(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1070) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et demie.
- La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Des électeurs, à Poppel, demandent la révision de la loi électorale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Verviers et de son arrondissement prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le recrutement de l'armée et proposant de la renforcer en mobilisant une partie de la garde civique. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« Des artisans et ouvriers de Verviers prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le recrutement de l'armée et de réviser le mode de recrutement en vigueur. »
« Huit autres demandes semblables d'artisans et d'ouvriers de Verviers. »
« Même demande d'habitants d'Ensival. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« La dame Hellen prie la chambre de voter un crédit destiné à lui rembourser sa quote-part des emprunts de 1848. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs, à Diest, demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Strypen demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »
« Même demande d'habitants à Lierde-Saint-Martin. »
« Même demande des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'autres habitants de Godveerdegem. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée et à la commission des pétitions.
« Le sieur Clermont demande que les 180,000 francs destinés à couvrir les dépenses de la garde civique soient portés au budget de l'Etat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi modifiant la loi sur la garde civique.
« Des habitants de Houdemont, Harbehaut et Rulles demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
« Même demande d'électeurs à Ronquières. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs à Loosbeek-Neerbulzel demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux et autres électeurs à Branchon et le bourgmestre, dess conseillers communaux et d'autres électeurs à Boneffe demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et par circonscription de 40 mille âmes. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Perck demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton ou par agglomérations de communes. »
- Même renvoi.
« La veuve du sieur Gérard, ancien garde du génie de 2ème classe, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension. »
M. Dautrebande. - Connaissant la position malheureuse de cette pauvre veuve, je demande le renvoi de sa pétition à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.
« M. le ministre de la guerre adresse à la chambre 2 exemplaires de la 1ère livraison des feuilles gravées de la carte des environs du camp de Beverloo. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. de Ruddere demande un congé de quelques jours pour cause d'indisposition. »
- Le congé est accordé.
M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la chambre a exprimé hier d'une manière non équivoque la lassitude qu'elle éprouvait de ces longs débats.
La chambre a voulu en finir, et je pense qu'elle a parfaitement raison. C'est en m'inspirant de cette pensée, et fidèle aux principes que j'ai eu l'honneur de développer devant vous et aux sentiments de conciliation qui animent le gouvernement, que j'ai suivi tous les incidents de cette longue discussion, et que, tout en y remarquant une confusion qui doit résulter de la diversité de tant d'amendements nécessairement contradictoires, j'ai été amené à me rallier à un système qui aura, selon moi, pour résultat d'amener l'adhésion, sinon de tous les membres de la chambre, au moins du plus grand nombre d'entre eux, à la mesure qui devra en définitive être adoptée.
Vous avez été saisis d'abord de deux propositions seulement : celle de l'honorable M. Landeloos, et celle de la section centrale. Mais bientôt la discussion a démontré que, quand on touche à des lois organiques, il était presque impossible de s'arrêter : chacun a voulu contribuer à la répression d'un abus. Chacun, voyant que la lice s'ouvrait, a cru devoir apporter le contingent de son expérience et un soulagement à ce qu'on est convenu de considérer comme une charge trop lourde pour les citoyens.
De là est venue une série d'amendements tels que si on voulait les suivre l'un après l'autre, ils prolongeraient indéfiniment cette discussion.
Cependant il me semble aujourd'hui qu'on pourrait se renfermer dans des limites plus étroites, et qu'au lieu d'adopter une motion faite hier, et qui consisterait à renvoyer tous les amendements à la section centrale, il serait peut-être possible aujourd'hui de simplifier le débat.
Permettez seulement que je fasse à mon tour ce que je crois être un acte de justice, et que je dise un mot de la manière dont le gouvernement avait envisagé les réclamations qui sont parvenues jusqu’à nous. Je rétablirai ensuite l’exactitude de deux faits assez graves qui ont été révélés hier par l’honorable M. Landeloos et qui paraissent avoir fait sur vous une certaine impression. A propos de ces réclamations, je n’ai jamais dit qu’il n’y eût pas quelque chose à faire pour faire cesser les abus dans l’exécution de la loi sur la garde civique.
J'ai reconnu avec franchise qu'il y avait quelques faits dont il importait de prévenir le retour. J'ai eu l'honneur de vous indiquer quels moyens il convenait d'employer pour faire cesser ces griefs. En parlant de ces griefs, j'ai eu l'occasion de parler des pétitions adressées à la chambre, et la manière dont je me suis exprimé m'a valu quelques observations assez sévères de la part de plusieurs membres de cette assemblée.
On a parlé d'inconvenance, on a parlé d'injustice, d'une trop grande sévérité dans le jugement de ces pétitions ; je crois qu'en dehors de cette enceinte on a même été plus loin.
Messieurs, j'ai dit que j'attribuais la partie de ces plaintes exagérées (page 1071) qui sont arrivées jusqu'à vous, à certains esprits chagrins ; cela est vrai. J'ai dit que ces plaintes me paraissaient exagérées. Eh bien ! est-ce là une injure ? Est-ce une offense envers les pétitionnaires que de trouver parmi eux des esprits chagrins ? Et comment voulez-vous que je qualifie autrement l'exagération des plaintes ?
Je crois, en cela, m'être servi d'expressions qui n'ont, en définitive, aucun caractère d'offense, et je vais le prouver à l'instant même.
Comment, messieurs, voulez-vous, par exemple, que le gouvernement qualifie certains faits qui se sont révélés par l'examen des pétitions ? Ainsi, par le dépouillement qui en a été fait, il a été reconnu dans les pétitions de Louvain qu'un même pétitionnaire avait signé la même pétition jusqu'à neuf fois ; il en est qui ont signé jusqu'à huit fois dans la même pétition, d'autres sept fois, d'autres six fois. Les moins exagérés parmi cette catégorie de pétitionnaires ont signé jusqu'à quatre fois.
Je ne citerai aucun nom propre, parce que cela est parfaitement inutile et ne tendrait qu'à envenimer le débat. Mais attaqué, comme je l'ai été dans cette circonstance pour m'être servi de l'expression d' « esprits chagrins », permettez-moi au moins de me défendre. Eh bien ! quelle impression voulez-vous que fît sur mon esprit la constatation des faits que je viens de signaler ?
Quelle impression voulez-vous que fît sur mon esprit cet autre fait ? Il concerne ta capitale.
Une pétition nous arrive revêtue de 10 ou 12 signatures. Je demande des renseignements non pas au hasard, mais à l'autorité locale, et l'autorité locale me fait l'honneur de me répondre qu'après avoir fait des recherches dans toute la ville de Bruxelles, on n'est pas parvenu à découvrir les personnes auxquelles cette pétition est attribuée.
Quelle impression vouliez-vous que fît sur mon esprit un fait pareil ? Est-ce trop que de dire que certains pétitionnaires sont des esprits chagrins ?
Un autre fait pour justifier mes paroles.
