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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 juin 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse<.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1545) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal et des propriétaires d'Otrange prient la chambre de n'accorder la concession d'un chemin de fer de Hasselt vers Maestricht qu'à la condition de construire un embranchement de Bilsen vers Ans par Tongres, ou du moins de décréter une ligne destinée à relier Liège à Bilsen par Tongres. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Hasselt vers Maestricht.


« Les membres du conseil communal de Looz prient la chambre de décréter la construction d'un chemin de fer de Bilsen vers Ans par Tongres et de rejeter le projet présenté par le sieur Benard. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'autres électeurs de Diest demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« L'administration communale de Hal prie la chambre d'accorder au sieur Bouquié-Lefebvre la concession d'un chemin de fer de Hal à Ath et de rejeter la demande de concession d'une ligne de Tubize vers Grammont. »

M. Rousselle. - Messieurs, la ville de Hal fait une réclamation relativement au tracé du chemin de fer dont la chambre s'occupe, et nous prie de voter la concession demandée par M. Bouquié-Lefebvre. Je suppose que la chambre pourrait bien prononcer l'ajournement du projet en discussion ; cependant j'attire l'attention de la chambre sur cette pétition, et j'en réclame le dépôt sur le bureau pendant la discussion actuelle.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Tarte demande la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai par Enghien et Renaix avec embranchement de Renaix sur Deynze par Audenarde. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le chemin de fer de Tubize aux Acren.


« Les sieurs Moucheron et Delaveleye demandent la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain à Gand. »

M. T'Kint de Naeyer. - Je remarque, dans le rapport de la section centrale sur le chemin de fer de Tubize aux Acren, que la demande des pétitionnaires y est mentionnée ; mais nous ignorons complètement par quels motifs elle a été écartée ; je n'ai trouvé aucune explication à cet égard.

J'espère que, dans le courant de la discussion, M. le ministre des travaux publics voudra bien nous faire connaître quelle solution le gouvernement compte donner à cette affaire, la ligne dont il s'agit a une importance incontestable puisqu'elle est destinée à relier St-Ghislain, centre du bassin de Mons, à Gand centre de l'industrie flamande.

Je demande donc le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet dont s'occupe la chambre et ensuite le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur de l’Orgevie-Gentry prie la chambre d'accorder à la veuve Van Enschodt la concession d'un chemin de fer de Malines à Schelle avec bateau à vapeur sur Tamise. »

M. de Perceval. - Je demande que la commission des pétitions fasse un prompt rapport sur cette requête. Je ferai remarquer en passant que le pétitionnaire ne réclame pour la concession de ce chemin de fer ni subside ni garantie de minimum d'intérêt.

- La proposition de M. de Perceval est adoptée.


« Par dépêches du 31 mai, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :

« - Le projet de loi contenant le budget de la dette publique peur l'exercice 1854 ;

« Le projet de loi qui proroge l'article premier de la loi du 12 avril 1853, concernant les péages du chemin de fer. »

-Pris pour notification.

Projet de loi relatif au monument au Congrès national

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre un projet de loi relatif à l'achèvement du monument du Congrès national. Il est conçu en deux articles dont je demande la permission de donner lecture à là chambre.

(Nous donnerons ce projet de loi.)

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne.

Comment la chambre entend-elle en faire l'examen ?

M. Osy. - Messieurs, tous nous désirons que la session finisse le plus tôt possible ; et cependant tous les jours le gouvernement vient présenter des projets de loi. Je ne sais pas quand nous pourrons nous ajourner après une session aussi longue. Je crois que pour les objets qui ne sont pas d'une grande urgence, il faut les remettre à la session prochaine. J'en fais la proposition formelle. Le projet actuel n'a aucun caractère d'urgence. J'ai établi dernièrement que la dette flottante est de 33 millions, et vous avez autorisé le gouvernement à consolider 15 millions. Ajournons par conséquent toutes les dépenses qui ne sont pas urgentes.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la présentation de ce projet de loi me surprend, et elle est faite pour surprendre la chambre. (Interruption.)

Comment ! dans un moment où la chambre fatiguée désire se séparer, le gouvernement a la faiblesse de céder à certaines exigences !

Comment ! il y a trois semaines à peine, M. le ministre des finances déclarait que la situation du trésor ne continuerait à être satisfaisante qu'à la condition d'écarter toutes les dépenses non indispensables, et l'on vient aujourd'hui présenter un projet de loi qui tend à nous engager dans des dépenses sans urgence, on vient le présenter lorsque la chambre est sur le point de discuter des crédits supplémentaires considérables demandés pour le département de l'intérieur ! Je le déclare sans détour, la conduite du gouvernement me paraît inexplicable.

Je propose que l'examen de ce projet de loi soit ajourné à la session prochaine.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je crois que la présentation de ce projet de loi n'est pas faite pour surprendre la chambre, car il s'agit d'un acte de reconnaissance nationale envers une illustre assemblée. Ce n'est pas non plus un acte de faiblesse ; c'est uniquement, de la part du gouvernement, l'accomplissement d'un devoir auquel la chambre s'est associée par deux votes successifs.

Maintenant au point de vue financier, le projet repose sur ce principe que la dépense sera échelonnée sur cinq exercices ; même pour l'exercice courant, le gouvernement ne demande rien ; il proposa simplement de laisser commencer les travaux, en utilisant les fonds en caisse pendant l'exercice courant.

Quant au premier cinquième des 500,000 fr. à fournir par le trésor, il serait porté au budget de 1854. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer au point de vue financier.

M. Rogier. - Messieurs, ce qu'il y a de surprenant dans cette affaire, c'est l'opposition passionnée que rencontre de la part des deux honoraires membres le renvoi en sections du projet de loi que le gouvernement vient de déposer. Quant à l'opposition que rencontre le projet au fond, elle ne me surprend pas.

Je sais que le monument dont il s'agit ne rencontre pas les sympathies des honorables membres qui l'ont combattu à outrance dans diverses circonstances.

Mais, messieurs, ce qui eût été surprenant, ce qui eût été, à bon droit, imputé à faiblesse à M. le ministre de l'intérieur, c'eût été de ne pas déposer le projet de loi alors qu'il est annoncé et promis depuis longtemps, alors que les fonds de la souscription dorment sans emploi et que le monument n'offre aujourd'hui qu'une ruine honteuse. Il est temps, messieurs, de prendre un parti, soit qu'on rase les travaux commencés, soit qu'on les continue.

Si j'ai bien compris l'honorable ministre de l'intérieur, il ne s'agit pas de demander des fonds pour l'année courante, il ne s'agit, que d’autoriser le gouvernement à employer les fonds de la souscription, le trésor ne devant intervenir qu'a partir de l'exercice prochain.

Il s'agit, messieurs, d'achever un monument auquel tous les grande pouvoirs de l'Etat ont prêté leur concours moral.

L'inauguration du monument a eu lieu de l'assentiment général ; le chef de l'Etat est venu en personne, au milieu des représentants de la nation, inaugurer le monument qu'on propose aujourd'hui d'ajourner en invoquant les circonstances.

Comment peut-on soutenir, messieurs, que dans les circonstances actuelles il soit inopportun que la nation rende hommage à la Constitution ?

La nation repose sur deux bases également respectables : sa dynastie et sa Constitution ; des dépenses se font en ce moment pour la dynastie, et nous y applaudissons de tout cœur ; les dépenses à faire pour la Constitution, nous devons également y applaudir, et il y aurait véritablement inopportunité à les repousser.

Je demande le renvoi du projet en sections.

M. Roussel. - Messieurs, de quoi s'agit-il ? Il s'agit uniquement de renvoyer aux sections le projet de loi présenté par le gouvernement. Ce renvoi, messieurs, n'implique pas l'approbation du projet, puisqu'il suppose seulement un examen préparatoire.

Messieurs, le projet de loi ne manque pas d'importance : il s'agit de consacrer un monument destiné à perpétuer le souvenir du Congrès et de notre belle Constitution. Je ne comprendrais pas que la chambre pût décider, tout d'abord, qu'elle ne s'occupera point de ce monument. Toutes les opinions sont libres, chacun émettra sa manière de voir dans les sections et plus tard, en séance publique ; mais, en attendant, je ne (page 1546) pense pas qu'on puisse opposer à la proposition du gouvernement une dédaigneuse fin de non recevoir.

Remarquez, messieurs, que non seulement le Roi, mais ercore le corps législatif tout entier ont pris part à la solennité de l'inauguration du monument ; et vous voudriez aujourd’hui que le corps législatif refusât même d’examiner la consécration de ce qui s’est fait !

Je vote pour le renvoi aux sections.

M. Vander Donckt. - Lorsque, dans une séance précédente, un honorable représentant de Gand a fait une motion dans le but d'obtenir les fonds nécessaires pour obvier aux inondations qui affligent nos provinces, l'honorable ministre des finances a dit que le découvert du trésor, sans être alarmant, est assez étendu, et pour ma part, continue-t-il, je ne voudrais en rien contribuer à l’aggraver d’avantage, pour ne pas être obligé de contracter un emprunt pendant la session actuelle.

Le découvert existe ou il n'existe pas. Dans toutes les circonstances on a toujours fait valoir la pénurie du trésor.

M. le président. - C'est le fond que vous examinez.

M. Vander Donckt. - Je demande quelle urgence il y a à continuer la constrution du monument du Congrès. Je n'entends pas m'opposer à ce que ce monument soit construit, au contraire ; nous sommes unanimement d'accord pour le construire, mais aussi longtemps que nous souffrons des inondations, que nos champs, nos prairies se trouvent submergées, que la récolte de nos grains, de nos fourrages...

M. le président. - Vous entrez dans la discussion du projet. Il s'agit seulement de savoir si l'examen aura lieu en sections pendant cette session.

M. Vander Donckt. - Je voulais motiver mon vote pour le renvoi du projet à la session prochaine.

M. Osy. - M. le ministre insiste pour que son projet soit examiné cette année.

La discussion à laquelle il donnera lieu sera très longue, car nous prouverons que l'ancien ministère a posé en acte irrégulier ; avant de commencer les travaux, le gouvernement aurait du consulter h chambre.

M. Rogier. - Elle a été consultée deux fois !

M. Osy. - Elle n'a été consultée qu'une seule fois, lorsqu'elle a voté une somme de 25,000 fr. J'ai voté contre en protestant à raison de l'irrégularité. Tout le monde reconnaîtra qu'il est impossible de s'occuper d’une affaire pareille à la fin de la session. Je demande quel dommage il y aura si la colonne arrive un au plus tard. Certainement nous avons manifesté hautement notre opinion sur l'œuvre du Congrès, nous l'avons ercore fait hier ; ce n'est pas un monument en pierre qui fera qu'on connaître le pays ; on le connaîtra par les discours prononcés hier, l'érection d'une colonne n'ajoutera rien...

M. de Decker. - Je regrette, comme beaucoup de nos honorables collègues, que cette demande de crédit vienne si tard, aux derniers jours de la session ; mais je verrais avec infiniment de regret que la chambre ne comprît pas la nécessité d'achever enfin un monument qui ne peut que faire honneur au pays, en fournissant une preuve de plus des sentiments constitutionnels qui nous animent tous, à quelque parti que l'on appartienne.

On demande s'il y a urgence de l'achever. Je n'hésite pas à répondre oui ; car il y a trop longtemps que ce monument reste à l’état de ruine ; et, je l'avoue, chaque fois que je passe devant la place du Congrès, j'éprouve, comme ami de mon pays, un sentiment très pénible, qui, j'eu suis sûr, est éprouvé par vous tous.

On dit que la discussion que provoquera le projet sera longue, Pour moi, je désire vivement qu'elle ne le soit pas ; je désire même que l'achèvement de ce monument ne donne plus lieu à aucune discussion, qu'ii s'achève par acclamation !

Dans ce moment solennel, où, comme j'avais l'honneur de le dire il y a quelques jours, la Belgique attire les regards de l'Europe entière, quand les étrangers en foule viendront visiter notre belle capital ; nous devons éviter que leurs regards ne soient frappés par le spectacle de ce bout de monument que ia nation n'aurait pas eu le courage d'achever.

Je demande en même temps qu'on songe aussi à un autre monument, à celui de notre vertueuse Reine.

Celui-là aussi, il ne faut pas qu'il reste dans l'oubli ; il répond aux mêmes sentiments du pays, confondant dans un même amour notre royauté et nos institutions constitutionnelles.

J'appelle l'attention du gouvernement sur l'achèvement de ce monument, comme sur l'achèvement du monument de la Constitution.

M. Orban (pour un rappel au règlement). - Je ne crois pas que nous puissions discuter ni mettre aux voix la question de savoir si ce projet sera examiné. La chambre ne peut se prononcer que sur le mode d'examen, mais elle ne peut décider qu'il n'y aura pas d'examen. Mettre dès maintenant aux voix la question d'ajournement, ce serait mettre aux voix l'exécution du règlement.

M. Devaux. - Je voulais faire remarquer également que l'article 35 du règlement tranche la question. Aux termes de cet article les projets de loi doivent être transmis soit aux sections, soit à une commission pour y être discutés suivant la forme établie par ie règlement. L'article est impératif. Il n'y a de débat en ce moment que sur la question de savoir si le projet sera renvoyé en sections ou à une commission. La chambre peut être close ou s’ajourner avant que l'examen des sections ou de la commission soit achevé. Mais le renvoi n'en doit pas moins avoir lieu.

