(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1113) pM. Maertens rocède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens fait connaître l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« M. Vanhamme, ancien militaire, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Mont-Sainte-Aldegonde prient la chambre d'accorder au sieur Rasquin la concession d'un chemin de fer de Beaume à la Sambre et à la ligne ferrée d'Entre-Sambre-et-Meuse. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Roux-Miroir déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Jodoigne, relative à la construction d'un chemin de fer de Jemeppe à Diest, avec embranchement de Gembloux à Fleurus. »
- Même renvoi.
« Le sieur Clermont demande une loi qui interdise aux bourgmestres, aux échevins chargés de la police ou de l'état civil, aux secrétaires communaux et aux gardes champêtres de tenir boutique ou cabaret, soit par eux, soit par leurs femmes ou leurs enfants célibataires résidant dans la commune où ils remplissent leurs fonctions. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Durbuy demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »
« Même demande d'électeurs de Tohogne. »
« Même demande du bourgmestre et d'autres électeurs à Izier. »
« Même demande d'électeurs à Tavier. »
« Même demande du bourgmestre et d'autres électeurs à Wavreille. »
« Même demande du bourgmestre et d'autres électeurs à Ouffet. »
« Même demande d'électeurs à Bende et à Jusseret. »
« Même demande d'électeurs à Borlon. »
« Même demande des échevins, de conseillers communaux et d'autres sélecteurs à Nandrin. »
« Même demande d'électeurs à Melsbroek. »
« Même demande d'électeurs à Peuthy. »
« Même demande d'électeurs à Terwagne. »
« Même demande des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'autres électeurs d'Habay-la-Vieille. »
« Même demande d'électeurs et conseillers communaux à Rulles. »
« Même demande d'électeurs et conseillers communaux à Rossignol. »
« Même demande du bourgmestre, échevins, conseillers communaux et autres éecteurs à Villers-sur-Semois. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Longchamps demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes nommant chacun un représentant et que l'élection se fasse au chef-lieu de canton. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Lens-sur-Geer demande qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
« Même demande des membres de l'administration communale et d'électeurs de Xhendremael. »
« Même demande de conseillers communaux et d'autres habitants de Meix-devant-Virton. »
« Même demande des membres de l'administration communale et d'électeurs à Hives. »
- Même renvoi.
« Par dépêche en date du 21 avril le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Torgny, province de Luxembourg. »
- Pris pour notification.
« Le sénat renvoie le projet de loi relatif aux concessions de péages amendé.
« Le sénat a fait disparaîtie la disposition que la chambre avait ajoutée au projet de loi. » »
- Ce projet est renvoyé il la section centrale primitivement chargée d'examiner le projet.
M. Coomans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale, qui a été chargée d'examiner les modifications relatives à la loi sur la garde civique.
M. de Haerne. - Il paraît que le rapport ne pourra être distribué que lundi ; je demande que la reprise de la discussion soit fixée à mercredi ou jeudi afin qu'on puisse avoir un jour franc pour examiner ce rapport qui, dit-on, est très long.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable préopinant ; mais si la discussion des modifications proposées à la loi sur la garde civique ne peut pus avoir lieu lundi, je demanderai qu'elle soit fixée à vendredi.
- Cette proposition est adoptée.
La discussion continue sur l'article 8 et les amendements.
M. Allard. - Messieurs, hier l'honorable ministre des finances disait :
« L'honorable M. Allard, qui a cru sauver les finances de Tournai par son amendement, s'est complètement trompé ; si l'on admettait l'amendement dans son entier, les finances de Tournai y perdraient plutôt qu'elles n'y gagneraient. En effet, que propose l'honorable M. Allard ? Il propose de fixer le maximum des taxes communales à la moitié (au lieu du tiers) du montant de l'accise ; il veut ensuite que le maximum du droit à l'entrée des villes soit de 2 fr. 50 c. au lieu de 1 fr. 50 c, chiffre proposé par le gouvernement. En tenant compte des importations et des exportations faites à Tournai, je vois en effet que le trésor communal pourrait recevoir 32 mille francs. Or, avec la législation que nous proposons, la ville de Tournai percevrait 42 mille fraucs. De sorte qu'elle perdrait 10,000 fr. à ce changement, »
Messieurs, l'honorable ministre s'est complètement trompé, chacun le comprendra, car la ville de Tournai, qui reçoit 19 fr. 95 c. par hectolitre de genièvre venant de l'extérieur, n'en recevrait, d'après le projet, que 8 fr. 64c. Il y aurait donc une perte réelle. En effet, la ville reçoit sur les genièvres importes 33,787 fr. 14 c., cela représente 18 mille hectolitres environ de genièvre à 50 degrés. Elle perçoit depuis plus de 30 ans, d'après le tarif en vigueur, 75 centimes par jour et par hectolitre de cuve-matière. Depuis 1830 jusques et inclus 1852, elle a reçu 6,625 fr. 63 c, soit une mise en macération de 8,834 hectolitres à 7 p.c, donnant 618 hectolitres à 50 degrés G. L.
Au lieu de percevoir davantage, c'est le contraire qui arrivera, si la proposition du gouvernement ou plutôt celle de la section centrale est adoptée ; ce n'est plus 40,413 fr. 37 c. qu'elle percevra, mais seulement 18 mille et quelques cents francs.
L'honorable M. Vander Donckt disait que les villes s'opposaient au progrès. Oui, elles s'opposent au progrès de la consommation du genièvre, au progrès de l'ivrognerie qui augmente de jour en jour. Cette boisson démoralise nos populations. Je dirai que les bagnes et les bataillons de punition sont peuplés d'un grand nombre d'individus qui ont commis des crimes ou des délits, se trouvant en état d'ivresse. Que l'on consulte les causes soumises au conseil de guerre, par exemple, l'on verra que ce que j'avance est de la plus exacte vérité, on verra que sur cent prévenus militaires, quatre-vingt-dix au moins se trouvent en état d'ivresse au moment de leur arrestation.
Je ne dirai qu'un mot de la fraude dont on a parlé, c'est qu'elle est impossible dans les villes. Outre les employés du gouvernement qui sont très nombreux dans les villes, nous avons des employés de l'octroi qui surveillent nos distilleries, et je défie un distillateur de frauder.
J'engage donc la chambre à adopter mon amendement. Autrement une perturbation sera apportée dans nos finances communales, et nos populations se livreront de plus en plus à l'ivrognerie.
M. le président. - M. de Steenhault vient de déposer un sous-amendement à l'amendement de MM. Mercier et Mascart, qui consiste à. y ajouter ces mois : « Le gouvernement déterminera les bases d'après lesquelles ces charges seront établies. »
La parole est à M. de Steenhault pour développer ce sous-amendement.
M. de Steenhault. - L'amendement présenté à la fin de la séance d'hier par les honorables MM. Mercier et Mascart, a le mérite incontestable de déterminer d'une manière nette et précise quelles sont les bases d'après lesquelles doivent êlre établies les charges résultant de l'octroi à l'entrée des villes. Mais a mes yeux, messieurs, cet amendement est incomplet ; il dit bien que le droit à l'entrée des villes ne peut excéder les charges qu'elles font peser sur le combustible et les matières premières servant à la distillation. Mais comme ces droits devront être calcules à raison des quantités employées et que rien à cet égard n'est déterminé, il peut encore en résulter des bigarrures, des anomalies de ville à ville qu'il importe d'éviter, et certes de ne pas provoquer. Mon amendement remédie à cet inconvénient.
Le gouvernement possède tous les éléments nécessaires pour établir (page 1114) une moyenne des quantités de matières à porter en compte. Rien ne lui est donc plus facl'e que d'établir une base sur laquelle les communes auront à se régler, et qui de cette façon donnera aux octrois ce caractère d'uniformité que vous cherchez à obtenir, mais que sans cela vous ne réussirez pas encore à leur donner.
Cet amendement admis, il m'est assez indifférent qu'on pose le chiffre d'un franc ou d'un franc 50 c.
Permettez-moi de dire deux mots du franc et du franc 50 centimes.
Plusieurs honorables membres ont prétendu qu'un franc 50 c. n'était pas suffisant parce que l'on ne tenait pas compte des loyers, de la main-d'œuvre, des charges diverses plus élevées dans les grands centres de population.
Je ne puis, messieurs, me rallier à cette manière de voir.
Pour moi, messieurs, quant aux conditions particulières dont il faut tenir compte aux distillateurs urbains, je distingue entre les droits d'octroi qu'ils ont payés sur les matières premières servant à leur fabrication et qui augmentent le prix de revient et les charges qui pèsent sur eux, non à cause des octrois, mais à cause de leur position dans une ville, dans un centre de population.
Je suis tout disposé à tenir compte des premiers, et cela largement. Quant aux charges qui dérivent de leur situation, qui ne sont pas directement le résultat des octrois, je dis qu'il n'y a pas lieu de s'en occuper, car elles ont leur compensation. S'il y a perte, il y a aussi avantage. Les distillateurs ruraux, comme ceux des villes, ont aussi des inconvénients qui résultent de leur situation, tout comme ils en ont les profits. L'un vaut l'autre dans ce cas.
Qu'on tienne compte des droits d'octroi payés sur la nourriture des ouvriers, les fourrages, les matériaux, les charbons, quoique dans bien des localités ils soient plus chers qu'en ville, à cause du transport ; je le conrede bien volontiers ; veuillez jeter un coup d'œil sur un mémoire qui vous a été adressé. Les calculs y sont assez clairement établis, et on n'y arrive qu'à 50 centimes, tout au plus ; c'est le double, il n'y a donc pas lieu de réclamer de ce chef. Quant aux augmentations de charges qui sont le résultat de leur position, quelles sont-elles ? L'entretien de ces bâtiments.
Ne comptez-vous pour rien les taxes communales qui à la campagne sont souvent fort élevées ? Ne comptez-vous pour rien les chances d'engraissement du bétail, les pertes considérables dont nous avons été souvent témoins ? Le distillateur urbain n'a de ce côté aucune chance à courir ; il vend tous les jours ses résidus et les vend fort cher. Voyez ce qui se passe à Anvers.
Quant à la main-d'œuvre, elle est plus élevée, oui et non. Elle est plus élevée pour les ouvriers subalternes ; mais quant aux chauffeurs, aux mécaniciens, il faut les payer aussi largement, peut-être plus largement que dans les villes.
Ne tenez vous pas compte non plus qu'il faut à la campagne plus d'ouvriers que dans les villes, pour le charriage, pour les étables ? Ceci compense bien un peu le salaire plus élevé des ouvriers dans les villes.
