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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 3 juin 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1557) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Fall-Mheer demande que le concessionnaire du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht soit obligé de construire un embranchement de Bilsen à Liège par Tongres. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Hasselt vers Maestricht.


« Des électeurs à Crainhem, Saventhem, Wezembeek et Woluwe-St-Etienne demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton. »

« Même demande d'électeurs à Wamont. »

« Même demande d'électeurs à St-Georges. »

« Même demande du bourgmestre, d'un échevin et d'un conseiller communal de Cornimont. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des électeurs à Beersse demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Grandville demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Forville et Hemplinne demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes, qu'ils nomment chacun un représentant, et que les élections se fassent au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des détenus au dépôt de mendicité de Mons demandent que les dépôts de mendicité soient destinés chacun à une catégorie spéciale de détenus, et prient la chambre de rapporter la loi qui interdit la mendicité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Ninove prie la chambre d'accorder à la compagnie Houdin-Lambert la concession d'un chemin de fer destiné à relier le Hainaut aux Flandres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Tubize aux Acren.


« Le sieur Dantinne réclame l'intervention de la chambre pour faire révoquer l'ordre qui lui a été donné de remplacer le substituant de son fils, qui a été admis par le conseil de milice. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Nil-St-Vincent-St-Martin déclare adhérer à la demande du conseil communal et des habitants de Perwez relative à la concession d'un chemin de fer de Fleurus à Landen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer.


« Message du sénat faisant connaître l'adoption du projet de budget des voies et moyens pour l'exercice 1854. »

- Pris pour notification.

Rapport sur une pétition

M. David, au nom de la commission d'industrie, dépose le rapport sur une pétition par laquelle on demande l'exemption du droit d'accise sur le sel employé a la préparation des billes du chemin de fer.

Projet de loi relatif à la régularisation (trouver le bon titre)

Rapport de la section centrale

M. Rousselle, au nom de la section centrale du budget de la dette publique, qui a examiné comme commission le projet de loi relatif à la régularisation d'un chiffre de ce budget rendue nécessaire par la conversion des emprunts 5 p. c, dépose le rapport sur ce projet de loi.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Thiéfry, au nom de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi de crédit de 3,500,000 fr. au département de la guerre pour travaux de démolition de plusieurs places fortes et pour accroissement du matériel du génie et de l'artillerie, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien

Rapport de la section centrale

M. Mercier. - Messieurs, la section centrale s'est réunie pour examiner les divers amendements présentés au projet de chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien.

L'amendement de MM. de Portemont, de Naeyer et plusieurs autres honorables collègues tendait à substituer dans le projet de loi les mots : « vers Grammont ou vers les deux Acren » à ceux : « vers les deux Acren. » M. le ministre des travaux publics a présenté de son côté un amendement qui a pour objet de remplacer l'une et l'autre de ces indications par les mots : « Se dirigeant sur un point de la Dendre, à déterminer par le gouvernement. »

Les auteurs du premier amendement ont déclaré accepter celui de M. le ministre des travaux publics, tout en maintenant l'opinion que la direction vers Grammont est préférable comme étant le tracé indiqué par la situation des lieux et comme aboutissant à un centre de population considérable.

Un membre demande que la section réclame le rapport du conseil des ponts et chaussées, relativement au point de jonction du chemin de fer à celui de Dendre-et-Waes ; cette proposition n'est pas accueillie par la section centrale, deux membres se prononçant pour et deux contre son adoption.

L'amendement de M. le ministre des travaux publics est ensuite adopté par deux voix et deux abstentions.

L'amendement de M. Dumortier, portant la substitution du mot « Tubize » à celui « Braine-le-Comte », ayant fait l'objet des délibérations de la section centrale, a été repoussé par deux voix contre une et une abstention.

Des honorables membres de la section centrale ont appelé son attention sur la construction de lignes qui auraient pour but de faciliter l'écoulement des produits du couchant de Mons et du bassin de Charleroi vers Gand. Les autres membres, tout en désirant la réalisation de projets de cette nature, ont fait observer que la section ne pouvait s'occuper que des amendements qui lui étaient renvoyés par la chambre. Il n'a pas été donné d'autre suite à cette motion.

Proposition de loi

Retrait

M. le président. - La proposition qui avait été déposée hier sur le bureau et dont plusieurs sections avaient autorisé la lecture, vient d'être retirée par son auteur.

Rapport sur des pétitions

M. Trémouroux, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Groenendael à Nivelles, présente le rapport suivant. - Messieurs, vous avez renvoyé à l'examen de la section centrale, une pétition présentée par la société anonyme des chemins de fer de la jonction de l'Est.

Cette société proteste contre la concession d'un chemin de fer de Groenendael à Nivelles, et prie la chambre d'ajourner sa décision à ce sujet, ou tout au moins d'introduire dans le projet de loi une disposition conçue en termes généraux, qui ne présage point quels seront les tilulaires à la concession nouvelle, et qui laisse au gouvernement la faculté de ne se prononcer qu'après que les concurrents auront pu établir leurs droits et discuter leurs intérêts.

Ses conventions, dit-elle, lui accordent la préférence pour l'exécution des embranchements accessoires que le gouvernement décréterait, et la concetsion d'un chemin de fer de Groenendael à Nivelles, faite à une autre société, détruirait les principaux éléments de prospérité de la ligne de Manage à Wavre.

Eu section centrale, plusieurs membres font remarquer que la pétition n'est que la reproduction d'une note lue dans une des précédente réunions de la section centrale, qui s'est alors prononcée sur les questions qu'elle soulève, après avoir entendu M. le ministre des travaux publics.

Ils observent que tout en invoquant un droit de préférence a des embranchements accessoires, la société de Manage ne demande pas que le chemin de fer de Groenendael lui soit concédé, et que sa protestation n'a d'autre but, pour le moment, que de le faire ajourner.

Ils persistent d'ailleurs dans l'opinion que cette société n'a aucun droit de préférence sur le chemin de fer de Groenendael à Nivelles, et que, loin de lui nuire, cette nouvelle ligne lui sera avantageuse.

Le paragraphe 2 de l'article 43, disent-ils, lui accorde un droit de préférence pour la construction des embranchements accessoires qui seraient décrétés par le gouvernement.

Les embranchements accessoires dont veut parler ce paragraphe ne peuvent être que des lignes secondaires destinées à conduire a la ligne principale des voyageurs et des marchandises, dans la direction déterminée par le cahier des charges, et ainsi à rendre plus complet le but que l'on s'est proposé.

(page 1558) Or, quel est ce but ? C’est le transport des charbons du Centre sur le marché de Louvain. L'exposé des motifs de la loi de 1846 ledit expressément.

Si donc, ce qui ne peut avoir lieu, la ligne de Groenendael à Nivelles devait jamais être considérée comme un embranchement nécessaire à une autre ligne, ce serait bien plutôt à la ligne du Luxembourg qu'à celle de Manage, puisque le chemin de Nivelles à Groenendael ne dépend en aucune manière de celui de Manage pour atteindre son but : relier Nivelles à Bruxelles, tandis que c'est par la ligne du Luxembourg qu'il doit y arriver.

Aussi la section est-elle unanime pour reconnaître qu'en droit, mais en droit rigoureux seulement d'après un honorable membre, la prétention de la société de la Jonction de l'Est n'a aucun fondement.

Mais ce même membre n'est pas convaincu que cette société ni l'Etat ne souffriraient aucun dommage de la construction de cette ligne de Groenendael, et il déclare qu'il votera l'ajournement de ce projet et de tous ceux qui ne lui paraîtraient pas avoir été suffisamment instruits.

D'autres membres répondent que le chemin de fer de Groenendael ne nuira pas à celui de Manage à Wavre, qu'ils n'ont pas le même but, l'un se dirigeant vers Louvain et l'autre sur Bruxelles, qu'il lui sera utile en lui procurant de nombreux transports pour Braine-Lalleud, Waterloo, etc.

Ils ajoutent que, d'un autre côté, il résulte de toutes les pièces, de l'exposé des motifs, du cahier des charges et de trois conventions différentes, que la société de Manage à Wavre n'a jamais compté sur des transports vers Bruxelles. Cela est si vrai que dans la dernière convention du 28-30 août 1852, elle subordonne la construclion des sections entre Nivelles et Wavre à l'achèvement et à l'exploitation de la section de Wavre à Louvain, concédée à une autre société.

La proposition d'ajournement et d'enquête demandée par les pétitionnaires, est mise aux voix, elle est rejetée par quatre voix contre une.

La section centrale conclut au dépôt sur le bureau de ia pétition pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Groenendael à Nivelles.

- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien

Discussion générale

M. le président. - Voici un amendement qui vient d'être déposé par M. Ch. Rousselle :

« Ajouter à l'article unique, après les mots : « annexes à la présente loi, » ceux-ci : « et sous les modifications ci-après :

« Dans tous les cas où les lignes exploitées pour la compagnie aboutiront soit aux stations du chemin de fer de l'Etat, soit aux stations d'autres lignes concédées, la compagnie, indépendamment du prix de location auquel elle pourra être tenue pour l'usage de ces stations, devra supporter tous les frais et dépenses que nécessiteront les changements à y faire, tels que déplacement et augmentation des voies, excentriques, gares d'évitement et en général tous travaux quelconques que le gouvernement trouvera bon de prescrire pour la bonne et régulière exploitation des diverses lignes. »

M. Magherman. - Les longues discussions auxquelles a déjà donné lieu le projet de concession du chemin de fer de Tubize aux Acren n'a pas modifié mon opinion en ce qui concerne l'opportunité de renvoyer cette affaire à la prochaine session. Les différentes circonstances qui ont été révélées dans cette discussion me font croire plus que jamais qu'il est de notre devoir de prononcer cet ajournement.

D'abord la question si grave des droits de priorité qui pourraient revenir à M. Tarte ne me paraît pas suffisamment élucidée. Nous ne pouvons pas faire si bon marché de ces droits : notre réputation de moralité en recevrait une atteinte grave ; l'exactitude de plusieurs faits allégués par M. le ministre est contestée et je prie l'honorable ministre d'examiner avec un soin nouveau tout ce qui a rapport à cette question.

Ensuite, il est extrêmement important que la décision que nous allons prendre ne porte pas préjudice à l'exécution d'une ligne plus étendue.

L'honorable M. de Naeyer vous a démontré avec beaucoup de talent, tous les avantages que la ligne de Braine-le-Comte à Grammont est appelée à rendre à cette ville et à la vallée de la dendre. Je ne conteste pas ces avantages ; je crois qu’ils sont réels. Mais ces avantages ne seront aucunement compromis, en les étendant à d’autres localités qui en sont encore totalement privées, qui ne sont pas dans une condition aussi avantageuse que celle que possède déjà Grammont. Il ne s’agit pas de savoir si Grammont est plus important que Renaix ou si Renaix est plus important que Grammont, là n’est pas la question ; nous sommes ici pour sauvegarder tous les intérêts.

Grammont a déjà l'avantage d'être situé sur ia Dendre, de jouir du bénéfice d'un moyen de transport très économique ; dans quelques mois cette ville sera en possession du chemin de fer de la Dendre. Si, en outre, Grammont peut jouir encore de l'avantage d'être de point de jonction du chemin de fer allant de Braine-le-Comte à la Dendre, je ne m'y oppose pas, pourvu que ce point de jonction ne soit pas un obstacle à l'exécution d'un projet d'un intérêt plus général et qui doit desservir un plus grand nombre d'intérêts.

Et ici je dois un mot de réponse à l'honorable rapporteur de la section centrale qui avance que ma proposition d'ajournement n'est basée que sur une erreur.

J'avoue, messieurs, que j'étais en erreur sur un point. Je croyais, et un honorable membre qui est un des plus chauds défenseurs du projet de MM. Zaman et Coppens, partageait ma conviction, que l'intention de ces messieurs était d'étendre leur ligne vers Renaix.

Ma conviction je croyais l'avoir puisée aux sources les plus sûres. Eh bien, messieurs, je dois à la vérité de dire que j'étais dans l'erreur ; je n'aurai jamais rien de plus pressé en toute circonstance, que de rendre hommage à la vérité. M. Zaman vient de m'informer que telle n'est pas son intention ; dans sa manière de voir, sa ligne est complète par sa jonction à la vallée de la Dendre, elle s'y arrêtera.

Mais s'ensuit-il, comme le dit l'honorable M. Mercier, que le point de ralliement que j'ai en vue n'est qu'une simple fiction ? Non, messieurs, et l'honorable ministre des travaux publics pourra attester la vérité de ce que j'avance. Est-il vrai, oui ou non, que la société concessionnaire de la ligne de Gand à Audenarde a demandé de continuer sa ligne par Renaix vers Lessines ? Si cela est vrai, il importe aussi bien dans l'intérêt du succès de la ligne de Braine-le-Comte à la Dendre, que dans celui de Gand par Audenarde et Renaix vers la Dendre, que ces deux lignes se rencontrent, et voilà l'un des motifs pour lesquels je demande l'ajournement.

