(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 1081) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Vermeire lit le proeès-verbal de la séance de samedi dernier ; la rédaction en est adoptée.
M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Les sieurs Vanden Bergh et compagnie prient la chambre de rejeter les propositions qui ont pour objet de réduire le taux de la décharge fixée par la loi du 20 décembre 1851 sur les distilleries. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les distilleries.
« Des artisans et ouvriers de Verviers prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le recrutement de l'armée et de reviser le mode de recrutement en vigueur, »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« Des habitants de Verviers et de son arrondissement prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le recrutement de l'armée, et proposent de renforcer l'armée en mobilisant une partie de la garde civique. »
« Même demande d'habitants de Dison. »
- Renvoi à la même section centrale.
« Les membres du conseil communal et d'autres habitants de Baelegem demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance, et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »
- Renvoi à la même section centrale et à la commission des pétitions.
« L'administration communale d'Autre-Eglise déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Jauche, tendant à la construction d'un chemin de fer des bassins houillers de Charleroi à Landen. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs à Quaed-Mechelen demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes, que l'élection se fasse dans la commune ou par fractions de district, et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Boorsheim prie la chambre d'accorder au sieur Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht, avec embranchement de Bilsen à Ans, par Tongres. »
- Même renvoi.
« Le bureau des marguilliers de l'église de Boesinghe réclame l'intervention de la chambre pour faire rapporter l'article 2 d'un arrêté du 4 octobre 1852, autorisant la fabrique de cette église à accepter un legs qui lui a été fait par le sieur Debandt »
M. Malou. - Je propose le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Des électeurs à Boorsheim demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre des finances adressse à la chambre 115 exemplaires de la statistique territoriale du Limbourg et du Luxembourg. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
« Le comité permanent de la société pour la conservation des monuments historiques et des objets d'art, à Arlon, fait hommage à la chambre de deux exemplaires des Annales de cette société, deuxième publication. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - Plusieurs membres de la chambre ont déposé sur le bureau une proposition de loi ; les sections seront convoquées demain pour en prendre connaissance et en autoriser la lecture, s'il y a lieu.
(page 1087) M. Delehaye. - Messieurs, quand on examine avec impartialité et sans préjugés la plupart de nos lois qui concernent les douanes, on doit être convaincu qu’il y a dms le génie industriel des Belges une puissance bien vivace, pour avoir résister si longtemps à cette grande mobilité, à ces tracasseries auxquelles on ne cesse de soumettre la plupart de nos sources de travail et de bien-être.
D'abord est venue l'industrie du raffinage du sucre ; lors de la discussion du dernier projet de loi sur cette matière, mes honorables amis et moi qui l'avons combattu, nous avons dit que cette industrie ne pourrait pas résister à ces changements si fréquents ; malheureusement nos prédictions ne se sont que trop réalisées ; l'industrie du sucre est réduite aujourd'hui, en Belgique, à des proportions très mesquines.
Ensuite est venue la fabrication de l'alcool. Celle-là, je dois le reconnaître, a mérité de la part de la législature des procédés un peu plus bienveillants : on ne l'a pas traitée, comme on a traité les raffineries de sucre ; on a eu pour elle les égards, parce qu'elle se rattachait intimement à l'industrie agricole. Quoi qu'il en soit, elle n'a pas été plus heureuse dans les dispositions qui ont été prises ; et tout récemment encore on a fait des expérimentations auxquelles n'a pas présidé la plus grande impartialité.
Pour savoir jusqu'où on pouvait saigner cette industrie, on a nommé une commission à la tête de laquelle se trouvait le premier chimiste du pays, et au talent duquel tout le monde rend hommage ; non content d'avoir fait présider la commission par un homme aussi expérimenté, alors que la plupart de nos distillateurs n'ont d'autres connaissantes chimiques que celle d'extraire, de la matière mise en macération, la plus grande quantité possible d'alcool, on n'a pas voulu que les expériences se fissent dans des conditions égales pour tout le monde. La loi de 1822 reconnaît que certaines provinces n'avaient pas les mêmes avantages pour l'industrie que d'autres provinces : elle a permis aux employés de prendre en considération la qualité de l'eau pour fixer le rendement qu'on pouvait obtenir. Cette disposition est contenue daus l'article 40 de la loi.
Qu'a-t-on fait dans la dernière commission ? Croyez-vous qu'on se soit donné la peine de fairs des expériences dans les Flandres et dans le Hainaut ? Cependant, c'était pour les Flandres et le Hainaut que cet article 40 avait été admis dans la loi. Pas du tout.
Il semble que fort de la division qui règne si profondément parmi les Flamands, il ne faille plus compter avec eux.
C'est ainsi que, dans cette grande expérimentation, il n'a pas été fait un seul essai dans une seule des trois provinces que je viens de signaler. Et croyez-vous que si un essai eût été fait dans ces trois provinces, il n'eût pas donné des résultats bien différents ? Je citerai un exemple qui vient à l'appui de mon opinion.
Il est reconnu, à Gand, que les distilleries placées à Eecloo obtiennent des produits plus considérables qu'à Gaind. Plusieurs de nos plus grands distillateurs ont fait des essais à Eecloo, avec les mêmes procédés et les mêmes matières ; constamment, sans exception, on a obtenu des rendements plus considérables. Toutes les expériences ont donné ce résultat ; on est convaincu que ce résultat ne peut être attribué qu'à la qualité des eaux. Ce sont ces essais et ces résultats qui ont engagé le gouvernement hollandais, qui est peut-être le plus fiscal du monde, à faire admettre l'exception sanctionnée dans l'article 40 de la loi de 1822. La loi de ce pays n'aurait pas donné à ceux qui distillent avec telle eau, un avantage au détriment de ceux qui distillent avec d'autre eau.
Malgré cette disposition le gouvernement belge, ne tenant aucun compte de cet antécédent, a juge convenable de s’arrêter à quelques distilleries au nombre de 3, situées l'une à Bruxelles, la deuxième à Boisfort et la troisième à Hasselt. Toutes les autres ont été écartées.
Ce qui vous étonnera, c'est que, dans les expériences faites dans ces trois distilleries, la commission qui en était chargée ait écarté toutes les opérations qui n'ont pas réussi au gré de ses désirs, qui n'étaient pas conformes à son attente, qui se ressentaient de l'influence de l'air, ou de toutes autres conditions qui se présentent partout. Cependant il était du devoir de la commission instituée par le gouvernement de tenir compte des variations de l'atmosphère, de la qualité des grains et enfin des circonstances qu'on ne peut prévoir et que l'on rencontrera partout. Si une commission, composée des hommes les plus renommés, accompagnée d'un chimiste éminent, a rencontre de tels obstacles, les distillateurs les rencontreront également.
Ensuite, cette commission emploi 13 kilogrammes de céréales par hectolitre de numération ; on oublie que ces 13 kilogrammos ne peuvent être employés à toutes les époques de l'année. C'est en septembre que l'opération a été faite, c'est alors qu'on a employé 13 kilogrammes de farine.
Eh bien, à d'autres époques on doit nécessairement employer une quantité moins forte ; on obtient par conséquent un rendement moins fort. Et l'on vient mettre en avant des produits qui sont entièrement la conséquence de faits tout exceptionnels.
Messieurs, je n’en dirai pas davantage sur ce rendement, qui d'ailleurs pour moi, est de très peu d'importance dans la matière. Car vous aurez beau proclamer que le rendement est 6, 6 1/2 ou 7, le distillateur n’obtiendra pas un de plus pour cela. Vous aurez beau dire qu'il a obtenu 7, alors qu'il n'a obtenu que 6, votre declaration n'y fera rien.
Mais admettons un instant le fait tel qu'on le présente, quelle en sera la conséquence au point de vue de la loi qui nous régit ? Cette conséquence ne peut porter que sur deux faits exceptionnels ; le drawback ou la restitution des droits à la sortie, et en second lieu, les droits tant à l’entrée qu’à la sortie des villes soumises au régime des octrois.
Voilà les deux circonstances pour lesquelles la consideration du rendement peut être de qnelque importance.
Permettez-moi, messieurs, de ne pas insister davantage sur ce point et d'aborder une autre question plus importante.
Le gouvernement reconnaît que le projet qui nous est soumis en ce moment n’est que la conséquence de la loi de 1851 ; il commence par cette déclaration son exposé des motifs. Mais rappelez-vous, messieurs, que lorsque nous avons voté la loi de 1851, il y avait dissentiment entre nous relativement aux faveurs accordées aux distilleries dites agricoles et aux autres distilleries. Il y avait lutte entre les deux intérêts et, comme le disait très bien M. le ministre des finances à cette époque, il fallait régler cette position favorable pour les uns, défavorable pour les autres. Nous étions donc en droit d’attendre que le projet de loi actuel contiendrait une modification en ce qui concerne les distilleries dites agricoles.
Vous savez, messieurs, que ces distilleries ne sont pas seulement établies dans les campagnes. On entend par distilleries agricoles celles qui cultivent un nombre déterminé d’hectares de terre et qui élèvent un nombre de têtés de bétail proportionnel à cette étendue de terrain.
Eh bien ! vous allez croire que puisque en 1851 il a été convenu que les distilleries agricoles jouissaient d'un avantage qu'on ne pouvait leur laisser, d'une prime qui était trop forte relativement aux charges qui pesaient sur l'industrie rivale, vous allez croire que le gouvernement viendra nous proposer de modifier cet état de choses. Pas le moins du monde ; il laisse dans la même position les distilleries agricoles ; il leur accorde même de nouvelles faveurs en leur permettant devenir lutter plus avantageusement avec les distilleries des villes.
