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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 mai 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1361) M. Dumon procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Van Snick, lieutenant pensionné, prie la chambre de modifier la loi sur les pensions militaires en faveur des officiers qui sont entrés au service à un âge avancé et de lui faire obtenir une pension égale à la moitié de celle qu'une loi récente accorde à un sous-lieutenant polonais. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Grosjean demande une loi qui interdise aux bourgmestres, aux échevins chargés de la police ou de l'état civil, et aux gardes champêtres de tenir boutique ou cabaret, soit par eux, soit par leurs femmes ou leurs enfants célibataires qui résident dans la commune où ils remplissent leurs fonctions. »

- Même disposition.


« Le sieur L.-N.-J. Haan, brigadier à la 13ème batterie de siège du 3ème régiment d'artillerie, né à Machtum (Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Zezimbrouck demande qu'il ne soit point pourvu à deux places d'avoué vacantes près du tribunal de première instance de Liège. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les administrations communales d'Autryve, Helchin, Bossut, Waermaerde et Kerchove, demandent que des mesures soient prises pour l'écoulement des eaux qui couvrent encore les prairies et les terres situées dans la vallée de l'Escaut. »

- Même disposition.


« Des électeurs d'Embressin demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

« Même demande d'électeurs à Frasnes-lez-Buissenal. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« M. Jacques Fernand fait hommage à la chambre du complément de son écrit sur la neutralité de la Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi, amendé par le sénat, prorogeant la loi sur les concessions de péages

Vote de l’article unique

M. le président. - Hier, à la fin de la séance, on a écarté définitivement l'amendement que la chambre avait adopté au premier vote et qui a été rejeté par le sénat ; il ne reste plus qu'à voter sur l'article unique du projet de loi, tel qu'il a été adopté par le sénat et tel qu'il avait été présenté par le gouvernement.

- Il est procédé au vote par appel nominal.

Voici le résultat de cette opération :

68 membres ont répondu à l'appel ;

49 membres ont répondu oui ;

16 membres ont répondu non ;

3 (MM. de Muelenaere, le Bailly de Tilleghem et Rodenbach) s'abstiennent.

Ont répondu oui : MM. de Baillet-Latour, de Bronckaert, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, de Theux, de T'Serciaes, d'Hoffschmidt, Dumon, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Magherman, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Pierre, Pirmez, Roussel (Adolphe), Tesch, Thibaut, Thienpont, Tremouroux, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David et Delfosse.

Ont répondu non : MM. de Baillet (H.), de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Delehaye, de Perceval, de Wouters, Julliot, Lebeau, Loos, Osy, Peers, Rogier, Rousselle (Charles), Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest) et Vermeire.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Muelenaere. - Messieurs, dans l'intérêt de la propriété et aussi, comme l'a dit un honorable membre, dans un but de moralité publique, j'aurais voulu qu'aucune concession de ligne de chemin de fer ne pût être accordée même par la loi, sans une enquête préalable et publique. Comme la disposition que nous avions à cet effet introduite dans le premier projet de loi a été rejetée dans la séance d'hier, mais que d'un autre côté je suis convaincu que le projet contient des dispositions utiles et nécessaires, je me suis abstenu.

M. le Bailly de Tilleghem. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Rodenbach. - Je me suis également abstenu par les mêmes motifs.

Projet de loi portant le budget du ministère de la dette publique de l’exercice 1854

Discussion générale

M. Osy. - Avant d'examiner le budget de la dette publique, j'aurai une interpellation à faire à M. le ministre des finances.

Par une loi votée en 1851 qui a été promulguée le 31 décembre de la même année, nous avons prohibé les loteries.

En effet, l'article premier" porte : « A l'avenir les loteries sont prohibées ; » mais par l'article 8 on a donné au gouvernement l'autorisation de sanctionner les emprunts faits par les communes, les provinces et les sociétés anonymes où il pourrait y avoir des remboursements avec prime par la voie du sort.

En vertu de l'article 8, des étrangers viennent placer des emprunts de ce genre à notre bourse. La ville de Bruxelles, imitant cet exemple, a contracté un emprunt de 7 millions en accordant aux rentiers un intérêt de 3 p. c. et des primes pour un peu moins de 2 p. c. Ces primes de 25 mille francs à des sommes moindres sont accordées par tirage au sort semestriel.

La ville de Liège, encouragée par le succès de l'opération de la ville de Bruxelles, a voulu faire un emprunt sur un pied qui, d'après moi, se rapproche beaucoup plus des loteries. La ville de Liège répartissait tout l'intérêt et l'amortissement en primes. Elle a fortement insisté auprès du gouvernement pour faire sanctionner cet emprunt.

Je fais mon compliment à M. le ministre des finances d'avoir résisté et de ne pas avoir autorisé ce premier emprunt qui avait le caractère d'une loterie. La ville de Liège ne s'est pas découragée, elle a fait un nouveau projet se rapprochant davantage de l'emprunt de la ville de Bruxelles ; elle a accordé aux prêteurs 2 1/2 p. c. d'intérêt et a consacré le reste des intérêts à des primes de cent mille francs par an.

Lorsque nous avons fait la loi de 1851, en tête de laquelle il est mis que les loteries sont prohibées, je suis persuadé qu'il entrait dans les intentions de la chambre qu'on ne pût recourir à des opérations pareilles.

Je conviens que M. le ministre des finances, en prenant l'article 8 à la lettre ne pouvait peut-être par refuser l'autorisation demandée. Mais il faut remarquer que, bien que depuis 1851 nous n'ayons plus voulu avoir de loteries, et que nous les ayons formellement interdites par la loi de 1851, voilà des villes qui vont émettre de véritables billets de loterie pour 14 millions. Si encore les billets avaient été de sommes fortes, les gros contractants auraient pu seuls y prendre part. Mais l'on a si bien compris que les personnes éclairées ne voudraient pas de ces billets, que l'on a fait, à Bruxelles, des billets de 100 fr. et qu'à Liège on est descendu jusqu'à 80 fr. C'est un véritable appât offert aux ouvriers, que l'on a voulu détourner des loteries.

J'aime mieux que les ouvriers mettent leurs économies de côté, sans* avoir tous les six mois l'tppât d'ua gros lot ; ce qui n'est propre qu'à démoraliser les populations. Depuis plusieurs années, nous avons voulu fure beaucoup pour les moraliser. Aujourd'hui c'est tout le contraire-Car il est certain que quand les personnes appartenant aux classes laborieuses savent que, tous les 6 mois, elles peuvent faire une grande fortune sans travailler, je demande ou nous irons.

Je déplore donc ces deux emprunts. Je n'en accuse pas le gouvernement. Je conviens que l'article 8 est tellement élastique que le gouvernement a pu les autoriser. Mais maintenant que l'exemple a été donné par deux grandes communes, il est certain que, quand de petites communes auront des embarras de finances, elles auront recours au même système, et qu'on inondera la Belgique de billets de loterie. Il est temps d'arrêter la marche qu'on a suivie.

J'invite donc le gouvernement à prendre l'engagement de ne plus sanctionner de pareilles opérations, et, s'il ne se croit pas le droit de refuser l'autorisation, de nous proposer un changement à l'article 8 pour que ces opérations ne puissent se faire.

L'auteur de la loi de 1851 est dans cette enceinte ; il pourra nous dire si je donne à l'article 8 son véritable sens. Pour moi, je le comprends dans ce sens que si une commune, une province fait un emprunt à 5 p. c. au taux de 97, il y ait un tirage annuel pour le remboursement au pair, et comme le remboursement pourrait se faire en 40 ou 50 ans, on pourrait faire des lots avec la différence entre le pair et le taux d'émission. C'est dans ce sens que j'ai compris l'article 8.

(page 1365) Mais je n'ai jamais pu me douter que lorsqu'on inscrivait en tête d'une loi que les loteries étaient prohibées, on allait, deux ans après, autoriser des emprunts qui sont de véritables loteries. Je n'ai pas devant moi les conditions de ces emprunts ; mais M. le ministre des finances les connaît ; elles ont d'ailleurs paru dans les journaux.

Messieurs, vous voulez engager nos ouvriers à faire fortune par leurs économies et par leur travail.

Je regrette dès lors qu'on leur ait offert l'appât de tirages annuels auxquels ils peuvent participer moyennant des sommes si légères, que beaucoup d'entre eux pourront dire : Je n'ai pas besoin de travailler, peut-être un lot de 100,000 fr. m'écherra dans peu.

Il est temps, messieurs, que nous nous arrêtions dans cette voie, et j'engage M. le ministre des finances à nous proposer le plus tôt possible la modification de l'article 8 pour que de semblables opérations ne puissent plus se faire.

Messieurs, le gouvernement, qui a quelquefois besoin de négocier des emprunts, pourrait tout aussi bien faire lui-même ds ces emprunts-loteries, que d'autoriser les communes à en conclure. Eh bien, certainement les chambres n'autoriseraient pas un emprunt pareil. Ce qui ne serait pas permis au gouvernement ne doit pas être permis aux communes.

M. Roussel. - Messieurs, avant d'expliquer l'opération que la ville de Bruxelles a faite avec l'autorisation du gouvernement, je crois devoir répondre aux observations de l'honorable préopinant relativement à l'esprit de la loi de 1851 sur les loteries.

Si j'ai bonne mémoire, dans la discussion même de cette loi, il a été convenu que ses dispositions prohibitives souffraient exception, sous la surveillance du gouvernement, en ce qui concerne les communes et les provinces.

Lorsqu'une loterie doit avoir un intérêt provincial, communal ou artistique, ou bien un intérêt d'humanité, il fut entendu que, le gouvernement restant juge de l'opportunité, de pareilles loteries pourraient cire autorisées.

Ce qui s'est pratiqué à Bruxelles a donc été fait très régulièrement. Le conseil communal a voté l'emprunt. Le Roi a autorisé l'emprunt dans la forme qui lui a été donnée, forme que je vais démontrer, tout à l'heure, n'avoir rien en soi-même d'immoral, d'irrégulier. Tout s'est donc passé conformément à la loi.

J'arrive à l'emprunt en lui-même.

Cet emprunt contient, il est vrai, une application du principe de la loterie. Mais cette application ne porte ni sur le capital lui-même ni sur l'intérêt. Elle porte seulement sur une réduction de l'intérêt, réduction consentie par ceux qui prennent part à cet emprunt.

Je ne parle pas de ce qui s'est passé à Liège, je ne connais pas cette opération. Mais d'après ce qui s'est passé à Bruxelles, chaque actionnaire reçoit au bout d'un certain temps le remboursement du capital qu'il a placé.

Ainsi tombe l'objection que l'honorable membre tirait de ce que de petits propriétaires, de petits particuliers exposeraient une somme de 100 fr. ou une somme de 80 fr. dans cet emprunt. Ils n'exposent absolument rien.

Quant à l'intérêt, ils le reçoivent régulièrement, mais légèrement réduit. Or, chacun est juge de la question de savoir comment il veut faire produire ses capitaux, et je ne pense pas qu'il y ait là la moindre immoralité dans une telle réduction, surtout lorsqu'elle est légère. Qu'arrive-t-il ? C'est que la réduction d'intérêt forme accumulation au profit de celui que le sort favorise. C'est tout bonnement une espèce de société par laquelle il est convenu que celui que le sort favorisera obtiendra un intérêt plus élevé que le non-favorisé.

Qnant à moi, je ne vois pas de reproche grave à adresser à une opération semblable, surtout quand elle est dirigée dans un but d'utilité publique, le but de maintenir en bon état les finances des communes et de permettre un travail indispensable.

Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'une bonne partie de l'emprunt a été prise à l'étranger et que c'est surtout à l'aide de cette clause favorable aux prêteurs, qu'on est parvenu à obtenir le concours de petits rentiers étrangers.

Je demande pourquoi l'on devrait faire un changement à l'article 8 de la loi sur les loteries. Lors de la discussion, on a prévu qu'on pourrait faire de cette loi l'usage qui en a été fait dans l'intérêt de ia ville de Bruxelles.

Le principe de la prohibition des loteries est généralement admis aujourd'hui ; mais je ne pense pas que personne pousse ce principe jusqu'au point d'empêcher les combinaisons favorables aux finances des communes et non préjudiciables d'ailleurs aux particuliers.

Quant à ce qu'a dit l'honorable préopinant, relativement à l'usage que le gouvernement devrait faire d'une pareille faculté, il y a plusieurs considérations à opposer à sa manière de voir à cet égard.

Ainsi, par exemple, ce qui peut être avantageux pour une commune, peut ne pas être avantageux pour l'Etat ; parce que les emprunts que l'Etat doit faire, sont ordinairement plus considérables ; qu'on serait obligé de s'adresser à un plus grand nombre de personnes qui ne voudraient pas subir cet réduction d'intérêt avec accumulation pour celles que le sort favoriserait.

Messieurs, l'expérience a prouvé, qsnnt à la ville de Bruxelles, que l'opération est excellente ; l'emprunt s'est bien placé ; les banquiers qui s'en occupent y trouvent leur avantage ; il en est de même des actionnaires, puisqu'ils ont un intérêt assuré et qu'ils ont la chance d'être favorises par le sort, avec un remboursement de capital non douteux.

Je crois donc que les observations de l'honorable M. O y, quoique dictées par un sentiment que je respecte, sont exagérées, et qu'elles ne doivent pas déterminer le gouvernement, soit à proposer un changement à la loi sur les loteries, soit à revenir sur le système adopté, relativement aux emprunts communaux.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, l'honorable M. Osy a parfaitement raison, lorsqu'il s'élève contre le but immoral des loteries ; je suis d'avis, comme lui, que les loteries accoutument le peuple à ne pas compter sur le gain du travail, mais à se laisser amorcer par des bénéfices imaginaires.

Mais, messieurs, si nous sommes d'accord sur le but immoral des loteries, nous ne le sommes pas dans l'application aux deux faits qu'il a cités. Le législateur de 1851, à côté de la proscription des loteries, a posé deux exceptions qui s'appliquent, dans une certaine mesure, aux emprunts qui ont été faits par les villes de Bruxelles et de Liège.

En effet, ce n'est pas seulement l'article 8 que l'honorable M. Osy aurait dû lire ; il aurait dû remarquer aussi l'article 7 de la loi du 31 décembre 1851. Dans l'article 7, le législateur déclare que si les loteries sont défendues, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'une loterie qui a un but philanthropique. Ainsi par exemple, nous voyons tous les jours des loteries pour l'érection d'un hospice, d'une crèche, etc.

Faisons l'application de cette première excep'ion à ce qui s'est passé à Bruxelles. Il ne s'agissait pas d'ériger un hospice, mais il s'agissait d'un but non moins philanthropique. Les trois quarts de la population de Bruxelles boivent une eau mauvaise et nuisible à la santé ; eh bien, il est question de doter toute la population de Bruxelles d'une eau abondante, salubre et à bon marché.

Je prétends que, par là, l'administration de Bruxelles a fait mille fois plus de bien à la population de cette ville que si elle l'avait dotée de nouveaux hospices et d'autres établissements de ce genre. L'un prévient le mal, l'autre est destiné à le guérir, et j'aime beaucoup mieux prévenir le mal que d'avoir à le guérir quand il est arrivé.

C'est pour obtenir un système d'eau complet, riche, digne de la capitale, que la ville de Bruxelles avait besoin d'une somme aussi élevée.

Quanta la ville de Liège, elle tombe également sous l'application de ce paragraphe de l'article 7 qui déclare permettre les loteries qui ont pour but service d'utilité publique.

Il s'agit en effet d'appliquer le capital qu'elle avait à lever, à détourner les inondations de la Meuse ; c'était là le but essentiel de son emprunt.

Mais ce n'est pas la seule exception que le législateur ait introduite dans la loi sur les loteries.

Que porte l'article 8 de la loi ? « Sont également permises, les loteries des puissances étrangères, faites avec primes par la voie du sort. »

C'est ainsi que vous avez vu, ma'gré la loi sur les loteries, annoncer, sans être l'objet d'aucune poursuite en Belgique, les loteries de Bfaden, ayant pour objet des emprunts avec primes et tirage au sort.

Le gouvernement dans le projet qu'il avait soumis en 1851, s'était arrêté à l'exception en faveur des emprunts faits par les puissances étrangères ; et c'est la chambre qui a fait un pas de plus : « Puisque, dit-on, vous trouvez que la moralité publique n'est pas offensée, si on laisse circuler en Belgique des actions avec prime, appartenant à des puissances étrangères, il est équitable d'accorder la même faveur aux provinces et aux communes qui auraient besoin, pour se créer des fonds, d'avoir recours au même moyen. » La chambre a introduit dans la loi un amendement en ce sens ; c'est l'objet du paragraphe second, où il est dit : « Sont également exceptées… les opérations financières de même nature faites par les provinces et communes du royaume. »

Vous le voyez donc, messieurs, sous un double point de vue, les emprunts faits avec primes par les villes de Bruxelles et de Liège, eussent-ils même réellement la portée d'une loterie, seraient encore permis par les articles 7 et 8.

Mais il y a plus : il y a une distinction à établir entre l'emprunt de Bruxelles et celui de Liège. A mon point de vue, l'emprunt de Bruxelles n'est pas une loterie.