Des pétitions vous sont arrivées, de la part de communes où il n'y a pas de garde civique, et les habitants de ces communes se plaignent de la garde civique. Quel nom, permettez-moi de le demander, vouliez-vous que je donnasse à des faits aussi regrettables ? Et quand on abuse à ce point du droit de pétition que je respecte, lorsqu'il est sérieusement pratiqué, n'est-il donc pas permis à un ministre de dire que ces pétitions, pour une partie, du moins, sont le résultat de l'exagération, de renseignements inexacts, le résultat de cette disposition d'esprit qui n'est que trop commune et qui consiste à se plaindre toujours ? Eh bien ! c'est ce que j'appelle des esprits chagrins. Il est des personnes des plus honorables qui ont cette disposition d'esprit. Est-ce là un crime ? Je ne le crois pas ; et lorsque je vois qu'on invoque avec tant d'empressement le respect qu'on doit aux pétitionnaires, qu'il me soit permis de dire à mon tour : Oui, le droit de pétition est respectable ; mais il y a quelque chose dont on ne devrait pas se moquer : c'est l'autorité que le parlement exerce sur la nation, et quand on se présente devant le parlement avec des pétitions entachées de vices comme ceux que je viens de signaler, on devrait au moins me permettre de demander si l'on respecte suffisamment l'autorité morale de la chambre et l'autorité d'une loi votée à l'unanimité.
Voilà pour les pétitions. Je ne parle plus des femmes qui ont signé pour leur mari, des enfants qui ont signé pour leur père.
- Un membre. - Ce sont des faits exceptionnels.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ils sont tellement exceptionnels, qu'ils se reproduisent sur un grand nombre de pétitions.
M. Landeloos. - Qui les y a inscrits ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il serait peut-être très fâcheux, pour ceux qui ont inscrit leurs noms, de les entendre proclamer ici ; il serait peut-être très fâcbeux que je fisse connaître le lieu où les pétitions ont été signées. On s'apercevrait par là qu'elles ne sont pas toujours le résultat d'une réflexion libre.
Voilà ce que j'avais à dire quant aux pétitions ; je n'irai pas plus loin : je ne veux pas envenimer le débat.
J'arrive au fond de l'affaire, vous voulez tous le maintien de la garde civique, vous la voulez même respectable ; seulement nous ne sommes pas d'accord sur les moyens à l'aide desquels nous obtiendrons ce résultat.
Je suis d'accord avec vous sur la nécessité d'organiser la garde civique de telle manière qu'elle n'impose pas de charges inutiles aux citoyens. Comment y parvenir ? La loi, comme j'ai eu l'honneur de le dire, contient elle-même le moyen d'affranchir un garde des exercices. Vous avez pensé que ce moyen n'était pas suffisant ; vous avez demandé des garanties contre l'arbitraire. J'ai eu l'honneur de vous offrir des garanties administratives, et ces garanties ont leur valeur ; il me semblait qu'elles devaient paraître suffisantes à tout le monde. Je comprends cependant qu'on désire mieux ; eh bien, voyons.
Je dois rencontrer, en premier lieu, la proposition de l'honorable M. Landeloos. J'ai rendu hommage à son caractère de netteté ; mais je n'ai pas cru pouvoir l'admettre. Je dois encore la repousser aujourd'hui par les considérations que j'ai fait valoir, à savoir l'anéantissement numérique et l'anéantissement moral de la garde civique. Qu'a répondu l'honorable M. Landeloos ? L'anéantissement numérique. D'abord la garde ne sera pas affaiblie, comme le dit le gouvernement. Le gouvernement aussi peut se tromper ; il peut faire appel à des statistiques erronées ; il peut être mal renseigné ; et, par exemple, dit M. Landeloos, comment se fait-il qu'à Bruxelles il n'y ait que 921 gardes de moins de 35 ans et non mariés, alors qu'à Gand il y en a 980 ?
La meilleure explication qu'on pût en donner, c'est qu'il est vraisemblable qu'on se marie beaucoup plus à Bruxelles qu'on ne le fait à Gand. Ce fait peut tenir à des causes qui échappent à un examen immédiat, mais que peut-être la statistique peut révéler jusqu'à un certain point.
Je répète que j'ai procédé dans cette occasion, comme vous le feriez vous-même. Vous ne pourriez pas inventer d'autres moyens ; j'ai demandé le contrôle des chefs de la garde ; cela ne suffit pas, pouvez-vous penser ; je l'ai cru aussi un instant. J'ai consulté les chefs des communes ; ceux-ci n'ont aucun intérêt à faire parader les gardes, à grossir les cadres ; or, la vérification a été faite par les chefs des communes, en présence des chefs de la garde, et les résultats sont ceux que vous connaissez.
Quant à la force morale, j'ai demandé à l'honorable M. Landeloos comment il parviendrait à nous conserver les cadres, et je dois le dire, je n'ai pas aperçu dans les moyens qu'il a indiqués, un seul côté pratique pour réaliser la conservation des cadres ; que reste-t-il donc ? Il reste la proposition de l'honorable membre, dépourvue à la fois de l'effectif numérique et de la force morale que l'âge, la position sociale apportent à la garde.
Après la proposition de l'honorable M. Landeloos, vient celle de la section centrale. Ceiîe-ci n'a pas pour effet de démolir la garde civique ; je m'étais empressé, dans le sein même de la section centrale, de me rapprocher d'elle autant que possible, pour arriver à conserver les cadres, et à ne pas nous priver de l'effectif général. Eh bien, je me rallie à la première partie de la proposition de la section centrale, qui limite à 12 le nombre des exercices. Mais je ne puis adopter la seconde partie qui consiste à dispenser des exercices tout garde, âgé de 35 ans ; je vois dans cette exemption générale une cause de dissolution des cadres.
Messieurs, à côté de cette difficulté, résultant de la crainte de perdre les cadres, le gouvernement a indiqué les remèdes qu'il croyait propres à rendre impossible l'abus des exercices. Ces moyens ont été généralement trouvés d'une nature satisfaisante ; la seule objection qu'on ait faite, c'est qu'ils n'étaient pas suffisamment garantis, et qu'on préférait des garanties légales à celles plus ou moins mobiles, disailton, des instructions ministérielles.
On a cru à tort que le gouvernement voulait réglementer par voie d'instruction les cas qui devaient constituer désormais les motifs légitimes d'exemption ; le gouvernement s'est borné à rechercher les moyens à l'aide desquels on reconnaîtrait que le garde se trouve dans un des cas d'exemption prévus par la loi ; par exemple dans le cas d'instruction suffisante ; il s'est demandé à quels signes on reconnaîtrait cette instruction suffisante ; ces caractères, je les ai indiqués ; et comme il faut quelqu'un qui constate ces faits, j'avais supposé que les chefs de la garde recevraient à cet égard des instructions dont ils ne pourraient s'écarter.
Il me semble qu'en cela je n'excédais en aucune manière les droits du gouvernement, je dis même que c'était un devoir pour lui d'indiquer aux chefs des gardes les moyens à l'aide desquels ils reconnaîtraient si l'instruction était ou non suffisante.
Au milieu des amendements proposés qui presque tous avaient pour but d'apporter un soulagement au service et de prévenir le retour de l'arbitraire, il en est arrivé un qui m'a paru atteindre le but que se proposent le gouvernement et la section centrale. Il satisfait à la plus grande partie des plaintes au point de vue légal. Ce moyen est celui qui a été présenté hier par l'honorable M. Lesoinne. (Interruption.) Messieurs, vous le combattrez ; mais vous me permettrez de dire en quoi il me paraît satisfaisant.
M. Lesoinne a proposé :
« Les gardes jugés suffisammentinstruits et ceux qui ont atteint leur 35ème année, ne peuvent être astreints à plus d'un exercice par an. »
Je vais démontrer que sur ce terrain le gouvernement et la section centrale ne sont pas éloignés de s'entendre. Qoe demande la section centrale ? Qu'après 35 ans les hommes composant la garde soient exemptés de plein droit de toute espèce d'exercice. Qu'ai-je répondu ? Qu'en affranchissant d'une manière complète de tout exercice les hommes de 35 ans, vous couriez au-devant de la destruction des cadres.
