et surtout à la nouvelle, cela n'est pas raisonnable.
Il y a cependant quelques signataires qui embarrassent singulièrement l'honorable membre, ce sont ceux de la province de Brabant, et surtout l'honorable M. Mascart. Je crois qu'il a été pour lui un véritable cauchemar.
Comment ! l'arrondissement de Nivelles est un des grands centres de l'industrie nouvelle : c'est là que viennent les plus beaux produits du haras de Tervueren ; c'est là qu'on réclame à l'envi les stations d'étalons. Et cependant un député de cet arrondissement, un homme dont on ne contestera pas la compétence, vient vous dire ici en plein parlement : Supprimez le haras, les campagnes ne réclameront pas, je vous le garantis ; et pourquoi vous tient-il ce langage ? Parce que les résultats même brillants en apparence, sont mauvais considérés dans leur ensemble, considérés au point de vue économique, qui est le seul qui mérite de fixer l'attention de la législature ; ces paroles prononcées par un homme de la valeur de M. Mascart sont écrasantes. C'est le coup de grâce du haras, et remarquez que celui qui parle ainsi n'est pas un homme animé d'un sentiment instinctif d'animosité contre le haras ; l'année dernière encore, il en votait le maintien, parce que, homme modéré, il ne veut détruire que ce qui est essentiellement mauvais, il ne voulait donc pas la suppression, aussi longtemps que des doutes existaient dans son esprit ; eh bien, ces doutes il a voulu les éclaircir, comme c'était son devoir, et c'est dans ce but qu'il a interrogé consciencieusement et minutieusement les faits et surtout les faits recueillis dans la province de Brabant, et dans l'arrondissement de Nivelles, c'est-à-dire dans les principaux sièges de la nouvelle industrie, et certes personne, il faut le reconnaître, n'était dans de meilleures conditions pour procéder à une semblable enquête et pour apprécier sainement les faits recueillis ; or, les faits envisagés dans leur ensemble au point de vue économique, au point de vue de l'utilité agricole surtout, lui ont répondu d'une manière si péremptoire et si concluante, que sa conscience lui a imposé le devoir de venir proposer la suppression de l’établissement, qu'il voulait encore maintenir l'année dernière ; c'est là un fait qui doit exercer une immense influence sur les convictions des honorables membres moins initiés aux besoins et aux vrais intérêts de l'agriculture que l'honorable M. Mascart.
Je croyais avoir échappé à la critique mordante de l'honorable M. de Steenhault, je m'estimais heureux de rester confondu parmi les dix Flamands ; mais grande était mon erreur, car c'est à moi qu'il réservait la ruade la plus forte.
L'honorable M. de Steenhault a lu mon discours de l'année dernière et il y a découvert une véritable malice de ma part : si je suis contraire au haras, c'est parce que j'ai dans ma tête la découverte d'un nouvel instrument de travail capable de remplacer un jour le cheval et que je veux déblayer le terrain, pour le moment où mon idée viendra à se réaliser, afin de ne plus rencontrer la concurrence de la race chevaline. Voilà pourquoi je fais la guerre au haras. Je crois, messieurs, que cela n'est pas sérieux ; l'honorable M. de Steenhault a voulu rire et rire un peu à mes dépens. Je lui laisse cet innocent plaisir ; ce n'est pas trop pour compenser son dévouement héroïque au haras de l'Etat.
Nos adversaires sont venus ici armés de pied en cap, munis d'une masse de documents ; on dirait vraiment que toutes les archives de l'Etat ont été mises à leur disposition ; ils sont venus plaider la cause du cheval de luxe comme si nous nous trouvions ici devant un tribunal ; or, telle n'est pas notre position. Nous sommes tous ici juges, témoins et je dirai même parties.
L'honorable M. de Steenhault s'est donné une peine infinie pour recueillir tous les faits qui concernent les produits du haras ; il paraît qu'il en possède l'histoire au bout des doigts, malheureusement il ne nous a révélé que le beau côté, il ne nous a parlé que des produits remarquables, vendus à des prix élevés, attelés aux riches équipages de (page 556) la capitale. Mais de bonne foi, ces brillantes destinées sont-elles la règle pour tous les descendants du haras de Tervueren ? Pour mettre la Chambre à même de faire une appréciation juste et équitable ne fallait-il pas faire connaître le revers de la médaille ? Mais non, ces nombreux produits très médiocres, mauvais même et quelquefois détestables, n'étaient pas dignes de fixer l'attention de l'honorable membre ; il ne les a donc pas enregistrés, ils ne pouvaient entrer dans le cadre de son discours, il les a laissés à l'écart ; ces bases-là ne convenaient pas pour établir dès comptes favorables au haras.
Eh bien, je réponds une seule chose à une pareille argumentation ; je dis qu'elle ne prouve absolument rien parce qu'elle est incomplète, parce qu'elle n'embrasse qu'un côté de la question alors qu'il faut la voir dans son ensemble.
On a prétendu connaître mieux ce qui se passe dans tels et tels arrondissements représentés ici par des hommes parfaitement honorables, on a prétendu mieux connaître ces arrondissements que leurs représentants eux-mêmes et cela en se basant sur ce qu'en appelle les rapports des véritables représentants de l'agriculture.
Eh bien, je repousse un pareil système. Quand je veux connaître les différentes parties du pays, j'interroge mes collègues, j'ai confiance en eux quand ils m'affirment des faits qu'ils disent connaître ; la Constitution a voulu que les élections eussent lieu par fractions de territoire, afin que tous les intérêts fussent réellement représentés ici, je ne vais pas chercher la représentation du pays en dehors du parlement ; et surtout lorsqu'un membre de la Chambre vient affirmer ici des faits contredits, si on veut, par des commissions ou collèges de création gouvernementale, j'aurai bien soin de m'abstenir de donner raison aux commissaires du gouvernement et tort au représentant qui tient son caractère et ses pouvoirs de la volonté du peuple.
D'ailleurs apprécions à leur juste valeur ces rapports qu'on adresse au gouvernement. Les commissions dont ils émanent, ne jouissent pas du don de l'infaillibilité. Ce sont souvent des faits qui sont présentés au nom des corps et qui ont été constatés ou recueillis par un seul membre et, si ce membre en matière d'industrie chevaline, je suppose, est tant soit peu atteint d'hippomanie, n’arrivera-t-il pas que les faits seront examinés à un point de vue exclusif et par conséquent n'aurez-vous pas une appréciation fausse ? Ces faits transmis se rapportent ordinairement aux jeunes chevaux, aux poulains pour ainsi dire au moment de leur naissance, et alors il est excessivement difficile d'apprécier et de constater ie véritable mérite de ces produits, parce qu'à tout moment les premières espérances sont démenties par le développement ultérieur de l'animal.
Je citerai un seul fait pour prouver que tous ces rapports du gouvernement sont loin de mériter une confiance absolue. Un homme parfaitement honorable avait vu passer sous ses yeux un tableau des produits du croisement avec les étalons de Tervueren dans la province, il y vit figurer un poulain appartenant à un de ses amis et signalé comme bon ou même très bon. Il eut la curiosité d'aller visiter son ami et le poulain en même temps ; il s'attendait à ce que ce poulain serait réellement remarquable, mais vérification faite, il trouva tout bonnement que c'était un petit monstre. Eh bien, c'est le cas de dire un peu : Ab uno disce omnes.
Si j'ai bien compris les défenseurs du haras, l'intérêt agricole consisterait en ceci, que des chevaux que nos cultivateurs élèvent aujourd'hui pour les vendre 500 à 600 fr. seraient remplacés par une race dont les produits atteindraient les prix élevés de 1,000 à 1,500 fr.
Impossible d'abord d'admettre ces prix comme formant la règle. Tout le.monde doit convenir que dans cette nouvelle industrie on est exposé à de nombreux mécomptes, et à des mécomptes d'autant plus nombreux, que les étalons anglais, seuls admis au haras, s'éloignent davantage des caractères constitutifs de nos races indigènes ; du reste les faits sont là pour confirmer ce que j'avance, ils sont incontestables ; dans bien des cas par conséquent le cultivateur au lieu des prix élevés qu'on fait briller à ses yeux, aura souvent des produits sans valeur qu'il ne parviendra pas même à vendre ; ensuite ces prix élevés quand les produits sont réellement remarquables il ne pourra les obtenir qu'à la condition de nourrir les jeunes chevaux jusqu'à quatre ou cinq ans sans pouvoir en tirer pour ainsi dire aucun service, ou bien s'il les fait travailler sérieusement avant cette époque, il empêchera leur développement pour les usages du luxe, et alors les hauts prix deviennent une chimère.
Au contraire, s'il les nourrit jusqu'à l'âge de 4 à 5 ans, sans les faire travailler autrement que pour les amuser en quelque sorte, et s'il leur donne en même temps tous les soins que réclame le développement régulier du cheval de luxe, y compris une alimentation plus substantielle et plus recherchée, n'est-il pas vrai qu'au moment de la vente il aura supporté déjà une dépense considérable ? Ajoutez à cela qu'il trouvera plus difficilement un acheteur que pour les chevaux du pays, et qu'il aura dû attendre quatre à cinq ans pour rentrer dans ses frais d'élevage, et dites-moi où est le profit même dans ces cas qui forment encore l'exception ? (Interruption.)
Pouvez-vous nier que le cheval croisé, si vous voulez lui conserver toute sa valeur, ne peut pas travailler d'une manière sérieuse avant l'âge de quatre à cinq ans ? Mais cela a été reconnu formellement par l'honorable M. Thiéfry ; c'est pour ce motif qu'il veut lui un ou deux dépôts de remonte, parce que beaucoup de cultivateurs ne veulent pas tenir les chevaux jusqu'à l'âge de quatre à cinq ans sans les faire travailler, et que, de cette mauière, ils sont rendus impropres au service de l’armée.
C'est pour cela que l'honorable membre veut que le cheval croisé soit acheté par le gouvernement à l'âge de 2 ou de 3 ans et nourri ensuite aux frais du gouvernement jusqu'au moment où il pourra être affecté réellement au service de la cavalerie ; donc si le cultivateur veut réaliser les hauts prix lors même que les produits sont remarquables, il doit nécessairement subir un surcroît de dépenses considérable qui très souvent n'est pas compensée.
Je crois avoir entendu qu'on avait un autre moyen de faire prospérer l'industrie chevaline. C'est que les poulains s'exporteraient à l'âge de 1 à 2 ans. Mais alors comment pouvez-vous atteindre au but que vous avez en vue ? On désire affranchir le pays d'un tribut que nous payons à l'étranger, tribut consistant dans l’achat de quelques chevaux que nous achetons hors du pays. Mais si les poulains de la nouvelle race s'exportent de la Belgique, lorsqu'ils sont encore très jeunes, votre but est manqué et nous restons tributaires de l'étranger.
Je me demande à quels usages en définitive doit servir cette nouvelle race de chevaux. Est-ce un cheval de luxe que vous voulez introduire, ou bien, voulez-vous l'employer en même temps et pour la cavalerie et pour certains usages agricoles et industriels ? S'il s'agit d'un cheval de luxe, Je crois que vous pouvez compter sur des prix élevés, parce que le luxe peut dépenser de l'argent ; mais alors aussi vous aurez à faire votre comptabilité de manière à ne pas négliger le surcroît de frais d'élevage occasionné aux cultivateurs, et alors aussi, je serai en droit de dire que c'est une folie de vouloir créer une dépense aussi considérable pour satisfaire aux besoins du luxe seulement.
Au contraire, si vous voulez que le cheval de la nouvelle race ait d'autres usages, alors le prix doit nécessairement diminuer, car si à ces prix élevés vous l'achetez pour l'armée votre budget de la guerre augmentera et vous grèverez le pays d'une nouvelle charge, et quant aux usages agricoles ou industriels vous aurez créé un instrument de travail plus cher que celui qui est employé aujourd'hui, et dites-moi si ce résultat sera heureux.
Voici un dilemme : si vous voulez un cheval de luxe, vous pouvez espérer un prix plus élevé, mais alors l'usage en est restreint, votre dépense est une dépense de luxe, et ce produit plus cher aura aussi coûté plus de frais de production ; ou bien vous voulez un cheval approprié à d'autres usages, et alors ces prix baisseront nécessairement, et je demande ce que deviennent ces grands bénéfices qu'on offre en perpective à nos cultivateurs.
Messieurs, je le dis avec une profonde conviction, cette industrie ne peut convenir qu'aux riches propriétaires ou aux riches cultivateurs, pourquoi ? Parce que seuls ils sont à même de faire face aux mécomptes, parce que pour eux les pertes pécuniaires sont compensées par des jouissances et ne peuvent pas ébrécher leur fortune. Mais pour la classe des cultivateurs cultivant pour vivre, que je connais car j'y suis né, l'élève du cheval de luxe est une mauvaise industrie ; j'ajouterai qu'elle sert bien souvent à leur faire contracter des habitudes qui sont incompatibles avec les exigences de leur profession.
Allez dans une ferme où l'on s'occupe de cette industrie, vous verrez que c'est le cheval de luxe qui fait pour ainsi dire tous les frais de la conversation, et que les autres occupations de la ferme sont en quelque sorte délaissées, dédaignées ; les demoiselles mêmes se mettent de la partie, et les voilà qui deviennent de magnifiques et intrépides amazones au lieu de bonnes et intelligentes fermières. Je ne blâme pas tout ces amusements-là ; j'aime trop le plaisir pour moi-même pour avoir même le droit de le blâmer chez les autres. Mais devons-nous payer tout cela, avons-nous le droit de le faire avec les deniers des contribuables, arrosés si souvent de sueurs et de larmes ? - Non.