M. de Naeyer prétend que cette rencontre peut avoir lieu à Grammont aussi bien qu'à Lessines.

C'est possible, mais j'en doute ; une vérification sur les lieux mêmes par des hommes de l'art, peut lever ces douies. Tous ceux qui connaissent les localités sont d'accord pour dire que les difficiles dans la direction de Grammont sont beaucoup plus grandes que celles vers Lessines.

Messieurs, il y va de l'avenir, comme mon honorable ami Vander Donckt et moi avons déjà eu l'honneur de le dire, du chemin de fer de Gand à Audenarde, sur lequel l'Etat garantit un minimum d'intérêt.

Tout en abondant dans le sens de l'excellent discours prononcé hier par l'honorable abbé de Haerne, je ne puis admettre ses conclusions ; la mauvaise direction d'un des aboutissants de la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai peut compromettre le sort de toute la ligne ; un ajournement de quelques mois ne peut que donner de nouvelles garanties de sécurité pour l'intérêt général.

L'honorable M. de Haerne a fait valoir quelques considérations puisées dans l'intérêt des localités qui se trouvent sur le parcours de la ligne de Braine-le Comte à Courtrai, notamment en ce qui concerne la Flandre occidentale.

J'ajouterai, pour ce qui concerne l'autre Flandre, que la ville de Renaix est aussi le siège d'une industrie très importante. Depuis la décadence de l'industrie linière, l'industrie cotonnière y a acquis un degré de développement très remarquable. Depuis quelques années, cette industrie se perfectionne et se transforme : les étoffes de coton et laine mélangés y ont pris une place considérable dans la fabrication. Le tissage des laines pures ne tardera pas à s'y introduire. Mais la difficulté des relations avec les centres d'approvisionnement et d'écoulement tiennent cette fabrication dans un état d'infériorité relative ; un chemin de fer y donnerait un nouvel essor.

C'est à tel point qu'aujourd'hui les populations y émigrent considérablement vers la France : ; et si ce mouvement continue, non seulement les bras y feront défaut à nos fabriques, mais ils feront défaut à l'agriculture.

Veuillez donc, messieurs, ne pas concentrer uniquement votre attention sur les vallées traversées par les rivières navigables, toujours les plus favorisées par la nature ; mais veuillez considérer, qu'entre la Dendre et l'Escaut, et entre ce fleuve et la Lys, se trouvent de nombreuses populations qui ne sont point desservies par ces grandes voies navigables et qui se trouvent en même temps éloignées de tout chemin de fer.

Il n'est donc pas exact de dire, comme l'a fait l'honorable M. Mercier, que l'arrondissement d'Audenarde n'est pas déjà si à plaindre puisqu'il va être relié à la ville de Gand. Cela est peu de chose, puisque ce tronçon isole n'a pas d'avenir : il faut en outre que ce tronçon devienne une ligne qui aboutisse de l'autre côté au Hainaut à travers la ville de Renaix, qui, lorsque le tronçon de Gand sur Audenarde sera exécuté, se trouvera encore à 12 kilomètres du chemin de fer.

Je persiste donc dans ma proposition d'ajournement.

M. Ansiau. - Au point cù se trouve la discussion, messieurs, je serai très court ; car je ne veux abuser ni des moments, ni de la patience de la chambre.

L'amendement présenté et développé in extenso, par notre honorable collègue M. de Naeyer, ne m'a pas médiocrement étonné. Oa ne s'en cache pas, on veut que la ville de Grammont obtienne la station que le projet de loi fixait aux Acren. C'est-à-dire que l'on veut éventuellement priver cette dernière localité, et, dans tous les cas, priver la ville si industrieuse de Lessines de l'avantage, ou plutôt de la faible compensation que leur promettait le projet.

D'après le rapport de la section centrale, la question de l'emplacement y a été examinée, et voici sur ce point comment il s'exprime ;

«En ce qui concerne, etc.,etc. »

(page 1559) Ainsi donc bien que l'on déclare vouloir réserver la question, on n'en reconnaît pas moins d'avance qu'il ne serait pas équitable d'établir la station à Grammont, ville moins industrielle que Lessines, et qui se trouve au surplus rattachée au réseau de nos railways par le chemin de fer de Dendre-et-Waes.

Eh bien, ce que je demande, c'est que l'on reste à ce sujet dans les termes du rapport de la section centrale ; ni plus, ni moins. Non pas du rapport en sous-œuvre qui vient d'être lu, et qui n'est que l'opinion de la minorité, mais du rapport primitif.

Quel intérêt, demandait hier M. le ministre, peut présenter un chemin de fer de Tubize ou d'Enghien aboutissant à Lessines ? Il ne servira pas pour y amener de la chaux, des pavés, car cette localité en a à revendre.

La réponse est bien simple : Si Lessines désire le chemin de fer, c'est qu'il lui permettra d'entrer en concurrence avec les autres producteurs, sur tout le développement de cette voie ferrée, à partir de son territoire jusque vers Enghien, jusque vers Tubise et bien au-delà encore ; car à ce point on trouvera le chemin de fer de l'Etat.

Préfère-t-on donner le monopole à ses concurrents ? Ce serait là pourtant que l'on aboutirait en admettant le raisonnement de M. le ministre.

Lessines et les Acren ont encore cet immense intérêt de pouvoir se procurer, par la ligne de Braine, les charbons du centre, et pour l'usage domestique, et pour l'alimentation de leurs nombreuses machines. Tous les produits de ce riche bassin et de celui de Charleroi, ne sera-ce rien que de les obtenir à meilleur compte, que de pouvoir les échanger contre ses propres produits ?

La navigation de la partie de la Dendre qui arrose leur territoire, ne se trouvera-t-elle pas activée, vivifiée par ce nouvel affluent ? Car il est incontestable que les houilles du centre prendront aussi cette voie.

N'est-ce donc rien que de pareils résultats, et doit-on dédaigner la voie de communication qui seule peut les produire ?

Et puis, ne doit-on tenir aucun compte des facilités de relations entre plusieurs cantons d'un même arrondissement ?

Le projet reliait non seulement les cantons de Lessines et d'Enghien, mais il reliait encore ceux-ci avec Braine et le chef-lieu dont ils font partie.

Le malheureux amendement que je combats menace de les priver de ces avantages.

Ainsi donc d'une part, intérêts matériels ; d'autre part, intérêts administratifs, la proposition, même avec le correctif de M. le ministre, est de nature à tout compromettre.

Hésiterez-vous, messieurs, à rejeter l'amendement, lorsqu'il est évident que son adoption bouleverserait toute l'économie du projet, et constituerait une inqualifiable injustice vis-à-vis de plusieurs localités importantes ?

Comment ! les demandeurs en concession, propriétaires, eux, de toutes les carrières rivales de Quenast, ne se contenteraient pas d'aller disputer, enlever peut-être le modeste marché qui se trouve constituer, par,la force des choses, le lot des exploitants de Lessines, et ils auraient encore la prétention, j'allais dire l'impudeur, d'empêcher que ces derniers pussent utilement se servir de la voie concédée, pour venir, à leur tour, lutter sur le vaste marché du Brabant et du Hainaut, presque exclusivement déjà le partage des demandeurs en concession.

Par le fait, ce serait l'expropriation, sans indemnité, des carrières de Lessines au profit de leurs puissantes rivales.

J'espère que M. le ministre consentira à revenir purement et simplement au projet primitif, qu'un sentiment de délicatesse aurait dû défendre, me semble-t-il, contre toute idée de modification de l'espèce de celle que je repousse énergiquement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable membre qui voient de se rasseoir déclare que l'amendement que j'ai proposé hier à la fin de la séance aura pour effet de bouleverser complètement l'économie du projet de loi primitif. Cette allégation serait parfaitement juste si la ville de Lessines, à une époque quelconque, avait eu la chance d'obtenir un chemin de fer. (Interruption.) Je ne puis pas vous donner la direction vers Lessines, à moins qu'elle ne soit demandée par quelqu'un, et elle n'est demandée par personne. Quant à ce qui est du point de jonction aux Acren ou à Grammont, mais dans la séance d'hier j'ai déclaré que la question est entièrement réservée.

La question de savoir où doit aboutir la ligne de Braine-le-Comte ou de Tubize est une question complètement intacte. J'ai déclaré, messieurs, que d'après le rapport des ingénieurs, la direction la plus rationnelle, celle qui est indiquée par la configuration du terrain, c'est celle des Acren. Eh bien s'il résulte des études que cette direction doit être suivie, ce sera celle à laquelle le gouvernement donnera la préférence.

Je saisis, messieurs, cette occasion pour relever, dans le rapport de la section centrale, une erreur qui pourrait exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de quelques membres de la chambre. Je lis à la page 6 du rapport :

« Les dispositions de l'article 10 de la convention du 1er mai 1852, entre le gouvernement et les concessionnaires du chemin de fer de Dendre-et-Waes, sont évidemment applicables à un transport effectué de Bruxelles ou d'un point au-delà de Braine-le-Comte et en destination des Acren, de Grammont ou d'une station quelconque de la ligne de Dendre-et Waes. »

Evidemment, messieurs, c'est là une erreur en fait, en ce qui touche la station des Acren, car la station des Acren ne pouvant jamais devenir une station de la ligne de Dendre-et-Waes, évidemment tous les transports en destination des Acren ou qui en partiraient, seraient, quant aux produits sur le parcours de notre chemin ferré, acquis à l'Etat belge ; de telle sorte que le mot « Acren » doit disparaître de ce passage du rapport de la section centrale.

Le changement, messieurs, que j'ai proposé aura pour effet de mieux garantir, sous ce rapport, la position du gouvernement et d'assurer à l'avenir d'une manière plus efficace l'intégralité des recettes à provenir des transports quelconques sur le parcours du chemin de fer.

Je dirai également un mot de l'amendement pressnté par l'honorable M. Dumortier et qui consisterait à supprimer l'article 45 du cahier des charges. L'article 45 du cahier des charges ne fait que reproduire une disposition qui se trouve dans tous les cahiers des charges. Dans le cahier des charges de la ligne de Tournai à Jurbise, elle a une portée beaucoup plus exorbitante.

Ici l'art. 45 du gouvernement a assuré, à conditions égales, une préférence à la compagnie, pour tous les embranchements de moins de 10 kilomètres, de telle sorte que s'il s'agissait de concéder une grande ligne du genre de celles qu'a rappelées l'honorable M. Dumortier et qui traverserait la ligne actuelle, jamais les concessionnaires ne pourraient s'autoriser de la rédaction de l'article 45 du cahier des charges pour prétendre à un privilège quelconque pour la concession de ces lignes.

L'article 45 limite parfaitement leur droit : leur droit se borne à avoir, à conditions égales, la préférence pour les embranchements proprement dits pour les embranchements de raccordement, les embranchements purement accessoires qui n'ont d'autre objet que de relier les établissements industriels au chemin de fer, ce qu'on est en un mot convenu d'appeler « embranchements industriels ».

M. de Ruddere. - Messieurs, je ne croyais pas prendre la parole dans la discussion du projet de loi qui est soumise à notre délibération, n'ayant rien à ajouter déplus à ce qu'ont dit mes honorables collègues et amis, MM.de Portemont et de Naeyer pour démontrer l'utilité et l'avantage pour les différentes localités que parcourra le chemin de fer de Tubize aux Acren vers Grammont ; mais après avoir entendu dans les précédentes séances différents honorables membres combattre ce projet dont les uns veulent l'ajournement à la session prochaine et d'autres le rejet, je ne puis laisser passer cette discussion comme député de cet arrondissement et signataire de l'amendement pour appuyer le projet de loi en discussion. On vient vous dire, messieurs, que ce projet n'est pas étudié, qu'il n'en existe pas de plan, qu'il a eu la priorité sur six autres demandes en concession, et que c'est une entreprise dans un intérêt particulier ; ces objections, messieurs, ne sont pas sérieuses. Si le projet du chemin de fer de MM. Zaman et Coppens a eu la priorité sur les autres demandes, c'est qu'il y avait apparemment des motifs déterminants en sa faveur. Quant à l'intérêt particulier dont on vous a parlé, ceci rentre dans le droit commun de tout demandeur en concession qui calcule sur le bénéfice qu'il compte en retirer. C'est également uue erreur de croire que ce chemin de fer puisse nuire ou empêcher les autres de se faire dans un temps plus ou moins rapproché. J'espère que la chambre adoptera le chemin de fer de Tubize aux Acren vers Grammont, ou tout autre point à déterminer par le gouvernement, comme offrant de l'utilité au commerce et des avantages aux nombreuses populations des localités traversées par ce chemin.

