(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 475) M. Maertens procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
M. Dumon donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Des combattants de 1830, décorés de la croix de Fer, demandent que leur pension soit portée à 250 fr. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Les membres du conseil communal d'Opbrakel demandent la construction d'un chemin de fer de Saint-Ghislain vers Gand. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration communale d'Audenarde prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs la concession d'un chemin de fer de Gand à Thulin, passant par Renaix, Frasne et Leuze. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Opwyck déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand, en date du 25 décembre 1853. »
« Même déclaration d'habitants de Nederhasselt. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.
« Les habitants d'Eecke demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Poplemon, Mommens et autres membres de la société dramatique l'Espérance, demandent que dans les provinces flamandes les tribunaux soient obligés de faire usage de la langue flamande lorsque l'accusé ne connaît pas d'autre langue et demandent en outre que l'enseignement agricole s'y donne en flamand. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Piron et Depaire, président et secrétaire de la société de pharmacie, demandent que le projet de loi sur l'enseignement vétérinaire contienne une disposition portant que la pharmacie sera enseignée par un pharmacien diplômé. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole.
« M. de Breyne demande un congé pour cause de santé. »
- Accordé.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 192,050. »
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, le crédit demandé par le gouvernement pour le service de la bureaucratie du département de l'intérieur s'élève à 192,050 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - De la bureaucratie ? Je désire bien entendre.
M. de Man d'Attenrode. - Je ne sache pas que cette expression ait rien d'inconvenant. Cette interruption me surprend. Le chiffre est le même que celui de l'année précédente. Le gouvernement ne demande pas d'augmentation, et la section centrale ne propose pas de réduction. Il vous aura peut-être paru singulier que la section centrale se soit crue obligée, malgré cela, d'insérer des observations sur cet article.
Je m'en vais vous en dire le motif, car il est convenable, il est dans les usages de toute assemblée parlementaire de conclure, quand on croit devoir poser une question.
Je me propose donc d'entrer dans quelques explications pour vous démontrer, messieurs, l'utilité des observations insérées au rapport, et vous indiquer quelle est leur conclusion.
Examinons ce qu'a voulu la section centrale.
Elle a voulu d'abord établir la suffisance du crédit porté à l'article 2, pour subvenir aux besoins des bureaux de l'administration centrale. Et pourquoi a-t-elle voulu établir cette suffisance ? C'est parce que le gouvernement, comme vous pouvez vous en assurer en jetant les yeux sur les articles qui suivent, c'est parce que le gouvernement propose des transferts d'autres articles du budget à cet article 2.
Ces demandes sont d'ailleurs inévitables, si elles ne sont pas faites, car la cour des comptes s'oppose avec énergie à ce que le département de l'intérieur continue à procéder, comme il le fait depuis 1848, en prélevant sur les articles destinés au matériel, des traitements et des suppléments de traitements pour le personnel de ses bureaux.
Comment procède-t-il, en effet, depuis 1848 ? Il ne se contente pas du crédit de 192,050 fr. pour payer les traitements du personnel ; il impute, en outre, des augmentations sur d'autres articles du budget qui ne sont pas destinés à ce service.
Il existe cependant, dans l'arrêté d'organisation du personnel, un article qui s'y oppose formellement.
Eh bien, messieurs, c'est cette note insérée au rapport de la section centrale qui m'a valu des attaques violentes, c'est à cause de cette note que j'ai été accusé d'avoir avancé des erreurs évidentes par un honorable député d'Anvers.
Quant à l'honorable M. Piercot, ministre de l'intérieur, avec cette bonhomie que nous lui connaissons, et qui semble destinée à mettre tout le monde d'accord, sans résultat satisfaisant pour personne, l'honorable M. Piercot n'a rien vu de sérieux dans les griefs énoncés dans le rapport de la section centrale ; tout cela a été traité de bagatelle.
La section centrale se plaint-elle de l'existence d'une caisse en numéraire au département de l'intérieur, alimentée par des moyens que la loi du 29 octobre 1846 condamne ? Bagatelle !
La section centrale se plaint-elle de ce que ces avances en numéraire ne servent qu'à privilégier certains fournisseurs ? Bagatelle !
La section centrale se plaint-elle de ce que ces avances permettent des dépenses non autorisées par la loi ? Bagatelle !
Se plaint-elle de ce que cette manière de procéder annule le contrôle préalable de la cour des comptes et celui de la Chambre ? Bagatelle ! il ne s'agit après tout, nous a-t-il assuré, que d'une somme de 100,000 fr. par an !
Enfin la section centrale se plaint-elle de ce que le gouvernement a imputé des traitements sur des articles destinés au matériel malgré l'arrêté royal qui organise le personnel du département de l'intérieur et la convention formelle intervenue en 1846 entre le gouvernement et la Chambre, tout cela est traité de bagatelle ; tout cela, d'après lui, ne paraît inventé que pour troubler le repos légitime de ses chefs de service.
Quant à l'ex-ministre de l'intérieur, vous savez qu'il a adressé des paroles très dures et plus sérieuses au rapporteur de la section centrale. Je dois à mes collègues la justification des faits contestés, et la défense du travail qui m'a été confié.
Nous allons donc tâcher de découvrir la vérité. Si je fais fausse route, je demande qu'on m'avertisse, qu'on m'interrompe.
M. le président. - Non, on ne peut pas interrompre ; je demande qu'on n'interrompe pas.
M. de Man d'Attenrode. - Est-il défendu de demander à être interrompu ?
M. le président. - Oui.
M. de Man d'Attenrode. - C'est la première fois que cette prescription...
M. le président. - Elle est dans le règlement.
M. de Man d'Attenrode. - En ce cas je me soumets au règlement ; mais en ce qui me concerne personnellement, je ne m'oppose pas à ce qu'on m'interrompe.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je vous répondrai, cela vaudra mieux.
M. de Man d'Attenrode. - Pour démontrer d'une manière bien claire que le crédit pétitionné est suffisant, il convient de rappeler des actes antérieurs, de ramener vos souvenirs vers les années 1845 et 1846.
Quelles sont les plaintes qui prévalaient alors dans cette Chambre à l'occasion du vote des crédits pour les bureaux des ministères ? Ces plaintes partaient surtout des bancs de la gauche. On se plaignait de l'accroissement désordonné que prenaient les crédits destinés au personnel des administrations centrales. Ces membres demandaient, pour arrêter cet accroissement, que des arrêté organiques revêtus de la sanction royale fussent rendus. Or, il arriva, messieurs, qu'à la fin de l'année 1846, quand il fut question d'examiner le budget de 1847, ce fut l'un des membres de cette opposition qui réclamait des arrêtés organiques, ce fut l'honorable M. H. de Brouckere, aujourd'hui ministre des affaires étrangères, qui fut chargé par la section centrale de rédiger le rapport sur le budget de l'intérieur.
L'honorable rapporteur profita du mandat qui lui avait été donné, pour mettre le département de l'intérieur en demeure de donner une organisation régulière au personnel de ses bureaux en déterminant le nombre, les attributions et les traitements des employés.
Un arrêté royal du 21 novembre 1842, rendu sur la proposition de l'honorable M. de Theux, alors ministre de l'intérieur, fut en effet publié, mais il proposa à la section centrale la mesure suivante :
Il lui demanda que le chiffre de 136,000 fr. qui figurait à l'article 2 (ceci est tiré textuellement du rapport de lbonorable M. H. de Brouckere), fût porté à 201,050 fraucs, c'est-à-dire qu'il fût augmenté de 64,450 fr.
(page 476) Cette augmentation se composait de :
14,700 fr. qui se prélevaient pour le personnel sur le fonds des brevets ;
17.250 fr sur le fonds de la statistique générale ;
6,000 fr. sur le fonds du service de santé ;
8,100 fr. sur le fonds des dépenses imprévues ;
1,500 fr. sur le fonds de l'agriculture ;
4,200 fr. sur le fonds des chemins vicinaux ;
2,100 fr. sur le fonds des jurys d'examen ;
3,600 fr. sur le fonds des subsistances ;
7,000 fr. furent ajoutés pour la création d'une nouvelle division.
Ce qui fait une augmentation totale de 64,450 fr.
Le gouvernement déclara ensuite que, si cette augmentation était accordée, il ne serait plus imputé de dépenses en dehors de l'article 2 pour le personnel, et cette déclaration fut sanctionnée par l'article. 8 de l'arrêté organique, qui est conçu en ces termes :
« Lorsque les dépenses actuelles du personnel employé à des services spéciaux et qui sont imputés sur des crédits divers, auront été ajoutées au crédit ordinaire, aucune dépense de cette nature ne pourra plus être imputée sur d'autres fonds sous aucun prétexte. »
L'honorable rapporteur de la section centrale du budget de l'exercice 1847 déclara formellement, et le mot se trouve consigné dans son rapport, que la manière dont le gouvernement avait procédé jusque-là constituait un abus véritable ; et après avoir constaté les augmentations successives demandées antérieurement pour le personnel de l'administration centrale, voici les termes dont il s'est servi pour proposer à la Chambre de porter le crédit de l'article 2 de 136,600 fr. à 202,050 fr. : « Quoi qu'il en soit, la section centrale adopte la régularisation proposée par la dépêche ministérielle du 25 novembre, sauf à se prononcer séparément sur chacun des chiffres qu'il s'agit de transférer. Mais afin que les abus qui viennent d'être signalés ne puissent plus se reproduire, elle propose d'ajouter au libellé de l'article 2 cette clause : sans que le personnel de l’administration centrale puisse être rétribué sur d'autres fonds alloués au budget. »
Cette proposition fut adoptée unanimement et sans observation par le gouvernement et par la Chambre, et devint un paragraphe de l'article 2 du budget de 1847.
Messieurs, je viens de constater, par le rapport de l'honorable M.H. de Brouckcre, que le crédit de l'article 2 avant 1847 s'élevait à 136,600 fr.
L'erreur que l'honorable M. Rogier m'a attribuée, à propos du chiffre de ce crédit, n'est donc pas fondée.
C'est à tort qu'il a nié, de la manière la plus absolue, l'exactitude de ce chiffre consigné dans le rapport de la section centrale.
J'espère qu'il conviendra qu'il s'est trompé.
Lorsque l'opposition qui avait provoqué la publication des arrêtés organiques pour tous les départements ministériels, et qui avait fait insérer dans l'article 2 la clause dont je viens de faire mention, lorsque l’opposition fut arrivée au pouvoir en 1847, le chiffre de l'article 2 était ainsi fixé à 202,050 fr.
Mais que fit l'honorable M. Rogicr, ministre de l'intérieur en 1848 ?
L'opinion publique paraissait se prononcer pour que l'administration entrât dans une voie plus économe des deniers des contribuables. L'honorable M. Rogier, sans y être poussé par personne dans cette Chambre, proposa une réduction de 10,000 fr. sur l'article du personnel, il se crut obligé de les sacrifier sur l'autel de la patrie.
M. Rogier. - 40,000 francs sur le tout.
M. de Man d'Attenrode. - Le chiffre du crédit était de 202,050 francs ; vous l'avez réduit à 192,050 francs.
Mais l'honorable M. Rogier paraît avoir regretté bientôt ce sacrifice ; car il a repris d'une main ce qu'il avait cédé de l'autre et au lieu de respecter l'article 9 de l'arrêté organique, qui lui interdisait d'imputer sur d'autres articles du budget les traitements du personnel, il se mit à imiter la conduite du cabinet précédent, conduite qui avait été blâmée avec tant de vivacité par ses amis politiques.
Et ici, messieurs, je vous prie de le remarquer, l'administration, en procédant de la sorte depuis 1848, a été beaucoup plus répréhensible qu'avant 1847.
Avant 1847, il n'y avait pas d'arrêté organique ; le chiffre du crédit n'était que de 136,600 francs, taudis que, depuis 1848, le chiffre du crédit, même réduit de 10,000 francs, s'élevait encore à 192,050 francs, et il y avait un arrêté royal qui contenait l'engagement formel de ne pas dépasser les limites de l'article 2. D'ailleurs, cette réduction de 10,000 fr. n'a affecté que les 10,000 francs destinés, d'après la proposition du budget de 1847, « au travail extraordinaire », car le libellé de l'article 2 fut partagé, par l'honorable M. de Brouckere, en plusieurs paragraphes.
On a continué, messieurs, depuis cette époque à procéder comme je viens de le dire, et cela malgré les réclamations de la Cour des comptes qui, tous les ans, fait des protestations, mais elle cède en nous laissant la responsabilité de la conduite du gouvernement. La Cour des comptes nous avertit, et si nous ne profitons pas de ses avis, la Cour se croit autorisée à céder et à entrer dans la voie dans laquelle le gouvernement la pousse.
Le but que je me propose donc, messieurs, est de vous engager à obliger l'administration à entrer dans une voie régulière, à respecter ia convention qui est intervenue en 1846 entre la législature et le govTernement.
Quand il sera démontré que le crédit de 192,050 fr. est suffisant pour subvenir aux besoins du service, je déposerai un amendement destiné à faire connaître la volonté de la Chambre.
J'en viens donc, messieurs, à la question de savoir : si le crédit est suffisant, tel qu'il vous a été présenté par le gouvernement.
Et s'il est insuffisant, quelles en sont les causes ?
Messieurs, j'ai déclaré, dans la séance d'avant-hier, que 4,976 fr. 96 c. restaient disponibles sur l'article 2.
M. le ministre de l'intérieur a répondu quecela provenait de ce que deux employés étaient décédés en 1853. Je me suis rendu à la cour des comptes, j'ai examiné les états d'émargement et j'ai constaté u'un employé était décédé au département de l'intérieur, le 28 octobre dernier ; son traitement se trouve donc compris dans la feuille d'émargement que j'ai reçue et qui forme la base de mon calcul. Ainsi, messieurs, ce n'est pas à cause du décès de deux employés que 5,000 fr. environ sont libres.
L'honorable ministre de l'intérieur a donc commis une erreur ; je l'ai constaté dans les registres de la cour des comptes Il est donc constaté à l'évidence que le crédit de l'article 2 est suffisant.
Maintenant j'aborde la question suivante, et à ce propos je rencontrerai les erreurs dont j'ai été accusé, et dont il me reste encore à vous entretenir. Le personnel est-il suffisamment rétribué ?