Ensuite ne comptez-vous pour rien les nombreux attelages qu'il faut à la campagne ? En ville un cheval ou deux suffisent, à la campagne, dans les grandes usines, il en faut 10 à 12.
Ne prenezvous pas non plus en considération l'avantage immense de se trouver au centre des consommateurs, d'avoir ces consommateurs à sa porte, de ne pas avoir à transporter ses produits, et ensuite quand on veut les transporter, d'être à proximité du chemin de fer ?
Je le répète, parce que j'en suis convaincu, il n'y a lieu à tenir compte de ce qui dérive de la situation d'une distillerie dans un centre de population, pas plus qu'il n'y a lieu de tenir compte aux distilleries rurales de leur éloignement. Il y a, de part et d'autre, perte et bénéfice.
Si vous dépassez le chiffre des droits payés sur les matières premières, vous commettez une iniquité vis-à-vis des autres industries qui ont leur siège dans les villes et qui devront payer les primes que vous donnerez aux distillateurs. Cette exception en faveur des distilleries est déjà une injustice ; car aucune autre industrie ne jouit des mêmes avantages.
Ainsi les ébénistes, les teinturiers payent des droits d'octroi sur les matières et ou ne leur rembourse pas ces droits à la sortie de leurs produits.
Les brasseurs ont déjà réclamé, et ils ont raison, et ils ont bien fait. Car on devrait leur rembourser les droits perçus sur les matières premières tout aussi bien qu'aux distillateurs.
En accordant aux distillateurs une restitution supérieure aux droits d'octroi et en étendant ce principe, je demande où en seraient bientôt les finances communales.
Je ce crois donc pas que vous puissiez donner votre assentiment à une mesure de ce genre.
L'amendement que l'honorable M. Mercier a déposé et le sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter écartent complètement cet inconvénient, et j'espère que vous voudrez bien les admettre,
M. de Theux. - Messieurs, je n'ai qu'un seul mot à ajouter aux observation que vient de présenter l'honorable M. de Steenhault et qui me paraissent réellement irréfutables.
Si l'établissement d'une distillerie dans les villes à cause de l'acquisition du terrain, de la cherté de la main d'oeuvre, est plus dispendieux qu'à la campagne, il ne faut cependant pas s'exagérer cette dépense. Car par contre à la campagne, la plupart des matériaux servant à la construction des distilleries et à leur entretien sont infiniment plus chers ; ainsi, la chaux, le bois, les briques, le fer, les machines à vapeur, tout cela revient à un prix bien supérieur au prix de ces mêmes matériaux pour les villes. Ceux qui ont bâti à la ville et à la campagne savent cela par expérience ; ce sont des faits incontestables. Mais ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que lorsqu'on s'établit dans une grande ville où le terrain est cher, on y a un grand centre de commerce, on y a des moyens de débit et des facilités de transport qu'on n'a pas à la campagne. C'est aussi pour cela que les industries tendent à se fixer dans les grands centres de population ; c'est à cause des avantages qu'on y rencontre.
Ainsi, en réalité, on ne devrait tenir compte que des octrois sur les charbons. Comme les droils les plus élevés sont de 20 c. par 100 kilog., et que l'on ne consomme que 150 kilog. de charbon pour la cuisson d'un hectolitre de genièvre, il ne faudrait admettre de déduction que de ce chef. C'est la seule qui soit vraiment raisonnable. Par ce motif, j'appuie l'anendement de MM. Mercier et Mascart. Ce serait au gouvernement à déterminer le droit à l'entrée des villes, d'après les charges particulières qui pèsent sur la fabrication du genièvre dans les différentes villes.
Il est évident que c'est surtout dans les plus grandes villes que sont les plus grands établissements. Or, les frais généraux sont moins considérables dans les établissements de premier ordre. Ils sont plus considérables à mesure que l'établissement perd de son importance.
Je crois donc que la chambre fera bien d'adopter l'amendement de MM. Mercier et Mascart et le sous-amendement de M. de Steerihault.
Cependant je ne me rallie pas à l'observation de l'honorable M. de Steenhault qu'il est indifférent que le maximum soit fixé à 1 fr., 1 fr. 50 ou 2 fr. 50. Je crois qu'il faut adopter 1 fr. comme maximum, puisqu'il a été démontré à suffisance que les frais particuliers établis dans quelques villes ne peuvent excéder même 1 franc.
M. Dumortier. - Je désire dire à la chambre quelques mots sur l'article en discussion, et cela pour appuyer l'amendement qu'a présenté l'honorable M. Allard.
La discussion du projet de loi qui nous occupe a été l'occasion d'un nombre infini de réclamations : ce sont les réclamations des cultivateurs des communes contre tout ce qui peut être relatif aux distillateurs des villes. Ce sont les distillateurs agricoles qui réclament contre les autres distillateurs. On est venu demander des primes à la sortie. En un mot, ce sont des réclamations de tout le pays. D'où cela provient-il ? D'une seule chose : de ce que la loi de 1833 était une mauvaise loi, de ce qu'on a eu grand tort, en 1833, de porter une loi nouvelle, et qu'il eût cent fois mieux valu conserver la loi de 1822, qui rapporterait maintenant dix millions au trésor public.
Par la loi de 1822, le distillaleur était soumis à un exercice ; la condition du distillateur soumis à un exercice n'est pas plus vexatoire que celle de toutes les sucreries indigènes, qui sont soumises à un exercice.
Entrez dans une sucrerie indigène, vous y trouverez trois employés des accises chargés de surveiller les opérations. Eh bien ,jamais il n'y en a eu davantage dans les distilleries, et cependant vous n'avez pas entendu de réclamations du chef de vexations, d'arbitraire, exercés dans les sucreries indigènes. Ainsi les vexations ne sont ici qu'un prétexte et cela ne soutient pas l'examen.
D'un autre côté, messieurs, si la loi de 1822 était restée en vigueur mais, mon Dieu la concurrence avec la Hollande s'établissait d'elle-même ; qu'est ce qui fait que la Hollande peut concourir avec avantage contre vos produits ? Mais l’honorable M. Delehaye l'a dit avec raison, c'est la levure qu'on peut obtenir sous la loi de 1822 et qu'on ne peut pas obtenir sous la loi qui nous régit. Or, il entre en Belgique pour 4 millions de francs de levure.
Si ces 4 millions étaient répartis entre nos distillateurs ce serait pour eux un grand avantage dont ils sont privés aujourd'hui. La Hollande, grâce au changement que nous avons introduit dans la législation, est arrivé à avoir le monopole de la levure.
Maintenant, sous la loi de 1822 toutes ces réclamations n'existaient pas, personne ne réclamait, il n'y avait de privilège ni pour les villes ni pour les campagnes : l'impôt payé était l'impôt remboursé.
On objecte à l'amendement de l'honorable M. Allard deux choses : la possibilité de la fraude et la difficulté de régler la prime d'exportation dans les villes. Eh bien, messieurs, ces arguments ne me touchent pas le moins du monde, et je crois pouvoir démontrer à la chambre qu'ils ne sont nullement fondés.
L'honorable ministre des finances est venu dire hier que si on élève le droit au-dessus de 2 fr. il y aura fraude.
Je vous ferai remarquer, messieurs, que ce système a varié suivant toutes les positions qu'ont prises les ministères présents et passés. Lorsque, en 1833, on est venu proposer de mettre le droit à 22 centimes par hectolitre, ou disait que si on le mettait à 30 centimes il y aurait fraude.
Plus tard, lorsqu'on a voulu élever le droit et le porter à 32 centimes,, on nous a dit : Nous avons fait des expériences, vous pouvez admettre le chiffre de 32 centimes, mais si vous allez à 40, il y aura fraude.
En 1847, on a élevé le droit jusqu'à 57 centimes et on a dit : Si vous allez jusqu'à 60 il y aura fraude.
Ou a porte le droit à 1 fr.,et on a dit qu'à 1 fr. 20 c. il y aurait fraude. M. Frère a proposé d'élever le droit à 1 fr. 50 c, et il a dit qu'il n'y avait pas de danger de fraude. Vous le voyez, messieurs, cet argumen( (page 1115) de la fraude ne signifie absolument rien : on trouve d'abord qu'il y aurait fraude avec un droit de 30 centimes, et on finit par reconnaître qu'avec un droit de 1 fr. 50 c. il n'y a pas de possibilité de fraude. Cet argument a toujours été approprié aux besoins de la cause.
Maintenant, mefsieurs, je suppose que l'amendement de l'honorable M. Allard soit admis, je suppose que les villes puissent établir un droit égal ou même supérieur au tiers de l'accise. Eh bien, que fraudera-t-on ? Mais si l'on fraude, ce sera du genièvre qui est en consommation dans l'intérieur du pays. Ainsi il n'est pas impossible qu'on introduise en fraude dans la ville de Bruxelles, du genièvre qui se trouve à Vilvorde. Mais ce genièvre a payé les droits au gouvernement, et, si on le fraude, on ne fraudera que l'octroi de la ville de Bruxelles. Or, l'octroi de la ville de Bruxelles ne se perçoit pas au profit du trésor public.
Dès lors la question de fraude est ici sans application, l'objection tirée de la crainte de la fraude ne tient pas, car la fraude n'est pas possible. L'unique fraude qui pourrait se faire aurait lieu au préjudice de l'octroi des villes. Cela importe peu au gouvernement ; le trésor est désintéressé ; les villes chercheront et trouveront bien les moyens d'établir une surveillance suffisante pour empêcher la fraude ; c'est ainsi que l'administration de la ville de Bruxelles est parvenue à réprimer la fraude qui se faisait à l'intérieur comme à l'entrée de la capitale. La recette de l'octroi dépasse aujourd'hui 300,000 fr. sur cet objet.
C'est une mesure qui n'a rien de commun avec la perception faite au profit du trésor public. S'il arrive qu'au moyen de l'amendement de M. Allard, il y ait plus de tentation de frauder, ce sera pour le genièvre mis en consommation, sans toucher au droit du trésor. Dès ïors, je le répète, le trésor est désintéressé dans la surveillance à exercer.
Maintenant l'argument est celui-ci : On fera tort à la production. S'il est un argument qui ne me touche pas, c'est celui-là. Je ne puis pas admettre que la production doive être prise en considération dans la loi que nous discutons, parce qu'il n'y a pas de production qui porte plus à la démoralisation que celle du genièvre ; au lieu d'en encourager l'usage désordonné, un législateur sage doit faire ce qu'il peut pour le restreindre.