M. le président. - Il est certain que c'est dans les sections que doit être faite la proposition d'ajournement. Ceux qui veulent l'ajournement le proposeront en sections.

Puisqu'on n'insiste pas, le projet est renvoyé à l'examen des sections.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien

Discussion générale

M. le président. - La parole est continuée à M. Dumortier.

M. Dumortier. - Dans la séance d'hier, j'ai eu l'honneur de vous parler des diverses demandes en concession qui sont faites, et qui ont Enghien pour point de centre.

Vous pouvez voir facilement sur la carte qu'un grand parallélograme existe au cœur du pays, dont Enghien est le centre, et qui est entièrement dépourvu de chemins de fer. Ce grand parallélogramme, négligé jusqu'ici, est aujourd'hui l'objet d'une foule de demandes de concessions, qui toutes passent par Enghien.

Il en résulte qu'une demande de concession, qui n'est nullement étudiée, et qui n'est pas avantageuse aux intérêts publics peut entraver la marche de toutes les autres. Il importe donc au plus haut degré, lorsque vous êtes saisis de cette demande, de l'examiner avec beaucoup de maturité et de voir si cette concession ne va pas empêcher l'exécution de lignes infiniment plus importantes peur l'intérêt public et spécialement de lignes dont le caractère est réellement national.

J'ai eu l'honneur de vous le dire hier, six demandes sont faites à la chambre, qui toutes prennent la ville d'Enghien comme point de centre.

Il y a d'abord celle de M. Tarte, déposé en 1845, avec un tracé qui passe à Braine-le Comte, vers Enghien, Lessines, Renaix et Courtrai ; en second lieu celle de M. Bouquié, déposée le 7 février 1846, dont le tracé part de la ville de Hal, va à Enghien, vers Ath ; une troisième dont je ne me rappelle pas le tracé, qui a été présentée en 1846, par M. Duvivier, dont le centre est à Enghien ; une quatrième présentée par MM. Van der Elst et compagnie, en 1852, qui part d'Hennuyères et passe par Enghien vers les Acren ; la cinquième qui est proposée par le ministère a été faite en 1853, par MM. Zaman et Coppens ; le tracé est de Tubize aux Acren par Enghien. Enfin la sixième qui va du charbonnage du Centre à Gand, a également Enghien pour point de centre.

J'ai omis, messieurs, une septième demande, c'est celle qui a été présentée par M. Maertens il y a quelques années, car je vois que le cahier qui nous a été distribue date de 1846.

Ce chemin de fer part également de Braine le-Comte, va à Enghien et d'Enghien se dirige vers les Acren. C'est identiquement le même tracé que celui que M. Zaman vient présenter aujourd'hui ; et ici encore M. Maertens a fourni les coupes et les plans nécessaires, bien que nous n'ayons pas le projet détaillé qu'il a présenté. Mais d'après la carte remise à la chambre en 1846, il est évident qu'ii avait satisfait aux obligations des arrêtés royaux.

Voilà donc sept demandes qui sont faites à la chambre, toutes ayant Enghien pour point de centre et dont la majeure partie partent de Braine-le-Comte pour se diriger soit vers la Dendre, soit à Lessines, soit à Grammont.

En présence de toutes ces études, n'est-il pas juste, messieurs, de se demander à quel titre la priorité est acquise à celui qui est venu le dernier ? Il existe, en effet, des arrêtés dont je vous ai donné lecture dans la séance d'hier et qui interdisent en quelque sorte au gouvernement de présenter aux chambres une demande de chemin de fer qui n'a pas été étudiée d'une manière approfondie, c'est-à-dire pour lequel on n'a pas fait des études indispensables sur le terrain, dont on n'a pas donné le cahier des charges, les devis, les coupes, les élévations et les profils. Un arrêté royal exige toutes ces conditions, et je me demande toujours pourquoi, alors que diverses compagnies ont rempli ces conditions, elles sont écartées, tandis qu'une autre beaucoup plus favorisée, et qui n'a rempli aucune de ces conditions, obtient la concession.

On objectera ia demande de garantie de minimum d'intérêt. J'ai fait remarquer, dans la séance d'hier, que la garantie du minimum d'intérêt dont on avait parlé, est un argument sans aucune espèce de valeur, dés l'instant que la bourse, par la faveur qu'elle accorde aux chemins de fer, n'exige plus cette garantie.

J'ai fait remarquer que le ministre, avant d'accorder la concession au sieur Zaman, aurait dû dire à ceux qui avaient déposé des projets en temps utile, qui avaient fait des études approfondies : J'ai une demande sans garantie de minimum d'intérêt. Voulez-vous consentir à exécuter votre projet sans cette garantie ? Votre droit de priorité vous accorde la préférence.

Cela n'a pas été fait.

Messieurs, j'arrive à me demander si le chemin de fer qu'on vous demande en ce moment est celui qui concorde avec l'intérêt public. Pour mon compte, j'ai beau l'examiner sous toutes sa faces, je n'y vois qu'une chose : l'intérêt privé revêtant la forme de l'intérêt public. Car savez-vous comment on devrait appeler le projet qu'on vous propose ? Un chemin de fer accordé à M. Zaman pour aller de ses carrières aux rives de la Dendre.

Mettez dans la loi : M. Zaman est autorisé à faire un chemin de fer depuis ses carrières jusqu'à la Dendre, et voiu aurez le projet dans son entier.

El voilà, messieurs, ce qu'on appelle un projet d'intérêt public.

M. Mercier. - Il y a d'autres carrières que celles-là.

(page 1547) M. Dumortier. - Il y a d'autres carrières ; je suis heureux que vous me le rappeliez ; je l'aurais oublié ; je vous en remercie.

Messieurs, ce chemin de fer, je le répète, n'est qu'un chemin de fer d'intérêt privé. Mais, dit l'honorable membre qui m'interrompt, il y a d'autres carrières sur la ligne. Mais pourquoi donc refuse-t-on de diriger la voie sur les carrières de Lessines ? Eh bien, je vais vous citer en réponse un nouveau fait qui vous prouvera toutes les intrigues qui ont été mises en jeu dans cette malheureuse affaire.

Messieurs, quand ce projet fut présenté, MM. Solvay, également propriétaires de carrières à Rebecq, ont adressé à la chambre une protestation contre ce chemin de fer que vous discutez aujourd'hui, et cette protestation était fondée. Ces messieurs disaient avec raison : Si ces propriétaires de carrières (car vous savez que ces carrières sont mises en société et que dans cette société se trouvent beaucoup d'actionnaires même parmi des personnes très haut placées), si ces propriétaires de carrières venaient nous faire une concurrence à nous, le projet qu'on vous demande a pour but de nous ruiner. L'opposition de MM. Soivay était donc péremptoire.

Eh bien, qu'a-t-on fait ? De même que dans une autre circonstance, on a vu acheter en quelque sorte (du moins ç'a été l'opinion de tous dans cette chambre) l'opposition qu'on faisait à un chemin de fer, de même on est venu acheter les carrières de MM. Solvay afin de faire cesser leur opposition.

Et c'est en présence de pareils faits qu'on vient dira qu'il y a d'autres carrières, lorsque ces carrières sont aujourd'hui monopolisées par une seule société.

Vous voyez combien j'ai raison de vous le dire. Le projet présenté revient à ceci : « M. Zaman est autorisée faire un chemin de fer depuis ses carrières jusqu'à la Dendre. »

Messieurs, je vous le demande, est-ce donc là une question d'intérêt public ? Pour mon compte j'ai toujours cru que les chemins de fer d'intérêt public prenaient leur naissance et aboutissaient à quelque grand centre de population.

Ainsi quand je vois un chemin de fer aboutir à Bruxelles, à Anvers, à Gand, je dis : Voilà des chemins de fer d'intérêt public. Quand je vois un chemin de fer aboutir à Liège, à Namur, je dis : Voilà un chemin de fer d'intérêt public. Quand je vois des chemins de fer aboutir à des villes importantes intermédiaires, à des villes qui sont le point de jonction des divers chemins de fer, à des villes qui renient les transports et les communications faciles, je vois encore là des chemins de fer dans l'intérêt public.

Mais quand je vois un chemin de fer demandé pour aboutir où ? Au village d'Hennuyères, ou il n'y a pas même de station de l'Etat, où il y a une simple halte, où l'on s'arrête peu de fois par jour, qui fournit à peine à ses dépenses, je me demande : Est-ce là un chemin de fer dans l'intérêt public ?

Evidemment, messieurs, et l'honorable M. de Naeyer l'a reconnu lui-même hier, Braine-le-Comte était le point où le chemin de fer dont il est question devait aboutir.

M. de Naeyer, rapporteur. - C'est ainsi.

M. Dumortier. - Ce n'est pas ainsi, puisque la loi, dans son texte, ne parle pas même de Braine-le-Comte.

M. de Naeyer, rapporteur. - Lisez le rapport.

M. Dumortier. - On ne fait pas des concessions avec des rapports. On fait des concessions avec la loi et de par la loi ; et puisque vous voulez que je lise la loi, je vais la faire.

M. de Naeyer, rapporteur. - Faites un amendement.

M. Dumortier. - Voici, messieurs, le texte de la loi :

« Le gouvernement est autorisé à accorder au sieur Joseph-Emmanuel Zaman, propriétaire à Saint-Josse-len Noode, et François Coppens, architecte et propriétaire à Bruxelles, la concession d'un chemin de fer de Tubise aux Acren, par Enghien, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 28 janvier 1853, annexés à la présente loi. »

Vous le voyez donc, la loi ne contient pas même le nom de Braine-le-Comte.

Je sais qu'on me dit : l'article 2 du cahier dis charges permet au gouvernement d'accorder la concession d'un embranchement sur Braine-le-Comte. Mais voyez les plans qui sont ici : on vous présente une étude à l'appui du projet, y a-t-il apparence d'un tracé vers Braine-le-Comte ? Ce tracé ne se trouve pas sur le plan.

M. de Steenhault. - Cela ne dit rien du tout.

M. Dumortier. - Je suis fort surpris qu'on dise : cela ne dit rien du tout ; c'est-à-dire qu'on veut envers et contre vous, contre toute espèce de raison et d'intérêt public, obtenir un chemin de fer et sacrifier par là les chemins de fer qui sont d'intérêt public. Si cela ne prouve rien, à quoi servent les plans, les études ? Ce qui prouve, au contraire, beaucoup, ce sont les études faites sur le terrain. Eh bien, messieurs, ici, non seulement il n'y a pas d'études faites, mais on ne s'est pas même donné la peine de tracer un embranchement vers Braine le-Comte, et l'on vient dire que l'embranchement de Braine-le-Comte devient une condition absolue de la concession et en doit être l'artère principale ; c'est par trop fort.

Je sais bien que dans l'article 2 il est dit :

« Les concessionnaires auront la faculté de construire un embranchement partant d'Enghien ou d'un autre point entre Enghien et Tubize, et aboutissant à la station de l'Etat à Braine-le-Comte. »

C'est là, vous le voyez, une simple faculté. Il est ajouté a la vérité « Toutefois, si le gouvernement jugeait à propos de prendre l'initiative et de déclarer l'utilité publique de cet embranchement, les concessionnaires seraient tenus de l'exécuter et de le mettre en exploitation dans un délai de deux ans.’

Vous le voyez, messieurs, il y a un délai de deux ans pour l'exécution de l'embranchement, tandis que la ligne principale sera exécutée immédiatement.

D'ailleurs, messieurs, ce n'est qu'une faculté donnée»au gouvernement ; j'aime à croire qu'il en usera mais si les concessionnaires n'exécutent pas l'embranchement, comment fera-t-il pour les y forcer ? L'acte de concession ne contient pas, à cet égard, les garanties qui se trouvent dans tous les cahiers des charges.

Mais, messieurs, tandis que ce chemin de fer est exclusivement dans l'intérêt des carrières de Quenast, d'autres projets qu'il écarte, ont un caractère tout à fait différent. Ainsi le projet de M. Tarte est éminemment national. MM. Tarte et Maertens ont été les premiers à concevoir la grande pensée d'unir les provinces flamandes et les provinces wallonnes ; eh bien, on les dépossède aujourd'hui et on donne le fruit de leurs recherches, le fruit de leurs labeurs, à une personne qui n'a fait aucune des études pratiques, qui ne s'est pas rendue sur le terrain, qui arrive uniquement protégée par le favoritisme et sans autre bagage qu'une ligne rouge tracée sur un calque du plan cadastral.

Maintenant, messieurs, pouvez-vous méconnaître le caractère éminemment national du projet présenté par M. Bouquié ? Mais vous êtes aujourd'hui sans relations directes avec la capitale et la ville de Lille, ville si importante qui renferme au-delà de 80,000 habitants et qui en compte 120,000 en y comprenant les faubourgs.

Vous n'avez pas de chemin de fer direct sur Douvres et Calais, qui sont toujours le plus court chemin de l'Angleterre. Eh bien, messieurs, M. Bouquié vient présenter un chemin de fer qui comble ces lacunes.

Voilà certes un chemin de fer éminemment national et qui remplit une condition à laquelle la chambre a toujours attaché la plus haute importance.