Commençons par les traitements des chefs de service. Les chefs de service ont un traitement qui varie de 5,000 à 6,000 fr. Le secrétaire général jouit d'un traitement de 8,400 fr. Ces traitements paraissent suffisants.
Passons aux chefs de bureau ; leurs traitements varient de 4,000 à 2,000 fr. L'on trouvera peut-être que quelques-uns de ces traitements sont trop peu élevés ; mais il est bon d'observer que tous ces chefs de bureau sont encore pourvus d'autres fonctions rétribuées. Un d'eux est secrétaire de la commission centrale de l'instruction primaire ; un autre est secrétaire du comité de perfectionnement de l'instruction moyenne ; un autre est secrétaire d'un des jurys d'examen pour le grade d'élève universitaire ; un autre est secrétaire du conseil supérieur d'agriculture ; un autre est secrétaire du comité consultatif pour les affaires industrielles ; tous ces fonctionnaires sont donc pourvus d'autres emplois qui leur assurent un traitement convenable. Cela prouve par-dessus le marché que ces messieurs ne sont pas écrasés par la besogne et qu'ils ont du temps disponible.
Descendons uh peu plus bas et voyons comment est traitée, si je puis me servir de ce terme, la démocratie du département de l'intérieur. Quant à ces employés-là, ils peuvent se plaindre et ils ont droit de réclamer. Il en est qui, après douze ans de service, auraient au moins des droits à être premiers commis, chefs de bureau, et qui ne sont que des rédacteurs-expéditionnaires à 1,000, à 1,200 francs.
Je vais vous faire connaître la cause de la position pénible de cette catégorie d'employés.
D'abord, on a nommé, par arrêté du 10 septembre 1850, un chef de service de plus que ne le comporte l'arrêté organique. L'arrêté organique fixe le nombre des chefs de service à huit ; l'honorable M. Rogier a augmenté le nombre des chefs de division en 1850 ; et c'est à ce propos que l'on prétend que je vous ai induits en erreur. Je suis donc obligé d'entrer dans quelques détails pour me défendre.
Il y avait en 1850 une division, la sixième, qui n'avait en quelque sorte pour personnel que son chef lui-même, qui était en même temps inspecteur du service de santé. L'honorable M. Rogier trouva convenable de dédoubler la première division et de lui retirer une grande partie de ses attributions, et notamment celles qui concernent la voirie vicinale, et il composa une division réelle de la sixième, car elle n'existait que de nom. Il lui donna un chef qui, en moins de dix mois, passa du grade de premier commis à celui de chef de division. Comme l'inspecteur du service de santé perdait sa position par cette combinaison, il fallait lui en donner une autre. C'est pour avoir consigné ce fait dans le rapport de la section centrale que j'ai été accusé d'avoir avancé des erreurs évidentes. Voyons si j'ai affirmé quelque chose qui soit contraire à !a vérité.
Eh bien, l’honorable M. Rogier nomma la personne dont il s'agit inspecteur général du service de santé. J'ai sous les yeux l'arrêté royal de nomination ; il porte la date du 10 septembre 1850. Parmi les considérants je remarque que l'on invoque l'institution d'un conseil d'hygiène publique. Et c'est ainsi que le département de l'intérieur a neuf chefs de service au lieu de huit ; or, le règlement organique fixe à huit le nombre de ces chefs de service. Je crois donc avoir réfuté le reproche que m'a adressé à cet égard M. Rogier. Je n'ai pas fait erreur en disant dans le rapport qu'un inspecteur général a été nommé en 1850. Mais revenons-en à la cause qui laisse les employés inférieurs du département de l'intérieur dans une position qui mérite véritablement notre intérêt. Qu'a-t-on fait encore en 1850 ? Deux individus complètement étrangers au département ont été nommés d'emblée premiers commis l'un au traitement de 2,500 fr., et l'autre de 1,200.
Celui qui paraît le moins bien traité ne s'occupe que de statistique sanitaire, il trouve des compensations dans la publication d'un journal patronné et répandu par le gouvernement. Les traitements réunis de l'inspecteur du service sanitaire, nommé contrairement à l'arrêté organique, et des deux premiers commis nommés d'emblée, s'élèvent à 9,700 francs. Eh bien, voilà une somme qui aurait dû favoriser l'avancement légitime des employés subalternes.
Est-ce nous, je vous le demande, messieurs, qui décourageons le personnel des bureaux de l'intérieur, comme le disait l'honorable M. Piercot ?
M. Rogier. - C'est un tissu d'erreurs.
(page 477) M. de Man d'Attenrode. - Je vous abandonne le soin de l'établir. En attendant je tiens ce que je viens d'avancer comme parfaitement exact. Ce sont de ces erreurs qui ressemblent à la nomination de l'inspecteur du service sanitaire en 1850 !
Eh bien, puisqu'il en est ainsi, je vais vous donner encore une preuve de la manière dont on procède au département de l'intérieur, quand il s'agit de disposer de quelques fonds libres pour élever les traitements.
Au mois de juin dernier, on disposa de 4,200 fr., quels furent les employés qui en prirent la plus large part ?
Ce fut un chef de bureau au traitement de 3,000 fr., et qui a obtenu une augmentation de 1,000 fr. Ce sont des premiers et des deuxièmes commis, et l'on rencontre le nom de ce chef de bureau sur presque tous les états concernant l'emploi du crédit destiné à encourager les lettres, pour des subsides considérables. Au reste, il est juste que l'on récompense les services, les hommages rendus à la politique qui est arrivée en 1847 pour mieux faire, pour refaire tout à neuf ! Mais ceci prouve que l'on n'est pas surmené dans les bureaux de l'intérieur ; je me borne à le constater.
Voici encore une des causes qui rendent pénible la position du personnel de l'intérieur ; vous ne le croiriez pas, on emploie au ministère de l'intérieur 17 mille francs pour les gens de service ; or, il est certain que le personnel est trop nombreux. Il y a cinq portiers, paraît-il, et, je crois, un huissier dont le traitement est de 2,000 fr., indépendamment d'autres avantages.
Ici j'ai une réponse à faire à l'honorable M. Rogier, car ce qu'il a déclaré est de nature à faire impression sur vous ; il a dit que 18 employés avaient disparu du département de l'intérieur ; ces 18 employés sont des expéditionnaires qui avaient des traitements fixes et qui ont été remplacés par des copistes auxiliaires, qui ne sont payés qu'au mois, comme employés extraordinaires qui n'ont pas de traitement déterminé. Cela revient donc au même.
On vous a dit ensuite, c'est l'honorable M. Piercot, je pense, que la moyenne des traitements au département de l'intérieur est inférieure à celle des autres départements. Cette moyenne, quand on ne tient pas compte des gens de service et des copistes auxiliaires, mais seulement des employés du département, cette moyenne est de 2,386 fr., quand le calcul s'opère sur le traitement et le nombre des employés nommés régulièrement ; les autres, je le répète, sont des copistes auxiliaires qui touchent des indemnités mensuelles.
Eh bien, la moyenne déterminée par la mise à exécution de l'arrêté organique de 1846, est de 2,340 fr.
Le département de l'intérieur n'est donc pas sous ce rapport le moins bien trailé ; il n'est pas exact de le dire.
Je pense, messieurs, que si au département de l'intérieur on avait imité l'exemple donné par le département des finances, les employés du département de l'intérieur seraient mieux rétribués. Qu'a-t-on fait au département des finances ? Plusieurs employés ont été envoyés en province, ils n'ont pas été remplacés et leurs traitements ont été répartis sur les autres.
Au département de l'intérieur, au contraire, des employés ont été aussi envoyés en province pour le service de la vérification des poids et mesures. Mais on les a remplacés par des personnes qui jusque-là n'avaient pas figuré sur les états de service du département de l'intérieur.
Ce n'est donc pas le rapport de la section centrale qui est fait pour décourager les employés de l'intérieur ; ce sont ceux qui ont posé les actes que je viens de signaler, ce sont les actes de favoritisme qui découragent les employés.
Le gouvernement vient de poser un acte qui prouve que les employés du département de l'intérieur ne doivent pas nous considérer comme leurs adversaires ; cinq mille francs étaient libres, comme je vous l'ai prouvé au début de ce discours : qu'en a fait le ministre ? Il a posé un acte que je blâme d'un côté et que je loue de l'autre. Je le loue parce que M. le ministre a réparti cette somme entre les employés dont la position exigeait des améliorations. Or, c'est à la section centrale qu'ils doivent cette répartition.
D'un autre côté, je le blâme parce que je trouve étrange que pendant même que nous délibérons sur les besoins de ce département, le gouvernement, avant d'avoir connu le résultat de nos discussions, se hâte de faire usage d'un excédant de crédit, pour pouvoir vous dire : Les 192,050 francs sont employés ; je vous mets en demeure de faire les transferts que je propose. Voilà ce que je ne puis approuver, et c'est ce que vous n'approuverez pas sans doute non plus, messieurs, et je termine.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il me sera permis d'abord de demander quel est le but des observations nouvelles qui viennent d'être présentées à la Chambre par M. le rapporteur ; quant à moi, il m'est impossible d'en comprendre, je ne dis pas la nécessité, mais l'utilité. En effet, quelle peut être l'utilité de ces observations ? A entendre l'honorable rapporteur, il semblerait que le gouvernement vient se plaindre de l'insuffisance du crédit demandé pour le personnel ; et il emploie un temps fort long pour démontrer que le crédit est suffisant ; c'est le but que s'est proposé l'honorable rapporteur ; il prétend que le crédit de 192,050 fr. est suffisant ; et moi je demande à quoi bon faire cette démonstration ? Le gouvernement vient-il demander une augmentation de crédit ? Nullement.
Si le gouvernement a été condamné à ce travail pénible de venir dans la discussion générale démontrer que l'emploi de la somme de 192 mille francs élait légitimement et utilement fait, que les fonctionnaires du département, à tous les degrés, rendaient tous les services qu'on était en droit d'en attendre, c'est parce que l'honorable membre, dans son rapport et dans la discussion, a persisté à dresser contre ce personnel des accusations graves, en accumulant erreur sur erreur, pour appeler sur ceux qui le composent les sévérités de la Chambre.
Il est venu dérouler devant vous des abus monstrueux qui se seraient passés et se passeraient encore au département de l'intérieur. Dans les accusations auxquelles il s'est livré, il y a des faits généraux, et il y en a d'autres qui appartiennent à l'administration précédente qui sera parfaitement à même de les expliquer. Il en est qui appartiennent à mon administration ; j'espère pouvoir les expliquer à la satisfaction de la Chambre.
L'honorable membre a voulu me faire passer pour un homme qui cherchait à expliquer avec bonhomie ce qui s'est passé et à concilier ainsi tous les éléments contraires.
Je n'ai, messieurs, de prétention qu'à la bonne foi elà la sincérité vis-à-vis de la Chambre. J'ai de plus le devoir de justifier le personnel que je suis chargé de défendre.
Je ne cherche pas à concilier des choses inconciliables, l'erreur et la vérité ; l'erreur, c'est ce qui se trouve reproduit à chaque page du travail de M. le rapporteur ; la vérité, c'est ce que je m'engage à démontrer et ce que la Chambre consacrera par un vote non moins approbatif qu'en 1853, lors de la discussion du premier budget qui a mérité les honneurs des investigations de l'honorable membre et de ses accusations contre le personnel.
C'est le chiffre du personnel qui est encore une fois remis en question, et je commence par bien préciser la situation. Je ne demande pas d'augmentation. Le crédit de 192,000 fr. est le crédit normal que le gouvernement demande. L'honorable rapporteur a fait un long appel à tous les faits accomplis dans les exercices précédents pour avoir le plaisir de dire qu'il y a eu une erreur, et qu'en 1847 on se contentait d'un chiffre de 136,000 fr.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pardon, vous avez dit que le crédit alloué en 1847 était de 136,000 fr., et que c'était par une sorte de transaction, par un acte de bienveillance que la Chambre a bien voulu consentir à porter le chiffre de ce crédit à 202,050 fr. afin de faire au personnel une position normale et acceptable.
Autant de mots, autant d'erreurs !
Je m'étais déjà expliqué dans la discussion générale de telle sorte que je devais espérer que l'honorable rapporteur n'aurait pas insisté sur l'erreur de chiffre qu'il croit devoir maintenir
Le chiffre de 136,000 fr. n'a jamais été le chiffre de la dépense normale du personnel. Mais il y avait à cette époque une habitude que je puis appeler mauvaise, consistant à imputer certaines dépenses du personnel sur des crédits du matériel. Cette habitude s'est introduite à une époque antérieure à l'administration qu'on atlaque.
En 1847, quand l'honorable M. H. de Brouckere, aujourd'hui ministre des affaires étrangères, a eu à examiner le budget comme rapporteur de la section centrale, il a fait voir à la Chambre qu'il y avait là une irrégularité. On l'a compris, et l'on a porté à l'article « Personnel » toutes les sommes prélevées, pour le personnel, sur l'article « Matériel », pour ne faire du tout qu'une masse et l'affecter à sa véritable destination.
Avais-je raison de dire que l'honorable rapporteur confond des choses évidemment distinctes ; et qu'il est impossible de soutenir qu'en 1846 la dépense du personnel était de 136,000 fr., alors que, dans la vérité des fails, le personnel coûtait 202,050 fr. ?
Nous sommes descendus aujourd'hui à 192,000 fr. parce que, je le répète, en 1847 ou en 1848 on a eu le tort de retrancher du crédit 10,000 francs qui appartenaient à la dotation du personnel.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - C'est une erreur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce n'est pas une erreur.
On a admis une réduction de 10,000 fr., parce qu'on a cédé à une pression à laquelle on aurait dû résister.
M. Rogier. - On n'a pas eu tort, puisque le crédit de 192,000 fr. vous suffit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il ne suffit pas pour faire bonne justice. Je ne demande pas davantage ; mais il n'en est pas moins regrettable que la dotation du personnel du département de l'intérieur ait été réduite de 10,000 fr. Je suis en droit de le dire puisque aujourd'hui tout le personnel ne reçoit pas le minimum du traitement garanti par l'arrêté organique. Donc, le chiffre ne suffit pas. Mais je ne demande pas de nouveau crédit, parce que j'espère que je pourrai, par suite de quelques vacances d'emploi, améliorer la position des employés qui n'ont pas encore atteint le minimum.