Quand en 1833 nous avons réduit à 22 centimes le droit par hectolitre de matière macérée, les réclamations de toutes les villes ont assiégé votre bureau, parce que la consommation était devenue tellement considérable, qu'elle présentait le caractère d'une véritable calamité publique, La consommation s'est élevée jusqu'à 100 litres en moyenne par individu. (Interruption.)
Je me rappelle que des réclamations ont eu lieu de toutes parts, tous ceux qui siégeaient alors dans cette chambre peuvent se le rappeler, un grand nombre de membres se sont levés dans cette enceinte pour réclamer contre les désordres qui résultaient de l'abus des boissons alcooliques.
La question de production ne doit donc pas être prise en considération. Si vous prenez ce point en considération, vous arrivez à ce résultat qu'il faut encourager la consommation des boissons alcooliques. Que deviendra alors la moralité du peuple ?
Il est donc évident qu'il n'existe aucun motif fondé de s'opposer à ce que les villes, toujours sous l'approbation du gouvernement, puissent établir des octrois suffisants sur les boissons alcooliques.
Il ne faut pas que les villes établissent l'une vis-à-vis de l'autre des rayons de douane. Nous vivons depuis peu trop sous le régime des douanes municipales. Mais, veuillez fixer votre attention sur ce point, depuis quelle époque vivons-nous sous ce régime, depuis quand on a songé à établir à l'entrée des villes des droits sur les objets fabriqués dans d'autres villes, sur les meubles et autres produits ?
Depuis qu'on a transformé la loi sur le genièvre ; c'est la perte qu'a amenée pour les villes cette transformation qui a nécessité l'établissement de ces lignes de douane à la porte de chacune de nos villes. Le motif est excessivement simple. Quand les villes avaient formé leur budget, elles avaient compté sur le produit du droit sur les boissons alcooliques ; en abaissant l'impôt sur cet objet, vous avez fait que les recettes sont venues à manquer ; on a établi alors des droits sur une foule d'objets, ce qui constitue pour les villes un régime de protection douanière les unes vis-à-vis des autres et contre lequel M. le ministre des finances s'est élevé.
L'introduction de ce régime est venue du brusque abaissement de l'impôt sur le genièvre qui constituait une des bases principales des ressources publiques ; cette ressource étant venue à manquer, on a dû la chercher ailleurs.
Il est à désirer qu'on laisse aux villes la faculté d'établir des droits élevés sur les boissons qui se consomment à l'intérieur de leurs murs.
Mais j'adopte aussi les arguments présentés par M. Mercier en faveur de la suppression des droits établis en faveur des distilleries situées dans l'intérieur des villes ; c'est un système de protection en faveur de l'industrie des villes au moyen de l'argent des contribuables. J'engage M. le ministre à faire tout ce qui est en son pouvoir pour y mettre un terme.
Il suffit d'autoriser le gouvernement à prendre des mesures pour empêcher qu'il y ait préjudice pour personne par suite des tarifs adoptés.
Vous prendrez en considération la position spéciale de la ville de Tournai ; il lui serait difficile de marcher, si vous lui enlevez le produit de l'octroi sur les boissons distillées. A Tournai il n'y a que quatre impôts : l'impôt sur la bière, l'impôt sur le vin, l'impôt sur le genièvre et l'impôt sur la viande. Voilà tous les revenus de la ville. Il n'y a là aucune espèce de droit de douane. Si vous supprimez la ressource qu'élle retire de l'impôt sur le genièvre, vous l'obligerez à établir aussi son petit rayon de douane. Je voudrais qu’au lieu d’entrer dans ce système on élevât le droit davantage partout, afin de supprimer ces petits rayons de douane qui exostent dans tout le pays.
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. Prévinaire (contre la clôture). - Je voudrais dire quelques mots au point de vue de l'intérêt financier des communes.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je tâcherai d'être très bref. Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Dumortier sur le principe même de l'article, c'est-à-dire que nous voulons tous les deux qu'il n'y ait plus de privilège pour personne, que les distillateurs intra muros et extra muros soient placés sur la même ligne. Mais je m'efforcerai de faire voir qu'il y a quelque confusion dans ce que l'honorable membre a dit à la chambre.
En effet, le privilège que la ville peut accorder aux distillateurs intra muros peut exister de deux manières différentes : la ville peut leur donner un privilège, en leur accordant une décharge trop grande. Par exemple, si un distillateur intra muros paye à la ville fr. 7 14 par hectolitre d'eau-de-vie fabriquée, et si, en vendant cet hectolitre hors de l'enceinte de la ville, il reçoit en restitution 10 ou 15 francs, évidemment, il obtient un avantage qui est au détriment des distillateurs qui sont extra muros. Voilà la première manière de favoriser les distillateurs intra muros.
Le second moyen, c'est de frapper le genièvre d'un droit qui dépasse de beaucoup le taux du droit payé sur la fabrication, outre le droit différentiel d'un franc ou d'un franc et demi...
M. Dumortier. - Je ne veux ni l'un ni l'autre.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Le point sur lequel nous différons est celui-ci : c'est que vous voulez laisser à la ville la latitude la plus absolue pour établir son octroi sur le genièvre qui se consomme dans son enceinte. Eh bien, savez-vous à quel résultat on arrive, notamment pour Tournay ?
C'est qu'il faudrait, pour assurer à cette ville le revenu qu'elle a aujourd'hui en n'accordant de privilège à aucune catégorie de distillateurs, établir un octroi communal de 1 fr. 16 c. par 7 litres, c'est-à-dire 16 fr. 57 c. par hectolitre. (Interruption de M. Allard.)
C'est le système de l'honorable M. Dumortier, puisqu'il n'adopte pas votre amendement intégralement.
M. Dumortier. - Pardon.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - C’est impossible. L'honorable M. Allard permet d'établir un droit différentiel de 2 fr. 50 c. et à cette partie de l'amendement vous ne vous ralliez pas.
Il y a donc cette difference entre les honorables MM. Dumortier et Allard que l'honorable M. Dumortier veut, par des droits équivalents, pour retrouver les 42,000 fr. que perçoit aujourd'hui le trésor communal : il abolit le droit différentiel ; eh bien, pour recouvrer ces 42,000 fr., il faudra élever la taxe communale sur la fabrication à 16 fr. 57 c. par hectolitre. Or, l'Etat perçoit 21 fr. 45 c. par hectolitre, et la ville de Tournai percevrait 16 fr. et quelques centimes.
M. Allard. - Par mon amendement Tournai ne recevrait plus que 13 fr. 22 c. par hectolitre venant de l'extérieur au lieu de 19 95 qu'elle perçoit actuellement.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je parle du système de l'honorable M. Dumortier, je ne puis pas réfuter deux système à la fois.
Eh bien, je dis que l'honorable M. Dumortier lui-même doit comprendre que la loi actuelle est insuffisante pour un pareil système. C'est en vain qu'il me dit que l’argument que j'ai fait valoir a été répète dans d'autres circonstances ; il conviendra avec moi qu'il y a une limite à laquelle it faut s'arrêter.
En 1830, lorsque la loi de 1822 fut sapée à sa base par le gouvernement provisoire, ce gouvernement abolit le double contrôle ; quel en fut le résultai immédiat ? C’est que la recette de l'Etat diminua de 30 p. c.
Et vous voudriez qu'avec une loi qui n'a qu'un seul contrôle, qui ne permet plus aucun contrôle sur les quantités produites, j'assurasse au trésor un recette qui, si elle était accordée aux villes, donnerait une somme double du revenu qui est inscrit au budget de l'Etat ?
J'ai entendu dire que la loi que j'ai l'honneur de défendre offrait une espèce d'appât à la démoralisation ; qu'on verrait les crimes et les délits augmenter. Mais, en vérité, si cela était vrai, depuis 1830, nous aurions dû voir les crimes et les délits doubles, quadruples : car il y a une remarque à faire : c'est qu'il n'y a pas de pays où le droit sur le genièvre soit moins élevé et où la consommation soit moindre.
La consommation moyenne est aux Etats-Unis de 22 litres par tête, en Prusse de 14 litres et en Belgique de 7 litres.
D'après cela, il devrait y avoir en Prusse deux fois autant, aux Etats-Unis trois fois autant de crimes et délits qu'en Belgique.
Il y a dans toutes les questions un côté pratique ; je vous prie de ne pas le perdre de vue. Ainsi je suppose que la loi passe telle que je l'ai présentée, que je ne fasse aucune exception pour Tournai (quoique mon intention soit de présenter une disposition transitoire qui, en droit, aura un caractère général, mais qui, en fait, ne s'appliquera qu'à Tournay), (page 1116) on devrai, à Tournay, diminuer le droit sur le genièvre de 10 fr. par hectolitre, ce qui fait 10 c. par litre, ou un quart de centime par petit verre ; c'est dire que celui qui aura pris 4 petits verres à 5 contimes pourra en obtenir un cinquième à 4 centimes. Je vous le demande, est-ce un appât à la démoralisation ?
A Verviers, le droit sera diminué de 1 fr. 70 c. par hectolitre ou de 1 c. 7/16 par litre. En d’autres termes, il faudra consommer 40 petits verres pour avoir un bénéficede 1 c. et 7/10. Evidemment, quand on examine le côté pratique de ces questions, il n’y a aucun abis à craindre.
Quant au chiffre de 1 fr. 50 c. que j'ai eu l'honneur de défendre tantôt, l'honorable M. Mercier m'a mal compris, s'il a cru que je défendais ce chiffre comme constituant une protection. Il veut bien admettre le chiffre d'un franc. La difference qui nous sépare est donc de 50 c. par hectolitre.
Si l'on fait attention que la valeur d'un hectolitre de genièvre est de 70 fr., on comprendra qu'un droit de 50 c. sur une valeur de 70 fr. ne peut constituer une protection.
Je crois donc devoir maintenir la proposition du gouvernement.
M. Prévinaire. - Les deuxième et troisième paragraphes de l'article 8 sont très importanis pour les villes : Le projet du gouvernement fixe le droit à l'entrée des villes à 1 fr. 50 c, tandis que l'amendement de la section le réduit à 1 fr. MM. Mercier et Mascart ont à leur tour amendé cette disposition en ce sens que la taxe ne pourrait excéder les charges qu'elle font peser sur le combustible et les matières premières servant à la distillation. M. de Steehault a proposé un sous-amendement tendant à ce que les bases de cette taxe soient déterminées par le gouvernement.
Voilà trois systèmes dont la chambre est saisie, qui méritent de fixer l'attention de la chambre au point de vue de leurs conséquences pour les finances des villes.
Je vais, messieurs, vous indiquer les conséquences de l'adoption du chiffre d'un franc pour les finances de la ville de Bruxelles.