L'honorable M. de La Coste me fait un signe négatif ; mais il conviendra avec moi que par cela même que la position des villes est modifiée quant à l'exportation, c'est un avantage que l'on fait aux distilleries agricoles. Or, je demande quel peut être le motif, quelle peut être la raison valable pour laquelle vous accorderiez 15 p. c. aux distilleries agricoles ?
Nous sommes tous d'accord sur ce point que toute distillerie, tant par son origine, c'est-à-dire par les produits qu'elle emploie, que par les produits qu'elle fabrique, est éminemment agricole ; c'est-à-dire que la distillerie prend les produits de la terre pour les soumettre à ses opérations et rend à la terre les résidus de cette même distillation. Or, sur ce point y a-t-il la moindre différence entre les distilleries agricoles et les distilleries des villes ?
Je concevrais que l'on accordât des avantages à l'industrie agricole, si elle se trouvait dans des conditions telles qu'elle produisait des avantages réels extraordinaires pour l'agriculture. Ainsi je suppose que dans les bruyères, dans, la Campine, dans les Ardennes, on établisse une distillerie ; je comprendrais qn’on accordât des avantages à un pareil établissement, parce qu'il s'agit ici de fertiliser des terres incultes.
Mais lorsqu'une distillerie sera placée dans les plus belles terres du pays, lorsque vous trouvez un riche propriétaire qui, voulant faire valoir lui-même ses terres, y établit une distillerie, quand à ce propriétaire vous accordez une déduction de 15 p. c, qu'a-t il fait pour l'agriculture de plus que le distillateur des villes qui, après avoir retiré l'alcool des matières mises en macération, livre les résidus à la campagne ? Un distillateur qui fait cette operation et fournit le résidu aux cultivateurs des environs, n’a-t-il pas rendu le même service à l'agriculture que celui qui emploie ses résidus à ses propres besoins ?
Il existe aux environs de Gand un prooriétaire qui possède beaucoup de terres dans d’excellentes conditions.
Ce propiiéiaire établit une distillerie de la contenance de 20 hectolitres, cette distillerie peut être assimilée à toutes celles qui sont à Gand ; sur 23 que j’y connais, il y en a 20 qui sont de la même capacité que celle dont je viens de parler. Ce propriétaire a établi une distillerie pour augmenter la fertilité de ses terres et utiliser ses moments ; pourquoi lui accorder une déduction de 15 p. c. ? Qu’a-t-il fait de plus que les distillateurs des villes ? Rend-il plus de services à l’agriculture ? Fertilise-t-il davantage les terres que le distillateur des villes ? Je pourrais ajouter que les engrais provenant des petites distilleries sont d’une grande utilité pour les petits cultivateurs qui sont dans le voisinage des villes, de sorte qu’il n’y a pas une seule raison qui justifie cette déduction de 15 p. c.
J'ai invoqué les dispositions de la loi hollandaise, voyez combien ses dispositions étaient plus rationnelles ; on accordait une faveur aux petites distilleries, mais on les mettait toutes sur la même ligne ; toutes les petites distilleries travaillant avec des cuves d'une contenance déterminée jouissaient du même avantage.
Il va de soi que les distilleries travaillant sur une grande échelle peuvent obtenir plus de produits proportionnellement. Cependant je ne vous proposerai pas d'introduire dans la loi une mesure semblable, je sais qu'elle serait mal reçue, vous seriez plus disposés à restreindre, la réduction qu'à l'étendre ; cependant telle qu'elle existe aujourd'hui elle n’est justifiée par rien. Je ne parlerai pas de la question de localité ; j'espère que cette question sera examinée quand nous en viendrons à la discussion des articles.
M. le ministre des finances vous a dit que la loi en discussion était la conséquence de la loi de 1851. que puisqu'il était prouvé que le rendement était de 7 au lieu de 6 1/2, il fallait que le drawback fût réduit en proportion ; il a réduit à 26 fr. et quelques centimes les 30 fr. 70 c. accordés jusqu'à ce jour, maintenant d'après lui la même proportion.
Pour moi, messieurs, convaincu qu'avec le drawback de 20 fr. l'exportation devient impossible, j'aurais tout autant aimé la suppression complète du drawback.
Ce n'est pas tout : de 26 fr., M. le ministre des finances consent à descendre à 24. Cela n'est réellement pas logique. Après avoir exposé les motifs du drawback, peut-on, sans tomber dans une véritable contradiction, fixer le drawback au chiffre réduit ?
On vous dit que le drawback c'est une prime. J'admets que ce soit une prime : mais c'est une prime accordée dans l'intérêt de l'agriculture. En effet, dans quelle position se trouve ici l'agriculture ?
La Belgique, au moment actuel, est encore tributaire de l'étranger, d'abord pour le bétail ; pour le bétail seul, il a été importé en Belgique, au-delà de ses exportations, plus de mille têtes de bétail.
C'est la statistique commerciale qui nous révéle ce fait. La même statistique nous apprend qu'il a été importé en Belgique 32 millions de kilogrammes de céréales depuis le 1er janvier.
Nous pouvons admettre qu'une grande quantité de ces céréales a été introduite pour la fabrication du genièvre.
Or, le gouvernement obtient d'abord le droit d'entrée sur les céréales étrangères. Il jouit d'un second avantage, celui qui résulte du transport de ces céréales par le chemin de fer; un troisième avantage résulte pour lui de l'exportation de nos spiritueux.
Mais il y plus : c'est que lorsque vous employez ces céréales étrangères à la fabrication des spiritueux, c'est que vos résidus sont considérables. Et qui profite de ces résidus, si ce n'est l'agriculture ? Il faut bien le reconnaître, c'est là un immense avantage que la loi actuelle accorde à l'agriculture.
Mais on n'a pas tenu compte de cela, il faut à tout prix que le drawback disparaisse !
Le gouvernement peut-il espérer qu'avec le chiffre de 24 le drawback sera maintenu ? Examinons en peu de mots cette question.
Nos seuls rivaux pour cette industrie sont la Hollande et Hambourg. L'industrie hollandaise a sur nous cet avantage de produire de la levure et de pouvoir terminer ses travaux en trois fois vingt-quatre heures. En Belgique, l'industrie doit terminer ses travaux en 24 heures, et elle doit s'approvisionner de levure à l'étranger. La quantité de levure qui entre en Belgique est considérable, cela atteint plusieurs millions. Comment pouvez-vous comprendre que, dans un pays aussi industriel que le nôtre, les lois aient pour effet d'empêcher de produire ce dont vous avez besoin? Vous ne pouvez pas produire de la levure ; or, savez-vous ce que vaut la levure? Elle coûte un franc par kilogramme.
Pouvez-vous espérer une lutie sérieuse, loyale, entre la Belgique et la Hollande, alors que la Hollande se trouve dans des conditions comparativement si favorables !
Examinons maintenant la position de la ville de Hambourg qui est aussi notre rivale dans cette branche d'industrie. Tout le monde sait qu'à Hambourg les céréales se vendent à 4 ou 5 francs à meilleur marché qu'en Belgique. Hambourg est placé, en outre, dans des conditions mercantiles plus favorables.
Et vous espérez qu'en réduisant votre drawback, vous pourrez maintenir vos exportations ! Ne dites pas que vous comptez sur des exportations, tous en réduisant le drawback ; je dis que si vous réduisez le drawback, vous rendez les exportations impossibles.
Messieurs, dans le sein de la section centrale, j'ai examiné une autre question qui est très importante : il s'agissait de l'emploi, pour la fabrication ces spiritueux, de toute autre matière que les céréales, c'est-à-dire de la mélasse. J'avais attiré l'attention du gouvernement sur ce produit qui est employé dans quelques usines. Ce produit a très peu de valeur comme comestible.
Le gouvernement a promis d'examiner la question. Il est un point certain : c'est que la mélasse donne au moins un rendement de 10 p. c. Comment se fait-il que, connaissant ce fait, et voulant être utile à l'agriculture, on n'ait pas proposé dans le projet de loi une disposition relative à la mélasse ? J'aurais voulu que le gouvernement, après avoir admis le droit de 1 fr. 50 c. par hectolitre de macération, eût consenti à fixer le droit à 2 fr. 15 c., lorsqu'on emploierait à la fabrication des spiritueux, de la mélasse au lieu de céréales.
J'ai formulé dans ce sens un amendement que je déposerai tout à l'heure sur le bureau. Cet amendement sera ultérieurement développé. Je désire que le gouvernement, admettant que l'emploi de la mélasse donne un rendement d'au moins 10 p. c., consente à fixer le droit à 2 fr. 15 c. pour ceux qui se serviront de la mélasse dans la fabrication de genièvre.
Je dirai encore un mot à ce sujet. L'emploi de la mélasse dans la fabrication du genièvre peut porter une grande atteinte aux intérêts de l'agriculture ; si vous maintenez le droit tel qu'il est, et si vous n'atteignez pas la mélasse, la mélasse sera substituée aux céréales dans la production des spiritueux. Il en résultera un grand dommage, d'abord pour l'agriculture, et ensuite pour le trésor.
Messieurs, je n'en dirai pas davantage en ce moment sur le projet de loi. Cependant permettez-moi de résumer en quelque sorte les motifs ce mon vote.