On a parlé beaucoup du grand nombre de saillies. Eh bien, quelques explications suffisent pour réduire cela à sa véritable valeur. D'abord vous avez les vétérinaires du gouvernement, qui désirent être agréables à l'administration, et qui savent parfaitement que l'administration attache une très grande importance à procurer une belle clientèle aux étalons de l'Etat.
Voilà pourquoi ils usent de toute leur influence sur les cultivateurs pour les engager à envoyer leurs juments aux stations du gouvernement ; ce fait ne nous est pas révélé par tous les rapports qu'on nous communique, mais n'est-il pas de notoriété publique et n'y a-t-il pas ici plus d'un membre qui pourrait l'affirmer ?
Ensuite il est à remarquer que les saillies sont gratuites ; on a prétendu que cela était sans importance pour en augmenter le nombre, mais cette assertion est complètement détruite par un des défenseurs les plus intelligents du haras, par l'honorable M. de Pitteurs, membre du sénat, qui a demandé, dans la discussion du budget de l'intérieur pour l'exercice 1853, que les saillies des étalons du gouvernement cessassent d'être gratuites, parce que, disait-il, la concurrence qu'elles font ainsi à l'industrie privée a pour effet de faire disparaître de plus en plus les bons étalons indigènes, etc.
Voilà, soit dit en passant, comment le haras contribue à l'amélioration de la race indigène : en faisant disparaître les bons étalons de race indigène, les seuls propres à l'améliorer réellement sans lui enlever ses caractères constitutifs.
Une autre cause qui contribue à augmenter le nombre des saillies, c'est qu'il s'agit ici d'une espèce de loterie où l'on n'a pas de billet à payer ; on envoie donc à ces stations, dont l'accès est gratuit, beaucoup (page 557) de mauvaises juments dont on n'a pu obtenir aucun bon produit avec l'étalon du pays ; on se dit : Cela ne coûte rien, si je n'obtiens pas un grand résultat, patience ! et peut-être aurai-je quelque chose de bon.
Ces chances aléatoires on aime à les courir, alors surtout qu'elles ne nécessitent aucune mise immédiate de fonds. Voilà encore une circonstance qui a eu pour effet d'augmenter le nombre des saillies, et sous ce rapport, je puis encore invoquer cette même autorité de l'honorable M. de Pitteurs.
On a argumenté aussi des demandes qui ont surgi de toutes parts pour avoir des stations d'étalons. Or, d'après les documents même insérés dans le discours de l'honorable M. Thiéfry, il est prouvé que ces demandes ont été fondées très souvent sur un véritable malentendu.
Car, on n'a pas toujours demandé des étalons anglais, mais souvent aussi des étalons de gros trait, pour améliorer les races du pays, preuves comme j'ai eu l'honneur de le dire, que le vrai caractère du haras n'a pas été généralement connu dans le pays puisqu'on lui adressait des demandes auxquelles il ne pouvait pas satisfaire ? Il est à ma connaissance personnelle qu'un comice agricole avait demandé à différentes reprises au gouvernement des étalons de gros trait, attendu que les résultats des croisements avec la race anglaise avaient été malheureux, et que le gouvernement a répondu à ces demandes en continuant à envoyer des étalons anglais. Voila un fait, il diminue beaucoup la valeur de l'argument tiré de toutes ces réclamations qu'on fait sonner bien haut.
Les demandes de station sont d'ailleurs naturelles, elles s'expliquent en quelque sorte dans bien des cas sans y mêler aucun intérêt agricole, c'est en quelque sorte un avantage offert par le gouvernement qu'on peut accepter sans se soumettre à aucune charge, et puis une station d'étalons laisse toujours quelque argent dans le pays où on l'établit. Vous voyez qu'on ne doit pas être bien difficile pour faire des demandes de ce genre.
Ainsi il est question, paraît-il, de transférer le haras à Lessines ; évidemment l'arrondissement de Soignies qui est représenté par trois honorables membres MM. Faignart, Matthieu et Ansiau, indépendamment de tout intérêt agricole, est intéressé à voir la réalisation de ce projet.
Messieurs nous avons dépensé cinq à six millions, si je ne me trompe, pour le haras.
Je vous l'avoue franchement, ce chiffre me cause toujours une impression pénible. Si ces 5 ou 6 millions eussent été employés à améliorer les voies de communication dans les communes rurales, nous aurions d'autres résultats, non seulement au point de vue de l'accroissement de notre production agricole, mais aussi en ce qui concerne la fusion des bienfaits de la civilisation dans les communes rurales.
Avec 5 ou 6 millions mis à la disposition des communes, pour améliorer leurs chemins vicinaux, vous aurez ce premier résultat qui est immense, c'est que le nombre des chevaux employés aux travaux agricoles pourrait être réduit d'un dixième. Je pose le fait, qui, j'en suis sûr, ne sera pas démenti par les hommes au courant de l'agriculture
Il y a maintenant 220,000 chevaux environ employés dans l'agriculture. La nourriture de ces chevaux lui coûte énormément cher ; il en résulte une dépense de 4 à 5 millions par an qui grève l'agriculture. Supprimez un dixième ; vous aurez une économie d'un demi-million servant à dégrever les frais de la production agricole.
Ce n'est pas tout ; il y a aujourd'hui, en Belgique, plus de 200,000 hectares qui sont emblavés d'avoine, 400,000 hectares de prairies et de pâturages. Voilà 600,000 hectares qui ne donnent rien pour nourrir nos populations, et malgré cela nous sommes encore tributaires de l'étranger pour la nourriture de nos chevaux, car la statistique commerciale établit que l'avoine importée dépasse à peu près d'un million de fr. par an l'avoine exportée.
Si vous pouviez réduire d'un dixième le nombre de chevaux employés par l'agriculture, vous auriez plus de terrains disponibles pour cultiver les céréales ; vous diminueriez le déficit alimentaire qui pèse si rudement sur le pays.
Le grand mal de notre agriculture, au point de vue social, quel est-il ? C'est que nous ne produisons pas assez pour nourrir nos populations. A cet égard, je dois le dire, des renseignements qui méritent de fixer toute notre attention nous ont été donnés, il n'y a pas longtemps, par l'honorable ministre des finances dans la discussion sur les denrées alimentaires.
Il est venu nous prouver par des calculs irréfragables, à combien s'élève aujourd'hui le déficit normal de la production agricole pour nourrir nos populations. Mais il a ajouté que dans quelques années nous arriverons à un chiffre qu'il a à peine osé prononcer, de peur de nous effrayer. Il a indiqué le chiffre de 2 millions d'hectolitres en ajoutant qu'il restait probablement au-dessous de la réalité.
Dans de telles circonstances, esl-il sage, est-il raisonnable de surexciter artificiellement la production du cheval ? On prétend nous affranchir d'un prétendu tribut payé à l'étranger. Moi j'aime mieux rester tributaire de l'étranger pour les chevaux de luxe et l'être un peu moins pour le pain et la viande qui doivent nourrir nos populations.
Messieurs, on vous a parlé de notre commerce de chevaux. Eh bien, cette situation mérite de fixer notre attention. Les chiffres vous ont été cités par l'honorable M. Thiéfry. Je ne crois pas devoir les détailler de nouveau. Mais toujours est-il que, dans la situation actuelle, nos exportations, en ce qui concerne les chevaux, dépassent considérablement les importations.
D'honorables membres sont allés chercher là un argument en faveur du haras. Cela m'étonne réellement de la part de nos adversaires ; car enfin quels chevaux exportons-nous ? Quel est le mouvement en chiffre global ? Il y a un excédant de valeur de 4 à 5 millions que nous exportons de plus que nous n'importons.
Les chevaux qui nous donnent cette balance commerciale ce sont les chevaux du pays de race indigène. Vous ne pouvez me dire que ce sont les chevaux croisés ; car vous dites vous-mêmes que vous voulez créer cette nouvelle race pour nous affranchir du tribut que nous payons à l'étranger ; donc jusqu'à ce moment ils sont réclamés par les besoins du pays, ils ne sont guère destinés aux exportations.
Vous exportez des chevaux en Angleterre. Ces chevaux proviennent-ils du haras de Tervueren ? Vous en exportez considérablement en France. Est-ce que tous les députés qui appartiennent aux localités où les marchands français viennent en acheter, ne savent pas que ce sont des chevaux des Flandres, des chevaux du Brabant, des chevaux du pays ?
Il y a même des marchands étrangers qui déclarent qu'ils sont moins disposés à fréquenter notre marché depuis que les types de nos anciennes races sont plus ou moins modifiés par le croisement avec la race étrangère. C'est donc bien notre ancienne industrie chevaline qui nous procure ce commerce favorable avec l'étranger.
Comment serait-il possible que nos exportations de chevaux croisés acquissent une importance réelle ? Mais tous les pays qui nous environnent ont pris depuis longtemps les devant sur nous. L'Angleterre a une race formée depuis bien des années. La France est déjà très avancée, et tellement qu'elle peut en quelque sorte se passer de chevaux étrangers pour remonter sa cavalerie, même sur le pied de guerre.
Maintenant de deux choses l'une : ou bien par l'introduction de la nouvelle race de chevaux, vous n'aurez d'autre chose en vue que de vous affranchir du tribut payé à l'étranger, et alors vous supposez que vos exportations resteront les mêmes ; alors donc vous augmenterez considérablement la production chevaline du pays, et vous le ferez artificiellement, puisque c'est à l'aide du budget.
Est-ce sage en présence de la situation que j'ai signalée qui fait que, chaque année, nous sommes menacés d'une crise alimentaire ! Car par cela même que vous augmentez votre production chevaline, vous êtes pour ainsi dire condamnés à soustraire une plus grande partie de terre à la culture des produits destinés à la nourriture de l'homme ; ou bien, en produisant le cheval croisé que vous achetez à l'étranger, vous diminuerez la production des anciennes races qui sont le grand élément de vos exportations, c'est-à-dire que vous tuerez une industrie donnant des revenus certains au pays, enracinée dans les mœurs et les usages de nos populations, pour y substituer une industrie nouvelle qui ne vous donne que des espérances et dont les produits ne sont pas destinés à fournir la matière d'un commerce d'exportation considérable, ainsi que je crois vous l'avoir démontré à la dernière évidence ; or est-il sage de bouleverser ainsi la situation économique du pays ?
Messieurs, je vous ai dit le chiffre des dépenses que le haras a déjà occasionnées. Mais il faut bien le reconnaître, nous ne sommes pas au bout des sacrifices, si nous voulons arriver à créer cette race de chevaux tant ambitionnée par quelques-uns. Il nous restera à nous imposer des charges énormes, et ici je n'ai qu'à laisser parler un des hommes les plus au courant des besoins de notre haras. Voici ce que disait au Sénat, dans la séance du 31 décembre 1852, l'honorable comte de Marnix, homme certainement compétent ; voici comment il nous révélait les grandes dépenses que nous aurons encore à supporter, si nous voulons continuer à marcher dans cette voie.
Messieurs, disait-il, il faut qu'on tranche une bonne fois cette question. Veut-on un dépôt d'étalons, n'en veut-on pas ? Dans la première hypothèse il faut d'abord continuer à marcher pendant quinze ans encore et sans faire le moindre faux pas dans la voie dans laquelle on est entré en 1837.
D'abord je crois qu'il sera bien difficile à l'administration de marcher sans faire de faux pas, parce que quiconque marche est exposé à en faire, et l'administration ne paraît pas plus exempte que d'autres d'un pareil accident.
« En second lieu voter pendant plusieurs années les allocations demandées au budget de 1853 afin de pouvoir renouveler une partie de nos étalons et d'en augmenter le nombre, s'il est possible de les trouver. »
Je dois dire qu'ici l'honorable comte de Marnix a été très modéré et que dans d'autres circonstances, on avait révélé des besoins beaucoup plus grands. Hier encore l'honorable M. Thiéfry vous a dit que le nombre des étalons qui se trouvent aujourd'hui au dépôt était insuffisant, et je dois dire qu'il y a d'autres hommes, aussi compétents que l'honorable M. Thiéfry, qui ont été beaucoup plus loin. Car on nous dit que nous devons imiter la France. Nous devrions donc, proportion gardée, avoir à peu près le même nombre d'étalons que la France, et alors savez-vous combien il nous faudrait d'étalons ? Il en faudrait 170.
Vous voyez donc que si vous voulez continuer à marcher dans la même voie, on viendra probablement dans quelques années vous dire : Ce nombre est insuffisant pour atteindre le but que nous nous proposons. Nous ne pouvons arriver à ce but qu'en imitant la France, proportion gardée à l'étendue de notre territoire et au lieu de 70 étalons, il nous en faut 170.
(page 558) « En troisième lieu, multiplier les courses avec conditions d'âge, de distance et de poids qui les rendent efficaces. »
Ainsi vous le voyez, vous avez aboli les courses. Mais vous avez fait une chose détestable, si vous voulez maintenir le haras. Car votre cheval de luxe ne se développera que par ce puissant moyen. Tous les hommes compétents le disent. Rétablissez donc les courses, si vous voulez maintenir le haras.
Du reste cette opinion, quant aux courses, a été exprimée, non seulement par l'honorable comte de Marnix ; elle l'a été aussi par d'autres personnes et notamment par l'honorable M. Duroy de Blicquy, par l'honorable vicomte Desmanel de Biesme.