Supposez que quelqu'un achète du 3 p. c ; il aura pour son capital un intérêt assuré fixe de 3 p. c. par an ; il achètera ce capital à peu près au pair ; eh bien, que fait la ville de Bruxelles ? Elle assure aux capitalistes, grands ou petits, le même intérêt de 3 p. c, plus une prime aléatoire ; du moment que la majeure partie de l'intérêt légal est assurée aux prêteurs, je ne puis plus voir dans une opération semblable cette amorce du gain qu'on voit dans la loterie proprement dite.

Ici le gain, la partie aléatoire est accessoire ; la partie essentielle, c'est le revenu fixe, annuel, sur lequel l'ouvrier compte ; le côté immoral consistant à présenter pour tout avantage les chances du sort, disparaît ; l'avantage principal de l'opération, c'est un intérêt annuel, c'est un gain très licite, très moral.

Quant à la ville de Liège, la première opération qu'elle a présentée était toute différente, je l'avoue, et je m'y suis opposé de toutes mes forces ; on convertissait l'intérêt du capital en chances aléatoires. C'est (page 1366) sur l'observation du gouvernement qu'on a cherché une nouvelle combinaison, et qu'on est arrivé à offrir aux prêteurs 2 1/2 p. c. d'intérêt, outre la chance d'un lot de 100,000 fr. et l'assurance d'un remboursement de 100 fr. pour un capital versé de 80 fr.

Ainsi l'opéralien se résume en un intérêt de 2 1/2 p. c. et le remboursement du capital à raison de 100 fr. pour un versement de 80. Les chances aléatoires ne s'attachent qu'à une minime partie de l'intérêt.

Je ne vous le cache pas, et ici je me rencontre avec l'honorable M. Osy, la ville de Liège est arrivée à l'extrême limite de ce que le gouvernement doit autoriser.

Si une autre ville, imitant son exemple, voulait aller plus loin et mettre en loterie une partie du capital, je m'y opposerais aussi longtemps que je serais au banc ministériel. Mais dans ces deux opérations que j'ai eu l'honneur de citer, on disait au gouvernement, non sans quelque motif : Vous voulez être plus sage que le législateur, car l'autorisation de permettre ces opérations a été inscrite dans la loi, d'office par la chambre ; le gouvernement n'avait pas même présenté la disposition ; nous faisons donc une opération rentrant parfaitement dans ses termes ; vous tolérez que des emprunts de même nature soient annoncés en Belgique, et à nous qui avons un but philanthropique à atteindre, vous nous le refusez.

Ceux qui connaissent ces deux villes et l'importance des conseils qui les administrent, cemprendront combien il était difficile de résister à ce langage. Je le répète cependant, si une autre ville voulait aller plus loin que la ville de Liège ou si les exemples devenaient trop fréquents, je serais le premier à venir présenter une modification à la loi. Je crois devoir borner là nies observations sur les deux opérations dont on a parlé.

M. Tesch. - L'hororable M. Osy a fait en quelque sorte un appel à mon opinion sur l'interprétation à donner à la loi que j'ai présentée à la chambre et défendue devant elle. Il m'est assez difficile de répondre à cet appel, car je ne connais guère les opérations dont il vient de parler ; tout au moins je ne connais les conditions dans lesquelles elles ont été faites que par ce que je viens d'entendre ici.

Je dirai d'abord que la question d'autorisation des loteries est une question d'appréciation ; qu'il est incontestable qu'au vu du texte de l’article 8, le gouvernement pouvait autoriser les emprunts des villes de Bruxelles et de Liège dans les conditions auxquelles ils ont été contractés.

Mais a-t-on fait une sage, une bonne application de cet article 8 ? C'est là une autre question. Je n'admets pas avec M. le ministre des finances que le but que l’on se propose puisse justifier toutes les loteries. Ainsi, je n’admets pas qu’un but philanthropique puisse faire admettre une loterie qui démoraliserait jusqu’à un certain point les populations ; je n’admettrais pas non plus qu’un but financier pour l’Etat puisse permettre d’établir une loterie.

Le but n'est pas suffisant pour qu'on puisse recourir à ce moyen de battre monnaie. Quand on a autorisé les loteries organisées dans un but philanthropique, on a entendu celles où les personnes qui donneraient des lots ou prendraient des billets contribueraient par un sentiment de piété, de charité ou par un sentiment religieux.

Je n'ai jamais entendu qu'une ville pût dire : Je vais bâtir une église ou un hospice et pour me procurer les fonds nécessaires à la construction, je vais faire une loterie ; j'offrirai des lots de 20 ou 40 mille francs et j'émettrai des billets à 1 franc pour 300,000 ou 400,000 fr. C'est là une interprétation que je n'admets pas. Je n'entends pas assimiler à l'exemple que je viens de citer les emprunts que M. le ministre des finances a autorisés, mais je combats cette partie de son discours où il a semblé admettre qu'une loterie conçue dans un but philanthropique pourrait être autorisée.

Ce serait conforme au texte de la loi, mais ce serait méconnaître l'esprit dans lequel elle a été conçue. En règle générale, d'après l'esprit de la loi, je pense qu'il ne faut autoriser aucun emprunt avec prime quand les coupures sont tellement basses qu'elles permettront aux classes inférieures de la société d'y prendre part, ni un emprunt ou tout l'intérêt du capital ou une partie du capital serait converti en prime. Voilà les seuls principes qui me paraissent admissibles.

Ainsi la combinaison primitivement proposée par la ville de Liège consistait convertir tout l'intérêt en primes avec des coupure sde 80 fr. que je trouve trop basses ; les classes inférieures, les domestiques peuvent y prendre part. S'ils placent leurs épargnes dans un emprunt qui ne donne aucun intérêt, il y aura pour eux perte de l'intérêt, et mieux vaudrait qu'ils plaçassent leurs économies à la caisse d'épargne.

On me dira peut être que la perte d'intérêt est peu de chose ; mais il y a en outre un dommage moral ; du jour où les ouvriers, les classes inférieures sont entraînés vers ce genre de spéculation, ils négligent leur travail ; leur préoccupation est au jeu, à l'espoir de la fortune ; chaque fois qu'approche l'époque du tirage, ils courent regarder quels sont les numéros sortis ; il y a là un désordre moral très réel, très grave ; on ne saurait trop mettre obstacle à ce que les classes inférieures se livrent à ces sortes de spéculations.

M. Osy. - Je crois qu'en vertu de l'article 8, M. le ministre des finances était en droit de sanctionner les deux opérations.

Je l'ai dit, et je le maintiens. Sous ce rapport, je n'attaque nullement le gouvernement. Ce que je veux, c'est prévenir qu'on ne continue dans cette voie. Voilà le pays inondé de 14 millions de billets de loterie. Je crains que l'exemple de Bruxelles et de Liége ne soit suivi par d'autres villes et par des sociétés anonymes.

Je demande où en seront nos populations. Au lieu de travailler, elles achèteront des billets la veille du tirage, dans l'espoir de gagner de gros lots. Sous ce rapport, je considère l'emprunt de Bruxelles comme très immoral, non pas au point de vue de Bruxelles, mais au point de vue des populations pour lesquelles ces billets sont un appât dangereux.

Maintenant, je dois une réponse à M. le ministre des finances. Nous avons tous pu voir dans les journaux à quoi servirait le produit de ces loteries. Sans doute l'administration communale de Bruxelles fait très bien de procurer aux habitants de la ville et des environs la meilleure eau possible. C'est une idée très philanthropique qui peut éviter beaucoup de maladies. Sous ce rapport, j'approuve la ville de Bruxelles et surtout son honorable bourgmestre d'avoir trouvé ce moyen. Mais voyons si la totalité de l'emprunt reçoit cette affectation. Le système de distribution d'eau doit coûter 4 millions, et l'emprunt s'élève à 6,300,000 fr. Sur cet excédant de 2,300,000 fr. 800,000 fr. sont affectés à la construction d'un palais de l'industrie et 200,000 fr. (nous l'avons vu par le compte rendu de la dernière séance du conseil communal) aux changements à la salle de spectacle, ensemble un million qui n'a pas un but philanthropique.

Voyons maintenant ce qui s'est passé pour la ville de Liège. M. le ministre des finances a dit que cette somme de sept millions devait également être employée dans un but philanthropique. Mais une partie seulement servira à empêcher les inondations de Liège. Plus de la moitié doit servir à rembourser d'anciens emprunts ; ce qui offrira une économie à la ville de Liège.

Ainsi, il n'y a là rien de philanthropique. Si M. le ministre des finances voulait que l'emprunt en loterie eût une destination exclusivement philanthropique, il devait, pour chacune de ces villes, en fixer le chiffre à 4 millions.

Finalement, la ville de Liège a fait une très mauvaise affaire ; car aujourd'hui elle paye 5 p. c. d'intérêt ; maintenant elle s'est engage à payer 4 fr. 68 c. pendant 66 ans. Mais avec les masses d'or qui nous arrivent de l'Australie et de la Californie, il est évident qu'avant 66 ans le taux de l'intérêt sera descendu à 4 p. c. La ville de Liège payera donc 4 fr. 68 c. au lieu de 4 seulement d'intérêt.

Sous ce rapport je ne suis pas d'accord avec M. le ministre des finances, et je ne puis approuver l'emploi qui a été fait de l'emprunt en loterie.

Vous avez entendu l'auteur de la loi de 1851, il vous l'a expliqué. Certainement, quand l'article 8 de la loi a autorisé le gouvernement à sanctionner des emprunts en loterie, ce n'était pas pour donner à la classe bourgeoise, aux domestiques, aux ouvriers l'appât de jouer à la loterie. Dans l'intérêt de ces classes que nous devons moraliser autant que possible, on aurait dû faire des coupures, non pas de 80 fr., mais de 1,000 fr., afin de ne pas détourner ces classes des habitudes de travail et d'économie.

J'engagerai donc M. le ministre des finances à examiner s'il ne conviendrait pas de proposer une modification à l'article 8 de la loi. Si j'étais persuadé que nous aurons toujours au pouvoir des hommes que nous devons estimer autant que l'honorable M. Liedts, qui sait fermement résister même à ses collègues, la déclaration du gouvernement me suffirait. Malheureusement il est certain que dans ce pays, comme dans tous les pays qui ont le régime parlementaire, il y aura toujours des changements de ministère. Nous ne sommes donc pas assurés d'avoir toujours des ministres aussi fermes que l'honorable M. Liedts. Sous ce rapport, je désirerais que la loi fût modifiée.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - La loi du 30 décembre 1851 a prohibé les loteries. Il est donc certain que toute autorisation de loterie sera une exception.

On ne peut se dissimuler qu'en présence des discussions qui ont précédé cette loi et des motifs sur lesquels elle est fondée, ua gouvernement raisonnable ne se lancera pas entraîner dans les abus que semble craindre l'honorable M. Osy.

La loi n'a pas encore deux ans ; on a fait l'application d'un des articles de cette loi à deux opérations financières des deux principales villes du pays, et déjà l'on demande de modifier cette nouvelle loi.

Je crois qu'il ne faut pas s'alarmer intempestivement, et lorsque des abus réels n'ont pas été commis, on ne peut pas toujours recommencer la révision de lois qui ont été mûrement discutées et qui ont un objet déterminé. Et savez-vous, messieurs, à quelle majorité la chambre a adopté la loi dont il s'agit ? A l'unanimité moins une voix. Il faut reconnaître, messieurs, qu'une loi ainsi votée, a quelque chose de respectable et qu'on ne peut pas, brusquement, proposer de revenir sur les principes qu'elle a consacrés.

Maintenant sur quels faits se fonde-t-on pour provoquer la modification immédiate de cette loi ? Sur deux opérations méditées et combinées par deux conseils communaux extrêmement éclairés, par deux des conseils communaux les plus importants du pays, opérations qui, ainsi que l'a expliqué M. le ministre des finances, n'ont le caractère de loterie que pour une faible partie de l'intérêt.

Ou dit, messieurs, que le chiffre des coupures est infiniment trop bas : je crois que des coupures de 80 fr. ne sont pas de nature à descendre, d'une manière générale, dans les classes ouvrières, qui pourraient perdre leur temps a poursuivre les chances des tirages de ce nouvel emprunt.

L'emprunt se répandra dans une classe intermédiaire des bourgeois de la ville et peut-être, messieurs, cela a-t-il pour avantage de lier à (page 1367) la cité, par un intérêt plus étroit, plus réel, les habitants appartenant à la classe bourgeoise.

Remarquez bien, messieurs, d'un autre côté, que le but dans lequel les emprunts se font doit être pris en considération. L'article 8 de la loi de 1851 porte que les loteries pourront être autorisées par le gouvernement ou par la province, pour des motifs de bienfaisance, pour l'encouragement de l'industrie et des arts, et pour des objets d'utilité publique. Eh bien, messieurs, il faut supposer, je le répète, dans le gouvernement ou dans les députations provinciales, appelés à donner l'autorisation, il faut supposer dans ces autorités certaine sagesse, certaine prudence et la connaissance de l'esprit de la loi qui est de considérer, dans tous les cas, les loteries comme une exception.

Messieurs, les loteries que l'on autorise sur un pied moins large ont pour objet la bienfaisance, comme celle que j'ai proposé au Roi d'autoriser dans la commune de Dour, pour venir au secours des victimes du sinistre de la houillère de Longterne. Cette loterie de bienfaisance a été accueillie parfaitement partout, et les billets étaient à un taux extrêmement minime ; les lots étaient riches et brillants. Là on peut dire que la loterie descend dans la classe ouvrière. Cependant on ne peut pas critiquer, dans certaines limites, des loteries de ce genre, qui appellent à coopérer à un acte de bienfaisance toutes les classes de la société et particulièrement les confrères, les amis de ceux qui ont été victimes d'un événement malheureux.

Pour Bruxelles et Liège, le gouvernement a longuement et à plusieurs reprises examiné tous les détails de ces opérations ; il a exigé que les propositions qui avaient été faites à la ville de Liège fussent modifiées à deux reprises différentes, et c'est seulement lorsque nous avons cru voir des garanties réelles pour les emprunteurs, dans le système proposé, que nous avons autorisé les opérations.

Remarquez, messieurs, que le gouvernement est entré dans beaucoup de détails qui échappent au public et qui échappent même aux honorables membres de cette assemblée qui apprécient l'opération. Ainsi un des principaux arguments, et je crois que MM. les représentants de Liège connaîtront cette circonstance, à l'appui de l'emprunt de la ville de Liège a été l'avantage que cette ville trouvait dans cette combinaison, de ne pas devoir augmenter les taxes de l'octroi et de ne pas imposer de nouvelles charges aux contribuables pour servir aux frais d'un nouvel emprunt rendu nécessaire par les obligations de la ville.

La combinaison avait donc pour effet d'éteindre un ancien emprunt fait à des conditions assez onéreuses, de mettre la ville en position dé satisfaire à ses obligations par rapport à la dérivation de la Meuse et de créer des travaux publics dont les bienfaits et les avantages ont été détaillés par mon honorable collègue M. le ministre des finances.

Vous voyez donc bien qu'il y avait plusieurs raisons pour approuver l'emprunt sur le pied sur lequel il a été définitivement admis.

M. Deliége. - Messieurs, l'accusation que l'on vient de porter contre les administrations de deux de nos grandes villes est fort grave. Suivant l'honorable M. Osy, les administrations de ces deux villes seraient prises en flagrant délit d'immoralité. Elles auraient établi des bureaux de loterie, et elles les auraient établis de manière à appeler l'épargne du pauvre, l'épargne de l'artisan.

Messieurs, il n'en est rien et je repousse cette accusation.

Il est évident que dans l'opération qu'a conclue la ville de Bruxelles, il n'y a pas la moindre trace d'immoralité. Remarquez-le : où l'ouvrier place-t-il ordinairement ses économies ? II les place à la caisse d'épargne. Et quel intérêt l'ouvrier obtient-il de son argent à la caisse d'épargne ? Ordinairement 5 p. c.

Or l'ouvrier, en supposant qu'il prenne de l'emprunt de la ville de Bruxelles, obtiendra 3 p. c. Il aura en outre une chance qu'il pourra vendre. Car avec le temps ces chances pourront se vendre, comme cela se pratique en Allemagne. L'honorable M. Osy sait, comme moi, que dans ce dernier pays ces sortes de chances se vendent. Ce n'est donc pas un mal pour l'ouvrier. Je ne crois pas, du reste, que l'ouvrier belge soit très porté à appliquer ses épargnes à des emprunts de villes.

On a dit que l'emprunt de la ville de Liège tenait plus de la loterie. C'est encore une erreur. Car, comme l'a très bien dit l'honorable ministre des finances, pour 80 francs payés on rend 100 francs. On rend donc 20 francs de plus que le capital, et ces 20 francs compensent largement le 1/2 p. c. que l'ouvrier reçoit de plus à la caisse d'épargne.

Messieurs, la ville de Liège se trouvait assez embarrassée. Elle voulait atteindre un grand but ; ce but, vous le connaissez tous, c'est la dérivation de la Meuse.

Messieurs, j'ai souffert plusieurs fois des attaques dont cet important travail a été l'objet de la part de plusieurs membres dans cette enceinte. Mais on sait pourquoi on fait la dérivation de la Meuse. On sait combien de malheureux bateliers ont péri au dangereux passage du pont des Arches.

On sait combien les malheureux ouvriers qui habitent les parties basses de la ville, qui voient leurs demeures inondées chaque année, qui sont alors obligés de rester dans l'eau pendant plusieurs jours, et de loger le reste du temps dans des maisons malsaines, aspirent à voir exécuter cet important travail.