Maintenant l'honorable rapporteur dit : Le ministre de l'intérieur prétend qu'il n'y a pas insuffisance de crédit. D'après l'honorable rapporteur, la somme que j'ai affectée à améliorer la position de certains employés a dû servir à une autre destination.
(page 478) Je maintiens, au contraire, que la somme de 4 à 5 mille francs qui a été indiquée par l'honorable rapporteur a été employée comme je l'ai dit.
Si un seul employé est mort au lieu de deux, comme je l'ai dit par erreur, deux au lieu d'un ont été déplacés.
Mais je le demande, est-il nécessaire, cela a-t-il pour la Chambre la moindre utilité d'entrer dans de tels détails, d'examiner si tel ou tel chef de bureau a atteint le maximum de son grade, si des employés d'un rang inférieur n'ont pas été lésés par des attributions de traitement à des employés supérieurs ? Il me semble que la Chambre doit s'intéresser médiocrement à ces questions de détail.
En tout cas, je demande quel préjudice nous avons causé à ce qu'on appelle la bureaucratie, en la distinguant de la démocratie des employés. Il ne faut pas croire que l'aristocratie (car il faut bien opposer ce mot à la démocratie) ait atteint le maximum du traitement. Peu de chefs de service seulement sont dans ce cas.
On se plaint cependant de ce que l'on trouve des moyens extraordinaires, pour donner des suppléments de traitement à certains employés, et l'on ne comprend pas que c'est un moyen de faire des économies ; car s'il fallait charger de certains travaux spéciaux des personnes étrangères à l'administration, il faudrait leur donner un traitement supérieur à la somme de 500 fr. à 1,000 fr. qui est accordée dans ce cas, aux fonctionnaires de l'administration.
Il faut en quelque sorte avoir juré au département de l'intérieur une guerre sans merci pour se livrer à des investigations aussi minutieuses sur des matières qui devraient rester en dehors des débats de la Chambre.
Je dois maintenant rencontrer les observations de l'honorable rapporteur, par lesquelles il prétend démontrer qu'en dehors du crédit de 192,000 fr. nous voulons imputer sur le matériel des dépenses concernant le personnel, c'est une erreur. Nous ne sommes plus dans ce système, et je le prouve par la demande même que j'ai faite de transférer à l'article 2 le traitement de trois rédacteurs qui était imputé sur l'article 8 relatif aux frais de la statistique.
L'honorable rapporteur a découvert là une monstruosité. Le gouvernement a reconnu que c'était une irrégularité à laquelle il avait été condamné par la nécessité ; non pas parce que le crédit de 202,000 fr., s'il avait été maintenu, était insuffisant, mais parce que ce crédit d'abord était descendu à 192,000 fr., et, en second lieu, parce la statistique, à laquelle on faisait payer 2,700 fr. pour les employés, était un service qui n'avait pas encore reçu sa constitution définitive. Or, maintenant que la statistique centrale est organisée, le ministre a pensé qu'il était temps aussi de faire rentrer dans le chapitre du personnel la partie du crédit du matériel qui avait été employée jusque-là à payer des employés, et il a dit à la section centrale : Il est juste que le personnel ait pour sa dotation un chiffre global dont on ne s'écarte jamais ; je demande donc le transfert d'une somme de 2,700 francs de l'article 8 à l'article 2.
L'honorable rapporteur de la section centrale a trouvé cela très bien. C'est très régulier, a-t-il dit. Mais savez-vous comment il a opéré ? Après avoir admis le principe du transfert, il n'accorde pas la somme nécessaire pour payer les employés, et il fait ce raisonnement : Vous avez 192,000 francs ; il vous reste sur ce chiffre 4,000 francs disponibles ; par conséquent le chiffre de 192,000 francs vous suffit pour payer les employés de la statistique.
Messieurs, cette manière de raisonner et de poser des chiffres peut avoir quelque chose de séduisant, quand on veut à tout prix justifier ce qu'on s'est mis dans l'esprit, c'est-à-dire un système d'irrégularité absolue contre lequel on ne saurait trop se récrier. Mais quand on entre dans la vérité des faits, on reconnaît qu'il n'y a pas la moindre irrégularité à reprocher au gouvernement, et que si l'on ne veut pas faire le transfert demandé, il faut qu'on laisse les choses dans l'état où elles sont.
On prétend encore qu'au département de l'intérieur, la répartition d'excédants trouvés disponibles se fait en général au profit des employés les plus élevés en grade, qu'on laisse de côté les employés inférieurs. Et un instant après, l'honorable rapporteur a été obligé de rendre hommage à l'emploi qui avait été fait par le ministre d'un excédant, à la provocation de la section centrale, d'après M. le rapporteur. Mais je puis lui donner l'assurance que le système qu'il croit nouveau est mis en pratique depuis longtemps. Il l'est par moi, depuis que je suis au ministère, c'est-à-dire que quand je trouve quelques fonds libres, je les répartis sur les employés qui souffrent le plus.
Messieurs, je crois qu'il est temps d'en finir avec une discussion qui ne peut aboutir à aucun résultat, pas même à une économie d'un centime ; et je termine par une réflexion que l'honorable rapporteur de la section centrale me permettra. C'est que lorsqu'il s'agit d'un personnel qui rend des services à l'Etat, on pourrait se passer de lui jeter à la face le mot de « bureaucratie » qui, s'il était employé dans un sens de mépris, devrait disparaître des discussions parlementaires.
Il me paraît que ce n'est pas là un moyen de reconnaître les services qu'on rend à l'Etat ; et quand on est obligé, d'une part, d'avouer que les services de ces employés ne sont pas récompensés d'une manière suffisante ; qu'au contraire leurs traitements sont réglés de la manière la plus modeste, on devrait, d'une autre part, s'abstenir de leur laisser croire qu'ils ne jouissent pas de la considération à laquelle ils ont droit. J'espère que l'opinion comme la justice de la Chambre saura leur rendre justice, alors même que l'honorable M. de Man persisterait dans les injustes préventions qui ont un instant obscurci son jugement à l'égard des employés du ministère de l'intérieur.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi, ouvrant au département de la guerre un crédit extraordinaire de 1,750,000 francs, destiné principalement à payer les travaux d'amélioration et d'achèvement du matériel de l'artillerie et du génie.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen des sections.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 2.
M. Rogier. - Je comprends ce que de pareils débats peuvent avoir de fastidieux pour la Chambre et le pays. Je sais particulièrement ce qu'ils ont de fastidieux pour ceux qui, comme moi, sont condamnés à y prendre part.
On pourrait laisser passer sans réponse la plupart des observations de l'honorable M. de Man ; on pourrait les tenir pour non avenues, si l'honorable M. de Man était un simple représentant, ce serait une opinion individuelle qui n'aurait aucune espèce d'importance. Mais l'honorable M. de Man n'est pas un représentant ordinaire ; c'est un rapporteur né de section centrale ; il nous l'a rappelé avec complaisance ; il est constamment investi des fonctions de rapporteur ; il joue donc un rôle important dans le parlement, et si l'on peut attacher peu de valeur aux observations de l'honorable M. de Man simple représentant, ces observations prennent un caractère plus relevé quand elles viennent, non pas de l'honorable M. de Man particulièrement, mais de l'honorable M. de Man, rapporteur de la section centrale. Voilà pourquoi je suis forcé d'entrer de nouveau dans la lice où l'honorable rapporteur m'a provoqué. Je demande pardon à la Chambre de ces débats fastidieux ; mais en conscience, il m'est impossible de rester sous le coup des accusations de l'honorable rapporteur de la section centrale.
Messieurs, je suis étonné que l'honorable M. de Man, qui se gendarme avec raison contre les accusations de mauvaise foi, persistent dans des erreurs tellement matérielles qu'elles sont inexplicables chez un homme de bonne foi.
Ainsi, il soutient que l'on a augmenté le personnel au département de l'intérieur depuis 1847.
Mais avant de produire cette assertion inexacte, qu'y avait-il à faire ? Il y avait à comparer l'état du personnel de 1847 avec l'état du personnel de 1853. J'ai fait cette comparaison ; qu'est-ce que je trouve ? En 1847, il y avait 115 employés, y compris les cinq concierges dont l'honorable M. de Man a parlé et que je n'ai pas nommés. Au mois de janvier 1854, il reste 97 employés, tout compris. Ainsi 18 employés de moins.
Voilà un fait irrécusable contre lequel toutes les recherches, toutes les nouvelles assertions de l'honorable M. de Man ne pourront prévaloir.
Il y avait donc au département de l’intérieur, qu'on accuse de vouloir étendre outre mesure son personnel, au 1er janvier 1854, 18 employés de moins qu'il y en avait en 1847, quand je suis arrivé au ministère. Conciliez donc ce fait, que je vous défie de contester, avec votre accusation d'une tendance du personnel de l'intérieur à toujours s'étendre.
L'honorable M. de Man prétend que, non pas les 18 employés de moins, il ne les admet pas, mais les 5 ou 6 employés de moins étaient des surnuméraires et qu'ils ont été remplacés par des chefs de bureau.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit que des expéditionnaires qui touchaient des traitements avaient été remplacés par des copistes auxiliaires.
M. Rogier. - Je ne descenderai pas dans ces petits détails. Je laisse l'honorable M. de Man en contact avec ce qu'il appelle la démocratie du ministère ; je demande, oui ou non, s'il existait au 1er janvier 1854, au département de l'intérieur, 18 employés de moins qu'en 1847, et je le défie de pouvoir...
M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai pas cet état de 1847 sous les yeux.
M. Rogier. - On accuse le ministère de 1847 d'avoir augmente le nombre des employés et on n'a pas consulté l'état de 1847 ! Mais cela n'est pas possible ; M. de Man aura voulu, sans doute, juger d'après les pièces, et ne pas s'en rapporter à quelques commérages des bureaux.
De la disparition de ces 18 employés il est résulté, messieurs, une économie de près de 38,000 fr. sur le crédit de 192,000 fr. et de ces 38,000 fr., 28,000 ont été répaitis entre les employés qui n'avaient pas le minimum ; j'en tiens ici le tableau nominatif ; mon successeur, l'honorable M. Piercot a réparti à son tour entre des employés qui se trouvaient dans le même cas, 9,000 fr. restés disponibles.
Il y a plus, et je prie la Chambre de faire attention à ce fait, l'honorable M. de Theux avait demandé en 1847 de porter à 202,000 francs le (page 479) montant des traitements de tous les employés, afin de faire cesser l'abus qui consistait a rayer un grand nombre d'employés sur des articles spéciaux ; l'honorable M. de Theux fit rentrer les traitements de ces employés dans l'allocation générale, et les paya sur l'article 2, porté à 202,000 francs, mais il ne parvint pas à faire rentrer tous les employés dans la régularité ; il y en eut plusieurs qui continuèrent d'être payés sur des articles spéciaux. Eh bien, messieurs, qu'ai-je fait ? J'ai fait rentrer ces employés dans la régularité.
Ces employés, dont l'un touchait 2,400 francs sur le budget d'une école normale, ces employés je les ai fait figurer parmi les employés rétribués sur l'article 2, tout cela en diminuant encore l'article 2 de 10,000 francs. L'honorable ministre de l'intérieur a dit hier et répété aujourd'hui que cette réduction de 10,000 fr. était une faiblesse ; je tiens, trop, messieurs, chez un ministre surtout, à la fermeté pour accepter ce reproche de faiblesse quelque bienveillant, d'ailleurs, qu'il puisse être dans la forme. Je n'ai point commis une faiblesse en 1848 ; je trouvais qu'avec 192,000 fr. il était possible de rétribuer convenablement le personnel du ministère de l'intérieur, et cela est tellement vrai que depuis lors 38,000 francs ont pu être économisés sur ce crédit.
Qu'on décide maintenant si c'est avec raison qu'on est venu m'accuser d'avoir accru le personnel ? Sur vingt employés qui ont cessé d'appartenir au département je n'en ai remplacé que deux, et des deux employés nouveaux l'un avait reçu le diplôme de docteur en droit avec distinction.
J'ai régularisé la position de deux employés qui étaient, sous mes prédécesseurs, rétribués sur des articles spéciaux, j'ai réparti 28,000 fr. entre des employés qui n'avaient pas le minimum de leur traitement et j'ai laissé disponible une autre somme qui a été répartie entre les employés par mon honorable successeur.
L'honorable M. de Man m'adresse un singulier reproche ; il paraît que j'aurais négligé ce qu'il appelle la démocratie du ministère ; comment, messieurs, un ministre démocrate, comme disait l'opposition, négliger la démocratie. De pareils reproches ne peuvent se concilier ; si nous étions des ministres démocrates, des ministres même socialistes, nous devions avoir une tendance à favoriser la démocratie, à favoriser les petits. Voici la vérité : Nous avons tâché d'être équitable pour tout le monde, mais quant nous parlons de la démocratie des employés, nous n'entendons pas la démocratie de la paresse, de l'inertie, de l’incapacité, de l'envie ; quand nous trouvions parmi les employés inférieurs des hommes capables, pleins de zèle, de dévouement, d'intelligence, à ceux-là nous nous empressions de donner de l'avancement, et c'est ce qui a eu lieu, c'est le fait qui nous a été reproché encore tout à l'heure.
Voilà comment nous entendons le gouvernement démocratique. Quant aux petites jalousies, à l'envie, aux commérages de certains employés d'un ordre inférieur, qui n'ont rien fait pour mériter de l'avancement, nous laissons volontiers la popularité qui s'attache à leur fréquentation ou à la protection qu'on peut leur accorder, nous laissons volontiers à d'autres cette popularité tout entière.
Toujours en demandant pardon à la Chambre de prolonger cette discussion qui doit nécessairement la fatiguer, je désire encore dire quelques mots.
Après l'organisation de l'honorable M. de Theux, j'ai trouvé le service de santé érigé en direction spéciale, il y avait une division du service de santé ; l'honorable M. de Man nous apprend que cette direction se composait d'un directeur. Voilà, il faut l'avouer, une singulière espèce de division composée d'un chef ; c'est comme qui dirait une armée composée d'un général, un régiment composé d'un colonel.