Je le déclare positivement, si le drawback est diminué comme on le propose, si les dispositions actuelles concernant les communes ne sont pas maintenues, je ne donnerai pas mon assentiment au projet.
Vous enlevez aux communes une grande partie de leurs revenus. A Gand, par exemple, nous recevions 15 fr. par hectolitre, maintenant vous réduisez ce chiffre à 7 fr. ; on introduira donc en ville des quantités plus fortes, sans atteindre le revenu actuel, mais vous mettrez les distillateurs des villes dans l'impossibilité de soutenir la concurrence du dehors.
Remarquez, messieurs, que les distillateurs urbains ont déjà beaucoup de charges que n'ont pas les distillateurs de la campagne ; ainsi, dans les villes les loyers sont plus élevés, les ouvriers sont mieux nourris, mieux habillés et exigent, par conséquent, un salaire plus élevé. (Interruption.)
Je suis étonné que l'honorable membre qui m'interrompt et qui se voue à l'étude des moyens propres à l'amélioration du sort des classes ouvrières, ne reconnaisse pas cette vérité. Il est incontestable que les ouvriers sont mieux nourris et mieux habillés en ville qu'à la campagne ; d'ailleurs les distilleries emploient de la houille, emploient du grain ; tout cela est soumis dans les villes à des impôts que n'ont pas à supporter les distillateurs des campagnes.
Je regrette profondément, messieurs, que lorsqu'il a présenté le projet de loi, M. le ministre n'ait pas tenu compte des exigences des différents intérêts, ni des promesses qui ont été faites. M. le ministre des finances a dit qu'il s'agissait d'égaliser les positions des différentes distilleries, et au lieu de cela, le projet sacrifie les distilleries des villes. Il fait plus, il supprime le drawback. Eh bien, messieurs, en présence de l'intérêt que vous portez à l'agriculture pouvez-vous lui enlever le plus précieux de ses moyens de prospérité !
Messieurs, nous vous avons dit quelles seraient les conséquences de la loi sur le raffinage du sucre : je vous disais que vous alliez détruire complétement toutes les petites usines. C'est ce qui est arrivé, je vous prédis aujourd'hui que votre loi détruira toutes les petites distilleries, qu'elles soient agricoles...
M. Rodenbach. - C'est tout le contraire.
M. Delehaye. - Comment pouvez-vous espérer d'augmenter le nombre des petites distilleries ? Elles se plaignent aujourd'hui et n'ont pu supporter la concurrence des grandes distilleries qui, dans l'état actuel des choses travaillent surtout pour l'exportation ; quand vous aurez supprimé le drawback, tout sera déversé sur le marché intérieur, tout sera livré à la consommation intérieure ; je vous le demande, une lutte pareille peut-elle être soutenue par les petits distillateurs ?
La loi de 1851, quelles ont été ses conséquences ? Elle a réduit le nombre des distilleries ; elle a fait plus, le tableau joint à la loi vous le dit, elle a réduit la contenance, on a fabriqué une quantité beaucoup moins considérable.
Messieurs, je le répète à regret, quand nous avons discuté la loi de 1851, je vous disais que les distilleries seraient frappées à mort ; j'ajoutais que ce qui pourrait les sauver ce serait un déficit dans la récolte du vin. La vigne comme les pommes de terre ont été atteintes. Ma prophétie s'est réalisée, le mal en France a été votre seule chance de salut ; la production vinicole frappée en France a réclamé la plus grande partie de vos exportations en spiritueux. Mais que la France puisse se passer de vos spiritueux, veus n'exporterez plus rien de ce côté, et votre production perdra son principal débouché.
Je le dis en terminant, je regrette que la plupart de vos industries soient continuellement frappées au cœur. M. le ministre de l'intérieur disait à propos de la loi sur la garde communale qu'il était fâcheux qu'il n'y eût pas de permanence dans nos lois; si cela était fâcheux pour la loi sur la garde communale, c'est autrement regrettable pour les lois qui concernent l'industrie. On établit une usine sur la foi de la législation existante, à peine commence-t-elle à marcher qu'une loi survient qui bouleverse tous les calculs toutes les espérances de l'industriel.
C'est pour ce qui concerne l'industrie plus que partout ailleurs qu'il faut une législation permanente. Aussi longtemps que vous n'aurez pas de lois durables, vos industries ne prospéreront pas ; toutes sont intéressées à ce que les lois ne soient pas constamment changées. Hier c'était la raffinerie ; aujourd'hui, l'existence des distilleries est mise en question ; demain viendra le tour des brasseries ; prenons-y garde !
Voici l'amendement que j'ai l'honneur de déposer :
« Si la matière mise en macération contient de la mélasse, le droit fixé par loi du 20 décembre 1851 à 1 fr. 50 c. seia porté à 2 fr. 15 c.
M. de Steenhault (page 1081) L'honorable membre qui vient de se rasseoir conteste le rendement de 7. Cependant les expériences qui ont été faites l'établissent d'une manière incontestable. Une chose m'étonne, c'est que les réclamations les plus instantes nous viennent d'une ville où les distillateurs sont, sans conteste, le mieux placés pour obtenir des produits considérables. A Gand on travaille avec du « lek » qui sont des résidus de bière préparés pour la distillation. Gand et Louvain sont les seules villes où l'on puisse travailler de cette façon. Ici, à Bruxelles, si je suis bien informé, la préparation de la bière ne permet pas d'utiliser de cette manière les résidus.
Veuillez-vous rappeler qu'en 1851 on contestait le rendement de 5 1/2, 5 3/4 ; les députés de Gand disaient que si la loi était adoptée, on allait fermer les distilleries, on allait les vendre. Grâce à Dieu, elles se portent assez bien, et les propriétaires ont sagement fait de les conserver.
Sur quoi se fonde-t-on pour contester que le rendement soit de 7 ? L'honorable M. Delehaye s'est basé sur ce que quelques expériences avaient été retranchées du programme.
Veuillez remarquer que ces expériences dont il parle, et qui sont en grande partie les premières, avaient été faites d'après un programme plutôt théorique que pratique auquel on a dû renoncer. On a retranché de plus les expériences indiquées sous les n°10, 11 et 12 ; mais elles n'avaient été faites qu'en attendant celles qu'on se proposait de faire d'après des procédés généralement connus.
On invoque encore les expériences faites dans une distillerie de Bruxelles. Là on avait employé des bacs qui depuis longtemps étaient sans emploi et qui, ne se trouvant pas appropriés, ne pouvaient pas donner un rendement normal.
On a prétendu encore que les matières employées dans les expériences étaient des matières de choix ; le seigle qu'on a employé pesait de 70 ou 72 kilog. par hectolitre, c'est la moyenne du poids du seigle de l’année, et tout le monde sait que les seigles de cette récolte étaient inférieurs en poids.
On a parlé aussi de l'eau, mais cet argument n'aurait ds valeur que s'il était unanimement reconnu. On conteste la bonté de l'eau de rivière, mais à Lembeek, MM. Claes ont fait un tunnel pour se procurer l'eau de la Senne ; à Hasselt, ce sont aussi les eaux de rivière ou de fossé qu'on emploie. Il n'y a, paraît-il, que Gand ; ville infortunée, pas une de ses rivières n'est bonne !
Je n'ajouterai plus rien pour ce qui concerne ce rendement de 7.
Samedi dernier l'honorable M. Dautrebande vous a fait un diseours, messieurs, qui devrait être scrupuleusement pris en considération, s'il était arrivé à ses conclusions après avoir examiné les questions qu'il traitait sous toutes leurs faces ; mais je regrette de devoir le dire, mon honorable collègue et ami ne vous a exposé la médaille que d'un côté, il a oublié de vous faire voir le revers.
C'est une légère erreur que je vais tâcher de réparer.
L'honorable M. Dautrebande vous a soigneusement étalé les pertes du trésor, mais il ne vous a pas établi quels avantages il retirait, quelles étaient les compensations, quelles seraient surtout les fâcheuses conséquences de l'anéantissement de notre exportation d'eau-de-vie, anéantissement infaillible si ses propositions étaient admises.
Je ne suis pas plus que lui partisan des primes.
Dans plus d'une circonstance déjà, je ne leur ai donné qu'un vote négatif, et j'étais, je l'avoue franchement, tout disposé à réduire encore ici le chiffre de 26 fr. proposé par le gouvernement.
Mais une appréciation plus réfléchie des faits m'a fait revenir de cette première impression peu favorable à toute prime qui constituerait une perte sèche pour le trésor ; je la soutiendrais donc dans ce cas-ci, non seulement parce qu'elle n’est pas ici de cette catégorie, mais encore parce que nous avons à tenir compte à l'industrie qui nous occupe, de la position exceptionnelle et défavorable que la loi lui fait.
Ne nous laissons pas trop effaroucher de ce mot de prime, messieurs, et voyons d'abord jusqu'à quel point il y a prime ici.
Comme tout chiffre d'exportation est bon pour établir le droit que j'ai à vous soumettre, prenons par exemple celui de 1852, 8,021 hectolitres.
A la décharge de 26 francs le gouvernement aurait eu à rembourser 208,546 fr.
Mais comme il faut défalquer de ce chiffre la somme qui comprend l'accise proprement dite, parce qu'il ne peut entrer dans la manière de voir de personne de compter la restitution des droits comme prime, vous ne trouvez en réalité que 36,655 fr. 907 c. qui dépasse cette restitution nette.