Messieurs, pardonnez-moi si je suis encore appelé à revenir sur cette question de la dérivation de la Meuse.

Ce travail aura ce résultat que la Meuse, dans la ville de Liége ne sera plus un objet de dérision pour la Belgique.

Car, remarquez-le bien, aujourd'hui pour aller de la fonderie de canons (l'honorable M. Osy connaît les localités) jusqu'à la chapelle du Paradis, il faut, pendant plusieurs mois de l'année, neuf heures. Le trajet est d'une demi-lieue. Je demande ce que c'est qu'une voie navigable sur laquelle il faut employer neuf heures pour faire un trajet d'une demi-lieue.

Messieurs, à quoi le restant de l'emprunt sera-t-il employé ? Il le sera également à donner de bennes eaux aux habitants, à faire des égouts, et à rembourser une dette qui n'a pas été contractée pour des dépenses de luxe.

Car, vous le savez, on n'a rien fait à Liège qui ne soit utile, qui ne soit nécessaire, qui puisse être considéré comme dépenses de luxe.

Mais cette ville contenait quantité de petites rues que l'administration a voulu élargir et assainir.

Depuis vingt ans on s'est appliqué à assainir plusieurs quartiers de la ville, et c'est à ce but utile que ia plus grande partie de la dette actuelle a été appliquée.

Je crois donc, messieurs, que le gouvernement a bien fait en approuvant l'opération dont on vous a parlé.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Service de la dette

Articles 1 à 22

« Art. 1er. Arrérages de l'inscription au grand-livre des rentes créées sans expression de capital, portée au nom de la ville de Bruxelles, en vertu de la loi du 4 décembre 1842, fr. 300,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Arrérages de l'inscription portée au même grand-livre, au profit du gouvernement des Pays-Bas, en exécution du paragraphe premier de l'article 63 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 846,560. »

- Adopté.


« Art. 3. Intérêts des capitaux inscrits au grand-livre de la dette publique, à 2 1/2 p. c, en exécution des paragraphes 2 à 6 inclus de l'article 63 du même traité : fr. 5,502,640 78. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais relatifs à cette dette : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Intérêts de l'emprunt de 30,000,000 de fr., à 4 p. c, autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt : fr. 300,000.

« Ensemble : fr. 1,500,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Frais relatifs au même emprunt : fr. 2,400. »

- Adopté.


« Art. 7. Intérêts de l'emprunt de 50,850,800 francs, à 3 p. c, autorisé par la loi du 23 mai 1838, et du capital de 7,624,000 francs, à 3 p. c, émis en vertu des lois du 1er mai 1842 et du 24 décembre 1846 (semestres au 1er février et au 1er août 1853) : fr. 1,734,244.

« Dotation de l'amortissement de ces deux dettes (mêmes semestres) : fr. 584,748.

« Ensemble : fr. 2,338,992. »

- Adopté.


« Art. 8. Frais relatifs aux mêmes dettes : fr. 35,000. »

- Adopté.


(page 1368) « Art. 9. Intérêts, à 4 1/2 p. c, sur un capital de 95,442,832 fr., montant des obligations dont l'émission a été autorisée par la loi du 21 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1854) : fr. 4,294,927 44.

« Dotation de l'amortissement de cette dette (mêmes semestres) : fr. 954,428 32.

« Ensemble : fr. 5,249,355. «

- Adopté.


« Art. 10. Frais relatifs à la même dette : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Intérêts de l'emprunt de 84,656,000 fr. à 4 1/2 p. c., autorisé par la loi du 22 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1854) : fr. 3,809,520.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 423,280.

« Ensemble : fr. 4,232,800. »

- Adopté.


« Art. 12. Frais relatifs audit emprunt : fr. 15,000. »


« Art. 13. Intérêts de l'emprunt de 26,000,000 de fr. à 5 p. c, autorisé par la loi du 20 décembre 1851 {Moniteur n° 356 (semestres au ler mai et au 1er novembre 1854) : fr. 1,300,000.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt, à 1 p. c. du capital : fr. 260,000.

« Ensemble : fr. 1,560,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Frais relatifs au même emprunt : fr. 5,000. »


« Art. 15. Intérêts à 4 1/2 p. c, sur 142,631,656 fr., montant approximatif du capital des emprunts à 5 p. c. de 1840, 1842 et 1848, dont la conversion a été décrétée par la loi du 1er décembre 1852 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1854) : fr. 6,418,424 52.

« Dotation de l'amortissement de cette dette, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 713,158 28.

« Ensemble : fr. 7,131,582. »

- Adopté.


« Art. 16. Frais relatifs à la même dette : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Minimun d'intérêt garanti par l'Etat, en vertu de la loi du 20 décembre 1851 (Moniteur n° 356). (Ce crédit n'est point limitatif ; les intérêts qu'il est destiné à servir pourront s'élever, s'il y a lieu, jusqu'à concurrence des engagements résultant de cette loi) : fr. 300,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Intérêts et frais présumés de la dette flottante : fr. 880,000. »

- Adopté.


« Art. 19. Rentes viagères (charge extraordinaire) : fr. 4,469. »

- Adopté.


« Art. 20. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée, sur une somme de 10,317 fr. 34 c. : fr. 515. »

- Adopté.


« Art. 21. Redevance annuelle à payer au gouvernement des Pays-Bas, en vertu des articles 20 et 23 du traité du 5 novembre 1842, pour l'entretien du canal de Terneuzen et de ses dépendances : fr. 105,820 10. »

- Adopté.


« Art. 22. Rachat des droits de fanal mentionnés au paragraphe 2 de l'article 18 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 21,164 02. »

Chapitre II. Rémunérations

Articles 23 et 24

« Pensions ecclésiastiques ci-devant tiercées (charge extraordinaire) : fr. 65,000.

« Pensions civiles et autres acvcordées avant 1830 (charge extraordinaire) : fr. 68,000.

« Pensions civiques (charge extraordinaire) : fr. 118,000.

« Pensions des veuves et orphelins de l'ancienne caisse de retraite (charge extraordinaire) : fr. 500,000

« Pensions militaires : fr. 2,621,000.

« Pensions de l'Ordre de Léopold : fr. 26,000. »

« Pensions civiles :

« Affaires étrangères :

« Marine : fr. 26,000.

« Affaires étrangères : fr. 32,000.

« Justice :

« Ecclésiastiques : fr. 110,000.

« Civiles : fr. 130,000.

« Intérieur : fr. 200,000.

« Travaux publics : fr. 133,000.

« Guerre : fr. fr. 28,000.

« Finances : fr. 1,500,000.

« Cour des comptes : fr. 6,000.

« Pensions de militaires décorés sous le gouvernement des Pays-Bas (charge extraordinaire) : fr. 7,000.

« Secours sur le fonds dit de Waterloo (charge extraordinaire) : fr. 10,000.

« Arriérés de toute nature : fr. 5,000.

« Total charge ordinaire : fr. 4,817,000.

« Total charge extraordinaire : fr. 768,000. »

- Adopté.


(page 1359) « Art. 24. Traitements d'attente (wachtgelden) (charge extraordinaire) : fr. 18,207.

« Traitements ou pensions supplémentaires (toelagen) (charge extraordinaire) : fr. 8,573.

« Secours annuels (jaarlijksche onderstanden) (charge extraordinaire) : fr. 4,000.

« Ensemble : fr. 30,780. »

Chapitre III. Fonds de dépôt

Articles 25 et 26

« Art. 25. Intérêts, à 4 p. c, des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor, par les comptables de l'Etat, les receveurs communaux et les receveurs de bureaux de bienfaisance, pour sûreté de leur gestion, et par des contribuables, négociants ou commissionnaires, en garantie du payement de droits de douanes, d'accises, etc : fr. 400,000.

« Intérêts arriérés du même chef, se rapportant à des exercices clos : fr. 3,000.

« Ensemble : fr. 403,000. »


« Art. 26. Intérêts des consignations (loi du 26 nivôse an XIII), ainsi que des cautionnements assimilés aux consignations par l'article 7 de la loi du 15 novembre 1847 : fr. 93,000/ »

« (Les crédits portés au présent chapitre ne sont point limitatifs.) »

Vote de l’article unique et sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi de budget, qui est ainsi conçu :

« Le budget de la dette publique est fixé, pour l'exercice 1854, à la somme de 36,182,680 francs 60 centimes, conformément au tableau ci-annexé. »

Cet article est adopté à l'unanimité des 77 membres présents.

Ce sont : MM. de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Magherman, Mascart, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.). Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Anspach, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David et Delfosse.

Motion d’ordre

Enseignement agricole et vétérinaire

M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Vous conviendrez, messieurs, que jamais la nécessité de traiter le trésor public avec ménagement ne s'est manifestée comme dans les circonstances présentes. Voici ce que disait, en effet, M. le ministre des finances lors de la discussion si importante de la loi sur l'organisation de l'armée, qui vient de se terminer : « La situation n'est dans un état prospère, qu'à une seule condition ; c'est que nous mettions des bornes à des dépenses qui ne sont pas indispensables. »

Je pense donc, messieurs, que vous écouterez avec bienveillance les motions qui tendent à prévenir les dépenses, qui ne sont pas indispensables au point de vue des intérêts généraux du pays.

Le but de ma motion d'ordre est d'adresser deux interpellations à M. le ministre de l'intérieur. Lors de la discussion du budget de l'intérieur pour l'exercice 1853, un projet de loi d'organisation de l’enseignement agricole a été réclamé avec instance dans cette enceinte. Cette demande tendait évidemment à diminuer la dépense qui incombe au budget de l'intérieur en diminuant le nombre exagéré des écoles d'agriculture établies arbitrairement par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur s'est engagé dans cette circonstance à présenter un projet de loi pendant le cours de la session actuelle. Je suis convaincu que M. le ministre a donné des ordres pour que ce projet de loi soit élaboré. Je suis persuadé que M. le ministre est décidé à tenir cet engagement. J'espère donc qu'il ne tardera pas à le présenter et à le déposer avant la fin de la session ; nous pourrions l'examiner pendant les vacances, et le discuter au commencement de la session prochaine. J'y tiens beaucoup ; car, de ce chef, il y a une réduction de dépenses à faire sans nuire à la protection que le gouvernement doit à l'agriculture.

J'en viens à un autre sujet.

Des constructions assez considérables ont été faites l'année dernière du local de l'école vétérinaire. Ceux de nos collègues qui se sont rendus à l'école vétérinaire ont pu s'en convaincre. Comme je ne me rappelle pas que nous ayons voté des fonds pour cette dépense, ces constructions ont excité ma surprise. Je me suis demandé quel pouvait être le crédit dont on disposait à cet effet.

Je prierai donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous dire quel est le crédit législalif qui a autorisé son département à faire des constructions à l'école vétérinaire. Il paraît même que des adjudications se préparent pour continuer les travaux pendant la présente campagne.

J'attendrai les explications de M. le ministre de l'intérieur avant de m'engager plus loin,

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je n'ai pas oublié l'engagement que j'ai pris devant la chambre au sujet de l'enseignement agricole. Un projet de loi est préparé ; il sera soumis incessamment au conseil des ministres ; et pourra probablement être déposé sur le bureau avant la clôture de la session ; mais la session est trop avancée pour que la chambre puisse le discuter encore avant sa séparation.

Quant aux constructions faites à l'école vétérinaire, je puis affirmer à la chambre que la dépense en a été imputée sur les crédits ordinaires alloués par la chambre pour le service de l'école, et que ces crédits n'ont pas été dépassés.

Du reste, je prendrai des renseignements précis sur le fait qui est signalé.

M. de Man d'Attenrode. - Je suis à même de vous donner des renseignements, puisque M. le ministre de l'intérieur n'est pas à même de le faire immédiatement ; ils sont authentiques ; je les ai puisés à la cour des comptes.

M. Lebeau. - Ce n'est pas l'ordre du jour.

M. de Man d'Attenrode. - Si la chambre le désire, je me rassoirais (Continuez !)

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Qu'on me permette d'ajouter un seul mot ; le budget de l'intérieur est présenté : lors de la discussion de ce budget, on pourra avec plus d'opportunité s'occuper des faits qui sont signalés.

M. de Man d'Attenrode. - Je consens à ajourner ce débat jusqu'à la discussion du budget de l'intérieur, mais c'est à la condition qu'on ne poursuivra pas les constructions à l'école vétérinaire tant que la chambre ne se sera pas prononcée. Car, remarquez-le, messieurs, et je le dis sans hésiter, il n'existe pas de crédit législatif qui autorise ces constructions ; je suis donc fondé à demander qu'on ne les continue pas ; il faut que la chambre se prononce préalablement sur la nécessité de ces travaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je répète que la chambre ne peut pas s'occuper maintenant de cet objet. Ce que je puis dire, c'est que les constructions, de peu d'importance d'ailleurs, sont payées sur les crédits ordinaires qui ne seront pas dépassés.

- Des membres. - L'ordre du jour !

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, il me semble que des interpellations qui tendent à arrêter des dépenses pour lesquelles il n'y a pas de crédit législatif, et que je n'envisage pas comme indispensables ; il me semble, dis-je, que des interpellations de ce genre sont très opportunes. Ceux qui m'interrompent ne perdront pas leur temps à m'écouter un instant.

Pendant l'exercice 1852, on a fait à l'école vétérinaire des constructions qui grèvent le trésor d'une dépense de 55,000 à 40,000 fr., en y comprenant l'achat d'un terrain.

D'après les renseignements que je me suis procurés à la cour des comptes, voici comment le département de l'intérieur a procédé pour se procurer les moyens de la couvrir.

Il existe à son budget deux articles ; les articles 54 et 55. Le premier est destiné au personne administratif et enseignant ; gens de service.

Le deuxième est destiné au matériel de l'école, c'est-à-dire à l'entretien des animaux, feu, lumière et au jury d'exameu.

Ces deux crédits n'ayant pas été absorbés par les dépenses prévues par ces deux articles, l'administration a fait usage des excédants pour élever de nouvelles constructions à l'école vétérinaire, et ces excédants sont considérables, parce que l'article 55 était destiné à subvenir, en outre, aux dépenses que nécessitait la ferme expérimentale établie jadis dans la commune de Forêt près Bruxelles.

Or, cette ferme a été supprimée, et le crédit de l'article 55 n'a pas subi de réduction ; la chambre n'a pas été instruite de cette circonstance. Il (page 1570) est résulté ainsi un excédant annuel de crédit d'au moins 25,000 francs pour le seul article 55.

Le crédit de l'article 54 n'a pas été absorbé non plus par les dépenses indiquées par le libellé.

Quand le gouvernement s'est présenté à la cour des comptes pour obtenir la liquidation des dépenses de construction à imputer sur les articles 54 et 55, la cour a fait quelques difficultés, mais elle a fini par revêtir ces dépenses de son visa par le motif que voici :

Le département fit valoir que pendant le cours de la session de 1851 le ministre de l'intérieur avait déclaré, à l'occasion de la discussion de son budget, qu'il avait l'intention d'élever de nouvelles constructions à l'école vétérinaire en profitant des excédants probables que laisseraient les articles 54 et 55, et que, comme aucune voix ne s'était élevée pour combattre le projet, rien n'était plus régulier que d'imputer la dépense des constructions élevées à l'école sur les articles 54 et 55.

Il faut convenir, messieurs, que c'est là une manière toute nouvelle d'interpréter la volonté de la législature. Son silence est interprété comme une adhésion,

Or, cela est inadmissible, et je proteste contre cette manière de procéder.

Comment ! un ministre au milieu du bruit, qui règne souvent dans cette enceinte, déclarera que son intention est de faire je ne sais quelle dépense, et notre silence devra être considéré comme un vote affirmatif ! Cela est inadmissible, je le répète, et personne ne le contestera, je suis sûr, dans cette enceinte !

Si ce système pouvait prévaloir, mais ce serait substituer le système déclaratif au système représentatif. Je n'en accuse, d'ailleurs, pas l'honorable M. Piercot ; tout cela est antérieur à son arrivée au pouvoir.

Messieurs, encore un mot concernant le mode qui a été mis en usage pour créer ces constructions.

Les travaux ont été mis en adjudication, comme le veut la loi de 1846, je le reconnais ; maisà peine étaient-ils commencés que l'on a violé le cahier des charges, que l'on a changé les plans. L'adjudication a dès lors cessé d'exister, et on lui a substitué des travaux en régie ou a bordereau de prix, comme l'on a fait si souvent pour les travaux publics.

Le bois nécessaire et une foule d'objets ont été achetés ainsi de la main à la main par le chef de l'école ; ce mode de dépense prête à de nombreux abus, et quand ils n'existent pas, ce mode irrégulier fait naître le soupçon, et c'est ce qu'il faut éviter.

Je tiens ici un état mensuel d'émargement pour le payement des gens de service de l’école, dressé par l'économe de l'établissement ; eh bien, l'on y trouve confondus avec eux, avec les palefreniers, les maréchaux, etc., trois menuisiers, deux maçons et six manœuvres.

Voyons enfin pourquoi tous ces expédients, qui en définitive aboutissent à la violation de nos lois de finances et à des révélations pénibles ? S'agit-il d'une dépense indispensable, nécessaire ? Non certes, car s'il en était ainsi, on n'aurait pas recours à toutes ces voies détournées.