Ainsi, messieurs, quand vous avez décrété le chemin de fer du Midi, vous avez voulu la voie la plus courte possible sur Paris. Quand vous avez voté le chemin de fer de la Vesdre, vous avez imposé au trésor un sacrifice énorme pour obtenir la voie la plus courte possible sur Cologne, la métropole du bas Rhin. Eh bien, je le répète, vous n'avez pas de ligne directe entre la capitale et Lille ou Calais ; M. Bouquié présente un projet profondément étudié, accompagné de tous les plans, de tous les devis, et le gouvernement donne la préférence à un tracé non étudié et qui rend à jamais impossible l'exécution du projet de M. Bouquié, comme il rend à tout jamais impossible l'exécution du projet de M. Tarte.

Voilà, messieurs, mon grief capital contre le projet qui nous est soumis, c'est qu'il rend à jamais impossible l'exécution de tous les autres projets ; je vais le démontrer.

Pourquoi, messieurs, le projet de M. Tarte devient-il impossible ? Parce que, depuis les houillères de Charleroi et du Centre jusque sur la Dendre il est impossible à toute autre société d'établir une ligne dans la même direction : du moment que la société Zaman établit une station de son chemin de fer à Enghien, il est impossible à toute autre société, d'avoir une station à Enghien. Vous empêchez donc le Hainaut de se mettre en rapport avec la vallée de la Dendre.

Vous empêchez la Flandre occidentale de profiter de cette route, car veuillez-le rermaquer, messieurs, le projet de M. Tarte vient mettre en rapport avec les bassins de Charleroi et du Centre, non seulement la Flandre orientale à Renaix et à Audenarde, mais, en outre, la Flandre occidentale, à Courtrai. Puis par les chemins de fer des Flandres, vous mettez ces bassins en rapport avec les districts de Roulers, d'Ypres, de Thielt et tous les districts importants des Flandres.

Ainsi, messieurs, quand l'honorable M. Naeyer vient présenter la Flandre comme se résumant tout entière dans la ville de Grammont, je vous cite plusieurs dictricts flamands que l'on sacrifie... (Interruption.) Vous avez toujours parlé de Grammont comme si cette ville résumait la Flandre. (Interruption.) Le district que j'ai l'honneur de présenter est aussi dans la Flandre.

Vous le voyez donc, messieurs, quand vous aurez accordé à la société Zaman la tête de pont, c'est-à-dire les trois directions ayant pour centre la ville d'Enghien, il sera impossible que les autres projets, tels que le projet de M. Tarte et celui de M. Bouquié, si éminemment utiles à l'intérêt général, puisant encore s'exécuter. Vous les aurez anéantis à tout jamais et cela sans aucune indemnité, ni pour ceux qui ont fait les projets, les études, ni pour les districts qui devaient en profiter. C'est pour cela, messieurs, que je combats le projet soumis à la chambre, avec toute l'énergie dont je suis capable, parce que, bien que ne coûtant rien au trésor, il rendra impossibles d'autres voies bien plus utiles, bien plus nationales.

J'ai dit, messieurs, que ce projet rend inexécutables les lignes qui ont été proposées pour mettre la capitale en rapport direct avec Lille. En effet, messieurs, que fait le projet actuel ?

Il prend pour point de départ Tubize ; or, Tubize est à une demi-lieue de Hal ; les deux tracés se dirigent sur Enghien ; mais ils sont parallèles et une fois que vous aurez concédé la ligne de Tubize, il sera impossible de jamais exécuter la ligne qui part de Hai pour se diriger (page 1548) sur Ath, et conduire à Lille, ligne que la ville de Hal vient si justement réclamer de votre justice.

Ainsi, messieurs, le gouvernement, par son projet, vient empêcher l'exécution de deux chemins de fer de la plus haute importance pour l'intérêt national, intérêt qui doit nous préoccuper bien autrement que celui des carrières de Quenast.

Voilà, messieurs, mon grand grief contre le chemin de fer proposé ; c'est qu'il rend inexécutables, par la prise de possession d'Enghien, toutes les autres voies qui profiteraient au plus haut degré à la Belgique et à la ville d'Enghien. Encore une fois, lorsqu'on aura pris possession d'Enghien en y établissant une station et trois voies ferrées différentes, il sera impossible de faire toute autre route passant à Enghien.

Messieurs, on pourrait se demander comment il se fait qu'une société obtienne tant de faveurs. J'ai été curieux de savoir si les demandeurs en concession des anciennes époques avaient satisfait à ce point si important de toute construction de chemin de fer, à la question financière. Eh bien, je suis à même de montrer à la chambre comment il était facile de satisfaire à la question financière et au point de vue du système de la réunion des deux Flandres avec le Hainaut, proposé par M. Tarte et au point de vue du système de la réunion directe du Brabant avec le Tournaisis et la Flandre française proposé par M. Bouquié.

Je tiens en mains l'original d'un contrat passé par M. Tarte, en 1845, avec un des principaux banquiers de Bruxelles à l'époque dont nous parlons, et ce banquier avait pour associé le chef d'une des plus puissantes maisons de banque de Paris. Or, l'article 2 de cette convention porte : (L'orateur donue lecture de cet article.)

En présence de pareils faits, on ne peut pas dire que de semblables demandes ne sont pas sérieuses. J'ai eu en mains des pièces à peu près analogues, relativement à l'autre chemin de fer, celui de M. Bouquié. Voilà donc des demandes sérieuses qui, à chaque instant, peuvent se réaliser, et qui se réaliseraient aujourd'hui d'une manière bien favorable, eu égard à la faveur que la bourse accorde actuellement aux actions des chemins de fer ; comme je le disais hier, la garantie du minimum d'intérêt n'est qu'un moyen de placer les actions.

Les demandeurs ont d'ailleurs renoncé à la garantie du minimum d'intérêt ; les capitalistes sont prêts à faire mettre la main à l'œuvre.

Pourquoi donc M. le ministre des travaux publics vient-il proposer à la chambre un projet de loi qui rend impraticables et inexécutables deux chemins de fer d'un intérêt si national ?

Maintenant la compagnie Zaman a-t-elle fait ses fonds ? est-elle en mesure de commencer l'entreprise ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Oui.

M. Dumortier. - Vous dites oui ; je vais prouver non.

La compagnie n'est pas en mesure, d'abord parce qu'elle n'a pas fait les études sur le terrain comme le prouve le calque au tracé rouge qu'elle présente ; ensuite parce qu'elle demande dans le cahier des charges un délai considérable pour les faire ; en second lieu, parce qu'elle demande six mois pour déposer son cautionnement, tandis que les deux autres compagnies déposeraient immédiatement le leur.

La compagnie Zaman n'est donc pas en mesure ; et c'est à une compagnie qui n'est pas en mesure, qui n'a pas déposé de cautionnement, qui n'a pas fait les études sur le terrain, qui ne représente qu'un intérêt privé, c'est à cette société-là qu'on accorde la faveur d'un chemin de fer, alors que, par là, deux autres chemins de fer d'un intérêt national évident se trouvent à jamais dans l'impossibilité de s'exécuter, au grand détriment de le chose publique !

Parlerai-je des conditions du cahier des charges ? Si je ne craignais de tenir trop longtemps la chambre, j'aurais à examiner toutes ces conditions, et vous verriez ce que c'est que ce chemin de fer qu'on vous présente ; mais je ne m'occuperai que d'une seule.

Croiriez-vous que pour un chemin de fer qu'on vous présente comme étant d'intérêt public, on dispense la compagnie d'acquérir des terrains et de faire des terrassements et des travaux d'art pour deux voies ! Croiriez-vous que pour ce chemin de fer on vient vous dire, à l'article 8, que les rails ne pèseront pas moins de 20 kilog. par mètre courant. Qu'est-ce que 20 kilog. pour supporter de lourds fardeaux ? Les rails que nous faisons dans notre pays sont de 34 kilog., en France, ils sont de 40 kilog. et en Angleterre de 44.

Ce n'est pas tout : on va jusqu'à accorder à la compagnie Zaman une clause de préférence ; cette clause que vous avez rejetée, il y a quelque temps, on veut l'accorder à cette société.

Lorsque vous avez deux compagnies qui ont fait des études sérieuses, et qui ont consacré leur temps et leur argent à satisfaire à toutes les conditions imposées par les arrêtés royaux, un bienheureux, le premier venu, obtient une clause de préférence ! Je déclare que je n'y puis rien comprendre.

Une chose me frappe. Tandis que la ville de Hal réclame justice en faveur du projet qui doit se raccorder chez elle, certaines personnes lui préfèrent le village de Tubize..

Pourquoi donc cette bizarrerie ? Ah ! je le vois, c'est parce que ce village appartient au district de Nivelles, et Hal à celui de Bruxelles. Or, messieurs, veuillez-le remarquer, vous n'employez cette session qu'à donner des chemins de fer au district de Nivelles ; je ne m'en plains pas ; je constate un fait. Ainsi, j'examine toutes les cartes qui vous ont été remises ; ce sont tous projets en faveur de chemins de fer dans le district de Nivelles ; et hier encore nous avons eu un rapport qui propose de nouveau trois chemins de fer pour le district de Nivelles. (Interruption.) Je ne dis pas que c'est trop, mais nous désirons, messieurs de Nivelles, que vous n'accapariez pas tous les chemins de fer ; ce que nous vous demandons, c'est la justice distributive qui veut qu'étant si largement partagés, vous n'empêchiez pas les autres districts d'obtenir ce qui leur revient.

Je le sais, le chemin de fer de Hal ne part pas du district de Nivelles, et c'est son crime ; mais il part du district de Bruxelles et traverse les districts de Soignies et d'Ath, et il relie à la capitale la partie occidentale du Hainaut et la ville de Lille.

Voici les chemins de fer qu'on propose dans l'intérêt du district de Nivelles : Bruxelles à Namur, Nivelles à Manage, Ott, Ligny, Fleurus, Fleurus-Gembloux, Landen, Mont-St-André à Tirlemont ; plus les projets à l'ordre du jour, Groenendael à Landen et Landen à Nivelles.

M. Trémouroux. - Que coûteront ces chemins à l'Etat ?

M. Dumortier. - Les autres ne coûteront pas davantage. Je suis prêt à les voter ; mais je trouve que le district de Nivelles est d'une exigence incroyable. Parce qu'un village éloigné ne prend pas part à l'immense gâteau, il faut lui donner une ligne au détriment des autres districts. Il n'y a pas là de justice. De même que les Flandres ne résident pas dans la ville de Grammont, de même la Belgique n'est pas dans le district de Nivelles.

La direction véritable qu'un chemin de fer d'Enghien vers la capitale doit suivre, n'est pas sur un village ; c'est à Hal qu'il doit aboutir, d'abord par l'importance de cette ville, ensuite parce que vous avez grand intérêt à conserver la vitesse des convois, à ne pas multiplier les haltes. En aboutissant à Hal vous n'augmentez pas les haltes ; tous les convois y arrivent ; la vitesse n'en souffre pas. Si vous admettez le tracé qui prend Tubize pour point d'arrivée, vous êtes obligés d'y établir une nouvelle station, vous devez faire arriver là tous vos convois, car il faudra mettre ces convois en coïncidence pour recevoir les voyageurs que déversera le nouveau chemin de fer.

En mettant l'embranchement à Hal, l'intérêt public est satisfait ; Hal est une ville du Brabant, d'une bien autre importance que le petit village de Tubize.

Je sais qu'on va faire des objections aux chemins de fer présentés et qu'on trouvera excellent celui de M. Zaman. Pour moi, je déclare que les deux chemins de fer, les deux meilleurs sans comparaison, au point de vue de l'utilité publique, sont ceux de M. Bouquié-Lefebvre et de M. Tarte, lesquels ont en outre un droit de priorité et ont rempli toutes les conditions prescrites par les arrêtés royaux.

Car ces deux chemins de fer, loin d'être en opposition, sont en corrélation l'un avec l'autre et se croisent à Enghien ; l'un va du Nord au Midi, et l'autre de l'Ouest à l'Est. Par conséquent, ces deux chemins viennent s'appuyer. On dira que l'un ou l'autre va apporter quelque préjudice au revenu de l'Etat. Si j'entendais le gouvernement s'exprimer de la sorte, cela m'étonnerait après les concessions de lignes parallèles au chemin de l'Etat qui devaient lui enlever une partie de ses transports.

Aujourd'hui nous sommes à une époque où il faut voir les choses de plus haut et ne repousser que les chemins qui nuisent directement au chemin de l'Etat.

Le tracé du chemin de Hal demandé par M. Boucquié traverse diagonalement un grand parallélogramme, de sorte qu'il n'est parallèle à aucune des quatre faces ; et si on pouvait admettre qu'un chemin diagonal nuit au chemin de l'Etat, il faudrait repousser toutes les concessions demandées dans toutes les directions, celle qu'on propose dans le district de Nivelles comme les autres, car toujours vous suivez ou les bases d'un carré ou la diagonale.

C'est la diagonale qui nuit le moins aux chemins de fer existants. Il me semble que les chemins étudiés comme ils le sont mértient la préférence.

Je déposerai un amendement ayant pour objet d'ajourner le projet de loi si la ligne de liai par Enghien vers Ath n'avait pas de chance d'être adopté, et je demanderai l'ajournement du chemin de fer proposé, afin de pouvoir examiner tous les projets et de voir de quel côté doit pencher la balance. Pour moi, je ne puis donner la préférence à celui qui entrave tous les travaux utiles dans l'avenir, qui est le dernier venu, qui n'aboutit pas même à Braine-le-Comte, qui n'a pour but qu'un intérêt privé, l'expropriation d'un grand terrain dans un intérêt privé.