Les distilleries de Bruxelles ont produit en 1852 7,060 hectolitres de genièvre au degré déterminé par la loi.
De ces 7,600 hectolitres, 5,210 ont été consommés en ville.
L'importation du genièvre du dehors s'est élevée à 8,952 hectolitres ; elle a donc été supérieure à toute la fabrication de Bruxelles et supérieure de 50 p. c. à la partie fabriquée à l'intérieur qui a éé consommée dans la ville.
Il résulte de la balance des importations et de la fabrication que la consommation de Bruxelles s’est élevée à 14,162 hectolitres, ce qui équivaut à environ 8 1/4 litres par habitant.
Dans le système du projet de loi, c’est-à-dire avec un droit d'octroi qui pourrait s'élever jusqu'à 8,50, le revenu de la ville sur la totalité de la consommation, en admettant que cette consommation soit alimentée intégralement par le genièvre venant de l'extérieur, serait de 120,000 fr.
La ville a perçu en 1852, d’après les bases actuelles de la consommation et de la production, 118 mille fr. ; ainsi, le projet du gouvernement présente, en admettant les mêmes chiffres comme base, un léger avantage financier pour Bruxelles.
Dans le système de la section centrale, la ville ne percevrait plus que 8 fr. au maximum, et pourrait même percevoir moins, si l'adoption de l’amendement de l'honorable M. Mercier avait pour conséquence une réduction du droit d'octroi en dessous de la quotité d'un franc.
Mais en admettant le chiffre d'un franc comme maximum, le revenu de Bruxelles basé sur la même consommation ne serait plus que de 113,297 fr.
M. Mercier. - 4,000 fr. de différence.
M. Prévinaire. - La différence serait de 5,500 fr. En supposant le maintien des distilleries de la ville, la fabrication intérieure fournirait pour sa quote-part la somme de 37, 497, et le genièvre importé acquitterait 71,000 fr.
Ainsi, en adoptant le projet de la section centrale, si tout le genièvre consommé à Bruxelles provenait de l'extérieur, la ville ne recevrait plus que 113,000 fr. Si, au contraire, le genièvre consommé était fourni dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui, par les distilleries de l'intérieur et par les distilleries de l'extérieur, le revenu communal ne s'élèverait plus qu'à 108,000 fr. Ce serait une réduction de revenu de 10,000 fr.
En présence d'un état de choses semblable, quelle serait la position à prendre ? La ville devrait, selon moi, chercher le moyen de prévenir cette réduction de recette, et le moyen qui se présente tout d'abord à l'esprit, c'est une entente avec les distillateurs urbains pour les déterminer, moyennant indemnité, à renoncer à leur industrie.
La ville rentrerait ainsi dans toute sa liberté d'action, quant à l'impôt à établir et pourrait fixer l'octroi à 12 ou 15 fr. En agissant ainsi, elle arriverait à un revenu de 170,000 fr.
Si la ville était libre d'agir ainsi, je concevrais que vous lui fissiez cette position. Mais la ville peut-elle agir seule, et ne faut-il pas l'adhésion des industriels pour amener ce résultat ? Et s'ils refusaient, l'intérêt communal ne resterait-il pas en définitive seul compromis ?
Les chiffres que j’ai eu l'honneur de mettre sous vos yeux sont incontestables ; ils ont été recueillis à la source la plus sûre.
J'appuie donc le chiffre de 1 fr. 50 proposé par le gouvernement : j'appuie aussi l'amendement de l'honorable M. Allard en ce qui concerne la possibilité pour les villes d'élever le droit de fabrication à la moitié de l'accise.
De cette manière le revenu de la ville de Bruxelles ne serait encore que de 165,000 fr., toujours en comptant sur la même consommation et voici comment seront fournis ces 163,000 fr. : 55,000 fr. provenant de la perception sur les distilleries intérieures ; 108,000 fr., de la perception sur le genièvre provenant de l’extérieur.
Ces bases sont excessivement avantageuses pour les distillateurs de l'extérieur ; car elles constituent une aggravation de l'état de choses actuel de 125 p. c. pour les distilleries de Bruxelles et seulement d'un septième pour les distillateurs de l'extérieur.
- La clôture est demandée.
M. Mercier. - J'aurais désiré répondre quelques mots seulement pour prouver que la différence ne serait pas de 50 centimes, mais qu'elle serait pour Bruxelles de 1 fr. 30.
M. Deliége, rapporteur. - Je m'étais fait inscrire pour présenter quelques observations à l'appui du chiffre de 1 fr. 50 pour lequel j'ai voté en section centrale. Maïs la chambre paraissant désirer d'en finir, je renonce à la parole.
- La clôture esi mhe aux voix et prononcée.
M. le président. - Je crois qu'il convient de voter paragraphe par paragraphe.
« § 1er. Le maximum des taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie est fixé au tiers du montant de l'accise. »
M. Allard propose de sulstiiuer les mots : « à la moitié », aux mots : « au tiers ».
- L'amendement de M. Allard est mis aux voix ; il n'est pas atopté ; le paragraphe premier tel qu'il est proposé par le gouvernement et par la section centrale est adopté.
M. le président. - M. le ministre des finances a demandé qu'on fît du paragraphe 2 le paragraphe 3 et du paragraphe 3 le 2. Le paragraphe 3 qui devient le paragraphe 2, est ainsi conçu :
« La décharge accordée à la sortie ne peut excéder le montant des mêmes taxes. »
- Ce paragraphe est adopté.
M. le président. - Vient maintenant leparagraphe 2, qui devient le paragraphe 3 : « Le droit à l'entrée dans les villes et communes ne peut dépasser ces taxes de plus de 1 fr. 50 c. par hectolitre d'eau-de-vie à 50° G. L. à la température de 15° centigrades. »
La section centrale propose de substituer le chiffre de 1 fr. à celui de 1 fr. 50 c.
M. Allard propose de porter ce chiffre à 2 fr. 50 c.
Il y a ensuite l'amendement de MM. Mercier et Mascart et le sous-amendement de M. de Steenhault.
Je mettrai d'abord aux voix le chiffre le plus élevé, celui de 2 fr. 50 c. proposé par M. Allard.
- Le chiffre de 2 fr. 50 c. est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le chiffre de 1 fr. 50 c. est mis aux voix par appel nominal :
82 membres prennent part au vote.
38 ont voté l'adoption.
44 ont voté le rejet.
En conséquence, le chiffre de 1 fr. 50 c. n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : M.M. Moreau, Osy, Pierre, Prévinaire, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom; Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem. Van Remoortere, Van Renynghe, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Closset, Coomans, Hyacinthe de Baillet, de Breyne, de Bronckaert, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, de Royer, Desmaisières, d'Hoffschmidt, Dumon, Lange, Laubry, Le Hon, Lesoinne, Maertens et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Orban, Pirmez, Rodenbach, Ad. Roussel, Thienpont, Tremouroux, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Ansiau, Boulez, Brixhe, Dautrebande, David, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumoitier, Faignart, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lebeau, Lejeune, Magherman, Malou, Mascart et Mercier.
Le chiffre de 1 fr. proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
l-e sous-amendement de M. de Steenhault est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. Mercier. - Le sous-amendement réglait l'exécution de la mesure qui faisait l'objet de notre amendement. Ce sous-amendement n'ayant pas été adopte, notre amendement doit être retiré.
- L'article 8 est mis aux voix et adopté dans son ensemble.
« Art. 9. Toute contravention au premier aiinéa de l'article 4 entraîne une amende de 800 fr., plus 200 fr. par jour de retard, indépendamment des pénalités qui pourraient être encourues pour emploi de vaisseaux clandestins.
« Toute contravention à l'article 6 est punie de l'amende comminée par le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 20 décembre 1851. Cette amende est calculée o'après la contenance des cuves mises irrégulièrement en macération.
(page 1117) « L'article 36 de la loi du 27 juin 1842 est applicable au refus du distillateur d'obtempérer à l'invitation faite par les employés, conformément aux articles 4 et 7.
« Si la contre-vérification prévue par le deuxième alinéa de l'article 7 fait reconnaître, pour un ou plusieurs vaisseaux, une capacité supérieure de 2 p. c. ou plus à celle qui est renseignée dans le procès-verbal de jaugeage, le distillateur est tenu de payer la différence des droits à partir de la date du dernier épalement, outre l'amende comminée par le paragraphe 14 de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842.
« L'emploi d'un vaisseau ne portant pas la marque prescrite par le paragraphe 2 de l'article 8 de la loi du 27 juin 1842 est puni d'une amende d'un franc par hectolitre de capacité. »
M. le président. - M. Van Hoorebeke propose de dire au paragraphe 2 : « cuves qui ne sont pas mises régulièrement en macération. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Ce n'est qu'un changement de rédaction.
M. Mercier. - Messieurs, il y a une disposition de l'article 7 qui est relative au quatrième paragraphe de l'article 9. Cette disposition est ainsi conçue :
« Les employés peuvent, en vertu d'une autorisation écrite du fonctionnaire supérieur dans l'arrondissement, procéder toujours à la contre-vérification par empotement de la capacité des vaisseaux soumis à l'impôt. »
Le quatrième paragraphe de l'article 9 est ainsi conçu :
« Si la contre-vérification prévue par le deuxième alinéa de l'article 7 fait reconnaître, pour un ou plusieurs vaisseaux, une capacité supérieure de 2 p. c. ou plus à celle qui est renseignée dans le procès-verbal de jaugeage, le distillateur est tenu de payer la différence des droits à partir de la date du dernier épalement, outre l'amende comminée par le paragraphe 14 de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842. »
Il me semble qu'il est extrêmement rigoureux de soumettre les distillateurs à une amende du moment que la différence dépasse 2 p. c. Je crois que le distillateur ne devrait être passible de l’amende que lorsque la difference est de 4 p. c.
Si M. le ministre des finances n’avait pas d'objections sérieuses à faire, je déposerais un amendement dans ce sens. Je pense qu'il n'en peut résulter aucun inconvénient.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je doute que l'amendement indiqué par l'honorable M. Mercier suffise pour prévenir la fraude.
Les opérations du jaugeage se font à de grandes distances ; il y en a, je l'ai dit hier, qui datent de 7 ans. Eh bien, un grand distillateur se dira : « Je vais faire ce petit changement à ma cuve ; si par hasard on le découvre, tout ce qui en résultera pour moi, c'est que je devrai payer les droits ; si, au contraire, on ne le découvre pas, la difference de 4 p. c. sur une cuve de 40 hectolitres pendant un grand nombre d'années me procurera une forte somme. »
De la sorte, messieurs, il pourra faire un tort très considérable à ses concurrents.