Voici de quoi il s'agit : Le département de l'intérieur s'est mis en tête de procurer au chef de l'établissement une demeure plus confortable. Celle qui suffisait à la personne qui a été mise ea disponibilité, je l'ai dit dans une autre circonstance ; sans motif avouable, n'a pas suffi à son successeur, elle était cependant convenable. Il a fallu construire un pavillon séparé des anciens bâtiments pour loger le chef de l'établissement et sa famille. Il a fallu construire des clôtures jugées inutiles pendant quinze ans, qui servent d'espaliers, et acquérir une extension de terrain.

Je termine en protestant contre le système déclaratif de l'ancien cabinet, li ne suffit pas d'une déclaration ministérielle restée sans réponse pour légaliser les mesures prises en conséquence de cette déclaration.

M. Rogier. - Cette discussion aurait mieux trouvé sa place au budget de l'intérieur. La chambre ayant entendu trois fois M. de Man, je demande à dire quelques mots.

Quant aux écoles d'agriculture, l'honorable membre demande la présentation du projet de loi qui a été promis par le ministère ; il le sollicite comme devant amener une grande amélioration dans la situation du trésor. Quel que soit ce projet, qu'il maintienne les écoles ou qu'il en supprime, il ne peut en aucun cas en résulter de grandes économies pour le trésor ; il faut chercher d'autres moyens, l'honorable M. de Man en est prévenu.

L'honorable membre est venu révéler encore à la chambre des irrégularités ; il a découvert qu'on faisait des constructions à l'école vétérinaire. Ces constructions se font à la vue de tout le monde depuis deux ans ; je crois même qu'elles sont maintenant terminées ; elles sont connues, elles ont été annoncées quand on a discuté le crédit du matériel de l'école ; le ministre a déclaré, non au milieu du bruit et de l'inattention, mais avec l'assentiment de la chambre, que sur le crédit du matériel on ferait certaines dépenses de construction, non des constructions de luxe, mais des constructions utiles, indispensables.

L'école a été souvent assujettie à des inondations comme tout le bas de la ville, on a fait des travaux de rectification au bras de rivière qui traverse le terrain sur lequel est située l'école, pour mettre les élèves à l'abri des inondations et des maladies qui en sont la suite. Le local occupé par le directeur a reçu une autre destination, il a fallu le placer dans un nouveau local ; mais ce n'est pas un logement de luxe. Ces dépenses ont été faites au su de la chambre, elle a été prévenue que sur le crédit du matériel on ferait les dépenses dont il est question.

Le fait n'est pas nouveau. Pour les écoles normales qui sont dans des bâtiments appartenant à l'Etat on fait des dépenses de construction sur le crédit du matériel ; la cour des comptes ne fait aucune opposition à ces liquidations. Quand la discussion du budget de l'intérieur viendra, M. le ministre sera à même de donner à la chambre toute satisfaction sur ces constructions.

Puisqu'on est en train d'interpeller M. le ministre de l'intérieur, je lui demanderai ce qu'il compte faire des travaux restés inachevés de la colonne du Congrès. (Interruption.)

MM. les membres de la chambre, même ceux qui murmurent, n'entendent pas sans doute que le monument que les deux chambres, le Roi, les anciens membres du Congrès ont inauguré, reste dans l'état où il est.

Il y a deux partis à prendre : Raser ce qui est fait, ou achever ce qui est commencé.

Vous ne pouvez pas souffrir qu'un monument à l'inauguration duquel tous les représentants du pays ont concouru continue à présenter un aspect déplorable. On a pu patienter l'hiver, c'était un obstacle à la continuation des travaux ; mais nous voilà dans la bonne saison, je demande à M. le ministre ce qu'il compte faire ; il avait promis une résolution, j'ai attendu jusqu'à présent ; je lui demande maintenant ce qu'il compte faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'intention du gouvernement est de proposer à la législature l'achèvement de ce monument. Cela n'est pas douteux. Lorsque le cabinet est entré aux affaires, j'ai trouvé cette question à l'état de première instruction. Il avait été présenté un projet pour la colonne du Congrès, soit en bronze, soit en pierre. La souscription qui avait été ouverte pour couvrir les dépenses du monument n'a pas répondu à l'attente du gouvernement. Il était donc évident qu'il serait fait un appel à la législature.

On s'est demandé si l'on ferait le monument en bronze ou en pierre. Un projet avait été préparé par mon honorable prédécesseur. D'après ce projet, la colonne devait être faite en pierre. La commission dis monuments a réclamé ensuite contre l'adoption de ce premier projet ; on s'est demandé si, maintenant qu'il était certain que l'Etat devait intervenir, il ne convenait pas d'adopter définitivement le bronze. J'ai réclamé un devis dans la double prévision de la construction du monument en pierre et eh bronze.

Ce travail m'a été remis depuis quinze jours avec les modifications qu'y a apportées l'architecte, à la demande la commission des monuments. J’ai convoqué la commission pour mardi prochain à l'effet de savoir si elle donne son aohésion à ce projet. Quand elle aura donné son avis, je le soumettrai à la décision du conseil des ministres qui se prononcera sur la demande de crédit à faire à la chambre.

M. le président. - Ceci nous écarte complètement de l'ordre du jour ; je crois qu'il est temps de le reprendre.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1854

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet de la section centrale auquel le gouvernementse rallie.

M. Lelièvre. - A l'occasion du budget de la justice, il m'est impossible de ne pas prendre la parole pour engager le gouvernement à décréter une amnistie, sans réserve aucune, à l'égard de tous les condamnés politiques. Dès 1849 l'honorable M. de Decker avait provoqué cette mesure qui est désirée ardemment par tous les hommes généreux. La détention des condamnés de Huy est une rigueur qui est désormais sans utilité et serait injustifiable en raison.

J'espère que le ministère s'empressera de poursuivre son système de conciliation en ordonnant un élargissement qui est commande par l'humanité et même par des motifs sérieux de saine politique. Déjà la mise en liberté de quelques-uns de ces détenus a été favorablement accueillie par l'opinion publique, mais on a vivement regretté que la mesure prise à cet égard ne fût pas plus complète. Dans un moment où la nationalité de la patrie a besoin du concours de tout ce qui porte un coeur belge, il est impossible de ne pas effacer toutes les traces de nos divisions, et la mesure à laquelle je convie le ministère serait de nature à rallier tous les partis à la grande cause nationale qui seule doit sérieusement nous préoccuper dans les circonstances graves où se trouve le pays. Qu'il ne craigne donc pas de proclamer une amnistie dont lui sauront gré les véritables amis de la patrie.

Je crois aussi devoir émettre mon opinion relativement aux lois des 15 mai et 1er juin 1849 qui ont fait l'objet d'une circulaire récente de M. le ministre de la justice. Je dois dire à cet égard que les dispositions de ces lois qui ont autorisé les chambres du conseil et d'accusation à correctionnaliser certains faits, constituant aujourd'hui des crimes, ont produit les meilleurs résultats. La répression est devenue plus efficace, et d'un autre côté les peines sont mieux proportionnées aux délits. Cela est si vrai, que les tribunaux n'ont que très rarement appliqué le maximum de la peine correctionnelle, ce qui prouve évidemment combien il était nécessaire de corrcctionnaliser certains faits punis aujourd'hui de la peine des travaux forcés à temps.

D'un autre côté, la composition des cours d'assises réduites à trois membres n'a donné lieu à aucun inconvénient, si ce n'est que, pour ne pas entraver l'expédition des affaires civiles, il conviendrait de ne pas rendre indispensable la présence à la cour d'assises des président et vice-président du tribunal qui pourraient être remplacés par des juges du même siège.

(page 1371) Sauf cette modification, je pense qu'il y a lieu de maintenir le personnel de la cour d'assises à trois juges qui suffisent pour accomplir la mission déférée à la cour et qui n'est pas du ressort du jury. Qjant à la juridiction de certains faits déférés par la loi de mai 1849 aux juges de paix, il est certain que cette disposition législative a produit les conséquences les plus favorables et qu'on a tout lieu de s'en applaudir.

J'engage donc M. le ministre de la justice à ne pas apporter sans mûr examen des modifications à un état de choses que j'ai toujours considéré comme réalisant des améliorations notables que nous devons conserver dans nos lois.

Quant à la composition des cours d'assises, il est à remarquer que les cours d'assises n'ont à apprécier que des questions de droit et souvent à appliquer seulement la loi pénale à des faits déclarés constants. Or, alors que la décision des cours est susceptible d'être déférée à la cour de cassation, il est évident que trois juges suffisent, d'autant plus que la question de fait est soumise à douze jurés.

Du reste, depuis 1849, il est impossible de signaler un seul inconvénient qu'ait produit cet ordre de choses, et dès lors rien n'autorise à le changer.

Ce qu'il faut éviter, c'est d'enrayer les affaires civiles, et pour atteindre ce but, il suffit de ne pas exiger, comme rigoureusement indispensable, la présence à la cour d'assises des président et vice-président du siège.

Je recommande ces observations à M. le ministre de la justice avec prière de vouloir les prendre en considération.

M. de Perceval. - Je manquerais à mon devoir et à tous mes antécédents si je ne joignais pas mes instances à celles de l'honorable M. Lelièvre pour demander une amnistie complète en faveur des détenus politiques de Huy.

L'amnistie partielle que le pouvoir exécutif a jugé convenable d'accorder à l'occasion du 18e anniversaire de la naissance de l'héritier présomptif de la Couronne, a été, je suis heureux de le constater, bien accueillie par nos populations. Je remercie le gouvernement pour cet acte de clémence et d'oubli qu'il a provoqué le mois dernier. Toutefois j'aime à espérer qu'il complétera son œuvre et qu'il achèvera sa tâche. Je l'y convie avec de vives instances. Le moment me semble enfin venu de rendre à la liberté, à leurs familles, toutes ces victimes des dissentiments politiques.

Je prie M. le ministre de la justice de songer également aux condamnés politiques qui expient dans l'exil, et depuis de longues années, leurs conspirations en faveur de la maison d’Orange. Il est temps de les autoriser à rentrer dans le pays.

M. Roussel. - Je n'ai demandé la parole que pour exposer mes réserves sur la déclaration que vient de faire l’honorable M. Lelièvre, quant aux heureux effets qu'ont produits les modifications apportées au Code d'instruction criminelle par la législation de 1849. Il me semble que nous ne pouvons aborder en ce moment une discussion approfondie sur ce point. Une commission a été chargée par le gouvernement d'étudier toutes ces questions. Je me borne donc à déclarer que je réserve ma manière de voir et que je ne puis adhérer à ce que l'on vient de dire sur les excellents résultats dont cette réforme aurait été suivie.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je prends note des observations présentées par l'honorable M. Lelièvre sur les modifications apportées, en 1849, au Code d'instruction criminelle. Je ne puis prendre l'engagement de respecter, dans toutes leurs parties, ces diverses lois, puisque j'ai institué une commission d'organisation judiciaire qui siége au département de la justice. Mon honorable prédécesseur M. Tesch avait ordonné une enquête sur les résultats des lois de 1849. Les documents de cette enquête sont rentrés successivement au département de la justice. J'avais espéré que les résultats auraient pu être imprimés et distribués pour cette discussion, afin d'en user, si on l'avait jugé nécessaire. Malheureusement cela n'a pas été possible.

Tout ce que je puis dire c'est que les hommes honorables, les magistrats éminents qui composent la commission d'organisation judiciaire ne proposeront à la loi aucune modification qui ne soit fondée sur des documents acquis et sur leur expérience.

Pour ce qui concerne l'interpellation que MM. de Perceval et Lelièvre viennent de renouveler dans cette enceinte en faveur des détenus du fort de Huy, la chambre a pu s'apercevoir que le gouvernement procède progressivement et prudemment à l'amnistie de ces détenus, suivant leur degré de coopération aux faits pour lesquels ils ont été condamnés et leur conduite dans la prison. Des propositions ont été successivement faites au Roi. Le gouvernement ne perd pas cette affaire de vue. Mais il se refuse à prendre aucune espèce d'engagement sur ce point.

- La discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr.189,550. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 23,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais d'impression de recueils statistiques : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art.5. Frais de route et de séjour : fr. 6,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ordre judiciaire

Articles 6 à 11

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel.

« Charge ordinaire : fr. 215,000.

« Charge extraordinaire : fr. 5,500. »

- Adopté.


« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250. »

- Adopté.


« Art. 8. Cours d'appel. Personnel.

« Charge ordinaire : fr. 496,000.

« Charge extraordinaire : fr. 48,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Cour d’appel. Matériel : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce.

« Charge ordinaire : fr. 1,001,695.

« Charge extraordinaire : fr. 30,850. »

- Adopté.


« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police :

« Charge ordinaire : fr. 548,100. »

« Charge extraordinaire : fr. 7,870. »

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 à 15

« Art. 12. Cour militaire. Personnel.

« Charge ordinaire : fr. 16,070.

« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts.

« Charge ordinaire : fr. 29,819.

« Charge extraordinaire : fr. 212. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

Chapitre IV. Frais de justice

Articles 16 et 17

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 570,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires.

« Charge ordinaire : fr. 9,800.

« Charge extraordinaire : fr. 20,415. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Constructions, réparations et loyers de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix.

« Charge ordinaire : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000.

- Adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Articles 19 à 21

(page 1372) « Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 116,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la piincipauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois à envoyer à l'avis des cours et tribunaux et des facultés de droit des universités du royaume : fr. 10,000. »

La section centrale, d'accord avec le gouvernement, prépose de porter le chiffre à 18,000 fr.

Le chiffre de 18,000 fr. est adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 22 à 24

« Art. 22. Pensions civiles : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 23. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants mineurs de magistrats qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés dépendants du ministère de la justice, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

La section centrale propose de distraire de ce chiffre une somme de 1,500 fr., qui serait transférée à l'article 52bis.

- L'article, avec le chiffre de 1,500 fr., est adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Articles 25 et 26

« Art. 25. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 311,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,010 55. »

- Adopté.

Article 27

« Art. 27. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,462 fr., pour revenus de cures : fr. 3,341,030. »

M. de Haerne. - Messieurs, je désire adresser une demande à M. le ministre de la justice au sujet de l'article 27 relatif à la dotation des ministres du culte inférieur.

Je veux parler d'une interprétation donnée depuis quelque temps à un décret concernant la matière.

Il s'agit de l'article 15 du décret du 17 novembre 1811 relatif à la dotation des coadjuteurs en vicaires supplémentaires.

Jusqu'ici on avait compris ce décret en ce sens que les curés ou desservants avaient droit à un coadjuteur, lorsque des causes extraordinaires, telles qu'une incapacité physique ou une infirmité, les empêchaient de vaquer à leur besogne ordinaire, de remplir les fonctions auxquelles ils avaient pu suffire précédemment.

Tel paraissait être le sens naturel de ce décret, et l'interprétation constante qui en a été faite consacrait un usage qui semblait être conforme à la vérité, au sens naturel du décret, de même qu'aux exigences du culte.

Messieurs, je dis que tel est le sens naturel du décret. Car le décret parle d'une manière générale. Il ne dislingue pas entre les paroisses où il y a des vicaires et les paroisses où il n'y en a pas. Mais, d'après la dernière interprétation, on fait une distinction entre les curés qui ont déjà des vicaires et ceux qui n'en ont pas, et l'on dit : Le décret parle des curés qui ne peuvent plus remplir seuls leurs fonctions ; et l'on ajoute que s'il y a un autre ecclésiastique dans la paroisse, le décret n'est pas applicable. Voilà le sens qu'en donne à ce décret.

Je dis que cette interprétation n'est pas naturelle, parce que le décret parle d'une manière générale, suppose des causes générales, la cause d'infirmité, entre autres, qui est la plus ordinaire, et qui peut se présenter dans une paroisse où il y a des vicaires comme dans une paroisse où il n'y en a pas. Le sens naturel est donc celui-ci, que le curé ou desservant peut reclamer un vicaire supplémentaire ou un coadjuteur, lorsqu'il ne peut pas vaquer seul à ses fonctions ordinaires, fonctions qu'il remplissait seul précédemment, avant d'être atteint de cette infirmité, de cette cause d'incapacité physique.

S'il en était autrement, le décret aurait dû dire que la mesure n’était pas applicable aux paroisses où il y a un ou plusieurs vicaires.

L'ensemble du décret fait voir encore que l'interprétation que l'on avait constamment suivie jusque dans ces derniers temps, doit être la véritable interprétation. Car le décret énumère plusieurs causes pour lesquelles les curés ou desservants peuvent réclamer des coadjuteurs, et après les avoir énoncées, telles que la cause d'absence, par exemple, on arrive à la cause d'infirmité, et l'on dit : C'est une cause momentanée, et lorsque cette cause vient à cesser, il ne peut plus y avoir lieu de maintenir le coadjuteur. Cela est évident et cela s'applique à tous les cas.

De deux choses l'une : ou les curés qui ont des vicaires sont inutiles, ou dans le cas d'infirmité, ils ont droit à un coadjuteur.

Vous voyez que si l'on n'adopte pas cette interprétation, on tombe dans l'absurde et l’on force le sens du décret.