Ce serait déclarer que tous les arrêtés de conservation pris par MM. de Theux et Dechamps qui exigeaient que des formalités fussent remplies avant la présentation d'une demande de concession, sont devenus inutiles.

Que quand des demandeurs ont exécuté ces prescriptions et ont fait tous les travaux préparatoires on peut se débarrasser d'eux et même les dépouiller de leurs travaux.

En effet, si la ligne sur Enghien se fait, on est forcé de prendre les travaux d'autres demandeurs, car c'est un embranchement du projet de M. Bouquié qui est pris. Je demande à la chambre, si elle accorde la concession qui lui est demandée, d'y comprendre la demande de M. Bouquié dont le projet est si important pour la capitale et le Hainaut et que les deux concessions s'exécutent simultanément aûn que l'une ne rende pas l'autre impossible.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je m'étonne de la prodigieuse facilité avec laquelle l'honorable M. Dumortier mêlant et confondant tous les faits, réussit à obscurcir une question qui est des plus simples et pour l'intelligence de laquelle je n'aurai pas besoin de faire l'historique de toutes les nombreuses concessions accordées aussi (page 1549) bien que de celle sur laquelle la chambre est appelée à voter, pour démontrer qu'il n'y a absolument rien de fondé dans toutes les objections qu'il a fait valoir. Deux sortes d'objections sont produites contre le projet en discussion. Les unes sont tirées de ce que j'appellerai des projets concurrents, ou complètement étrangers à celui que nous discutons. Les autres tiennent plus spécialement au projet en discussion.

Je vais donc suivre la marche rationnelle qui m'est indiquée par l'honorable M. Dumortier : je vais examiner les projets présentés par MM. Tarte, Bouquié. Van der Elst, Maertens, Houdin et Lambert, qui sont signalés par l'honorable membre. Je vais constituer la chambre juge de la question de savoir si en présence des faits, non pas des phrases, je pouvais agir autrement que je n'ai agi, et si je n'aurais pas trahi les devoirs de mon mandat, en agissant comme l'honorable M. Dumortier me propose d'agir.

Il s'agit, je le répète, de projets étrangers à la loi ou à certains égards concurrents à la loi que nous discutons.

Le premier est celui de M. Bouquié. La chambre sait en quoi consiste ce projet : c'est une ligne de Hal par Enghien à Ath. On va ainsi à Tournai p'ls directement que par la voie existante. De Tournai on ira à Lille. Jusqu'à présent les études de cette dernière section ne sont pas faites. C'est une ligne internationale ; soit, j'en dirai un mot tantôt.

Mais venons aux faits : à la date du 7 février 1846, cette demande est donc produite. Il est vrai qu'elle était accompagrée de toutes les pièces exigées par l'arrêté de 1846, de tous les plans, de tous les profils. Je le reconnais volontiers, c'est un fait certain.

Maintenant je demande à la chambre ce qu'il y avait de commun, ce qu'il y a encore de commun entre un chemin de fer destiné à enlever à l'Etat les voyageurs et les produits pondéreux qui viennent de Tournai par la voie existante, ce qu'il y a de commun entre la ligne de Hal à Tournai par Enghien et Ath et un chemin de fer qui tombe perpendiculairement sur cette ligne ? Ce que l'honorable M. Dumortier soutient dans le projet de M. Bouquié, c'est une ligne parallèle à celle de l'Etat, tandis que celle pour laquelle je demande le vote de la chambre c'est un affluent à la ligne Bouquié, comme à la ligne qui existe.

Voilà donc la différence entre les deux lignes : l'une est destinée à réunir la ligne de Dendre-et-Waes à la ligne du midi ; l'autre est destinée à enlever les marchandises et les voyageurs à la ligne du midi.

Maintenant, il est également vrai que M. Bouquié a demandé la concession de la ligne de Braine-le-Comte ; mais quand ? Le 11 février 1853, à peu près un mois, non pas après la demande de M. Zaman, mais après la signature du contrat. Alors M. Bouquié présente sa demande de Braine à Grammont, et, le 15 mars 1853, il y renonce.

Il la présentait le 11 février 1853, en la subordonnant à la garantie d'un minimum d'intérêt sur un capital de 4,500,000 fr. ; et le 15 mars 1853, il renonce formellement. A-t-il fait des études pour cette ligne qu'il demande ? Voici ce que je lis dans dans le rapport du 9 mai 1853 du comité permanent du conseil des ponts et chaussées :

« Depuis lors, le traité provisoire, intervenu entre vous et la compagnie Coppens, Zaman et compagnie, m'a fait comprendre l'inutilité d'une lutte pour la section de Braine-le-Comte à Grammont, lutte dont un des inconvénients aurait été de m'aliéner votre bienveillance.

« Je viens donc, M. le ministre, vous apporter mon désistement de cette partie du projet, espérant que cette renonciation volontaire, inspirée par le seul désir d'éviter des contestations, ne méritera de nouveaux titres à votre intérêt et à votre appui. »

Précisément la ligne sur laquelle la chambre est appelée à se prononcer aujourd'hui.

La lettre du 15 mars, par laquelle M. Bouquié renonce à sa demande de concession, produite après que le contrat était signé, porte :

« Le sieur Boucquié-Lefebvre n'avait du reste joint à sa demande primitive aucun projet, ni aucun document quelconque en ce qui concernait la partie de Tournai à la frontière de la ligne de Hal à Lille, non plus qu'en ce qui concernait la ligne de Braine-le-Comte à Grammont. »

M. Dumortier. - Je n'en ai pas parlé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis donc parfaitement autorisé à dire que M. Bouquié a présenté le 11 février 1853 (trois semaines environ après la signature du contrat qui est intervenu entre le gouvernement et M. Zaman), une demande de concession de Braine à Grammont, qu'il n'avait donc pas la priorité, et qu'il a renoncé à sa demande le 15 mars 1853, et que, de l'aveu du rapport que je viens de citer, il n'avait joint à sa demande ni les plans, ni les profils sur lesquels l'honorable M. Dumortier se fonde.

M. Dumortier. - Je n'en ai pas parlé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Vous l'avez dit. Du reste, vous ne l'auriez pas dit, je vous demande ce que cela fait à l'affaire.

Le fait n'en est pas moins vrai. Au reste, je n'en argumente pas.

Pendant la discussion de la loi des travaux publics, un honorable membre de cette chambre a demandé que le gouvernement fût autorisé à concéder une ligne de chemin de fer de Hal à Tournai par Enghien. La chambre a écarté cette proposition. Je ne veux pas préjuger l'accueil que la chambre serait disposée à faire à une demande de ce genre. Mais elle doit suivre la marche administrative tracée pour toutes les autres demandes.

Or, si je m'en rapporte aux pièces qui ont été produites (car la demande a été examinée par le comité permanent des ponts et chaussées), je devrais me prononcer dès à présent contre la corcessibilité de cette ligne. Je ne veux cependant rien dire d'absolu. Mais les raisons qui me portent à l'écarter pour le moment sont les suivantes :

Cette ligne peut être envisagée à un double point de vue : au point de vue international et au point de vue des intérêts qui doivent desservir l'intérieur du pays. Au point de vue international, quelle peut être son utilité ? C'est d'aller par une voie plus directe vers Lille, le Havre vers la France.

Mais aujourd'hui, l'on y va, et quand le chemin de fer de Dendre-et-Waes sera fait, on ira, à quelles conditions ? De Bruxelles, par Enghien, Ath à Mouscron ; il y aurait, d'après le projet de M. Bouquié, 107 kilomètres sur lesquels l'Etat percevrait à raison de 70 kilomètres. De Bruxelles à Mouscron par Alost et Gand, il y aura 113 kilomètres et l'Etat percevra la totalité de la recette. Il y aura donc entre ces deux lignes une différence de 6 kilomètres, la différence d'une lieue qui, en prix ne représente presque rien et qui, en temps, représente fort peu de choses.

Voilà donc, au point de vue international, l'importance de cette ligne. D'une part on enlève à l'Etat une recette sur un parcours de cent et des kilomètres et d'autre part on ne procure à celui qui voyage qu'une lieue de moins par la ligne nouvelle que par la ligne existante.

Et quelles sont les localités nouvelles que la ligne projetée est appelée à desservir ? Hal ? Mais Hal se trouve parfaitement sur le chemin de fer. Tournai, Ath ? Mais toutes ces localités sont parfaitement desservies par les voies existantes. Il n'y aurait donc qu'une localité intéressée, Enghien. Mais par le projet qu'on vous propose, Enghien va se trouver rattaché directement aux chemins de fer existants.

Au point de vue de l'intérêt général, au point de vue des intérêts du pays proprement dits, je ne vois donc pas d'avantages à la concession de cette ligne.

Mais, messieurs, l'auteur de ce projet le comprenait, il avait besoin ou de se charger lui-même de l'exploitation de cette ligne, exploitation qui serait très onéreuse dans les conditions que je viens d'indiquer ; on bien d'imposer la charge de l'exploitation au gouvernement.

Eh bien, dans le premier cas, dans le cas où l'auteur se chargerait lui-même d'exploiter cette ligne, il a besoin du consentement de la compagnie de Tournai à Jurbise, car il emprunte cette ligne sur une partie de son parcours, à partir d'Ath jusqu'à Tournai. Il a compris la difficulté ; aussi demande-t-il dans sen projet que je le mette d'accord avec la compagnie de Jurbise à Tournai, ce qui ne dépend pas tout à fait de moi.

Me charger moi-même de l'exploitation de la ligne ? En présence des dispositions de la chambre, en présence des défiances que paraît susciter l'exploitation par l'Etat, je pense qu'une demande en concession qui aurait pour clause l'exploitation d'une ligne nouvelle par l'Etat, n'aurait pas de chances d'être accueillie parla chambre.

Dans tous les cas, cette demande, je le répète, n'a aucune espèce de rapport avec le projet en discussion. C'est une ligne qui est appelée, prétend-on, à desservir les intérêts internationaux d'une manière plus économique, plus rapide que par la ligne qui existe aujourd'hui.

Voilà le but du projet de M. Bouquié, et le projet en discussion a tout bonnement pour objet de transporter les produits de la ligne du Midi vers la ligne de Dendre-et-Waes.

J'arrive, pour ne pas prolonger inutilement la discussion, au second projet, celui de M. Tarte.

M. Tarte a présenté plusieurs projets. L'honorable M. Dumortier parle du projet de M. Tarte, mais s'il connaissait exactement les faits, il saurait que M. Tarte est l'auteur de plusieurs projets.

En 1845, M. Tarte proposait ce qui suit : une ligne de Braine-le-Comte à Courtrai et à Deynze, passant par Enghien, Viane et Renaix, se bifurquant à Renaix, allant d'une part sur Courtrai et d'autre part sur Deynze. Cette ligne devait coûter, d'après les évaluations de son auteur, 37,200,000 fr. Elle était appelée à desservir les intérêts de trois villes : Renaix, Enghien et Audenarde, qui, à elles trois, ont une population de 19,000 âmes.

Je ferai remarquer à la chambre que deux de ces villes sont à la veille d'être rattachées au chemin de fer, l'une Enghien et l'autre Audenarde. Pour Audenarde il y a déjà une concession. Pour Enghien, on propose un projet qui aura pour résultat de la rattacher au chemin de fer.

Au point de vue des relations internationales, quelle était la portée du projet de 1845 ? C'était de faire qu'au lieu de 101 kilomètres que l'on fera pour aller de Bruxelles à Courtrai, à Mouscron et à Lille, on n'en ferait plus que 96. Nous aurons un chemin de fer qui aura une longueur de 101 kilomètres. On propose de dépenser 37,200,000 francs pour faire un chemin de fer qui aura 5 kilomètres de moins.

Evidemment, ce sont là des projets de fantaisie, des projets qui ne trouveront jamais de capitalistes sérieux pour les mener à fruit.

Mais c'était là le projet de 1845. Quand j'ai traité avec M. Zaman, je n'étais plus en présence du projet de 1845.

M. Tarte l'avait modifié, et comment M. Tarte l'a-t-il modifié ? Car il est bon de faire l'historique de toutes ces demandes en concession. Il fait une ligne de Braine-le-Comte à Aeltre, en passant par Renaix, Audenarde et Deynze.

Ainsi, au lieu de la ligne de Braine-le Comte à Courtrai de 1845, M. Tarte propose en 1849 une ligne qui part de Braine-le-Comte, il supprime l'embranchement sur Courtrai et au lieu de s'arrêter à Deynze, il fait une pointe sur la ligne de Bruges a Gand et vient tomber à Aeltre.

(page 1550) C'est le projet de 1849. Mais à la date du 21 décembre 1852, M. Tarte reproduit le projet de 1849 ; mais il le reproduit avec des conditions qui le rendent inacceptable de la part du gouvernement.

En erffet, en 1852. M. Tarte demande une garantie de minimum d'intérêt sur un capital de 24 millions pour cette ligne qui doit avoir 5 kilomètres de moins que celle qui existe, ou une concession perpétuelle. Il est évident que dans ces conditions, je ne pouvais traiter avec M. Tarte pour la concession de cette grande ligne de Braine-le-Comte vers Aeltre.