Cette crainte est réelle. Il est démontré que la garde choisit ses cadres en grande partie parmi les hommes de 35 ans. Cela étant, tout en respectant les garanties que la section centrale vouiait offrir aux citoyens, j'ai cherché une combinaison qui, en faisant jouir de l'exemption ceux auxquels on veut l'accorder, laisse le moyen de conserver les cadres. Ce moyen se trouve dans l'obligation à assister à un exercice par année après trente cinq ans.
Je le demande à ceux qui ne veulent pas détruire les cadres : est-ce une charge insupportable que d'être astreint à un exercice par an ? Peut-on de bonne foi le prétendre ; il n'est pas à supposer qu'un homme ait de justes motifs pour s'y refuser. Alors pourquoi ne pas entrer dans la voie que je vous présente, qui n'est aulre que le système de la section centrale, moins les inconvénients. Il y aurait dans ce système douze exercices par an maximun pour les homnes de moins de 35 ans, exemption pour les autres, sauf l'obligilion de reparaître une fois par an pour montrer qu'on n'a pas oublie l'exercice qu'on a appris.
(page 1072) Maintenant n'est-il pas vrai que c'est là le principal des griefs qui ont été indiques par les pétitionnaires ? Hors de là, vous ne rencontrez que des plaintes vagues ou exagérées, et vous rentrez à pleines voiles, dans le système des amendements, et dans la refonte générale de la loi sur la garde civique, et vous verrez recommencer la lutte engagée dans la chambre depuis sept mortelles séances.
Voilà donc le principal grief, celui qui a provoqué les plaintes les plus générales, qui est redressé par l'amendement de l'honorable M. Lesoinne. Le voulez-vous ? J'offre de m'y rallier, et à l'instant même le débat peut se terminer.
La section centrale, dans son premier article (article 65) s'est occupée des inspections semestrielles. Elle ne veut plus qu'une seule inspection d'armes par an ; la loi en veut une par semestre.
J'ai déjà eu l'honneur de faire comprendre le haut intérêt qui s'attache à la conservation des inspections ; et ne croyez pas que ce soit une charge pour les citoyens ; l'inspection se fait d'une manière infiniment plus douce que celle que la section centrale indique. D'après la section centrale, l'inspection aurait lieu le dimanche. Je lui demande pourquoi ces inspections auraient lieu nécessairement le dimanche.
- Un membre. - C'est toujours ainsi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne le crois pas.
Hier on se plaignait de ce qu’on fixait les réunions de la garde civique de préférence au dimanche, et de ce qu’on empêchait ainsi les gardes de remplir leurs devoirs religieux. Mais, en général, les inspections d’armes n’ont pas lieu le dimanche. Dans beaucoup de localités, on a réglé les inspections de telle manière, qu’elles se font à domicile. Au jour fixé pour l’inspection des armes, on fait transporter les armes dans un lieu indiqué par le chet de la garde. Ce régime est infiniment plus doux que celui que je propose d’adopter pour l’avenir. Mais je demande que ces inspections auent lieu deux fois par an. C’est le régime de la loi. Dans une question où les finances de l’Etat sont intéressées, je ne comprendrais pas qu’il fût changé.
Je demande donc le maintien des deux inspections d'armes.
Voilà donc un système de conciliation qui s'offre à vous. Si c'est la conciliation que vous voulez, vous pouvez adopter l'amendement auquel le gouvernement se rallie. Si vous ne l'adoptez pas, je viens de faire sentir les inconvénients auxquels vous vous exposez.
Il est impossible que les autres amendements, si vous les renvoyez à la section centrale, ne soient pas l'objet de son examen. Peut-être de nouvelles propositions surgiront-elles ; car dans une loi aussi importante, il peut y avoir bien d'autres faits à signaler.
Le gouvernement pourrait avoir d'autres modifications à indiquer à son tour.
Ainsi hier on a parlé de l'utilité qu'il y aurait d'examiner la question de savoir si l'on ne pourrait pas se dispenser de maintenir l'organisation de la garde dans les localités de deuxième et de troisième ordre. C'est une question à examiner. Le gouvernement n'entend pas plus que vous que, dans les petites localités, on gêne inutilement les citoyens.
Il y a biin d'autres modifications que le gouvernement pourrait indiquer, s'il s'agissait d'une réforme générale de la loi. Mais il ne s'en agit pas. Vous ne pourriez pas vous en occuper dans cette session. La seule chose qu’il y ait à faire, c'est de courir au plus pressé et de débarrasser la loi de ce que l'on a appelé des griefs. Je crois que l'adoption de ma proposition donnerait à tous les hommes sincères une satisfaction complète.
M. Thibaut. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à l'amendement de M. de Perceval ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'y arrive. L'honorable M. de Perceval a demandé qu'on affranchit de tout service, en d'autres termes que l'on licenciât les hommes qui ont atteint l’âge de 40 ans. L'honorable membre pense qu'a 40 ans on ne peut pas faire partie de la garde civique, qu'un homme de cet âge a droit au repos. Je ne conteste pas que jusqu'à un certain point à mesure qu'on avance en âge, on puisse désirer jouir du repos. Mais ce que je conteste, c'est qu'un homme de 40 à 50 ans ne puisse pas faire un service aussi léger que celui de la garde civique.
J'ajoute qu'il est désirable que les hommes de 40 à 50 ans soient maintenus dans les rangs de la garde civique, non pour faire parade, mais pour exercer sur la garde l'influence morale qu'ils doivent apporter à cette institution. Leur maintien est l'un des éléments qui doivent déterminer la bonne organisation de la garde ; en effet, les hommes de cet âge apporteront dans les élections l'autorité que donnent l'âge, la position sociale et la raison mûrie par l'expérience. C'est parmi eux en général qu'on choisit les officiers et les sous-officiers. Je demande que l'on conserve un régime qui a produit d'excellents résultats.
Je dois répondre maintenant à deux faits qui hier ont semblé faire impression sur vous. Ils se présentaient sous une forme assez dramatique pour exercer quelque influence sur vos esprits. Il n'est pas indifférent que vous appreniez la vérité sur ce qui s'est passé à cet égard.
L'honorable M. Landeloos a cité un fait qui serait de nature à faire tomber sur une institution judiciaire, le conseil de discipline, une responsabilité morale, il a cité un autre fait qui serait de nature à engager fortement la responsabilité morale du chef de la garde civique de Louvain.
Je dois rectifier ce qu'il y a d'inexact dans ces deux faits, et vous allez voir comment, avec les meilleures intentions du monde, les hommes les plus honorables peuvent avancer des faits complètement erronés, et répandre l'inquiétude dans les esprits.
L'honorable M. Landeloos a parlé hier d'un docteur nommé Piérard pour vous prouver jusqu'à quel point on pouvait faire preuve envers les gardes d'un esprit vexatoire, et molester les citoyens. Il vous a dit qu'à l'époque où le choléra sévissait, en 1849, un docteur en médecine obligé de se rendre chez un de ses malades avait été empêché de remplir ce devoir, au détriment de ses obligations de garde civique ; que, traduit devant le conseil de discipline, il avait présenté ses excuses qui n'avaient pas été admises. Voyez, a-t-il dit, avec quelle rigueur on procède ! On exagère la loi sur la garde civique. On la rend odieuse.