Messieurs, ne croyez pas qu'en parlant dans ce sens, je propose une augmentation réelle de dépense. C'est tout le contraire, car voici la position où se trouveraient les ordinaires du diocèse, dans le cas où l'on n'en reviendrait pas à l'ancienne interprétation : c'est qu'au lieu de demander au gouvernement des coadjuteurs, les chefs diocésains engageraient les curés qui ont droit à la retraite, à donner leur démission ; alors, d'après la loi, ils toucheraient leur pension, et l'on nommerait un autre curé.

Or, savez-vous quel serait le résultat ? D'après les données que j'ai recueillies, dans certains diocèses, on payerait une somme beaucoup plus forte que celles qu'on devrait payer pour le traitement des coadjuteurs dont il s'agit, et qui sont réclamées pour les besoins du culte.

Il y a un diocèse entre autres dans lequel la somme des pensions que MM. les curés, ayant droit à la retraite, pourraient toucher dans le moment actuel, s'ils venaient à donner leur démission, s'élèverait à 18 mille francs ; tandis que la somme nécessaire pour doter les coadjuteurs réclamée par l'ordinaire du même diocèse, n'est que de 7 mille fr.

Pour répondre à ces réclamations si légitimes on a dit que quand il se présenterait des besoins exceptionnels on y pourvoirait par un arrêté royal et qu'alors on verrait jusqu'à quel point les communes pourraient intervenir dans les dépenses qu'entraînerait la nomination des coadjuteurs.

Mais, messieurs, il ne s'agit pas ici de besoins exceptionnels ; il s'agit de besoins ordinaires qui se présentent chaque fois qu'un curé se trouve, par suite d'infirmités, dans l'impossibilité de remplir ses fonctions.

Je défends, je le répète, à cet égard, l'interprétation qui a toujours été suivie jusque dans ces derniers temps.

Ensuite, messieurs, on ne peut pas non plus imputer aux communes (page 1373) la charge qui résulterait de la nomination d’un vicaire supplémentaire faite dans le cas dont il s'agit. Cela résulte de la loi du 9 janvier 1837. Ce n'est donc que par erreur que l'on a pu invoquer ici les ressources locales.

Voilà, messieurs, la réclamation que j'avais à faire. Je prie M. le ministre de la justice de vouloir bien me donner une réponse ; j'espère qu'elle sera satisfaisante et que M. le ministre rétablira l'interprétation qui a été suivie par presque tous ses prédécesseurs.

M. Tesch. - Messieurs, quand j'ai quitté le ministère, cette question n'était pas décidée. Des renseignements avaient été demandés, en France ; le sens de cet article peut-être douteux, mais je crois que l'interprétation donnée est vraie. Peut-être faudra-t-il en venir à proposer à la chambre une disposition qui tranche la difficulté.

Voici en fait, messieurs, en quoi consiste cette difficulté. Le clergé prétend que des coadjuteurs peuvent être nommés dans tous les cas où un curé se trouve dans l'impossibilité de remplir ses fonctions, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de vicaire pour le remplacer.

Si ce droit est illimité, s'il n'intervient pas certaines règles pour la nomination des coadjuteurs, on pourrait, en les multipliant ou en les laissant trop longtemps dans les communes où ils seront envoyés, substituer les coadjuteurs aux vicaires. Or comme les vicariats entraînent une dépense pour l'Etat, ils ne peuvent être créés sans le consentement de l'Etat ; si l'on substituait les coadjuteurs aux vicaires, le gouvernement n'exercerait plus aucune espèce de contrôle à cet égard, et la dépense dépendrait exclusivement de la volonté de l'autorité religieuse.

Il y a donc là, messieurs, certaines mesures à prendre pour déterminer dans quels cas des coadjuleurs pourront être nommés.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, j'ai examiné cette question avec infiniment de soin au point de vue indiqué par l'honorable abbé de Haerne et de l'interprétation qu'il a cru devoir donner en principe à l'article du décret de 1811, dont il a parlé. Je suis porté à croire que l'intention du décret a été de n'autoriser la nomination de coadjuteurs que dans les paroisses où il n'y a pas de vicaires, c'est-à-dire où il n'y a qu'un seul ecclésiastique, un desservant qui, par l'état de sa santé, est incapable de faire son service.

Ainsi que l'a dit l'honorable M. Tesch, des documents ont été demandés en France, ces documents consistent notamment dans le rapport qui précédait le décret de 1811, rapport soumis à l'empereur par le ministre des cultes. Ce rapport ne m'a pas paru suffisant pour dissiper les doutes que présentait l'interprétation.

Je trouvais dans les rétroactes de l'affaire des interprétations en sens divers, qui me jetaient dans l'incertitude, et c'est par l'étude du texte, en rapport avec ces documents, que j'ai cru devoir admettre provisoirement, en principe, l'interprétation que j'indique. J'ai demandé de nouveaux renseignements à l'administration des cultes en France à l'effet de voir quelle est, en pratique, l'interprétation du décret de 1811 ; ces renseignements ne tarderont pas à arriver.

En attendant, je dois dire qu'en fait la question n'a pas une grande importance ; il suffit de s'entendre avec le chef du diocèse pour éviter certains abus qui pourraient résulter de l'application trop large du décret de 1811, abus qui ont été indiqués par l'honorable M. Tesch. D'après la correspondance que j'ai entretenue avec le chef du diocèse dans lequel il y a le plus grand nombre de coadjuteurs, je puis dire que les difficultés pratiques disparaîtront entièrement et que nous arriverons à nous entendre sur les moyens de liquider le traitement des coadjuteurs qui seraient nommés.

Je le répète, messieurs, en fait, la question est de minime importance et ce n'est qu'au point de vue des principes que j'indique l'opinion que j'accepte comme jurisconsulte. Je pense qu'il sera facile de s'entendre, et s'il en était autrement nous proposerons une disposition législative pour trancher la difficulté.

M. de Haerne. - Je remercie M. le ministre des explications qu'il vient de donner, mais je lui demanderai s'il ne pourrait pas nous communiquer le rapport relatif au décret de 1811.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - C'est le rapport qui a servi d'exposé des motifs au décret et qui est de la même date.

M. de Haerne. - Je désire le voir. Les dernières paroles prononcées par M. le ministre de la justice me font espérer une prompte solution, puisqu'il a promis d'examiner la question et de trancher au besoin la difficulté par une mesure législative. Je désire qu'on fasse droit le plus tôl possible aux justes réclamations de l'épiscopat en cette matière.

J'ai un mot à ajouter par rapport à ce qui a été dit tout à l'heure. L'honorable M. Tesch a signalé les abus qui pourraient résulter d'une application trop large du décret de 1811.

Je suis le premier à reconnaître la possibilité de ces abus ; mais cette possibilité a toujours existé, et je dois dire que l'interprétation que je considère comme bonne a été suivie par tous les prédécesseurs de l'honorable M. Tesch.

C'est aussi l'interprétation des ordinaires, et ils ont été fort surpris d'en voir admettre une toute nouvelle par l'honorable membre auquel je réponds.

Qaaui aux abus, le gouvernement est toujours juge de l'opportunité de la nomination des coadjuteurs, comme de la création de nouveaux vicariats et d'autres besoins du culte.

Je le répète, messieurs, cette interprétation ne doit entrain er aucune augmentation de dépense ; au contraire, en général elle produira une économie, comme je viens de l'établir.

Je recommande cette question à toute l'attention de M. le ministre de la justice, et le prie de la résoudre au plus tôt, afin de subvenir à certains besoins du culte actuellement en souffrance par suite de la nouvelle interprétation que je viens de signaler.

M. de Mérode. - Messieurs, il me semble que dans toutes ces choses-là on devrait s'en rapporter beaucoup aux usages qui ont été suivis pendant une très longue période de temps. Je prie M. le ministre de ia justice et ses collègues d'en agir ainsi ; il y a eu une ecrtaine époque où l'on a cessé de se conformer aux usages précédents, et ces innovations n'ont pas toujours été heureuses.

M. Coomans. - Messieurs, nous poursuivons, depuis nombre d'années, un but éminemment louable, le défrichement de nos terres incultes. Pour l'atteindre, le meilleur moyen, le seul, dirai-je presque, est de peupler les localités désertes, d'y éparpiller des laboureurs, d'y créer des centres de population. Or, l'histoire et la raison nous apprennent qu'une chapelle et un prêtre sont les pivots nécessaires de tout centre de population. La facilité qu'ont les habitants de satiqfaire à leurs besoins religieux les engage à se grouper, à se rapprocher, à se constituer en association villageoise. Dans la partie de notre pays la plus mal traitée de la nature, en Capine, des hameaux qui, il y a 30 ans, ne comptaient que 25 à 50 âmes, en referment 300, 400 et jusqu’à 550 aujourd’hui, grâce aux prohrès de tout genre que l’on y a réalisés. Ils sont éloignés d’une lieue et de six quarts de lieu de l’église paroissiale. En cas de mauvais temps, quand les chemins sont impraticavles, les habitants de ce shameaux sont forcément pricés de secours religieux, et l’accomplissement de leurs devoirs est toujours diffiicle, même en été. Si l »on construisait de modestes chapelles dans les hameaux qui en ont besoin, et si dans d’autres, où des chapelles existent, on dotait des ecclésiastiques avec charge d’âmes, on favoriserait beaucoup le développement agricole, on épargnerait des corvées pénibles aux habitants, en un mot, on ferait chose juste et utile. Je sais que diverses demandes de cette nature ont été adressées à M. le ministre de la justice ; je les recommande à son attention, à sa bienveillance, et je suis convaincu qu’il y fera droit, s’il les apprécie au point de vue social et religieux, où je pense que le gouvernement doit se mettre.

- L’article 27 est adopté.

Article 28

« Art. 28. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'églises pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo.

« Charge ordinaire : fr. 394,000.

« Charge exlraordidaire : fr. 26,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien faire accorder un subside pour continuer la restauration de la cathédrale de Tournai qui est, de l'aveu de tout le monde, l'édifice le plus imposant de toute la Belgique.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je m'occupe avec soin de cette affaire.

M. Dumortier. - Je l'apprends avec p'aisir.

Messieurs, lorsqu'il s'est agi de voter des fonds pour la restauration d'édifices qui honorent le pays et qui sont des monuments nationaux, je me suis empressé d'élever ma voix en leur faveur, et les honorables députés de Liège se rappelleront que mon appui ne leur a pas fait défaut, lorsqu'il a été question de la restauration du magnifique palais des princes de Liège.

Mais il a été, en même temps, convenu dans cette chambre que les grands édifices, situés dans les autres provinces, auraient quelques droits à la sollicitude du gouvernement.

Ceux d'entre vous qui ont visité la cathédrale de Tournai ont reconnu l'importance de ce magnifijqe édifice, et lorsque nous avons eu la douleur de perdre l'ancien président du sénat, beaucoup de membres de cette chambre se sont rendus à Tournai pour assister à son service, et chacun a dû reconnaître que la cathédrale de cette ville avait réellement besoin de réparations.

Les ministres à cette époque nous disaient : « Pourquoi ne répare-t-on pas telle ou telle partie ? » Nous répondions : « Parce que nous n'avons pas d'argent. »

Maintenant il me paraît que, dans la distribution du crédit, le gouvernement ne devrait pas exiger toujours les mêmes conditions pour tous les édifices à restaurer. On a admis généralement en principe l'intervention de la province ou de la commune (suivant que l'établissement est provincial ou communal) et l'interveation de la fabrique d'église.

Voilà qui est parfait quand il s'agit de restaurations de peu d'importance ; mais quand il s'agit de restaurations qui doivent coûter des sommes considérables, il est évident que les établissements auxquels on veut avoir recours, n'ont pas des ressources suffisantes pour contribuer à la dépense dans une proportion aussi élevée. Il en résulte que ces restaurations ne pourraient pas se faire.

Or, nous sommes arrivés à une époque à laquelle ou ne construit plus de grands monuments. Aujourd'hui toutes les vues se dirigent vers les travaux utiles à l'industrie, on fait des routes, des canaux, des chemins de fer, mais on ne crée plus de grands édifices. Entretenir les grands édifices existants est donc réellement une oeuvre nationale et patriotique.

Mais vous devez comprendre que, pour arriver à ce résultat, il faut (page 1374) avant tout établir une distinction entre les monuments qui honorent réellement le pays par leur importance, et les autres.

Si vous ne faites cette distinction, si vous voulez faire tout passer sous le même niveau, sans tenir compte de ressources, des l'élévation de la dépense et de l’importance monumentale, vous vous mettez dans l'impossibilité de restaurer les monuments nationaux. Puisque l'Etat s'est emparé des biens des fabriques d'églises, qui étaient considérables, vous devez comprendre que l'Etat, qui en a profité, doit leur en tenir compte, en leur accordant des subsides plus ou moins considérables. Je connais plusieurs magnifiques édifices ; l'ancien palais des princes-évêques de Liège, la basilique de St-Jacqucs dans la même ville, l'église de Sainte-Waudru à Mons, l'église dYpres, celle d'Anvers, l'église de Saint-Rombaut à Malines, celle de Saint-Bavon à Gand, Sainte-Gudule à Bruxelles, etc.

Vous ne pouvez pas exiger des fabriques de ces églises qu'on a dépouillées de leurs biens ; vous ne pouvez pas exiger d'elles les mêmes conditions, alors qu'il s'agit de réparations qui doivent occasionner une dépense fort élevée.

En France, les monuments importants sont déclarés monuments nationaux, et on obtient alors des conditions extrêmement favorables pour leur restauration. Je pense que le gouvernement belge ferait fort bien d'agir de la sorte. C'est l'unique moyen de conserver ces monuments nationaux élevés par la foi de nos pères et qui témoignent de l'antique splendeur du pays.

Je finis en priant M. le ministre de la justice de vouloir bien faire accorder un subside à la cathédrale de Tournai. L'engagement qu'il vient de prendre sera, j'en suis certain, bientôt réalisé. Car nous voici arrivés au milieu du mois de mai et si le subside n'arrivait pas, il faudrait congédier les ateliers. D'ailleurs, M. le ministre me donne l'assurance que le subside ne tardera pas à être envoyé.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Les subsides pour l'entretien des édifices consacrés au culte s'appliquent d'après des règles anciennes qui jusqu'ici n'ont pas présenté d'inconvénients. On commence par prendre sur la somme totale du crédit une somme égale à celle que les provinces allouent dans leurs budgets pour l'entretien et la réparation des édifices religieux.

Pour les travaux qui n'offrent rien de spécial, le subside de l'Etat est égal ordinairement à celui de la province, en tenant compte dans le calcul des ressources provenant de la commune, de la fabrique et des souscriptions des habitants. Voilà pour la répartition de cette première somme déduite de la totalité de l'allocation. Je crois qu'il y a une seule exception, c'est pour les communes du Limbourg, qui sont en général pauvres.

Il reste une somme importante qui cependant n’est pas en rapport avec les besoins ou les réclamations faites pour les grands monuments religieux. Chaque année le gouvernement s’efforce de satisfaire, dans la limite du budget, aux réclamations fondées : tels sont Sainte-Gudule, à Bruxelles, Saint-Jacques à Liége, Notre-Dame à Tournai.

Pour parler plus spécialement de l'objet sur lequel M. Dumorticr appelait l'attention du gouvernement, je dirai que je pensais avoir accordé un crédit dans un arrêté qui en renferme un certain nombre. Je me rappelle du moins aussi qu'il m'est arrivé une réclamation de la cathédrale ; elle a été envoyée à la députation, j'attends son avis, et je statuerai le plus tôt possible.

M. Delehaye. - L'honorable M. Dumortier vient de citer St-Bavon parmi les monuments religieux qui reçoivent des subsides. Je dois déclarer que ni Saint-Bavon, ni aucune autre église de Gand n'a reçu de subside. Nous sommes dans le cas de construire une église qui doit coûter 700,000 fr. La ville a voté 200,000 fr., les particuliers ont ouvert une souscription qui a produit 150,000 fr. La province est intervenue, bien que jamais la ville de Gand n'ait eu de subside pour ses monuments religieux ; nous avons pu nous imposer ces sacrifices. La Belgique n'a pas deux exemples de cette nature : un seul particulier a souscrit pour 35,000 fr.

Je voudrais que partout on suivit cet exemple. Si on faisait appel à la charité des hommes génèreux, on obtiendrait, je n'en doute pas, de quoi satisfaire aux besoins. Je me résume : M. le ministre convaincu des sacrifices que la ville et les particuliers se sont imposés.... (Interruption.)

Je serais heureux d'apprendre que dans la ville de Verviers beaucoup de personnes ont fait ce qu'on a fait à Gand. Je leur en témoignerai publiquement ma reconnaissance. Je prie le gouvernement de mettre la ville de Gand à même de mettre la main à l'œuvre pour commencer la construction de ce monument réclamé par les besoins du culte.

M. David. - J'applaudis au fait de générosité qu'a cité l'honorable préopinant ; si je pouvais citer des noms propres, je nommerais des personnes qui ont donné jusqu'à 100 mille fr.

M. Lebeau. - M. le ministre vient de faire connaître la règle qui préside à la distribution des subsides alloués pour l'entretien des monuments consacrés au culte, à la réparatiun des églises. Je pense que le principe qu'il a pris pour règle est très juste ; mais je pense aussi qu'il faut avoir égard, dans l’application, à la qualité des édifices qui existent dans les différentes localités, aux ressources de ces localités, pour proportionner les subsides que le gouvernement accorde à ceux que la province et la commune peuvent fournir.