La perte pour le trésor n'est donc jusqu'ici que de 36,655 fr. 97 c, en calculant la prime à 4 57 et sur un rendement de 7 litres qui ne peut plus, je crois, être contesté.
Mais, messieurs, pour ces 8,021 hectolitres de produits, il a fallu, à raison d'un rendement de 7 de 13 kilos de farine par hectolitre de matière 1,483,885 kilos de seigle qu'on a dû nécessairement importer puisqu'il est reconnu que la Belgique ne produit pas assez pour sa consommation.
Ces 1,400,000 kil. ont donc payé 20,000 fr. à raison d'un franc l'hectolitre de 72 kil., droit que le trésor n'aurait pas reçu sans les distilleries et qu'il faut défalquer des 36,655 fr.
Ce grain a dû être transporté : prenant à 30 c. les cenl kilogrammes, ce qui n'est certes pas un taux trop élevé en moyenne, voici encore 5,451 fr. que le chemin de fer reçoit et dont il est juste de tenir compte.
(page 1082) Votre prime se trouve donc réduite à 19,879 fr. 97 c. (10,595 fr. si c'est à 1 fr. l'hectolitre).
Dès ce moment, messieurs, je conteste la prime, et je dis qu'il n'y en a pas, car le transprt des charbons, les patentes, la majoration de l'impôt foncier compenseraient déjà cette somme si les bienfaits que répandent les distilleries par les fumures qu’elles produisent, le bétail qu'elles engraissent, et qu'elles achètent aux agriculteurs, les accroissements de richesse qui en proviennent et qui doivent toutes tourner au profit du trésor, ne devaient, à eux seuls l'excuser aux yeux de ses adversaires les plus décidés.
Les bienfaits des distilleries sont une chaîne ; demandez, par exemple, aux habitants des localités qui environnent Lembeck et cela à une distance assez étendue, ce qu'ils penseraient du chômage de l'établissement de M. Claes, et vous verrez ce qu'ils vous répondront.
Si l'on se plaint des primes, veuillez-le remarquer, messieurs, c'est surtout parce qu'elles sont un moyen de concurrence inégale et ruineuse vis-à-vis dé ceux qui ne les reçoivent pas, vis-à-vis de la consommation intérieure.
Si l'honorable M. Dautrebande se plaint des primes, j'en appelle ici à sa loyauté, c’est surtout pour la concurrence faite aux distillateurs de Huy par ceux d'Anvers.
Mais veuillez ne pas confondre, messieurs ; cette concurrence illégale n’est pas le résultat de la prime du gouvernement, car je vous prouverai que l'exportateur ne bénéficie pas de façon à pouvoir perdre sur le marché intérieur.
Le mal gît dans la prime communale, et vous en trouvez la preuve rien que dans la provenance des eaux-de-vie qui viennent faire cette concurrence.
Ce sont les Anversois qui ont fait le mal là, comme les Gantois le font ailleurs ; ici aux portes de Bruxelles, par exemple.
Une autre preuve de ce que j'avance, c'est que cette concurrence dont on se plaint n'est pas le fait des distillateurs extra muros, qui cependant exportent aussi.
Ceux-là ne peuvent vendre qu'aux conditions normales du marché, parce que l'exportation ne leur donne aucune marge sur laquelle ils puissent imputer une perte, et je vais vous le prouver ;
On se fait une fausse idée de la valeur de cette prime.
Vous allez voir par un calcul bien simple qu'elle est loin d'être une source de bénéfices considérables, une source de richesses.
Je ne saurais assez le répéter, le Potose pour les distillateurs urbains, ce sont les octrois, les primes communales, mais non pas celles de l’Etat.
Voici les prix comparatifs des esprits pour la consommation et pour l'exportation. Il en résultera la preuve qu'il n'y a aucun avantage à exporter.
Pour l'exportation vers la France, on obtient 60 c. au litre a 87 degrés, rendu à bord, futaille comprise.
Donc, I hectolitre, fr. (50 »
Restitution du draw-back à raison de 30 fr. 70 c. à 87 degrés, rendu à bord, futaille comprise.
Donc, 1 hectolitre, fr. 60
Restitution du drauback à raison de 30 fr. 70 c. à 50 degrés, fr. 33 40.
Donc, fr. 113 40 que donne un hectolitre exporté.
Pour la consommation intérieure, un hectolitre à 85 degrés calculé proportionnellement au prix de 1 fr. 23 c. à 95 degres, donne 112 fr.
Il y a done 1 fr. 40 de bénéfice pour l'exportation. Mais vous avez 4 fr. à déduire au moins pour la futaille, ce qui, en résumé, donne 109 fr. 40 pour l'exportation quand on peut vendre 112 à pour la consommation intérieure.
Voici, messieurs, les prix des derniers mois :
En novembre 1852 :
Pour la consommation 128 fr. à 95 degrés, ce qui équivaut à 118 fr. à 87 degrés.
Pour l'exportation 66 fr. rendu à bord, futaille comprise ; restitution du drawback 54 francs, défalcation faite de la futaille à 4 francs, reste 116 francs.
Donc 2 francs de moins pour l'exportation.
En décembre et janvier 1853 :
L'esprit valait 120 francs.
Pour l'exportation, drawback compris, 117 francs, 5 francs de moins pour l'exportation.
En février et mars : L'esprit valait pour la consommation 117 francs. Pour l'exportation, 115 francs.
Vous voyez, messieurs, que ce n'est pas là une mine bien riche à exploiter, vu que ce n'est pas de là que peut provenir la concurrence mineuse dont on se plaint.
Je vous ai dit en commençant, messieurs, que notre législation mettait l'industrie indigène dans une situation exceptionnellement désavantageuse vis à-vis de la concurrence étrangère, vis-à-vis des Hollandais surtout, et qu'il y avait par conséquent à tenir compte à nos industriels de cette infériorité forcée.
Voici pourquoi :
On nous a dit que les distillateurs belges ne voudraient pas de la législation hollandaise.
Cela est vrai et faux en même temps. Cela est vrai dans en ce sens que cette législation est vexatoire, infiniment moins libérale que la nôtre. Cela est faux si l'on n'envisage que les bénéfices à en retirer.
L'avantage qu'ont les Hollandais sur nous réside dans la fabrication de la levure que la législation belge interdit, car il faudrait quelques heures de plus que nos 24 heures.
Cette levure, comme vous avez pu le voir dans une pétition qui vous a été adressée et que je cite parce que les faits sont exacts, leur donne incontestablement un avantage de 10 fr. à l'hectolitre.
En Belgique c'est une perte sèche pour les distillateurs, perte que leur impose la loi et qui est loin d'être sans importance.
La bonne qualité de la levure des distilleries la fait rechercher partout. Les Hollandais en exportent en Allemagne, en Angleterre, en hiver jusqu'en Amérique, m'assure-t-on.
Ici on ne consomme pour ainsi dire que celle-là, il nous en entre journellement en été 600 à 800 kilos, et en hiver de 1,100 à 1,200.
Elle vaut en moyenne 1 fr. le kilo. C'est assez vous dire ce que nous aurions à gagner de ce chef.
Cette perte est d'autant plus dure que la fabrication des levures ne nuit en rien à celle des eaux-de-vie.
Aujourd'hui cela se jette, on n'en fait rien. Je n'ai jamais compris, messieurs, quels sont les motifs qui ont déterminé le gouvernement et nous-mêmes, messieurs, à entraver cette fabricalion.
Sans entrer dans ses détails, il paraît évident que le droit se percevant par renouvellement et par contenance de matière imposable, la fraude serait tout aussi facile à réprimer qu'en Hollande.
Il y a là une lacune que forcément l'on devra combler un jour, car c'est une perte, comme je le disais tout à l'heure, réelle pour l'industrie, sans bénéfice aucun pour le trésor.
C'est de cette perte qu'il est juste que nous tenions compte aux distillateurs.
Quant à l'importance des primes, il ne faut pas non plus, messieurs, s’en créer un fantôme. Vous voyez bien que normalement l'exportation n'augmente pas, quel que soit le chiffre du drawback.
Hors 1849, année exceptionnelle, où l'on a exporté davantage à cause de la suppression de la prime accordée aux distillateurs hollandais en compensation du droit sur le seigle, suppression décrétée le 30 mai 1847, hors 1849, dis-je, cette exportation est loin de progresser beaucoup.
Si aujourd'hui nos exportations vers la France se sont un peu développées, ce n'est que grâce à la maladie de la vigne.
Le mal venant à cesser en France, le bien qui en résulte pour nous cessera de même.
Quant à l'exportation vers d'autres contrées, elle n'est pas à craindre pour le trésor. Des tentatives ont été faites, vers les Indes, vers l'Amérique, mais on a dû y renoncer en grande partie.
Il s'en trouve parmi vous, messieurs, qui, concédant une prime pour des industries naissantes, sont disposés, je regrette de devoir le dire, à refuser même le chiffre de 26 fr.
Mais, messieurs, au point de vue de l'exportation n'est-ce donc pas une industrie naissante ? Qu'on me cite les marchés où nous avons pied, où nous sommes ancrés.
Je vous ai d'ailleurs prouvé, messieurs, que la prime, ou plutôt-ce qui dans le cas présent portait ce nom, n'était en réalité que de bien peu d'importance ; car le trésor recevait à peu près d'une main ce qu'il payait de l'autre.
Je vous ai fait voir qu'en présence de notre législation, les Hollandais jouissaient d'un avantage d'au moins 10 fr. à l'hectolitre.