Mais il y a à cela un tout petit défaut ; c'est que les faits qu'on a révélés à l'honorable M. Landeloos ont été singulièrement travestis et qu'ils ont dû faire sur son esprit une fâcheuse impression qui certainement n'aurait pas été produite, s'il lui avait été donné de les vérifier auparavant.
Or, voici, messieurs, la vérité.
En 1849, le garde Piérard, qui était assez coutumier du fait, s'abstint de se rendre aux exercices ; c'était au mois d'avril 1849. Il fut condamné à 15 fr. d'amende et pourquoi ? Les procès-verbaux font mention qu'il a été condamné, parce qu'il était signalé comme un garde peu zélé et disposé à éluder les dispositions de la loi. C'était pour un fait arrivé au mois d'avril 1849 ; vous allez voir quelle influence il eut sur le choléra.
Il fut de nouveau traduit au mois de juillet devant le même conseil de discipline et c'était alors pour un fait qui s'était passé quelques mois auparavant. Il fut encore condamné, toujours par défaut, car il ne daignait pas même comparaître, à 15 fr. d'amende.
Il faut que vous sachiez que le choléra n'avait pas pénétré en Belgique à cette époque ; sa première apparition, en 1849, a eu lieu à Liège, et c'était au mois de juin.
Mais le 3 du mois d'août suivant, le même garde fut encore assigné pour un exercice du 3 juin auquel il n'avait pas non plus assisté. C'était la troisième fois dans le courant de l'année. Cette fois M. Piérard comparut devant le conseil de discipline ; il donna quelques explications, et savez-vous quel en fut le résultat ? C'est qu'il fut acquitté.
Vous voyez donc bien qu'il n'y avait pas là beaucoup à se plaindre, puisqu'il a suffi à M. Piérard de faire connaître les circonstances plus ou moins graves dans lesquelles il s'était trouvé pour se faire acquitter par ce conseil qu'on dit animé de sentiments si exagérés dans sa rigueur.
Mais le 19 octobre de la même année, pour avoir manqué aux exercices des 10 et 24 juin, il fut de nouveau traduit devant le conseil de discipline et ce fut alors qu'il allégua le service permanent dont il avait été chargé à Ixelles à l'occasion du choléra. Bien que cette excuse ne fût pas légale, le conseil de discipline a compris qu'il y avait là quelque chose qui pouvait excuser jusqu'à un certain point l'abstention du garde Piérard, et aucune condamnation ne fut prononcée à sa charge.
Voilà donc quatre ou cinq poursuites. Les deux premières fois, condamnation par défaut pour des faits parfaitement étrangers au choléra ; car on ne le connaissait pas à cette époque. Deux autres faits d absence encore se présentent. M. Piérard est poursuivi ; il s'explique et il est acquitté.
Voila, messieurs, comment on serait exposé à écrire l'histoire.
Un autre fait que je dois relever, parce qu'il concerne un honorable chef de la garde civique de Louvain, c'est celui qui a été cité hier et qui a paru faire une certaine impression, parce qu'un journal contenait une circulaire dans laquelle ce chef avait distingué deux choses que la loi semble avoir assimilées, les exercices et les manœuvres. C'est très bien, disait le chef, douze exercices, pas davantage, mais après cela les manœuvres. Voilà, je crois, la substance de la circulaire.
En bien ! cet honorable chef de la garde civique de Louvain qui a du zèle, c'est vrai, mais un zèle très convenable (et il serait à désirer que tout le monde en eût comme lui), a été induit en erreur par une circonstance parfaitement innocente et que vous allez apprécier.
Un fait analogue à celui qui s'est passé à Louvain, avait été l'objet de poursuites. On avait refusé de prendre part aux manœuvres. Cette poursuite arriva jusqu'à la cour de cassation, et cette cour, appréciant des circonstances de fait, rejeta le pourvoi du garde qui ne s'était pas rendu aux manœuvres. Mais ces manœuvres avaient été commandées en vertu d'un règlement qui avait été approuvé par la députation permanente, conformément à la loi.
L'honorable chef de la garde civique de Louvain vit cet arrêt de la cour de cassation, dont la rubrique était ainsi concue : « Les gardes jugés suffisamment instruits ne sont pas dispensés d'assister aux manœuvres. « Or, un colonel de la garde civique n'est pas obligé d'être un jurisconsulte, et surtout il n'est pas obligé de lutter de science avec la cour de cassation de Belgique. Il a donc cru dans sa bonne foi, ce qui est parfaitement excusable, que les exercices et les manœuvres étaient deux choses tout à fait distinctes. De là cette circulaire.
Maintenant, je vous dirai qu'en fait et dans l'exécution de la loi, cela, ne doit pas être séparé.
Mais enfin le règlement que la cour de cassation a eu occasion de viser, contenait une disposition par laquelle les deux choses devaient être distinguées, et la cour, ne s'occupant que d'une question de fait, a rejeté le pourvoi.
(page 1073) Mais j'en reviens à ce qne j'ai eu l'honneur de dire, c'est que dans l'application ces faits ne se présenteront plus. Tout garde qui aura fait ses douze séances par année, que ce soit exercice ou manœuvres, aura complètement satisfait aux prescriptions de la loi. C'est le vœu de la section centrale, et je suis d'accord avec elle.
Mais encore une fois rappelons-nous qu'il y a quelques précautions à prendre pour, à côté de cette immunité que vous voulez donner aux hommes de 35 ans, ne pas détruire les cadres de la garde ; et sous ce rapport l'amendement de l'honorable M. Lesoinne me semble remplir le but que le gouvernement se propose, et que vous devez vous proposer aussi si vous voulez conserver à la garde civique une valeur réelle.
Messieurs, ne peut-on en agir ainsi ? N'est-il pas possible, en se ralliant à l'amendement déposé hier, de faire cesser tous les griefs réels ? Y en a-t-il d'autres encore ?
- Un membre. - Oui ! oui !
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Eh bien, la section centrale répondra : Non ! non ! Car elle n'en a pas vu. La section centrale a répondu par cet article que les hommes jusqu'à 35 ans devaient supporter la charge de 12 exercices au maximum.
M. Coomans. - Non ! non ! les douze exercices ne sont pas obligatoires.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je suis d'accord avec vous. La section centrale a considéré que jusqu'à 35 ans, les hommes pouvaient être soumis à 12 exercices par an. Le gouvernement n'en demande pas davantage ; d'autant plus, que dans le fait, comme on le voit par le tableau qui a été publié, on n'a pas même demandé aux gardes ces douze exercices.
Ainsi sur ce point nous sommes d'accord avec la section centrale ; on ne demandera pas davantage, mais on pourra aller jusque-là. La règle est qu'on pourra aller jusqu'à 12 exercices pour les hommes qui n'ont pas atteint 35 ans. Et en définitive, veut-on, ou ne veut-on pas que ces hommes qui ne sont pas des vieillards cette fois, sachent quelque chose ? Dans la section centrale on a pensé qu'ils devaient savoir quelque chose et on a dit : Il faut que ceux-là puissent être soumis à douze exercices, si cela est nécessaire ; mais en dehors de ceux-ci, après 35 ans, je suis obligé de me séparer de vous, et de demander au moins pour ces derniers un exercice par an ; et encore cela dépendra beaucoup des circonstances.
M. Lelièvre. - Je prie M. le ministre de bien vouloir s'expliquer sur les dispositions additionnelles que j'ai proposées.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je vais y arriver à l'instant même.
Ainsi, si vous entrez dans les vues qui ont inspiré l'amendement,vous pouvez en finir aujourd'hui, vous aurez fait cesser presque tous les griefs.