Mais ceci est encore une erreur. Il y avait trois employés, un chef de division qui était en même temps inspecteur, et deux autres employés ; c'est l'organisation que j'ai trouvée ; j'ai reconnu que cela ne suffisait pas ; j'ai pensé qu'une direction, composée de trois employés, y compris le chef, pouvait utilement être réorganisée. Qu'ai-je fait de cette division vide ? Je l'ai remplie ; j'y ai introduit la voirie vicinale, service dont l'importance est devenue extrêmement importante depuis un certain nombre d'années, le service sanitaire d'autrefois et l'hygiène publique ; de tout cela j'ai fait une division solide, dont les travaux ont été reconnus utiles par tout le monde.
Cette division est très occupée dans l'intérêt du pays ; et à la tête de la division j'ai nommé un employé inférieur auquel je me suis félicité tous les jours d'avoir donné un avancement rapide ; je l'ai trouvé premier commis, je l'ai nommé chef du bureau de la voirie vicinale, et je l'ai finalement fait nommer chef de la division de la voirie vicinale, de l'hygiène publique et du service sanitaire. Je n'ai donc pas nommé un nouvel employé ; j'ai fait avancer un chef de bureau au rang de chef de division.
El l'inspecteur du service de santé, nommé directeur inspecteur par M. de Theux, est resté inspecteur du service de santé.
Voilà les changements qui ont eu lieu, et quand l'honorable M. de Man, de son autorité, institue 9 chefs de service, il se trompe : il n'y a pas 9, mais 8 divisions, nombre fixé par l’honorable M. de Theux.
Ces 8 divisions ont continué à subsister ; seulement un inspecteur, qui était en même temps directeur, est resté inspecteur et il a laissé le poste de directeur à un chef de bureau qui avait mérité un avancement.
Tout cela s'est fait sans augmenter les charges du budget. L'inspecteur du service de santé continue d'être payé sur l'article 2.
L'honorable M. de Man, toujours à la recherche des abus, n'est pas revenu sur une assertion déposée dans son rapport, à savoir que j'aurais violé le règlement, en ce sens que j'aurais irrégulièrement fait nommer un employé à un grade supérieur. L'honorable M. de Man a dû reconnaître son erreur : l'article 19 du règlement autorise le ministre de l'intérieur à nommer, sans qu'il ait à justifier de deux ans de service dans un grade, un employé à un grade supérieur.
J'aurais encore beaucoup de choses à dire. Mais je crains que la chambre, et avec raison, ne trouve que ses moments pourraient être plus utilement employés que par toutes ces accusations et ces justifications.
Je finirai, comme j'ai commencé, en disant que si l'honorable M. de Man parlait en son nom personnel et privé, je l'ai tant de fois réfuté que je prendrais sur moi de ne plus le réfuter, d'abandonner ces questions à l'appréciation de la Chambre et du pays ; mais comme l'honorable M. de Man parle au nom de la section centrale, qu'il est revêtu dès lors d'un rôle dont il revendique l'importance, j'ai dû m'adresser à M. le rapporteur de la section centrale, et par là se trouve justifiée quelque peu la longueur de ces débats que je n'ai pas provoqués.
Chaque fois que je me trouve en lutte avec l'honorable M. de Man, c'est par suite des attaques qu'il dirige contre moi.
Voilà plus d'un an que j'ai quitté le ministère et c'est toujours à recommencer ; je ne sais combien durera encore le système des récriminations. Mais chaque fois que l'honorable M. de Man parlera ici, au nom de sections centrales ou de commissions, et qu'il dirigera des accusations contre moi, je croirai de mon devoir de les repousser, quelque ennui qui puisse en résulter pour la Chambre et pour moi-même.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur, en répondant au discours que j'ai prononcé au commencement de la séance, s'est écrié : Quel est le but, quelle est l'utilité du discours que vient de prononcer le rapporteur de la section centrale ? Je m'en vais le lui dire.
Vous savez, messieurs, la violence avec laquelle a été attaqué le rapport de la section centrale ; dès lors, est-ce qu'il m'était possible de ne pas prendre la parole pour me défendre ? Je trouve donc fort drôle que l'honorable ministre de l'intérieur n'ait pas compris la nécessité du discours que j'avais à prononcer aujourd'hui.
Au reste, qui est-ce qui a attiré la Chambre sur le terrain de l'article 2 ? C'est l'honorable M. Rogier dans la séance d'avant-hier, qui se hâtait de déclarer, avec une assurance imperturbable, que le rapport de la section centrale était entaché d'une foule d'erreurs. Ces erreurs, j'en ai fait justice, elles n'existent pas en fait. Il en est une seule cependant que l'honorable M. Rogier prétend exister encore, et je répondrai.
L'honorable ministre de l'intérieur conteste l'utilité de cette discussion. J'ai déjà expliqué quelle en était, non pas l'utilité, mais la nécessité. Il y a utilité, parce qu'il était indispensable d'établir que le chiffre de l'article 2 est suffisant. Or, je pense que vous reconnaîtrez que cette discussion n'a pas été inutile, puisqu'elle a provoqué, de la part du ministre de l'intérieur, la déclaration suivante : Le gouvernement vous demande-t-il quelque chose ? Demande-t-il qu'on augmente l'allocation de l'article 2 ? Il a donc déclaré que le chiffre de l'article 2 était suffisant. Après cette déclaration, il ne me restait plus qu'à m'asseoir ; j'ai obtenu un résultat important, le résultat que je poursuivais.
Je constate de plus que l'honorable M. Rogier trouve aussi cette allocation suffisante, il a déclaré qu'il avait fait, au moyen de réductions dans le personnel, une économie de 40 mille fr.
Je vous le demande, messieurs, si on est parvenu au département de l'intérieur à faire des économies s'élevant à 40,000 fr., comment se fait-il qu'on continue à avoir la mauvaise habitude, ce sont les termes dont s'est servi l'honorable M. de Brouckere en 1847, de chercher à accroître l'allocation destinée au personnel, en faisant des emprunts aux autres articles. (Interruption.) C'est positif. Que ceux qui m'interrompent examinent les cahiers d'observations de la cour des comptes, ils y verront s'ils ont des motifs pour m'interrompre. La cour ne cesse de combattre cet abus dans une correspondance active.
Je pourrais me rasseoir, je le répète, puisque le crédit est déclaré suffisant par le gouvernement lui-même. Je dépose cependant l'amendement suivant, qui n'est que la reproduction de celui proposé en 1846 par l'honorable M. H. de Brouckere. En voici les termes :
« Sans que le personnel de l'administration centrale puisse être rétribué sur d'autres fonds alloués au budget. »
Il me reste encore à m'expliquer sur une erreur que j'aurais commise. Le rapport de la section centrale contient la phrase suivante :
« L'article 18 de l'arrêté organique n'a pas été respecté non plus. Il veut que nul ne soit promu à un grade supérieur avant d'avoir été employé au moins deux ans, comme titulaire, dans un grade immédiatement inférieur. »
L'honorable M. Rogier prétend qu'en accordant un avancement très prompt à cet employé, il n'a pas contrevenu à l'article 18, parce qu'il existe un article qui permet un prompt avancement en faveur de ceux qui font preuve d'une capacité ou d'un dévouement extraordinaires.
Vous comprendrez, messieurs, qu'il est impossible de peser ici la valeur d'un homme, s'il a le poids requis pour mériter qu'on déroge en sa faveur aux règles établies.
Ce qui est positif, c'est que le gouvernement ne doit de l'avancement qu'à des hommes capables de rendre des services au pays.
(page 480) Mais voici ce que je persiste à soutenir, c'est que l'employé dont il s'agit, fût-il assez capable pour traiter « de omni re scibili », il n'en est pas moins vrai, que par cette nomination l'on a violé l'arrêté organique qui fixe à huit le nombre des chefs de service.
Vous aurez beau nier, l'état des employés annexé au rapport et produit par le gouvernement, indique qu'il y a neuf chefs de service, et l'arrêté royal en fixe le nombre à huit.
Il y a neuf chefs de service en y comprenant l'inspecteur général.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce n'est pas un chef de division.
M. de Man d'Attenrode. - L'inspecteur général est un chef de service, vous l'avez vous-même classé ainsi dans le tableau et vous avez eu raison.
Le prédécesseur de M. le ministre de l'intérieur a fait un pompeux éloge des modifications qui ont été introduites dans l'organisation de ses bureaux en 1850, c'est-à-dire de ses propres actes.
Voyons en quoi consistent ces actes pour apprécier cette mesure.
Avant 1850, la première division avait pour attributions les affaires communales et provinciales, la voirie vicinale et urbaine. On jugea à propos de décharger cette division d'une grande partie de ses attributions, et de constituer par ce moyen une nouvelle division, la sixième, qui n'existait que de nom.
Je n'ai pu comprendre l'avantage de cette nouvelle répartition. Il semblait, au contraire, convenable de laisser les affaires communales etl la voirie vicinale dans les mêmes bureaux, car on ne peut instruire une demande de subside pour les chemins vicinaux, qu'en connaissant la situation financière de la commune, qui réclame l'appui du gouvernement.
Il y a connexité entre ces deux genres d'affaires, et on les a séparés, je n'en comprends pas l'avantage.
Mais voici le motif véritable d'une mesure qui tendait à réduire la besogne de la première division : on destinait cette division à un chef de cabinet, chargé de pénétrer dans toutes les questions relatives au personnel des administrations communales du pays, chargé de procéder à une enquête sur les opinions et les qualités de toutes les personnes proposées pour les places de bourgmestres ou échevins.
On destinait cette division à un chef de cabinet destiné à rechercher, si tel convient plutôt qu'un tel, pour remplir les fonctions d'instituteur communal. L'on comprend qu'un homme occupé d'affaires si nombreuses devait être déchargé d'une partie des attributions confiées jusque-là à la division dont il devenait le chef.
M. Rogier. - Le gouvernement ne nomme pas les instituteurs communaux.
M. de Man d'Attenrode. - Si le gouvernement ne nomme pas les instituteurs communaux, il s'occupe néanmoins de ces choix par intérêt pour les communes ; les moyens ne lui manquent pas pour leur indiquer ceux qu'il préfère, et il en profite pour peser d'une manière considérable sur les nominations ; c'est un genre d'affaires qui exigent de longues instructions, aussi voilà ce qui motive le dédoublement de la première division.
M. le ministre de l'intérieur et son honorable prédécesseur ont soutenu que l'inspecteur général du service de santé était chargé d'attributions indispensables, fort utiles. Voyons quels sont ces services indispensables.
Quand une épidémie se déclare, ce sont les commissions médicales provinciales composées de médecins praticiens qui sont chargées de se rendre sur les lieux.
L'inspecteur général du service de santé est envoyé ensuite dans les mêmes communes pour inspecter la besogne accomplie par les commissions médicales, mais il lui est interdit de rien changer aux prescriptions ordonnées par les commissions médicales.
L'on se demande dès lors à quoi bon des inspections, faites par un fonctionnaire qui ne pratique pas la médecine pour surveiller les actes accomplis par les commissions médicales composées de docteurs en médecine, qui la pratiquent ?
Le bon sens indique que tout cela ne sert qu'à dépenser inutilement les ressources enlevées aux contribuables.
Puisque nous en sommes à parler du service de santé, je me permettrai de poser cette question à M. le ministre de l'intérieur.
Le gouvernement a cru convenable, en organisant l'Académie de médecine, de supprimer le conseil supérieur de santé en 1841, et le gouvernement avait raison, car ces deux institutions faisaient double emploi.
Je demanderai donc pourquoi on a organisé, en 1850 ou 1851, un conseil supérieur d'hygiène, qui est à peu près la reproduction du conseil supérieur de santé ?
Ce conseil supérieur d'hygiène est d'autant plus inutile, que l'Académie de médecine renferme une section d'hygiène.
L'hygiène est une science à laquelle s'accrochent les hommes dépourvus de pratique et sans spécialité ; l'hygiène est une science peut-être indéfinissable.
Je ne vois dans cette création qu'une nouvelle source de dépenses pour le trésor, et dont le pays se passerait bien sans se plaindre ; le pays n'en souffrirait pas plus que si l'on supprimait les inspections générales.
M. de Theux. - Je ne prends la parole que pour donner un mot d'explication sur l'organisation du département de l'intérieur, qui a été faite en 1846.
L'honorable M. Rogier a paru étonné de ce que j'avais créé une division qui avait peu d'employés. Mais je ferai remarquer que la division d'un département, à mon avis, ne doit pas être établie d'après le nombre des employés, mais d'après la nature des affaires à traiter. Ainsi, j'ai cru que les chemins vicinaux devaient rentrer dans les attributions de la première division qui traite de toutes les affaires provinciales et communales. Il me semble que c'est à cette division que devaient appartenir les affaires de chemins vicinaux qui devaient être traitées par un chef de bureau.
Quant au service de santé, qui avait été annexé à la première division, c'était un sujet de plainte de la part du fonctionnaire qui en est chargé, parce qu'il avait affaire à un supérieur qui n'y entendait rien. Cette réclamation m'a paru fondée, et j'ai cru nécessaire d'y faire droit. J'ai pensé que la direction du service sanitaire devait être confiée à un homme spécial, docteur en médecine, qui déjà était inspecteur du service de santé. Comme ses attributions étaient peu nombreuses, il pouvait remplir les deux emplois, traiter les affaires administratives au département et faire des tournées pour visiter les établissements d'aliénés, d'aveugles, de sourds-muets, et lorsqu'il se présentait, en province, des épidémies ou d'autres circonstances sur lesquelles le gouvernement désirait être éclairé.
Je crois que cette division était nécessaire ; car ce sont des affaires spéciales que celles du service de santé, et qui n'ont assurément rien de commun avec le traitement des affaires des chemins vicinaux.
Je regrette d'avoir dû faire ces observations à la chambre. Mais j'ai dû établir la division rationnelle de l'organisation faite en 1846.
Remarquez, messieurs, que depuis que je suis sorti du département de l'intérieur, j'ai évité, autant que je l'ai pu, l'occasion de prendre part aux discussions relatives à ce département. Je m'en suis abstenu par un sentiment de délicatesse, pour ne pas avoir l'air d'opposer personne à personne. C'est la ligne de conduite que je me propose de suivre encore à l'avenir, ne prenant la parole que quand la nécessité m'y contraindra.