Le 16 février 1853, M. Tarte écrit de nouveau au département pour lui annoncer que cette fois il ne tient plus à son projet de 1849, mais qu'il revient à son projet de 1845.

Messieurs, le 16 février 1853, le contrat était signé par M. Zaman depuis trois semaines, il avait été signé le 28 janvier. Il a été signé dans des conditions extrêmement favorables pour le trésor.

Car, je suppose que personne ne le contestera, cette ligne constituera un affluent très favorable pour l'Etat, tandis que la grande ligne de Braine-le-Comte vers Aeltre me paraît susceptible d'un ajournement assez long.

J'arrive au troisième projet, le projet de M. Vander Elst. C'est le seul parmi les six ou sept que je vais examiner, qui ait un rapport direct avec le projet en discussion ou plutôt qui soit complètement identique avec le projet en discussion. Seulement M. Vander Elst, au lieu de partir de la station de Braine-le-Comte et de Tubize, proposait un chemin de fer partant de Hennuyères un peu en deçà de Braine et se dirigeant par Enghien vers Grammont. Mais il ne proposait pas de faire la section de Tubize vers Enghien.

Pourquoi l'administration n'a-t-elle pas accueilli cette demande ? puisque (erratum, page 1567) M. Vander Elst a persisté jusqu'au dernier moment à demander la garantie d'un minimum d'intérêt. M. Zaman, au contraire, a demandé la concession à ses risques et périls, sans intervention aucune de la part du trésor, et il y a compris l'embranchement de Tubize vers les Acren. c'est l'unique raison qui a déterminé l'administration à donner la préférence au projet Zaman et compagnie ; il n'y en a pas eu d'autre, et je dois ici repousser avec énergie toute insinuation qui tendrait à faire supposer le contraire.

Il y a, messieurs, trois autres demandes en concession, mais la chambre va voir que ces demandes, encore une fois, n'ont aucun rapport avec la loi en discussion.

MM. Houdin et Lambert, le 7 mai 1853, quatre mois après la conclusion de l'affaire que nous discutons, soumettent au gouvernement une demande en concession d'une ligne de Marchienne à Ninove ; veut-on que le gouvernement pressente quatre mois d'avance toutes les demandes en concession dont il sera assailli ?

Mais, messieurs, qu'est-ce qu'il y a ici encore de commun entre un chemin de fer de Marchienne à Ninove et un chemin de fer de fer de Tubise à Grammont ?

Un chemin de fer de Tubize à Grammont est destiné aux intérêts du Centre et un chemin de fer de Marchienne à Ninove est destiné aux intérêts de tous les autres bassins.

Cette demande sera instruite, mais la concession actuelle n'y est nullement obstative.

On a parlé aussi d'un chemin de fer de Saint Ghislain à Gand. Il y a, messieurs, deux demandes en concession qui remontent toutes deux à l'année 1845, d'après une note que j'ai sous les yeux.

« Deux demandes en concession ont été présentées en 1845, l'une par MM. Moucheron et Delaveleye d'un chemin de fer de Saint-Ghisiain au Sas de Gand, l'autre par MM. Baillieux et Martens d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Breskens ; tous deux passant par Gand.

« Le tracé de la première ligne depuis Saint Ghislain jusqu'à Gand, a une longueur de 14 lieues environ. Le tracé de la seconde ligne, entra ces deux villes a une longueur de 17 lieues environ. »

Et ici, messieurs, je dois faire l'observation que je présentais tantôt, c'est qu'il n'y a absolument rien de commun entre ces chemins de fer et celui que nous discutons.

Le chemin de fer de Saint Ghislain à Gand servirait à transporter principalement des houilles à Gand, mais pas du tout à Grammont. Les charbons du Centre continueront à arriver à Gand par la voie ordinaire. Le charbon du Couchant pourra sans doute arriver par le chemin de fer de Saint-Ghisiain à Gand ; mais, encore une fois, qu'on n'oppose pas ce chemin de fer à celui dont il s'agit en ce moment et avec lequel il n'a absolument rien de commun.

Le chemin de fer de Saint Ghislain à Gand devait avoir une longueur de 14 ou de 17 lieues, selon qu'on aurait adopté l'un ou l'autre des trajets. Il devait coûter 16 millions. Il faudrait donc à peu près 960,000 fr. pour servir les intérêts du capital et pourvoir à l'amortissement.

Je ne sais pas quels seraient les retours, mais il est probable que les retours se feraient à vide. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui le charbon arrive de Jemmapes à Gand au fret de fr. 3 50 par tonne ; de St-Ghislain à Gand il y aurait, d'après un projet 14 lieues, d'après un autre projet 17 lieues. Je prends la taxe minimuM. je suppose que le transport se fasse à 50 centimes, c'est-à-dire 10 centimes en dessous du prix auquel s'effectue le chemin de fer de l'Etat, quoique celui-ci, à raison de son immense trafic puisse faire de semblables transports dans des conditions plus économiques ; soit donc 50 centimes par tonne-lieue, ce qui, à raison d'un parcours de 14 lieues, reviendrait à fr. 4 20 au lieu de 3 fr. 50 cent.

La consommation à Gand intra et extra muros est à peu près de 180,000 tonnes ; calculons, si vous le voulez, sur 200,000 tonnes et supposons même très gratuitement que tous les transports vers Gand se fissent du Couchant ei que le Centre fût complètement abandonné ; portons la consommation à 200,000 tonnes, eh bien, vous obtiendrez, une recette de 800,000 à 900,000 francs.

Du reste, messieurs, cette demande est en instruction comme tant d'autres, car j'ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre que le département des travaux publics se trouve saisi en ce moment de 200 demandes de chemin de frr. Ce que je voulais constater, c'est que ce projet n'est nullement en opposition avec celui que nous discutons en ce moment.

En 1845, MM. Dupont et Demanet ont demandé la concession d'un chemin de fer de Manage à Gand. Cette demande est restée, comme tant d'autres, dans l'oubli, aucune espèce de suite n'y ayant été donnée par ses auteurs.

On voit, messieurs, par cette courte analyse dbs concessions rappelées, qu'il n'y en a réellement qu'une seule, celle de M. Vander Elst, qui ait à peu près le même tracé et la même destination que le chemin de fer en discussion.

Eh bien, j'ai fait connaître à la chambre le motif qui a déterminé l'administration à préférer le projet de M. Zaman à celui de M. Vander Elst.

L'honorable M. Dumortier, dans la séance d'hier et dans la séance d'aujourd'hui, s'est beaucoup préoccupé de la question de priorité. S'il avait voulu se rappeler ce qui s'est passé en 1846, dans la discussion du chemin de fer de Tournai à Jurbise, je crois qu'il se serait abstenu de citer l'arrêté de 1832.

Cet arrêté avait été, et peut-être à très juste litre, invoqué à l'occasion du chemin de fer de Tournai à Jurbise.

Pendant la discussion, M. Vander Elst produisit une demande en concession qu'il avait dfjà formée en 1835, sous l'empire, par conséquent, de l'arrêté de 1832, qui a été modifié, comme je le démontrerai tantôt, par la loi de 1845. Cette demande tendait à établir un chemin de fer partant, d'un côté de Mons, et se dirigeant sur Àth et Tournai en empruntant, par conséquent, sur une partie du parcours, la voie aujourd'hui exécutée, et se dirigeant, d'un autre côté, d'Ath sur Lessines.

M. Vander EIst invoquait le droit de priorité, il prétendait que l'arrêté de 1832 lui garantissait une préférence à concurrence de 5 p. c. dans l'adjudication, que l'adjudication était une obligation pour le gouvernement, et que, dans tous les cas, s'il n'obtenait pas cette préférence de l'administration, il avait droit à une indemnité.

La chambre, y compris l'honorable M. Damortier, repoussa cette prétention ; l'honorable M. Dumortier vint soutenir contre M. Simons qui élevait cette prétention, qne ce droit de priorité ne pouvait être invoqué ; que la concession de Jurbise à Tournai, quoique se produisant dans des conditions moins favorables, puisque l’Etat était chargé de l'exploitation, il fallait néanmoins préférer la compagnie Mackensie à la compagnie Vander Elst.

Je ne fais qu'indiquer ce précédent dont je ne tire pas argument ; j'ai à faire valoir deux arguments bien plus forts que celui-là.

Dabord, en fait, il ne peut être question des arrêtés de 1832, et en droit ces arrêtés ont été complètement modifiés par la loi de 1845.

Les arrêtés de 1832 ont été pris sous l'empire d'une loi qui attribuait au gouvernement le pouvoir absolu de concéder toute espèce de travaux publics, et les arrêtes qui ont été rendus en exécution de la loi de 1832 ont stipulé précisément, car c'était la seule garantie contre l'arbitraire du gouvernement, ont stipulé que l'adjudication était nécessaire ; elle ne l'est plus aujourd'hui ; elle a été abolie par la loi de 1845 qui a rendu obligatoire l'intervention des ehrrnbres, chaque fois qu'il s'agit d'un chemin de fer de plus de 10 kilomètrs.

Cet avis est aussi celui des jurisconsultes que j'ai consultés, notamment quand il s'est agi de la concession du chemin de fer de Mons à Haumont et de Manage à Erquelinnes. On n'est donc pas admis à invoquer l'adjudication et une prime de 5 p. c. en faveur de ceux qui sa sont imaginé qu'ils obtiendraient un chemin de fer, uniquement pour avoir tracé sur une carte une ligne ronge ou bleue.

C'est, du reste, sans application ici : pourquoi ? parce qu'il ne s'agit pas du tout d'assurer à M. Bouquié une préférence pour une route qu'il n'a jamais demandée ou qu'il n'a demandée que tardivement. Nous discutons sur ia ligne de Tubize à Grammont. M. Bouquié prétend avoir la priorité pour la route de Hal sur Tournai par Enghien.

Quant nous discuterons cette route, nous verrons ce qu'il y a à faire ; je ne dis pas que M. Bouquié ne l'aura pas ; je lui sais gré des études si complètes auxquelles il s'est livré ; mais je le répète, il ne s'agit pas en ce moment de cette roule. Quand elle sera en discussion, nous verrons s'il y a lieu d'accorder la préférence à M. Bouquié ; mais aujourd'hui il ne s’agit que de ia route de Tubize vers Grammont. Il n'y a ni spoliation ni vol. Aucun de ces mots ne peut être employé ici convenablement.

L'honorable M. Dumortier a articulé hier un autre reproche, il vient encore de le reproduire. On a traité mystérieusement, tout s'est fait dans l'ombre, d'une manière occulte. Je demande à l'honorable membre ce que cela veut dire ? Veut-il que toutes les demandes en concession fassent l'objet d'une enquête ? Il pouvait soutenir cette thèse, il y a quelques jours, à l'occasion du renouvellement de la loi de prorogation, et récemment à l'occasion du chemin de Turnhout. J'ai traité directement avec les demandeurs en concession ; ii n'y a eu rien d'occulte et de mystérieux (page 1551) dans toutes ces affaires ; tous les demandeurs sont venus successivement me prier de les recevoir ; je les ai tous reçus ; leur demande a fait l'objet d'une instruction attentive ; il y a eu rapports sur rapports du comité permanent des chemins de fer ; on a fait connaître par la présentation du projet, les résolutions prises et les motifs qui la justifient.

Je le répète, cette demande en concession de MM. Zaman et consorts a été traitée absolument de la même manière que toutes les autres par l'administration ; celle-ci a fait même un rapport spécial, en ce qui touche le projet de loi que nous discutons, c'est-à-dire qu'elle a examiné dans un même rapport la demande de M. Vander Elst et celle de M. Zaman. L'administration s'est prononcée en faveur de M. Zaman peur deux motifs ; d'abord parce que M. Zaman, dès le principe, n'avait jamais réclamé la moindre intervention du trésor, et en second lieu, parce qu'il s'offrait à faire plus que ne s'offrait à faire M. Vander Elst.

Mais, dit l'honorable M. Dumortier, M. Zaman n'a jamais demandé la ligne de Braine-le-Comte à Enghien. C'est encore une erreur de fait ; d'après leur demande en concession, qui porte la date du 14 décembre 1852, ils s'offraient à faire le raccordement à Braine-le-Comte.

Mais qu'a fait le gouvernement ? S'est-il borné à reproduire la disposition telle que la désirait M. Zaman ? Pas du tout ; le gouvernement, dans le cahier des charges, à l'article 2, leur a fait une obligation de construire l'embranchement de Brainc-le-Comte à Enghien.

Mais, dit l'honorable M. Dumortier, cette concession est faite dans un intérêt privé. J'aime à croire que ces messieurs, s'ils exécutent ce chemin de fer, ne dépenseront pas 3 ou 4 millions de francs pour se nuire à eux-mêmes, et ici je rectifie encore une assertion inexacte avancée par l'honorable M. Dumortier. L'honorable membre dit : «Quand on a accordé la concession Zaman, une opposition formidable s'est produite ; M. Solvay a fait connaître que cette concession était faite uniquement dans un intérêt privé. » Eh bien, c'était là une appréhension chimérique de la part de M. Soivay.

J'ai fait connaître à la section centrale quelle étaient les dispositions du cahier des charges, qui enchaînaient les demandeurs, qui leur faisaient un devoir de traiter tous les expéditeurs sur le même pied et de ne pas établir des tarifs différentiels, comme on leur en supposait l'intention.