Il faut prendre en considération aussi le revenu que peuvent affecter à ce service certaines églises, certaines cathédrales qui jouissent encore aujourd'hui de revenus considérables. La règle peut et doit parfois recevoir des exceptions : le gouvernement devrait exiger un concours moindre des fabriques, des communes et des provinces, dans certains cas ; car le gouvernement, pour ne pas laisser tomber en ruine de superbes monuments, quand la ville, la fabrique et la province ont contribué dans la mesure de leurs moyens, doit se départir du principe trop rigoureux de la répartition qu'il a indiquée tout à l'heure.

En fait, il en est souvent ainsi. Je dois donc penser que c'est sous le bénéfice des exceptions motivées par la situation financière de certaines fabriques, de certaines communes et du caractère monumental des édifices, que M. le ministre a invoqué le principe de répartition qu'il a fait connaître à la chambre.

Je crois devoir rappeler, à l'occasion du crédit qui nous occupe, une observation que j'ai adressée à son prédécesseur et dont j'ignore les effets jusqu'à présent. Il y a adossées à quelques-uns de nos principaux monuments religieux, à certaines de nos cathédrales, des constructions qui les déparent. Le fait remonte à des époques malheureuses pour la religion. Ces constructions informes qui déparent les monuments se voient même dans la capitale.

J'avais demandé si le gouvernement ne pourrait pas, dans la mesure des crédits du budget et des dépenses que cela pourrait entraîner pour les villes, s'entendre avec les administrations locales pour faire disparaître ces constructions.

Je désirerais savoir si M. le ministre actuel peut nous donner quelques renseignements sur les résultats de la bonne entente qui aurait pu être essayée à cet égard.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je ne connais pas les faits spéciaux que vient de rappeler l'honorable M. Lebeau. La question ne m'a pas été soumise jusqu'à présent. J'ignorais qu'elle eût été soulevée.

Je dois dire cependant que si nous devions entrer dans cette nouvelle voie de subsides, nos moyens deviendraient absolument insuffisants. Les demandes sont toujours l'objet de réclamations très vives de la part des localités. Le gouvernement doit donc user de réserve. Avant de répondre à l'interpellation de l'honorable M. Lebeau, j'examinerai cet objet, et je verrai jusqu'à quel point l'on peut engager l'article du budget.

Le principe auquel a fait appel l'honorable M. Lebeau pour la restauration des grands monuments religieux est appliqué. Il doit en savoir quelque chose ; car il y a quinze jours ou trois semaines j'ai accordé 40,000 fr. pour une église de Huy, en dehors des allocations de la province.

L'honorable M. Delehayc a fait allusion à l'église Sainte-Anne. J'ai pris l'engagement de coopérer à la construction de cette église pour 200,000 fr. à répartir sur dix exercices à dater de 1855, en stipulant naturellement la réserve du maintien au budget, chance que doivent courir tous ceux qui obtiennent un subside imputé sur plusieurs exercices.

Un subside sera aussi nécessaire pour un monument auquel vous donnerez, non pas seulement vos votes, mais vos cœurs et toutes vos sympathies ; c'est la nouvelle église de Laeken. Les plans de cette église qui doit rappeler les souvenirs de notre Reine si regrettée, sont approuvés.

Les premières recettes ont été obtenues par des souscriptions de toutes les provinces, par la coopération très large de la fabrique de l'église et par le concours personnel du chef de l'Etat. Le plan sera approuvé par arrêté royal, et l'on va mettre prochainement la main à l'œuvre. Mais la législature devra intervenir ultérieurement pour assurer l'achèvement du monument ; cette intervention ne sera pas très onéreuse.

M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour appuyer l'opinion qu'a émise l'honorable M. Lebeau. Je ne puis pas plus admettre que lui ce principe que, pour la réparation des monuments religieux, l'Etat concourrait, dans des proportions égales, avec les communes et les fabriques d'églises. A ce compte, les plus riches obtiendront les subsides les plus considérables.

C'est contraire aux règles de la justice distributive. Il y a dans les Flandres des communes (je citerai entre autres Iseghem, Moorslede et celle que j'habite) où les églises exigent des réparations, et elles ne peuvent obtenir de subsides, parce que, complètement ruinées, elles ne peuvent concourir à la dépense. Assurément, ce n'est pas là de la justice.

Ce sont les faibles, les moins riches qui doivent être le plus protégés et secourus, et il ne devrait y avoir aucun subside pour les grandes villes qui trouvent dans leur octroi un revenu de plusieurs millions.

M. Orts. - Je répondrai deux mots à l'interpellation que l'honorable M. Lebeau a adressée à M. le ministre de la justice qui n'a pu répondre, faute d'examen, dit-il, en ce qui concerne l'Etat. Je conçois en effet que, sur cette question, le ministère soit embarrassé pour répondre d’une manière satisfaisante, et je crois pouvoir affirmer que son examen ne l’amènera jamais à la résoudre.

La question ne concerne pas le gouvernement ; elle concerne les fabriques d'église et les communes exclusivement/

(page 1375) L'honorable M. Lebeau regrette (et je regrette aussi au point de vue de l'art) que beaucoup de nos plus belles églises soient entourées de constructions qui les déparent, qui font mauvais effet à l'oeil, et nuisent à l'aspect architectural du monument. Il a cité Bruxelles, faisant allusion aux constructions qui environnent l'église de Sainte-Gudule. Je puis répondre sur ce point de manière à satisfaire l'honorable M. Lebeau : la ville de Bruxelles a réussi à s'arranger avec la fabrique de l'église pour obtenir la démolition de ces constructions, en faisant construire, dans la rue qui conduit au monument du Congrès, des habitations pour les vicaires.

Sous peu de jours, ces habitations nouvelles seront occupées par eux, et ces mesures, que critique à bon droit M. Lebeau, disparaîtront.

Voici maintenant ce qui empêche les autres villes d'imiter l'exemple de la ville de Bruxelles : la plupart des églises où se rencontrent ces constructions se trouvaient jadis au milieu de cimetières. Les places qui entourent ces églises sont l'emplacement des anciens cimetières supprimés, soit sous le règne de Joseph II, soit sous le régime français.

D'après une jurisprudence administrative confirmée par les tribunaux, le terrain de ces cimetières appartient aux fabriques d'églises qui, sur la partie adossée aux édifices religieux, ont fait construire les bâtiments nécessaires au culte, au logement des vicaires et d'autres personnes attachées au service du temple.

Ces constructions, établies à leurs frais, sur leur propriété, ne peuvent être enlevées aux fabriques d'églises par l'Etat, à moins que l'Etat ne déclare qu'il y a utilité publique, et n'accepte partant l'obligation «l'indemniser les fabriques. Personne ne le lui conseillera. 11 ne peut donc intervenir que des arrangements entre les villes et les fabriques : le gouvernement est en dehors dî la question.

Si d'autres villes voulaient et pouvaient imiter l'exemple de Bruxelles, je suis persuadé qu'aucune fabrique d'église ne tiendrait A maintenir ces constructions qui sont au moins aussi incommodes pour ceux qui les habitent que désagréab'es au spectateur.

A cette occasion, messieurs, je dirai un mot en réponse à une observation de l'honorable M. Dumortier sur la répartition générale du subside relatif à l'entretien de nos édifices religieux.

Je suis tout à fait de l'avis qui a été exprimé par plusieurs honorables préopinants, que l'Etat doit intervenir à titre de subsides, et je ne suis pas non plus partisan d'une règle absolue qui subordonnerait ces subsides aux sacrifices proportionnels des communes, et cela sans exception aucune. Je crois que pour les localités pauvres on doit faire quelque chose de plus que pour les localités riches. Mais je ne pense pas que l'Eat puisse aller au-delà ; je crois qu'il ne peut accorder des subsides qu'à condition d'une certaine coopération de la part des fabriques, des particuliers ou des communes. Si en France on qualifie certains édifices religieux de monuments nationaux, et si l'Etat se charge exclusivement de leur réparation et de leur entretien, il y a pour cela une raison qui n'existe pas en Belgique. La voici.

En France, il est de jurisprudence administrative et de jurisprudence des tribunaux que les édifices consacrés au culte appartiennent au pouvoir civil, c'est à-dire aux communes ou à l'Etat, selon leur importance.

En Belgique la jurisprudence est contraire. Partant de nos anciennes traditions, de nos anciennes dispositions législatives sur la matière, on semble d'accord chez nous pour reconnaître que ces bâtiments sont la propriété des fabriques d'églises. Cette différence d'opinion, quant à la propriété, explique la différence quant à la répartition des charges d'entretien.

M. Dumortier. - Messieurs, l'observation que vient de faire l'honorable préopinant pèche par sa base. Car si le principe dont il parle était la base du système adopté en France, il mettrait à la charge de l'Etat, non pas les édifices monumentaux seulement, mais tous les édifices religieux du pays, ce qui n'est pas. Car il n'y a pas de différence, au point de vue du droit de propriété, entre la plus petite église et la cathédrale de Paris ou celle de Reims.

Le motif indiqué par l'honorable membre n'est donc pas sérieux. Le motif réel, c'est qu'en France, on a compris qu'après que l'Etat avait spolié les grandes cathédrales, avait spolié les édifices du culte de leurs citoyens d'entretien, il fallait que l'Etat intervînt. Car l'Etat ne peut prendre aux églises leurs revenus et leur laisser ensuite le soin de leur entretien.

Or, en Belgique, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, et je suis heureux que cette opinion soit partagée par les orateurs qui ont été entendus, il est essentiel qu'on n'adopte pas une base unique pour tous les édifices. Il est probable que s'il existe une cathédrale très riche, cette cathédrale ne demandera rien à l'Etat pour sa restauration. Mais il n'en est pas beaucoup qui sont dans ce cas, je citerai pour exemple la cathédrale de Tournai. Savez-vous, messieurs, quel est aujourd'hui le revenu de la cathédrale de Tournai qui avait autrefois un demi-million ? 10 à 11 mille francs, et la toiture de ce monument a près de deux hectares d'étendue. Que voulez-vous qu'on fasse avec un pareil revenu, lorsqu'il s'agit d'abord de pourvoir à tous les besoins du culte et aux réparations d'entretien ? On comprend qu'une église qui a été dépouillée au profit de l'Etat et qui est aussi pauvre, ne peut intervenir dans des dépenses d'entretien pour la même somme qu'une église riche. Vouloir dans ce cas faire passer toutes les églises sous le même niveau, c'est une criante injustice. Si l'Etat s'est emparé des biens des églises monumentales, s'il a mis les grands édifices religieux dans l'impossibilité de pourvoir à leur entrelien, l'Etat doit là plus qu'il ne doit ailleurs.

Maintenant, je dirai deux mots de l'observation qu'a faite tout à l'heure M. le ministre de la justice relativement à une dépense que, certes, nous voterons tous avec empressement, celle de l'église de Laeken.

Je prie M. le ministre de vouloir bien remarquer que si la dépense ssaire à cet édifice, qui sera aussi certainement un édifice national, devait se prendre sur l'article en discussion, évidemment il y aurait alors un déficit considérable pour l'entretien et la restauration des monuments auxquels l'article est destiné. Je suis convaincu qu'il faudra demander pour ce monument un crédit spécial, et nul doute que la chambre ne vote cette dépense à l'unanimité. Certes, l'attachement que le pays a toujours montré à la Reine ne laisse aucun doute à cet égard. Mais prendre sur le crédit dont nous nous occupons la somme nécessaire pour faire cet édifice, ce serait mettre le gouvernement dans l'impossibilité de laisser à l'article la destination qu'il a toujours eue aux yeux de la chambre.

Quant aux dons faits aux églises, je dirai encore, en faveur de l'intervention de l'Etat pour l'église de Tournai, que là aussi des bienfaiteurs se sont empressés de donner des sommes considérables. Ainsi 30,000 à 40,000 fr. ont été donnés pour subvenir à la restauration de ce magnifique monument.

Mais vous comprenez que le monument le plus grand, le plus vaste, le plus important de la Belgique, qui est le septième en longueur de toutes les églises du continent, ne peut pas être complètement restauré avec quelques dons de particuliers.

Je prie donc M. le ministre de la justice de vouloir accorder à la cathédrale de Tournai un subside d'autant plus grand que la fabrique de cette église, qui est si pauvre, fait tout ce qu'elle peut, que les états provinciaux du Hainaut font aussi tout leur possible.

Et remarquez, messieurs que la province de Hainaut est une province qui a été fortement maltraitée dans ses finances ; car vous lui avez enlevé le produit du canal de Mons à Condé qui était le plus beau de ses revenus. On ne peut exiger de cette province des sacrifices qui lui sont devenus impossibles par le fait de l'enlèvement de cet important revenu.

Je pense que l'Etat doit peser toutes ces considérations. Je ne doute pas que M. le ministre de la justice voudra bien prendre le plus tôt possible une résolution ; car je crois que les états provinciaux du Hainaut ont envoyé leur demande ; et qu'il voudra bien accorder à la ville un subside nécessaire pour pouvoir continuer les travaux de restauration qui sont indispensables.

M. Lelièvre. - A l'occasion de l'article que nous discutons, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de la justice relativement à la législation concernant la propriété des églises et cimetières. La cour de cassation a décidé que d'après les règles de notre ancien droit les églises et cimetières étaient la propriété des fabriques. Or, il s'élève la question de savoir quels sont les droits et obligations des communes relativement aux églises et cimetières qui sont la propriété des fabriques. Ce point donne souvent lieu à des contestations entre ces dernières et les communes, et il serait important d'avoir sur ce point des règles uniformes auxquelles on puisse se référer.

On sait que les cimetières sont des propriétés d'une nature particulière qui doivent être soumises jusqu'à certain point à l'action des communes. D'un autre côté, alors qu'en Belgique l'on ne décide pas, comme en France, que les communes en sont propriétaires, il est impossible de ne pas examiner la question de savoir quels sont à cet égard leurs obligatious. Or sur tous ces points la législation est muette et il me semble qu'il serait convenable de les régler par des dispositions précises.

- L'article 28 est mis aux voix et adopté.

Articles 29 à 32

« Art. 29. Culte protestant et anglican (personnel) : fr. 48,876. »

- Adopté.


« Art. 30. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 9,024. »

- Adopté.


« Art. 31. Culte israélite (personnel) : fr. 8,600. »

- Adopté.


« Art. 32. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 900. »

- Adopté.

Article 33

« Art. 33. Pensions et secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 24,000. »

La section centrale propose de diviser l'article comme suit :

« Terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000.

« 2° Secours, etc., 18,000 fr. »

- L'article ainsi divisé est adopté.

Chapitre IX. Etablissements de bienfaisance

Articles 34 à 37

(page 1376) « Art. 34. Frais d'entretien et de transport de mendiants et d'insensés, dont le domicile de secours est inconnu : fr. 110,000. »

- Adopté.


« Art. 35. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophthalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours dos communes et des provinces : fr. 145,000. »

- Adopté.


« Art. 37. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »

- Adopté.

Article 38

« Art. 38. Etablissement des écoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 190,000. »

M. Dumortier. - Il me semble, messieurs, que ceci devient une charge ordinaire et permanente s'élevant à 190,000 fr. C'est fort cher. Quand j'examine toutes les dépenses de cette nature, je vois, par exemple, que les prisons coûtent à peu près autant que les cultes. Cela me semble effrayant pour la morale publique ; ou fait des palais pour les condamnés, et beaucoup de gens qui habitent des masures pourraient être tentés de se faire mettre en prison.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il a été distribué à la chambre un rapport sur la situation de l'école de réforme de Ruysselede. C'est à cet établissement que s'applique le crédit de 190,000 francs ; mais la chambre peut voir à la page 32 de l'expose des motifs que cette dépense est entièrement couverte par les recettes du même établissement, de manière que ce n'est pas une dépense réelle ; ce n'est en définitive qu'une somme portée pour mémoire.

M. de Muelenaere. - Messieurs, pour ne pas interrompre la discussion, j'ai renoncé aux observations que je me proposais de vous faire sur les établissements de bienfaisance et notamment sur les dépôts de mendicité.

Je pense, messieurs, que ces observations trouveront mieux leur place lorsque nous serons saisis soit d'un rapport, soit d'une proposition de la commission que M. le ministre de la justice a instituée récemment. Toutefois, messieurs, j'espère que les conclusions de cette commission ne se feront pas attendre trop longtemps.

Je me bornerai maintenant, messieurs, à une observation purement pratique.

Je sais que dans quelques établissements de bienfaisance on néglige assez généralement de donner avis en temps utile aux communes de l'admission des individus placés dans ces établissements et qui sont à la charge des communes, d'après la loi. Il est évident pour moi, messieurs, que lorsque l'administration est en retard de remplir les prescriptions de la loi et d'informer les communes du séjour de quelques-uns de leurs mendianst dans un établissement de bienfaisance, l'administration perd le droit de réclamer de ces communes la restitution des frais d'entretien, et il est d'une haute importance que le gouvernement tienne la main à l'exécution de cette disposition salutaire de la loi.

En effet s'il n'en était pas ainsi, le silence ou la négligence de ces établissements deviendrait une cause de ruine pour les communes. Je pourrais vous citer une localité qui a eu pendant plusieurs mois dans un établissement public plusieurs individus, sans qu'elle en eût été instruite, et à qui l'on est venu réclamer tout à coup une somme de plusieurs centaines de francs.