M. Manilius. - Messieurs, je serai bref, car je me rallie à la demande d'ajournement faite par l'honorable M. Magherman et appuyée par l'honorable M. Dumortier ; je me bornerai à exposer les raisons qui me poussent à m'y rallier.

Hier, en répondant à l'honorable M. Dumortier, M. le ministre de» travaux publics nous a appris qu'il n'y avait pas moins de 200 demandes de concessions, faites pour différentes lignes de chemins de fer ; j'estime que dans ces 200 demandes, il y en a au moins une cinquantaine de bonnes.

Je m'étonne donc que, dans cette grande quantité de demandes, M. le ministre nous propose seulement une jonction de la ligne du Midi vers les Acren ; c'est ce qu'il a déclaré hier.

« Le seul but, a-t-il dit, que j'ai en vue en faisant cette demande exclusive, c'est de rattacher la ligne du Midi à la ligne de Dendre-et-Waes.

Eh bien, je ne m'explique pas cela ; je ne suis certainement pas l'adversaire des chemins de fer ; il suffit qu'un chemin de fer en projet ait un degré d'utilité quelconque, pour que je me montre favorable à son exécution ; je m'y montre surtout favorable, lorsque le chemin doit s'exécuter, sans l'intervenlion pécuniaire de l'Etat, sans même la garantie du minimum d'intérêt.

Je ne m'oppose donc d'une manière absolue au chemin de fer dont il s'agit en ce moment ; mais je me rallie à l'ajournement proposé ; voict pourquoi :

M. le ministre des travaux publics nous dit qu'il faut relier la ligne du (page 1560) du Midi à la ligne de Dendre-et-Waes. Eh bien, c'est inutile, d'après le vote que vous avez émis précédemment, en raccordant Alost à Bruxelils par un chemin de fer direct ; Alost ne sera donc plus éloigné de Bruxelles que de 5 lieues.

Il n'y a donc pas péril en la demeure. Rien ne justifie l'empressement tout à fait exclusif pour cette petite demande de concession de Tubize aux Acren. La ligne du midi est déjà reliée trois fois à la Dendre ; d'abord par la lgne de Bruxelles à Alost, par celle de Jurbise à Ath et par celle de Malines à Termonde.

Nous ne pouvons pas aujourd'hui prendre une décision ; l'affaire n'est pas suffisamment étudiée. Il s'agit aujourd'hui de voter sur un seul article, c'est toute la loi ; il a pour objet de confirmer la convention faite avec la société concessionnaire, et d'arrêter le cahier des charges.

Eh bien, quand vous dépouillez l'affaire de toutes les phrases dont on l'a enveloppée et que vous lisez l'article 3, vous êtes convaincus qu'il est inutile de voter la loi si les Acren ne sont pas maintenus par la jonction.

Voici ce que porte l'article 3 de la convention ;

« Art. 3. Si les chambres refusaient de ratifier ces actes, ou si elles y introduisaient des modifications auxquelles les contractants de seconde part ne voudraient pas souscrire, la présente convention et le cahier des charges seront, par ce seul fait, annihilés de plein droit »

Il est donc constant qu'il faut adopter le tout sans y rien changer, a moins que le ministre ne soit d'accord avec la société et qu'il y ait un autre engagement d'après lequel on puisse faire aboutir le chemin soit aux Acren, soit à Grammont, soit à Lessines, soit ailleurs pour autant que la ligne du Midi soit encore une fois rattachée à la Dendre.

Aussi M. le ministre disait-il : C’est une étude à faire ; c’est alors que par un arrêté nou donnerons la préférence à l’un ou à l’autre lieu de raccordement. En présence d’un pareil état de choses, la chambre ne doit pas donner d’autorisation de contracter ultériurement. Quand la chambre vote un article unique, c’est à la condition que le contrat qu’elle approuve sera exécuté sans changement. Vous vous rappelez ce qui est arrivé pour le chemin de fer d’Erquelinnes, les contestations auxquelles il a donné lieu parce que le tracé n’était ni arrêté ni étudié.

Ce que nous avons à faire c'est de renvoyer ce projet à la session prochaine. Nous ne devons pas nous prêter au caprice de M. le ministre ou de son conseil d'ingénieurs, car il n'y a qu'un caprice qui au milieu de 200 projets ait pu leur faire donner la préférence à celui qui a pour objet de relier une société à une autre société sans avantage aucun pour l'Etat. Dans ces 200 projets il y a au moins 12 demandes sérieuses qui relient de grands centres de fabrication ou de production minérale avec de grands centres de consommation.

Vous êtes préoccupés de l'idée, à laquelle j'applaudis, de donner aux produits du Centre du Hainaut un débouché, car vous amenez une concurrence salutaire pour les consommateurs ; mais vous faites du tort au producteur qui avait des consommateurs devant lui. Un ministre, un homme d'Etat doit prendre la balance de la justice pour peser les droits et les intérêts de tous. Si vous faites beaucoup pour le Centre qui a souffert longtemps, il ne faut pas pour cela enlever à d'autres une position ancienne qui constitue des droits acquis.

Je ne veux pas qu'en donne une préférence continuelle au Centre et qu'on néglige le couchant de Mons, alors qu'il y a deux ou trois demandes de concessions qui n'ont pas pour unique objet de relier une société à une autre, mais qui constituent des lignes toutes nouvelles, qui veulent relier de grands centres de population, situés aux deux extrémités du pays, notamment Gand avec Mons. Je ne demande rien pour Gand, mais Gand doit être relié à Mons par la force des choses ; car il ne faut pas faire promener le charbon en chemin de fer par Ath et la Dendre, pour arriver à Gand.

Lorsqu'on est si préoccupé du désir de donner des facilités à une zone intéressante comme celle du Centre, il faut songer aussi à d'autres intérêts, non seulement pour le transport de la houille, mais pour toutes les autres matières minérales ou pondéreuses.

J'invoquerai d'autres considérations encore ; les Flandres, depuis 15 ou 16 ans, se trouvent privées de communications accélérées et peu coûteuses avec la capitale du Hainaut.

C'est ainsi que vous avez favorisé involontairement, mais par le fait, les provinces d'Anvers et de Brabant ; le Hainaut a été dans l'impossibilité de continuer ses affaires avec les Flandres.parce que l'on avait une distance de 30 lieues à franchir pour arriver à Mons. Les produits pondéreux du Hainaut, pour arriver dans les Flandres, doivent faire un parcours de 30 lieues. Des concessionnaires veulent raccourir la rouie de moitié, sans qu'il y ait obligation pour l'Etat de bourse délier, sans minimum d'intérêt, et en se pliant aux exigences de M. le ministre qui voudrait, par exemple, faire arriver le chemin de fer à la Dendre. Tout cela est renvoyé aux calendes grecques.

Une seule loi, celle que nous discutons, et une pour Nivelles, seront présentées à la chambre ; celle-ci prétendra qu'elle n'a pas le temps d'en examiner d'autres s'il s'en présentait, puisqu'il a fallu à la section centrale près de 4 mois pour faire son rapport. En effet, le projet de loi des Acren a été présenté le 14 février, et le rapport a été fait le 23 mai 1853.

Nivelles, le centre, tout doit arriver à la ligne da la Dendre. Il n'y aura plus qu'un port dans le pays. Ce sera les bouches de la Dendre. La Dendre sera tout. Les produits des charbonnages du centre, les produits des carrières de Quenast, il faut que tout aille à Termonde. C'est là que doit se concentrer toute la navigation. C'est là que doivent affluer tous les chemins de fer.

De Quenast à Tubise il y a une lieue, de là un chemin de fer jusqu'au port d'Anvers, ou celui de Termonde, ou d'Alost même, cela ne suffit pas ; il faut la ligne de Dendre-et-Waes.

Je suis attaché à la multiplicité de ces voies de communication. Mais je prie la chambre ne pas donner les mains à une décision entachés de précipitation ; car sur 200 demandes de concession, il y en a, sinon la moitié, au moins le huitième qui sont sérieuses. Je céderai volontiers mon tour pour Gand. Je ne fais aucune réclamation pour elle seule, toutes les provinces pourront avoir le pas sur la mienne. Mais quand nous pouvons avoir de grands travaux sans bourse délier, il me semble que les offres qui nous sont faites doivent être prises en sérieuse considération et former un projet d'ensemble pour tous les projets sérieux et importants, et il y en a plusieurs. Mais point de privilèges isolés.

Projet de loi sur la garde civique

Transmission du projet amendé par la sénat

M. le président. - Je viens de recevoir le projet de loi sur la garde civique amendé par le sénat ; on pourrait le renvoyer à la section centrale qui a examiné la proposition de loi primitive.

M. Rogier. - Je demande le renvoi aux sections. Déjà la section centrale s'est prononcée ; elle a fait des propositions , elle a fait ses propositions, elle a formulé un avis ; le sénat ayant donné le sien, je crois qu'il faudrait renvoyer le projet de loi aux sections.

M. Coomans. - La demande du renvoi aux sections est en réalité une proposition d'ajournement. Si l'on objecte que la section centrale, s'étant déjà prononcée sur ce projet da loi,n'a pas à se prononcer encore, la même objection s'applique aux sections, qui, elles aussi, ont déjà examiné le projet de loi.

Puis on me fait observer avec raison que cette demande de renvoi aux sections n'est pas usitée dans la chambre, que c'est une innovation. Si nous voulons abréger, si nous voulons que la loi soit votée dans cette session, il faut choisir la voie la plus courte, qui est le renvoi à la section centrale.

Il est probable du reste, comme les amendements introduits par le sénat ne sont pas considérables, que là discussion sera courte et que le rapport le sera également.

je ferai remarquer en dernier lieu qu'on s'est plaint naguère de la prolongation du statu-quo. On a dit naguère que, lorsqu'il est reconnu qu'une institution de ce genre a besoin d'être remaniée, il ne faut pas maintenir trop longtemps le provisoire. Je reconnais qu'il y a du vrai dans cette observation faite par nos adversaires eux-mêmes. C'est pour y faire droit qu'il faut discuter et voter le projet de loi dans cette session. La motion de M. Rogier ne saurait donc être admise.

M. Osy. - Dans des cas identiques, la chambre a toujours ordonné le renvoi à la section centrale ou à la commission qui a examiné le projet de loi primitif, il n'y a aucun motif pour s'écarter de ces précédents et ordonner le renvoi aux sections, j'appuie ia proposition de renvoi à la section centrale faite par l'honorable M. Coomans.

- Le renvoi à la teelion centrale est prononcé.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren, par Enghien

Discussion générale

M. Dumortier. - J'ai peu de choses à dire ; mais je tiens à préciser la question d'ajournement.

D'abord, je prie la chambre de remarquer que trois projets sont présentés : l'un par M. Tarte ; l'autre par M. Bouquié ; le troisième par M. Zaman.

Je donne à la chambre l'assurance formelle que, ce matin, j'ai eu entre les mains la déclaration d'un des plus grands capitalistes de Paris, qui consent à intervenir pour 25 millions de francs dans l'exécution du projet de M. Tarte, et qui est prêt à faire tous les dépôts nécessaires.

En deuxième lieu, je donne à la chambre l'assurance formelle qu'un des plus grands capitalistes de Londres a déclaré qu'il était prêt à exécuter le projet de M. Bouquié, sans demander la garantie d'un minimum d'intérêt, sans rien.

Maintenant quelle est la position de M. Zaman ? La voici : M. Zaman est-il en mesure de faire un chemin de fer ? Non. Il n'est pas en mesure de disposer des capitaux nécessaires pour faire le chemin de fer. La convention elle-même en contient la preuve ; en effet, M. Zaman demande six mois pour déposer un cautionnement de 250,000 fr.

Quand on ne dépose pas le cautionnement en même temps qu'on signe la convention provisoire, c'estqu’on attend la spéculation pour faire une opération qu'on n'est pas en mesure de faire soi-même.

Après cela, est-il en mesure de faire la route, au point de vue des études ? Non, puisque nous voyons à l'article 6 de la convention provisoire, qu'il demande neuf mois pour faire le tracé définitif. Evidemment, tant que le tracé définitif n'est pas fait, les travaux ne peuvent commencer.

Vous comprenez donc que le projet Zaman n'a aucune espèce d'urgence, puisque la société qui doit exécuter ce chemin de fer n'est pas formée, et qu'il y a un temps assez long pour former la société, et pour réunir le capital.

« Il sera d'abord, accordé aux demandeurs, dit l’article 3, aux clauses et conditions du présent cahier des charges, une concession provisoire qui ne (page 1561) deviendra définitive que moyennant qne, dans les six mois, à dater de la publication de la loi à intervenir sur les présentes, d'une part, il ait été versé en espèces, bons du trésor ou obligations des emprunts nationaux, un cautionnement de deux cent cinquante mille francs dans la caisse du caissier de l'Etat, et, d'autre part, il ait été justifié, à l'entière satisfaction du gouvernement, de la réalisation du capital social nécessaire pour mettre la concession à fruit, jusqu'à concurrence de douze cent mille francs. »

Ainsi il est accordé un délai de six mois, à partir de la loi, pour déposer le cautionnement de 250,000 fr. et pour réaliser une société, s'engageant à fournir une partie du capital jusqu'à concurrence de douze cent mille francs.