« En quatrième lieu, encourager par de fortes primes l'importation de poulinières ayant un certain degré de sang. »
Voilà ce que nous n'avons pas encore fait jusqu'ici et certainement nous savons que quand nous allons chercher des chevaux à l'étranger et que nous les importons dans le pays pour compte du gouvernement, cela ne se fait pas sans dépense. Je dirai même qu'ici encore l'honorable comte de Marnix s'est montré très modéré. Car ceux qui se sont occupés des besoins du haras ont dit qu'il ne suffisait pas d'accorder des primes, qu'il fallait une jumenterie dans le pays, encore une fois pour imiter la France, puisque nous voulons faire comme elle, c'est-à-dire arriver au même résultat.
« Ensuite, engager les provinces à faire quelques sacrifices pour acheter des étalons qui rentreraient dans une catégorie semblable à celle des étalons départementaux en France. »
Encore une dépense que nous n'avons pas faite jusqu'ici et qui est réclamée par les besoins du haras, si l'on veut que cet établissement produise les résultats qu'on en attend.
Cela est dit encore par des hommes compétents dans la matière, par des hommes qui prennent une part très active à la direction de l'établissement et qui sont destinés peut-être à y prendre une part plus active encore ; ainsi nous sommes avertis.
« 6° Engager le ministre de la guerre à entrer dans une voie large et régulière de remonte pour les troupes à cheval. »
Nous savons ce que cela signifie ; c'est que nous devons avoir des dépôts de remonte. Si nous voulons que le cheval croisé produit dans le pays soit employé dans l'armée, il vous faut nécessairement un ou deux dépôts de remonte. Personne sur ce point n'est plus compétent que l'honorable M. Thiéfry, et il a particulièrement insisté sur cette considération.
Quant aux dépôts de remonte qui ne coûteraient rien, vous sentez que c'est une chimère, car enfin on achèterait les chevaux à deux ans, et ils ne seraient employés dans l'armée qu'à quatre ou cinq ans ; et devant être nourris eu attendant aux frais de l'Etat, on peut dire sans exagération qu'en moyenne ils auraient coûté pour frais de nourriture et d'entretien 700 à 800 francs ; car ces jeunes chevaux, si on veut qu'ils se développent, ont évidemment besoin d'une nourriture substantielle. Il faut y ajouter le prix d'achat qui est assez élevé, car c'est au nom de l'agriculture qu'on défend le haras. Il faut donc que ces poulains soient achetés cher ; sans cela votre argument ne signifie plus rien ; l'agriculture n'a rien à y voir.
Ce n'est pas tout.
« 7° Former une école pratique de dressage des chevaux au montoir et à la guide, où, moyennant un prix déterminé, les éleveurs pourraient placer leurs chevaux, on se chargerait de les dresser et de les vendre, ce qui serait un grand avantage pour eux. »
L'avantage, messieurs, je ne le nierai pas, mais je suis moins rassuré quant à la dépense que le cultivateur devra s'imposer pour mettre ainsi les jeunes chevaux en pension.
Eh bien, messieurs, ces mesures sont loin d'être exagérées ; je crois même qu'elles sont incomplètes : l'honorable comte de Marnix a dit qu'il faudra continuer pendant 15 ou 20 ans ; je crois qu'il se trompe : dans d'autres pays il a fallu travailler plus longtemps et je ne crois pas que nous marcherons plus vite que les autres, alors surtout que nos races indigènes ont moins d'affinités avec le cheval anglais employé au croisement pour créer la nouvelle race.
D'ailleurs, messieurs, il ne suffit pas de créer dans le pays cette nouvelle race, il faudra encore la conserver, sans cela tous les sacrifices que nous aurons faits seront perdus ; force nous sera donc de conserver éternellement le haras, car on vous l'a dit hier, l'Angleterre a eu la mauvaise idée de supprimer le haras et déjà la dégénérescence du cheval anglais se fait sentir. Nous devrons donc, je le répète, conserver éternellement le haras avec tous les accessoires que j'ai eu l'honneur d'indiquer, sans quoi nous perdrions ce que nous obtiendrons peut-être au prix de pénibles efforts et d'énormes dépenses. Voilà donc une série de mesures extrêmement dispendieuses, et qui doivent grever énormément nos finances, si nous avons la malheureuse idée de persévérer dans la voie ruineuse où nous sommes entrés.
Comme je l'ai dit, le haras seul ne suffit pas ; si vous voulez atteindre le but que vous avez en vue, le haras doit être aidé par des établissements nombreux ; une ou deux écoles de remonte, une école de dressage, une jumenterie, des courses ; ce n'est que cet ensemble de mesures qui peut faire obtenir le résultat, et si la Chambre ne veut pas s'engager dans cette voie ruineuse, mais alors qu'elle supprime le haras, c'est le parti le plus sage, le plus raisonnable, d'après l'avis des hommes les plus compétents dans la matière. Il vaut mieux, disent-ils, ne pas avoir de haras que d'en être réduit à un établissement incomplet, dépourvu de toutes les mesures auxiliaires que je viens d'indiquer. Choisissons donc.
Messieurs, on ne peut pas se le dissimuler, l'intervention du gouvernement dans les affaires d'industrie, de commerce, d'agriculture, commence à rencontrer dans cette Chambre une vive opposition. On trouve que ce système est mauvais, qu'il énerve les caractères, qu'il paralyse l'énergie des efforts individuels, qu'il détruit les seules forces réelles d'un pays, c'est-à-dire les forces vives de la liberté.
Cette opposition ne fera que grandir, j'en ai la conviction, car elle s'appuie sur tous les bancs de cette Chambre. Eh bien, messieurs, parcourez la liste de nos industries, vous en trouverez un grand nombre auxquelles le gouvernement accorde cette intervention, mais vous n'en trouverez aucune pour laquelle cette intervention soil aussi exagérée que pour la nouvelle industrie chevaline ; il ne s'agit pas ici, comme l'a dit l'honorable M. Mascart, d'encourager les bons producteurs, mais vous prenez à votre charge la moitié peut-être des frais de production à la décharge de tous les producteurs, bons ou mauvais.
Eh bien, quels sont les titres de cette industrie à ce régime privilégié ? Est-ce une source précieuse pour ce qu'on appelle le travail national ? Occupe-t-elle beaucoup de bras ? donne-t-elle le pain à de nombreux ouvriers ? On a parlé ici de ce que nous faisons pour nos districts liniers des Flandres ; j'en ai été étonné. Pourquoi sommes-nous venus au secours des Flandres ? Parce qu'il y a là de nombreuses populations dépouillées de leurs éléments de travail par les progrès de l'industrie : les progrès de l'industrie, après tout, sont une conquête pour le pays ; il était donc de la justice, de la loyauté, de la dignité du pays de prêter une main secourablc aux malheureuses victimes de ces progrès. Est-ce là le caractère de la nouvelle industrie chevaline ? Où sont les ouvriers qu'elle doit nourrir et qui demandent du pain ? Où sont les souffrances qu'elle doit soulager ? Je ne vois que des fantaisies à contenter. Encore une fois quels sont les titres de cettle industrie au privilège énorme dont elle jouit ?
Répond-elle, par hasard, à l'un des besoins les plus pressants et les plus urgents du pays ? Peut-elle nous mettre à l'abri des crises alimentaires ? On a cité ce que nous faisons pour le défrichement de la Campine et du Luxembourg ; mais pourquoi sommes-nous venus en aide au défrichement de nos terres incultes ? Mais, parce que ces terres sont destinées à amoindrir le déficit de denrées alimentaires qui devient de jour en jour plus grand. Est-ce que la nouvelle industrie chevaline peut nous procurer le même bienfait ? Ah ! non. Je vous ai démontré au contraire qu'en la faisant grandir avec les deniers du contribuable, vous ne ferez que rendre plus béant ce gouffre du déficit alimentaire qui mérite avant tout d'émouvoir nos cœurs et d'occuper nos intelligences. On a invoqué les dépenses que nous faisons pour nos conservatoires de musique et pour nos beaux-arts. Ici je ne réponds pas. Si on veut renvoyer le haras au chapitre des beaux-arts, nous discuterons plus tard.
En définitive, messieurs, cette industrie n'est autre chose qu'une industrie de luxe, et si elle ne travaille pas exclusivement pour le luxe, elle tombe ; si les prix doivent descendre au niveau des prix des chevaux ordinaires, cette industrie n'est plus rien, elle n'a plus de raison d'être. Maintenant consultez tous les économistes, et ils vous diront que les industries de luxe sont celles qu'il faut le moins encourager parce qu'elles sont sujettes à une foule de chances défavorables, parce qu'elles enrichissent le moins les particuliers et par conséquent le pays, puisque la richesse d'un pays ne se compose que de la richesse de tous ses habitants. J'ai dit.
(page 547) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, cette discussion a déjà été très longue. Il est probable qu'elle fatigue la Chambre. Cependant si on veut bien considérer qu'il est temps de mettre un terme à toutes les incertitudes qui ont pesé sur l'institution du haras, la Chambre voudra bien admettre encore quelques explications qui me paraissent nécessaires pour protéger cette institution contre ses détracteurs.
Messieurs, il sortira au moins de cette discussion un résultat qui sera, je l'espère, définitif. Si vous ne vous prononcez pas pour la conservation du haras, il n'en sera plus question. Mais si vous partagez l'opinion du gouvernement sur l'utilité de le maintenir, alors nous avons droit d'attendre qu'on mettra un terme à ces attaques incessantes, et à ces conflits perpétuels d'opinion au milieu desquels une institution, quelle qu'elle soit, ne peut produire de bons résultats.
Le haras a été l'objet de critiques de toute nature ; il a trouvé des défenseurs non moins ardents à le soutenir dans l'intérêt de notre agriculture. Après ce que vous venez d'entendre, il est permis de dire que si le haras était coupable de la moitié des méfaits qui lui sont reprochés dans le long acte d'accusation dressé contre lui par l'honorable M. de Naeyer, il faudrait se hâter de le supprimer, il n'y aurait pas assez de voix dans le pays pour condamner les législatures qui l'ont soutenu jusqu'à présent, et surtout les dernières législatures qui ont augmente les crédits demandés pour l'amélioration du haras.
Que reproche-t-on d'une manière générale au haras ? D'abord il ne sert qu'à produire quelques chevaux de luxe ; il est impuissant pour servir à la remonte de l'année ; enfin, il ne peut produire qu'un cheval croisé dont nous n'avons nul besoin...
Je demande d'abord s'il est vrai que le haras est institué pour ne produire que des chevaux de luxe. Je répondrai à cette question, non pas par l'opinion de quelques-uns, mais par l'opinion générale du pays, spécialement consultée sur la question. Déjà, on l'a dit, tous les hommes spéciaux se sont prononcés en faveur du haras, et quoi qu'en ait dit l'honorable M.de Naeyer, nous respectons les opinions individuelles, émises dans cette Chambre ; mais il est permis aussi d'invoquer le témoignage de tous les hommes spéciaux qui ont été consultés en dehors de la Chambre.
(page 548) Or, je réponds à la question de l'honorable M. de Naeyer avec tous ceux qui lient intimement l'existence du haras à l'amélioration des intérêts agricoles, que le haras a produit et doit produire des résultats utiles au point de vue général de l'élève des chevaux et même de l'élève des chevaux indigènes, ce qui ressort de l'enquête qui a été instituée par le gouvernement à la demande même des Chambres.
Quant à la remonte de la cavalerie, on en a fait bon marché, on a dit que c'était insignifiant. Eh bien, c'est si peu insignifiant que dans toutes les provinces du pays, et particulièrement dans celles qui sont les plus propres à produire les chevaux destinés à la cavalerie et à l'artillerie, on a fait des démarches incessantes pour obtenir, messieurs, pas seulement la conservation, mais encore le développement des moyens d'encouragement que nous avons déjà, parce que ces provinces peuvent retirer des avantages considérables de l'élève des chevaux croisés, et ces avantages, elles ne peuvent les obtenir qu'en augmentant le nombre des reproducteurs.
Mais, dit-on, dans l'intérêt de qui les comices agricoles, les commissions d'agriculture et toutes les autres autorités consultées, demandent-ils la continuation et surtout l'amélioration du système vanté par le gouvernement ? N'est-ce pas dans l'intérêt ces agriculteurs, dans l'intérêt de tous ceux qui s'occupent de l’élève des chevaux et non pas seulement de quelques-uns qui passent leur temps à vouloir produire des chevaux de luxe ? Vos résultats, sous ce rapport général, sont, dit-on, insignifiants ; les saillies sont peu nombreuses ; les produits le sont encore moins. Eh bien, voyons en peu de mots si tout cela est exact.
Avant 1850, époque à laquelle le haras était tombé dans une sorte de décrépitude, parce qu'on ne l'alimentait pas suffisamment d'étalons reproducteurs, on comptait en moyenne 1,800 saillies ; depuis 1850, par suite de l'augmentation des sujets, ce chiffre s'est élevé à 2,400, 2,500 et 2,600.
Avant 1850, le nombre des chevaux obtenus par le haras était de 700 à 800 ; depuis, nous sommes arrivés au chiffre de 1,000. Vous voyez donc que des reproducteurs plus nombreux exercent une influence décisive sur la quantité des chevaux produits annuellement. Je ne dis rien des résultats de la remonte en 1852 et en 1853 ; nous ne connaissons pas encore ces résultats officiellement.
Messieurs, ces chiffres prouvent donc une chose incontestable, c'est que nous sommes en progrès sous le rapport du nombre des chevaux que nous produisons.
Mais, disent les honorables MM. de Naeyer et Julliot, les résultats que vous indiquez sont insignifiants : surtout si l'on songe à l'énorme dépense que le haras occasionne.