Diminuer, réduire encore notre prime, c'est tout simplement anéantir toute exportation qui est cependant avantageuse, car, ne l'oublions pas, messieurs, les résidus nous restent toujours et ils sont loin d'être sans importance.
Le gouvernement n'y gagnera rien, plus d'une industrie nationale y perdra et en définitive le résulat qu'infailliblement vous atteindrez sera le monopole des grands établissemeriis qui, ne pouvant plus exporter, n'épargneront rien pour accaparer le marché intérieur.
Ce sera une lutte à outrance, et vous savez trop bien, messieurs, quel est le résultat de ces luttes pour que je vous en entretienne.
Il y va des petites distilleries, qui sont précisément celles que vous voulez protéger et qui sont précisément celles qu'il y a avantage à disséminer dans le pays entier.
Une dernière considération, messieurs, qui milite encore singulièrement en faveur du développement de nos exportations d'eau-de-vie.
En 1851, nous avons importé 18,110 têtes de gros bétail, dont 3,180 bêtes grasses.
Ce dernier chiffre vous dit assez combien nous avons encore à marcher sous ce rapport.
Notez bien qu'ici ce n'est pas comme en Hollande, où le bétail est engraissé en prairie. Ici la nature de nos prés ne nous le permet qu'exceptionnellement, et nous devons recourir à la stabulation.
Si vous anéantissez l'exportation des eaux-de-vie, si, par conséquent, vous en restreignez la fabrication, il doit nécessairement en résulter pour nous une importation plus considérable de bêtes grasses.
Nous serons, de ce chef, complètement à la merci de la Hollande, qui nous imposera ses prix, que, dans te moment, par exemple, sont des plus élevés.
Ce sera une branche importante d'industrie que vous détruirez.
Je crains fort, messieurs, que l'ancien drawback ne trouve grâce (page 1083) devant vous. Je le regrette, parce que ce qui vous arrêtera n'est qu'une exportation toute momentanée, et qui est loin d'être normale.
En ce qui me concerne, messieurs, convaincu de cette vérité, je lui donnerais volontiers mon appui, et je voterais contre la loi, si le chiffre admis était abaissé en dessous des propositions du gouvernement.
M. de Breyne. - Messieurs, le projet de loi qui est soumis à nos délibérations vient soulever des questions du plus haut intérêt. Il ne s'agit pas seulement, comme on semble le faire accroire, d'une modification à la loi sur les distilleries, d'une question financière de l'Etat ; mais cette modification se rattache à des questions d'agriculture, d'industrie, de commerce et de navigation. Quelque importantes que soient ces questions, je n'ose examiner le projet dans toutes ses conséquences, j'abandonne ce soin à des collègues plus compétents et je me contente de vous présenter quelques réflexions sur le mal que produisent nos fréquents remaniements de toute loi qui touche à des intérêts si divers et si considérables.
Je regrette profondément, messieurs, que je sois forcé de répéter ee que j'ai eu l'honneur de vous dire, dans une autre circonstance, contre cette inexplicable versatilité dans nos idées fiscales, contre cette espèce de manie de vouloir changer nos lois à chaque instant, contre cette instabilité qui, comme le dit fort bien le rapporteur de la section centrale, n'augmente pas le prestige, mais au contraire diminue le respect et l'attachement qui sont dus aux lois du pays.
Ne craignez-vous pas, messieurs, que l'instabilité de nos lois, poussée, je dois le dire, à l'excès, ne vienne nous enlever, aux yeux des autres peuples, les qualités que l'on admirait jadis dans nos ancêtres, et ne nous fasse passer pour une nation légère et versatile ?
En effet, messieurs, il y a peu de jours, nous nous sommes occupés de remanier une loi basée sur des prescriptions constilutionnelles. Nous avons consacré un grand nombre de séances à modifier la loi sur la garde civique qui date à peine de cinq ans. Aujourd'hui, c'est la législation sur les distilleries qui nous est soumise ; demain, ce sera tout autre projet qui viendra prouver, pour la centième fois, que nous n'avons rien de fixe, rien de stable dans notre système législatif et fiscal.
Le gouvernement cherche, dit-il, et je crois à sa bonne volonté, à faire fleurir l'industrie et le commerce du pays par tous les moyens qui sont en son pouvoir ; il se hasarde même quelquefois dans certaine voie dangereuse, en instituant des primes et des encouragements, afin d'exciter les travailleurs et les capitalistes à se lancer dans les entreprises industrielles ; mais a-t-il assez de courage et de persistance à persévérer ? Malheureusement, non. A peine voyons-nous dis intérêts établis à la faveur d'une législation, si sévèrement qualifiée par certains d'entre nous, que des changements subits, proposés dans la voie fiscale, viennent jeter la crainte et le découragement dans cette masse de gens actifs et hardis, qui, sur la foi de vos promesses, se sont engagés dans une carrière qu'ils ne peuvent plus abandonner, et où ils ne trouvent trop souvent que déboires et déceptions.
Il n'y a pas, messieurs, de loi fiscale qui ait subi plus de modifications que la loi sur les distilleries. La législation actuelle date, il est vrai, de 1842, niais depuis trois ans n'a-t-elle pas été trois fois modifiée ? Cette inqualifiable instabilité dans une loi qui régit une matière si importante, est évidemment regrettable, car elle met des entraves au développement de l'industrie et du commerce, et elle décourage l'homme actif et entreprenant qui se destine aux affaires qui demandent de grands capitaux, de l'activité et de l'intelligence.
Messieurs, si le gouvernement connaissait tout le mal qu'il cause à l'industrie et au commerce chaque fois qu'il a l'intention de changer une loi fiscale qui touche de si près à tant d'intérêts, il s'en abstiendrait certainement, ou, du moins, il ne s'y résignerait qu'à la dernière extrémité.
Je pourrais prouver mon assertion par cent exemples, mais je me contente de vous rappeler ce qui vient de se passer sous nos yeux, ce dont nous avons été les témoins.
C'est ainsi, messieurs, que le prix élevé des esprits en France et en Italie avait éveillé l'attention de notre commerce et avait engagé un grand nombre de négociants à faire des expéditions de spiritueux de notre production nationale. Des transactions sont sur le point de se conclure ; des achats considérables de grains ont lieu, des approvisionnements de toute nature se font et l'industriel est prêt à satisfaire à tous les besoins. Le commerce et l'industrie se raniment par l'espoir d'un bénéfice que des circonstances exceptionnelles lui présentent, circonstances qui ne se renouvellent qu'à de longs intervalles et lorsque plusieurs récoltes malheureuses de la vigne se succèdent. Mais quelle déception ! on a compté sans le fisc. Le gouvernement, qui donne rarement d'une main, reprend bien vite de l'autre, et la présentation du projet qui nous occupe en est une preuve irrécusable.
A peine l'intention du gouvernement d'apporter à la loi sur les distilleries quelques changements, autres que ceux prescrits par l'article 8 de la loi du 20 décembre 1851, est-elle connue, qu'immédiatement toute demande cesse, toute spéculation s'arrête, toute transaction est suspendue, et chacun juge prudent d'attendre le résultat, avant de s'aventurer dans un avenir inconnu.
Il est donc évident, messieurs, qu'il est de l'intérêt du pays que nos institutions ne soient plus si souvent exposées à subir des changements. Il est évident que si nous voulons donner de l'avenir et de la prospérité au commerce et à l'industrie, il faut que nous les dotions une bonne fois de lois stables.
Maintenant, quant au projet qui est en délibération, je puis en approuver quelques dispositions, mais je dois en rejeter d'autres. J'attendrai donc les explications du gouvernement et la discussion de la chambre, avant de me prononcer définitivement.
M. de Ruddere. - Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis apporte une amélioration aux distilleries agricoles ; la section centrale a adopté le projet sous les modifications suivantes :
Que le taux de la décharge sera fixé à 24 fr. au lieu de 26, et que le droit à l'entrée dans les villes et communes sera de 1 fr. au lieu de 1 franc 50 cent.
Je réclame la suppression des primes pour que les distilleries soient sur un pied d'égalité avec les autres industries. Puisque la chambre n'accorde plus de primes pour la construction des navires, des toiles, et autres, je ne vois pas pourquoi les distilleries devraient continuer à en avoir.
Je regrette que le gouvernement n'ait pas admis les demandes adressées à la chambre par les distillateurs agricoles, de diviser les distilleries en trois classes avec déduction de 15 p. c. pour le distillateur agricole travaillant 30 hectolitres de macération par jour, et 20 p. c. pour celui travaillant 20 hectolitres ; c'eût été favoriser les distilleries agricoles.sans qu'elles eussent pu nuire aux grandes distilleries, qui auront toujours un immense avantage par les perfectionnements des procédés ; et qu'elles s'occupent plus particulièrement à la production de l'alcool pour le commerce, plutôt qu'à l'engrais du bétail et à la fumure ; parmi ces dernières, il y a des distilleries qui emploient de la mélasse provenant de leur fabrique de sucre, celles-là obtiennent encore un bénéfice de 1/3 sur les droits ; on peut donc être sans crainte qu'une déduction de 15 et 20 p. c. accordée aux distilleries agricoles ne puisse nuire aux grandes distilleries ; c'est aux distilleries agricoles que les terres des Flandres doivent leur fertilisation, de bruyères qu'elles étaient il y a un siècle et demi. Cessez de les protéger, beaucoup de terres faute d'engrais retourneront dans leur état primitif.