Voilà pour le capital nécessaire à l'opération.

En ce qui est des études, veuillez, je vous prie, lire l'article 6 : « Art. 6. Dans les neuf mois à partir de la date de la concession définitive, les concessionnaires soumettront également à l'approbation du gouvernement, en double expédition, des profils complets et détaillés de tous les ouvrages à exécuter et des haltes et stations, ainsi que de toutes les dépendances tant de la route que des haltes et stations. »

Ainsi ce n'est que dans neuf mois que les concessionnaires soumettront des profils complets.

M. de Naeyer, rapporteur. - Lisez l'article 5.

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas ici de l'article 5. Si vous voulez argumenter de l'article 5, vous y verrez que les concessionnaires doivent fournir en double expédition les tracés et profils du chemin de fer, et qu'ils ont neuf mois pour le reste.

Il n'y a donc pas urgence. Rien dans ce projet n'est étudié, tandis que pour d'autres demandes vous avez sur le bureau les magnifiques travaux de M. Bouquié pour la route de Hal et ceux de M. Tarte pour la route de Braine-le-Comte vers Courtrai par Renaix.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Ce sont des avant-projets comme pour toutes les demandes de concession.

M. Dumortier. - Oui. mais pour la demande de M. Zaman, il n'y a pas même d'avant-projet ; il n'y a qu'une ligne rouge sur un morceau de papier blanc ; tandis que pour le projet de M. Bouquié vous avez les coupes de terrains, les nivellements, les travaux d'art et jusqu'au mètre cube de terres qu'il faut enlever pour faire la voie.

M. de Naeyer, rapporteur. - Sauf les changements.

M. Dumortier. - Sauf les changements ! Alors dites que vous n'avez jamais rien. Croyez-vous que votre projet consistant en une ligne rouge sur un morceau de papier vaut mieux qu'un projet pour lequel on a travaillé plusieurs années sur le terrain ? Mais pour faire des projets pareils à ceux que veus défendez, nous n'avons qu'à prendre la carte de la Belgique et à tracer des chemins de fer à tort et à travers. Et vous direz que ce sont là des études ? C'est réellement pitoyable.

Je dis donc que d'une part il y a des études faites, des capitaux prêts ; on ne demande au gouvernement aucune garantie ; que d'autre part il n'y a pas d'études, pas de capitaux formés et dès lors, en présence de pareils faits, je ne vois pas pourquoi vous ne pourrions pas ajourner.

Car si vous accordez immédiatement la concession à M. Zaman, vous n'êtes pas même sûrs qu'il réunira les capitaux nécessaires ; rien ne le prouve ; tandis, au contraire, que si vous acceptiez les deux projets parallèles de M. Bouquié et de M. Tarte, vous auriez des capitaux formés, des tracés étudiés.

Et ici permettez-moi de dire un mot sur les observations présentées hier par M. le ministre des travaux publics. Beaucoup de membres de cette chambre ont été induits en erreur, par une prétendue rectification de mon discours, donnée par M. le ministre des travaux publics. Il a longtemps argumenté du second projet de M. Bouquié peur une ligne de la station de Braine-le-Comte jusqu'à Grammont, et il vous a dit : M. Bouquié a retiré cette demande, niais personne n'avait parlé de cette demande.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est la ligne en discussion.

M. Dumortier. - Pardonnez-moi, la ligne de M. Bouquié en discussion est celle de Hal à Eughien et à Ath, et pas autre chose. Il était donc fort inutile de venir entretenir la chambre d'une ligne dont personne n'avait dit un mot dans cette enceinte. Il était inutile surtout de dire que M. Bouquié avait retiré son projet, tandis qu'il s'agit du premier projet de M. Bouquié, qui n'est nullement retiré.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai pas dit que celui-là était retiré.

M. Dumortier. - Vous vous êtes exprimé d'une manière assez peu claire ; car d'honorables membres soat venus me dire hier à la fin de la séance : Pourquoi vous occuper du projet de M. Bouquié puisqu'il est retiré ?

Or, M. Bouquié a bien retiré l'embranchement transversal qu'il avait présenté, et qui était le même que celui du projet de M. Tarte, M. Bouquié sur ce point a reconnu le droit de priorité de M. Tarte.

Mais quant à la ligne principale, il maintient son projet, et les capitaux sont faits.

Messieurs, cette ligne nationale que demande M. Bouquié et qui frappe par son importance, M. le ministre l'a reconnu lui-même, croyez-vous qu'elle pourra encore se faire, lorsque vous aurez concédé la ligne de Tubize à Enghien ? Il n'en sera pas ainsi. Tubize se trouve à une demi-lieue de Hal, il en résulte que la ligne d'Enghien à Tubize et celle d'Enghien à Hal seront deux lignes parallèles, séparées au point d'arrivée au plus par un quart de lieue, quart de lieue qui finira par être zéro quand vous arriverez à Enghien. Or n'est-il pas évident que si vous concédez la ligne d'Enghien sur Tubize à M. Zaman, vous rendez impossible la ligne d'Enghîen sur Hal, sollicitée par M. Bouquié ? Messieurs, veuillez considérer les conséquences de ce fait.

La ligne qu'il s'agit de construire est destinée à desservir de très grands intérêts ; elle doit aboutir directement à Calais. Or, veuillez jeter les yeux sur le cahier des charges qui vous est soumis. M. Zaman est autorisé à ne faire les terrassements, les ouvragrs d'art, les expropriations que pour une seule voie. Comment voulez-vous qu'un chemin de fer de cette importance, qu'un chemin de fer qui doit joindre Douvres et Calais avec la capitale puisse être fait à une seule voie ? Mais la circulation deviendrait impossible.

Ainsi pour une route qui est purement industrielle, vous aurez empêché une route nationale dont M. le ministre reconnaît lui-même l'importance, l'utilité !

Et personne ne peut contester cette importance ; toute la chambre doit être convaincue de l'immense utilité de la route proposée par M. Bouquié.

Dans un pareil état de choses, ne croye- vous pas qu'il y a lieu d'examiner ultérieurement la question ? Pour une route qui n'est pas étudiée, pour laquelle les capitaux ne sont pas faits, vous allez probablement empêcher à tout jamais une route internationale, pour laquelle les capitaux sont faits et qui est parfaitement étudiée !

Ce n'est pas tout.

La route proposée par M. Bouquié étant la continuation du chemin de fer de Jurbise, doit s'exploiter aux mêmes conditions, puisqu'il n'y a pss de célérité possible à d'autres conditions. Voyez maintenant à quels résultats vous arriverez. Un voyageur qui partirait de Bruxelles pour Lille devrait d'abord s'embarquer sur le chemin de fer de l'Etat jusqu'à Tubize. Arrivé à Tubize, il devrait descendre et prendre le chemin de fer de M. Zaman jusqu'à Enghien. Arrivé à Enghien, il devrait prendre une troisième voiture, celle de la compagnie qui irait jusqu'à Ath. Arrivé à Ath, il prendrait une quatrième voiture, celle du Jurbise à Tournai. Enfin à Tournai, il prendrait une cinquième voiture pour arriver jusqu'à Lille, de manière que pour faire 20 lieues on devrait changer 5 fois de convoi.

Je vous demande, messieurs, si de pareilles choses sont possibles. (Interruption.) Mais vous n'avez pas le droit de circuler sur le chemin de fer d'une compagnie. (Interruption.) Je sais bien qu'on a le droit d'en faire un autre ; vous avez aussi le droit de faire un deuxième chemin de fer de Bruxelles à Anvers, mais vous ne le ferez pas. Quand le chemin de fer sera donné, il sera donné pour toujours et vous aurez dépossédé la ville de Hal d'un chemin de fer auquel elle attache la plus grande importance, et cela pour donner un chemin de fer à un village nommé Tubize, dans l'intérêt d'un industriel nommé Zaman. Evidemment cela ne peut pas se faire. Il ne peut pas se faire que vous prêtiez les trains à une entreprise organisée de manière qu'on doive changer cinq fois de voiture pour faire 20 lieues.

Ainsi, messieurs, il n'y a qu'une seule solution possible en ce moment, c'est l'ajournement.

Comme j'ai eu l'honneur de le dire, dans le grand parallélogramme dont Enghien est le centre, des chemins de fer très importants se préparent, et avant de décider vers quel point on dirigera la ligne proposée, il importe de prendre les précautions nécessaires pour ne pas sacrifier à une seule personne deux grandes directions comme celles que j'ai indiquées.

Or, si vous adoptiez le projet actuel, ces deux directions seraient inexécutables, car il est évident que les capitaux mis à la disposition des deux personnes dont j'ai parlé cesseraient d'être à leur disposition le jour où la loi qui nous est soumise serait votée.

- La clôture est demandée.

M. Mercier, rapporteur (sur la clôture). - Messieurs, mon tour de parole est arrivé : il est dans les habitudes de la chambre d'entendre le rapporteur.

M. Rousselle. - Je ne viens pas m'opposer à la clôture mais j'espère qu'on me réservera le droit de développer mon amendement.

M. Osy. - Messieurs, j'ai demandé la parole, non pour discuter le point de départ ou le point d'arrivée du chemin de fer, mais pour examiner les clauses du cahier des charges. Toute la discussion jusqu'ici n'a roulé que sur !a direction ; il me semble qu'il conviendrait d'entendre quelqu'un qui veut parler sur le cahier des charges.

M. le président. - La discussion a été ouverte sur l'article unique du projet et par conséquent sur le cahier des charges ; si la chambre prononce la clôture, elle portera sur le tout.

- Plusieurs membres. - Le rapporteur !

M. le président. - Est-on d'accord pour entendre le rapporteur ? (Oui !) La parole est à M. Mercier, rapporteur.

M. Mercier, rapporteur. - Messieurs, il y a quelque chose d'étrange dans cette discussion. Il paraît maintenant que les demandeurs en concession ne s'adressent plus au gouvernement, mais qu'ils viennent faire leurs confidences à des membres isolés de la chambre.

(page 1562) Ainsi l'honorable M. Dumortier vient déclarer que pour deux lignes qui peuvent intéresser une partie du pays, qui conviendraient à beaucoup de membres de cette chambre au point de vue des localités dont ils tiennent leur mandat, que pour l'une de ces lignes un capital de 25 millions est prêt, et que pour l'autre un capitaliste anglais offre également des millions. Il me semble, messieurs, qui si les intéressés avaient à leur disposition des capitaux si considérables ils avaient intérêt de le faire connaître au gouvernement.

Le gouvernement n'a pas déclaré qu'il repoussait ces projets d'une maniére absolue ; au contraire, il a déclaré par l'organe de M. le ministre des travaux publics, en ce qui concerne l'un de ces projets, qu'il serait examiné, en ajoutant seulement que s'il devait se prononcer immédiatement, il ne pourrait pas l'adopter ; il est évident qu'il faudrait d'abord des garanties formelles d'exécution ; or, je ne pense pas que sur le simple dire d'un membre de la chambre, alors que le gouvernement ne nous informe pas qu'il a obtenu ces garanties, nous puissions prendre aucune résolution.

Il est irrégulier de procéder de cette manière ; il appartient aux concessionnaires de démontrer au gouvernement qu'ils sont en mesure d'exécuter les projets qu'ils ont présentés.

L'honorable député de Roulers ne se contente pas de faire briller des millions et des millions pour la construction d'autres lignes plus ou moins en opposition avec celle qui est en discussion, mais il vient même jeter du doute sur la solidité de la compagnie qui demande la concession de cette dernière ligne.

Le gouvernement, messieurs, a jugé que cette compagnie offrait toutes les garanties de solidité possibles et je dois dire que l'opinion publique est complètement d'accord à cet égard avec le gouvernement. Il ne peut pas y avoir le moindre doute sur la solidité de cette compagnie. Cela est de notorité publique.

M. Dumortier. - Je ne connais pas les personnes qui composent cette compagnie ; mais elle n'a pas même déposé de cautionnement.

M. Mercier. - Elle a contracté avec le gouvernement, et elle inspire toute confiance.

On nous présente, messieurs, une ligne de Hai vers Enghien, et on dit que Hal touche en quelque sorte à Tubise. Mais, messieurs, entre Tubise et Hal il y a une distance de 5/4 de lieue ; on met Hal en parallèle avec Tubise et l'on dit encore que Tubise est un village insignifiant ; je répondrai qu'il est loin d'être insignifiant, puisqu'il compte une population de 2,500 habitants ; mais je ne vois pas ce que cela fait à la question. Les voyageurs, en général, ne descendront pas plus à Hal qu'à Tubise.