Je réponds à cette objection que le haras ne doit pas être jugé seulement d'après le nombre des chevaux obtenu par la reproduction annuelle, mais surtout d'après les résultats éloignés que cette production annuelle est destinée à réaliser, en ce qui concerne les chevaux indigènes eux-mêmes pris en général.
Tout ce qui est élément de reproduction doit exercer à la longue une influence décisive, non pas seulement, comme dit M. de Naeyer, pour produire le cheval croisé, mais sur tous les chevaux de pays en général. Messieurs, de l'avis de ceux qui s'occupent de science hippique, il n'est pas douteux que l'amélioration du cheval croisé passe dans le sang de la race indigène.
Cela signifie que le haras ne sert pas seulement à reproduire le cheval croisé, mais qu'il contribuera inévitablement, après quelques générations, à amener dans toutes les races indigènes une amélioration réelle. Ce sont là des résultats que les connaisseurs prédisent avec certitude.
On a dit à propos du cheval croisé, qu'il était l'occasion de grands sacrifices par l'Etat et de profits peu considérables pour l'éleveur de chevaux, on a dit aussi que ce cheval était peu propre aux travaux de l'agriculture.
C'est une erreur, et cette erreur est démontrée par tous ceux qui, dans l'intérêt de l'agriculture, s'occupent de l'élève du cheval croisé.
Veut-on des preuves matérielles à l'appui de cette proposition que la production du cheval croisé influe sur l'amélioration du cheval indigène ? Les preuves matérielles, on les trouve dans le commerce intérieur aussi bien que dans le commerce extérieur.
Le commerce intérieur a besoin surtout de s'alimenter de chevaux de trait légers et de chevaux de selle. Savcz-vous combien de chevaux dits de luxe nous employons en Belgique ? Ce nombre dépasse vingt mille. On ne peut pas en douter, ces chevaux sont soumis à l'impôt. Nous disposons donc de 20,000 chevaux de selle ou de trait léger. Où va-t-on chercher ces chevaux ? Depuis quelques années on les prend en Belgique, parce que nous sommes parvenus à améliorer le cheval croisé de manière à produire une grande partie de ceux que nous employons dans ele pays.
Cette race nouvelle est due au croisement. L'importation des chevaux de luxe a été en diminuant, et aujourd'hui le chiffre en est extrêmement faible. Ce commerce s'alimente donc dans le pays ; les achats à l'étranger deviennent l'exception. N'est-ce rien, messieurs, que de conserver dans le pays les capitaux considérables qui tous les ans étaient exportés en Angleterre, en Allemagne et ailleurs pour se procurer des chevaux destinés au carrosse et à la selle ?
L'exportation est une autre branche de commerce à laquelle concourent également pour une très grande partie les améliorations que nous avons obtenues dans l'élève du cheval. Ces exportations ont pris surtout de l'extension à l'époque où le haras a pris une existence certaine.
La moyenne des exportations de 1835 à 1840 a été de 10,200, de 1840 à 1845 de 11,700 et de 1843 à 1850, de 13,400.
Ces résultats signifient évidemment qu'il s'est produit un fait nouveau depuis qu'on encourage l'élève du cheval.
Il suit de là que le haras n'est pas une institution qui ne produit que des résultats insignifiants. Ces résultats seront d'autant plus complets si on a la patience de persévérer. Au surplus, le système d'encouragement établi en Belgique repose sur un double élément : d'abord l'élève du cheval croisé au moyen d'étalons étrangers et l'amélioration de la race indigène par elle-même.
On objecte que le haras coûte 210,000 fr. pour produire la race croisée, tandis que l'on ne donne pour l’encouragement de la race indigène qu'une somme de 21,000 fr.
M. de Naeyer, rapporteur. - Vous ne les donnez même pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est donc encore moins ; la raison de cette disproportion est dans la nature même des éléments qui servent à la reproduction. Pour le cheval croisé les reproductions ne s'obtiennent qu'à grands frais ; en moyenne, ils coûtent 10,000 à 12,000 fr. Quand il s'agit d'améliorer le cheval indigène, nous avons les éléments qui composent la matière première. Pour ces encouragements les primes suffisent à l'effet d'obtenir des reproducteurs de choix.
Ensuite cette somme de 20,000 fr. n'est pas la seule dont on dispose pour améliorer les races indigènes ; les provinces allouent une somme égale.
Il a été reconnu que ces encouragements donnés par l’Etat et par la province répondaient en grande partie aux besoins, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas augmenter le système d'encouragement pour les chevaux indigènes et améliorer s'il en est besoin, le régime du haras. Je dirai comment on peut introduire des améliorations qui répondront aux observations critiques qui ont été dirigées contre l'institution elle-même.
Mais, ajoute l'honorable M. de Naeyer, si l'industrie de l'élève du cheval croisé est importante et produit des résultats si profitables aux éleveurs, pourquoi ne pas l'abandonner à l'industrie privée ? Sur ce terrain, MM. Julliot et de Naeyer se rencontrent ; ils ne veulent pas de l'intervention de l'Etat dans l'industrie de l'élève du cheval.
Le principe que le gouvernement ne doit pas intervenir dans l'industrie est un principe vrai, en général ; ce qui ne l'est pas, c'est le principe absolu et les conséquences qu'on en tire quant à l'institution du haras.
Le principe que l'Etat ne doit pas intervenir est vrai, toutes les fois qu'il s'agit d'industries que les efforts privés peuvent atteindre. Mais le principe est faux toutes les fois qu'il s'agit d'une des sources de la prospérité publique et du travail qui ne peuvent être atteintes par les particuliers. Il y a dans les éléments qui constituent la richesse publique, des choses qui doivent être laissées à l'initiative, aux efforts individuels, tout le monde le reconnaît ; et en est-il d'autres où l'Etat doit nécessairement intervenir ? Personne ne pourrait le méconnaître.
Ce qui prouve que, quantaux haras particulièrement, il est indispensable que l'Etat intervienne si l'on veut obtenir quelque résultat, c'est l'exemple de tous les pays qui nous environnent.
- Un membre. - Malheureusement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne le pense pas. Tous ces pays ont compris que les haras ne pourraient subsister, s'ils étaient abandonnés à l'industrie privée.
Comme exemple du contraire, on a cité l'Angleterre. Mais on oublie ce que l'honorable M. Thiéfry a dit avant-hier : c'est que l'Angleterre a passé par toutes les épreuves de l'intervention publique, avant d'avoir formé une race qui pût se soutenir par elle-même, avant d'avoir obtenu que de grands propriétaires prissent la place du gouvernement, en encourageant eux-mêmes l'élève du cheval, au prix des plus grands sacrifices.
Au surplus, le régime admis pour le haras n'est pas une chose immuable. Il n'est pas indispensable que toujours les mêmes règles d'administration soient suivies. La protection elle-même peut venir un jour à cesser. Et quand ? Ce sera quand, à l'exemple d'autres pays comme l'Angleterre, nous aurons amélioré la race indigène à ce point qu'elle n'ait plus besoin d'employer des reproducteurs étrangers, en un mot quand nous pourrons nous suffire à nous-mêmes.
Je viens de dire que la production du cheval croisé a une immense importance, et qu'elle ne peut se passer du secours de l'Etat pour prospérer. En effet, peut-il être admis que des particuliers iront s'exposer à toutes les dépenses que nécessite l’achat d'un producteur étranger, et à tous les frais qui résultent de son entretien ; pour recueillir quoi ? La faible indemnité qui résulte de la monte, ou bien les primes auxquelles fait appel l'honorable M. David, et dont tout à l’heure je dirai un mot.
Les reproducteurs étrangers sont d'un prix trop élevé (cela est évident pour tous ceux qui se sont occupés de ces matières) pour que les particuliers puissent se les procurer. Il y a trop de chances de dangers et de dépenses pour qu'on entre dans cette voie. Car on est exposé à perdre son capital et à faire une perte d'intérêts et de frais d'entretien.
On a objecté encore contre l'institution du haras que le gouvernement, en y intervenant, empêche la concurrence privée, et l'on a dit : Pourquoi ne pas laisser à chacun sa liberté, sans pression aucune de l'Etat ?
(page 549) On ajoute que l'étalon indigène diminue en raison de l'intervention de l'Etat par les étalons étrangers. C'est précisément le contraire qui arrive. Les documents statistiques prouvent qu'à mesure que le haras intervient pour acheter de bons sujets, les étalons indigènes eux-mêmes augmentent en nombre. Ainsi, par exemple, les étalons indigènes atteignent aujourd'hui le chiffre de 800, et le dépassent même. Depuis quand surtout ? Depuis qu'on a mis le gouvernement en mesure d'augmenter les proportions du haras jusqu'à concurrence de 65 sujets. Ce qui n'empêche pas les honorables membres auxquels je réponds de soutenir que l'Etat ne doit pas intervenir dans l'élablissement des haras.
Je demande pourquoi l'Etat n'interviendrait pas dans un genre d'industrie qui affecte essentiellement la richesse publique, alors qu'il y a tant d'autres branches de l'administration où l'on ne peut obtenir de résultat avantageux sans cette intervention ? Ainsi pourquoi faisons-nous des routes, des chemins vicinaux, des canaux ? Pourquoi encourageons-nous l'industrie, les arts, les sciences, les lettres ? Pourquoi ? Parce qu'on a compris depuis bien longtemps que toutes les branches essentielles de la prospérité du pays ne peuvent se passer du secours d'une protection plus efficace que celle qu'on peut attendre de l'intérêt privé. Quand vous voyez que, dans beaucoup d'occasions l'Etat doit stimuler l'intérêt privé, vous voudriez que l'agriculture seule fût privée du concours de l'Etat ! Il n'est pas inutile de se rappeler à ce sujet que c'est l'agriculture qui fait la principale industrie du pays, et qu'elle est la source de toutes les branches de revenu public. C'est une raison de plus pour ne pas lui enlever les avantages qui résultent pour elle d'un haras sagement administré.
Il y a, dans tout ce qui a été dit au sujet du haras, beaucoup d'erreurs et je puis ajouter beaucoup d'exagération, et si l'on pèse bien les avantages réels, comparés aux prétendus inconvénients, je ne pense pas que l'on puisse contester que l'intervention de l'Etat dans l'élève du cheval soit utile au pays, ni que cette industrie puisse prospérer sans un encouragement public.
Les adversaires du haras, d'accord pour détruire, cessent de l'être quand il s'agit de réédifier : les uns proposent une mesure radicale ; c'est la suppression du crédit destiné à l'achat d'étalons. Ce sont les honorables MM. de Naeyer et Julliot ; leur système consiste à encourager exclusivement l'amélioration de la race indigène, et ils l'encouragent par voie de primes. L'autre, l'honorable M. David, veut un système d'encouragement mixte : un peu de haras, beaucoup de chevaux indigènes. C'est un système que je puis appeler bâtard, et tout à l'heure je prouverai qu'il ne peut produire de résultais, surtout ceux qu'en attend l'honorable auteur de la proposition.
L'honorable M. de Naeyer prétend que le sentiment du pays est contraire à l'institution du haras, parce qu'il ne produit qu'une chose dont le pays peut très bien se passer, les chevaux croisés. C'est une erreur complète. L'opinion du pays n'y est pas contraire. Vous en avez la preuve par les détails dans lesquels l'honorable M. Thiéfry est entré avant-hier. L'opinion du pays est que le haras et l'élève du cheval croisé sont des choses qu'il ne faut pas négliger et qu'il faut au contraire encourager davantage.
C'est dans les propositions suivantes que peut se résumer, selon moi, tout ce que l'enquête nous apprend jusqu'à présent :
« L'élève du cheval croisé est nécessaire ; l'élève du cheval est en progrès, surtout dans quelques provinces, comme le Luxembourg, comme la province de Namur où il donne des résultats satisfaisants à la remonte de la cavalerie et de l'artillerie. »
Messieurs, que faut-il pour entretenir l'élève du cheval croisé ? II faut des étalons étrangers et il faut continuer le système d'augmentation qui a été mis en pratique depuis deux ans.
L'opinion de tous les hommes compétents est aussi qu'il faut encourager d'une manière efficace l'élève des chevaux indigènes en les améliorant en eux-mêmes.
Sur ce point, qui est très important, je vous demande la permission de vous citer l'opinion de quelques corps qui ont été consultés spécialement dans les provinces auxquelles appartiennent les honorables membres, au nombre de 17, qui ont fait la proposition. Ils ne seront peut-être pas fâchés d'apprendre ce que pensent leurs commettants sur cette question.
Ainsi, par exemple, quand l'honorable M. de Naeyer dit à la Chambre que l'élève du cheval croisé ne signifie rien, qu'elle ne produit que des résultats stériles, que nous pouvons nous en passer, il apprendra avec intérêt ee que pensent les comices agricoles de la province à laquelle iis appartiennent. C'est très court et très concluant.
Voici ce que dit le comice agricole du district de Grammont auquel appartiennent les honorables MM. de Naeyer, de Portemont et de Ruddere.
M. de Naeyer, rapporteur. - Il est dissous.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il existait quand il a dit cela. Messieurs, c'est l'opinion d'hommes compétents. C'est de l'histoire, et elle n'est pas bien ancienne, elle remonte à 1851.