Mais pour mettre un terme à cette supposition que je repousse de mon côté, j'ai obligé les demandeurs à supprimer le paragraphe qui pouvait donner lieu à une équivoque, et j'ai déclaré à la section centrale que, pour mon compte, je ne m'opposais pas à ce que le paragraphe final de l'article 32 qui pouvait prêter à équivoque, fût supprimé dans le cahier des charges ; de telle façon que l'opposition de M. Solvay vient complètement à tomber.

Autre grief : « Vous autoriseriez, dit l'honorable M. Dumortier, les concessionnaires à employer des rails de 20 kilogrammes par mètre courant. »

Je ferai remarquer que l'honorable membre trouvait très bien qu'on n'employât que des rails de 28 kilogr. Pour le chemin de fer de Jurbise à Tournai. Sur le chemin de fer d'Anvers à Gaud par Saint-Nicolas, on n'a que des rails de 20 kilog., et ce chemin ne fait pas de mauvaises affaires ; par conséquent je n'ai pas eu d'objection fondamentale à accorder la faculté de mettre en œuvre des rails de 20 kilogrammes, d'autant moins que la ligne de Landen à Hasselt est dans ces conditions.

D'ailleurs on fait des expéditions considérables de rails de 20 et de 24 kilog. pour l'Amérique, nos établissements en expédient tous les jours. Mais il y a une autre raison, et celle-ci est décisive. C'est que le gouvernement est désintéressé.

Je conçois que quand je suis obligé, comme pour le chemin de fer de Jurbise à Tournai, de pourvoir à l'entretien, on exige la fourniture de rails de 35 à 40 kilog. ; mais quel grand intérêt l'administration a-t-elle à ce que les entrepreneurs mettent des rails de 30 à 35 kilog. plutôt que de 20, quand les concessionnaires sont obligés de les renouveler, de les entretenir ; s'ils durent moins longtemps, ils devront les renouveler plus souvent. C’est donc une disposition dans laquelle le gouvernement est désintéressé.

- Un membre. - Et la sécurité !

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La question de sécurité pourrait se présenter s'il s'agissait de faire des chemins sur lesquels on dût faire dix lieues à l'heure ; ainsi je n'acquiescerais pas à la demande de M. Bouquié, s'il ne prenait l'engagement de placer des rails de 25 kilog., mais pour une route purement industrielle qui aura des arrêts fréquents de lieue en lieue, des croisements de voie d'évitement, à chaque instant, évidemment cette précaution me paraît superflue.

J'ai un dernier point sur lequel je présenterai des observations, c'est celui qui se rapporte à Lessines.

Plusieurs honorables membres ont présenté des observations critiques au sujet de la direction vers Grammont et les Acren ; par une excellente raison, c'est que personne ne s'offrait de faire un chemin vers Lessines ; on comprend dès lors qu'on n'y ait pas songé ; mais des réclamations étant tenues, j'ai fait examiner la requête du conseil communal de Lessines et de Grammont par des hommes spéciaux, par des ingénieurs. Il resuite du rapport qui m'a été remis que la direction vers les Acren est celle qui est indiquée par la configuration du terrain, tandis que celle vers Lessines est repoussée. Voici ce que je lis dans le rapport : (M. le ministre donne lecture d'un passage de ce rapport.)

La direction vers Lessines a été écartée dans ce rapport ; indépendamment de cette raison, il en est une autre qui frappera la chambre. Déjà M. de Naeyer la laisse entrevoir ; c'est que cette direction n'a pas de raison d'être. Que veut-on transporter à Grammont ? Du charbons, dea pavés, de la chaux ; on ne transportera pas des pavés à Lessines, il y en a ; quant au charbon, il en vient là à des conditions plus avantageuses que par le chemin de fer en projet.

Quel est le demandeur en concession qui voudrait lutter avec une voie navigable ? Aussi y a-t-il eu demande d'une ligne sur Grammont, tandis qu'il n'est pas un concessionnaire qui veuille diriger son chemin sur Lessines.

Uue autre raison encore, c'est que la direction sur Grammont ne met pas obstacle à un prolongement sur Renaix du chemin d'Audenarde à Deynze. Ce chemin est concédé, et si le prolongement est demandé, il se dirigera vers Renaix, et peut-être de Renaix vers la ligne de la Dendre.

Je pense avoir rencontré dans les observations que je viens de présenter les objections qui tiennent au fond du projet et celles qui sont tirées des projets produits et qui ne sont invoquées que comme des fins de non-recevoir contre le projet que nous discutons. Le projet Bouquié est un projet spécial qui est à l'étude, sur lequel la chambre peut-être un jour sera appelée à se prononcer. Les projets de MM. Tarte, Maertens, Houdin et Lambert sont également spéciaux ; ils n'ont pas de rapport avec celui que nous discutons. Un seul projet celui de M. Vander Elst, présente à peu près le même tracé ; j'ai fait connaître pourquoi il a été écarté.

Quand au fond de l'affaire, pas une seule critique ; personne n'a contesté les avantages réels, notables qui doivent en résulter pour les localités qui seront rattachées au chemin de fer. L'utilité étant parfaitement démontrée dans ces circonstances, la chambre fera bien d'adopter purement et simplement le projet qui lui est présenté. Quant à l'amendement de M. de Naeyer et de ses collègues, je m'y rallierai à la condition de changer la rédaction et de dire au lieu de : « vers Grammont ou vers les deux Acren », se dirigeant « sur un point de la Dendre à déterminer par le gouvernement ».

M. de Haerne. - Messieurs, je ne repousse pas le projet présenté par le gouvernement, mais je tiens à expliquer dans quel sens je crois pouvoir l'accepter. On a dit hier qu'en fait de chemin de fer, la chambre doit toujours consulter l'intérêt général. C'est bien ici le cas d'appliquer ce principe.

J'entends par intérêt général l'intérêt tant moral que matériel. Je l'entends dans le sens dans lequel cette thèse nous a été développée hier par l'honorable M. de Naeyer.

Le chemin de fer concourt à la consolidation de la nationalité en reliant les populations entre elles, et en les rattachant à la capitale, qui est la tête et le cœur du pays. Dans le grand œuvre de la nationalité, qui se poursuit sous des auspices toujours de plus en plus favorables, et pour lequel la Providence semble appeler à son aide la nation et sa dynastie, les chemins de fer doivent jouer un rôle important, et la postérité bénira le règne sous lequel ils furent inaugurés.

Aux bienfaits dont le pays est déjà doté viendront s'en joindre d'autres par la création de lignes nouvelles.

C'est assez vous dire que, dans le projet qui nous occupe, je me place au point de vue le plus général.

Quelle est la pensée qui domine tout le débat ? C'est celle qui tend à relier, dans un intérêt national, les provinces wallonnes aux provinces flamandes. Il est donc évident que la ligue qui mérite avant tout l'attention de la chambre, c'est celle dont la concession a été demandée en 1845 par l'ingénieur civil Tarte. Cette ligne comprend plusieurs de» concessions dont il a été question, et entre autres, sauf quelques modifications, celle qui vous est proposée aujourd'hui par le gouvernement.

La jonction des provinces flamandes et des provinces wallonnes par un railway a un but patriotique, comme on vous l'a dit hier ; mais elle a aussi un but éminemment utile, quant aux intérêts matériels.

Celle jonction tend à remplacer au besoin le débouché que les produits pondéreux du Hainaut trouvent aujourd'hui dans un autre pays, si par malheur ce débouché venait à nous faire défaut.

C'est ce but que la chambre a eu en vue dans des concessions antérieurement accordées, dans plusieurs concessions octroyées en 1851, telles que l'extension de la ligne de la Flandre occidentale vers Ypres et Poperinghe ; telles aussi que la concession du canal de Bossuyt à Courtrai qui a une destination différente de celle du chemin de fer de M. Tarte.

Il ne suffit pas de concéder isolément un projet comme celui qu'on nous propose. Mais lorsqu'on discute une telle question, il faut voir l'extension qu'on pourrait y donner, lorsque l'intérêt général nous y appelle.

L'extension à donner à la ligne de Tubize aux Acren ne peut être perdue de vue par la chambre. Elle doit avoir lieu tôt ou tard. C'est pourquoi on doit la prévoir.

Quant aux réclamations de M. Tarte, ce sont des questions délicates qu'il est très difficile de discuter dans une assemblée législative. J’en laisse la responsabilité à M. le ministre. L'ingénieur pourra faire valoir ses droits. Je ne traite pas la question. Mais je dis que cette ligne s'exécutera tôt ou tard, soit par l'ingénieur dont je viens de parler, soit par d'autres personnes. Il faut donc la prévoir dans la concession dont il s'agit maintenant ; car elle doit faire suite à la ligne qui vous est proposée.

Au milieu de toutes les lignes qui vous sont proposés celle qui, (page 1552) la plus étendue doit avoir nécessairement la préférence, pour autant qu'elle ne nuise pas à l'intérêt général, à l'intérêt de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics vient de dire que la ligne de Bruxelles à Courtrai par Tubize et Renaix n'offre qu'une petite différence sur celle de Bruxelles à Courtrai par Alost, savoir un raccourcissement de 5 kilomètres seulement ; c'est l'expression de M. le ministre. Mais loin d'y trouver un inconvénient, j'y trouve un avantage ; car si la différence était trop grande, je prévois bien que, lorsqu'il en serait question, on ferait une objection toute différente, on dirail qu'elle préjudicie à la ligne de l'Etat, en faisant à celle-ci une concurrence ruineuse. Je me félicite donc de ce que ce raccourcissement ne soit que de cinq kilomètres. Quant à l'objection, j'y répondrai tout à l'heure.

Une erreur dans laquelle l'honorable ministre des travaux publics est tombé, c'est de supposer que dans cette ligne il s'agisse seulement de relier Bruxelles à la ville de Courtrai. Ce n'est pas là le but unique. Le but principal c'est de relier les unes aux autres les provinces wallonnes et les provinces flamandes : c'est de diriger les produits pondéreux du Hainaut dans la Flandre, par la voie la plus rapprochée. Il y a donc ici un but tout à fait différent de celui que l'honorable ministre des travaux publics mettait en avant tout à l'heure. Il se rapporte à deux provinces, mais non à deux villes.

M. le ministre, en répondant à la section centrale, d'après ce que j'ai lu dans le rapport, a dit que les points intermédiaires dont il s'agit sont de peu d'importance. C'est là discréditer gratuitement pour l'avenir une ligne qui est au moins possible.

Si le discrédit était justifié, je n'en parlerais pas. Mais c'est une véritable erreur. Je crois que l'honorable ministre des travaux publics qui est Flamand ne connaît pas cette partie de la Flandre, qui est importante au point de vue de l'agriculture, de la population et de l'industrie. En effet, la ville de Renaix à douze mille habitants ; c'est une ville industrielle ; la ligne qui va des Acren à Courtrai rencontre des bourgs très populeux, entre autres le village d'Avelghem qui a près de six mille âmes, Flobecq, qui est important, Sweveghem qui est un village de plus de cinq mille âmes.

Sur une étendue de 15 kilomètres, dans la seule province de la Flandre occidentale, je rencontre à la campagne une population de 18,000 à 20,000 âmes qui se trouverait groupée auteur des principaux points de ce chemin de fer. Qu'on ne dise donc pas que ce sont là des endroits peu impor-tants. Ils sont importants par leur population ; et quant à la richesse agricole que l'on y recontre, elle est généralement connue, elle est proverbiale.

J'ajouterai que ces endroits sont aussi industrieux et tendent à le devenir de plus en plus.

Permettez-moi, messieurs, de fixer un moment l'attention de la chambre sur un fait important qui se passe aujourd'hui dans la Flandre occidentale et qu'on ne peut pas perdre de vue, lorsqu'on parle d'intérêts matériels, de ces intérêts qui doivent recevoir une impulsion si vive par suite de la création des chemins de fer.

Messieurs, de même que, grâce à des droits prohibitifs frappés par nos voisins du Midi, l'industrie linière s'est en partie déplacée de Belgique en France, il y a aujourd'hui une industrie française qui se déplace de France en Belgique, c'est l'industrie des étoffes de Roubaix. Et comment cela se fait-il ? Cette industrie se déplace, grâce à l'activité, à l'intelligence, à l'habileté de nos ouvriers, et surtout grâce à une qualité supérieure de notre classe ouvrière, à cette qualité qui l'a toujours distinguée et qui est une vertu : à l'économie qui produit le bon marché de la main-d'œuvre. Cette industrie des articles de Roubaix prend chaque jour plus d'extension, et aujourd'hui le travail auquel elle donne lieu est considérable. Grâce à ce bon marché de la main-d'œuvre, il y a, sur le prix de fabrication des étoffes à pantalon, une différence de 25 p. c. entre la France et la Belgique.

Messieurs, cette industrie qui a son centre, qui a ses fabriques à Tournai, à Courtrai et à Mouscron, s'étend de plus en plus à la campagne dans la Flandre occidentale, et jusque dans la Flandre orientale. Et pour donner à cette industrie toute l'activité possible, pour lui donner cette impulsion qui nous rappelle le temps de prospérité du moyen âge, prospérité qui était due surtout à l'industrie lainière, que faut-il ? Il faut rattacher les principaux endroits des campagnes où cette industrie s'exerce particulièrement, aux centres où se trouvent les capitalistes, les industriels, les grands fabricants.