M. Dumortier. - Tubise fait partie de l'arrondissement de Nivelles.

M. Mercier. - Oui, Tubise fait partie de l'arrondissement de Nivelles.

J'ai entendu déjà des observations de cette nature de la part de l'honorable membre. J'ai cru un moment que c'était en quelque sorte par dérision qu'elles étaient faiies ; car jusqu'ici cet arrondissement n'a pas un seul chemin de fer, tandis qu'un grand nombre de localités en possèdent depuis 12 à 15 ans.

Jusqu'ici nous n'avons que des espérances ; nous n'avons, je le répète, pas un seul chemin de fer.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point et je n'aurais pas même répondu à cette partie du premier discours de l'honorable ministre s'il ne m'y avait forcé.

J'espère que la chambre n'aura pas non plus pris au sérieux les nombreux changements de voiture que l'honorable M. Dumortier a fait faire aux voyageurs. Cette crainte est chimérique : il y a toujours des conventions particulières entre les diverses sociétés, pour régler cet objet et pour éviter une pareille gêne à ceux qui voyagent en chemin de fer. Il n'y a pas d'exception à cette règle. Du reste, une stipulation dans ce but est contenue dans l'article 46 du cahier des charges. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 46. Les concessionnaires ne pourront, en aucun cas, mettre obstacle à l'établissement de ces embranchements, ni en prendre prétexte ou occasion pour demander des indemnités, à quelque titre que ce soit ; ils seront tenus le laisser circuler sur leur chemin de fer, moyennant indemnité, des voitures et waggons appartenant à d'autres exploitations, pourvu qu'il n'en résulte aucune dépense pour eux, ni aucun obstacle à la circulation sur leur chemin de fer, et que lesdits waggons et voitures soient construits de manière à ce que la circulation sur leur chemin de fer ne puisse présenter aucun inconvénient.

« Le gouvernement sera juge des contestations qui pourraient s'élever à ce sujet. »

Vous le voyez, messieurs, l'honorable M. Dumortier doit complètement se rassurer sur ce point.

Si l'on devait repousser un projet parce qu'il est l'objet de contestations et d'oppositions de la part de localités intéressées à l'exécution d'autres lignes ou de celles des auteurs des plans qui les concernent, jamais un projet isolé ne pourrait être voté dans cette chambre.

Ainsi dans cette circonstance tous les projets cités et appuyés par divers honorables membres se contrarient également les uns les autres. Que l'un d'eux soit proposé isolément, vous verrez surgir des réclamations semblables à celles que nous entendons aujourd'hui.

Aussi le projet de M. Tarte se dirigeant de Braine-le-Comte sur Enghien est incompatible avec celui de M. Vander Elst, qui prend son point de départ à Hennuyères vers la même destination.

Le projet de M. Bouquié enlève une autre section de celui de M. Tarte, celle de Hal à Enghien.

Enfin le projet de M. Tarte ne permet pas de concéder à M. Maertens les sections de Renaix à Audenarde et de Renaix à Braine-le-Comte par Enghien.

De semblables conflits existeront toujours et les lignes préférées ne manqueront jamais de contradicteurs.

Celui qui est en discussion présente l'avantage de relier Braine-le-Comte à Enghien et de pouvoir être rattaché à toute autre ligne qui se construirait comme prolongement de la ligne de Tubise à Enghien.

On objecte que ce chemin n'aura qu'une voie. Mais si de grands travaux s'exécutaient pour lui rattacher à une autre ligne importante, la compagnie concessionnaire serait heureuse de construire une seconde voie. Ainsi cette objection ne doit donc pas non plus nous arrêter.

Messieurs, qu'on ne perde pas de vue d'ailleurs que par la construction du chemin de fer proposé, on ne demande absolument rien à l'Etat, c'est une ligne qui est faite gratuitement, elle ne peut être onéreuse en aucune façon, en ce qui concerne la ligne vers Tournai et vers Lille, si elle se fait un jour.

La priorité invoquée contre M. Zaman ne peut en aucun cas s'appliquer à la section de Tubize à Enghien, puisque cette section avait été abandonnée en 1849 par M. Tarte et n'a été reprise dans son projet que le 16 février 1853, c'est-à-dire, après la convention passée entre le gouvernement et M. Zaman ; à un point de vue plus général, je ne puis me prononcer sur les droits que peut conférer la priorité ; je n'ai pas suffisamment examiné cette question qui a été discutée par M. le ministre des travaux publics. J'ajouterai cependant que les projets en concurrence ont longtemps sommeillé et qu'ils ne se sont réveillés qu'après la convention faite avec la compagnie Zaman.

M. A. Vandenpeereboom (pour une motion d'ordre). -Messieurs, il y a trois jours, une proposition d'ajournement a été faite à la chambre ; l'honorable M. Mercier a demandé alors que la discussion continuât, parce que, disait-il, la discussion éclairerait la chambre sur la question même de savoir s'il fallait, oui ou non, ajourner le débat. Je crois qu'après trois jours de discussion, le moment de voter sur la motion d'ajournement est enfin venu. Si cette proposition est adoptée, il va de soi que l'amendement de l'honorable M. Ch. Rousselle sera également ajourné, et que les observations que l'honorable M. Osy pourrait faire sur le cahier des charges, deviendraient parfaitement inutiles.

Je crois, d'ailleurs, en proposant de voter sur l'ajournement proposé, me conformer au règlement, qui veut que le vote sur les questions d'ajournement aient toujours la priorité. (Appuyé.)

- Personne ne demandant plus la parole, la motion d'ajournement est mise aux voix.

L'appel nominal est réclamé.

Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat.

66 membres répondent à l'appel.

29 répondent oui.

33 répondent non.

4 s'abstiennnent.

En conséquence la proposition d'ajournement n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Maertens, Magherman, Manilius, Moxhon, Orban, Peers, Pierre, Rogier, Roussel (Ad.), Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E), Vander Donckt, Van Grootven, Van Overloop, Van Renynghe, Visart, Anspach, de Perceval, de Sécus, de TSerclaes, Dumortier, Jouret, Laubry et le Bailly de Tilleghem.

Ont répondu non : MM. Mascart, Matthieu. Mercier, Moncheur, Moreau, Pirmez, Rodenbach, Tremouroux, Van Hoorebeke. Van lseghem. Vermeire, Brixhe, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Bronckaert, de Decker, de Haerne, de la Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Devaux, Jacques, Landeloos, Lejeune, Lesoinne et Delfosse.

- Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstension.

M. Malou. - Je me suis abstenu parce qu'il m'a été impossible d'assister à la discussion et d'en prendre connaissance avant le vote.

M. Osy. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas voulu me prononcer avant d'avoir mes apaisements sur les observations que j'ai à faire sur le cahier des charges.

M. Ansiau. - Je me suis abstenu parce que si le projet est favorable à une partie de mon arrondissement il ne donne pas des garanties suffisantes aux intérêts de l'autre.

M. Desmaisières. - Je n'ai pas voté pour l'ajournement parce que j'ai craint qu'il ne fût trop prolongé. D'un autre côté, je n'ai pas voté contre, parce qu'à mon avis il y a des questions qui ne sont pas suffisamment élucidées. Je vois d'un côté en présence les intérêts d'Audenarde, de Renaix et des carrières de Lessines, et d'un autre côté les intérêts d'Alost, de Grammont et des carrières de Quenast. Comme tout ce qui a été dit dans la discussion n'a pas assez eclairci ces questions, il (page 1563) m'est resté des doutes sur la question de savoir lequel de ces deux intérêts engagés est en conformité avec l'intérêt général du pays.

M. le président. - Un amendement a été déposé par MM. Magherman, Thienpont et Vander Donckt.

Il est ainsi conçu :

« Le point de jonction du chemin de fer de Braine-le-Comte aux Acren sera fixé de manière à aboutir immédiatement à la ligne qui formera la continuation du chemin de fer de Gand par Audenarde et Renaix vers la Dendre, et éventuellement de Renaix vers Courtrai. »

La parole est à M. Ch. Rousselle pour développer son amendement.

M. Rousselle. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau est le même que celui qui a été formulé dans le rapport présenté par l'honorable M. Tremouroux sur la concession du chemin de fer de Landen à Fleurus et de Groenendael à Nivelles. Cet amendement a été adopté dans la section centrale à l'unanimité, et l'honorable rapporteur a proposé de le comprendre dans le projet de loi relatif aux chemins auxquels je viens de faire allusion. Cet amendement n'établit pas une obligation nouvelle ; il précise, mieux que ne le fait le cahier des charges, les obligations des concessionnaires de chemins de fer.

Plusieurs difficultés se présentent en ce moment. Il y a des concessionnaires qui soutiennent que quand leurs lignes doivent aboutir à une station du chemin de fer de l'Etat, les modifications à apporter à cette station ne les concernent pas. Evidemment elles doivent les concerner, puisque ces modifications sont nécessitées par la nouvelle ligne qui vient de se relier à celle de l'Etat. Mais il faut éviter des contestations, des procès. C'est à cette fin que j'ai proposé l'amendement que j'ai déposé sur le bureau.

M. Visart. - Messieurs, il est évident (et nous sommes, sans doute, tous de cet avis) que ce qui doit nous préoccuper d'abord, c'est l'intérêt général. On semblait l'avoir compris et y avoir donné satisfaction par la proposition primitive, d'après laquelle le tracé se dirigeait vers les Acren, puisqu'on était en droit de croire que le chemin de fer se rallierait plus tard à un système complet ; comme l'honorable abbé de Haerne l'a fort bien fait comprendre hier à la chambre. Cet intérêt est compromis par l'amendement que plusieurs honorables membres ont présenté à la chambre, et qui a été modifié à son profit par l'honorable ministre des travaux publics.

Si nous adoptions cet amendement nous déléguerions à ce haut fonctionnaire une trop grande part de notre puissance. Il pourrait faire plier le chemin de fer au gré de sa volonté, par exemple vers Grammont car il m'a paru hier pencher vers ce système.

Ainsi le chemin de fer s'éloignerait de la direction vers Renaix et Courtrai. indiquée par M. de Haerne, qui est la meilleure éventualité de son avenir : d'ailleurs, on satisfait ainsi à deux intérêts qui sont également respectables, celui de Lessines et celui de Grammont. D'après le projet primitif, le chemin de fer se dirigeait sur les Acren, point intermédiaire, situé entre ces deux villes ; ce qui faisait disparaître les motifs de réclamations, de rivalité qu'elles font valoir aujourd'hui.

Je mets donc pour condition à mon vote approbatif qu'on rédige le projet de loi dans le sens primitif, ou qu'on adopte l'amendement de l'honorable M. Magherman qui se rapproche de ma pensée, et qui laisse à la conception le caractère de grandeur indiqué par M. de Haerne.

Nous devons nous abstenir de voter des tronçons dans un intérêt local et qui, plus tard, ne peuvent plus se raccorder directement avec une ligne importante. C'est ce qui arriverait si l'on se jetait à droite sur Grammont, en abandonnant la ligne directe qui se dirige vers les Acren.

Les décisions ultérieures dirigeront mes votes.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai que quelques mots à dire. Je me suis assez étendu dans mon premier discours sur les considérations relatives au chemin de fer.

Je désire répondre en peu de mots aux considérations présentées par M. Visart. Cet honorable membre veut que cette ligne soit établie dans des conditions telle, qu'elle ne soit pas condamnée à rester un tronçon sans continuation.

L'amendement que l'honorable ministre des travaux publics a présenté n'est aucunement oppose à ce but-là. Cet amendement laisse au gouvernement toute latitude quant au point de jonction. Le gouvernement, d'après tous les projets qui lui sont présentés et d'après tous les renseignements dont il est possesseur, est certainement mieux en mesure que nous de juger le point de jonction le plus convenable pour que la ligne puisse revêtir dans la suite un caractère d'une utilité encore plus générale, tout en desservant dans son parcours les localités les plus importantes d'une manière aussi complète que possible. Ce que propose l'honorable ministre des travaux publics n'est donc aucunement exclusif de la continuation de la ligne vers Renaix ou d'autres localités déshéritées jusqu'à ce jour de toute participation aux bienfaits d'un chemin de fer.

On croit toujours que c'est aux Acren qu'il faut aboutir pour relier le chemin de fer qui nous occupe à la ligne de Gand à Mouscron. C'est une grande erreur. Il ne faut plus se placer au point de vue où l'on était lorsque le tracé vers les Acren a été proposé. A cette époque la ligne de Dendre-et-Waes n'existait pas ; la rectification entre Bruxelles et Gand n'était pas encore proposée. Quel était le grand but qu'on se proposait ? Une communication plus directe avec Mouscron, Lille et la France, en opérant une jonction directe entre la ligne du Midi et celle de Gand à Mouscron. On se préoccupait de cela avant tout. On pouvait donc laisser de côté des localités intermédiaires d'une importance très grande, puisqu'on avait surtout en vue une ligne internationale avec la France. La position est tout autre aujourd'hui que nous avons le chemin de fer de Bruxelles à Gand et la ligne de la Dendre.