Je ne crois pas, messieurs, que dans ce moment où on s'occupe de défricher les immenses bruyères de la Campine et du Luxembourg, que le gouvernement protège de son influence, on voulût porter des restrictions aux distilleries agricoles ; car plus elles se multiplient, plus il y a bénéfice pour le trésor et avantage pour l'agriculture. D'après le tableau annexe A, joint au rapport de la section centrale, les distilleries agricoles ont diminué d'un quart, depuis la loi du 27 juin 1842 ; il y avait 428 distilleries agricoles en 1845 ; le nombre en 1852 est de 353, et avant cette époque, elles étaient déjà considérablement diminuées, ce qui est très préjudiciable à l'agriculture.
L'agriculture demande des problèm et mes efficaces, elle y a des droits, car les charges qui pèsent sur elle sont énormes. On me dira peut-être qu’elle est suffisamment protégée, que le gouvernement a créé des expositions, des concours, des commissions d’agriculture et même des écoles ; quant aux expositions, cette protection est une dérision, parce que les produits qu’on y envoie son choisis et qu’ainsi on n’atteint pas le but qu’on s’est proposé ; les commissions d’agriculture pourraient rendre des grands services si elles étaient composées d’hommes compétents, c’est-à-dire de cultivateurs ; et pour ce qui regarde les écoles d’agriculture en Flandre, c’est un non-sens, car nul pays n’est mieux cultivé, au point d’attirer l’attention de tous les étranhers qui parcourent notre belle Flandre. A quelle fin peuvent aboutir ces écoles ?
Le cultivateur flamand comprend parfaitement la culture, elle se propage de père en fils ; il ne change de système qu'après mûre expérience, car il est routinier de sa nature.
Je crois, messieurs, qu'il est de notre devoir de favoriser en tout point l'agriculture sans nuire aux autres industries ; c'est dans ce but que je recommande particulièrement à l'attention de l'honorable ministre des finances la demande des distillateurs agricoles, car il serait injuste de ne pas leur accorder la déduction de 15 et 20 p. c. Je me rallierai aux amendements présentés dans ce sens.
M. Vander Donckt. - Je regrette de devoir le dire ; mais chaque fois qu'il s'agit d'accorder une protection à l'industrie agricole, il s'élève dans cette enceinte des voix pour la lui contester, l'amoindrir, l'annihiler, pour la lui enlever.
Vous connaissez les sacrifices que le gouvernement a faits pour le défrichement des bruyères dans la Campine. Croyez-vous qu'il n'y a pas d'autres localités où il y ait des mauvaises terres, des défrichements à faire, des terres de mauvaise qualité, qui doivent être amendées par de bons engrais, par une surabondance d'engrais, terres à l'amélioration desquelles ne peuvent suffire les engrais ordinaires du cultivateur ? Il n'y a donc que les petites distilleries des campagnes qui puissent faire en sorte que les terres de mauvaise qualité produisent comme les autres.
Ce que ces honorables membres accordent d'une main, ils veulent le retirer de l'autre : d'un côté, vous accordez des fonds pour le défrichement des bruyères de la Campine, pour l’établissement de dépôts de chaux à prix réduit dans d'autres localités où la culture exige cet amendement. D'un autre côté, vous voulez enlever aux distillateurs agricoles la réduction des 15 p. c. dont ils jonissent. Or, ces 15 p. c. même sont un encouragement insuffisant ; c'est infiniment trop peu pour que ces distilleries puissent exister et soutenir la concurrence.
Aussi chôment-elles presque toutes, écrasées qu'elles sont par la concurrence des distilleries urbaines. C'est à telles enseignes que, dans l'arrondissement d'Audenarde, il se consomme une grande quantité de genièvre, provenant des distilleries d'Anvers. La chambre de commerce de cette (page 1084) ville ne va pas même si loin dans la pétition qu'elle a présentée à la chambre, elle ne va pas jusqu'à proposer la suppression de toute protection. Il est vrai de dire que les 10 p c. qu'elle propose équivalent à une suppression, car 15 p. c. ne sont pas suffisants pour que les petites distilleries continuent à subsister. Cependant il est évident que, par là, la chambre de commerce d'Anvers a reconnu qu'il faut une protection aux petites distilleries, puisqu'elle n'en demande pas la suppression totale, et qu'elle propose encore un avantage ou une réduction de 10 p. c.
Messieurs, il faut bien que les distillateurs d'Anvers trouvent soit dans la prime, si il dans le perfectionnement des ustensiles, soit dans la matière qu'elles employant, soit dans la restitution des droits de ville, des avantages tels qu'outre les frais considérables de transport, ils puissent soutenir la concurrence dans nos arrondissements, et y introduisent leur genièvre qu'ils peuvent donner à meilleur compte que ne peuvent le donner les petites distilleries de l'arrondissement. Il est évident qu'il faut qu'il y ait un avantage quelconque, c'est ce que le gouvernement a bien apprécié, alors qu'il a proposé des moyens pour réduire ces avantages dont les grands distillateurs jouissent actuellement dans les villes.
On a dit : Toutes les distilleries sont agricoles ; c'est ce que je conteste, messieurs, je dois le contester. Je puis prouver que toutes les distilleries ne sont pas agricoles ; les distillateurs des villes n'ont qu'un intérêt : retirer de la matière le plus d'alcool possible ; et ils ne laissent qu'un déchet qui n'est qu'une mauvaise nourriture pour le bétail, tandis que les petits distillateurs agricoles ne retirent pas la dernière goutte d'alcool de leur matière, ils font en sorte que la nourriture restant pour le bétail soit forte et substantielle, qu'elle soit de bonne qualité. Il n'est donc pas vrai que toutes les distilleries soient agricoles.
On a parlé des charges qui pèsent sur les distilleries des villes ; on a allégué qu'elles doivent payer les droits d'octroi non seulement sur les matériaux de construction des distilleries, mais encore sur tous les objets qu'elles emploient et qui sont soumis à l'octroi des villes. Mais on n'a pas tenu compte de l'octroi personnel ou droit de capitation que l'on doit payer dans les campagnes, charge quelquefois très onéreuse, à telles enseignes que des distillateurs et autres personnes aisées payent cinq, et jusqu'à 6 et 7 cents francs par an. Voià une charge qui équivaut bien à ce que payent les distillateurs dans les villes et que les villes leur rendent en partie au moins à la sortie.
Un mot sur le rendement : nous avons entendu contester le rendement de sept litres. Comment cela est-il possible, après les expériences faites d'une manière impartiale par le gouvernement et que les distillateurs eux-mêmes en conviennent dans une pétition qui vient de vous être adressée de Verviers et dont vous me permettrez de vous lire le passage suivant :
« Quant aux expériences d'hiver faites à Hasselt, on n'a employé que du seigle de 70 kdogrammes à l'hectolitre, ce qui est aussi le poids moyen du seigle de la récolte de cette année. Ces distillateurs n'ont donc aucune bonne raison à faire valoir de ce chef, et nous croyons que le rendement de 7 21/100 litres s'obtient facilement dans nos distilleries, quoique les distillateurs des villes prétendent n'obtenir que 6 75-100 comme ils l'ont déclaré à la dernière séance de la commission. »
Quand le gouvernement fait faire des expériences avec la plus grande exactitude, alors que les distillateurs eux-mêmes conviennent qu'ils peuvent retirer de la matière 7 litres de genièvre, il est évident que c'est bien en vain que l'on veut contester un chiffre désormais incontestable.
Je me bornerai, pour le moment, à ces observalious que je livrer à votre appréciation.
M. Allard. - Messieurs, en 1831, lors de la discussion de la loi sur les distilleries, j'avais présenté un amendement pour accorder aux distilleries agricoles une protection de 20 p. c., parce que, employant des appareils moins perfectionnés, il me semblait que la déduction de 15 p. c. était insuffisante.
L’amendement proposé par l'honorable M. de Denterghem, et qui a été adopté par la chambre, ayant un peu remédié à cet état de choses, je n'insisterai plus aujourd'hui pour obtenir une augmentation de protection. Par contre, je voterai contre toute réduction qui serait proposée.
Lorsque, dans la séance du 29 juillet 1851, l'honorable M. Mercier proposait un amendement ainsi conçu :
« Les taxes communales sur la fabrication de l'eau-de-vie indigène ne pourront excéder le taux actuellement existant. »
Il disait : Les distillateurs établis dans les communes rurales ne peuvent introduire leurs produits dans les villes, parce que celles-ci les repoussent par des droits protecteurs en faveur de ceux de leurs distilleries.
Ils ont au contraire à supporter une concurrence ruineuse par la raison que les administrations des villes non seulement repoussent les produits des distilleries du dehors, mais accordent indirectement des primes à la sortie du genièvre.
L'honorable M. Mercier ne voulait pas, messieurs, bouleverser les finances des villes. C'est ce qui arriverait si le projet du goumnement ou, pis encore, si celui de la section centrale était adopté.
La ville de Tournai qui reçoit actuellement 40,413 fr. 37 c, ne recevrait plus que 17,777 fr. 54 c., si même le projet du gouvernement était adopté ; et cependant on lit daus l'exposé des motifs : que « le gouvernement pourra mettre les villes à même d'établir leur tarif d'après les (erratum, page 1088) principes du projet de loi, sans qu'il en résulte de préjudice pour leurs finances ; aussi, sauf des cas fort rares, elles n'éprouveront aucune perte de la révision projetée. »
Vous le voyez, messieurs, dans la pensée de l'honorable M. Mercier comme dans la pensée du gouvernement, les villes ne peuvent éprouver des pertes de la révision qu'on nous propose.