M. Osy. - J'ai écouté avec attention toute la discussion qui a eu lieu sur l'article 2. Il en est résulté, pour moi, la conviction que si nous pouvions apporter, dans la discussion des budgets, la même activité, le même zèle qu'y met l'honorable rapporteur, ils seraient beaucoup moins élevés qu'ils ne sont aujourd'hui. Je rends donc grâce à l'honorable M. de Man des recherches, qu'il veut bien faire dans l'intérêt du pays.
Il est vrai que la section centrale nous demande la même somme que M. le ministre de l'intérieur pour l'article 2 « Personnel ». Mais M. le ministre de l'intérieur ne nous avait pas dit qu'à l'article 9 il demandait 2,700 fr. pour le personnel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'en ai demandé le transfert à l'article 2.
M. Osy. - Mais l'honorable rapporteur nous prouve que 4,700 fr. sont disponibles à l'article 2, et par ce motif il refuse à l'article 9 l'augmentation que demande le gouvernement. Nous nous expliquerons lorsque nous serons arrivés à cet article. Mais je pense que l'honorable M. de Man a parfaitement fait d'expliquer pourquoi la somme que propose la section centrale étant la même que demande le gouvernement, il y a cependant 4,700 fr. qui dépassent les besoins réels.
M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il y avait deux emplois vacants qui avaient permis d'améliorer la position de certains employés. Je ferai remarquer que lorsque nous avons demandé qu'il y eût pour chaque ministère des arrêtés organiques, nous avons demandé que l'on procédât régulièrement. Il y a des maximum et des minimum ; il n'est pas nécessaire d'accorder à tous le maximum qui ne doit être accordé que dans des circonstances exceptionnelles. Seulement l'on ne doit jamais dépasser la limite fixée par les arrêtés organiques. En bonne administration, le gouvernement doit faire autant d'économies que possible. Sous ce rapport, j'engage le gouvernement à ne pas faire des dépenses inutiles.
J'appuie le libellé proposé par l'honorable M. de Man, dont le but est d'empêcher que des dépenses concernant le personnel soient imputées sur l'article « Matériel ». En 1846, nous avons jugé convenable, d'après le rapport sur le budget de l'intérieur, fait par M. H. de Brouckere, d'adopter le libellé que propose l'honorable M. de Man.
Je trouve que ce libellé doit non seulement être voté aujourd'hui, mais qu'il doit être maintenu pour tous les budgets. Souvent, on admet un principe dans un budget, et l'année suivante on l'oublie. Cependant lorsqu'on a décrété un principe (car ce sont des principes), je crois que le gouvernement doit nous présenter le budget avec les principes qui ont été admis par la Chambre. Alors, la Cour des comptes sait à quoi s'en tenir.
Je crois que le gouvernement doit se rallier à l'amendement que propose l'honorable M. de Man, et qui, je l'espère, sera adopté par la Chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il est vraiment regrettable que la confusion qu'on a fait naître au sujet de cet article soit telle qu'elle entraîne à l'erreur un esprit aussi juste que celui de l'honorable M. Osy.
Cet honorable membre nous dit : Vous avez plus d'argent qu'il ne (page 481) vous en faut, puisque vous pouvez donner à tous le maximum. Respectez l'arrêté organique. Je réponds que, à mon tour, l'arrêté organique est respecté à tel point, que tous les employés n'ont même pas le minimum déterminé par cet arrêté. Je demande qu'on le respecte en ce sens qu'on nous permette de donner le minimum du traitement aux employés qui ne l'ont pas encore atteint.
J'ai dit et répété à la Chambre que les faibles économies que j'étais parvenu à faire, je les avais employées à porter au minimum quelques-uns des employés qui ne l'avaient pas encore. Vous ne pouvez trouver là un grief ; car, pour la Chambre, la première chose sans doute est de rentrer dans l'arrêté organique. C'est ce que j'ai fait : des emplois étaiennt vacants, j'ai imposé à des employés un surcroît de besogne, et j'ai augmenté quelques employés qui ont ainsi obtenu le minimum du traitement de leur grade.
Quant à la crainte que l'on n'impute sur le matériel des dépenses concernant le personnel, vous avez dans la loi de comptabilité la meilleure garantie. La cour des comptes ne liquide pas les mandats qui ne correspondent pas parfaitement à leur destination.
M. Osy. - Parfois elle liquide par lassitude.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Elle ne liquide pas par lassitude, mais à la suite d'explications quand elles lui paraissent plausibles. Ces occasions deviennent d'ailleurs fort rares, car depuis que le crédit a atteint le chiffre que vous connaissez, le département est rentré dans la voie normale.
Maintenant, indépendamment de ce que cet amendement est complètement oiseux, qu'il ne répond absolument à rien, je vous prie seulement d'en différer l'examen, si vous croyez qu'il doive être pris en considération, jusqu'à l'article 9. Cet article, contrairement à ce que dit l'honorable M. Osy, n'est l'objet d'aucune augmentation. Je ne demande pas d'augmentation ; je demande que les choses restent dans l'état où elles étaient ; mais à condition qu'on ne m'empêche pas de payer sur ce fonds les trois employés qui l'ont été jusqu'ici, à moins que l'on ne détache de ce fonds ce qui a servi à payer ces trois employés pour le reporter à l'article 2.
Or, l'honorable rapporteur veut bien que l'on supprime de l'article 9 la somme de 2,700 fr., mais il ne veut pas qu'on reporte cette somme à l'article 2. Je demande dans ce cas de quelle manière je pourrai payer les trois employés dont il s'agit ?
M. Rogier. - L'honorable M. de Theux me paraît avoir critiqué le changement d'attributions qui a eu lieu au ministère après son départ. Il trouve que la voirie vicinale ne se concilie pas avec le service de la santé publique. Je me permets d'être en désaccord avec lui sur ce point. Je crois que le service de la voirie vicinale se lie entièrement au service de l'hygiène publique ; que les travaux de la voirie vicinale, notamment dans les communes rurales, se lient intimement aux travaux d'assainissement ; c'est pour ainsi dire une seule et même chose.
Quoi qu'il en soit, je tiens que le service est parfaitement organisé et qu'il marche à la satisfaction générale.
L'honorable M. de Theux avait en effet créé, en 1847, une division de la santé publique. L'honorable M. de Man vous a dit qu'elle se composait d'un seul chef, qui, en effet, avait très peu de chose à faire. Le service de cette division s'est accru de la voirie vicinale et de l'hygiène, et aujourd'hui ce service est complet.
Je sais que l'on trouve que c'est peut-être une utopie de s'occuper d'hygiène. L'honorable rapporteur qui a des pierres pour tout le monde, vient d'en jeter une au conseil supérieur d'hygiène, présidé par l'honorable miunstre des finances en qualité de gouverneur du Brabant. Il trouve que ce conseil d'hygiène est inutile, qu'il est une superfétation.
Eh bien, je ne répondrai que deux mots : Ce conseil d'hygiène a déjà rendu de grands services, et s'il a contre lui l'opinion de l'honorable M. de Man, je dirai que dans une circonstance solennelle, à l'époque du congrès d'hygiène qui s'est réuni à Bruxelles, il a eu pour lui les éloges, les remerciements de tous les savants, de tous les médecins accourus à ce congrès des diverses parties de l'Europe.
Le conseil supérieur d'hygiène a contre lui l'honorable M. de Man : il a pour lui l'opinion d'une grande partie des savants de toutes les parties de l'Europe ; je pense qu'il y a compensation suffisante.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le président, il serait peut-être nécessaire de joindre à la discussion de l'article 2 celle de l'article 9. Le gouvernement a demandé un transfert de 2,700 fr. de l'article 9 à l'article 2. Si la Chambre adopte le transfert, l'article 2 devra être augmenté de 2,700 fr.
- La Chambre décide que les articles 2 et 9 seront compris dans la même discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, dans le cours de l'examen qui a été fait entre la section centrale et le gouvernement, celui-ci a proposé de détacher de l'article 9 une somme de 2,700 fr. destinée à payer tous les employés de la statistique, division centrale. Je dois faire en peu de mots l'historique de ce crédit.
Jusqu'à présent les employés dont il s'agit ont été payés sur un fonds spécial, d'abord sur le fonds du recensement qui avait été créé en 1845, si je ne me trompe ; ensuite sur un fonds spécial de la statistique décennale.
Mais à partir de 1853, par suite de l'épuisement des fonds spéciaux, ces employés ont été payés sur l'article 9, important une somme de 8,000 francs. Comme le service de la statistique centrale est maintenant devenu un service régulier et normal, et que ces trois employés sont indispensables, qu'ils ont fait leur temps d'épreuve, il a paru au gouvernement qu'il était désormais inutile de payer sur un article du matériel des employés qui devraient prendre rang parmi les employés permanents de l'administration. Et j'ai eu l'honneur de proposer à la section centrale d'opérer un transfert.
L'honorable rapporteur nous a fait connaître qu'il était convenable de ne plus payer sur l'art. 9 une somme de 2,700 fr. ponr le personnel ; mais qu'il était utile de la transférer à l'article 2 ; c'est-à-dire que d'une part le gouvernement perdrait le moyen de payer sur l'article 9 la somme de 2,700 fr., et que, d'autre part, il n'aurait pas la possibilité de la payer sur le fonds du personnel.
L'honorable rapporteur dit : L'article 9 restera fixé au chiffre de 8,000 fr. parce que nous supposons cette somme nécessaire pour payer les frais de la publication des travaux de la statistique centrale, et pour qu'on ne puisse plus payer sur le même fonds les trois employés qui l'ont été jusqu'ici, nous proposons de supprimer les mots : « frais de rédaction » qui faisaient partie du libellé de l'article 9, mots à l'aide desquels la Cour des comptes pouvait liquider les traitements des employés sur l'article 9.
De sorte, qu'en résumé la position qu'on fait au gouvernement est celle-ci : On vous enlèvera une somme de 2,700 fr. avec laquelle vous avez payé jusqu'ici trois employés sur l'article 9, et d'aulre part vous ne retrouverez pas cette somme, par voie de transfert, à l'article 2, parce que selon la section centrale ou du moins selon l'honorable rapporteur, cet article 2 est suffisant.
Or, je ne reviendrai pas sur cette démonstration qui a été faite tantôt, que l'article 2 ne répondait pas même à tous les besoins ; dès lors, si je devais encore prendre sur cet article le traitement de trois emplojés, vous comprenez à quelles conséquences j'arriverais.
En deux mots donc, de deux choses l'une : ou l'article 9 restera rédigé dans les mêmes termes, en y comprenant les frais de rédaction, et par ce moyen la Chambre me permettra de payer les trois employés de la statistique sur ce crédit ; ou la Chambre reconnaîtra qu'il est plus régulier de faire du personnel une masse homogène recevant son traitement sur les crédits du personnel et elle consentira au transfert de 2,700 fr. ; de cette manière les choses seront régularisées.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je demande si l'ordre du jour appelle la discussion de l'article 9.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a demandé qu'on joignît la discussion de l'article 9 à celle de l'article 2. J'ai consulté la Chambre, qui y a consenti, et c'est par suite de cette adhésion que j'ai donné la parole à M. le ministre de l'intérieur sur l'article 9, comme sur l'article 2.
M. de Man d'Attenrode. - Puisque, d'après la déclaration que vient de faire M. le président, la Chambre consent à joindre la discussion de l'article 9 à celle de l'article 2 je vais dire quelques mots à propos de l'article 9.
M. le ministre de l'intérieur disait, il n'y a pas une demi-heure, que le crédit demandé à l'article 2 était suffisant, très suffisant ; il l'a répété plusieurs fois, et maintenant que je cherche à mettre obstacle à ce que l'on dépasse le crédit de l'article 2, il vient déclarer que ce crédit est insuffisant. Qu'est-ce que tout cela signifie ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non.
M. de Man d'Attenrode. - Vous dites non ; mais c'est évident.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une équivoque, rien de plus.
M. de Man d'Attenrode. - C'est une contradiction. Voilà ce que c'est.
Comment le gouvernement a-t-il procédé à l'égard de l'article 9 ? Le rapport de la section centrale l'explique, et c'est dans une note puisée dans les documents de la cour des comptes. L'article 9, depuis bien des années, comportait un crédit de 8,000 francs pour frais de publication et de bureau de la statistique.
Lors de la présentation du budget de 1853, le gouvernement inséra dans son projet, en quelque sorte, d'une manière furtive, le mot « rédaction » ; on n'y fit pas attention. Pourquoi le gouvernement procéda-t-il de cette manière ? M. le ministre de l'intérieur vient de l'expliquer : il y avait des fonds spéciaux qui étaient destinés je ne sais à quel usage, le gouvernement se permit de se servir des fonds spéciaux pour créer des positions à trois employés, et c'est pour cela qu'il inséra dans son budget le mot « rédaction ». Ce qui est extraordinaire, c'est que l'exposé des morifs du budget disait que cet article ne subissait aucune modification.
Eh bien, messieurs, voici ce qui va arriver si la proposition du gouvernement est admise. Le chiffre de l'article 2 sera sugmenté de 2,700 fr. ; le chiffre de l'article 9, qui est de 8,000 francs, sera réduit de cette somme et, comme il y a au département de l'intérieur une très grande impulsion vers la statistique, on viendra déclarer, l'année prochaine, que le crédit de l'article 9 est insuffisant pour couvrir les frais de publication, les frais d’impression de la statistique. Voilà ce qui arrivera. Je me suis maintenant suffisamment expliqué, la Chambre jugera.
M. Osy. - Messieurs, la section centrale nous fait une proposition ; elle propese de retrancher du libellé de l'article 9 le mot « rédaction, » afin qu'on ne puisse pas imputer des traitements sur le crédit de 8,000 fr. Cette propositien, je la trouve très juste puisque le crédit de l’article 2 est destiné à payer les traitements de tout le personnel du ministère de (page 482) l’intérieur. Eh bien, M. le ministre de l'intérieur consent à la suppression du mot « rédaction » si le transfert qu'il propose est adopté. Pour moi, je pense qu'il est inutile d'opérer le transfert de 2,700 fr. qu'il serait facile de couvrir puisqu'il est démontré aujourd'hui qu'il y a une économie de 4,700 fr. sur l'article 2.
Les employés qui s'occupent de la statistique sont des employés du ministère de l'intérieur, déjà payés sur l'article 2. Je ne vois donc pas la nécessité d'augmenter cet article de 2,700 fr.