J'engage l'honorable M. Mercier à ne pas présenter son amendement.
M. Delehaye. - Je crois que l'amendement annoncé par l'honorable M. Mercier ne présenterait aucun inconvénient. Un hectolitre de matière macérée donne 7 litres de genièvre ; un distillateur ira-t-il frauder sur ces 7 litres pour trouver 4 p. c. de bénéfice ? Je crois que s'il y a une difference de 3 ou 4 p. c. on ne peut pas supposer que c'est le résultat d'une erreur.
Toutefois, je pense que l'honorable M. Mercier pourrait substituer 3 p. c. à 4 p. c. dans son amendement ; il est arrivé très souvent qu'on n'a constaté qu'une diffèrence de 1, de 1 1/2 ou de 2 p. c.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Ce que l’honorable préopinant semble oublier, c’est que toute l’économie de la loi repose sur un point essentiel, l’exactitude parfaite du jaugeage ; vous le savez, mesieurs, un distillateur peut utiliser pour chaque hectolitre de contenance, aitant de farine que bon lui semble ; sans doute, les expériences ont démontré que, pour travailler régulièrement, il ne peut employer que 13 kilog. ; mais il peut aussi, et il y parvient, en utiliser davantage ; maintenant, si vous lui permettez d’agrandir, après le jaugeage, sa cuve de 4 p. c., comme je l’ai expliqué hier, il est évident qu’il aura toute faculté pour utiliser cette contenance plus grande, en employant plus de 13 kilog. de farine et qu’ainsi il pourra obtenir plus de 7 litres de genièvre par hectolitre de la capacité légalement reconnue. N’oubliez pas, messieurs, qu’il y a des distilleries très considérables dans lesquelles on utilise journellement un grand nombre de cuves d’une capacité de 40 hectolitres et plus, et vous devez reconnaître que ces 4 p. c. donnent un total très important.
M. Delehaye. - L’opération indiquée par M. le ministre des finances n’est pas exécutable. On emploie au maximum 13 kilog. par hectolitres.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'ai l'aveu de plusieurs distillateurs, d'Anvers surtout, que quelquefois on emploie plus de 13 kilg. par hectolitre. Aucune loi ne le defend aux distillateurs, du reste, la n'est pas la question.
- La discussion est close.
L'article 9 est adopté.
M. Delehaye. - Messieurs, ici devrait venir l'amendement que j'ai présente, relativement à l'emploi de la mélasse, cette proposition n'ayant pas un caractère transitoire.
J'ai à y faire une modification.
D'après cet amendement, si la matière mise en macération contient de la mélasse, le droit fixé par la loi du 20 décembre 1851, à 1 fr. 50, sera porté à 2 fr. 15.
Je vous indiquais que dix pour cent pouvaient facilement s'obtenir des mélasses. Mais comme il importe d'agir d'après des règles certaines, je propose de modifier mon amendement de la manière suivante :
« Le gouvernement, après avoir fait constater le rendement, est autorisé à porter au maximum à 2-15 l'impôt dû par les distillateurs qui emploient d'autres matières premières que les grains. »
M. de La Coste. - Messieurs, je m'étais fait inscrire pour combattre la proposition déposée par l'honorable M. Delehaye ; cependant je pensais que je n'aurais pas l'occasion de prendre la parole ; je supposais, en effet, que l'honorabie membre aurait retirée son amendement sur l'assurance donnée par M. le ministre des finances qu'il procéderait à un examen et saisirait la chambre d'une proposition formelle. Je crois encore que c'est là la marche la plus régulière à suivre.
M. le ministre a annoncé également qu'il examinerait s'il n'y aurait pas moyen de faire jouir les distilleries dont les produits sont destinés à l'exportation de la faveur de travailler en entrepôt. On pourrait comprendre ces deux objets dans une même loi, si l'un et l'autre sont reconnus utiles.
Les procèdes employés pour distiller la betterave sont de différente nature ; ce n'est pas une chose sur laquelle il soit facile d'improviser une mesure législative. Il y a d'autres procédés qui concourent également à augmenter le produit des distilleries et sur lesquels il n'a pas été fait d'expériences ; du moins elles n'ont pas été comprises dans les opérations dont il a été rendu compte à la chambre.
Il y a, par exemple, l'emploi des vinasses ; on a dit aussi que certaines distilleries faisaient grand usage du levain de Hollande. C'est sans doute dans le but de produire davantage dans un temps donné.
Or l'honorable M. Delehaye trouverait-il bon que je proposasse un amendement portant que le gouvernement pourra élever la taxe pour les distilleries qui emploient les vinasses, le levain et d'autres moyens semblables, sur lesquels aucune expérience n'a été faite ?
Celles qui ont été faites sous la direction du gouvernement avec un soin extrême, l'honorable membre les a contestées, et maintenant il se réfère d'avance à des expériences qui n'ont pas encore eu lieu, qu'il ne connaît pas, qu'il ne peut pas connaître, puisqu'elles n'existent pas encore ; il a une confiante parfaite dans celles qui n'existent pas, tandis qu'il récuse celles qui ont été faites. On serait tenté d'attribuer cette confiance subite au souvenir des luttes auxquelles la canne et la betterave ont jadis donné lieu ; je serais fâché, pour ma part, que l'honorable membre gardât ainsi rancune à la betterave.
Je pense que la chambre ne doit pas entrer dans de tels sentiments, aujourd'hui surtout que la paix est faite et qu'elle nous a coûté assez cher.
Les procèdes, ai-je dit, sont différents : on emploie la betterave ou la mêlasse seule, on emploie aussi la mélasse cumulativement avec le grain. Cet emploi de la mélasse est une innovation que j'appellerai heureuse. Les mélasses provenant de la betterave sont un déchet presque sans valeur ; le gouvernement exige même qu'elles soient dénaturées par des mélanges. Maintenant on en tire parti dans la distillation et la richesse publique s'en accroît.
C'est une industrie naissante, il ne faut pas l'étouffer dans son germe. Si ces procédés conduisent à une production pins considérable, il faut sans doute qu'on y ait égard dans l'assiette de l'impôt, mais il faut aussi avoir égard à la différence de qualité des produits et à celle des résidus qui n'ont aucune valeur. Il ne faut pas donner un blanc seing au gouvernement pour des expériences à faire, surtout quand on exerce une critique si vive sur des expériences qu'il a faites.
Je voterai donc contre l'amendement en prenant acte de l'engagement pris par M. le ministre des finances.
M. Delehaye. - L'honorable préopinant dit que la distillation de la mélasse est une industrie heureuse ; soit, je demande que nous prenions part à ce bonheur ; elle ne paye pas un denier d'impôt, est-ce trop que de lui demander une part du bénéfice qu'elle réalise aujourd'hui ?
L'honorable membre dit qu'on peut employer d'autres produits dans la distillation, et demande si je serais bien aise qu'il proposât d'étendre l'impôt à ces produits. Mais que l'honorable membre fasse attention à un point, que la mélasse remplace le grain, et que si dans certaines distilleries on emploie le levain, ce levain ne joue pas le même rôle que le grain et la mélasse, il ne produit rien par lui-même, il n'est qu'un agent au moyen duquel on active la fermentation et on obtient plus d'alcool dans un temps donné de la matière mise en macération.
C'est à tort que l'honorable membre m'a représenté comme en voulant à la betterave ; je demaude seulement que cette industrie contribue comme les autres aux charges publiques.
L'industrie de la betterave sur laquelle vous avez établi un droit ne paye pas ce que vous aviez vouiu qu'elle payât. Les fabricants de sucre de betterave ne payent pas l'impôt sur la matière saccharine contenue dans la betterave, mais seulement sur le sucre cristallisé.
Soyez convaincus que je ne suis guidé ici que par un seul intérêt, l'intérêt du trésor. Au sein de la section centrale, quel est l'intérêt qui a prédominé ? L'intérêt du trésor. Eh bien, je demande que celui qui, de la mélasse, tirera dix litres d'alcool au lieu de sept, paye à raison de ces dix litres.
(page 1118) Vous dites que je n'ai pas confiance dans les opérations faites par le gouvernement ; c'est une erreur ; je n'en ai pas contesté l'exactitude, mais j'ai dit qu'il eût été sage de faire ces expériences ailleurs. Je n'ai pas dit qu'il y eût de la partialité dans les opérations, mais dans le choix des localités. L'honorable membre veut-il qu'on fasse des expériences ? Je le veux bien.
Eh bien, si les expériences constatent 10 p. c, le distillateur sera pris en charge à raison de 10 p. c., c'est-à-dire pour 2 fr. 15 c. Si les expériences constatent 8 p. c., la prise en charge aura lieu en raison de 8 p. c. Voilà toute la portée de ma proposition.
Je le répète, il n'y a pas lieu de me suspecter pour la betterave, ou pour les distilleries. Je demande que l'honorable M. de La Coste veuille bien permettre au trésor de percevoir un droit. Il me semble qu'il doit se laisser guider aussi par l'intérêt du trésor.
M. de Breyne. - Je m'étais fait inscrire pour combattre l'amendement de l'honorable M. Delehaye ; mais puisqu'il est retiré, je renonce à la parole.
M. Osy. - Je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. Delehaye.
Le gouvernement nous a promis de faire examiner quel est le rendement des mélasses. Si, comme le dit l'honorable M. Delehaye, il est de 10 p. c, le trésor perd considérablement en admettant le chiffre de 21 fr pour les mélasses ; car ce chiffre se réduit à 45 fr. Avec l'amendement que vous avez adopté pour la restitution à 24 fr. si le prix de revient pour les mélasses n'est que de 15 fr., il y a un préjudice de 9 fr. causé au trésor. Il est donc nécessaire de mettre sous ce rapport la loi en concordance avec les autres dispositions.
A cette occasion, je me suis fait rendre compte des genièvres qui ont été exportés, dans le premier trimestre de cette année, par les deux grands établissements d'Anvers. M. le ministre des finances a été dans l'erreur lorsqu'il a dit que l'exportation a été telle qu'il y a eu un déficit de près de 800,000 francs, car les deux établissements d'Anvers, les seuls qui exportent, n'ont exporté, dans ce premier trimestre, que 1,300 hectolitres.
Je trouve que 790 hectolitres exportés proviennent de la mélasse. De manière qu'il est certain que tous les résidus provenant de la mélasse causeraient un grand préjudice au trésor si l'amendement de l'honorable M. Delehaye n'était pas adopté.
Je dirai maintenant quelques mots sur la loi.