Cela fait que la jonction projetée en 1845, enlre la ligne du Midi et celle de Gand à Mouscron, ne peut plus être considérée comme destinée à desservir de grandes relations et surtout des relations internationales, mais doit être établie maintenant dans des proportions plus modestes en vue de nos relations intérieures, et par conséquent d'une manière plus complète, dans le but de favoriser les relations des localités intermédiaires. En second lieu il résulte de l'établissement du chemin de fer de Dendre-et-Waes qu'il y a maintenant deux jonctions à opérer : celle de la ligne du Midi à la ligne de la Dendre ; celle de la Dendre à la ligne sur Gand et Mouscron.

En adoptant le projet, nous faisons un premier embranchement qui a pour objet de relier la ligne de la Dendre à la ligne du Midi, et sous ce rapport ce projet remplit une destination spéciale, qui n'est aucunement obstative à un développement ultérieur ; un second embranchement du chemin de fer de Dendre-et-Waes vers la ligne de Gand à Mouscron n'est pas indispensable pour que le premier ait son utilité, mais serait de nature à en former le développement, et à lui donner ainsi une importance plus grande.

Maintenant que faut-il pour que ce résultat ait lieu ? Mais il faut avant tout établir le premier embranchement qui nous occupe en ce moment, dans de bonnes conditions de réussite et de prospérité, c'est-à-dire lui donner la direction qui est la meilleure pour desservir les intérêts les plus importants des localités que la ligne doit traverser, car si le premier embranchement est bon, l'autre qui doit en former en quelque sorte la continuation, se fera d'autant plus facilement. Sous ce rapport, il est évident que ceux qui réclament la continuation du chemin vers Renaix, et vers d'autres localités, doivent désirer que ce chemin puisse rencontrer sur son passage, des villes ayant une population agglomérée assez considérable, au lieu de simples villages, dont la population moins importante est d'ailleurs disséminée sur un territoire étendu, et ne peut par conséquent contribuer que bien faiblement à alimenter une voie ferrée.

Croit-on que la direction sur Grammont serait un obstacle au second embranchement dont j'ai eu l'honneur de parler ? Messieurs, je ne le pense pas, j'ai l'intime conviction du contraire. Par cela même que, suivant moi, cette direction est la meilleure pour la ligne actuelle, et doit par conséquent lui donner plus d'avenir et plus d'éléments de prospérité, il y a là des conditions plus favorables aussi pour en obtenir la continuation ; plus une entreprise est bonne, plus les capitaux de l'industrie privée afflueront pour l'étendre et la développer. Mais j'ai entendu parler de difficultés de terrain insurmontables pour faire un chemin de fer partant de Grammont vers Renaix, je crois même qu'on a dit que Grammont est une impasse, c'est une grande erreur, la ville dont je parle est entourée en partie d'une montagne, mais c'est du côté du midi, c'est-à-dire dans la direction que le chemin de fer de la compagnie Zaman doit snivre pour y aboutir.

Mais de l'autre côté de la Dendre, c'est-à-dire dans la direction à suivre pour la construction d'un nouvel embranchement vers Renaix, vous ne rencontrez plus ces difficultés, ni ces accidents de terrain. Voici la situation des lieux :

La station du chemin de fer de Dendre-et-Waes, établie à Grammont, et à laquelle devrait aboutir le chemin de fer de la compagnie Zaman, se trouve dans un vallon qui se prolonge jusque près du seuil de la crête de partage entre le bassin de la Dendre et celui de l'Escaut ; jusqu'à ce point il n'y a donc aucune difficulté. Or, la crête de partage, il faut nécessairement la couper pour arriver à Renaix, quel que soit le point de départ qu'on adopte, que ce soit Grammont, les deux Acren ou Lessines. Evidemment on ne passe pas du bassin d'une rivière dans un autre bassin sans franchir la crête de partage.

D'ailleurs, je vous le déclare franchement, si cette direction vers Grammont est de nature à léser les intérêts généraux plus importants, je n'en veux pas. Si, pour répondre à la confiance de mes commettants, je devais venir soutenir ici des intérêts de localité, destructifs en quelque sorte des intérêts généraux du pays, dignes avant tout de notre sollicitude, eh bien, alors je renoncerais au mandat de représentant ; à cette condition je n'en veux en aucune manière. Toutefois ayant la conviction que les intérêts de l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte se concilient parfaitement avec l'utilité générale, et sont même de nature à lui donner de plus grandes proportions, il y aurait aussi trahison de ma part à ne pas les défendre, au moins dans la mesure de mes faibles moyens. Messieurs, ce devoir vous le comprenez tous, il est sacré.

Mais, je le répète, s'il n'en était pas ainsi, je renoncerais volontiers à la proposition que je défends.

M. Visart. - Retirez votre amendement.

M. de Naeyer, rapporteur. - Le nôtre est retiré, il s'agit maintenant de l'amendement de M. le ministre des travaux publics auquel je dois me rallier parce que j'ai l'intime conviction que cette direction sur Grammont est la bonne. Je n'impose cette conviction à personne ; je provoque seulement un exament. (Interruption.)

(page 1564) Messieurs, je tiens à expliquer comment, ayant la conviction intime que cette direction sur Grammont est la bonne, il m'est de toute impossibilité de ne pas adopter l'amendement de M. le ministre des travaux publics. Car si cet amendement était repoussé, qu'arriverait-il ? C’est que quand même il serait constaté à la dernière évidence pour l'administration que cette direction est la meilleure et qu'en donnant plus d'avenir au chemin de fer dont il s'agit, elle donne par conséquent plus de garanties pour en obtenir la continuation, il serait impossibIe au gouvernement de l'adopter ; il serait lié par la loi qui l'obligerait de faire arriver le chemin de fer aux Acren. Vous comprenez qu'il ne m'appartient pas de sacrifier ainsi les intérêts de mes commettants.

Je terminerai par une dernière observation qui n'est pas sans importance pour les finances de l'Etat, et ici je vous prie de m'accorder encore quelques moments d'attention.

Vous avez entendu dire bien des fois que les conditions faites à la société de Dendre-et-Waes sont trop favorables a la compagnie et onéreuses pour le trésor public. Je ne veux pas discuter ce point pour le moment ; toujours est-il qu'il n'existe aucun motif raisonnable pour étendre gratuitement et bénévolement les avantages dont jouit déjà cette société et que les intérêts du trésor public méritent avant tout de fixer notre sollicitude. Or sous ce rapport il est nécessaire de laisser au gouvernement la latitude qu'il nous demande quant au point de jonction avec la ligne de Dendre-et-Waes afin qu'il y ait là, s'il est possible, une station d'une certaine importance donnant directement un contingent considérable de voyageurs et de marchandises. Une simple observation suffira pour vous le faire comprendre.

D'après les conventions avec la société du chemin de fer de Dendre-et-Waes, tous les produits des nouvelles stations établies sur cette ligne, considérés soit comme points de départ ou comme points de destination ou d'arrivée, appartienent pour les trois quarts à cette société, non seulement à raison du parcours sur les différentes parties du chemin de fer de Dendre-et-Waes, mais encore à raison du parcours sur les différentes parties du réseau national. Or, si le point de jonction est une localité peu importante, un simple village, vous aurez là une station pour ainsi dire insignifiante par elle-même, et qui directement ne fournira que peu de voyageurs et peu de marchandises, et les voyageurs et les marchandises venant de localités importantes échelonnées sur la ligne de Dendre-et-Waes devront, pour arriver à la station de la nouvelle société, parcourir d'abord une partie du chemin de fer de Dendre-et-Waes et par conséquent le produit appartiendra pour les trois quarts aux concessionnaires de ce chemin, non seulement à raison du faible parcours dont je viens de parler, mais encore à raison du parcours sur toutes les sections de la ligne de l'Etat.

Si, au contraire, la station où le chemin de fer nouveau aboutira à la vallée de la Dendre est une station importante, telle que Grammont, pouvant produire par elle-même un mouvement considérable de voyageurs et de marchandises, voici ce qui arrive : ces voyageurs et ces marchandises n'emprunteront en rien la ligne de Dendre-et-Waes, ils seront rendus directement dans la station de la nouvelle compagnie du chemin de fer de Tubize à la vallée de la Dendre, et toutes les recettes provenant de leur parcours ultérieur sur les lignes de l'Etat appartiendront exclusivement au trésor public, sans qu'il y ait lieu à aucun partage avec la société concessionnaire de Dendre-et-Waes, puisque dans ce cas le départ ou l'arrivée n'aura pas eu lieu à une des stations concédées à cette localité, mais bien à une station appartenant à la nouvelle société. Ceci résuite clairement des explications données par l'honorable ministre des travaux publics, lorsqu'il a rectifié, il y a un instant, un passage du rapport de la section centrale. Cette observation, qui intéresse directement le trésor public, est encore un puissant motif pour accorder au gouvernement la latitude qu'ii nous demande, afin qu'il puisse sauvegarder les intérêts du trésor.

- La clôture est demandée.

M. Osy (contre la clôture). - J'ai écouté avec beaucoup de patience des discussions sur des intérêts de localité, je crois qu'il doit m'être permis de présenter quelques observations sur le cahier des charges dont on n'a encore rien dit.

M. Dumortier. - Je demande à la chambre de clore, mais de permettre de dire quelques mots sur le cahier des charges. Il y a vraiment des articles, dans ce cahier des charges, qui exigeât un examen sérieux.

Il me paraît que vous ne pouvez empêcher l'honorable M. Osy de présenter des observations sur dès dispositions qui sont censées faire partie de la loi.

M. le président. - Il est certain que si la clôture n'est pas prononcée, on pourra parler sur le cahier des charges.

M. Dumortier. - Je demande que la discussion soit close sur tout autre chose que le cahier des charges,

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. Osy. - Messieurs, à l'occasion de la grande loi des travaux publics, j'ai fait observer que je trouvais que nous suivions une marche très dangereuse en accordant des concessions sans aucune garantie pour l'Etat que les travaux s'exécuteront. Effectivement voilà deux ans que, par la loi de 1851, vous avez décrété le canal de Bossuyt à Courtrai. Eh bien (je me rappelle que précisément à l'occasion de ce canal, je disais que je ne connaissais pas les concessionnaires, mais que s'il n'y avait pas un cautionnement préalable à toute discussion, je croyais que beaucoup de ces projets ne s'exécuteraient pas). Eh bien, voilà deux ans que le canal de Bossuyt est décrété et je n'en entends plus parler.

En 1845. lorsqu'on a commencé à présenter des lois de concession de travaux publics, le ministère d'alors a très sagement fait de ne présenter ces lois que lorsque les cautionnements se trouvaient dans les caisses de l'Etat. Cette année-ci pour le chemin de fer de Spa on avait stipulé que le cautionnement serait versé dans les trois mois. Eh bien, s'il était survenu des événements qui auraient fait retirer les capitaux, la loi n'aurait été qu'une lettre-morte comme pour le canal de Bossuyt.

Aujourd'hui le gouvernement ne se contente pas de donner 3 mois pour verser le cautionnement, il va déjà jusqu'à accorder 6 mois. Mais, messieurs, dans la situation financière où se trouve l'Europe, à la suite des affaires énormes qui ont été entreprises depuis deux ans, je crains bien que beaucoup d'opérations se fassent, non pas en vue d'un intérêt sérieux, mais en vue de l'agiotage. Je ne connais aucune des personnes qui ont demandé des concessions de chemins de fer et je ne parle qu'en règle générale, mais je dis que si vous accordez 6 mois pour verser les cautionnements, beaucoup de gens diront : Nous allons voir si nous pouvons placer des actions et s'il ne se trouve pas de preneurs, votre loi ne sera qu'une lettre morte.

Quant à moi. messieurs, je suis très désireux de ne plus voter de concessions de chemins de fer sans que le cautionnement se trouve dans les caisses de l'Etat. Je ne demande pas des cautionnements de 5 p. c, mais le voudrais au moins qu'on eût versé 250,000 francs pour la ligne dont il s'agit. Si vous n'agissez pas ainsi, messieurs, vous discuterez longtemps des projets de concession auxquels il ne sera donné aucune suite.

Messieurs, vous avez voté un chemin de fer d'Anvers à Rotterdam. Eh bien, avant que le cahier des charges définitif ne fût publié, on avait déjà fait souscrire des actions à Londres ; avant que la discussion ne fût commencée, les Anglais, qui ne cherchaient qu'à avoir du papier, avaient souscrit pour ce chemin de fer. Ce n'est que trois mois après que nous avons vu paraître la convention. Eh bien, les concessionnaires se sont réservé, je crois, 600 actions de 500 fr.

Je trouve, moi, qu'il est immoral de vendre des actions d'une entreprise à l'égard de laquelle il n'a encore été fait aucune convention.