Pour ma part je voterai la proposition de lhonorable M. de Man qui consiste à interdire de payer des employés sur d'autres articles que l'article 2. En supprimant le mot « rédaction », nous sommes certains que les 8,000 fr. de l'article 9 ne pourront servir qu'au matériel et je suis persuadé que le gouvernement pourra très bien payer tous les employés du ministère de l'intérieur avec la somme qui figure à l'article 2.
Je voterai, à l'article 2, la proposition de l'honorable M. de Man et à l'article 9 je voterai le retranchement du mot « rédaction ».
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il ne suffit pas d'être persuadé qu'on peut payer, il faut avoir de l'argent pour payer. L'honorable M. Osy a beau dire que le gouvernement parviendra à payer. Il ne reste pas, actuellement, un centime disponible, puisque la somme de 4,700 fr. a dû être consacrée à donner à plusieurs employés le minimum de leur traitement, et si l'opinion de l'honorable M. Osy pouvait prévaloir, il serait impossible de payer les trois employés appartenant à la statistique.
L'honorable M. de Man a dit tout à l'heure que les mots « frais de rédaction » ont été introduits « furtivement » dans le budget de 1853.
C'est encore une de ces aménités que nous sommes habitués d'entendre dans cette discussion, mais que la Chambre, j'en suis sûr, ne prend pas au sérieux.
Voici pourquoi ces mots ont été introduits : trois employés de la statistique avaient été payés jusqu'en 1853, d'abord sur un fonds spécial qu'on appelait fonds du recensement général du royaume, et, en second lieu, sur le fonds de la statistique décennale pour laquelle la Chambre avait ouvert un crédit spécial. Ces fonds étant épuisés, on a introduit le, mot « rédaction » dans le libellé de l'article 9, non pas furtivement, mais en déclarant à la Chambre qu'on était obligé de le faire afin que le gouvernement pût continuer à payer les trois employés dont il s'agit.
Voilà, messieurs, ce qui a été fait, et, je le demande, cela mérite-t-il le mot si malsonnant que vous avez entendu ?
M. Prévinaire. - Pour tous les membres de la Chambre qui ont suivi avec attention l'affectation des crédits, il est certain que depuis plusieurs années il a été entendu qu'une partie des frais de la statistique, même en ce qui concerne le personnel, serait imputée sur l'article 9 du budget. Cela est hors de doute et la chose est assez naturelle : on a voulu isoler les frais de la statistique des dépenses de personnel proprement dites. Aujourd'hui cependant que cette administration est entrée dans une phase régulière, qu'on peut la considérer comme ayant une organisation presque normale, il me semble qu'il y a lieu de réunir au chiffre du personnel ce qui concerne les employés de la statistique. Sous ce rapport, donc, je partage l'opinion de M. de Man, qu'il convient de rétribuer les employés de la statistique sur l'article 2. Mais comme conséquence de cela, je suis d'avis qu'il faut augmenter la somme nécessaire pour payer ces employés. En effet, le crédit de l'article 2 est insuffisant pour donner à tous les employés le minimum du traitement qui a été fixé par un arrêté royal organique, et je crois qu'il est de la dignité de la Chambre de fournir au gouvernement le moyen de remplir les engagements qui résultent d'un acte semblable.
M. David. - Messieurs, je demande qu'il soit bien entendu, en cas de rejet de l'amendement de l'honorable M. de Man, que la Chambre n'entend point, par là, modifier la loi de comptabilité. La cour des comptes pourrait interpréter le rejet de l'amendement en ce sens que la Chambre aurait autorisé le ministre à imputer certaines dépenses du personnel sur les allocations du matériel.
M. Rogier. - Messieurs, lorsque en 1847 la Chambre augmenta l'allocation de l'article 2 de plus de 50,000 fr., elle y ajouta la clause que les employés ne seraient plus payés sur des fonds spéciaux. J'ai fait voir que, malgré cette recommandation, des employés ont continué à êlre payés sur des articles spéciaux. Mais en insérant cette prescription, la Chambre a voulu mettre le gouvernement en mesure de l'exécuter, c'est-à-dire qu'elle a reporté à l'article 2 le montant présumé des traitements imputés sur des articles spéciaux.
Aujourd'hui si l'on veut continuer le même système ce sera peut-être encore une œuvre inutile, parce qu'il y aura toujours des services spéciaux qu'il faudra payer sur des fonds spéciaux ; si l'on veut continuer le même système, il faudra reporter à l'article 2 les traitements qui, au su et au vu de la Chambre, figurent à l'article 9. Sinon, M. le ministre de l’intérieur va se trouver, il vous l'a dit, avec trois employés sur les bras, sans pouvoir leur donner de traitement ; vous ne pouvez pas les supprimer ; s'ils ne figurent pas à l'article 9, ils devront figurer à l'article 2.
Mais si vous les faites figurer à l'article 2, vous augmentez le chiffre à perpétuité du montant du traitement des 3 employés.
Si, au contraire, vous les laissez à l'article 9, si le gouvernement est autorisé à imputer leur traitement sur cet article, vous avez au moins la chance de les voir disparaître du budget, après un certain temps, quand le travail sera simplifié. Si on les transfère à l'article 2, ils y resteront définitivement. Du reste, placez-les à l’article 2 ou à l’article 9, il faut, dans tous les cas, les maintenir quant à présent, puisque M. le ministre de l'intérieur déclare qu'ils sont indispensables et qu'il n'a pas aujourd'hui un seul centime dans son budget pour faire face à leur traitement, si ce traitement n'est pas reporté de l’article 9 à l'article 2.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - L'honorable préopinant vient de déclarer qu'il trouvait préférable de maintenir à l’article 9 les 2,700 fr. destinés à rétribuer trois employés qui travaillent dans le bureau de la statistique de l'administration centrale. Il se fonde sur ce que si ces 2,700 francs sont transférés à l'article 2, ce crédit devra rester à tout jamais, tandis que s'il est maintenu à l'article 9, il pourra disparaître quand les travaux statistiques seront réduits.
Je n'ai pas cette confiance. A voir l'entraînement qui existe pour la statistique, je suis convaincu que, loin de voir se restreindre les dépenses de la statistique, nous les verrons croître encore, je le crains.
D'ailleurs, comment l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur en 1848, vient-il patronner ici le principe de maintenir la confusion des dépenses destinées au matériel avec celles qui concernent le personnel ? C'est pendant qu’il était ministre, que son collègue le ministre des finances fit prendre, sous la date du 19 février 1848, un arrêté royal qui interdit de la manière la plus formelle, dans la rédaction des budgets, le mélange, dans un même article, des dépenses du personnel et de celles relatives au matériel. Il me semble que l'honorable M. Rogier devrait connaître cet arrêté. Il a été rendu sur la proposition de l'honorable M. Veydt.
J'estime que nous devons nous en tenir à cette prescription importante et indispensable pour donner à nos budgets toute la clarté et toute la régularité désirables.
J'insiste donc pour que l'on adopte la proposition de la section centrale, qui tend à empêcher que l'on n'impute les frais de personnel sur l'article 9.
Je ne donne pas mon adhésion au transfert des 2,700 fr. à l'article 2, parce qu'il ne faut pas donner plus d'extension aux travaux de statistique.
Quant à ma proposition, je ne comprendrais pas que l'honorable ministre s'y opposât ; c'est la reproduction fort simple d'une proposition faite en 1846 par son collègue des affaires étrangères, sur les instances de l'opposition, dont faisait partie l'honorable M. Rogier. Et cette disposition a été adoptée unanimement par la Chambre en 1847. J'espère trouver dans mes collègues la même unanimité en 1854.
Quant au transfert des 2,700 fr., soutenu avec tant d'insistance par le gouvernement, j'aurai l'honneur de faire remarquer à la Chambre que le budget de 1847 a déjà subi un transfert de la même espèce, et il s'est élevé à 17,250 fr. ; cette somme a été détachée de l'article de la statistique générale pour augmenter l’article 2, il me semble que cela doit suffire et qu'il faut mettre obstacle à cette progression de dépense, car, je crois vous l'avoir dit, si vous réduisez l’article 9, il deviendra insuffisant pour le matériel.
- La discussion est close sur l'article 2 et sur l'article 9.
M. le président. - Nous sommes en présence de deux propositions ; nous avons d'abord celle de M. le ministre de l'intérieur, qui tend à transférer de l’article 9 à l'article 2 une somme de 2,700 fr. ; nous avons ensuite l'amendement de M. de Man d'Attenrode dont j'ai donné lecture. Je pense que la Chambre ferait bien de mettre d'abord aux voix le transfert.
M. Dumortier (sur la position de la question). - Messieurs, il se trouve dans la Chambre plusieurs membres, et je suis de ce nombre, qui ne désirent pas cette exubérance de statistique qui tue nos administrations ; ceux-là ne sont pas soucieux de voter pour le transfert...
M. le président. - Vous voterez contre.
M. Dumortier. - Il faudrait d'abord mettre aux voix la question de savoir s'il y a lieu d'accorder cette augmentation.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne demande pas d'augmentation.
M. le président. - Dumortier, il ne s'agit pas d'une augmentation ; M. le ministre de l'intérieur demande que de l’article 9 on transfère à l'article 2 une somme de 2,700 fr.
M. Dumortier. - Cela revient toujours à ceci ; aux 17,500 fr. qui figurent aujourd'hui dans le budget de l'Etat pour payer les employés chargés de faire la statistique, nous ajoutons 2,700 francs.
M. le président. - C'est le fond. Vous avez la parole sur la position de la question.
M. Dumortier. - Je ne discute pas, j'expose.
M. le président. - Que demandez-vous ?
M. Dumortier. - Je demande que la question soit posée de telle façon que je puisse voter ; je demande qu'avant de mettre aux voix la question de savoir s'il y aura un transfert, on décide si le nombre des employés de la statistique doit être augmenté. Pour mon compte, je suis tout à fait contraire à cette augmentation.
M. Rogier. - On peut commencer par l’article 9 pour savoir si ces employés seront maintenus.
M. le président. - C'est ce que demande M. le ministre de (page 48) l’intérieur. Ceux qui ne veulent pas de l'article 9 voteront contre le transfert et contre l'article.
M. Osy. - Je pense qu'il vaudrait mieux ne voter sur le transfert que quand nous serons à l'article 9. Votons d'abord l'article 2. Quand nous aurons à voter sur les 8 mille francs destinés à la statistique, je me propose de soutenir que c'est une dépense inutile ; si la Chambre est de mon avis et décide que nous ne voulons plus donner 8,000 fr. pour la statistique, il n'y aura plus lieu de payer les employés chargés de la faire et par conséquent d'opérer de transfert ; si au contraire on maintient la dépense, on décidera que partie de la somme sera transférée à l'article 2.
M. le président. - La Chambre a décidé, sur la proposition de M. le ministre, qu'on réunirait les deux articles dans une même discussion, et cette discussion est close.
M. Dumortier. - Commençons par voter l'article 9.
M. Prévinaire. - Je ferai observer que l'amendement de M. de Man referme une question de principe et qu'on ne doit le voter que quand nous aurons déterminé le chiffre du crédit, car beaucoup de membres pourraient voter contre le principe posé dans l'amendement si leur vote devait entraîner une réduction de crédit, puisqu'on ne pourrait plus payer sur l'article 9 les employés de la statistique. Il faut avant tout voter sur les sommes nécessaires pour faire face aux besoins du service.
M. le président. - C'est pour cela que je propose de commencer par le vote de l'article 9 dont le ministre propose de détacher 2,700 fr. et de retrancher les mots « de rédaction ».
M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, ainsi que l'honorable M. Prévinaire vient de le dire, nous sommes saisis d'une question de principe et d'une question de chiffre ; la question de principe est celle-ci : faut-il réunir en un seul et même article tous les crédits destinés à rétribuer les employés de l'administration centrale ? Cette question est formulée dans l'amendement de l'honorable M. de Man. Je pense que pour procéder régulièrement, il convient de la résoudre, avant tout, sauf à fixer ensuite la somme nécessaire pour rétribuer les employés attachés aux services qui, quant au personnel, auront été réunis en un seul article ou qui continueront à être divisés en plusieurs articles, suivant la résolution qui aura été adoptée sur la question de principe.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'effet de cette manière de voter serait, en supposant que l'amendement de M. de Man fût adopté, de ne plus permettre de voter sur le maintien du libellé de l'article 9.
Le gouvernement propose deux choses, ou le transfert du personnel de l'article 9 à l'article 2, et la modification du libellé de l'article 9 ; ou le maintien du chiffre et du libellé de cet article 9 qui comprend les frais de rédaction.
Il est donc rationnel de commencer par voter sur le transfert ; s'il est repoussé, je demanderai qu'on vote sur le libellé tel qu'il est ; et en troisième lieu, on pourra voter sur l'amendement.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je pense qu'il faut adopter la proposition de l'honorable M. de Naeyer. Le mode qu'il propose me semble le plus naturel. Voici, messieurs, le cas dans lequel je me trouve personnellement. Je suis d'avis que la statistique que l'on fait au département de l'intérieur est peu utile ; j'en excepte quelques travaux ; je suis d'avis que non seulement elle est peu utile, mais qu'elle peut être nuisible. (Interruption.)
Je suis profondément convaincu de ce que jc dis : dans mes études, jen'ai jamais osé me servir des documents statistiques publiés par le département de l'intérieur ; je n'ai jamais osé puiser aux renseignements si volumineux et si coûteux que ce département a publiés au sujet du recensement agricole et industriel, par exemple, parce que je suis persuadé que j'aurais raisonné sur des données erronées. Eh bien, je ne veux pas d'une statistique qui est fausse. Une statistique fausse doit conduire à des résultats fâcheux.
Dans mon opinion donc, si on adoptait une autre voie que celle indiquée par l'honorable M. de Naeyer, je ne saurais comment voter. Je désire en premier lieu que toutes les allocations pour le personnel soient portées à l'article 2. C'est le principe que propose M. de Nayer de voter ; je le voterai, mais avant de voter sur le chiffre à porter à l'article 2 du budget, il faut que la Chambre se prononce sur l'ensemble de l'article 9. Lorsqu'elle aura décidé que les 8,000 fr. proposés à cet article continueront à figurer au budget, alors la question de principe relativement à la centralisation de tous les crédits pour personnel en un seul article étant tranchée, on fixera le montant de l'allocation à porter à cet article. Ceux qui partagent mon opinion concernant la statistique, voteront alors contre le chiffre de l'article 2 ; ceux qui sont d'un avis contraire, l'accepteront. En procédant autrement je me sentirais gêné dans mon vote.