Si, au contraire, vous voulez délibérer sur tous les amendements, vous recommencerez une lutte qui finira Dieu sait quand, et vous arriverez à une révision totale, c'est-à-dire à une entreprise qu'il nous serait impossible de terminer dans le cours de la session.
Maintenant, j'arrive à la disposition additionnelle proposée par l'honorable M. Lelièvre.
L'honorable M. Lelièvre voudrait que la loi sur la garde civique, à l'instar de la loi sur la milice, autorisât le pourvoi eu cassation contre les décisions des députations permanentes.
Messieurs, comme l'honorable membre l'a rappelé lui-même, ce n'est pas la première fois que cette question est soumise à la chambre, et il l'avait soulevée dans une occasion précédente.
La chambre a repoussé alors la proposition de l'honorable M. Lelièvre, par cette considération que si, au point de vue du droit, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles le pourvoi serait utile, le fait est tellement rare, qu'il ne s'est pas présente une seule fois depuis que la garde civique est organisée. La raison en est extrêmement simple : les considérations sur lesquelles on se fonde pour échapper à l'inscription sur les contrôles de la garde civique, sont toutes des considérations telles que leur appréciation rentre directement dans le rôle des autorités locales. Il n'est pas arrivé à la connaissance du gouvernement qu'un point de droit comme ceux qui ont été indiqués par l'honorable membre ail été méconnu par une autorité administrative.
Or je le demande, quand les circonstances en vue desquelles on demande la faculté de se pourvoir en cassation, ne se présentent pas même dans une période de 5 années, à quoi bon s'en préoccuper aujourd'hui ? Ne vaut il pas mieux soumettre encore un peu cette question à l'épreuve de l'expérience ? Si, dans la suite, une autorité quelconque a le malheur de contrevenir ouvertement aux dispositions de la loi qui prononce l'exemption, il serait toujours temps de proposer une disposition semblable à celle de M. Lelièvre ou de prendre toute autre mesure propre à faire cesser l'abus.
Voilà, messieurs, les considérations sur lesquelles je me fonde pour admettre l'amendement auquel je me rallie et pour repousser les autres,
M. Osy. - Messieurs, je pense qu'après la proposition de M. le ministre de l'intérieur, il ne peut plus être question de la motion de l'honorable M. Loos, tendant au renvoi des propositions à M. le ministre de l'intérieur ; mais je dois répondre un mot à ce que l'honorable membre, dont je regrette l'absence, a dit hier sur la manière dont les pétitions auraient été signées à Anvers. Je tiens de gardes des plus honorables que les menaces et les promesses ont été employées non pour propager mais pour arrêter le pétitionnement.
Maintenant, messieurs, avant de me décider relativement à la proposition de l'honorable M. Lesoinne, à laquelle le gouvernement s'est rallié, je demanderai s'il est bien entendu que les gardes de 22 ans qui sont instruits et les gardes de 35 ans, instruits ou non, sont dispensés du service ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, sauf un seul exercice par an.
M. Osy. - Je demanderai en second lieu s'il restera toujours deux revues et une inspection d'armes ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, deux revues et deux inspections.
M. Osy. - Maintenant comme l'ordre du jour du colonel de Louvain a fait voir qu'il peut exister quelque doute sur le point de savoir si les manœuvres sont comprises dans le mot « exercices », je crois qu'il serait bon d'ajouter le mot « manœuvres » à l'amendement de M. Lesoinne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On peut le faire sans inconvénient.
M. Osy. - Du moment que la proposition de M. Lesoinne est entendu ainsi, je m'y rallierai.
Cependant, je n'abandonne pas d'autres propositions, comme celle de M. de Renesse, par exemple, qui a été sous-amendée par M. Van Grootven et d'après laquelle la durée de deux heures commence à l'heure indiquée par le billet de convocation.
Je connais, moi, des cas où les gardes étaient convoqués pour 7 heures et où ils n'avaient pas fini à onze heures. C'est aux chefs à faire l'appel nominal à l'heure pour laquelle les gardes ont été convoqués.
Je crois aussi, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Lelièvre ne doit pas être abandonnée et je déclare à l'honorable membre que s'il juge convenable de la maintenir je l'appuierai.
M. Delehaye (pour une motion d'ordre.) - Hier la chambre était sur le point de clore la discussion, lorsque M. le ministre de l'intérieur a demandé la parole. J'avais proposé le renvoi des différents amendements à la section centrale et je crois que ce renvoi est aujourd'hui plus nécessaire que jamais. Nous sommes d'accord sur la proposition de l'honorable M. Lesoinne, mais M. le ministre de l'intérieur n'admet pas la proposition de M.de Perceval. Il y a d'autres propositions, d'ailleurs, qui réclament un examen impartial. Pour que la discussion ne se prolonge pas inutilement et que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause, je renouvelle ma proposition de renvoyer tous les amendements à la section centrale.
M. Dumortier. - Quand la discussion sera terminée (interruption) j'espère bien que vous nous laisserez parler.
M. Delehaye. - Je ferai remarquer à l'honorable membre qu'il a développé hier sa proposition, et il l'a fait en des termes qui ont été parfaitement saisis par tout le monde ; j'avoue que ce sont ses explications qui m'ont fait comprendre sa proposition. Du reste, je ne veux pas rendre la discussion impossible ; je demande, au contraire, le renvoi à la section centrale pour que nous puissions discuter utilement.
M. le président. - La proposition de M. Delehaye, c'est le renvoi à la section centrale ; mais M. Delehaye demande, en même temps, la clôture de la discussion.
La demande de clôture ne peut point s'introduire ainsi : pour que la clôture puisse être mise aux voix, il faut qu'elle soit demandée par dix membres.
M. Dumortier. - Messieurs, j'allais précisément présenter l'observation que vient de faire M. le président : c'est que l'honorable M. Delehaye ne fait que reproduire une motion qui a été écartée par la chambre, il y a à peine trois minutes ; en effet, dix membres ne se sont pas levés pour la clôture. Du reste, il n'y a plus que peu d'orateurs inscrits, je demande que la chambre les entende.
M. le président. - Demande-t-on la clôture ? (Silence.)
La discussion continue. La parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, dans le discours que vient de prononcer M. le ministre de l'intérieur, il est revenu sur les griefs qu'il a articulés contre les pétitionnaires au sujet de la loi que nous discutons en ce moment. Je regrette vivement que M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir renouveler, dans cette occasion, l'énumération des griefs qu'il avait imputés aux pétitionnaires.
On nous parle toujours du respect dû à nos institutions.
Mais quel est donc le droit le plus sacré de nos institutions ? N'est-ce pas le droit de se plaindre ? Ce droit est sacré dans tous les pays du monde, et la. Constitution belge a établi une disposition pour autoriser le droit de pétition dans toutes les circonstances. Il me semble que ce n'est pas au gouvernement de venir déverser le blâme sur les personnes qui en usent. (Interruption.) C'est contre des abus que les pétitionnaires ont réclamé.
Vous dites que la loi sur la garde civique a été votée à l'unanimité. Qu'est-ce que cela prouve ? Parce qu'une loi de circonstance a été votée, ce n'est pas une raison pour que le pays ne réclame pas contre cette loi.
(page 1074) Comment ! le pays entier réclamerait contre la loi sur la garde civique, et le pays ne serait composé que d'esprits chagrins ! Je le répète, le droit de pétition est sacré, et il de nous appartient pas de flétrir ici ceux qui en usent.
J'arrive à la discussion des amendements eux-mêmes, et je ne dirai que peu de mots pour développer celui que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau.