« Il faut, dit le comice agricole de Grammont, que le gouvernement tâche par tous les moyens qu'il a à sa disposition, de développer de plus en plus l'élève du cheval croisé, afin que dans un avenir plus ou moins éloigné la Belgique s'affranchisse d'être tributaire de l’étranger. Ce que le gouvernement a fait jusqu'ici est irréprochable ; il a marché lentement, il est vrai, mais ainsi il est parvenu à implanter dans nos mœurs le goût du cheval, etc. »
C'est dans ces termes ou en des termes analogues que s'expriment les comices de tous les districts auxquels appartiennent les honorables auteurs de la proposition. Les signataires de la proposition sont au nombre de 17, je n'en excepte aucun, tous sont condamnés par leurs comices.
L'opinion du pays n'est donc pas contraire à ce que la législature a fait jusqu'à présent et à ce que le gouvernement propose de maintenir. Faut-il, dans cette situation, le détruire, comme le veulent les honorables auteurs de la proposition, ou bien ne vaut-il pas mieux le conserver et introduire successivement dans le haras les améliorations que j'indiquerai et que l'expérience conseille ?
Quant à l'honorable M. David, son système me paraît le moins acceptable de tous, parce qu'il crée un régime bâtard, qui n'aura d'autre résultat que de coûter à peu près autant que le régime actuel, sans produire aucun avantage réel.
L'honorable M. David croit à la nécessité, du cheval croisé. Il veut donc des étalons de pur sang ; mais il n'en veut que neuf. Or, je vous le demande, je le demande à lui-même, que peut-il espérer avec neuf reproducteurs de pur sang, alors que depuis plusieurs années, depuis 1835, nous essayons avec un bien plus grand nombre d'étalons, de produire le même cheval croisé que veut désormais obtenir l'honorable M. David avec neuf étalons seulement.
M. David. - Vous en avez 17.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Nous en avons 65.
M. David. - 17 pur sang.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Mais il y en a un grand nombre de demi-sang. Ce sont ces étalons qui nous produisent le cheval croisé ; et c'est à des résultats supérieurs, dit-il, à ceux qui ont été obtenus par le gouvernement, que veut aboutir l'honorable M. David avec neuf étalons seulement. Cela n'est pas sérieux.
Selon moi, l'honorable membre se fait une illusion complète.
En second lieu, son système de primes qui s'adresse aussi bien aux chevaux indigènes qu'aux chevaux étrangers, me paraît une impossibilité. Je demande, messieurs, qui ira s'aventurer à acheter des étalons de 10,000 à 12,000 fr., qui voudra courir le risque de les conserver pour obtenir, quoi ? L'espérance d'avoir une prime et l'espérance d'obtenir des indemnités pour les saillies.
Tout cela, messieurs, la prime comme les indemnités, peut échapper au bout d'un an au possesseur de l'étalon qui aura coûté 10,000 à 12,000 fr. ; et c'est pour obtenir de pareils résultats que vous trouverez des éleveurs assez imprudents pour s'aventurer dans un régime comme celui où l'honorable M. David veut vous entraîner. Je crois encore que sur ce point l'honorable M. David se fait une illusion complète.
Quant aux chevaux indigènes, l'honorable membre propose de les encourager par des primes accordées à 63 étalons.
Mais, messieurs, 65 étalons pour améliorer la race indigène ? Savez-vous combien il y a aujourd'hui d'étalons employés en Belgique à l'amélioration de la race du pays ? Il y en a 800 et vous voyez à quels résultats nous arrivons ; nous améliorons ; mais évidemment cette amélioration laisse encore à désirer ; et vous pensez qu'avec un système de primes, qui s'adresserait simplement à 63 étalons indigènes, vous obtiendriez mieux que les résultats obtenus par le gouvernement ? Sur ce point encore, l'honorable M. David est dans une erreur complète. Ce système n'est évidemment pas assez réfléchi.
Il n'y a donc rien à en espérer, et il faut en revenir aux faits constatés par l'enquête. Car je le demande, au milieu de ces divergences d'opinion entre eux qui veulent détruire d'une manière absolue, et ceux qui n'ont que des systèmes incomplets à opposer à celui qui est actuellement suivi, y a-t-il le moins du monde à hésiter pour vous décider à la suppression d'un établissement qui commence à prospérer et qui donne des résultats, sinon complets, du moins assez satisfaisants ? Il faut autre chose que les exagérations auxquels on s'est livré. Il faut autre chose que ces appréciations erronées dans lesquelles se sont complu si longtemps les honorables membres auxquels je réponds en ce moment.
Messieurs, s'il est vrai que l'élève du cheval croisé mérite toute notre attention, parce qu'elle est pour la Belgique la source d'un commerce intérieur et extérieur très important et parce qu'en définitive le cheval croisé exercera une influence heureuse sur le cheval indigène, si cela est vrai, il faut encourager la reproduction du cheval croisé par tous les moyens que nous avons à notre disposition et en les augmentant si c'est possible. Mais il faut aussi porter son attention la plus sérieuse sur nos races indigènes, et ici je vais répondre à quelques observations faites par d'honorables membres qui, sans être hostiles à l'institution du haras, désirent cependant qu'elle soit modifiée en quelques points.
La race des chevaux indigènes, messieurs, doit d'abord se recruter en elle-même pour se perfectionner, mais cela ne suffit pas, il faut encore se procurer de belles juments, il faut aussi envoyer dans les provinces et surtout dans les Flandres des reproducteurs possédant toutes les qualités désirables.
On peut aider efficacement, selon moi, à l'amélioration des races indigènes en choisissant des reproducteurs qui se trouvent dans des conditions analogues à celles des races flamandes que l'on veut perfectionner. S'il est reconnu, comme on semble le croire dans ces provinces, que les étalons anglais sont impropres à amener l'amélioration des races flamandes, eh bien, je ne vois aucun obstacle à ce qu'insensiblement (page 550) on envoie dans ces provinces des étalons choisis dans une situation conforme à celle on se trouvent les chevaux indigènes eux-mêmes.
Voilà, messieurs, une grande amélioration à laquelle le gouvernement peut recourir sans qu'on détruise pour cela le haras lui-même. Ainsi, par exemple, la Chambre a voté, il y a deux ans, une somme de 40,000 francs pour augmenter le haras ; d'ici à peu de temps le haras sera suffisamment pourvu de bons étalons, et le gouvernement pourra cesser de faire emploi de ce crédit extraordinaire ; alors une partie des 40,000 fr. pourra être utilisée d'une autre manière dans l'intérêt des races indigènes ; on pourra réaliser alors quelques unes des idées émises par l'honorable M. T'Kint de Naeyer ; on pourra choisir des reproducteurs appartenant au pays, et on donnera ainsi satisfaction aux contrées des Flandres dont il a été parlé dans cette enceinte.
On a signalé une qualité de reproducteurs pour l'amélioration d'une partie des chevaux des provinces flamandes, on a dit : Employez les Percherons, les Boulonnais. Selon moi, il ne faut se borner ni à une ni à deux de ces races, il faut faire choix entre toutes celles qui paraissent pouvoir s'approprier le mieux aux races indigènes.
Si l'on reconnaît, comme on l'a déjà constaté, que les percherons ne peuvent pas être utilement employés, il faudra y renoncer ; mais on pourra recourir à d'autres espèces, qu'on jugera les plus propres à améliorer les races de nos provinces.
On a voulu effrayer la Chambre par la perspective de nouvelles dépenses dont le haras serait l'occasion. On a parlé du déplacement prochain du haras. A cet égard je crois pouvoir rassurer complètement la Chambre.
Le nouveau local sera obtenu par voie de location ; le gouvernement n'a pris, à cet égard, aucune résolution ; son choix n'est arrêté sur aucune localité ; mais ce qui est certain, c'est que le crédit qui figure au budget ne devra pas être augmenté ; il pourra être pourvu aux frais de location au moyen de quelques économies.
On a dit encore que le haras a déjà coûté 5 ou 6 millions ; c'est l'honorable M. de Naeyer qui a indiqué ce chiffre. C'est encore là une de ces indications à ajoutera beaucoup d'autres qui sont ou erronées ou exagérées. Veuillez-vous rappeler, messieurs, que l'institution du haras qui remonte bien au-delà de 1830, ne s'est un peu régularisée que depuis 1835 ; et, depuis cette époque, voici, messieurs, ce qu'elle a coûté : une somme de 2,800,000 francs environ. Vous voyez comment on exagère en faveur d'une cause que l'on croit bonne, mais qu'on veut défendre par tous les moyens. On entasse arguments sur arguments pour effrayer la Chambre sur les conséquences de son vote.
Je crois que ces explications démontreront à la Chambre qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour détruire le haras. Le haras est en progrès, et si l'on a pu signaler dans son régime quelques vices, ces vices peuvent être réformés et les choses, mises dans une situation conforme aux voeux de ceux qui désirent l'amélioration de la race indigène et la reproduction du cheval croisé.
(erratum, page 569) - M. Vilain XIII remplace M. Delfosse au fauteuil.
M. Julliot (pour une motion d’ordre). - Messsieurs, il y a encore des orateurs inscrits ; je suis du nombre et je renoncerai volontiers à la parole si d'autres veulent en faire autant ; cependant je crois qu'on devrait encore entendre un orateur pour ; de cette manière il y aurait eu quatre orateurs pour et quatre orateurs contre. Je proposerai de laisser parler le premier orateur inscrit pour et de prononcer ensuite la clôture.
M. Coomans. - Je conçois, messieurs, que la discussion soit épuisée ; mais, au moins, devrait-on permettre d'adresser quelques questions à M. ie ministre de l'intérieur. J'en ai une à poser, de la solution de laquelle peut dépendre le vote de la Chambre. Je voudrais savoir quelles sont les intentions du gouvernement relativement à l'augmentation du crédit pour ia voirie vicinale.
M. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que les chemins vicinaux ne doivent pas être mis en concurrence avec cette question.
M. David. - Je ne pense pas que nous puissions prononcer la clôture en ce moment : des erreurs manifestes ont été commises, entre autres par l'honorable M. Thiéfry ; je demande qu'on puisse répondre.
M. Thibaut (sur la clôture). - Messieurs, je renoncerai volontiers aux observations que je me proposais de présenter sur le fond même de la question. Mais je désirerais que la Chambre voulût bien m'autoriser à adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur.
- La clôture est mise aux voix et n'est pas prononcée.
M. Thienpont. - Je suis heureux, messieurs, que l’honorable ministre de l'intérieur ait pris la parole avant moi pour détruire en très grande partie les effets produits sur cette assemblée par le discours remarquable, je n'hésite pas à le dire, prononcé au commencement de cette séance, par un de nos plus rudes adversaires, et que je n'aie pas à faire succéder immédiatement ma faible voix à celle si éloquente et toujours écoutée avec faveur de mon honorable ami de Naeyer.
L'honorable ministre de l'intérieur ayant déjà déblayé le chemin et fait justice de l'argumentation produite contre l'institution du haras, je pourrai me dispenser de prendre la parole et abandonner le débat aux honorables collègues qui me suivent dans cette discussion, tous plus habiles et plus habitués que moi aux luttes parlementaires.
Je désire cependant vous dire quelques mots ; et tout d'abord, messieurs, je tiens à rectifier un fait concernant l'époque de la création de notre dépôt d'étalons, que quelques-uns de nos adversaires ont fait remonter les uns à 25, les aulres à 30 ans, tandis que l'origine réelle ne remonte pas à plus de 15 à 16 ans. C'est une chose essentielle à constater, messieurs, que le gouvernement hollandais ne nous avait abandonné à Walferdange que des étalons provenant de la Pologne et de quelques autres pays du Nord, tous impropres à faire souche. Le gouvernement belge ne tarda pas à reconnaître la faute commise. Il s'empressa de se défaire de ces reproducteurs sans valeur, mais commit une faute tout aussi impardonnable en prenant à l'Allemagne des étalons qui n'étaient pas dans de meilleures conditions. En 1836 seulement furent achetés en petit nombre et à la véritable bonne source, les premiers reproducteurs, dont on n'a pas tardé à reconnaître bons effets.
Messieurs, l'honorable M. Thiéfry l'a déjà dit, la discussion au sujet du haras a été l'année dernière longue, approfondie et parfaitement bien traitée au sein du sénat, par les honorables comte de Marnix et vicomte Desmanct de Biesmc ; nous ne devions donc pas nous attendre à la voir de nouveau prendre d'aussi vastes proportions.
Pour me servir des expiessions de M. Bocher à l'assemblée législative, je croyais, quant à moi, que c'était une question résolue que celle de savoir, s'il est bon, s'il est utile, s'il est indispensable, d'entretenir la race chevaline au moyen de l'infusion du pur sang arabe d'abord, quant et autant qu'on peut s'en procurer, du pur sang anglais ensuite, et concurremment avec le premier.
Malheureusement, messieurs, nous constatons que bien des membres de cette Chambre méconnaissent encore ces principes. Le crédit demandé par le gouvernement pour l'achat d'étalons avait pourtant été admis sans difficulté par la plupart des sections et par la section centrale ; mais les quelques adversaires du haras ont gagné du terrain, ont renforcé leurs rangs, à en juger du moins par le nombre de signataires demandant la suppression de ce crédit.
Quel motif peut-il y avoir, messieurs, pour que, en si peu de temps, l'amélioration de l'espèce chevaline perde toutes nos sympathies ? Pour qu'un vote hostile vienne détruire en un jour tous les bienfaits produits par cette belle institution, bienfaits dont le département de la guerre recueille les fruits, tous les jours plus marquants, au point que nos efforts et notre persévérance nous permettront bientôt de nous soustraire, à l'égard de nos voisins, au tribut le plus onéreux et le plus considérable, en remontant complètement notre armée sans sortir du pays.