M. Rousselle. - Je pense que la position de la question devrait être celle-ci : Retranchera-t-on de l'article 9 les mots : « frais de rédaction » ?
Le bureau de statistique du département de l'intérieur doit faire partie de l'administration générale.
Je désire donc que ce soit sur le crédit alloué pour l'administration centrale que les dépenses du bureau de statistique soient payées. En le décidant ainsi, nous aurons alors à examiner si le crédit de l'administration centrale est suffisant pour faire face à la charge ; si on le trouve suffisant, on retranchera la somme nécessaire de l'article spécial concernant les frais de statistique pour la reporter au crédit de l'administration centrale. C'est dans ce sens que je voterai, parce que je trouve que les frais de rédaction de la statistique générale font partie de l'administration centrale. En procédant de cette manière, toutes les consciences sont à l'aise. Ceux qui ne veulent pas de statistique rejetteront l'augmentation qui devrait s'opérer à l'article 2, par le transfert dont je viens de parler.
Quant à l'amendement de M. de Man, il est complètement inutile ; la cour des comptes ne peut faire autrement que de se refuser à autoriser le payement du personnel sur un article autre que celui qui lui est affecté par le budget.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je suis de bonne foi, et je tiens à vous le prouver.
Quand il s'agit d'un vote, la question doit être posée de manière à laisser à tout le monde la liberté de se prononcer. Je pense donc qu'on doit commencer par décider, comme le propose l'honorable M. Ch. Rousselle, la question de savoir si l'on effacera dans l'article 9 les mots : « de rédaction ».
Une fois cette question vidée, on devrait mettre aux voix la question de savoir si l'on transférera les 2,700 fr. à l'article 2.
Tout le monde sera parfaitement libre dans son vote. Ceux qui veulent réduire la statistique voteront contre le transfert. Ceux qui veulent son extension voteront pour.
Quand ces deux questions seront résolues, on mettra aux voix le principe que j'ai eu l'honneur de proposer et qui tend à fermer la porte aux imputations irrégulières.
Voilà la manière dont il faut procéder pour laisser à chacun la liberté de son vote.
M. Rogier. - La proposition de l'honorable M. de Man ne peut avoir pour but de mettre un terme à des imputations irrégulières. Ce fait n'est nullement établi. Je crois qu'il faudrait commencer par l'article 9 et je voterai pour, parce que je suis d'avis que cet article doit être maintenu tel qu'il est, et qu'aucun transfert ne doit être fait à l'article 2.
L'article 9 est destiné à rétribuer des employés non définitifs, des employés que j'appellerai flottants, qui sont appelés quand l'importance des travaux de la statistique l'exige. Si l'on transfère 2,700 fr. à l'article 2, ces employés seront transformés en employés définitifs et figureront à perpétuité au budget.
Dans l'intérêt de l'économie, je crois qu'il serait bon de laisser les choses comme elles sont.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je retire ma proposition.
- La Chambre consultée décide qu'elle commencera par statuer sur l'article 9.
La proposition de la section centrale tendant à supprimer les mots « de rédaction » est mise aux voix et adoptée.
La proposition faite par M. le ministre de l'intérieur de détacher 2,700 francs de l'article 9 et de les transférer à l'article 2 est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l'article 9 avec ie chiffre de 5,500 fr.
- Plusieurs membres. - Il n'a pas été discuté.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur avait demandé la jonction de la discussion sur l'article 9 à la discussion sur l'article 2. J'ai consulté la Chambre qui a donné son assentiment à cette proposition. Avec l'assentiment de la Chambre, j'ai ouvert la discussion sur les deux articles, et elle a été close. Si la Chambre veut rouvrir la discussion, libre à elle.
M. Roussel. - On n'a joint la discussion que sur la question du transfert.
M. Moncheur. - C'est ainsi qu'on l'a entendu.
M. Roussel. - On n'a pas dit un mot sur la statistique.
M. le président. - C'est qu'on n'a pas voulu en dire un mot, car on a pu avoir la parole. La Chambre veut-elle rouvrir la discussion ? Puisqu'il y a réclamation, je vais consulter la Chambre.
- La Chambre consultée décide que la discussion sera rouverte.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois dire à la Chambre que je n'ai pas une grande sympathie pour la statistique ; ce peu de sympathie pour la statistique vient précisément de ce que j'ai lu les documents statistiques publiés par l'administration ; et j'ai trouvé entre les uns et les autres des incohérences si grandes qui je me suis dit qu'elles étaient la source d'un grand nombre d'erreurs.
Cependant la Chambre a voulu qu'il y eût un bureau de statistique, et je n'y refuse pas mon vote. Mais, veuille- le remarquer, ce n'est pas l'existence du bureau de statistique qui est en question. C'est l'existence dune augmentation pour le bureau de la statistique. En d'autres termes, y a-t-il lieu oui ou non d'augmenter par la loi que nous avons à faire, le bureau de la statistique de trois employés ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une erreur.
M. Dumortier. - C'est ce que nous allons voir. N'avez-vous pas, dans l'article 2, 17,500 fr. pour le personnel de la division de statistique ? Vous les avez.
Quand on a opéré le transfert en 1847, on a transféré à l'administration (page 484) centrale le chiffre destiné au personnel de la division de statistique.
Maintenant ou nous propose de transférer également à l'article 2 le traitement de trois rédacteurs, de trois employés flottants, comme l'a dit l'honorable M. Rogier. C'est contre cette augmentation exubérante du personnel de la statistique que je m'élève de toutes mes forces.
Maintenant, comme M. le ministre de l'intérieur m'a dit que j'avais commis une erreur, je veux lui citer les noms des trois employés dont il s'agit... (Interruption.) Messieurs, je dois réclamer contre l'imputation que j'aurais commis une erreur, quand il s'agit d'un fait qui est à ma connaissance.
Il est donc constant que déjà aujourd'hui le bureau de statistique existe, et que son personnel est payé sur le chiffre de l'administration centrale. Faut-il y adjoindre ces trois employés chargés de travaux de rédaction, et que l'honorable M. Rogier appelait avec infiniment de raison des employés flottants ? Je conçois que dans un moment où l'on a fait des travaux extraordinaires, considérables, comme ce grand travail sur l'agriculture qu'a ordonné l'honorable M. Rogier, et qui, je crois qu'il l'avouera, n'a pas répondu à son attente, comme ce travail qui a produit les quatre petites brochures que vous connaissez, on ait dû prendre trois employés pour venir en aide au personnel ordinaire. Mais ce travail achevé, ces trois employés flottants cessent d'être nécessaires. Non seulement ils ne sont pas nécessaires, mais ils deviennent inutiles, ils deviennent dangereux.
Pourquoi, messieurs ? Parce que, vous ne l'ignorez pas, la statistique est le cauchemar de tous les bourgmestres, de tous les secrétaires communaux, de tous les procureurs du roi ; c'est le cauchemar de tout le monde. Eh bien ! je veux délivrer mon pays de ce cauchemar. (Interruption.)
Messieurs, je vous ai expliqué nettement ma pensée, et je crois que c'est celle d'un grand nombre de membres de cette assemblée. Il est incontestable que l'on accable les administrations communales, les bourgmestres, les secrétaires communaux, les procureurs du roi, de demandes de renseignements statistiques, qui, au bout du compte, ne servent qu'à faire dépenser beaucoup d'argent sans répondre par leur importance aux frais qu'ils occasionnent ; qui, comme je le disais tantôt, n'ont servi qu'à multiplier et à propager de graves erreurs.
Ya-t-il donc lieu de perpétuer ces abus dont tout le monde se plaint ? Mais évidemment si vous allez donner une position définitive à ces trois employés flottants que l'on a créés pour un travail extraordinaire, vous aller doubler, vous allez tripler les embarras que l'on donne aux fonctionnaires dans les provinces ; vous allez rendre leurs fonctions onéreuses, à ce point qu'ils y renonceront ; et je pourrais citer nominalement d'excellents bourgmestres de villages, des hommes qui remplissaient parfaitement et dignement leurs fonctions et qui ont prié le Roi d'accepter leur démission, uniquement pour les embarras incessants qu'on leur causait par des demandes de renseignements statistiques.
Messieurs, quand on ne trouvera plus à faire des travaux qui ont au moins une apparence sérieuse, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'on s'occupera de futilités. Pourquoi ? Uniquement pour maintenir des employés.
Eh bien ! quant à moi, je crois faire une œuvre excellente, une œuvre méritoire, en proposant à la Chambre la suppression de ces trois employés flottants qui n'ont été nommés que pour des circonstances extraordinaires, et dont le maintien ne pourrait avoir lieu sans causer d'immenses embarras, sans augmenter ce cauchemar qui pèse sur toutes les administrations publiques.
Au surplus, messieurs, si vous voulez avoir l'opinion de l'honorable M. H. de Brouckerc sur la statistique, je vais vous la donner :
« La section centrale admet également les chiffres de 17,250 fr. et de 6,000 fr., relatifs à la statistique générale et au service de santé. Mais si elle ne propose pas de réduction sur le premier de ces chiffres, c'est uniquement à cause du travail extraordinaire de statistique qui se fait en ce moment. »
Voilà ce que vous disait l'honorable M. de Brouckere, chef du cabinet, et ce que je viens de vous répéter.
« Elle pense, en effet, qu'il y a abus dans les demandes de renseignements statistiques dont on accable les administrations. En proposant la réduction du chiffre de 17,250 francs, elle eût particulièrement eu pour but de mettre le ministre en position de pouvoir résister aux propositions qu'il ne jugerait pas devoir amener des résultats réellement utiles, etc. »
Ainsi l'honorable M. de Brouckere reconnaissait déjà en 1847 que l'on accablait les administrations communales, et les administrations judiciaires d'une foule de demandes inutiles, d’une foule de travaux inutiles qui nuisent considérablement à la bonne marche de l'administration.
De plus, messieurs, est-il juste de vouloir encore augmenter ce chiffre de 17,500 francs que personne ne conteste ? Si vous voulez l'augmenter, votez la proposition de M. le ministre. Si vous voulez au contraire délivrer les administrations communales de ces embarras inouïs dont on les obsède, ayez le courage de résister à l'entraînement et vous supprimerez l'espèce de chancre qui ronge ces administrations.
M. Prévinaire. - Je crois que si l'honorable M. Dumortier avait assisté à la discussion, il se serait aperçu qu'il était dans une erreur complète, lorsqu'il parlait d'augmentation. Il ne s'agit nullement d'augmentation. Jusqu'aujourd'hui le budget de l'intérieur a fait face à une dépense nécessitée par un travail qu'il faut continuer ; c'est le travail des frais de rédaction de la statistique. L'allocation de ce chef figurait à l'article 9 ; il s'agit de la transférer à l'article 2, et c'est ce que la Chambre vient de décider ; la question est donc résolue.
A cette occasion, l'honorable M. Dumortier vient de faire une critique améie de la statistique en général. Il nous a dit qu'il avait peu de sympathie pour la statistique. Je comprendrais les critiques de l'honorable membre si elles portaient sur la nature des travaux statistiques ; mais vouloir au sein d'une Chambre pour laquelle les éléments statistiques de toute nature sont du plus grand prix, puisque la plupart de nos discussions sont basées sur des rapprochements statistiques ; vouloir, dis-je, contester l'utilité de la statistique, c'est une chose qui, vraiment, n'est pas sérieuse.
Je conviens avec l'honorable M. Dumortier que l'on a peut-être imposé aux communes des travaux extraordinaires sans utilité bien constatée. Mais est-ce à dire que, parce que la statistique n'aura pas toujours produit des effets utiles, il faille complètement y renoncer ? Messieurs, ce serait agir de la manière la plus imprudente.
Mon but, en prenant la parole, a surtout été de faire remarquer à la Chambre ce point sur lequel M. Dumorticr est revenu malgré le vote de la Chambre, qu'il n'y a pas augmentation de dépenses, il y a imputation d'une dépense d'un article du budget sur un autre : qu'il ne s'agit pas de donner à cette dépense une importance plus grande ; qu'il n'y aura pas développement des travaux actuels ; que les choses sont maintenues sur le pied où elles existent depuis plusieurs armées.
M. Verhaegen. - Je ne sais si je me trompe, mais je crois que nous discutons dans le vague. J'ai compris que deux questions avaient été décidées par la Chambre.
La première question était celle-ci : Retranchera-t-on du libellé de l'article 9 les mois : « frais de rédaction » ? La Chambre a décidé que ces mots seraient retranchés.
On a ensuite posé la seconde question : Transférera-t-on une somme de 2,700 fr. de l'article 9 à l'article 2 ? Et la Chambre a répondu affirmativement.
Je pense que tout était discuté. Cependant on a jugé à propos de rouvrir la discussion. Je ne sais pas trop pourquoi. Les deux votes sont acquis.
M. le président. - Il reste à voter sur l'article 9, dont le chiffre est réduit à 5,500 fr. ; il s'agira ensuite d'ajouter au crédit qui figure à l'article 2 les 2,700 fr. retranchés de l'article 9.
M. Verhaegen. - On a retranché de l'article 9 une somme de 2,700 fr. ; il reste donc à voter sur 5,500 fr., d'accord ; mais il n'en est pas moins certain qu'on a voté d'une manière positive le transfert de 2,700 fr. de l'article 9 à l'article 2. Il reste à voter sur l'article 2, je le veux bien ; mais on tomberait dans une singulière contradiction si, en votant l'article 2, on allait en retrancher les 2,500 fr. qu'on y a transférés. La réduction porterait alors sur les autres employés et non pas sur ceux dont il s'agissait à l'article 9 et dont on a admis le traitement lorsqu'on a voté le transfert.
M. le président. - En retranchant de l'article 9 le mot « rédaction » la Chambre a entendu que dorénavant les frais de rédaction seraient imputés sur l'article 2 ; et comme conséquence de la suppression de ce mot, on a détaché de l'article 9, pour la transférer à l'article 2, une somme de 2,700 fr. ; il reste à voter à l'article 9 sur le chiffre de 5,500 fr. et à l'article 2, sur la somme entière augmentée des 2,700 fr. retranchés de l'article 9.