Aujourd’hui, messieurs, ces actions sont en baisse, et si cela continue les Anglais seront mécontents de la Belgique comme ils l’ont été après 1845. Vous vous rappellez fort bien les griefs qui ont été articulés et même les réclamations par voie diplomatique qui ont été faites. Vous avez dû, messieurs, garantir 900,000 fr. par an à la société du Luxembourg pour le chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse et ainsi de suite. Voyez où tout cela conduit.

Maintenait, messieurs, si les chemins de fer dont nous nous occupons ne s'exécutent pas, si les concessionnaires ne placent pas leurs actions, toutes les personnes qui ont intérêt à ces chemins de fer diront au gouvernement : Nous avons une loi, des événements politiques, des crises financières empêchant que les travaux ne s'exécutent ; mais nous avons un droit acquis, vous devez accorder une garantie d'intérêt comme vous l'avez fait en 1851 pour les concessions accordées en 1848.

Eh bien, messieurs, je suis très effrayé de cette situation. On vous demandera des garanties d'intérêt pour le canal de Bossuyt, pour le chemin de fer des Acren, s'il ne s'exécute pas ; il en sera de même pour celui de Hasselt.

Je crois, messieurs, que la chose la plus sage ce serait d'ajourner tous les chemins de fer et de décider dès aujourd'hui que nous ne discuterons plus de projets de travaux publics avant que le cautionnement ne se trouve dans les caisses de l'Etat. Si vous ne voulez pas prendre ce parti, je voterai contre tout chemin de fer, même contre celui auquel j'attacherais la plus grande importance.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne comprends pas, messieurs, la logique de l'honorable M. Osy. Il part de ce principe qu'il faut un cautionnement préalable, il espère ainsi échapper à l'agiotage, d'abord et, deuxièmement, à l'intervention du gouvernement par la garantis d'intérêt. Or, messieurs, c'est précisément ce qui est arrivé en 1845 : il y a eu cautionnement préalable, à la suite du cautionnement préalable vente d'actions et de promesses d'actions, sur une immense échelle, et, enfin, nécessité pour le gouvernement d'intervenir par la garantie d'un minimum d'intérêt.

En effet, messieurs, c'est à l'égard des concessions de 1845 que le gouvernement a été obligé d'intervenir, quoiqu'il y eût et peut-être parce qu'il avait un cautionnement préalable, que le gouvernement n'a pas cru devoir saisir.

Maintenant, messieurs, quel est le mode de concession auquel le gouvernement, dans ces derniers temps, a accordé la préférence et qui, selon moi, est tout à la fois le plus moral et le mieux fait pour assurer l'exécution des travaux ? Ce mode est celui-ci : on accorde une concession purement provisoire, qui ne constitue pas entre les mains des concessionnaires un titre dont ils puissent se prévaloir auprès du public, auprès des tiers.

Les cahiers des charges portent formellement que la concession ne peut devenir définitive, ne peut constituer un titre entre les mains des concessionnaires, un droit sans être accompagnée de la preuve évidente que le gouvernement et le pays se trouvent en présence d'une société et réactionnaires sérieux.

Or, quel est le meilleur moyen de s'assurer que la société est une société sérieuse ? Ce moyen consiste dans la réalisation du capital, à (page 1565) concurrence de 30 p. c. Quand l'arrêté de concession définitive intervient et qu'il est publié au Moniteur, on peut être à peu près sûr que le chemin de fer ou le canal, dont il s'agit, se fera ; pourquoi ? Parce qu'alors les concessionnaires n'auront pas seulement justifié du versement d'un cautionnement, qu'on peut toujours avec plus ou moins d'adresse en réaliser un, mais qu'ils auront prouvé que la société est sérieuse ; les actionnaires ne se décident pas vite à verser 30 p. c. sur leurs actions, quand ils ne sont pas disposés à verser les 70 p. c. restant. Eh bien, cette garantie nous l'aurons, je pense, dans le cas actuel ; ce fait est la réponse la plus éloquente aux objections de l'honorable M. Osy.

L'honorable membre a voté le chemin de fer d'Anvers à Bréda ; or, on a aussi agioté sur ce chemin de fer. Ce sont des dangers auxquels on ne peut pas échapper ; ils sont inhérents à la situation que nous traversons. Le chemin d'Anvers à Bréda, celui de Pépinster à Spa, d'autres concessions encore, ne sont pas menacés d'un ajournement, et je ne pense pas que le gouvernement soit à la veille de venir demander des fonds à la législature pour l'exécution de ces lignes.

L'honorable M. Osy a parlé du canal de Bossuyt. Ce canal, dit-il, se serait exécuté, si, comme il en avait fait l'observation, ou avait eu soin d'exiger un cautionnement préalable.

Messieurs, si ce canal n'a pas été décrété jusqu'ici, si la concession définitive n'est pas intervenue, cela tient d'abord à cette circonstance, que toutes les autres entreprises d'utilité publique ont été favorisées d'un minimum d'intérêt pour 50 ans, tandis que le canal de Bossuyt n'a obtenu un minimum d'intérêt que pour 30 ans.

Ce fait tient encore à cette autre circonstance qu'aujourd'hui les capitaux se portent avec une sorte de frénésie vers les voies ferrées et délaissent complètement les canaux, comme si l'ère des canaux était finie. Je dois ajouter que j'ai l'espoir le plus fondé que le canal de Bossuyt pourra être concédé et exécusé.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

Vote sur l’article unique

Il est procédé au vote des divers amendements.

M. le président. - M. Dumortier a proposé d'inscrire dans le projet de loi le mot de « Braine-le-Comte », au lieu de celui de « Tubise ».

M. Dumortier. - Dans toutes les hypothèses, le mot de « Braine-le-Comte » a été réclamé ; toutefois, il me semble qu'il doit figurer dans la loi…

M. le président. - La discussion est close ; vous ne pouvez parler que sur la position de la question.

M. Dumortier. - Je parle sur la position de la question.

Je propose de substituer le mot de « Braine-le-Comte » à celui de « Tubize » ; mais quand bien même le mot « Tubize » resterait dans la loi, il me semble que le mot de « Braine-le-Comte » doit s'y trouver également.

Je demande donc qu'on vote par division.

- L'amendement, tel qu'il a été présenté, est mis aux voix et n'est pas adopté.

M. le président. - M. Dumortier a proposé, en outre, d'ajouter le paragraphe suivant :

« La clause de préférence et le dernier paragraphe de l'article 32 du cahier des charges sont supprimés. »

La section centrale s'est ralliée à cet amendement.

M. Mercier, rapporteur. - Je demande que l'on vote par division sur cet amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je me rallie à la partie de l'amendement qui supprime l'article 32 du cahier des charges.

- La suppression de l'article 32 du cahier des charges est mise aux voix et prononcée.

L'autre partie de l'amendement de M. Dumortier qui consiste à supprimer l'article 45 du cahier des charges et à laquelle le gouvernement ne s'est pas rallié, est mise aux voix et n'est pas adoptée.

Le sous-amendement proposé par M. le ministre des travaux publics, et qui est ainsi conçu : « Remplacer les mots : « se dirigeant vers Grammont ou vers les deux Acren, » par ceux-ci : « se dirigeant par Enghien sur un point de la Dendre à déterminer par le gouvernement » est mis aux voix et adopté.

L'amendement présenté par M. Magherman est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement de M. Ch. Rousselle est mis aux voix, il est ainsi conçu :

« Dans tous les cas où les lignes exploitées par la compagnie aboutiront soit aux stations des chemins de fer de l'Etat, soit aux stations d'autres lignes concédées, la compagnie, indépendamment du prix de location auquel elle pourra être tenue pour l'usage de ces stations, devra supporter tous les frais et dépenses que nécessiteront les changements ày faire, tels que déplacement et augmentation des voies, excentriques, gares d'évitement, et en général tous travaux quelconques que le gouvernement trouvera bon de prescrire, pour la bonne et régulière exploitation des diverses lignes. »

- Cet amendement est adopté.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je demande la suppression des mots : « annexés à la présente loi, » le cahier des|charges devant subir des modifications par suite des résolutions que la chambre vient de prendre et des changements consentis par le gouvernement. Je demande, comme on l'a fait pour le chemin de fer de Landen à Saint-Trond, qu'on suppiime de l'article de la loi les mots : « annexés à la présente loi. »

M. le président. - On pourrait laisser ces mots, en insérant à la suite de l'article unique les modifications que le cahier des charges doit subir par suite de l'adoption de quelques amendements.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La gouvernement a déclaré que l'embranchement de Braine le-Comte serait obligatoire ; cela résulte de l'article 2 du cahier des charges ; mais j'ai été plus loin au sein de la section centrale, j'ai déclaré que les concessionnaires devraient prendre l'engagement de faire la ligne de Braine-le-Comte à Enghien en même temps que celle de Tubize à Enghien.

M. Manilius. - Ce que je signalais tout à l'heure se présente déjà. En adoptant la proposition de M. le ministre vous ne votez plus rien, vous n'êtes pas sûr que la société accueillera les modifications introduites, vous êtes dans le cas d'avoir un rapport ultérieur de M. le ministre, vous annonçant qu'il n'a pas pu s'entendre avec la société ; votre article ne ressemble plus à rien ; quand il a été présenté, il avait cette force de donner au gouvernement le pouvoir de ratifier la convention passée ; maintenant il n'en existe plus, il n'y a plus qu'une convention éventuelle ; peut-être la société l'acceptera-t-elle, peut-être ne l'acceptera-t-elle pas. Votre loi n'est plus qu'une permission de concéder, de faire une nouvelle convention ou de modifier essentiellement celle qu'on vous a présentée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis au regret que l'honorable M. Manilius attribue une pareille portée à ma proposition. J'ai demandé pour ce projet ce qui est arrivé pour tant d'autres que vous avez votés sans objection, parce qu'il est impossible de mettre à exécution un cahier des charges sans le modifier dans quelques points accessoires.

Quant à ce qu'on dit que nous ne sommes pas sûr que les demandeurs admettront les modifications introduites, c'est une erreur ; j'ai des lettres de leur part qui les ratifient. Si les demandeurs n'étaient pas d'accord avec moi sur des points essentiels, il n'y aurait pas lieu de donner la concession. Au reste, pour faire droit aux scrupules de M. Manilius, je retire ma proposition, mais je demande qu'on ajoute à l'article que la ligne de Braine le-Comte est obligatoire pour les concessionnaires.

M. le président. - Cette modification ne peut plus être proposée qu'au second vote.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Alors je maintiens ma proposition.

M. Rousselle. - Ce n'est qu'une question de rédaction. Mon amendement porte : « Sous les modifications ci-après » ; on mettrait en tête la modification présentée par M. le ministre et ensuite la mienne.

M. le président. - Comme il y a eu trois amendements, il y aura un second vote, on pourra alors rectifier la rédaction.

Le second vote aura lieu lundi.

Projet de loi portant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion des crédits supplémentaires au département de l'intérieur.

La section centrale apporte des modifications au projet, elle ne propose l'adoption que d'un certain nombre d'articles.

Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

M. Osy. - Le rapporteur n'est pas ici ; on ferait mieux de terminer le rapport des pétitions commencé hier et qui n'a pas été terminé parce qu'une pétition a donné lieu à des observations. Demain nous pourrons nous occuper des crédits supplémentaires de l'intérieur.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission d'industrie sur des pétitions demandant que le poisson importé de Hollande soit taxé à la valeur au lieu de l’être au poids.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, je vous ai présenté le rapport suivant, sur lequel vous n'avez pas statué :

« Le sieur Guise, cabaretier à Hal, demande à être autorisé par la loi à pouvoir guérir quelques malades abandonnés des médecins ou déclarés incurables ; il ne prescrit que des remèdes externes et ne donne ses soins qu'à des personnes abandonnées des hommes de l'art et déclarées par eux incurables. »

Il a joint à sa requête bon nombre de certificats revêtus de signatures honorables attestant des guérisons opérées par ses remèdes, et entre autres celle d'un messager de votre chambre qui, après huit ans de souffrances atroces, abandonné des médecins les plus distingués de la capitale, s'est trouvé guéri par le remède du sieur Guise.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de sa requête à M. le ministre de la justice.

M. Lebeau. - Je propose l'ordre du jour.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je dois m'opposer à l'ordre du jour et insister sur les conclusions de la commission, en ce sens que si le renvoi au ministre de la justice est proposé, c'est non seulement pour qu'il présente un projet de loi, s'il le trouve nécessaire, mais (page 1566) pour voir si le pétitionnaire n'est pas coupable et s'il n'y a pas lieu de le faire poursuivre ou au moins de le surveiller, car il est évident qu'il doit être en contravention à la loi. Le ministre de la justice pourrait renvoyer la pétition au procureur général.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que ce serait faire trop d'honneur à cette pétition que de la renvoyer à M. le ministre de la justice, et que la seule décision digne de la chambre est l'ordre du jour.