L'article 8 interdit d'élever les droits d'entrée au-delà du tiers du droit d'accise. Pour les fabrications intérieures, on ne permet, d'après le projet de la section centrale, d'ajouter à cet impôt communal que la somme de 1 fr. à l'entrée, ce qui porte le maximum du droit à fr. 8-14 par hectolitre de genièvre à 50 degrés.
Pour ne citer qu'un exemple, je dirai qu'à Tournai le droit actuel étant de 19 fr. 95 par hectolitre à l'entrée, le droit proposé étant de 8 fr. 14, il y aura forcément 11 fr. 81 de réduction réelle par hectolitre pour engager le peuple à la consommation du genièvre.
En adoptant le projet de loi présenté par le gouvernement, ou celui de la section centrale, on accorderait une prime à l'intempérance, il y aurait là un entraînement à l'usage abrutissant des boissons alcooliques.
Chaque fois qu'il s'est agi d'une augmentation de droit sur les boissons spiritueuses, on nous a fait valoir combien l'usage immodéré de ces boissons était immoral pour le peuple, on pourrait produire des statistiques effrayantes des crimes attribués à des excès de boisson, et l'on veut aujourd'hui accorder une prime pour en augmenter la consommation !
On nous dit : Il y a un abus dans les systèmes des octrois sur les eaux-de-vie indigènes, et l'on a soin de nous démontrer que cet abus consiste dans le rendement fictif et le rendement réel à la fabrication.
Tout le monde est d'accord sur ce point. Je dirai, en passant, que c'est à tort que l'on croit que les villes tiennent à accorder des primes sur les produits fabriqués chez elles, car les primes sont au désavantage de leurs finances, elles ne peuvent que les priver d'une partie des ressources de l'impôt sur le genièvre.
Mais si les administrations communales (qui connaissent maintenant le rendement plus ou moins réel par les expériences qui ont été faites par le gouvernement), si les administrations communales, dis-je, percevraient à l'entrée un impôt équivalent ou quelque peu supérieur à celui qui serait prélevé par elles sur les genièvres fabriqués à l'intérieur, et si le droit de sortie était le même que celui obtenu à la fabrication,n e serait-on pas amené à conclure avec raison que l'abus a cessé d'exister ?
Eh bien, l'administration communale de Tournai, par sa pétition, n'a pas demandé une chose qui se refuse de s'allier avec ce principe. Elle demande que le droit d'octroi puisse s'élever à la moitié du droit d'accise et ne réclame, pour les distillateurs urbains, qu'une protection de 2 fr. 50 par hectolitre de genièvre à 50 degrés.
Le principal motif qui a paru déterminer le gouvernement et la section centrale à proposer cette restriction dans la taxe communale des eaux-de-vie indigènes, est puisé dans l'appréhension que l'on éprouve de voir introduire frauduleusement dans l'intérieur des villes les produits des distilleries situées extra muros (page 15 du rapport).
Quelques mots suffiront pour démontrer combien nos populations sont peu portées à chercher des ressources dans la fraude et la contrebande, et combien l'appréhension de cette fraude est peu fondée et chimérque.
La loi du 5 janvier 1844 frappe les eaux-de-vie étrangères à l'entrée dans le royaume à raison de 50 fr. par hectolitre, à 50 degrés et au-dessous, et pour les spiritueux d'une force supérieure à 50 degrés le droit est fixé à 1 franc par hectolitre et par degré ; de telle sorte que les esprits 5/6 de Montpellier marquant à l'alcoomètre G.L. 85 degrés payent 85 fr., plus un droit de douane variable, mais s'élevant au minimum à 4 fr. 99 principal et additionnels compris, soit en total 89 fr. 99 par hectolitre.
Le bénéfice à réaliser de ce commerce interlope ou de l'introduction en fraude de cet alcool est donc de fr. 89 99, tandis que l'introduction en fraude du genièvre dans les villes ne pourrait donner un bénéfice de plus de 22 à 23 fr.
Cependant le gouvernement nous assurait, lors de la discussion de la loi du 20 décembre 1851, que la fraude à la frontière était un fantôme, bien que les frontières soient loin d'être aussi bien surveillées que les barrières des villes qui sont, pour la plupart, entourées d'une enceinte de muraille, de fossés profonds, voire même de fortifications.
Et aujourd'hui même, à Tournai, par exemple, le droit d'octroi sur le genievre est de 19 fr. 95 par hectolitre, et je ne sache pas que les tentatives de fraudes soient nombreuses.
L'infiltration clandestine de genièvre dans les villes n'est donc pas à craindre, et au surplus elle l'est bien moins que l'infiltration frauduleuse à la frontière.
Et maintenant, pourquoi serait-ce nuire considérablement à la production et annihiler dans certains cas des capitaux importants que de permettre aux villes de maintenir les droits d'octroi sur les eaux-de-vie dans la proportion de la moitié du droit d'accise ? L'honorable rapporteur de la section centrale a-t-il perdu de vue que si les distillateurs urbains ne peuvent être défendus par une protection équivalente aux droits d'octroi qu'il ont à payer pour les objets qui servent à la fabrication (page 1085) (houille, seigle, orge, avoine, etc.) leurs établissements aussi péricliteront, et alors des capitaux considérables seront perdus.
Pour être juste, il faut tenir compte de toutes les charges qui pèsent sur les distillateurs des villes, charges qui varient dans presque toutes les localités.
Mais il en est toutefois des distilleries comme de toutes les autres industries, les capitaux se réunissent là où il y a des bénéfices à espérer aussi bien pour les villes que pour les campagnes, et si l'exploitation sur une grande échelle tend de plus en plus à se développer, c'est que l'on trouve ainsi le moyen de réduire les frais généraux et ceux de fabrication.
On a parlé aussi de fraude chez les distillateurs. Eh bien, actuellement encore, le droit d'octroi sur les fabrications intérieures s'élève, à Tournai, précisément à la moitié du droit d'accise, et cependant il n'y a pas eu de procès-verbaux à constater.
Les employés du gouvernement ont d'ailleurs bien plus de facilités pour surveiller les distilleries des villes que celles situées à la campagne et, en outre, ils ont encore une garantie dans la surveillance spéciale qui est exercée par les agents de l'octroi.
Quand on jette un coup d'oeil sur les nombreux articles comminant des peines et amendes qui sont insérés dans les lois des 27 juin 1842, 20 décembre 1851 et au projet en discussion, on est en droit de se demander quel serait le distillateur assez insensé pour s'exposer à une fraude qui serait infailliblement découverte à l'instant.
Il y aurait, messieurs, une très grande injustice à ne pas permettre aux administrations communales d'élever les droits d'octroi sur les genièvres au-delà des chiffres indiqués à l'article 8 du projet ; il y aurait injustice surtout pour celles (et elles sont nombreuses) où les droits communaux établis sur les bières sont plus élevés que ceux perçus par le gouvernement. Vous savez que le droit du trésor public est de 2 fr. 05 par hectolitre des cuves-matières servant à faire la bière.
A Tournai, le droit d'octroi pour la même fabrication est de 2 francs.
A Bruxelles, de 2 fr. 5 c.
A Liège, de 2 fr. 87 c.
A Verviers, de 3 fr. 35 c.
Afin de ne point enlever à certaines localités des ressources précieuses, et par les considérations que j'ai fait valoir, j'ai l'honneur de proposer de modifier l'article 8 en ce sens que le maximum des taxes communales sur la fabrication des eaux de-vie soit fixé à la moitié du montant de l'accise ; et que le droit à l'entrée dans les villes et communes puisse dépasser les taxes jusqu'à concurrence de la somme de 2 fr. 50 par hectolitre d'eau-de-vie à 50 degrés Gay-Lussac à la température de 15 degrés centigrades.
Je ne suis pas édifié, messieurs, sur le rendement de 7 litres proposé par le gouvernement ; je le crois trop élevé, je voterai pour un chiffre plus bas, si un amendement vous est proposé, je crois que le chiffre de 6-50 devrait être adopté ; j'attendrai les débats pour me prononcer.
M. Osy. - Messieurs, lorsque au mois d'août 1852 nous discutions la loi tendant à porter le droit sur le genièvre de 1 fr. à 1 fr. 50 c, comme aujourd'hui l'honorable M. Dautrebande vous proposait de réduire la restitution à l'exportation, et vous vous rappellerez qu'alors M. le ministre des finances a fortement défendu la décharge de 50 fr. 70 centimes, comme nécessaire pour pouvoir exporter à l'étranger.
Voilà 15 mois que cette loi est en vigueur, car elle a été promulguée le 1er janvier 1853, et déjà cette industrie est menacée d'un nouveau coup.
L'honorable ministre des finances vous proposait de réduire la restitution de 30 fr. 70 c. à 26 fr. ; la section centrale propose de la réduire à 24 francs, et M. le ministre des finances se rallie à cette proposition.
Messieurs, en calculant qu'avec un rendement de 7, la restitution devait être non de 30 fr. 70 c., mais de 20 fr., on n'a pas tenu compte de cette considération que les conditions de fabrication ne sont pas les mêmes chez nous qu'en Hollande. Dans ce dernier pays on a 70 heures pour la fermentation, ici nous n'avons que 24 heures. Aussi pour travailler avec quelque succès, nous sommes obligés de faire venir de l'étranger de la levure qui coûte très cher. C'est là un fait important dont on ne tient aucun compte.