Qu'on ne dise donc pas que les endroits dont je viens de parler n'offrent pas d'importance.

Et ne croyez pas, messieurs, que ce soient là des théories, des suppositions qu'on ne peut justifier.

Il y a eu une époque à laquelle une autre industrie française était presque inconnue en Belgique. Aujourd'hui elle existe partout en Belgique et elle est presque inconnue en France. Je veux parler des dentelles-valenciennes. Cette industrie qui a été française est devenue une industrie flamande et aujourd'hui on trouve à peine en Flandre un seul hameau où elle ne s'exerce pas.

Qui peut dire qu'un jour il n'en sera pas de même de l'industrie des laines, de l'industrie des articles de Roubaix qui s'étend de plus en plus dans les Flandres ? Il faut donc donner toute la facilité possible à tous ces villages populeux et industrieux où la main d'œuvre est à si bon compte, et on ne peut y réussir qu'en rattachant ces villages aux grands centres de population, aux sièges des capitaux, des industries et des fabriques.

J'ai dit, dans d'autres circonstances, que pour donner à cette œuvre nationale toute l'importance et toute la stabilité qu'elle comporte, il fallait que l'exportation se fît par nos ports au moyen d'une société instituée dans ce but ; mais je me borne pour aujourd'hui au développement que les chemins de fer peuvent apporter à cette industrie.

Messieurs, j'ai cru devoir faire cette observation, parce que les paroles de M. le minstre tendraient à discréditer d'avance et gratuitement une ligne que je trouve très utile et qui, j'en ai la conviction, s'exécutera un jour pour vivifier une grande partie de la Flandre, et pour tirer de l'isolement la ligne décrétée de Gand sur Audenarde.

Quant à l'industrie linière, elle doit profiter aussi des chemins de fer ; en ce qu'ainsi les marchés de toiles reliés par cette voie seront plus fréquentés, ce qui facilitera la vente.

En ce qui concerne la jonction entre Bruxelles et Calais, la ligne qui a été proposé dans le temps par M. l'ingénieur Tarte offre aussi un avantage.

Cette ligne doit rejoindre le chemin de fer de la Flandre occidentale qui se dirige par Menin sur Ypres. Or, M. le ministre des travaux publics doit savoir qu'il est très sérieusement question dans la compagnie du chemin de fer du Nord, de rattacher ce dernier chemin de fer à celui de la Flandre occidentale par une section qui doit aboutir à Comines.

Jusqu'ici il ne peut pas être question d'exécuter cette section parce que le chemin de fer de la Flandre occidentale n'atteint pas encore la hauteur de Comines.

Mais aussitôt que le chemin de fer de la Flandre occidentale sera avancé jusqu'à ce point, il est probable que le projet dont je parle s'exécutera. Eh bien alors, si la ligne de Courlrai sur Bruxelles par Renais s'exécute, vous aurez la ligne la plus directe de Calais sur Bruxelles. Examinez la carte et vous n'en douterez pas.

M. de Naeyer, rapporteur. - Il faudra toujours passer par le chemin de fer de Dendre et Waes.

M. de Haerne. - L'honorable M. de Naeyer peut avoir raison en partie, savoir : à partir du point de jonction aux Acren ; je le conçois ; et je crois qu'à partir de ce point de jonction, il n'y aurait presque pas de différence, pour aller à Bruxelles, entre la ligne de Dendre et Waes et celle sur Bruxelles par Tubise ; je crois que l'une section vaudrait à peu près l'autre ; cependant j'admets avec M. de Naeyer une légère différence en faveur de Dendre et Waes, ce qui sera favorable au trésor public.

En deçà de ce point, du point des Acren, je dis que la ligne de M. Tarte serait la plus courte ; de l'aveu de M. le ministre, elle donne un avantage de 5 kilomètres.

Messieurs, je vous disais tout à l'heure que si cette ligne venait à s'exécuter, et elle se fera parce qu'elle est dans la nature des choses, on nous ferait une objection ; on prétendrait qu'elle va faire concurrence au chemin de fer de l'Etat ; mais à cet égard, il y a une réponse très facile : On pourrait admettre pour cette ligne le système qui a prévalu pour celle de Dendre-et-Waes, c'est-à-dire qu'on pourrait imposer aux concessionnaires la condition de laiser transiter par la ligne nouvelle, de manière que les stations extérieures, en dehors de la ligne, profiteraient à l'Etat.

De cette manière la concurrence faite par la ligne nouvelle à celle de l'Etat ne ferait plus à craindre.

On dit aussi que cette ligne sur Courtrai ferait tort au chemin de fer de Jurbise.

Je dirai qu'ici l'intérêt de l'Etat n'est pas en jeu ; car la réaction exercée sur tout le réseau de l'Etat serait telle que le gouvernement gagnerait bien plus de ce côté qu'il ne pourrait perdre de l'autre ; la compagnie de Jurbise pourrait, à la vérité, éprouver un léger préjudice ; mais, de l'aveu de tout le monde, elle fait d'assez bonnes affaires pour que nous ne devions pas prendre ses intérêts en considération lorsque, d'ailleurs, aucun droit ne nous y oblige et que l'intérêt général s'y oppose.

On m'a demandé à plusieurs reprises si, désirant la ligne, telle qu'elle a été proposée dans le temps par M. Tarte, je n'étais pas hostile au projet qui nous est soumis.

J'ai réfléchi longtemps, messieurs, à la proposition qui nous occupe et je ne trouve pas de motif pour m'y opposer parce que je crois qu'elle ne met pas obstacle à la grande ligne de jonction entre les Flandres et le pays Wallon.

Quant aux droits de M. Tarte, je le répète, c'est une question particulière à débattre entre M. Tarte et M. le ministre, mais je dis que le projet actuel ne met aucun obstacle à la grande ligne en question ; au contraire, je considère le projet actuel comme un acheminement vers cette ligne.

Eh bien, messieurs, pour me servir d'une expression vulgaire, je dis : « Vaut mieux un tiens que deux lu l'auras. » C'est, je pense, ce que le bon sens suggère dans cette question. Remarquez que la distance de Tubise aux Acren ou à Grammont fait à peu près le 2/5 de la ligne générale qui doit aboutir à Courtrai.

Je crois donc, messieurs, que la ligne proposée, loin de nuire à l'autre, ne peut, au contraire, que la favoriser, car du moment que l'on aura recounu les avantages de ia ligne de Tubize aux Acren, du moment qu'on aura pu en apprécier les revenus, MM. Zamian ou d'autres ne manqueront pas d'en demander le prolongement.

Dailleurs, messieurs, la réaction qui doit s'exercer de plus en plus entre les lignes existantes et celles qui seront créées ultérieurement, fera comprendre tous les jours davantage que l'extension dont il s'agit est favorable, et dès lors il est évident qu'on en demandera (page 1553) l'exécution. Un fait remarquable, c'est que le revenu moyen par kilomètre augmente en Belgique, tandis qu'il diminue en Angleterre. Cela prouve que nous n'avons pas encore atteint le maximum des lignes possible, et que dans la Grande-Bretagne on l'a peut-être dépassé.

Je pourrais, messieurs, proposer un amendement en faveur de la ligne dont je viens de parler, celle qui domine toutes les autres dont il et qui semble en avoir donné l'idée ; mais je me borne à recommander cette question à l'étude et à la sollicitude du gouvernement.

Je pense, que si, tôt ou tard, il en est question, le gouvernement, d'après ce qui a été dit dans cette discussion, pourra aviser aux moyens de prévenir tout inconvénient. Quant à l'objection tirée de la concurrence que la ligne nouvelle pourrait faire au chemin de fer de l'Etat, je crois qu'elle n'est pas sérieuse, mais elle sera faite et c'est précisément pour cela, je le répète, que je me félicite de ce que cette ligne n'établit qu'une différence de 5 kilomètres avec celle de l'Etat. Dans tous les cas, la réaction exercée par les endroits intermédiaires compenserait largement cette petite perte.

Ainsi, messieurs, déverser les produits des minières dans les Flandres et donner une nouvelle vie à la prospérité et à l'industrie de celles-ci, tel est le but du projet comme je le conçois, et comme je pense qu'il doit être conçu. Ce but est éminemment national et patriotique. La paix nous est promise ; mais une révolution nouvelle pourrait amener la guerre et l'occupation de plusieurs de nos provinces par l'étranger. Celui-ci ne manquerait pas, pour s'attacher nos populations, de leur ouvrir d'immenses débouchés. Les gens instruits et qui connaissent l'histoire ne s'y laisseraient pas prendre ; ils sauraient que cet état de choses ne peut durer et qu'if doit amener une réaction et de grands froissements ; mais les masses toujours aveuglées par l'intérêt du moment se laisseraient séduire, à moins qu'on ne puisse dès à présent leur présenter la perspective d'une prospérité croissante. C'est ce but qui rn'a dominé dans les réflexions que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre sur l'industrie en général, sur la nécessité de créer de nouveaux débouchés, et de développer nos voies ferrées. Les intérêts matériels exercent toujours un grand empire sur l'esprit des peuples ; il faut prévenir toute tentation dangereuse en cette matière. L'indépendance est sans doute profondément enracinée dans le cœur du peuple ; mais elle ne peut que gagner et se fortifier par le bien-être matériel. On ne peut donc pas le négliger, et je croirais manquer au devoir que m'impose le patriotisme si je ne contribuais dans la mesure de mes forces à consolider la nationalité sous ce rapport comme sous tous les autres ports. C'est dans cette vue, messieurs, que j'appuie le projet comme le commencement d'une entreprise qui doit unir plus étroitement nos provinces entre elles et développer leur prospérité.

M. le président. - Voici une proposition déposée par M. Dumortier :

(page 1567) « Je propose :

L'ajournement du projet de loi.

Et en cas de rejet de l'ajournement, d'inscrire dans le projet de loi le mot de « Braine-le-Comte » au lieu de celui de « Tubise ». Et d'ajouter le paragraphe suivant :

« La clause de préférence et le dernier paragraphe de l'article 32 du cahier des charges sont supprimés. »

(page 1553) - La chambre ordonne l'impression et la distribution de cet amendement.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Un membre, usant de son initiative, a déposé une proposition de loi. Elle est renvoyée aux sections pour qu'elles en autorisent la lecture s'il y a lieu.

Projet de loi autorisant la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien

Discussion générale

M. Jouret (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'apprends avec une espèce de stupéfaction que le gouvernement ne repousse pas d'une manière absolue la proposition qui, sous le nom d'amendement, a pour objet de substituer au chemin de fer de Tubize aux Acren un projet entièrement nouveau, c'est-à-dire de Tubize à Grammont, et je me demande s'il est permis au gouvernement et à la représentation nationale de se laisser ainsi surprendre par une manœuvre habile, j'en conviens, mais qui n'en serait pas moins un véritable escamotage peu digne en faveur de Grammont et au détriment de Lessines. Dans cette circonstance, j'ai recours au règlement du 5 octobre 1831 et j'acquiers la conviction que d'après l'esprit des articles 33 jusques et y compris l'article 43 de ce règlement,la chambre ne pourrait sans manquer à son devoir ne pas décider qu'il y a lieu de renvoyer le prétendu amendement dans les sections et de suspendre les délibérations.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je ne m'oppose nullement, pour ma part, au renvoi que sollicite M. Jouret, mais si quelque chose est surprenant c'est la surprise de l'honorable membre. Comment ! depuis deux jours on discute le chemin de fer de Tubize à Grammonl ou de Tubize aux Acren et l'honorable membre trouve extraordinaire que par amendement on proposé de dire : « chemin de fer de Tubise aux Acren ou à Grammont ». Mais, messieurs, cela ressort de toute la discussion ; il y a en présence trois directions : celle de Lessines, pour laquelle il n'y a pas de demandeur en concession, et à celle-là l'honorable M. Jouret se rallierait ; la direction des Acren, et la direction de Grammont. Il est tout naturel qu'on ait proposé de mentionner ces deux dernières directions dans la loi.

Du reste, messieurs, je ne m'oppose nullement à l'impression de l'amendement déposé.

M. Jouret. - Messieurs, il n'a pas été question, jusqu'à présent, de Grammont ; je n'en ai pas entendu prononcer un seul mot jusqu'à présent. (Interruption.) La discussion n'est pas un amendement, et je ne sais pas si on l'a fait à dessein, mais l'amendement ne m'est point parvenu.

M. de Naeyer, rapporteur. Je ne relèverai pas les expressions assez étranges que l'honorable M. Jouret vient de prononcer. Je m'en abstiendrai par respect pour la dignité de la chambre et par respect pour ma dignité personnelle. Je ferai remarquer seulement que notre amendement n'a pas été improvisé dans le cours de la discussion, mais qu'il a été présenté au début même de cette discussion et que notre honorable président en a donné lecture avant même qu'aucun orateur eût pris la parole.

L'honorable M. Jouret prétend que la direction vers Gammont est une proposition toute nouvelle et qu'on n'en avait pas encore entendu parler ; mais toutes les pièces de l'instruction qui sont déposées sur le bureau constatent que les auteurs des projets d'une ligne de jonction entre le chemin de fer du midi et la valiée de la Dendre ont toujours eu en vue d'aboutir à Grammont ; je citerai le projet de M. Bouquié-Lefebvre, celui de M. Denis Vander Elst et celui de M. Zaman qui forme l'objet de la convention provisoire qui est soumise à notre sanction.