A la fin de la séance d'hier mon honorable ami de M. Naeyer a voulu, si je puis n'exprimer ainsi, nous effrayer des dépenses provoquées aujourd'hui pour la production du cheval de luxe et surtout du cheval de troupe par un gouvernement qui demain viendra solliciter de nouveaux crédits pour débarrasser les éleveurs de cette même production.
A mon avis, ce raisonnement ne paraît rien moins que péremptoire. Comment ! messieurs, il y a telles et telles industries que contre la concurrence étrangère, nous continuons à protéger d'une faveur de 30, 40, 50 pour cent et même plus, et nous lésinerions sur la dépense de quelques milliers de francs pour créer chez nous un objet de première nécessité, un objet qui intéresse à un si haut degré notre indépendance nationale ! Je ne crains pas d'avancer, messieurs, que cette économie-là ne serait rien moins que réelle et qu'il est bien préférable de dépenser dans le pays les sommes nécessaires aux remontes que d'en faire cadeau à nos voisins.
En France, messieurs, les haras comptaient bon nombre d'adversaires qui saisissaient avec bonheur et empressement toutes les occasions pour leur livrer les plus vives attaques ; mais la majorité a eu le courage de résister à ce déplorable entraînement. Elle a continué à soutenir le pouvoir dans la bonne voie qu'il s'était tracée. La France a persisté à avoir recours au meilleur type régénérateur, et maintenant ce pays peut, à juste titre, se glorifier de sa persévérance, car elle l'a affranchi de l'étranger. Cette persévérance a fait qu'à l'époque oû nous sommes, la France trouve chez elle les moyens de remonter ses régiments ; elle a la satisfaction de répandre parmi ses propres enfants les millions qui annuellement passaient ses frontières, et ce qui est d'une importance majeure, elle a ôté à ses voisins les moyens d'avoir à ses dépens la meilleure cavalerie.
La France a, avec raison, envisagé cette question comme se rattachant à celles du plus haut intérêt national, et elle a agi en conséquence.
Et nous, messieurs, aimerions-nous moins notre pays, aurions-nous moins de patriotisme que nos voisins du midi ? Avec la même persévérance, nous atteindrons le même but : de plus, nous procurerons aux populations intéressantes de nos campagnes une source de bien-être qui n'est nullement à dédaigner.
La nécessité de déplacer notre dépôt d'étalons est connue de tout le monde. Croirait-on, messieurs, que c'est là la cause des attaques violentes dirigées contre l'institution elle-même ? Croirait-on jamais que ce motif pût être invoqué pour justifier sa suppression ? Le pays est-il donc si petit pour qu'on n'y trouve pas un coin convenable pour recueillir ces pauvres animaux qui opèrent, dans notre race chevaline, la régénération si utile, devenue si nécessaire, si indispensable à nos besoins actuels ?
Si la passion ne s'en était mêlée, messieurs, je vous le demande, nos adversaires seraient-ils allés jusqu'à comparer ces animaux aux fonctionnaires publics, à essayer même de prouver qu'ils ont sur eux des privilèges, à dire qu'ils dament le pion aux employés du ministère ?
Quelques honorables membres critiquent amèrement les produits (page 551) obtenus, comme s'il était possible d'obtenir toujours et dès les premiers pas qu'on fait dans la voie de croisement, les résultats les plus heureux, des produits distingués, élégants de formes, brillant dans les allures, enfin des chevaux irréprochables !
J'ai eu l'honneur de vous le dire l'année dernière, messieurs, les chevaux de grande distinction sont rares, même dans les pays les plus convenables à la prospérité de l'industrie chevaline, là même où l'élève du cheval est le mieux entendue. Contenions-nous donc de ce qui est possible de la production d'une race propre à nos besoins actuels et futurs et jouissons à l'occasion de ces chevaux exceptionnels, de ces natures privilégiées que les éleveurs, ici comme ailleurs, ne manqueront pas de vous donner.
Dans la séance d'hier, l'honorable M. Thiéfry nous a fait connaître les faits et actes d'un gouvernement voisin, lorsqu'il a commencé à régénérer et à améliorer la race de ses chevaux. L'honorable membre est entré à cet égard dans des détails bien intéressants, et les mesures tyranniques même, que le gouvernement anglais d'alors a cru devoir prendre pour atteindre son but, prouvent quelle immense importance il attachait à la question.
Messieurs, sans soins, sans efforts, sans peine, on n'obtient rien de bon. Que diricz-vous, par exemple, du cultivateur qui avant comme après les semailles abandonnerait son champ à la Providence ? Je vous laisse le soin de résoudre la question, et je n'hésite pas à dire que l'éleveur qui ne tient pas compte du climat, de la nourriture, de l'air, de la lumière, des soins de propreté, etc., se met dans les mêmes conditions que le cultivateur dont je viens de parler.
Je ne sais si l'honorable M. Mascart tient compte de toutes ces influences, mais il paraît assez peu se soucier de la première de toutes les influences, de celle qui est absolument indispensable, de celle d'un bon reproducteur. Il a en effet parlé des chevaux croisés avec un laisser aller qui doit vous avoir surpris tous.
A en croire l'honorable membre, le cheval d'élite est incapable de bien se reproduire. Onze poulains de cette espèce ont été vendus moins de 600 fr. D'après les principes de l'honorable membre, il suffit d'avoir recours à la souche primitive, au cheval qui a traversé les siècles en conservant sa perfection, à l'arabe ou à ses descendants, qui, de l'aveu de tous les hommes compétents, transmettent leurs qualités avec un caractère de stabilité d'autant plus prononcé que leur race est plus ancienne ; il suffit d'avoir recours à ces reproducteurs d'élite pour obtenir quoi ? Rien moins qu'un cheval, messieurs. Vous obtiendrez un animal qui a une tête énorme et difforme, des membres grêles et fins, un corps qui n'est en proportion ni avec les jambes, ni avec la tête, un monstre enfin non classé par Buffon. Tel est, d'après l'honorable M. Mascart, le produit de notre haras.
Mais, messieurs, si ce sont là les principes qui président à la reproduction, si les bonnes qualités ne se transmettent pas aux descendants, si même il suffit d'avoir recours aux races les plus parfaites pour obtenir les chevaux les plus difformes, dans ce cas, éloignons au plus vite ces reproducteurs étrangers qui infectent le pays et recherchons les chevaux les plus défectueux pour ramener nos produits à la perfection. Vous voyez, messieurs, que cette théorie conduit directement à l'absurde.
Messieurs, cela frise un peu les hérésies hippiques que professait l'année dernière mon honorable ami Vander Donckt, d'après l'opinion duquel on devait de préférence admettre à la saillie les juments réprouvées par les artistes vétérinaires. Je constate avec plaisir qu'aujourd'hui mon honorable ami a abandonné cette thèse. C'est un progrès pour lequel je suis heureux de lui adresser ici mes félicitations.
Messieurs, il est une remarque assez curieuse à faite, c'est que les adversaires les plus prononcés du haras, ceux qui n'ont pour les métis que des paroles de blâme, si pas de mépris, les trouvent parfois bien beaux, surtout lorsqu'ils les jugent sans prévention, je veux dire lorsqu'ils en ignorent l'origine. Un des honorables signataires de l'amendement qui a pour tendance, probablement parce qu'il ne produit rien de bon, d'enterrer le haras, nous cite fréquemment des faits très curieux, très instructifs. Nous en avons eu des preuves nouvelles dans une discussion récente concernant les statistiques. Cet honorable membre me permettra, j'espère, de citer à mon tour un fait qui le concerne particulièrement, et qui peut être rapporté ici avec quelque à-propos. Du reste, messieurs, je tiens à déclarer à l'honorable M. Coomans que je n'ai en vue que la défense d'une institution que je trouve bonne et que j'estime trop les mérites personnels de l'honorable membre pour avoir la moindre intention de mettre dans mes paroles rien de désobligant pour lui. J'ai, d'ailleurs, l'intime conviction qu'il ne trouvera pas mauvais que je mette dans cette discussion la franchise qui le caractérise lui-même et qui ne l'abandonne jamais dans nos débats.
Messieurs, je n'ai vu qu'une seule fois l'honorable membre apprécier un cheval, qu'il trouva fort beau, charmant, qu'il qualifia de magnifique.
Eh bien, messieurs, ce cheval si beau, si charmant, si magnifique, d'après ses expressions, provenait d'un de ces reproducteurs auxquels aujourd'hui il jette la pierre, d'un de ces vieux serviteurs, même portant plus d'un chevron et dont la valeur ne représente pas, comme on l'a écrit, le prix annuel de l'avoine dont on les nourrit. N'est-ce pas une preuve évidente, messieurs, qu'il doit y avoir contre les productions du haras qu'on décrie tant, des préventions dont, j'espère, la chambre ne manquera pas de faire justice ?
Parmi nos honorables adversaires il en est qui se mettent très à l'aise en faisant envisager le haras comme ne servant qu'à l'amusement de quelques amateurs, et désignant les défenseurs de cette institution comme défenseurs d'une chose qui sert uniquement à leurs plaisirs. Nous voudrions donc le maintien du haras par pur amusement, pour notre plus grand divertissement.
Messieurs, ces assertions ne sont pas sérieuses. Ce que nous voulons, c'est persévérer à améliorer notre race chevaline, parce que nous aimons notre pays, parce que nous voulons la prospérité de l'industrie chevaline comme de toutes les autres, parce que nous sommes amateurs du bien public, parce que le cheval nous est encore indispensable, qu'il est nécessaire à la défense nationale, et ce seul motif me suffirait à moi, pour voter le crédit.
Oh ! si les idées attribuées à l'honorable M. de Naeyer doivent se réaliser, si, au moyen de la vapeur, de l'électricité ou de n'importe quel moteur plus économique, connu ou inconnu, mais autre que ce précieux quadrupède, il était possible de faire exécuter une charge à un régiment que, dans cette hypothèse, je ne puis plus appeler régiment de cavalerie ; oh ! alors, je comprendrais l'opposition qui se produit dans cette Chambre. Mais, messieurs, nous n'en sommes pas encore là, le progrès, quelque rapide qu'il soit de nos jours, n'en est pas encore arrivé à ce point, et il n'entre, je pense, dans les intentions de personne, pas même dans celles de l'honorable M. Mascart, auquel je veux bien concéder que le cheval est devenu inutile à l'amoureux qui jadis conduisait sa belle en croupe à la fête du village voisin, de croire que cette réforme soit imminente.
Dès lors, messieurs, est-il où n'est-il pas utile de produire ce moteur ? Ne serions-nous pas bien mal inspirés de négliger la production d'un animal dont nous ne pouvons pas nous passer ?
En présence de ce besoin, nos honorables adversaires devraient faire trêve à leurs vues économiques et surtout ne pas oublier qu'en laissant dépérir l'institution du haras nous restons éternellement tributaires de l'étranger pour la remonte de nos troupes. Ces honorables membres, perdent de vue les sacrifices bien plus importants que, par là, ils nous imposent. Nos voisins, d'ailleurs, pourraient, dans des cas donnés, nous refuser le cheval dont nous aurions besoin et mettre ainsi la patrie dans un embarras que, pour mon compte, je ne veux pas aider à créer, et j'ai, messieurs, trop de confiance dans votre patriotisme pour ne pas croire que vous ne le voudrez pas plus que moi.
Messieurs, je serai le premierà provoquer le rejet du crédit demandé, si le gouvernement n'avait en vue que la création du cheval d'hippodrome, du cheval de course tel qu'on le fabrique de nos jours, cheval qui, en pleine santé, a besoin de plus de soins qu'un homme malade et dont le seul mérite consiste à franchir d'un bond un espace que l'œil peut facilement mesurer, pourvu toutefois qu'il n'ait à porter qu'un homme en miniature, une espèce de squelelle qui, le harnais compris, ne pèse souvent pas plus de 25 kilogrammes. Voilà ce que très à propos on a appelé le cheval de jeu, cheval pour lequel je ne sollicite pas vos sympathies. Ce qu'il nous faut, messieurs, c'est le cheval de chasse, c'est, comme l'a décrit le général Lamoricière, cet animal aux formes herculéennes, à la croupe bien étoffée, à la poitrine large et profonde, aux épaules libres, aux reins courts : voilà le type du vrai cheval de guerre ! C'est le cheval qui parcourt six ou huit kilomètres à toute vitesse, dans un terrain souvent fangeux, en franchissant des haies, des fossés, en surmontant tous les obstacles d'une manière prodigieuse, en portant non un jockey, mais un cavalier. Voilà, messieurs, le cheval dont le gouvernement s'efforce de doter le pays !
L'honorable M. Mascart nous a dit que les cultivateurs amateurs, comme il les appelle, ne font usage des étalons du haras que par ostentation, par amour de paraître dans les concours publics. Je répondrai à l'honorable membre, sans vouloir entrer dans des développements à cet égard, que cette noble ambition a plus d'un avantage, et je dirai à ce sujet que dans une commune limitrophe de l’arrondissemenl que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre et où se donnent annuellement des courses très intéressantes, j'ai eu l'occasion de voir plus d'un échantillon de ce type du vrai cheval de guerre dont je viens de parler.
Cette commune avec bien peu de ressources, - car nos communes des Flandres, vous le savez tous, sont pauvres et n'ont pas de fonds considérables à voter pour des fêtes publiques ; - la commune de Waereghem, dis-je, avec le concours de quelques généreux amateurs, fait tous les ans accourir des milliers de personnes sur un hippodrome parfaitement disposé, où, dès l'été prochain, je serai heureux de pouvoir rencontrer mes honorables contradicteurs. Je les convie à cette fête qui a plus d'un attrait. Ils y verront un grand nombre de produits de notre haras, soutenant entre eux et contre des chevaux de toute espèce des luttes sérieuses, acharnées qui ont bien leur mérite. Ils y verront ce cheval râblé, fort près de terre, portant non pas un fantôme, un homme qui à force de soins s'est rendu étique, mais un beau et bon cavalier d'un poids parfois très respectable. Ils pourront y apprécier la force, la vigueur, l'énergie de ces métis pour lesquels, j'en suis certain, ils ne témoigneront plus la même indifférence.