M. Lebeau. - La deuxième observation de M. le rapporteur est véritablement inadmissible. Nous pouvons prononcer l'ordre du jour sur une pétition qui nous paraît ridicule. Mais lorsqu'un pétitionnaire s'adresse à nous avec confiance, ce serait un guet-apens que de renvoyer sa pétition au ministre de la justice pour le faire traduire devant les tribunaux.

- L'ordre du jour est prononcé.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Les conseils communaux d’Asper, Heurne, Synghem, Eecke et Michelbeke, ainsi que les membres des bureaux de bienfaisance de ces communes vous ont adressé des requêtes tendant à ce qu’il vous plaise modifier la loi concernant les frais d’entretien et l’admission des indigents dans les établissements de bienfaisance et les dépôts de mendicité. »

Les pétitionnaires accusent surtout deux causes : la première l'extrêm facilité avec laquelle les indigents sont admis dans ces institutions, et la deuxième le prix exorbitant qu’on exige pour les frais d’entretien et de séjour. Ils ajoutent que l’expérience a prouvé, que des indigents malveillants, voire même des personnes dont l’état d’indigence n'est nullement constaté s'y rendent dans le but de susciter des embarras à l'administration du lieu de leur domicile de secours, abusant de la facilité avec laquelle elles y sont reçues pour causer ainsi à ces administrations des frais considérables, et bien que la loi leur permette de les réclamer, ce n'est souvent qu'après un séjour prolongé qu'on parvient à les faire relâcher, tant à cause de l'avis tardif des hospices que de la lenteur ordinaire de la voie administrative, que les frais d'entretien varient d'un franc 15 à fr. 1-50 par jour et par tête, tandis que la moitié et même le tiers de cette somme suffit dans leurs communes. Il vous prie de bien vouloir considérer que ce sont souvent de très pauvres communes qui doivent payer à des hospices richement dotés et que plus une commune est pauvre, plus la charge de ce chef est lourde, et d'autant plus lourde qu'un plus grand nombre d'indigents la désertent pour se fixer en qualité de domestique eu manœuvres dans les villes et surtout dans les grandes villes, pour y chercher les moyens d'existences que le lieu de leur naissance leur refuse.

Tandis qu'ils séjournent dans les villes ils contribuent aux charges de l'octroi par tous les objets de consommation dont ils font usage à l’état de santé. Est-il donc juste qu'on fasse payer aux communes des sommes considérables pour leur entretien en cas de maladie ?

L'administration locale de Michelbeke ajoute que sur une population de 800 habitants dent la moitié est indigente, ses charges annuelles sont d'environ 3,200 francs, ce qui revient à 4 fr. par tête. Elle paye de 800 à 1,000 fr. par an aux hospices et dépôts de mendicité, elle soutient que sa position n'est pas tenable.

Votre cemmission, messieurs, a cru devoir vous proposer de recommander à l'attention particulière du gouvernement les réflexions et renseignements nouveaux contenus dans ces requêtes ; elle a l'honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Messieurs, les conseils communaux d'Ochamps, de Freux, de Moircy et de Bras, faisant partie des Ardennes luxembourgeoises, demandent qu'il vous plaise rapporter la loi du 25 mars 1847 sur le défrichement des terrains incultes. »

Les pétitionnaires soutiennent que c'était une loi de circonstances dans lesquelles, sous le coup des frayeurs du moment, les chambres se laissaient égarer par une méprise et une illusion.

Que leurs sarts et vaines pâtures ne sont pas des terrains incultes.

Que tous les 15 à 20 ans les terres communales sont essartées selon les localités, et donnent à leurs habitants une récolte de seigle.

Vous comprenez, messieurs, que des arguments de cette force ne sont pas de nature à mener la chambre à abolir une loi qui fonctionne à peine, à l'exécution et au maintien de laquelle elle a récemment voté des subsides nouveaux pour la distribution de la chaux, etc., et dont les bons effets ne se feront sentir que lentement et dans un temps plus ou moins éloigné encore de nous.

Votre commission, messieurs, a cru que la demande des pétitionnaires est au moins prématurée, et qu'il n'y a pas lieu quant à présent de s'en occuper ; elle a en conséquence l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Ces conclusions sout adoptées.


M. de Baillet, rapporteur. - « Le sieur Clermont présente un mémoire sur les résultats, pour la Belgique, des traités de 1842 ot 1845 qui ont été conclus avec la France et demande l'abrogation du traité de 1845. »

M. Clermont soutient que les traités en question ont eu des résultats fâcheux, tant pour le trésor de la Belgique que pour son industrie, et qu'il est de l'intérêt du pays de rentrer, vis-à-vis de la France, dans la même position où il se trouvait antérieurement à 1842.

Il met ensuite suus les yeux de la chambre les tableaux des produits des douanes dans les dernières années et les trouve peu élevés. Il voudrait l'établissement de droits de sortie modiques sur les houilles et les fontes, et une augmentation des droits de sortie existants sur le zinc. Ces divers droits devraient être modérés de manière à assurer au trésor une augmentation de recettes d'au moins 60/100 sans nuire à l'exportation.

Parlant plus particulièrement des traites de 1842 et 1845, qui ont eu pour but de relever l'industrie linière, M. Clermont prétend qu'ils n'ont aucunement abouti, que la Belgique n'a obtenu que des concessions illusoires et des résultats affligeants, tant pour ses machines et ses mécaniques que pour ses produits liniers ; tandis que, au contraire, les concessions que, de son côté, elle a faites en ce qui concerne les tissus de soie, de coton, de laine, les habillements et modes, les fils et les tissus de lin et de chanvre, le vins et le sel brut, ont été toutes très avantageuses pour la France, ruineuses pour notre pays.

Afin de parvenir à mieux constater ce qu'il avance, M. Clermont entre dans beaucoup de détails, établit le calcul des importations et des exportations faites sous le régime des deux traités, produit des comptes et cite des chiffres que nous n'avons pas vérifiés.

La commission croit devoir, messieurs, vous proposer le renvoi du mémoire qui vous est soumis à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances et son dépôt sur le bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Beggynendyck, le 10 mars 1853, le conseil communal de Beggynendyck déclare adhérer aux pétitions présentées par la ville de Louvain, en faveur d’un chemin de fer dit « de la Campine », projeté par les sieurs Riche et Dandelin. »

Cette pétition n'étant qu'une adhésion à la pétition adressée à la chambre par la ville de Louvain, laquelle a été renvoyée à M. le ministre des travaux publics, votre commission vous propose, messieurs, le même renvoi.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée d'Aerschot, le 6 mars 1853, le conseil communal d'Aerschot prie la chambre d'accorder à M. l'ingénieur Dandelin la concession d'un chemin de fer de Louvain à Hasselt et au camp de Beverloo par Aerschot. »

Cette pétition présentant quelques considérations qui ne peuvent être appréciées que par M. le ministre des travaux publics, votre commission, messieurs, vous propose de lui en faire le renvoi.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition sans date, les habitants de Diest prient la chambre d'accorder à la société Tiberghien, Delloye et compagnie, la concession d'un chemin de fer de Louvain à Diest, moyennant la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital de 4,000,000 de francs. »

« Par pétition datée de Binckom, le 14 février 1853, les habitants de Binckom demandent la construction d'un chemin de fer direct de Diest à Louvain. »

« Même demande des habitants de Thielt, arrondissement de Louvain, de Molenbeek-Wersbetket de Lubbeek. »

Les signataires de ces six pétitions font valoir, pour appuyer leur demande, diverses considérations que votre commission n'a pas cru devoir analyser ; attendu que les administrations de toutes ces localités ont adressé à la chambre des pétitions donnant les mêmes raisons, lesquelles pétitions ont été renvoyées à M. le ministre des travaux publics, votre commission, messieurs, a pris la même décision.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée du 12 mars 1853, le conseil communal de Lanaye demande l'exécution du chemin de fer, projeté par le sieur Benard, de Hasselt à Liège, par Tongres et Glons, avec embranchement sur Maestricht. »

« Même demande des conseils communaux d'Eben-Emael, Canne, Sichen Sussen Bolré, Vroenhoven, Wellen, Roclenge, Bassenge et Wonck. »

Ces onze pétitions ne faisant que répéter les mêmes raisons que celles sur lesquelles la chambre a statué en les renvoyant à M. le ministre des travaux publics, votre commission vous propose, messieurs le même renvoi.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Haelen, le 21 février 1853, le conseil communal de Haelen prie la chambre d'accorder la concession d'un chemin de fer de Vertryck sur Haelen, avec embranchement sur Hasselt et Diest, vers la Campine. »

Cette demande, étant la même que la précédente, votre commission propose, messieurs, le même renvoi.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Huy, le 24 février 1853, le conseil communal de Huy prie la chambre d'accorder au sieur Stephens la concession d'un chemin de fer de Huy à Landen, par Hannut. »

« Même demande du conseil communal d'Huccorgne. »

Ces deux pétitions n'étant qu'une simple demande appuyant celle faite par le sieur Stephens, le renvoi à M. le ministre des travaux publics est également proposé par votre commission.

- Adopté.


(page 1567) M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Lauwe, le 21 mars 1853, le sieur Van Renterghem, ancien brigadier des douanes, demande la révision de sa pension. »

Le pétitionnaire fonde sa réclamation sur l'arrêté du régent, du 9 avril 1831, ainsi conçu :

Lors de la liquidation de la pension de retraite des employés mis en activité, en vertu du présent arrêté, la campagne sera comptée pour deux années de service.

Il dit que cet arrêté ne lui a pas été appliqué lors de la liquidation de sa pension.

Le pétitionnaire ne justifie aucunement avoir été appelé en activité de service, et sa réclamation rentrant dans des attributions du département des finances, auquel il aurait dû s'adresser, votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Louvain, le 23 mars 1853, la veuve du sieur Marschal, ancien maréchal des logis au 2ème régiment des lanciers, prie la chambre de lui accorder une pension. »

La pétitionnaire n'ayant aucun droit à la demande adressée à la chambre, votre commission vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 24 mars 1853, le sieur Van Win, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour être réintégré dans ses fonctions ou obtenir une pension. »

Le pétitionnaire a été nommé commis de troisième classe le 6 juillet 1833, il a été démissionné le 3 avril 1839, il n'a donc été attaché à l'administration que pendant 5 années et 9 mois, il est âgé de 66 ans, et il déclare avoir adressé plusieurs réclamations à M. le ministre des finances, qui toutes ont été rejetées ; dans un tel état de choses, votre commission vous propose, messieurs, l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Rhodes Sainte-Genèse, le 21 mars 1853, le sieur Nivelles, ancien militaire, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension. »

Le pétitionnaire a été congédié le 28 mai 1833, il dit que c'est pour cause de blessures reçues en 1830, il ajoute que la proposition d'une pension lui a été faite, et qu'il a reçu environ cent francs, « peut-être dit-il comme gratification ».

Cette déclaration est un indice qu'il n'a pas été admis à l'obtention d'une pension, votre commission a d'autant plus lieu de croire que le réclamant à continué, après avoir été blessé, un service actif, pendant trois ans, et qu'il en a vingt qu'il a reçu son congé.

Votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


« Par pétition datée de Gheel, le 4 avril 1853, le sieur Becquaert, ancien maréchal des logis au régiment des chasseurs à cheval, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension ou du moins une place ou un secours. »

Le pétitionnaire s'est engagé en 1846, il a été congédié le 8 février 1853 pour cause d'épilepsie.

Son congé indiquait que cette maladie, a été contracté au service, mais non par le fait du service, il a adressé une requête au Roi, tendant à obtenir une pension.

M. le ministre de la guerre lui a fait connaître, par sa dépêche du 17 février dernier, que sa demande ne pouvait être accueillie, parce que l'infirmité n'a pas été contractée par le fait du service ; en présence de cette déclaration, votre commission vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition datée de Sars-la-Bruyère, le 5 avril 1853, le sieur Simain réclame l'intervention de la chambre pour que son fils Alexandre soit exempté de la milice. »

Cette réclamation est une dénonciation contre une décision de la députation permanente qui a annulé une résolution prise par le conseil de milice.

Votre commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Par pétition, datée du 13 avril 1853, la dame Hellin prie la chambre de voter un crédit destiné à lui rembourser sa quote-part des emprunts de 1848. »

Un dernier délai, ayant été fixé et annoncé, son expiration ayant eu lieu depuis plusieurs mois.

- Votre commission, messirurs, vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.

Rapport sur une demande en naturalisation

La chambre adoptant les conclusions d'un rapport de la commission des naluralisations, passe à l'ordre du jour sur la demande de naturalisation du sieur M. E. Thiebaud, en se fondant sur ce qu'il est Belge de naissance.

La séance est levée à 4 heures et demie.