M. Frère-Orban. - Il me semble que la confusion résulte de ceci : on suppose que l'on discute encore le chiffre de 2,700 fr., qui a été transféré à l'article 2 ; ce que l'on discute c'est le restant du chiffre de l'article 9 ; on met donc en délibération le point de savoir si l'on supprimera le travail après avoir conservé les employés.
M. Roussel. - Ill me semble, messieurs, que la contradiction dont l'honorable M. Frère-Orban vient de parler, n'est pas réelle ; nous sommes toujours libres de supprimer à l'article 2 les 2,700 fr. puisque nous n'avons voté que le transfert sans préjudice au vote de l'article 2.
Il ne faut pas se dissimuler, messieurs, que la Chambre est profondément divisée sur la question de l'utilité de cette exubérance de statistique et de l'abus qu'on en fait. Le parlement saisira, j'en suis sûr, l'occasion qui se présente de discuter cette question à fond. Tous les moyens de forme au moyen desquelles on voudrait esquiver une résolution de la Chambre ne peuvent gêner en rien notre liberté. Quant à moi, j'estime qu'il conviendrait qu'un bel et bon appel nominal décidât si l'on maintiendra ce développement excessif de la statistique qui fait réellement le désespoir des administrations communales, et même de certains membres de l'ordre judiciaire, car on oblige les membres de l’ordre judiciaire à fournir à chaque instant des renseignements de toute espèce ; les administrations des prisons doivent aussi tous les jours présenter une douzaine d'états sur les moindres mutations, sur les moindres mouvements qui s'opèrent dans ces établissements.
Il s'agit, messieurs, de savoir s'il n'est pas temps de ramener l'administration à son véritable rôle, qui est d'administrer et non pas de préparer des travaux fort erronés pour former une science assez problématique.
Telle est, messieurs, ma manière de voir ; mais j'admets parfaitement qu'on puisse ne point la partager ; je conçois fort bien qu'il y ait des hommes qui s'amourachent, passez-moi l'expression, de cette statistique immense que les véritables savants n'accueillent qu'avec défiance et de laquelle ils ne peuvent guère tirer parti. Que les partisans de ces (page 485) volumineux recueils et de ces laborieuses et stériles compilations défendent leur opinion, mais qu'ils nous permettent de défendre aussi la nôtre.
M. Verhaegen. - Ceux qui veulent esquiver la résolution de la Chambre sont ceux qui, après avoir voté le transfert de 2,700 francs de l'article 9 à l'article 2, ne veulent plus maintenant de ce transfert. Ils critiquent vivement la statistique, ils n'en veulent plus. Je ne puis partager cet avis : la statistique a son utilité ; si elle est mal organisée, si elle ne produit pas les résultats qu'elle doit produire, qu'on l'organise bien ; qu'on se plaigne de l'organisation de la statistique, mais qu'on ne se plaigne pas de la statistique elle-même.
Mais, messieurs, revenons-en à la véritable question. La Chambre a sans doute fait quelque chose de sérieux en supprimant à l'article 9 le mot « rédaction » et en transférant de cet article à l'article 9 une somme de 2,700 fr. La suppression du mot « rédaction » avait une portée ; car enfin il y en a beaucoup parmi nous qui, en votant cette suppression, avaient en vue de transférer les 2,700 francs à l'article 2. Ce qui le prouve, c'est que beaucoup de ceux qui avaient voté le retranchement du mot « rédaction », ont voté également le transfert. Ce transfert d'une somme déterminée, veuillez bien le remarquer, messieurs, a été voté d'une manière formelle.
Je sais bien qu'il reste encore à voter sur l'article 9 tel qu'il a été réduit, et sur l'ensemble de l'article 2 ; mais, entendons-nous bien ; qu'aurez-vous à voter à l'article 9 ? Une somme de 5,500 fr. pour le matériel, et, comme l'a fort bien remarqué M. Frère, si vous ne voulez pas de matériel, vous voterez contre le crédit qui le concerne, après avoir voté la somme nécessaire pour le personnel. Qu'aurez-vous à voter à l'article 2 ? Vous aurez à voter sur toute la somme et non pas sur celle de 2,700 fr. qui est déjà accordée d'une manière positive par le transfert de cette somme de l'article 2 à l'article 9. Maintenant si vous voulez réduire le chiffre de l'article 2, vous pourrez le faire, mais alors vous réduirez les traitements des fonctionnaires qui figuraient primitivement à l'article 2, car vous ne pouvez plus rien quant aux 2,700 fr. qui sont définitivement transférés à cet article.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis admettre le principe que vient de soutenir l'honorable préopinant et qu'avait soutenu avant lui l'honorable M. Frère, c'est-à-dire que nous ne pourrions plus voter sur le chiffre de 2,700 francs.
Ne sommes-nous pas ici pour voter le budget et quand avons-nous voté ce chiffre ? (Interruption.) Vous avez voté le transfert, c'est-à-dire la division de l'article. Voilà ce que vous avez voté.
Mais vous n'ayez pas voté le chiffre ; or, la Constitution vous fait un devoir de voter le chiffre ; vous ne pouvez vous abstenir de voter le chiffre, sans violer la Constitution. Il s'agit maintenant du chiffre, c'est à-dire de la question de fond. Le transfert n'a été qu'une question de forme. Les honorables préopinants voudraient-ils que la question de forme emportât la question de fond ? Ce serait une singulière manière d'argumenter.
La Chambre a décidé qu'il y aurait division de l'article, c'est-à-dire qu'on transférerait à l'article du personnel, ce qui se rapporte au personnel et qu'on maintiendrait à l'article du matériel ce qui appartient au matériel. Mais la Chambre n'a voté aucun chiffre. Il faut impérieusement qu'elle vote sur le chiffre de 2,700 fr. J'en demande formellement le rejet. Je désire soustraire nos administrations communaIes, notre magistrature à tous ces abus de la statistique qui ne finissent jamais.
M. de Theux. - Je demande si la Chambre considère le vote qu'elle vient d'émettre comme un amendement. (Oui ! oui !)
M. le président. - Il y aura dans ce cas un second vote.
M. de Theux. - Je pense, dès lors, qu'on ne devrait pas trop insister sur cet incident ; on pourra revenir là-dessus au second vote.
M. Rousselle. - Messieurs, nous avons décidé qu'on transférerait à l'article 2 du budget une somme de 2,700 francs. Quelle est la conséquence de ce vote ? C'est que si un membre de la Chambre ne propose pas à l'article 2 un autre chiffre, nous aurons à voter sur le chiffre de 192,000 francs, augmenté du montant du transfert, c'est-à-dire, sur le chiffre de 194,700 francs. Voilà donc la conséquence du vote que nous avons émis ; c'est qu'on ajoutera les 2,700 francs à l'article 2 qui n'a pas été contesté jusqu'à présent.
Maintenant il est libre à chacun de nous de proposer un chiffre global différent de celui de 194,700 francs. Si un membre propose un chiffre supérieur, nous voterons d'abord sur le chiffre supérieur ; si on propose un chiffre inférieur, nous ne voterons sur ce chiffre, s'il y a lieu, qu'après le vote sur le chiffre primitif augmenté des 2,700 francs transférés. Voilà, me paraît-il, le seul moyen régulier de sortir de l'impasse où nous sommes engagés.
M. Delehaye. - Messieurs, il est certain que la Chambre, en votant le transfert, a entendu que les trois employés dont il s'agit seraient compris dans l'article 2. Il est impossible de contester ce fait. De là résulte-t-il nécessairement que la somme restante de 5,500 fr. doive être maintenue ? Vous avez déclaré que les travaux de la statistique seraient exécutés par les employés généraux du département ; maintenant, que vous reste-t-il à déclarer ? S'il y aura des imprimés, des publications en aussi grand nombre que celles qui se font aujourd'hui.
On peut très raisonnablement contester l'utilité de quelques-uns de ces documents, en tant qu'ils sont livrés à l'impression. Il suffirait que cts travaux de statistique fussent rédigés et restassent déposés au ministère de l'intérieur, pour que chacun de nous pût les consulter au besoin. (Interruption.)
N'y-a-t-il pas à l'intérieur d'autres documents très importants que nous allons consulter et qui ne sont pas livrés à l'impression ? N'en est-il pas de même de la cour des comptes où nous allons prendre connaissance d'une infinité de documents qui ne sont pas imprimés ?
M. le président. - J'ai dit tout à l'heure que l'amendement serait soumis à un second vote. M. le ministre de l'intérieur me fait observer avec raison que cet amendement n'a pas été introduit dans la discussion pendant la séance ; il a été soumis à la section centrale par une lettre de M. le ministre de l'intérieur, mentionnée dans le rapport de M. de Man. Le gouvernement ne s'étant pas rallié aux amendements de la section centrale, la discussion a été ouverte sur le projet du gouvernement, projet modifié, en ce qui concerne l'article 9, par la lettre dont je viens de faire mention. Ainsi le transfert portant sur une proposition du gouvernement, introduite avant la discussion et adressée à la section centrale, ne doit pas être soumis à un second vote.
Mais en décidant que les frais de rédaction de la statistique seraient imputés sur l'article 2, la Chambre a laissé intacte la question de savoir s'il y aurait une statistique ; le vote a été hypothétique ; si la Chambre venait à se prononcer contre le maintien de la statistique, le transfert de 2,700 fr. devrait être considéré comme non avenu.
M. Tesch. - Messieurs, je ferai une seule observation ; c'est qu'il est évident que, quand on a voté un transfert, on a transféré quelque chose. Si on n'a pas entendu allouer définitivement les 2,700 francs, en les transférant à l'article 2, il ne fallait pas recourir à la voie du transfert, il fallait simplement voter sur le maintien ou la suppression des 2,700 fr. à l'article 9. Vous ne pouvez donc plus, à mon avis, remettre en discussion la question de savoir si l'article 2 sera augmenté de 2700 fr. ; cela est décidé par le transfert que vous avez \voté ... (Interruption.) Si vous le contestez, il en résultera que vous aurez voté le transfert d'une somme qui, en réalité, n'aura pas été transférée.
Du reste, la Chambre a évidemment le droit de rejeter la partie restante du crédit de l'article 9, c'est-à-dire les 5,500 fr. qui sont destinés au matériel. Maintenant en supposant que cette somme ne soit pas maintenue par la chambre, il y aurait peut-être à voir si, comme conséquence, il ne faudrait pas retrancher les 2,700 fr. destinés à payer les 3 employés ; mais ces 2,700 fr. ont été transférés à l'article 2. il y a eu un vote formel sur ce point. Vous ne pourriez peut-être revenir sur ce vote que pour le cas où la Chambre rejetterait les 5,500 fr.
M. Rogier. - Messieurs, la Chambre a le droit de supprimer l'allocation de la statistique. Mais ce que je ne concevrais pas, c'est qu'on mît aux voix par appel nominal dans le parlement belge la question de savoir s'il est utile pour un pays d'avoir ou non une statistique. Si cette question était résolue dans le sens des honorables adversaires de la statistique, ce vote nous mettrait à la queue de toutes les nations civilisées et rendrait le parlement belge la risée de toute l'Europe.
Eh bien, nous voterons par appel nominal ; mais une pareille question est trop importante et trop élevée pour être résolue accidentellement, au milieu de la triste et confuse discussion à laquelle nous assistons depuis deux heures pour savoir si deux employés seront payés sur l'article 2 ou sur l'article 9. Car voilà la question qui nous occupe depuis deux heures ; et ce serait à la fin d'une si misérable discussion qu'on irait trancher une question de cette gravité ! Si on veut supprimer le bureau de statistique, il faut que ce soit après un débat solennel ; ce n'est pas par surprise qu'on peut enlever cette proposition de suppression qui, j'espère, aura une solution négative.
Des dépenses considérables ont été faites sous le ministère de M. de Theux pour des recherches statistiques sur l'agriculture et l'industrie, les travaux faits ont coûté 300,000 ou 400,000 fr. ; il faut les entretenir si on ne veut pas que ce soient des dépenses inutiles ; il faut que des employés soient chargés de suivre les travaux. Si donc vous ne voulez pas que cette dépense ait été faite en pure perte, il faut conserver le bureau de statistique.
Indépendamment de la statistique qui a été faite sous l'administration de M.de Theux, on a dressé en 1850 un rapport décennal comprenant tous les faits qui intéressent la Belgique de 1840 à 1850.
On veut jeter ici un blâme sur ces travaux qui ont reçu l'approbation d'un grand nombre d'hommes compétents ; on répète, sans lesavoir lus, qu'ils ne contiennent que des erreurs ; on cherche ainsi à jeter un discrédit complet, sur des travaux qui ont occupé des esprits aussi laborieux qu'intelligents. Mais j'espère qu'ils trouveront d'autres défenseurs que moi, et que les membres de la commission qui siègent dans cette chambre voudront prendre la défense de ces travaux remarquables.
Il faut continuer les travaux du bureau de statistique au département de l'intérieur. Cette statistique peut exagérer son importance, je ne dis pas qu'on n'a pas envoyé quelques circulaires dont on aurait pu, à la rigueur, se dispenser, mais c'est là le tout petit côté de la question ; le grand côté de la question, c'est le résultat. Que M. le ministre recommande un peu de modération dans les demandes de renseignements afin qu'on se borne au strict nécessaire, soit, mais qu'on ne condamne pas le pays à l'obscurité complète, sous prétexte que par la statistique il n'est pas parfaitement éclairé ; j'aime mieux être aux trois quarts éclairé que de me trouver dans une obscurité complète, à l'exemple d'autres pays si voisins de la barbarie.
(page 486) Si on veut mettre en question l'existence de la statistique au département de l'intérieur, je demande qu'où en fasse l'objet d'une discussion spéciale, et qu'on renvoie cette discussion à demain ; on ne peut pas résoudre une pareille question à la fin d'une séance, alors qu'un grand nombre de membres n'y sont pas préparés.
Si l'on en venait à la suppression de la statistique, il faudrait retenir sur le vote qui a transféré à l'article 2 le traitement des employés attachés à la rédaction de la statistique, car ils n'auront plus rien a faire. Ils devront disparaître avec le bureau de statistique.
Je demande le renvoi à demain.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.