Je veux démontrer à la chambre que les arguments qu'a fait valoir M. le ministre de l'intérieur en faveur de l'amendement de l'honorable M. Lesoinne, sont précisément les arguments les plus forts qu'on puisse produire contre cet amendement. (Interruption.)
Oh ! oh ! dites-vous ; vous allez le voir ; vous me répondrez ensuite, si vous le jugez à propos (nouvelle interruption).
Je conçois que l'honorable M. Rogier n'approuve pas ce que je dis ; c'est lui qui a écrit l'amendement qui a été déposé par l'honorable M. Lesoinne ; j'ai eu l'amendement en main.
M. Rogier. - C'est M. Roussel qui l'a inspiré.
M. Dumortier. - L'honorable ministre de l'intérieur repousse l'article 2 de la proposition de la section centrale, parce que cet article tend à désorganiser les cadres de la garde civique ; je suis ici de l'avis de M. le ministre : et pourquoi ? Parce qu'évidemment, par l'effet de l'article 2, les cadres ne resteront plus dans l'état où ils sont aujourd'hui, les personnes qui auront atteint l'âge de 35 ans n'y figureront plus. Je dois dire que dans tout le cours de la discussion, c'est l'argument le plus sérieux qui ait été produit en faveur du maintien du système actuel.
Eh bien, est-ce que l'amendement de l'honorable M. Lesoinne n'amènera pas le même résultat ? C'est identiquement la même chose.
Les gardes, arrives à l'âge de 35 ans, par le fait seul qu'ils sont exempts du service, ne seront plus tentés d'accepter le grade d'officier ; or, comme ils sont exempts, par l'amendement de l'honorable M. Lesoinne, tout comme par celui de la section centrale, vous arrivez au même résultat ; de manière que l'argument présenté par M. le ministre de l'intérieur contre l'amendement de la section centrale s'applique avec une force égale à l'amendement de M. Lesoinne ; par l'une et l'autre disposition, vous arrivez à cette conséquence : que les gardes qui sont dans le cas d'exemption, parce qu'ils auront l'âge de 35 ans, diront tous : « Nous nous garderons bien d'accepter des grades d'officier dans la garde civique, ce qui nous obligerait à 12 exercices par an, tandis que nous pouvons en être quittes ou avec rien ou avec un seul exercice. »
Ainsi,vous mettez tous les grades d'officiers entre les mains des jeunes gens. Voilà le système dont vous ne voulez pas et que précisément vous appuyez. (Interruption.) Oui, le système que vous appuyez est celui dont vous ne voulez pas ; vous avez donné d'excellentes raisons pour combattre ce que vous appuyez.
Pour empêcher ce résultat, il n'y a qu'un seul et unique système possible, c'est d'organiser la garde civique par compagnies séparées, en mettant dans les unes les personnes auxquelles vous voulez prescrire plus d'exercices ; dans les autres, celles que vous voulez assujettir à moins d'exercices. Il n'y a pas d'autre système praticable. Je vais le prouver.
Vous voulez comprendre dans la garde civique les hommes auxquels vous accordez l'exemption et ceux auxquels vous ne l'accordez pas ; voici le vice de ce système :
Je suppose une compagnie composée de 90 hommes ; cette compagnie comprend des gardes de l'âge de 21 à 50 ans ; je suppose que le tiers soit formé d'hommes de 21 à 30 ans ; le deuxième tiers, d'hommes de 30 a 40 ans ; le troisième tiers, d'hommes de 40 à 50 ans ; ainsi, dans l'hypothèse que le maximum de l'âge en deçà duquel on est soumis au service le plus rigoureux, n'aille pas au-delà de 30 ans, un tiers sera astreint aux exercices les plus fréquents, les deux autres tiers seront exempts ou à peu près.
Voyons maintenant les conséquences de ce système, au double point de vue du service et des élections.
Au point de vue du service, que vous reste-t-il avec les hommes âgés de moins de350 ans ? Il pourra donc arriver que vous ne pourrez pas faire faire d'exercices et de manœuvres.
Au point de vue des élections, le danger est beaucoup plus grand : c'est que tous les hommes, ayant plus de 30 ans, étant exempts du service, ne voudront pas accepter le grade d'officier. Donc les cadres seront exclusivement composés de jeunes gens.
Ainsi, par le système que je combats, vous arrivez fatalement à ce double résultat, de rendre le service impossible et de faire tourner les élections exclusivement au profit des hommes les plus jeunes, en forçant les hommes plus âgés à ne pas accepter des grades d'officier ; car, messieurs, qui ne dira : Je ne veux pas être officier pour être astreint à 12 exercices quand je puis en être quitte pour un. Vous aurez vos compagnies comprenant des hommes de 40 à 50 ans commandées par des hommes de 20 à 22 ans. Vous arrivez à cette conséquence dès l'instant que vous ne séparez pas la garde en deux catégories ayant chacune leurs cadres. La séparation est donc indispensable, appelez-la comme vous voudrez.
Si vous voulez éviter les inconvénients que je viens de signaler, il est impossible de ne pas organiser des compagnies séparées des deux catégories.
J'aime beaucoup la jeunesse, mais je reconnais que dans certains cas l'institution serait viciée, vous ne trouveriez plus cette garantie de sagesse, de calme, d'ordre que vous voulez avoir dans la garde civique ; le seul moyen d'obvier à cet inconvénient est d'adopter le système que j'ai proposé, de diviser la garde en deux catégories.
J'ai parlé des élections. Le mode actuel est vicieux. Il serait à désirer, si on révise la loi, que cet article fût modifié. Je dirai qu'en principe il ne convient pas que les chefs de la garde civique soient nommés par les gardes. La garde civique est une partie de la force publique ; c'est, comme l'avait voulu le Congrès, par le pouvoir exécutif, par le Roi, que les chefs de la garde civique devraient être nommés ; qu'a-t-on fait ? On a introduit un système mauvais, celui de faire nommer les officiers supérieurs à deux degrés. Les gardes nomment les officiers des compagnies qui présentent au gouvernement des candidats pour les autres grades.
Si vous voulez une présentation, soit ; mais que ce soit par tous les gardes qu'elle soit faite. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait des élections à deux degrés pour la garde nationale, quand cela ne se trouve nulle part ailleurs dans nos institutions ? Quand la garde nomme des officiers, elle ne nomme pas des électeurs ; elle nomme des chefs pour la commander, c'est par une transformation qu'ils deviennent électeurs. Avec ce système il s'est trouvé des villes que je pourrais citer dans lesquelles on est arrivé à des résultats tels, que le ministre précédent n'a pas voulu organiser la garde civique, tant il avait la main forcée par les mauvais choix qui avaient été faits.
A sa place, j'en aurais fait autant. S'il avait pu choisir librement, il n'aurait pas fait dans plusieurs cas les choix qu'il a dû faire. Je désire que cette partie de la loi soit révisée. Si vous voulez maintenir la présentation, que ce soit par tous les gardes, mais renoncez au système bâtard de l'élection à deux degrés, dans lequel le corps électoral n'a pas le mandat d'élection, mais un mandat de commandement pour le service.
Si vous voulez leur donner le mandat électoral, nommez-les spécialement électeurs, ne leur donnez pas du même coup deux fonctions dont la plus importante est absorbée par la plus faible.