Lorsqu'on a voté la restitution, j'ai demandé que le gouvernement voulût bien examiner la question de la distillerie en entrepôt. Je le prie de le faire et d'étudier aussi toute la loi de 1822 et tous les changements qui y ent été apportés.
Je suis persuadé que, si le gouvernement voulait présenter un projet de loi dans le sens de la loi de 1822, il y aurait là pour le trésor un revenu de 5 millions. Il est vrai qu'il faudrait augmenter la surveillance. Mais en évaluant cette dépense à 500,000 fr., cela ferait toujours un revenu de 4.500,000 fr, revenu très moral assurément (puisqu'on a parlé de moralité), car il n'y a pas de matière plus imposable. En Hollande, le droit est de 12 florins ; avec les additionnels et le timbre, il s'élève à 41 fr. Nous sommes, nous, au chiffre de 21 fr. Nous pouvons donc l'augmenter.
Je suis persuadé que, pour le consommateur, cette augmentation ne ferait pas grand-chose. On boirait un peu moins de genièvre, et nous aurions un excédant de revenu.
Cela permettrait de supprimer le droit sur les débitants, qui produit 900,000 fr., et qui a soulevé tant de réclamations.
M. Mercier. - J'appuie l'amendement de l'honorable M. Delehaye, d'abord parce qu'il aura pour effet de fournir des ressources au trésor ; ensuite parce qu'aussi longtemps que des substances saccharines autres que celles qui sont ordinairement employées, sans que le distillateur soit tenu d'acquitter un supplément de droit, les mesures réparatrices que nous avons votées à l'article 8 resteront en partie efficaces.
Au moyen de cet amendement, le gouvernement pourra faire application du nouveau droit, aussitôt que les expériences seront faites, tandis que si nous suivions le système indiqué par l'honorable M. de la Coste, il faudrait attendre éventuellement la réunion des chambres, ce qui occasionnerait des retards préjudiciables.
Je voterai donc pour l'amendement de l'honorable M. Delehaye.
M. Rodenbach. - Je viens combattre l'amendement de l'honorable M. Delehaye. L'adopter, ce serait empêcher les perfectionnements, les progrès de cette industrie ; car ce serait interdire aux distillateurs d'employer la betterave pour la distillation ; or si l'on peut en tirer de l'alcool, c'est évidemment un progrès.
Evidemment c'est une mesure que le gouvernement ne peut prendre ex abrupto, sans que la question ait été étudiée.
Il y a des distillateurs qui mélangent la betterave avec du seigle, avec de l'orge, ou qui achètent les résidus que leur vendent les fabricants de sucre de betterave, c'est-à-dire un mauvais sirop, une mauvaise mélasse que ne voudrait pas consommer la classe la plus infime. Si l'on en tire parti, c'est évidemment un avantage, un progrès.
C'est comme si l'on venait dire à ceux qui emploient le seigle du Nord, qu'ils payeront davantage, parce que cette céréale contient 2 ou 3 p. c. plus de spiritueux que le seigle commun du pays. Si l'on employait d'autres matières, il faudrait encore d'autres droits. Je trouve qu'on ne peut raisonnablement soutenir ce système, surtout puisque le gouvernement n'a rien examiné, n'a fait comme expérience, ne sait pas comment on emploie ni comment on pourrait employer les matières dont il s'agît. Ainsi je ne crois pas que la chambre voudra voter en aveugle un pareil amendement.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je me suis refusé à inscrire dans la loi un rendement fixe pour l'emploi de la mélasse. J'ai même hésité quelque peu à me rallier à l'amendement de l'honorable M. Delehaye ; mais aujourd'hui qu'il s'agit d'une faculté laissée au gouvernement, je crois pouvoir l'accepter dans les termes dont on s'est servi pour le rédiger. Peut-être cependant eût-il mieux valu dire au lieu de : « toutes les matières autres que les grains », ceci : « les mélasses et autres substances saccharines ».
M. Delehaye. - J'y consens.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, ce que veut l'honorable M. Delehaye pour les eaux-de-vie de mélasses est puisé probablement dans la loi de 1847, qui fait au gouvernement une obligation semblable pour l'impôt sur les fécules de pommes de terre saccharifiées :
« Le gouvernement est autorisé à régler l'impôt sur les fécules de pommes de terre pour obtenir des glucoses, etc. »
L'amendement de l'honorable M. Delehaye aurait besoin d'être complété, et je suis convaincu que si je n'en faisais pas l'observation, elle viendrait de l'un ou de l'autre membre de la chambre. Il est entendu, que si cet article est adopté et si le gouvernement use de la faculté qu'il lui donne, il sera de son devoir de soumettre l'arrêté royal pris par lui, au corps législatif, dans la plus prochaine session.
Il doit être entendu aussi que si le gouvernement fait usage de cette faculté, il doit pouvoir prescrire les obligations nécessaires pour empêcher que les matières imposables échappent à l'impôt. Qui veut la fin, veut les moyens.
Je me permettrai d'ajouter à l'article présenté par l'honorable M. Delehaye, un paragraphe qui étendrait cette faculté à celle de mettre en harmonie, toujours dans le cas où le gouvernement ferait usage de la faculté, l'article 7 sur les taxes communales avec l'impôt dont seraient frappées ces matières saccharines.
En effet, le maximum des taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie est fixé au tiers du montant de l'accise. Ce tiers varie selon que le rendement est de 7 ou de 10. Il est évident que si l'on avait autorisé une commune à imposer à 28 centimes, par exemple, le genièvre à la fabrication dans l'intérieur de cette commune, ce chiffre pourrait étre augmenté sur la fabrication du genièvre de mélasse ; la commune pourrait être autorisée à atteindre, au-delà du maximum pose dans l'article 7, les distillateurs qui feraient emploi de mélasses pour faire du genièvre.
Je propose donc d'ajouter à l'amendement de M. Delehaye une disposition ainsi conçue :
« Les taxes communales sur la fabrication des eaux-de vie et le rapport fixé au quatrième alinéa de l'article 8 seront augmentés dans la même proportion que le droit d'accise. »
Enfin il manquerait un troisième paragraphe qui serait la clause pénale. Il ne suffit pas de donner au gouvernement la permission d'élever le droit ; si l'on se sert de mélasses ou autres matières saccharines pour obtenir l'alcool, il faut encore prescrire quelle sera la pénalité si on commet une fraude.
« Les contraventions aux mesures que le gouvernement prendra en exécution de l'alinéa précédent seront punies d'une amende de 800 fr. »
C'est une pénalité égale à celle qui est inscrite dans l'article 9, paragraphe premier :
« Quand un droit différentiel aura été établi conformément aux dispositions de l'article 9 (nouveau), l'emploi, sans déclaration préalable, de l'une ou l'autre des matières donnant ouverture à ce droit, sera puni d'une amende égale au quintuple de l'accise due pour un travail supposé de dix jours, dans tous les vaisseaux imposables de l'usine. »
Ainsi, messieurs, le premier paragraphe de cet amendement donnerait au gouvernement la faculté après expérience, d'imposer à raison d'un rendement supérieur à 7 litres, l'emploi des mélasses et autres matières saccharines.
Le deuxième paragraphe permettrait au gouvernement de mettre la mesure qu'il prendrait en harmonie avec la disposition qui concerne les taxes communales.
Enfin le troisième paragraphe donnerait la sanction pénale aux dispositions précédentes.
M. Visart. - Messieurs, l'honorable M. Delehaye a commis une erreur en disant que les mélasses distillées ne payent rien ; elles payent comme les farines, à raison d'un rendement de 7 litres.
Je crois, en effet, que les mêlasses de betteraves donnent un rendement supérieur à 7 litres, et, dès lors, il est juste qu'elles soient taxées en proportion de leur produit. Il faut donc qu'on laisse à M. le ministre des finances le soin de faire les expériences nécessaires pour connaître d'une manière précise le rendement en alcool de la mélasse, ainsi que de toutes les autres matières employées à la distillation ; car il ne serait point raisonnable de se diriger au hasard et au risque de faire fausse route, quand bientôt on pourra marcher au grand jour.
- La clôture est demandée.
M. Coomans. - Je demanderai que l'amendement qui vient d'être proposé soit imprimé et distribué et que la discussion en soit renvoyée» demain.
- Plusieurs membres. - C'est un premier vote.
M. de Theux. - (page 1119) Je pense que la proposition de M. le ministre pourrait être acceptée ; mais il y aurait quelque chose à y ajouter, c'est qn'un projet de loi devrait être soumis aux chambres en suite de l'arrêté pris par le gouvernement, afin que cet arrêté fasse l'objet d'une discussion et d'un vote. Nous ne pouvons pas abandonner au gouvernement l'établissement d'un impôt ; l'impôt pourrait être permanent sans avoir été établi par la loi. Il faut qu'un projet de loi soit présenté et que si ce projet n'est pas adopté l'arrêté cesse de sortir des effets.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'avais déclaré qu'il en serait ainsi, et ma déclaration se trouvera au Moniteur ; mais si on veut l'insérer dans la loi je n'y vois pas d'inconvénient.
M. Malou. - Je viens de formuler une proposition ; si on veut me le permettre, j'en donnerai leclure :
« Les mesures prises en vertu du présent article seront soumises aux chambres dans le cours de la session ordinaire de 1853-1854 ; elles cesseront de plein droit d'avoir leur effet à la fin de la même session. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je crois, messieurs, que l'amendement de l'honorable M. Malou devrait être tant soit peu modifié. Il conviendrait de dire : « Dans la prochaine session législative, » car il est possible que les expériences traînent quelque temps et que le gouvernement n'ait une opinion arrêtée qu'à la fin de la session. Je veux bien m'engager à soumettre les mesures dont il s'agit, aux chambres, le plus tôt possible ; mais je ne puis pas répondre des circonstances qui donneraient lieu à des retards.
Il est possible, messieurs, que les expériences varient, qu'elles ne soient pas tout à fait les mêmes que celles qui ont pu être faites pour les distilleries de grains : en effet, toutes les distilleries sont montées pour travailler les grains ; mais il serait possible qu'on ne voulût pas prêter au gouvernement une usine pour distiller en grand de la mélasse. Il peut donc se faire qu'on doive recourir à des expériences d'une toute autre nature que celles qui ont eu lieu pour la distillation de grains. Du reste la chambre sera constituée juge par la communication qui lui sera faite de l'arrêté royal.
M. Dumortier. - Il me semble que la chambre ne peut point statuer sur une proposition improvisée et produite entre la demande de clôture et la clôture elle-même.