Je voterai, messieurs, contre I'amendement de l'honorable M. Mascart. Quant aux primes, en général, elles ne me sourient guère, et j’ai si (page 552) peu de confiance dans l’efficacité de celles proposées par l'honorable M. David que je ne déciderai difficilement à les voter.
M. Vander Donckt. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Il n'y a eu rien de personnel pour vous dans le discours de M. Thienpont.
M. Vander Donckt. - On m'a fait dire des absurdités.
M. le président. - Je ne peux pas vous accorder la parole pour un fait personnel ; il n'y a eu, je le répète, absolument rien de personnel pour vous dans le discours de M. Thienpont.
La parole est à M. d'Hoffschmidt.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, cette discussion a déjà été bien longue, et la Chambre semble pressée de la terminer. Je ne présenterai que quelques courtes observations ; je renoncerai à beaucoup d'autres que je voulais soumettre à l'assemblée et qui, je l'avoue, ne seraient pour la plupart que les reproductions d'observations qui ont déjà été présentées.
Ce que j'ai à dire consiste plutôt dans une interpellation adressée à M. le ministre de l'intérieur. J'ai écouté attentivement M. le ministre pour bien saisir son système, en ce qui concerne les encouragements à accorder à l'agriculture.
M. le ministre nous a dit qu'il veut bien que l'agriculture soit protégée, qu'elle reçoit fort peu des largesses distribuées par l'Etat et qu'il ne faut pas enlever à cette grande branche d'industrie les avantages qui lui ont déjà été accordés.
Eh bien, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur comment il concilie ces principes avec ce qu'il a fait d'un avantage que nous possédions pour l'agriculture, je veux parler du subside pour la distribution de la chaux dans le Luxembourg. L'année dernière, M. le ministre de l'intérieur a soutenu cette allocation avec beaucoup de force, et cette année, sans que nous sachions pourquoi, ce subside nous a été retiré, en même temps qu'on nous propose de continuer une dépense considérable en faveur des haras.
Messieurs, dans le Luxembourg on attache fort peu d'importance au haras ; on y verrait disparaître le haras sans le moindre regret, tandis qu'on attache une immense importance à la distribution de la chaux.
Toutes nos populations se sont émues du retrait de ce subside. Comment voulez-vous donc que dans une situation pareille nous votions la continuation d'une dépense pour laquelle nous n'avons pas une très grande sympathie et qu'en même temps nous acceptions en silence le retrait des faveurs qui nous avaient été accordées ?
Je demanderai, en conséquence, à M. le ministre de l'intérieur si son intention est de combattre les amendements que nous proposerons en faveur de la distribution de la chaux dans le Luxembourg.
D'après ce qu'il nous a dit l'année dernière, j'espère que M. le ministre de l'intérieur soutiendra avec énergie nos propositions à cet égard.
Je n'en dirai pas davantage. Je pourrais ajouter que dans le Luxembourg nous avons eu un haras pendant très longtemps et que les résultats en ont été très peu satisfaisants. Si j'ai été toujours favorable à l’'allocation des haras, c'est parce que j'avais la conviction que dans d'autres provinces le haras produisait d'excellents résultats.
J'avoue que j'ai maintenant de grands doutes quand je vois de zélés défenseurs de l'agriculture, tels que mon honorable ami M. Mascart, venir vous dire que dans l'arrondissement de Nivelles, un des principaux arrondissements agricoles, on n'attache pas une grande importance au haras. (Interruption.)
Le nombre de saillies ne suffit pas, il faut voir quels ont été les produits ; il faut voir l'attention que prête l'agriculture au haras ; eh bien, à voir l'indifférence que la question du haras rencontre dans les intérêts agricoles, je dois croire que l'agriculture attache peu d'importance au haras... (Interruption,) S’il n'y avait pas d'indifférence, vous verriez les pétitions affluer dans cette enceinte.
Je n'en dirai pas davantage. Je voulais seulemeul motiver mon vote.
M. Delehaye. - Messieurs, on ne peut pas se dissimuler que le haras n'ait donné lieu à des abus réels. Ces abus ont été signalés dans plusieurs provinces. Mais parce qu'une institution a donné lieu à quelques abus, est-ce un motif de la supprimer entièrement ? Je ne pense pas que la Chambre doive procéder ainsi. Faisons nos efforts pour améliorer l'institution, et les abus qu'on a signalés viendront à disparaître.
Il est un fait certain, avéré, c'est que la nature des chevaux dépend nécessairement de la nature du sol.
L'élève du cheval est une conséquence de la nature du sol ; c'est ainsi que dans notre pays nous avons trois qualités différentes de sol, de même que nous avons trois espèces différentes de chevaux. Toujours est-il que les races de chevaux indigènes ne sont pas dédaignées par l'étranger, la preuve en est que beaucoup de nos chevaux flamands nous sont enlevés par l'étranger qui, au moyen de croisements, en obtient les meilleurs résultats. Ne pourrions-nous pas en faire autant et même faire beaucoup mieux ?
Conformément aux observations présentées avant-hier par M. T'Kint et à celles que j'avais faites moi-même l'année dernière, M. le ministre a dit qu'il fallait améliorer les races indigènes par les races elles-mêmes, pour appliquer ce système, il faut faire en sorte de conserver ceux de nos chevaux entiers qui sont propres à la reproduction.
A cet effet, je proposerai un amendement consistant dans la répartition de la somme demandée, qui répondra à une des exigences les mieux établies. Au lieu de 100,000 francs pour achat d'étalons je proposerai la somme de 85,000 francs et les 15,000 francs distraits je les distribuerai à titre de primes aux étalons de race indigène aussi longtemps qu'ils conserveront leurs qualités reproductives. On me dit qu'une allocation est portée au budget pour être distribuée en primes ; mais je ferai remarquer que ces primes sont données non seulement aux chevaux entiers, mais aux chevaux quelconques et que très rarement des étalons ont été primés. Ceux qui ont l'habitude de fréquenter les marchés de chevaux savent que les bons étalons sont enlevés par les étrangers.
Remarquez que la prime sera accordée successivement et annuellement de manière que la prime étant toujours accordée aux bons reproducteurs, le cultivateur aura soin de garder son étalon en bon état. En procédant ainsi vous améliorerez la race indigène et vous ferez taire les réclamations fondées qui surgissent tous les ans. En adoptant ma proposition vous ferez cesser des abus vrais et les plaintes qu'ont élevées quelques localités parce que les résultats n'ont pas répondu à leur attente, parce que les étalons qu'on leur a adressés n'étant pas propres à améliorer la race indigène ; mais quand vous aurez pris des mesures pour garder dans le pays nos meilleurs étalons, vous serez sûrs de voir renaître les belles races qui ont fait la réputation des Flandres.
Je propose de rédiger ainsi le second article : « Primes pour étalons de race indigène aussi longtemps qu'ils conserveront leurs qualités reproductives, 15,000 fr. »
Cet amendement est signé de (erratum, page 569) MM. de Baillet-Latour, Tremouroux, de Mérode-Westerloo et moi.
- La clôture ! la clôture !
M. Prévinaire. - Messieurs, vous vous trouvez en présence d'un amendement non développé sur lequel j'ai une observation très importante à faire, et vous voudriez clore la discussion ? Je serai très court du reste ; en présence de ce qui vient d'être dit par M. d'Hoffschmidt, la discussion est loin d'être éclairée. Cet honorable membre est venu dire que les allégations de. M. Mascart subsistaient encore en présence de la discussion qui a eu lieu ; c'est là une allégation qui m'étonne, car les faits sont venus donner le démenti le plus complet aux appréciations de l'honorable M. Mascart. Je rappelle ce fait pour prouver que la discussion n'est pas arrivée à son terme.
Quant à l'amendement de M. Delehaye, voici une observation capitale, il y a pour but d'augmenter la somme portée au budget pour être distribuée en primes aux étalons de diverses espèces que nous possédons dans le pays ; car nous en avons au moins cinq ou six, nous n'avons pas une race indigène proprement dite ; or, ces primes jusqu'ici étaient décernées par les provinces, et chaque province porte une somme fixe à son budget pour ces primes ; eh bien, pendant ces dernières années, un quart de la somme est resté sans emploi. Vous voulez majorer une allocation qui n'a pas pu être distribuée dans ces dernières années. M. Delehaye devrait attacher à la division qu’il propose un caractère éventuel.
Je trouve qu'il serait bon d'entrer dans la voie qu'il indique, de chercher à empêcher l'exportation de nos meilleurs étalons, des plus jeunes surtout, mais le système qu'il propose qui tend à augmenter la somme à distribuer en primes, constituerait une surabondance dans l’abondance, car nous avons aujourd'hui des crédits qu'on n'épuise pas et on veut les augmenter en réduisant une allocation toujours utilisée !
C'est là une objection grave à l'amendement de M. Delehaye. S'il voulait sous-amender sa proposition en ce sens que, dans le cas où l'on ne pourrait pas faire usage de tout ou partie des 15 mille fr. en primes, la somme non employée refluerait vers son origine, je le concevrais, mais je crois que la loi de comptabilité s'opposerait à cet arrangement.
Au surplus, vous entrez dans le domaine provincial ; les provinces se sont réservé de décerner des primes pour les races spéciales du pays et vous voulez faire intervenir l'Etat dans ces questions. Je trouve que l'intervention de l'Etat ne se justifie pas quand l'objet n'est pas général. Laissez aux provinces leur action circonscrite, telle qu'elle l'est par la loi provinciale et bornez l'action de l'Etat au haras.
J'aurais beaucoup d'autres observations à présenter ; j'en ferai grâce à la Chambre.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Thibaut. - Messieurs, je demande qu'on me permette d'adresser à M. le ministre de l'intérieur une interpellation qui ne prendra que quelques minutes. La réponse qu'elle provoquera pourrait avoir quelque influence sur le vote de plusieurs membres de la Chambre.
Il existe, messieurs, un arrêté royal portant organisation de l'administration du haras. Il est du 21 janvier 1840. L'article 11 de cet arrêté crée un conseil du haras, dont le ministre de l'intérieur est président. L'article 14 exige que le conseil se réunisse au moins une fois par an pour s'occuper de tout ce qui a rapport à l'amélioration de la race chevaline et proposer des résolutions sur les affaires relatives au haras.
Cependant, si mes renseignements sont exacts, et je n'ai pas de raison d'en douter, jamais depuis 1846, le conseil du haras n'a été convoqué en assemblée générale.
M. Rogier. - C'est une erreur.
(page 553) M. Thibaut. - Je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il entre dans ses intentions de réunir cette année le conseil du haras. Il est composé entre autres membres, veuillez-le remarquer, messieurs, des inspecteurs des haras des neuf provinces.
Ces messieurs exercent des fonctions purement gratuites, et possèdent des connaissances spéciales et pratiques sur tout ce qui concerne l'élève du cheval et le moyen d'améliorer les races.
Je demande qu'ils soient chargés de présenter à M. le ministre de l'intérieur un rapport sur cet objet et que ce rapport nous soit communiqué avant la discussion du budget prochain.
Si la réponse de M. le ministre est satisfaisante, je voterai le chiffre demandé pour l'exercice actuel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis dire ce qui a été fait les années précédentes. Je doute cependant que l'on ait oublié de réunir de temps en temps le conseil des haras. Mais ce que je puis dire, c'est que mon intention était, quand j'ai vu surgir tant de plaintes sur la manière dont le haras était administré, de réunir le conseil des haras sous ma présidence et de discuter toutes les améliorations dont ce service est susceptible. Quand le prochain budget sera présenté, je serai à même de faire connaître sur quoi portent les améliorations quant au cheval indigène et quant au cheval croisé.
Quant à l'amendement, je désire en dire un mot ; il me semble qu'il y a dans cet amendement un but fort utile à poursuivre ; et un nouveau moyen d'encouragement de l'élève du cheval par la voie des primes auxquelles on fait particulièrement appel aujourd'hui. Mais pour pouvoir me fixer sur la portée et sur la rédaction de l'amendement, et pour m'assurer que l'action du gouvernement n'est pas limitée, j'aurais désiré pouvoir l'examiner. On pourrait en ordonner l'impression, de sorte qu'à l'ouverture de la séance de demain, on aurait pu s'expliquer définitivement.
M. Faignart. - J'ai demandé la parole contre la clôture, parce que dans cette discussion j'ai entendu se produire beaucoup d'erreurs. J'aurais voulu les relever, quoiqu'un grand nombre de ces erreurs aient déjà été réfutées victorieusement.
A propos d'une espèce de reproche que l'honorable M. d'Hoffschmidt a adressé aux cultivateurs qui ne prennent pas part à cette discussion au sujet des amendements qui ont pour but la suppression du haras, j'aurais désiré user de mon tour de parole et appuyer les considérations présentées par Ihonorable M. de Steenhault et par M. le ministre de l'intérieur.
Je désirerais donc que la discussion continuât.
M. Rogier. - La discussion a déjà beaucoup duré. Mais il vient de surgir un amendement qui n'est pas la conséquence des débats. C'est une idée nouvelle, à peine développée et qui n'est pas comprise puisque l'on n'a pas eu l'occasion de la discuter. L'honorable M. Delehaye par cet amendement...