Tous les amendements peuvent s'encadrer dans le système que j'ai présenté.Voulez-vous, comme la section centrale, maintenir dans la garde les citoyens jusqu'à 50 ans ? Mon système n'exclut pas cela. Voulez-vous ne les maintenir que jusqu'à 40 ans, comme le propose M. de Perceval, ce que je suis disposé à admettre, à moins qu'on ne me donne de bonnes raisons pour ne pas le faire ? Mon système s'en arrange très bien ; voulez-vous réduire le service ? Vous le pouvez encore avec mon système ; mais si vous n'admettez pas la division que je propose, vous arrives au double résultat fâcheux que j'ai signalé.
Maintenant, l'amendement de M. Lesoinne est-il une amélioration apportée au système de la section centrale ? Non, c'est une aggravation, car au citoyen qui a fait ses preuves la section centrale ne demande plus rien, l'amendement de M. Lesoinne demande encore un exercice.
C'est une aggravation ; on nous présente cet amendement comme favorable aux citoyens tandis qu'il est défavorable. Il y a donc aggravation, je n'en suis pas partisan.
Je ne vois pas pourquoi aux hommes de plus de 35 ans on demanderait encore des exercices, cela me paraît hors de toute nécessité. Quand un citoyen est arrivé à 50 ans et qu'il a pendant 10 ans été soumis aux exercices, il peut passer dans la catégorie de la réserve.
Il y a là beaucoup de pères de famille qui ont besoin de vaquer à leurs affaires, qui sont pleins de dévouement pour la patrie, mais qui, connaissant le service de la garde civique, ne veulent pas continuer à faire des exercices.
Nous avons vécu 18 ans avec un système qui n'était pas autre que celui que je propose, et les choses n'en allaient pas plus mal. Si dans certaines localités il n'y avait pas de garde civique, la faute en était à la régence qui ayant négligé de percevoir la contribution de ce chef et la dépense devait peser sur le budget, on a cherché à désorganiser la garde ; mais la loi primitive modifiée en 1835 suffisait à tous les besoins.
Que demandait-elle ? Deux services par an ; pas davantage. C'est tout ce que vous pouvez demander raisonnablement à la garde civique ; nous ne voulons pas d'une schuttery qui retienne les citoyens jusqu'à 50 ans, nous voulons que les jeunes gens apprennent le service, mais au-dessus de 30 ans nous voulons que les citoyens constituent une garde bourgeoise.
On doit se contenter de la réunir deux fois par an sous les drapeaux, pour les avoir sous la main au moment du danger. Ce serait une mauvaise chose que de la désorganiser, car au moment où vous en auriez besoin il faudrait dresser les contrôles former les cadres, ; vous n'en auriez pas le temps ; il est essentiel qu'elle reste toujours en état d'organisation.
Mais elle exige aussi, pour arriver au but, afin de conserver l'institution, qu'on apporte une modération extrême envers les personnes âgées de plus de 30 ans. Je n'admets pas l'âge de 35 ans ; je les considère comme une exagération.
Je dis qu'à 30 ans un garde a droit à son chevron de réforme, à faire partie de la garde sédentaire, c'est-à-dire d'une garde bourgeoise parfaitement organisée.
En organisant par compagnies séparées les hommes de 21 à 30 ans et les hommes de 31 à 50 ans, vous aurez, d'une part, la garde active composée d'éléments jeunes et, d'autre part, la garde sédentaire qui sera là pour calmer ce qu'il pourrait y avoir de trop vif dans l'élément jeune. Du reste, l'élément jeune ne m'effraye pas. Nous avons des compagnies spéciales composées, d'éléments jeunes, (page 1075) composées de tous les membres les plus zélés de la garde civique. Ce sont ces compagnies qui contribuent le plus, et d'une manière regrettable, à la désorganisation de la garde, parce que tous les hommes réellement dévoués se mettent de préférence dans les compagnies spéciales, et que l'infanterie proprement dite se trouve composée de tous les hommes tranquilles.
Ce que je ne veux pas plus que M. le ministre de l'intérieur, c'est la désorganisation de la garde. Je ne veux pas d'une garde exclusivement composée de jeunes gens. Mais dans mon système qu'aurez-vous ? Dans un bataillon de 6 compagnies, vous aurez 2 compagnies de jeunes gens et 4 compagnies composées d'hommes d'un âge mur. Ce système est la conséquence de la modification au sujet de laquelle on paraît être d'accord.
Du moment que vous voulez astreindre les hommes d'un âge mûr à un service moins rigoureux que les jeunes gens, il faut nécessairement aux uns et aux autres des cadres distincts.
Je me bornerai à ces simples observations, qui, je pense, seront comprises.
J'appuie la proposition faite par mon honorable ami M. Delehaye de renvoyer tous les amendements à la section centrale, qui organisera le tout dans sa sagesse.
M. Coomans, rapporteur. - S'il est entendu que tous les amendements seront renvoyés à la section centrale, je renoncerai volontiers à la parole, sauf à la reprendre à propos des conclusions nouvelles que la section centrale aura probablement à présenter.
Nous pourrions prier notre honorable président de convoquer dès demain la section centrale. Quant à moi, je prends l'engagement que la présentation du rapport ne souffrira pas de retard.
M. Lelièvre. - Je dois répondre quelques mots à M. le ministre de l'.ntérieur sur les explications par lui données à l'occasion des dispositions additionnelles que j'ai proposées. En 1849, lorsque nous avons voté la loi sur la milice, non seulement on n'a rien statué contre le pourvoi en cassation en matière de garde civique, mais la nécessité de la mesure a été reconnue ; seulement on a compris la nécessité de faire du pourvoi l'objet d'une disposition spéciale.
M. le ministre dit que jamais il ne s'est présenté de question de droit à résoudre par les députations. C'est une erreur. J'ai cité l'exempte d'un garde de Tirlemont qui, en 1849, s'est plaint à la chambre de la fausse interprétation donnée par la députation du Brabant à l'article 106 de la loi de 1848.
Mais on sent qu'il peut souvent se présenter des questions de droit en semblable matière, et je l'ai prouvé dans mon discours en citant des hypothèses nombreuses où cela peut avoir lieu. Eh bien, la loi ne doit-elle pas s'occuper d'hypothèses qui peuvent fréquemmeul se présenter ?
D'un autre côté, le pourvoi en cassation contre les décisions des députations est devenu un principe de droit commun. On l'admet en matière de milice, en matière de patente ; on propose de l'admettre en matière de contributions personnelles dans le projet non encore voté.
Il est donc naturel, alors que nous révisons la loi sur la garde civique, d'y introduire un principe qui, depuis 1848, a été introduit dans toutes les matières spéciales, et qui a, du reste, produit de bons fruits. Donnons donc aux gardes civiques des garanties légales devenues une régie de droit commun et ne maintenons pas à leur égard une législation exceptionnelle que nous avons cru devoir abroger en d'autres matières.
On présente de la législation sur la matière, il y aurait injustice à ne pas accorder aux gardes un recours admis en matière ordinaire pour obtenir la réformation des décisions qui leur font grief. Quant à moi, messieurs, je veux qu'ils ne soient pas soumis à un régime anormal, et certes, en les assimilant aux miliciens, en les faisant jouir des garantis accordées à tous les citoyens, la chambre adoptera une disposition qui n'a rien d'exorbitant et qui, au contraire, est conforme aux règles du droit et de la justice.
M. Rogier. - Je désire dire quelques mois en faveur de l'amendement de l'honorable M. Lesoinne. Cet amendement me paraît de nature à concilier la grande majorité des opinions, il se rapproche beaucoup de la proposition de la section centrale. Il ne fait, dans tous les cas, que confirmer les principes appliqués, depuis un an, par le gouvernement.