D'un autre côté cette proposition n'est rien autre chose qu'une délégation du pouvoir législatif, et cela dans une matière que M. le ministre lui-même déclare ne pas connaître. Cela n'est pas possible. Que le gouvernement prenne l'engagement de présenter un projet de loi dans la session prochaine, mais nous ne pouvons pas déléguer nos pouvoirs au gouvernement. J'adjure la chambre de ne pas se lancer dans une pareille voie.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Delehaye. - Je me rallie au changement de rédaction que M. le.ministre des finances a proposé à mon amendement.
- La proposition de M. Delehaye est mise aux voix et adoptée avec la rédaction proposée par M. le ministre des finances.
Les deux paragraphes additionnels proposés par M. Van Hoorebeke sont successivement mis aux voix et adoptés.
La proposition de M. Malou est mise aux voix et adoptée.
« Art. 10. Le taux de la décharge, tel qu'il est établi par l'article premier, s'applique aux droits résultant des ampliations à délivrer à partir du jour où la présente loi devient obligatoire.
« Il en est de même de l'exemption mentionnée à l'article 2.
« Il est accordé aux distillateurs un délai de trois mois à compter de la mise en vigueur de la présente loi, pour se conformer aux dispositions de l'article 4, premier alinéa, et de l'article 5.
« L'article 8 sera obligatoire à partir du 1er juillet 1853 pour les villes et communes à octroi dans lesquelles il existe des distilleries en activité. Il recevra son exécution dans les autres localités au plus tard trois mois après la mise en activité d'une distillerie. »
M. le président. - Vient maintenant un paragraphe final proposé par M. Le Hon et ainsi conçu :
« Toutefois, le gouvernement est autorisé à proroger, pour un terme qui ne pourra excéder trois années, l'application des deux premiers alinéas de l'article 8, en faveur des villes dont les taxes communales sur la fabrication et l'importation des eaux-de-vie indigènes dépassaient, au 1er janvier 1853, le maximum établi par les deux paragraphes précités et qui juxîifieraient de besoins urgents et de ressources insuffisantes. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la loi du 24 mai 1848 qui accorde la libre entrée des machines neuves, expire bientôt ; j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui a pour objet de proroger les effets de cette loi.
- Le projet de loi qui sera imprimé et distribué est renvoyé à l'examen des sections.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, la discussion de la loi sur les distilleries approche de son terme, et je remarque que l'ordre du jour est très peu chargé.
Le rapport sur l'organisation de l'armée sera présenté très probablement dans le courant de la semaine prochaine, et j'espère que la discussion pourra commencer lundi en huit. Mais je crains que la chambre n'ait pas de quoi être occupée pendant toute la semaine prochaine. Je demanderai si la section centrale qui est chargée d'examiner le budget des affaires étrangères, ne pourrait pas se réunir demain. Je ne pense pas que ce budget puisse donner lieu à une longue discussion, dans le sein de cette section, puisqu'il est la reproduction du budget de l'année dernière. Si le rapport pouvait êlre promptement présenté, il y aurait de quoi occuper la chambre pendant une ou deux séances de plus.
M. le président. - La section centrale qui est chargée d'examiner le budget des affaires étrangères est présidée par M. Vilain XIIII ; il n'est pas en ce moment ici, je lui ferai part du désir exprimé par M. le ministre des affaires étrangères.
Je réunis demain la section centrale chargée de l'examen du budget de la dette publique ; j'ai réuni il y a quelques jours la section centrale du budget des voies et moyens ; nous attendons des renseignements que nous avons demandés à M. le ministre des finances ; je le prierai de nous les faire parvenir le plus tôt possible.
Dn reste, notre ordre du jour est assez chargé, si on y laisse le projet de loi sur le transport des marchandises par le chemin de fer. Ce projet peut donner lieu à une assez longue discussion. La chambre ne l'a pas retiré de son ordre du jour.
Quoi qu'il en soit, il sera fait droit, autant que possible, aux observations de M. le ministre des affaires étrangères.
M. Coomans. - Je crois entrer dans les vues du gouvernement en proposant à la chambre de revenir d'une décision qu'elle a prise au commencement de la séance, en fixant à mardi prochain la discussion du rapport de la section centrale sur les amendements proposés par la loi sur la garde civique.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne m'y oppose pas.
- La proposition de M. Coomans est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La parole est à M. Le Hon, pour développer l'amendement qu'il a présenté à l'article 10 devenu l'article 11.
M. Le Hon. - Peu de mots suffiront pour justifier l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer.
Il n'affecte ni les principes généraux de la loi, ni les perceptions du trésor, ni l'intérêt des distilleries rurales. C'est une mesure de transition entre le régime actuel qui, pour la ville de Tournai, date de 30 années, et le régime nouveau, qui porte une atteinte profonde aux revenus de cette ville.
Quoique général dans ses termes, mon amendement n'est destiné à recevoir qu'une application unique ; car l'octroi de Tournai est le seul dans tout le royaume dont le tarif, au1er janvier 1853, frappait les eaux-de-vie indigènes de droits plus élevés que le maximum établi par la loi que nous discutons.
M. le ministre des finances a reconnu loyalement la situation tout exceptionnelle de cette ville et l'intérêt qu'elle devait vous inspirer ; il ne vous a pas disiimuléqu'elle allait subir une perte de plus de 22,000 fr. dans un revenu de 220,000 fr., c'est-à-dire une perte de 10 p. c.
Ce déficit est d'autant plus grave et sera d'autant plus difficile à combler, qu'il arrive au moment même où l'incendie récent du théâtre et le mauvais état du palais de justice imposent à la commune la nécessité urgente de deux constructions évaluées à 300,000 fr.
Et remarquez de bien, messieurs, si le tarif de l'octroi, quant aux spiritueux, est plus élevé à Tournai qu'en aucune autre ville, ce n'est point à raison d'un choix arbitraire de son administration ; c'est parce que, depuis les temps les plus reculés, cet impôt est entré dans les habitudes de la population et a formé une des principales ressources de son budget. Ce n'est pas peu de chose que de couvrir une perte annuelle de 22,000 fr. en même temps qu'on doit créer des voies et moyens pour des dépenses extraordinaires considérables.
C'est en présence de cette double charge, et parce qu'elle dépasse les nécessités d'une simple transition, que je propose de proroger, pour ce cas spécial, l'exécution de la loi ; mais en stipulant que le terme de cette prorogation ne pourra excéder trois ans.
Mon amendement donne au gouvernement une faculté. Il pose à son exercice des conditions rigoureuses ; l'existence de droits plus élevés au 1er janvier 1853 ; des besoins urgents, des ressources insuffisantes : une seule ville, je le répète, se trouve dans ce cas.
Je sais qu'on ne fait pas de loi générale pour des circonstances particulières ; mais il est d'usage et l'équité commande de tempérer, par des mesures transitoires, les effets d'une loi nouvelle quand ils sont reconnus désastreux à la situation financière même d'une seule localité.
J'ai lieu de penser que M. le ministre des finances ne s'opposera pas à ma proposition. Je la lui ai communiquée, et il y a fait plusieurs fois allusion dans le cours des débats. Il s'est associé, j'aime à le reconnaître, aux considérations équitables qui l'ont dictée.
- L'amendement est appuyé.
M. de La Coste. - Messieurs, j'ai une observation à faire sur l'article 10, devenu l'article 11, relativement à un autre point ; mais d’abord je dirai quelques mots au sujet de l'amendement de l'honorable M. Le Hon.
Cet amendement se rapporte non seulement au premier paragraphe de l'aricle. 8 qui fixe le maximum des taxes communales à la fabrication, mais aussi au (page 1120) deuxième paragraphe 2 qui a fait l'objet de tantde débats et qui fixe un maximum aux droits d'entrée dans les villes ; je dis que ce serait annuler la loi que de la suspendre pendant trois ans sous un rapport si important.
Il y a déjà une mesure de transition à laquelle la section centrale a adhéré : elle consiste à proroger la mise à exécution de cette partie de la loi jusqu'au 1er janvier 1854. Si M. le ministre de finances croit utile de présenter quelques autres mesures pour rendre la transition plus facile, je ne m'y opposerai pas. Mais uns disposition aussi étendue que celle que propose l'honorable M. Le Hon, ferait à la loi une trop large brèche, surtout par les conséquents qu'elle ne manquerait pas d'entraîner.
Je passe à une autre observation qui est assez importante. On a conclu de cet article-ci que dans les villes où il n'y aurait pas de distilleries, l'impôt serait illimité. Il me semble qu'il est difficile de supposer une telle intention au législateur. A mon avis, dans aucun cas et dans aucune ville, l'impôt à l'entrée ne peut excéder la proportion du tiers du droit que perçoit le trésor, augmenté d'an franc. Sans cela, il s'établirait, au profit des villes qui n'ont pas distilleries, un privilège injuste, et, d'après M. le ministre des finances, fort dangereux pour le trésor.
Puisque M. le ministre a jugé un maximum nécessaire, il faut qu'on s'y conforme dans toutes les villes. Le cas dont il s'agit dans le présent article doit donc, sans doute, être différent ; qu'il y ait des distilleries dans une ville ou qu'il n'y en ait pas, il faut que le maximum s'applique généralement, tant dans l'intérêt du trésor que dans celui de l'industrie sur laquelle l'exagération du droit d'entrée ne saurait manquer d'exercer une certaine influence.
Je pense, pour moi, je le répète, qu'il ne doit dépasscr nulle part le tiers du droit perçu par l'Etat augmenté d'un franc.
M. Mercier. - J'ai entendu M. le ministre annoncer dans le cours de la discussion, qu'il y aurait une mesure transitoire pour la ville de Tournai, cependant je ne pense pas qu'il admette dans toutes ses parties l'amendement de l'honorable M. Le Hon. Quant à celle qui me paraît devoir avoir pour conséquence de continuer les abus des octrois, je n'y donnerai pas mon assentiment.
C'est une mesure inconstitutionnelle, M. le ministre en est convenu, quand il a dit que la faible différence de 50 c. ne pouvait pas être considérée comme une véritable protection. L'amendement imposerait une surtaxe de plus d'un franc à l'entrée des villes, et peut-être une autre prime serait accordée par la décharge. (Interruption.)
L'honorable comte Le Hon parle du deuxièe paragraphe de la loi et demande la continuation du droit protecteur. C'est ce que je ne puis admettre. Si cette partie de l'amendement était maintenue, je voterais contre toute la proposition ; si elle est retirée, je suis disposé à voter le premier paragraphe vu la position exceptionnelle en faveur de la ville de Tournai ; mais je n'irai pas plus loin.