Vous comprenez que cela pourrait donner lieu à des abus graves ; il faut nécesairement que la loi oblige les administrations des établissements de bienfaisance à donner avis aux communes de l'admission de ses mendiants dans les dépôts sous peine de perdre le droit de réclamer des communes le remboursement des frais que le séjour de ces individus a occasionnés.

J'appelle sur ce point l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de la justice et je crois qu'il serait important de faire une circulaire de rappel à cet égard, autant dans l'intérêt de ces établissements que dans l'intérêt des finances communales.

M. Roussel. - L'honorable M. Dumortier a fait remarquer tout à l'heure que le chapitre X relatif aux prisons s'élève à peu près à une somme égale au montant du chapitre relatif aux cultes. Je pense que si quelque chose fait honneur à la nation belge et aux administrations qui se sont succédé en Belgique depuis 1830, c'est que cette nation et ces administrations ont compris que toute la force des institutions pénales gît dans la manière dont les pénalités sont appliquées et notamment dans le système d'emprisonnement qui est le châtiment le plus normal.

De cette pensée est résultée la nécessité de modifier insensiblement le régime des prisons par leur construction dans le sens des idées pénitentiaires. Il s'en est suivi également que l'on a dû appliquer le travail dans les prisons partout où l'on a pu réaliser ce moyen de moralisation. Tous ces progrès n'ont pu s'opérer sans coûter des sommes plus ou moins considérables. On doit même s'attendre à ce que l'emprisonnement cellulaire étant de plus en plus généralement réalisé les dépenses n'iront pas en diminuant.

Je prie la chambre de ne pas oublier qu'une bonne partie des crédits du chapitre X est consacrée à la construction de prisons nouvelles et qu'une autre partie de ces crédits est appliquée au travail, lequel n'est jamais complètement improductif, même au point de vue financier, pour l'Etat.

L'honorable M. Dumortier s'est rendu l'écho d'une erreur assez vulgaire lorsqu'il a prétendu que la construction de prisons ressemblant à des palais peut avoir pour conséquence de multiplier les délits, parce qu'on aimera mieux habiter ces palais que d'humbles et tristes masures.

La manière dont les prisons se construisent aujourd'hui a précisément pour effet de permettre l'emprisonnement cellulaire et d'enlever ainsi complètement aux détenus la liberté, qui est le plus précieux de tous les biens. Je ne doute pas que le pauvre, habitant libre d'une simple masure, dont il peut sortir quand il le veut, ne trouve cette masure mille fois préférable à la prison, où, quel que soit le luxe de l'architecture, il n'y a absolument que les choses indispensables à l'Etat pour atteindre le but assigné par la loi répressive.

Dans le monde, on n'entend que trop souvent répéter ces comparaison médiocres. C'est décourageant pour les hommes qui se dévouent au bien-être de l'humanité, en cherchant à propager un système d'emprisonnement propre à amener l'amélioration des délinquants.

En définitive, la peine n'a pas pour objet de faire du mal à celui auquel on l'applique ; elle a surtout pour but de le rendre meilleur et de lui permettre de rentrer un jour dans la société ! Voilà la raison d'être la plus générale de la pénalité. Nous n'en sommes plus à cette théorie cruelle qui consistait à infliger une peine pour torturer un délinquant. Il s'agit surtout, je le répète, d'améliorer le détenu. Tout système qui néglige ce point de vue est la personnification de la vengeance et non le triomphe de la justice.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne suis pas de l'avis de l'honorable M. Roussel, que les peines ne sont pas des peines, que les peines sont une espèce d'école d'amélioration. C'est retrancher de nos Codes un titre, celui du Code pénal. Une peine est une peine et non une méthode d'amélioration, et je dis que ceux qui la subissent n'avaient qu'à ne pas commettre le crime ou le délit qui la leur a fait infliger.

Ces doctrines humanitaires peuvent être fort belles ; mais, quant à moi, mes sympathies ne sont pas pour les coquins ; elles sont pour les honnêtes gens qui sont leurs victimes.

Maintenant, est-il nécessaire de pousser le gouvernement à faire cette foule de dépenses ? Je citerai un exemple qui me paraît très saillant. Dans une de nos grandes villes, on a construit dernièrement une prison ; devinez ce qu'a coûté cetlt prison ? Un à deux millions. (Interruption.)

Un million, si vous voulez. Mais savez-vous pour combien de prisonniers cette prison était faite ? Pour 200 personnes...

- Un membre. - 280 personnes.

M. Dumortier. - Comptez 280 ; un million pour 280 prisonniers ! Dépense-t-on un million pour loger 300 soldats ? Et certes, nos soldats nous sont plus chers que les coquins. Pourquoi voulez-vous donc faire de vos prisons des palais, des monuments ? Que ce soit une prison, et non pas un palais.

Je sais fort bien que, dans les prisons, on est privé de sa liberté, ce qui n'est pas agréable au prisonnier ; mais je dis qu'il ne faut pas chercher à rendre aux prisonniers la vie plus agréable, en le logeant dans un magnifique édifice.

Je ne crois pas que les deniers publics doivent être employés à des dépenses pareilles que je qualifie de folles. Si on construisait des prisons avec solidité, comme on construit les casernes, on n'aurait rien à dire ; mais ceux qui ont commis des crimes et qui en portent la peine, doivent-ils être mieux logés que nos braves soldats ?

Je vois dans le budget qu'il est question de dépenser 400,000 francs pour la continuation des travaux de construction d'une maison de justice civile et militaire à Anvers.

(page 1377) Je vous demande, messieurs, ce que cette prison va vous coûter ; on réclame aujourd'hui 400,000 fr. rien que pour la continuation ; mais avec 400,000 fr. vous bâtiriez une caserne. Je ne comprends pas, en vérité, cette manie qu'on a de faire des monuments avec les prisons.

J'engage beaucoup M. le ministre de la justice, dans l'intérêt d'une cause qui a donné lieu, ces jours derniers, à une solennelle discussion dans cette chambre, et qui est bien plus digne de toute notre sollicitude que tous les congrès hygéniques et pénitentiaires ; j'engage beaucoup M. le ministre de la justice à ne pas se lancer dans toutes ces dépenses qui, en définitive, aboutiraient à prêter des armes contre le budget de la guerre.

J'adjure le gouvernement de ne faire que les dépenses indispensables, de ne pas construire des palais, et surtout de ne pas écourer les architectes et les philanthropes en pareille matière, de faire les choses comme les faisaient nos anciens. (Interruption.)

Nos anciens ne sont pas aussi méprisables sous ce rapport qu'on pourrait le croire.

Quel est celui qui, avant la révolution française, a le premier amélioré le système des prisons ? C'est un Vilain XIIII, c'est à lui qu'est due la création du système qui a été depuis introduit en Amérique. La Belgique a donc eu l'honneur de l'initiative ; mais alors on ne dépensait pas des millions pour des prisons, oa se bornait à faire de bonnes prisons, comme on fait de bonnes casernes, mais on ne faisait pas de palais.

Le nouveau, c'est le luxe, et c'est le luxe que je combats. Il y a d'ailleurs un moyen plus certain d'améliorer les prisonniers, c'est par l'action religieuse ; mais de même que lorsque la liberté disparaît on élève des casernes, de même lorsque l'action religieuse est comprimée on crée des prisons qui coûtent des millions.

J'engage de nouveau le gouvernement à restreindre ces dépenses au plus strict nécessaire ; toutes ces centaines de mille francs que nous sommes obligés de voter pièce par pièce au budget pour les prisons, sont autant d'arguments qu'on oppose au gouvernement, quand il s'agit de voter les fonds pour la défense nationale, qui doit être le premier but de tous nos efforts et pour qui nous devons conserver toutes nos ressources financières.

- La discussion est close.

L'article 38 est mis aux voix et adopté.

Chapitre X. Prisons

Première section. Service domestique
Article 39

« Art. 39. Frais d'entretien, d'habillement et de nourriture des détenus : fr. 1,3500,000. »

- Adopté.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - L'honorable M. Dumortier s'élève avec force contre les dépenses qu'occasionnent les prisons ; il a fait une comparaison entre les dépenses pour le culte et les dépenses pour la répression. Cette comparaison, faite sur des matières si différentes, me paraît peu logique ; toujours est-il que si l'on détaillait la somme de 570,000 francs pour achats de matières premières et ingrédients pour la fabrication, dont il est question dans l’article 49, et que l'on compare ce chiffre avec celui du chapitre VIII, relatif aux cultes, on trouve une différence de 1,500,000 fr. La comparaison pèche donc sous le rapport de la réalité comme sous celui de l'opportunité.

Pour ce qui concerne les frais de construction des prisons, je dirai que j'ai prescrit à mon entrée au département de faire les plus grands efforts pour que les prisons coûtassent le moins possible. On a fait observer que le coût des prisons, calculé sur la cellule, prise comme unité, était trop considérable. Je fais tous mes efforts pour qu’il soit le moins élevé possible.

Je ne crois pas cependant qu'on puisse faire de reproche à mes prédécesseurs d'avoir approuvé des plans plus ou moins monumentaux pour les prisons. Les plans qui ont été admis ont été conçus en vue du système cellulaire, et pour l'appliquer d'une manière uniforme, quand le nouveau Code qui a consacré ce mode d'emprisonnement sera mis à exécution.

Quant à la prison de Liége, quand on connaît dans quel état elle était on ne peut qu'applaudir à sa démolition.

La prison d'Anvers est aussi très défectueuse, et quand le gouvernement ordonne la démolition de semblables prisons, on n'a que des félicitations à lui adresser. Ce qu'on doit demander, c'est que les prisons nouvelles coûtent le moins possible.

La partie monumentale, qu'on peut appeler la partie extérieure, est la partie accessoire ; ce qui coûte le plus, c'est l'ordonnance intérieure, les moyens de faire le service ; la distribution est basée sur la construction des cellules, sur les moyens de surveillance et de communication infiniment plus coûteux que dans les anciennes prisons défectueuses qu'on possédait. Il va sans dire que la dépense doit être en rapport avec le but qu'on poursuit et les résultats qu'on doit attendre du nouveau système d'isolement.

Eu Angleterre et en Amérique, voyez les monuments qu'on a faits pour les condamnés. Ce sont les plans anglas et américains qui ont servi de modèles à nos architectes. C'est pour établir l'émulation entre les architectes qu'on a admis le principe du concours pour les prisons d'Anvers et de Courtrai.

L'effet du concours sera d'appeler les études des jeunes architectes vers cette spécialisé et d'amener une simplification dans les constructions et une économie qui sera progressive. Si on compare diverses prisons dont les constructions ont été autorisées successivement, nous voyons que tandis que la cellule prise comme unité dans l'appréciation, a coûté jusqu'à 4 mille et 3,600 francs dans le principe, elle ne coûte plus aujourd'hui que 2,500 et 2,400 fr. Nous espérons arriver à une somme moindre ; mais arrivé à un certain point il faudra s'arrêter, car il y a une limite qu'on ne peut dépasser.

Les critiques de l'honorable M. Dumortier ont été trop vives et trop généralisées. Il faut considérer et le caractère et les conséquences incalculables qu'on attend des travaux dont il s'agit. Je ne pense pas qu'il s'élève de difficulté quant à l'adoption du chapitre.

M. Tesch. - Je reconnais, avec l'honorable M. Dumortier, que les dépenses pour l'entretien des détenus doivent être réduites le plus possible. Personne plus que moi ne désire que ce résultat soit atteint. Mais il ne faut pas croire que tout ce qui figure au chapitre des prisons soit une véritable dépense ; une très grande partie de cette somme rentre dans le trésor de l'Etat. C'est ainsi que nous trouvons au budget des voies et moyens une somme de 800,000 fr., recouvrement pour avances faites aux ateliers des prisons en matières premières. Quant à l'établissement de Ruysselede, une partie des avances faites par l'Etat est remboursée par les communes qui y ont de jeunes délinquants.

Quant à la construction des prisons, comme l'a dit M. le ministre de la justice, les dépenses ne viennent pas de ce qu'on met un grand luxe dans les constructions, mais elles sont inhérentes au système même ; ce qui coûte, ce n'est pas la façade, ce ne sont pas les enjolivements architecturaux, ce n'est pas l'extérieur du monument ; ce qui coûte, ce sont les cellules ; cela se rencontre partout où le système cellulaire est adopté. Ainsi en Angleterre la celluie coûte, si je ne me trompe, près de 3 mille francs ; en France entre trois et quatre mille ; en Belgique les premières cellules ont coûté au-delà de 5,000 fr., en ce moment par suite de l'expérience acquise pour ces constructions, on est descendu à 3 mille et même à 2,500 fr., je pense. C'est encore beaucoup sans doute ; je reconnais qu'il y a quelque chose de singulier à dire qu'un prisonnier est logé dans une cellule qui coûte 3,000 fr., c'est-à-dire que son logement coûte 130 fr. par an. Mais en définitive ce sera une économie, et c'est un moyen de moralisation.

Vous ne parviendrez à moraliser le condamné que par ce système. Ce serait une imprudence et une mauvaise économie que de reculer devant son application, car s'il est un moyen d'éviter les récidives, le système cellulaire est le seul qui puisse produire ce résultat. Toutes nos prisons centrales sont des cloaques d'immoralité ; on n'oserait pas dire la moitié, le quart des abominations qui s'y passent. Je demande ce que peuvent devenir les condamnés qui ont conservé quelques notions de morale et qu'on jette dans un pareil milieu ; je demande quelle action délétère n'exerceront pas sur la société de pareils individus qui, sortant de semblables lieux, rentrent tous les jours dans son sein ? Quand chaque cellule devrait coûter dix mille francs, je voterais encore pour l'application du système cellulaire.

J'ai la conviction intime que quand ce système sera appliqué dans tout le pays, s'il l'est d'une manière intelligente, le nombre des crimes diminuera dans une proportion notable.

Je ne commencerais pas par l'appliquer aux individus condamnés pour la deuxième ou la troisième fois, où l'amendement est problématique, mais aux individus condamnés correctionnement, aux individus condamnés en simple police, où la démoralisation n'existe pas encore, où elle n'existe dans tous les cas qu'à de faibles degrés ; où par conséquent l'amendement est possible ; où, on peut le dire, il est probable.

Quand un condamné aura été soumis pendant quinze jours au régime cellulaire, soyez persuadés qu'il évitera de retomber dans une faute qui le ferait condamner à une peine semblable. Nous avons déjà quelques prisons cellulaires. Il y a des personnes qui observent les résultats que produit ce système, et j'ai entendu dire à l'une d'elles que, quand un détenu sortait de ces prisons après avoir été soumis pendant quelques jours seulement à ce régime, il en sortait en quelque sorte terrifié et fuyait ce lieu comme on fuierait un séjour pestilentiel.

Ce régime modifiera grandement le détenu, j'en ai la conviction, et il y a lieu de croire, je le répète, que celui qui a subi ce genre de détention ne s'exposera de longtemps à y être soumis de nouveau.

J'admets que personne ne puisse calculer à l'avance et d une manière sûre jusqu'où iront les effets salutaires de ce système ; mais il y a une chose incontestable, c'est que les détenus ne pourront plus, à l'avenir, se corrompre au contact les uns des autres.

M. de Muelenaere. - Si M. le ministre de la justice a ce renseignement par devers lui, je le prierai de vouloir bien dire d'après quelles règles est fixé le traitement des aumôniers attachés aux maisons d'arrêt et de sûreté. Si je suis bien informé, il existerait entre ces traitements des différences très notables dont on ne peut s'expliquer la cause. Je comprendrais parfaitement que le traitement des aumôniers variât en raison de la population des prisons et des obligations qui sont imposées à ces ecclésiastiques. Mais il paraît malheureusement qu'il n'en est pas ainsi.

Si M. le ministre ne peut me donner ce renseignement, je ne ferai pas d'autres observations.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Ce que je puis dire, c'est qu'il y a pour tous les employés des prisons, notamment pour les aumôniers, (page 1378) un minimum et un maximum. Je ne pourrais dire si quelques aumôniers ont un traitement supérieur au maximum. Je ne puis donc pour le moment apprécier la valeur de l'interpellation.

M. de Muelenaere. - Je prierai M. le ministre de la justice de vouloir bien, dans une autre occasion, me communiquer ce renseignement.

M. Van Overloop. - J'ai une observation à faire à M. le ministre de la justice, c'est que s'il peut y avoir avantage à imiter l'Angleterre au point de vue de l'amélioration matérielle des prisons, il est étrange qu'on veuille l'imiter, au point de vue de l'amélioration morale des détenus.

Le gouvernement ne distingue pas, quoiqu'il y ait en réalité une grande distinction à faire entre les populations anglaises et les nôtres. En Angleterre et en Amérique la grande majorité de la population est protestante, tandis qu'en Belgique presque toute la population est catholique.

Or, on applique dans nos prisons, peuplées de catholiques, les principes relatifs à l'amendement des détenus, que les Anglais croient utile d'appliquer dans leurs prisons, peuplées de protestants.

Il en résulte que les ministres du culte rencontrent toutes sortes de difficultés dans l'accomplissement des devoirs de leur ministère. On est tellement infatué du système anglais et américain, que l'on a donné à nos prisons des règlements calqués sur les règlements anglais ou américains, sans remarquer que les ministres d'un culte qui prescrit la confession auriculaire doivent agir sur le moral des détenus d'une tout autre manière que les ministres d'un culte dans lequel la confession auriculaire n'est pas obligatoire.