Il y est parlé des deux Acren, mais est-ce pour éviter d'arriver à Grammont ? C'est uniquement parce qu'on a cru que les difficultés du terrain ne permettaient pas de trouver un point plus rapproché de Grammont qui fût accessible pour l’établissement d'un chemin de fer, aussi le cahier des charges porte dans son intitulé : « chemin de fer de Braine-le Comte par Enghien aux deux Acren près de Grammont » ; cette ville est donc toujours le point auquel on veut aboutir.

Il est donc inexact de dire qu'il s'agit ici d'une proposition inconnue jusqu'à ce jour ; et si nous avons déposé notre amendement, c'est parce qu'aujourd'hui, d'après de nouveaux renseignements, on a entrevu la possibilité d'avoir, à partir de la commune de Moerbeke, un tracé plus direct vers Grammont, qui, je le répète, a toujours été le but que les demandeurs en concession d'une ligne de jonction entre le chemin de fer du Midi et la vallée de la Dendre ont voulu atteindre. Il est d'ailleurs dit formellement dans le rapport de la section centrale, que la question d'un tracé plus direct vers Grammont est une question réservée, et notre amendement n'est que la formule de cette opinion de la section centrale.

Vous le voyez, il n'y a pas ici l'ombre d'une surprise, et si l'honorable M. Jouret n'a pas jugé convenable de se mettre au courant de tous ces antécédents de l'affaire, en vérité, ce n'est pas notre faute.

M. Dumortier. - Messieurs, je comprends le mouvement qui agite l'honorable M. Jouret. Un projet de loi vous est présenté. Que porte ce projet ? Il demande la concession d'un chemin de fer se dirigeant d'Enghien vers les Acren. Or, qu'est-ce que les Acren ? C'est absolument le faubourg de Lessines, que devrait traverser, en se prolongeant, ce chemin de fer. Le district que représente l'honorable M. Jouret. En effet il devait rencontrer Flobecq, Ellezalles, toutes grandes localités qui se trouvent dans le district d'Ath.

Et maintenant l'honorable M. Jouret qui jusqu'ici avait pensé que le gouvernement tenait à faire passer le chemin par son district dans sa prolongation des Acren à Renaix, doit être étrangement surpris qu'après deux jours de discussion le gouvernement paraisse se rallier à un projet de chemin de fer qui ne passera plus par son district ; on conçoit qu'un député s'effarouche un peu, en voyant le ministre, par une nouvelle voltige, supprimer tout à coup dans son district la possibilité d'un chemin de fer qui devait le traverser.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'honorable M. Dumortier suppose très gratuitement que le gouvernement abandonne une stipulation de la convention intervenue entre M. Zaman et lui : il n'en est absolument rien ; dans le cours de la discussion, je m'en suis formellement expliqué. J'ai dit : Plusieurs directions sont en présence : Lessines d'une part, les Acren d'autre part ; et enfin Grammont. Que résulte-t il de l'examen auquel les ingénieurs se sont livrés ? C'est que la direction vers les Acren est celle qui est indiquée par la nature du terrain et par l'intérieur des concessionnaires.

Voilà ce que j'ai dit ; mais j'ai ajouté ; « Puisqu'il est possible que le chemin de fer aboutisse à un autre point de la Dendre, je consens, pour satisfaire, dans la mesure du possible, à des exigences, peut-être légitimes, qui se produisent dans cette enceinte ; je consens à modifier l'article premier de la convention, non pas dans le sens indiqué par M. Dumortier, à savoir que j'abandonnerais les Acres pour y substituer Grammont, mais dans ce sens que le point auquel aboutirait le chemin de fer sur la Dendre serait ultérieurement déterminé par le gouvernement.

- La proposition de M. Jouret est mise aux voix et adoptée.

En conséquence l'amendement de M. de Portemont, de Naeyer, de Ruddere, Moxhon, de Decker, Mascart, Lelièvre et Tremouroux est renvoyé à la section centrale.

La chambre renvoie également à cette section, l'amendement qui a été présenté par M. Dumortier.

Rapports sur des pétitions

(page 1580) M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition du 7 mai 1853, le conseil communal de Bisseghem s'adresse à la chambre pour lui signaler un abus de pouvoir et une violation flagrante des dispositions des article 27 et 28 de la loi du 10 avril 1841. »

En effet, disent les pétitionnaires, la construction du chemin de fer de Courtrai à Poperinghe a nécessité la traverse de deux chemins vicinaux à Bisseghem. La société concessionnaire a supprimé arbitrairement et de fait le chemin conduisant à Moorseele et ce dans le but de son intérêt privé et pour éviter les frais d'une traverse et d'un garde-barrière, elle l'a remplacé par un chemin latéral impraticable et qui entrane un détour de plus de cinq cents mètres.

Vainement se sont-ils adressés à l'autorité provinciale pour obtenir le rétablissement du chemin ou au moins une traverse et notamment par leurs lettres en date du 20 septembre et 7 décembre 1852, 31 janvier et 12 mars 1853, ils n'ont pas obtenu justice, l'abus et la violation de la loi continuent encore aujourd'hui.

En présence de ces faits et du préjudice considérable qu'en souffrent ses habitants fortement lésés dans leurs intérêts industriels et commerciaux par le grand détour du chemin qui éloigne les pratiques et entrave les relations, l'autorité communale de Bisseghem, en demandant votre intervention pour lui faire obtenir la justice qu'elle réclame et de voir rétablir le chemin arbitrairement supprimé, vous prie de croire que dans cette démarche elle n'a été guidée par un autre mobile que le devoir que lui impose l'intérêt le plus cher de ses administrés.

Votre commission, messieurs, en présence des faits graves dénoncés par les pétitionnaires, croit devoir vous proposer le renvoi de leur demande à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

(page 1553) M. de Haerne. - Les pétitionnaires signalent un fait assez grave. Deux chemins vicinaux partaient de la commune de Bisseghem et se dirigeaient vers deux autres communes. Quand on a construit le chemin de fer de la Flandre occidentale de Courtrai vers Menin, on s'est permis de supprimer une de ces routes, et l'on a prétendu que le village devait se contenter d'une seule route.

Il me semble qu'on a violé eu cette circonstance un droit évident. (page 1554) L'autorité locale a réclamé à diverses reprises auprès de la députation permanente et du ministre de l'intérieur. Je ne demanderai pas d'explication sur cette pétition, parce que j'ai vu que bien souvent quand la chambre demandait des explications, on ne lui en donnait pas ; mais je crois qu'il suffira d'avoir signalé à l'attention du gouvernement ce qui s'est passé pour qu'il prenne la chose en considération et ne laisse plus ces réclamations sans réponse.

- Le double renvoi est ordonné.


(page 1567) >M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Verviers, le 16 février 1853, des habitants de Verviers demandent que la loi laisse aux tribunaux de simple police la faculté de prononcer la peine d'emprisonnement dans les cas prévus par les dispositions des articles 474, 478 et 482 du Code pénal. »

Des habitants de Verviers demandent comme modifications aux articles 474, 478 et 482 du Code pénal, qu'il soit facultatif aux tribunaux de simple police de prononcer la peine d'emprisonnement dans les cas prévus par les dispositions des articles sus-énonces dudit Code.

Les pétitionnaires trouvent les dispositions trop rigoureuses parce qu'en cas de récidive, même en matière de simple police, le tribunal doit forcément condamner à la peine d'emprisonnement qui pourra s'élever à cinq jours ; ils prienl la chambre de signaler au pouvoir exécutif un système qu'ils appellent absurde et inique, ou d'user de son droit d'initiative pour provoquer une modification à la loi qui aurait pour effet de laisser aux tribunaux de simple police la faculté de prononcer ou non la peine d'emprisonnement dans le cas susmentionné ci-dessus.

Quoique votre commission ait lieu de croire que déjà par des dispositions législatives nouvelles il a été pourvu aux inconvénients signalés par les pétitionnaires, elle a l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Andennes, le 20 mars 1853, le sieur Brun demande une loi qui mette à la charge des fabriques d'églises les grosses réparations à faire aux églises, presbytères et cimetières anciens, qui ne sont pas propriétés communales. »

Le sieur Brun demande une loi qui mette à la charge des fabriques d'églises les grosses réparations à faire aux églises, presbytères et cimetières qui ne sont pas propriétés communales.

Le pétitionnaire ne donne aucune bonne raison pour justifier l'opportunité de sa démarche, il n'allègue aucun motif plausible pour faire modifier les dispositions législatives qui régissent cette matière.

Votre commission a cru que la chambre ne serait pas disposée à prendre en considération une idée excentrique peu dignes d'occuper ses moments précieux et d'interrompre les travaux importants dont elle est saisie en ce moment.

Elle a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétilion datée de Bruxelles, le 15 février 1833, le sieur Vinger-hoets, ancien militaire, prie la chambre de lui accorder une gratification. »

Le sieur Vingerhoets, ancien militaire, prie la chambre de lui accorder une gratification. Le pétitionnaire allègue pour motif qu'il est presque aveugle, mais comme rien ne constate qu'il aurait contracté cette infirmité durant ses six années de service, votre commission croit qu'il n'y a pas lieu de prendre sa demande en considération et a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 17 février 1853, le sieur Edé demande que le tarif des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat soit réduit de moitié en faveur des militaires en dessous du rang d'officier, porteurs de permissions ou congés, et en tenue. »

Le sieur Edé demande que le tarif des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat soit réduit de moitié en faveur des militaires en dessous du rang d'officier porteurs de permissions ou congés et en tenue.

Cette pétition ne contenant aucune considération nouvelle, ou digne de remarque et n'alléguant aucun motif plausible, votre commission, messieurs, est d'avis qu'il n'y a pas lieu de s'en occuper, et a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée du 21 février 1853, les administrations communales d'Aublain, Dailly et Boussu en Fagne demandent que la société du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse soit autorisée à suivre le tracé projeté de Marienbourg. »

Les administrations communales d'Aublain, Dailly et Boussu-en-Fagne demandent que la société du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse soit autorisée à suivre le tracé projeté de Marienbourg.

(page 1568) Votre commission n'ayant pas à disposition les éléments d'appréciation pour émettre un avis motivé sur le mérite de cette demande, et sans rien préjuger au fond, a cru utile de vous proposer le renvoi de cette demande à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Rebecq Rognon, le 17 mars 1853, la veuve du sieur Pany, ancien garde champêtre, prie la chambre de lui accorder un secours. »

La veuve du sieur Pany, ancien garde champêtre, prie la chambre de lui accorder un secours ; elle n'a d'autres motifs à faire valoir, à l'appui de sa requête, que son état de gêne et de misère. Votre commission a cru qu'il n'entrait pas dans les intentions de la chambre de s'occuper de cette affaire, elle a, par conséquent, l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 13 mars 1853, quelques débitants de de vin, à Gand, réclament l'intervention de la chambre pour faire rapporter le règlement communal qui les oblige à fermer leurs portes au loquet. »

Quelques débitants de vin, à Gand, vous demandent de faire rapporter le règlement communal qui oblige à fermer leurs portes au loquet, parce que, disent-ils, cette mesure est très nuisible à leur industrie et aux débits de leurs boissons.

Votre commission ne s'est pas dissimulé l'analogie entre cette pétition et celle des brasseurs de Bruxelles.

Les conseils communaux ont le droit comme le devoir de régler tout ce qui est d'intérêt communal. Ces règlements faits dans l'intérêt général des administrés et sanctionnés par l'autorité supérieure forment souvent un ensemble auquel il ne faut pas toucher légèrement, car si l'on cédait aux débiteurs de vin, peut-être les débiteurs de bières réclameraient contre une faveur accordée à une industrie rivale. Les pétitionnaires devraient préalablement s'adresser aux autorités constituées, communales et provinciales, et ce n'est qu'en dernier ressort qu'ils pourraient avoir leur recours à la chambre.

Il serait, du reste, peu digne de la chambre, qui a son droit d'initiative, de saisir l'occasion d'une pétition présentée évidemment dans un but d'intérêt privé pour provoquer la modification des règlements communaux et le redressement de prétendus griefs, fussent-ils même en partie fondés.

Par les considérations qui précèdent, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


(page 1564) M. Vander Donckt, rapporteur. - (Nous donnerons ces rapports.)

M. Rodenbach. - Je ne sais si je réussirai à m'opposer à ce que cette pétition soit renvoyée au ministre de la justice. Si j'ai bien compris, il s'agit d'un empirique qui sollicite l'autorisation de réclamer un salaire des malades qu'il prétend guérir dans certains cas. Je suis étonné qu'on donne accueil à une pareille requête quand, il y a à peine un mois, nous avons voté une loi contre le charlatanisme. Nous avons interdit l'exercice, même gratuit,de l'art de guérir aux personnes non diplômées ; à plus forte raison, devons-nous refuser à un empirique l'autorisation de traiter des malades moyennant salaire.

Je m'oppose formellement aux conclusions de la commission, dussé-je être seul, et je proteste contre le renvoi au ministre de la justice.

- Plusieurs voix. - On n'est plus en nombre. On ne peut pas prendre de décision.

La séance est levée à 4 1/2 heures.