M. Le Hon. - Je ne croyais pas proposer une disposition inconstitutionnelle en présentant une mesure transitoire, d'un effet purement temporaire.
L'honorable M. Mercier divise mon amendement en deux parties. La première, il veut bien l'admettre pour la seule ville de Tournai ; il ignore sans doute ce qu'il lui accorde, ii lui fait une aumône de 2,200 fr.
Je ne demanderais pas à la chambre de consacrer une exception pour un si mince résultat. En effet le droit perçu par la ville sur la fabrication intérieure est de 75 c, il produit 6,600 fr. : vous voulez bien lui allouer les 25 c. qu'elle perçoit en sus du maximum fixé par le paragraphe 2 de l'article 8. Ce serait donc le tiers de sa recette actuelle, soit, comme je l'ai dit, 2,200 fr.
Mais il y existe un droit à l'entrée, celui-là vous la trouvez inconstitutionnel. Vous ajoutez que c'est un abus qu'on veut perpétuer. D'abord la disposition, par cela seul qu'elle est transitoire, ne peut pas constituer un privilège inconsttutionnel ; elle ne froisse ni les intérêts du trésor, ni l'économie de la loi. Le droit d'entrée qui a été établi par la ville de Tournai est supérieur à celui que vous instituez aujourd'hui. Ma proposition serait sans objet s'il n'en était pas ainsi. C'est dans cette perception seule que la loi ferait un déficit de 20,000 fr.
Je demande que le gouvernement soit autorisé à proroger l'exécution de cette partie de l'article 8, comme de la première, pendant un temps qui ne peut pas excéder trois années, et il faut qu'on justifie de besoins urgents et de l'insuffisance des ressources existantes.
Mon amendement est fondé sur l'article de la loi qui la rend exécutoire le 1er juillet prochain.
M. le président. - Le gouvernement s'est rallié à l'amendement de la section centrale.
M. Le Hon. - Dans ce cas, je puis modifier mon amendement en ce sens que le terme ne pourra excéder deux années.
L'objection principale de M. Mercier contre cette disposition me semble de tous points inadmissible. Que signifie, en effet, ici le reproche d'inconstitutionnalité ?
D'après tout ce que j'ai entendu dans cette discussion, on attaque les conséquences d'un système qu'on n'ose pas prendre corps à corps. Le revenu des octrois ne peut se composer que de droits d'entrée ou de fabrication, que de droits de consommation ou de capitation. De tous ces impôts, vous ne voulez pas du droit de consommation, parce qu'il entraîne l'exercice ; la capitation est injuste et arbitraire ; c'est l'impôt facile des gouvernements absolus. La taxe sur la fabrication est impossible là où il n'y a pas de fabrique. Le droit d'entrée est donc une nécessité légale du système. Vous admettez cela. La conséquence qui en découle, c'est la faculté de percevoir au profit de la caisse municipale, un droit plus ou moins élevé, suivant que ses besoins sont plus ou moins grands.
Ne venez pas dire qu'en agissant ainsi on viole la Constitution, parce que les villes soumettent à des taxes différentes l'importation des produits des distilleries rurales. Ne semblez-vous pas imiter les Anglais voulant à toute force vendre de l'opium aux Chinois, quand vous prétendez sacrifier les finances des villes à l'intérêt de vos importations ?
Q le voulez-vous donc faire ? Vous maintenez le système des octrois, et vous criez à la violation de la Constitution, parce qu'on applique ce système à l'entrée des genièvres, dans la mesure des nécessités communales.
Je ne reviens pas sur les principes adoptés par la chambre ; mais quand je propose une mesure transitoire, qui n'a rien de contraire ni à l'économie de la loi, ni aux usages reçus ; quand j'affirme qu'une seule ville, une seule, entre toutes, est profondément atteinte dans son revenu par une perte immédiate de 10 p. c. ; quand je fais loyalement appela son équité, disant : Il y a là, d'une part, des besoins urgents, des ressources insuffidantes, des habitudes prises depuis des siècles d'imposer les caux-de-vie indigènes ; il y a, d'autre part, des ressources à créer, et pour combier le déficit et pour couvrir des dépenses extraordinaires de force majeure, je ne puis penser qu'elle n'aura pas particulièrement égard aux considérations graves que j'invoque.
Veuillez remarquer d'ailleurs que le tout est laissé à l'appréciation du gouvernement.
D'après l'amendement de la section centrale, la mise en vigueur de la loi est renvoyée au 1er janvier 1854. Ce n’est pas là une disposition transitoire.
Le motif de ce délai est fort simple ; c'est de ne pas porter le trouble dans les voies et moyens d'un exercice commencé et dont les budgets ont été votés. On a réglé les dépenses sur des prévisions de recettes déterminées, il est prudent, il est juste de maintenir cet équilibre !
La mesure que je propose, au contraire, a le caractère d'une disposition essentiellement transitoire, justifiée par une situation exceptionnelle, digne de l'intérêt de la législature et du gouvernement, je la soumets avec confiance à votre équité. Je consens, comme je l'ai dit tout à l'heure, à réduire le terme de la prorogation facultative à deux années.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je m'étais rallié à la proposition de la section centrale mise en regard de la proposition du gouvernement. Mais il n'avait pas été donné lecture de l'amendement de l'honorable M. Le Hon. Au reste, je n'avais pas considéré le changement de la section centrale, comme exclusif d'un amendement en ce sens. Cela est si vrai, que j'ai annoncé à diverses reprises que je présenterais une disposition transitoire dans l'intérêt de la ville de Tournai.
A l'occasion de l'article en discussion, l'honorable M. de La Cosle a demandé s'il était vrai que, dans l'opinion du gouvernement l'article 8 ne s'appliquerait qu'aux villes qui renferment dans leur enceinte des distilleries. Il faut distinguer parmi les quatre paragraphes. Il y en a trois qui s'appliquent à toute évidence à ces villes : d'abord le paragraphe premier qui dit que le maximum des taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie est fixé au tiers du montant de l'accise ; ensuite le paragraphe qui porte que la décharge accordée à la sortie ne peut excéder le montant des taxes communales ; enfin le paragraphe qui porte que le droit à l'entrée dans les villes et communes ne peut dépasser ces taxes de plus d'un franc par hectolitre d'eau-de-vie. Mais le quatrième paragraphe qui dit que le rapport entre les contenances soumises à l'impôt et les quantités produites est établi à raison d'un rendement de 7 litres d'eau-de-vie par hectolitre de ces contenances, ce paragraphe s'applique à toas les cas où il peut être question d'établir le rendement.
Dans les villes où il n'existe pas de distillerie, les taxes dont il est parlé ici restent dans le droit commun, et le gouvernement qui donne son approbation aux règlements des communes reste libre de dépasser le chiffre qui est ici fixé.
Vous allez le comprendre. Vous avez voulu que, lorsqu'il y a des distilleries dans une ville, on ne pût en exclure les produits des distilleries situées hors de la ville en établissant un droit d'entrée plus élevé que le droit de fabrication. Voilà le but que vous avez voulu atteindre, et que vous avez atteint. Mais lorsque aucun distillateur n'obtient plus que ses voisins, vous devez laisser à la ville le droit d'élever les taxes, si cela ne dépasse pas certaine mesure et si l'intérêt financier de la ville en dépend. Certainement le gouvernement fera de cette faculté un usage discret. Mais on ne peut prétendre qu'il violerait la loi, si, dans ce cas, il dépassait la limite qu'elle a posée pour les villes où il y a des distilleries.
Je viens à l'amendement. Le principe de cet amendement, je ne l'ai jamais considéré comme contraire à aucune disposition de la loi. Voici la raison que j'en donne. La loi que nous discutons sera insérée au Moniteur ; elle sera exécutée dans les délais ordinaires, sauf les dispositions de l'article 10. Que demandons-nous dans cet article ? Qu'on suspende l'application de l'article 8 de la loi dans toutes les communes à octroi pendant les huit premiers mois.
La section centrale a présenté cet amendement, non dans le but de sauver les finances des villes, mais comme elle le dit dans son rapport, afin de laisser aux administrations communales le temps nécessaire pour remanier leur tarif d'octroi. Il n'en est pas moins vrai que l'on peut reculer ce terme, si à raison d'une circonstance exceptionnelle comme à Tournai, le déficit s'élève, ainsi que le dit l'honorable M. Le Hon, et comme cela est établi, au chiffre de 22,000 fr. S'il y a une cause spéciale (page 1121) pour cette ville, ce n'est pas un motif pour prolonger le terme de trois années, comme propose de le faire l'honorable M. Le Hon ; il suffit de le prolonger d'un an.
M. de La Coste. - Est-ce pour Tournai seul ?
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Comme on ne dit jamais une loi pour une ville seulement, la loi pourra dire qu'un délai d'un an est accordé à partir du 1er janvier 1854, pour les villes dont les droits d'octroi à la fabrication dépassent le maximum de l'article 8. En fait, cela ne s'applique qu'à la ville de Tournai. Mais il n'est pas du style législatif de désigner une ville nominativement.
M. Rodenbach. - Ce serait un privilège.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Sans doute, c'est une disposition exceptionnelle. Mais je pense que si je voulais scruter les autres lois, j'y trouverais des dispositions de ce genre en grand nombre.
Quelle que soit la situation des finances de la ville de Tournai, elle peut, avec 30,000 âmes, supporter une perte de 22,000 fr. L'honorable député de Tournai qui défend très bien les intérêts de cette ville, et qui a raison de les défendre, a eu tort de dire que la situation industrielle des distilleries voisines ne serait pas affectée par son amendement ; elle le serait très gravement, ce droit étant exorbitant. Il faut que cela cesse dans un bref délai.
Je propose donc, par amendement, le terme d'un an, au lieu du terme de trois ans.
M. Le Hon. - J'ai réduit la durée de la mesure que je propose, à deux ans, quand j'ai su que M. le ministre s'était rallié à l'amendement de la section centrale. La nouvelle réduction qu'il apporte en bornant son adhésion à une seule année aurait l'effet d'annuler mon amendement, en paraissant admettre son principe. M. le ministre n'a pas réfléchi sans doute qu'il ne s'agit que d'une faculté à donner au gouvernement ; si on limitait cette faculté à un an, on pourrait n'accorder qu'une prorogation illusoire.
Je demande le maintien de la durée de deux ans, et je rappelle qu'aucune conséquence fâcheuse n'est à craindre, puisque l'amendement, tel qu'il est conçu et restreint, ne peut être appliqué qu'à la seule ville de Tournai.
- Plusieurs membres. - A demain !
La séance est levée à 5 heures.