Ainsi dans les règlements en usage en Angleterre et en Amérique, on impose aux ministres des cultes l'obligation de se mettre autant que possible en rapport avec les détenus. C'est une bonne chose, je le reconnais, mais à condition qu'en même temps on laisse à nos détenus plus de facilités pour se confesser lorsqu'ils le désirent. Il faut bien le reconnaître, la confession produit des effets bien plus grands que de simples entretiens.

Je soumets ces observations à l'appréciation de M. le ministre de la justice, et je le prie de les prendre en sérieuse considération.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Le but essentiel de l'administration, c'est d'arriver à l'amendement moral des condamnés. Il est évident que c'est dans ce but que le système cellulaire, le système d'isolement a été proposé par le gouvernement et adopté par la législature dans le premier livre du Code pénal. Comme corollaire, comme moyen essentiel de cet amendement moral, il faut admettre l'intervention des ministres du culte. Il a été fait quelques modifications aux règlements nouveaux mis provisoirement en application et dans lesquels une part très grande est faite à l'action religieuse sur les détenus.

Il est possible que, dans les prisons, les aumôniers n'aient pas trouvé suffisamment le loisir, le moyen de visiter les détenus. C'est pour cela que les règlements nouveaux ont été appliqués provisoirement et sauf révision.

Je dois dire qu'à une seule exception près, il n'y a eu aucune réclamation, et que la seule réclamation qui me soit parvenue a fait l'objet d'une correspondance et d'une modification au règlement.

J'aurai égard à l'observation de l'honorable M. Van Overloop. Il me trouvera toujours disposé à favoriser, dans des limites possibles, l'action des ministres du culte sur l'amélioration des détenus.

M. Rodenbach. - J'approuve le nouveau régime pénitentiaire. Mais il est un point que je recommande d'une manière toute particulière à l'attention de M. le ministre de la justice.

Dans les prisons correctionnelles et même dans les autres prisons, il y a toujours un immense avantage pour ceux qui ont de la fortune. Il paraît même que les voleurs qui ont de l'argent y sont favorisés. On les admet dans ce qu'ils appellent la pistole. Là ils se font traiter avec leur argent comme dans un hôtel, ils ont liberté entière, ils reçoivent des amis. Le malheureux, au contraire, qui n'a même commis qu'une faute légère, reste dans l'isolement dans sa prison, Ainsi, en prison aussi, tous les désavantages sont pour celui qui est dépourvu de fortune, et toutes les faveurs sont pour ceux qui ont de l'argent.

- La discussion est close.

Articles 40 à 44

« Art. 40. Gratifications aux détenus employés au service domestique : fr. 34,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Frais d'habillement des gardiens : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Frais de voyage des membres des commissions administratives des prisons, ainsi que des fonctionnaires et employés des mêmes établissements : fr. 11,000. »

- Adopté.


« Art. 43. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 435,000. »

- Adopté.


« Art. 44. Frais d'impression et de bureau : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 45

« Art. 45. Constructions nouvelles, réparations, entretien des bâtiments, y compris 235,000 fr. pour la continuation des travaux de construction d'une prison cellulaire à Courtrai, et 235,000 fr. pour l'acquisition des terrains et les premiers travaux de construction d'une maison de justice civile et militaire à Anvers.

« Charge ordinaire : fr. 160,000.

« Charge extraordinaire : fr. 470,000. »

M. Landeloos. - Messieurs, à l'occasion de cet article, je me permettrai de faire une interpellation à M. le ministre de la justice.

Pour parer aux inconvénients dont on vous a donné connaissance tout à l'heure, un arrêté royal du 23 août 1846 a paru, arrêté par lequel on ordonne la construction d'une maison cellulaire à Louvain. Une convention intervint ensuite entre le gouvernement et l'administration communale de cette ville à l'effet de pouvoir ériger cette prison sur un terrain que la ville devait fournir gratuitement.

Malgré qu le terrain ait été acquis, la prison n'a pas été construite. Je désirerais connaître quels sont les motifs qui ont empêché le gouvernement de faire exécuter à mesure qui avait été décrétée en principe en 1846.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Voici, messieurs, les explications que j'ai données à la section centrale, et qui sont à la page 12 du rapport. Je crois pouvoir m'y référer :

« Le gouvernement justifie ce retard par l'absence d'une loi portant révision du Code pénal, qui semble avoir fait ajourner la construction d'une nouvelle prison à Louvain.

« Il y a deux mois, l'affaire a été reprise ; il a été écrit à l'administration communale de Louvain pour savoir si, dans le cas où le gouvernement se déciderait à y ériger la prison centrale, la ville consentirait à exempter du droit d'octroi les matériaux de construction.

« Jusqu'ici une réponse n'est pas arrivée. »

C'est une affaire de 30,000 à 40,000 fr., et j'attends la résolution de l'administration communale. L'honorable M. Landeloos est, je crois, membre de cette administration, et il pourra contribuer à hâter l'affaire.

M. Landeloos. - Il est très vrai que certaine réponse du gouvernement se trouvait dans le rapport. Mais comme cette réponse ne me paraissait pas tout à fait conforme aux faits qui se sont passés depuis quelque temps, j'ai cru pouvoir me permettre d'interpeller M. le ministre de la justice à cet égard.

A en croire la réponse donnée par le département de la justice, il paraîtrait que le retard qui a été apporté à l'exécution de ce projet résultait de ce que le Code pénal n'aurait pas encore été revisé. Cependant, messieurs, des prisons cellulaires ont été construites à Courtrai, à Liège, à Dînant ; le gouvernement est sur le point d'en construire une à Anvers. Je ne pense donc pas que ce soit le motif qu'on a allégué, qui a empêché le gouvernement d'exécuter le projet primitif. Cependant dès 1846 on avait fait connaître au gouvernement les divers abus dont s'est plaint tout à l'heure l'honorable M. Tesch. On a fait voir en outre que la prison de St.-Bernard était tellement encombrée qu'il était urgent, pour prévenir la morlalité, d'y pourvoir et de déverser le trop plein dans d'autres prisons.

Diverses commissions ont été instituées par le gouvernement pour examiner cette question, et il est résulté du rapport unanime de ces commissions, que l'emplacement le plus favorable était Louvain.

Il avait également été convenu qu'en présence des sacrifices que s'imposait cette ville, on aurait immédiatement mis la main à l'œuvre.

Rien ne peut donc dispenser le gouvernement d'exécuter cet arrêté royal. Et il le peut d'autant moins que des fonds destinés à cet objet ont été votés dans la loi de 1851 relative aux travaux publics, et que d'autres sommes sont encore réclamées dans l'article 45.

M. Delehaye, rapporteur. - Je crois, messieurs, que nous ferons bien d'engager le gouvernement à persister dans les offres qu'il a faites à la ville de Louvain. Il ne renonce pas à la construction de la prison dont il s'agit, mais il demande que, puisque la ville de Louvain va retirer un grand avantage de cette construction elle consente à ne pas percevoir les droits droits d'octroi sur les matériaux qui seront employés.

Cette demande me paraît juste ; il est certain qu'une prison est une source de revenu pour une localité. Nous en avons la preuve à Gand, et si le gouvernement voulait y construire une seconde prison à condition que les matériaux fussent exemptés du droit d'octroi, nous y consentirions bien volontiers.

La prétention du gouvernement n'est d'ailleurs pas nouvelle ; la même condition a été faite à d'autres localités qui ont obtenu des prisons. Je crois donc que nous devons engager le gouvernement à persister dans sa résolution.

M. de La Coste. - Je demanderai à M. le ministre si la même (page 1379) condition a été imposée aux villes de Bruxelles, de Liège, de Verviers, d'Anvers, pour construction de leur prison.

M. Tesch. - Messieurs, il y a une différence entre la prison que l'on se propose de construire à Louvain et les prisons construites à Verviers, à Liège et à Anvers ; ces dernières ne sont destinées qu'à être des maisons d'arrêt et de justice, tandis que la prison de Louvain doit être une prison centrale qui remplacera Saint-Bernard et qui contiendra à peu près le maximum de cellules que le système comporte.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Voici, messieurs, ce qui est à ma connaissance : pour les prisons de Courtrai et de Verviers, l'affranchissement des droits d'octroi a été accordé ou promis. C'est en me fondant sur ces précédents que j'ai fait la même demande à la ville de Louvain. Je ne suis pas en position de répondre en ce qui concerne les autres villes ; mais il me semble que ce que vient de dire l'honorable M. Tesch expliquerait jusqu'à un certain point pourquoi dans d'autres localités il n'en a pas été de même.

M. David. - La ville de Verviers a abandonné les droits d'octroi sur tous les matériaux de construction et elle a perdu ainsi une somme de 25,000 fr.

- L'article est adopté.

Articles 46 à 48

« Art. 46. Honoraires et indemnités de route aux architectes, pour la rédaction de projets de prisons, la direction et la surveillance journalière des constructions (charge extraordinaire) : fr. 22,000. »

« Art. 47. Traitement et frais de route du contrôleur des constructions dans les prisons (charge extraordinaire) : fr. 6,000. »

« Art. 48. Achat et entretien du mobilier dans les prisons. Frais de couchage des gardiens, des surveillants et des détenus : fr. 55,000. »

Deuxième section. Service des travaux
Article 49

« Art. 49. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 570,000. »

M. Vander Donckt. - Messieurs, nous trouvons à cet article un crédit de 2,628,000 fr., qui a été accordé en grande partie à la prison de Saint-Bernard, pour la fabrication de toiles russias. Eh bien, messieurs, c'est là aujourd'hui une concurrence que l'on fait à l'industrie privée. Quatre industriels du pays ont offert dans le temps de faire la même opération en se soumettant à toutes les conditions du gouvernement.

- Des membres. - C'est fini.

M. Vander Donckt. - Comment ! c'est fini ; je lis dans le rapport qui nous est soumis que la commission administrative de la prison estimait à 370,000 fr. le crédit nécessaire pour continuer la fabrication jusqu'au 31 décembre 1853 ; il n'est donc pas question d'en finir. (Interruption.)

J'appelle l'attention de la chambre et du gouvernement sur la concurrence que l'administration de la prison de Saint-Bernard fait à l'industrie privée. C'est un véritable abus, et je puis assurer le gouvernement qu'on trouvera des industriels du pays qui feront ce que fait l'administration de la prison, car dans une proportion aussi considérable du cercle de ses opérations, il est impossible qu'elle se borne au travail des prisonniers ; elle forme une concurrence fort nuisible à l'industrie privée, et je pense qu'il est plus que temps que cela finisse.

M. Delehaye. - Je comprendrais qu'on signalât cette fabrication comme hostile à l'industrie privée, si elle était venue lui faire concurrence ; mais lorsque la fabrication des russias a été introduite à Saint-Bernard, elle n'existait pas dans le pays.

Ensuite, messieurs, l'administration de Saint-Bernard n'a travaillé que pour l'exportation. Cela a produit les meilleurs résultats ; on a introduit ainsi dans le pays une industrie qui y était inconnue.

L'honorable membre a dit qu'il faut encore un supplément de crédit ; mais c'est précisément pour pouvoir exécuter les dernières commandes acceptées par la commission. Il s'agit donc de mettre un terme aux travaux qui ont été entrepris. Du reste, il résulte des renseignements qui nous ont été fournis que ces opérations n'ont rien coûté au trésor et qu'elles ont eu pour résultat de placer pour une somme importante de produits nationaux sur les marchés étrangers.

M. Tesch. - Messieurs, il ne faut pas, à propos du travail des prisons, confondre deux choses essentiellement distinctes. En 1847 et en 1848, on a établi à Saint-Bernard une véritable industrie, c'est-à-dire qu'on ne s'est pas borné à donner du travail aux prisonniers, mais que l'administration a fait travailler au-dehors, a donné du travail aux ouvriers libres.

Je pense que cette combinaison industrielle doit être abandonnée maintenant et qu'on ne doit plus faire travailler que par les prisonniers.

Tout ce que l'administration peut faire, c'est de chercher à introduire dans les prisons, quand cela est possible, des industries qui n'existent pas dans le pays ; mais qu'on veuille proscrire le travail dans les prisons parce qu'il ferait concurrence au travail libre, c'est ce qu'il est impossible d'admettre.

Il faut que, dans les limites du possible, le prisonnier par son travail couvre la dépense qu'il occasionne ; il faut que le prisonnier soit moralisé par le travail ; il faut qu'à sa sortie de prison le prisonnier ait conservé l'habitude du travail, ait même appris un métier pour gagner sa vie. Quant à la question de concurrence que le travail des prisons fait à l'industrie privée, je suis prêt à la discuter et à prouver que sous ce rapport les craintes, s'il y en a, sont très peu fondées.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, sous peu de jours je déposerai un projet de loi ayant pour but d'accorder au gouvernement une allocation égale à celle dont il est fait mention au rapport du budget. Il sera fait alors un rapport à la chambre sur la fabrication dont il s'agit et dont les résultats ont été extrêmement avantageux.

Je pense que la discussion qui vient de s'ouvrir trouvera mieux sa place dans les débats sur ce projet de loi.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 50 à 52bis

« Art. 50. Gratifications aux détenus : fr. 165,000. »

- Adopté.


« Art. 51. Frais d'impression et de bureau : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 52. Traitements et tantièmes des employés : fr. 85,000. »

- Adopté.


« Art. 52bis. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration des prisons : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Frais de police

Article 53

« Art. 53. Mesures de sûreté publique : fr. 58,000. »

M. Orts. - Messieurs, dans les frais que cet article est destiné à couvrir se trouvent les mesures de police qui concernent les étrangers. Au milieu des circonstances actuelles je conçois que ces mesures doivent être souvent plus rigoureuses que ne le voudrait le gouvernement lui-même.

Néanmoins je désire que le gouvernement use de la plus large tolérance possible à l'égard des étrangers que les événements politiques amènent sur notre sol et qu'il n'oublie jamais que la Belgique est une terre d'hospitalité.

Partant de ce principe, je soumettrai à l'attention de M. le ministre de la justice un fait qui me paraît dépasser l'accomplissement du devoir rigoureux que je viens de signaler.

Parmi les étrangers qui se trouvent exilés sur notre sol, plusieurs se voient obligés de pourvoir à leur existence par leur travail. A mon avis, ceux qui ennoblissent ainsi une misère si digne de respect sont les plus respectables de tous. Un de ces exilés se proposait d'ouvrir à Bruxelles un cours public, qui ne pouvait être évidemment que très utile et parfaitement inoffensif. Il annonçait un cours d'histoire du droit, et je ferai remarquer en passant à la chambre qu'il n'y a rien de moins politique que le droit scientifiquement enseigné.

Toutefois, il paraît que ce réfugié a été averti qu'il n'obtiendrait pas l'autorisation de faire un tel cours ; il a déclaré, dans la leçon d'ouverture qu'il a pu donner par tolérance, que tel était le motif pour lequel il se bornait à cette seule leçon inaugurale.

Défendre préventivement aux réfugiés qui se trouvent dans notre pays l'usage des moyens qui sont à leur disposition pour pourvoir à leur subsistance, c'est dépasser toutes les limites du devoir gouvernemental en cette matière. Que le gouvernement sévisse, quand l'étranger abuse de ce qui pourrait être son droit, je le comprends ; mais prendre une mesure préventive, lorsque rien ne peut faire soupçonner d'avance que ce qu'on se propose de faire sera dangereux, c'est aller trop loin. Je désire que ces faits ne se reproduisent plus. En les signalant à M. le ministre de la justice, j'espère que mon but sera atteint.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, le gouvernement a usé de tolérance à l'égard de quelques étrangers qui avaient ouvert, dans divers établissements, des cours soit gratuits, soit rétribués, sur certaines branches des connaissances humaines : Il a vu que l'ouverture successive de nouveaux cours marquait une tendance à constituer un enseignement en dehors de celui qui se donne par l'Etat ou par des personnes appartenant à la Belgique ou établies en Belgique. Il a pensé qu'il convenait d'arrêter cette tendance, et tout en respectant l'espèce de droit acquis par ceux qui donnaient des leçons régulières, il a cru devoir s'opposer à l'ouverture d'autres cours, une extension trop grande de ces cours pouvant donner lieu à des abus.

(page 1380) M. Roussel. - Messieurs, j'ai bien compris M. le ministre de la justice, le gouvernement aurait pris ces mesures préventives pour empêcher qu'on ne fasse concurrence à l'enseignement public et privé du pays.

J'appartiens à un établissement libre, mais je dois m'élever contre ces mesures ; nous ne les avons pas demandées ; nous n'en voulons pas.

Messieurs, la Belgique est une terre de liberté, et surtout de liberté d'enseignement. C'est le seul pays en Europe où le principe de la liberté d'enseignement ait germé. C'est une gloire pour la nation belge d'avoir proclamé et exécuté ce principe.

Je pense que M. le ministre de la justice fera très bien de laisser les étrangers qui sont admis sur notre territoire, enseigner toutes les branches des connaissances humaines, tant qu'ils ne professent point de doctrines dangereuses, qu'ils ne contreviennent pas aux lois et qu'ils ne mettent pas en danger nos institutions.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 3/4 heures.