J'avoue que je ne conçois pas comment, après que nous avons, au mois d'août 1851, voté une loi qui établissait un nouveau droit et fixait le chiffre de la restitution, alors seulement que sur la proposition de l'honorable M. Mercier on avait demandé au gouvernement un rapport en ce qui concerne la question des octrois, et sur le point de savoir s'il n'y avait pas lieu de prendre une mesure pour empêcher les villes de restituer plus qu'elles ne reçoivent, je ne conçois pas, dis-je, qu'au lieu de s'occuper de cette seule question, on vienne nous proposer le remaniement de toute la loi, et modifier même ses dispositions commerciales.
Si le gouvernement croyait réellement que le trésor, avec les dispositions en vigueur, subît une perte ; il me paraît qu'il aurait pu faire une enquête non seulement en ce qui concerne le rendement, mais aussi sous le point de vue commercial et industriel.
Pour le rendement on s'est adressé à quelques établissements du Brabant et du Limbourg.
Mais sans tenir aucun compte de la position défavorable dans laquelle nous nous trouvons vis-à-vis de la Hollande pour les exportations, non seulement on vient tout d'un coup réduire la décharge de 4 francs, mais on se rallie encore à un amendement qui la diminue de 6 francs.
Déjà au taux de 30 fr. 70 c. auquel l'honorable M. Frère avait fixé cette décharge, nous avions les plus grandes peines pour lutter avec la Hollande.
M. le ministre des finances doit savoir qu'on prend de préférence dans nos entrepôts les genièvres hollandais pour les explorer par navire belge. D'abord on les obtient au même prix et en second lieu vous savez la réputation qu'a le genièvre belge à l'étranger. Tout le monde sait que dans les colonies la marque hollandaise a une grande préférence sur la marque belge. Or vous sentez qu'il sera impossible àr nos distilleries de faire des efforts pour lutter avec la Hollande, si l'on veut constamment bouleverser les conditions qui leur sont faites par la loi.
Je crois qu'après une expérience de 15 mois seulement, le gouvernement n'aurait pas dû venir, à propos d'une question d'octroi, nous proposer de modifier le chiffre de la restitution à la sortie.
Messieurs, si nous n'avons pas, dans la province d'Anvers, dans le Brabant, des distilleries agricoles proprement dites, évidemment nos grandes distilleries, qui exportent leurs produits, sont bien réellement agricoles, en ce sens qu'elles approvisionnent tous ceux qui élèvent du bétail de résidu de genièvre. Si nous perdons l'exportation nous devrons restreindre la fabrication du genièvre et ce sera un grand préjudice pour l'agriculture, car nos fermiers, nos jardiniers, nos éleveurs ne pourront pas continuer à donner une nourriture saine et abondante à leur bétail.
Je désire donc que le gouvernement retire le dernier paragraphe de l'article premier, et qu'il fasse une enquête sur la question du rendement et sur la position de nos distilleries comparativement à celle des distilleries hollandaises.
Vous savez tous, messieurs, que nous pouvons espérer une grande exportation de genièvre dans certaines colonies, comme l'Australie, où le genièvre hollandais n'est pas encore bien connu ; eh bien, si nous admettons l'énorme réduction du drawback proposé par M. le ministre des finances, il est certain que toutes ces espérances s'évanouissent.
Je suis donc très décidé à voter contre la loi, mais j'espère que M. le ministre retirera le dernier paragraphe de l'article premier et qu'il fera l'enquête dont j'ai parlé.
M. Rodenbach. - Je crois, messieurs, que la loi en discussion est nécessaire. D'abord elle fait disparaître une grande injustice, une iniquité que tout le monde reconnaît. Je veux parler du système des octrois qui constitue une véritable prime en faveur des distilleries urbaines. C'est à tel point, que les distillateurs de certaines villes pouvaient vendre au-dessous du cours, dans le pays entier. Quelques distilleries urbaines écrasaient les petites et même les grandes distilleries établies à la campagne. Rten ne pouvait lutter contre cette concurrence formidable, et cela a duré très longtemps.
On dit que nous ne pouvons pas modifier les lois à chaque instant, je pense moi, que quand il y a des iniquités réelles, qumd l'injustice est flagrante, il faut les faire disparaître le plus tôt possible. Par la loi actuelle elles disparaîtront.
Je regrette que le gouvernement ait voulu empêcher l'exportation des genièvres. J'ai combattu l'amendement de l'honorable députe d'Huy qui proposait 3 fr., ce n'est plus une prime dont il s'agit ici.
Nous sommes en concurrence avec les Hollandais et si vous supprimez ce que vous appelez une prime, nous ne pourrons plus exporter, car les Hollandais peuvent laisser fermenter pendant trois jours tandis que chez nous la fermentation doit se faire en 24 heures. Les Hollandais peuvent donc extraire d'une même quantité de matière infiniment plus de spiritueux que nous, qui sommes forcés d'accélérer la fermentation.
Il en résultera que nos entrepôts seront remplis de genièvre hollandais. Le genièvre de Schiedam, qui a une immense réputation, s'exportera de nos entrepôts, par nos navires, parce que votre loi favorisera l'industrie hollandaise au lieu de protéger votre propre industrie.
Je pense, messieurs, qu'il serait fastidieux de répéter ce qui a été dit relativement aux distilleries agricoles. Toutes les distilleries sont agricoles et celles qu'on appelle particulièrement distilleries agricoles et auxquelles on accorde un avantage de 15 p. c, sont presque toutes situées là où il y a de bonnes terres. Si vous voulez donner une prime, accordez-tà aux laboureurs qui cultivent de mauvaises terres. Ces petites distilleries jouissent d'une faveur d'environ 3 50 par hectolitre, c'est un grand avantage. On dit qu'elles n'ont pas des instruments perfectionnés, des chaudières, des colonnes distillatoires, mais on a prouvé qu'avec de petits appareils on peut extraire jusqu'à sept litres. Tout cela n'est donc pas soutenable.
L'honorable M. Delehaye a parlé des charges qui pèseraient sur les distilleries des villes ; mais c'est un véritable avantage pour un distillateur que d'être établi dans une ville ; il vend aux jardiniers de la banlieue le résidu de la distillation, et il le vend peut-être 50 p. c. plus cher que les autres. On a cité le charbon, mais dans les campagnes le transport du charbon coûte souvent plus que dans les villes où il y a des chemins de fer, des rivières et des canaux. D'ailleurs les droits sur le combustible ont été diminués presque partout. Enfin les distillateurs des villes s'adressent à une clientèle immense et ils n'ont pas à transporter leur genièvre à 15 ou 20 lieues de distance.
L'honorable député de Gand a parlé d'un droit sur la mélasse. C'est encore là une chose qui ne me semble pas soutenable. Comment ! parce (page 1086) que j'emploie de la mélasse, vous me ferez payer un droit plus élevé ; mais alors que ferez-vous aux distillateurs de Gand, qui achètent à très bon compte, des brasseurs, un liquide vulgairement appelé « lek » ? Mais alors il faudra établir aussi un impôt spééial pour ceux qui emploient les pommes de terre.
Lorsque les pommes de terre se vendaient 3 fr. les 100 kilog., les distilleries en consommaient de grandes quantités. Il faudra un droit spécial pour ceux qui emploient des céréales du Nord, dont le produit est plus considérable. En un mot il faudra autant de droits différents qu'on peut employer de matières différentes pour faire du genièvre.
Il est un autre avantage dont jouissent les petites distilleries : c'est que leur personnel n'est pas aussi considérable ; elles ne sont pas montées sur une aussi grande échelle ; elles coûtent infiniment moins, et elles écoulent leurs produits sur les lieux mêmes, puisqu'elles ne fabriquent que de très petites quantités.
On a dit et je répète que si l'on est admis à distinguer les distilleries en distilleries agricoles et en distilleries non agricoles, vous devez au même titre catégoriser les brasseries et les fabriques de sucre, vous devez imposer les grandes brasseries et les grandes fabriques de sucre, d'une manière plus considérable que les petites.
En effet, les brasseries fournissent de la dréche qui nourrit le bétail. De même quand on fait du sucre da betterave, on a de la pulpe encore une fois pour nourrir le bétail. On ne peut assez le répéter, il n'y a pas de distinction à faire entre les distilleries.
Je me résume, messieurs, en disant que j'approuve toutes les dispositions de la loi, hormis une ; c'est celle relative au drawback. On ne peut nier que ce ne soit là une des dispositions les plus mauvaises. L'ancien ministre des finances, M. Frère, qui voulait sérieusement protéger le commerce maritime, avait combattu le chiffre de 26 francs ; le cabinet actuel a proposé ce dernier chiffre, je ne comprends pas qu'il ait consenti à descendre au chiffre de 24 francs !
Je ne puis supposer qu'un cabinet belge veuille, avec connaissance de cause, attirer dans nos entrepôts du genièvre hollandais, et c'est ce qui arrivera. Voilà pourquoi j'appuierai de toutes mes forces les amendements qu'on pourra proposer pour corriger cette déplorable disposition de la loi ; je ne veux pas protéger mes voisins ; je veux, je dois avant tout me protéger moi-même. Cela est parfaitement logique. C'est la loi naturelle pratiquée dans tous les pays du monde. J'ai dit.
- La suite de la discussion est remise à demain.
La séance est levée à quatre heures et demie.