M. le président. - Vous pouvez signaler la nouveauté de l'amendement ; mais vous ne pouvez parler sur l'amendement ; vous ne pouvez le discuter...
M. Rogier. - Je ne le discute pas, M. le président ; j'établis seulement qu'il est nouveau.
M. Verhaegen. - M. d'Hoffschmidt avait soumis à M. le ministre une question au sujet des distributions de chaux. Je voudrais qu'il y fût répondu.
M. Coomans. - J'ai fait aussi une interpellation au sujet de la voirie vicinale.
- La discussion est close.
M. le président. - La Chambre veut-elle procéder par questions de principe ? (Oui ! oui !)
Voici les questions de principe que M. de Naeyer a fait parvenir au bureau.
1° Indépendamment du crédit de 20,000 fr. (article 51b) destiné à l'exécution des règlements provinciaux, l'Etat continuera-t-il à s'imposer des sacrifices pécuniaires en faveur de l'industrie chevaline ?
2° L'Etat conservera-t-il un dépôt d'étalons ?
3° Les encouragements en faveur de l'industrie chevaline seront-ils accordés au moyen de primes ?
M. de Naeyer. (sur la position de la question). - Je pense que, d'après les explications qui ont été données dans le cours de la discussion, on pourrait voter sur le chiffre du gouvernement, qui contient évidemment la question de principe. Le gouvernement propose un crédit de 100,000 fr. C'est la somme la plus élevée qui soit en discussion. C'est donc par là qu'on doit commencer.
Ceux qui demandent la suppression du haras voteront contre. Il en est de même de ceux qui sont partisans de l'amendement de M. Delehaye. (Interruption.)
Si donc le chiffre de 100,000 fr. était rejeté, il n'en résulterait aucunement que l'amendement de M. Delehaye ne pourrait être adopté. Il resterait à voter et sur la somme qui pourrait être allouée pour le haras et sur les primes pour l'encouragement de l'ancienne industrie chevaline.
M. Delehaye. - L'honorable membre faciliterait singulièrement notre besogne en retirant son amendement.
Quant à la somme demandée par le gouvernement, on fera comme on fait toujours. La somme demandée par le gouvernement c'est la proposition principale. A cela il n'y a qu'un seul amendement ; c'est le mien. C'est donc à cet amendement qu'il faut donner la priorité. Ainsi, l'on se conformera au règlement et à tous les précédents de la Chambre.
M. Mercier. - J'allais faire la même proposition que l'honorable préopinant. Pour que le vote de chacun soit libre, pour que la volonté de chacun soit remplie, on doit commencer par l'amendement de l'honorable M. Delehaye ; car il y a beaucoup de membres qui après le rejet de cet amendement voteront pour l'allocation. Ainsi nous n'arriverons à la vérité du vote qu'en votant d'abord sur l'amendement.
M. de Naeyer, rapporteur. - Il me paraît évident que d'après cette marche, il y a beaucoup de membres dont le vote ne sera pas libre, et je vais m'expliquer. Il y a des membres, et notamment l'honorable M. Delehaye, qui veulent le maintien du haras et qui veulent en même temps un système de prime. Mais ceux qui veulent des primes et qui ne veulent pas du haras, comment voteront-ils ?
- Plusieurs membres. - Ils voteront contre.
M. de Naeyer, rapporteur. - Nous sommes saisis de deux propositions, l'une concernant le maintien du haras tel qu'il est aujourd'hui, l'autre voulant le maintien en y adjoignant un système de primes. Si l'on vote contre l'amendement de l'honorable M. Delehaye, il n'y aura pas de primes.
Je demande qu'on exécute le règlement et qu'on mette d'abord aux voix le chiffre le plus élevé.
M. le président. - M. Delehaye ne propose pas la réduction du chiffre, il en propose simplement la division.
M. de Naeyer, rapporteur. - Si l'on ne suit pas ces précédents, je demande qu'on mette le premier aux voix l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale ainsi que le règlement le prescrit.
M. Mercier. - Il me semble que le raisonnement de l'honorable M. de Naeyer pèche par sa base, car ceux qui auront voté l'amendement de l'honorable M. Delehaye seront libres, si cet amendement est rejeté, de voter ou de ne pas voter la proposition du gouvernement. C'est donc le seul moyen d'avoir un vote libre.
M. Coomans. - Vous ne pouvez nier que si l'amendement de M. Delehaye a la priorité, beaucoup de membres de cette Chambre ne seront pas libres. Ceux d'entre nous qui pensent qu'il est bon, qu'il est aisé d'opérer une économie de 100,000 francs sur l'établissement du haras, ceux qui veulent opérer une économie de 100,000 francs sur ce chapitre, ne peuvent se prononcer librement sur l'amendement de l'honorable M. Delehaye. Certes, je préfère cet amendement à la proposition principale, mais ce n'est qu'au pis aller. Par conséquent, je dois voter négativement sur l'amendement de l’honorable M. Delehaye. Mais il se pourrait qu'en votant négativement sur cet amendement, la conséquence de mon vote fût un oui pour la proposition principale.
Il faut donc poser nettement la question, soit en mettant aux voies des questions de principe, comme l'avait proposé mon honorable ami M. de Naeyer, soit en mettant d'abord aux voix le chiffre le plus élevé.
Pour mon compte, je demande la mise aux voix du chiffre le plus élevé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que l'on se mettrait mieux d'accord, si l'on voulait prendre le temps de réfléchir à la portée de l'amendement.
Cet amendement doit exercer de l'influence sur le système des primes et même sur le crédit dont disposent les provinces pour aider le gouvernement à donner des primes. Il me semble que ce n'est pas trop d'accorder d'ici à demain pour examiner la portée de cette proposition.
M. Orts. - Si l'on vote d'abord sur l'amendement de l'honorable M. Delehaye, je demande que l'on divise le chiffre de 100,000 francs qu'il propose et que l'on vote d'abord sur celui de 85,000 fr. pour le haras et ensuite sur celui de 15,000 fr. pour les primes.
M. Rogier. - Le chiffre pour le haras et le chiffre des primes accordées aux provinces pour encouragement de l'amélioration de l'espèce chevaline, ne forment qu'un seul et même article divisé en littéras. Il faut donc, si l’honorable M. Delehaye veut atteindre son but, qui serait de soustraire au haras une somme de 15,000 francs pour la reporter sur le littéra relatif aux encouragements de la race chevaline dans les provinces, que l'on fît un article distinct.
M. Delehaye. - C'est ce que je fais ; je propose un article distinct.
M. Rogier. - Mais alors il faut porter à cet article un chiffre de 35,000 francs.
M. Delehaye. - Pourquoi cela ?
M. Rogier. - Parce que déjà aujourd'hui on accorde 20,000 fr. pour encourager l'amélioration de la race chevaline. (Interruption.)
Il n'y a pas aujourd'hui d'article distinct pour les encouragements donnés aux provinces en ce qui concerne l'amélioration de la race chevaline. Si l'honorable M. Delehaye veut augmenter ces encouragements, je répète qu'il faut qu'il propose un article spécial avec le chiffre de 35,000 fr. Sinon, on n'aura absolument rien fait. Car les changements d'un littéra à l'autre ne lient pas le gouvernement.
M. Manilius. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Vous venez d'entendre le gouvernement déclarer que l'amendement proposé par l'honorable M. Delehaye pouvait avoir une influence sur la distribution aux provinces du crédit destiné à encourager l'amélioration (page 554) de la race chevaline. Le gouvernement vous demande, il en a le droit, et si on lui contestait ce droit, je reprendrais au besoin la proposition, de remettre le vote à demain pour avoir le temps d'examiner la question des chiffres. Cette considération est majeure ; nous sommes à la fin de la séance ; la discussion est close ; nous ne pouvons plus discuter. Il s'agit de savoir si l'on votera ce soir sans les renseignements du gouvernement ou si l'on votera demain après avoir obtenu ces renseignements.
Je demande donc que la Chambre se prononce sur la proposition de remettre le vote à demain.
M. Rousselle. - On vient, messieurs, de présenter sur la position de la question des arguments qui me semblent très propres à mettre de la confusion dans notre vote. La somme de 20,000 fr. dont on a parlé est destinée à assurer l'exécution des règlements provinciaux ; les 15,000 fr. que demande l'honorable M. Delehaye seraient destinés à permettre au gouvernement de donner des primes pour les étalons indigènes, d'après un règlement qu'il ferait après s'être concerté avec les provinces. Je pense donc, messieurs, qu'il faut voter sur les 15,000 fr. proposés par M. Delehaye et ensuite sur les 85,000 fr. qui resteraient de la proposition du gouvernement.
M. de Theux. - On vous propose, messieurs, de voter sur un chiffre de 85,000 fr. ; cela n'est pas admissible : le gouvernement demande 100,000 fr. Décider qu'on votera sur 85,000 fr. ce serait préjuger l'adoption de l'amendement de M. Delehaye ; pour réserver tous les droits et mettre de l'ordre dans les votes, il faudrait mettre aux voix une question de principe : Y aura-t-il au budget un crédit pour l'achat d'étalons ? Si cette question est résolue affirmativement, on votera sur le chiffre de 100,000 fr. qui est le plus élevé, puis, en cas de rejet de ce chiffre, sur celui de 85,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la question de principe se trouve dans le chiffre même du gouvernement ; il me semble donc qu'il n'est pas nécessaire de la poser sous une autre forme. Quant à l'amendement de M. Delehaye, je ne m'opppose nullement à ce qu'il soit mis aux voix ; mais s'il est adopté il faudra rattacher les 15,000 fr. au littera B : exécution des règlements provinciaux.
- La Chambre décide qu'elle votera d'abord sur la question de savoir s'il y aura une somme au budget pour l'achat d'étalons.
Cette question est mise aux voix par appel nominal et résolue affirmativement par 45 voix contre 34, 3 membres se sont abstenus.
Ont voté pour l'affirmative : MM. de Wouters, Faignart, Frère-Orban, Laubry, Lejeune, Lelièvre, Maertens, Maniilus, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Prévinaire, Rogier, Rousselle (C), Thibaut, Thiéfry, Thienponl, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandebpeereboom (E.), Van Grootven, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Closset, Coppieters, de Baillet-Lalour, de Bronckart, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux et Devaux.
Ont voté pour la négative : MM. d'Hoffschmidt, Dumon, Jacques, Jansscns, Julliot, Landeloos, Magherman, Mascart, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Roussel (A.), Van Cromphaut, Vandenpeereboom (A.), Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Boulez, Brixhe, Clep, Coomans, David, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières et Vilain XIIII.
Se sont abstenus : MM. Dumortier, Osy et de Muelenaere.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que la question est, selon moi, insoluble : je veux bien d'un haras rendant des services, mais je suis complètement opposé à un haras servant uniquement à faire dépenser les deniers des contribuables.
M. Osy. - Je suis contraire à l'intervention du gouvernement dans les matières où l'industrie privée peut suffire, mais la discussion qui vient d'avoir lieu me laisse dans le doute sur le point de savoir si l'industrie privée peut remplacer l'institution qu'il s'agissait de détruire.
M. de Muelenaere. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que ce vote sur une question de principe ne me semblait pas trancher la question.
M. le président. - Il s'agit de voter sur le crédit : il y a deux chiffres.
M. de Mérode. - Je demande qu'on mette d'abord aux voix le chiffre le plus élevé qui est celui du gouvernement ; ceux qui ne veulent que 85,000 fr. voteront contre.
M. Verhaegen. - Il ne s'agit pas aujourd'hui d'un chiffre plus élevé, il s'agit uniquement de savoir si l'on divisera la somme de 100,000 fr., comme le propose l'honorable M. Delehaye, par son amendement.
M. Mercier. - J'ai demandé tout à l'heure et je persiste à demander qu'on mette d'abord aux voix l'amendement de l'honorable M. Delehaye.
M. Rogier. - Messieurs, ceux qui croient qu'il faut maintenir le chiffre de 100,000 fr. proposé par le gouvernement vont se trouver gênés si l'on met d'abord aux voix l'amendement de l'honorable M. Delehaye. Nous qui appuyons le chiffre du gouvernement, nous voulons cependant le chiffre de l'honorable M. Delehaye plutôt qu'aucun chiffre, et cependant nous serons obligés de voter contre le chiffre de l'honorable M. Delehaye. Conformément aux précédents en matière de budgets, je demande que la Chambre commence par le chiffre le plus élevé.
- La Chambre consultée décide qu'elle votera d'abord sur le chiffre le plus élevé.
- Des membres. - L'appel nominal.
- Il est procédé à l'appel nominal.
82 membres sont présents.
36 répondent oui.
46 répondent non.
En conséquence, le chiffre de 100,000 fr., proposé par le gouvernement, n'est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. de Wouters, Faignart, Frère-Orban, Lejeune, Lelièvre, Manilius, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Prévinaire, Rogier, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Closset, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (F.), de Perceval, Dequesnc, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux et Devaux.
Ont répondu non : MM. d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Julliot, Landeloos, Laubry, Maertens, Magherman, Mascart, Orban, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom (A.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Boulez, Brixhe, Clep, Coomans, Coppieters ‘T Wallant, David, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delehaye, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, Desmaisières et Vilain XIIII.
- Le chiffre de 85,000 francs est mis aux voix et adopté.
L'article nouveau, présenté par M. Delehaye, est également adopté.
M. le président. - Une proposition de loi vient d'être déposée, demain les sections seront convoquées pour savoir si elles en autorisent la lecture.
- La séance est levée à 5 heures.