La section centrale maintient la législation de la garde civique, je le reconnais : elle introduit seulement une exception eunfaveur des hommes qui ont dépassé l'âge de 35 ans ; ceux-là ne sont plus astreints à aucun exercice. D'après la proposition de l'honorable M. Lesoinne, à laquelle le gouvernement s'est rallié, les gardes suffisamment instruits et les gardes âgés de plus de 35 ans seront astreints à un seul exercice, indépendamment des deux revues, que la section centrale conserve, et qui, remarquez-le bien, ne sont pas obligatoires aux termes de l'article 84 de la loi.
Mais il importe, on le conçoit, que les citoyens se rassemblent à certaines époques, comme l'anniversaire des journées de septembre, de l'inauguration du Roi, ou à d'autres anniversaires également chers aux souvenirs de tous les belges.
Viennent maintenant les inspections d'armes : on vous a dit comment les choses se passent dans plusieurs communes, notamment à Bruxelles. Ces inspections ne sont pas une charge pour les gardes. M. le ministre de l'intérieur vous a dit qu'on appliquerait à toutes les communes le système adopté à Bruxelles, et qui consiste en ceci ; les gardes portent ou font porter leur fusil dans un lieu désigné où il est sous le contrôle d'un officier, démonté par un ouvrier, etc.
A cela se bornera désormais le service de l'inspection.
Je demande si le service de la garde civique, ainsi expliqué, ainsi garanti par la loi. présente ce caractère de charge insupportable qu'on lui a attribué ? Spécialement en ce qui concerne l'inspection des armes, si l'on suit généralement la marche indiquée par M. le ministre de l'intérieur, il n'en résulte plus l'ombre de charge pour les gardes, et vous avez reconnu vous-mêmes qu'il était indispensable, dans l'intérêt du trésor, que l'inspection des armes fût faite régulièrement.
Je crois, messieurs, qu'avec ces explications, la section centrale pourrait se rallier à l'amendement de l'honorable M. Lesoinne, dont je ne renie en aucune manière la solidarité, que j'ai appuyé hier et que j'appuie encore aujourd'hui. Renvoyer tous les amendements'à la section centrale, ce serait nous exposer, je le crains, à recommencer une discussion déjà bien longue, à remettre en question tout le système de la garde civique. Si, par exemple, le système de l'honorable M. Dumortier avait chance d'être adopté par la section centrale, ce serait toute l'institution à débattre.
M. Dumortier. - Pas le moins du monde.
M. Rogier. - Votre système est tout autre chose que celui qui est en vigueur.
M. Dumortier. - C'est la même chose.
M. Rogier. - Alors il ne faut pas le proposer. Mais c'est un système nouveau. Je ne dis pas qu'il ne puisse se défendre ; mais c'est un système tout différent qui renverse la législation actuelle.
Voulons-nous obtenir un résultat de cette longue discussion à laquelle nous venons d'assister ? Voulons-nous mettre un terme à l'incertitude qui règne dans les rangs de la garde civique ? Voulons-nous arriver à temps pour que les élections, qui sont prochaines, se fassent en présence d'un système définitivement arrêté ?
Je crois que si nous voulons maintenir la stabilité, la confiance dans la garde civique, si nous voulons que les élections se fassent en présence d'un système arrêté et si nous tenons exclusivement au but qu'on prétend poursuivre, c'est-à-dire, d'adoucir encore plus, et de donner des garanties pour cela, le service de la garde civique, nous devons nous rallier à la proposition de l'honorable M. Lesoinne, qui n'est que la proposition de la section centrale, remarquez-le bien, sauf qu'elle introduit un exercice de plus par an, et encore un exercice facultatif. Voilà en quoi on peut dire que la proposition de l'honorable M. Lesoinne se concilie parfaitement avec celle de la section centrale.
Messieurs, la chambre en fera ce qu'elle voudra ; mais je crains fort que si on renvoie à la section centrale tous les amendements, nous ne soyons de nouveau exposés à une très longue discussion qui n'aboutira pas. Je crois que ceux qui ont voulu atteindre ce but, que je reconnais très désirable, de soulager autant que possible les gardes d'un service qui pourrait être onéreux pour quelques-uns, doivent se contenter de la proposition que je défends.
En présence des explications qui ont été données, de la promesse qui a été faite, des plaintes qui pourraient encore surgir, on ne doit pas craindre que le gouvernement vexe, de gaieté de cœur, les citoyens. Le gouvernement doit faire exécuter la loi, et il en est le premier défenseur. Le gouvernement ne peut pas jeter le blâme aux officiers qui ont fait preuve de zèle ; on doit, au contraire, les encourager. Ce n'est pas souvent le zèle qu'il faut reprocher aux magistrats électifs, c'est plutôt un certain laisser-aller, une certaine mollesse dans l'accomplissement de leurs obligations. Il ne faut pas en vouloir au gouvernement, lorsqu'il soutient les fonctionnaires qui montrent un peu de zèle, un peu de fermeté. Si certains de ces fonctionnaires ont montré un esprit de tracasserie, voici le moment d'en faire justice. Les élections vont avoir lieu ; les gardes n'éliront plus les officiers dont ils ont eu à se plaindre. Mais en général on ne peut reprocher aux chefs de la garde civique d'avoir soumis par goût à des vexations inutiles leurs légions ou leurs compagnies.
Il faut plutôt reconnaître que c'est un service qui se fait généralement de la manière la plus douce. Si l'on a un reproche à faire à la garde civique, c'est plutôt l'esprit de camaraderie qui s'y rencontre et qui fait qu'il n'y règne pas autant d'ordre et de discipline que dans d'autres rangs.
Il ne faut donc pas blâmer les officiers qui prennent leurs fonctions au sérieux et qui montrent du zèle pourvu que ce zèle se maintienne dans des limites convenables. C'est dans ce sens que j'ai pris la défense des officiels auxquels on reprochait de montrer trop de zèle. Je n'ai pas entendu prendre sous ma responsabilité des actes inutilement vexaloires s'il en a été commis.
M. de La Coste. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
L'honorable M. Rogier vient encore de combattre la proposition du renvoi à la section centrale. Il pense qu'en ne suivant pas cette marche, on gagnera beaucoup de temps. Mais je ferai remarquer qu'il n'y a aucun motif, d'après les usages de la chambre, de donner la priorité à un amendement qui a surgi hier à la fin de la discussion, qui est de tous les amendements, celui qui esl le moins connu de la chambre, qui a été le moins discuté. Cette priorité devrait être le résultat d'un vote spécial ; car dans l'ordre ordinaire, on devrait suivre une marche toute contraire et l'on devrait voter sur chaque amendement.
(page 1076) Il y a d'ailleurs deux propositions qui équivalent à des ajournements. Il y a d'abord la proposition de l'honorable M. Loos ; mais je crois qu'elle est retirée.
M. le président. - Elle n'est pas retirée, mais elle est devenue sans objet par suite de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur.
M. de La Coste. - Il y a ensuite celle de l'honorable M. Delehaye qui tend au renvoi de tous les amendements à la section centrale. Je crois qu'il faut d'abord voter sur cette proposition : car si elle était adoptée, il n'y aurait pas lieu de voter sur les amendements.
M. le président. - Il est certain que la proposition de M. Delehaye doil être mise la première aux voix. Si elle n'est pas admise, les amendements étant maintenus, nous devrons les mettre aux voix dans l'ordre indiqué par le règlement.
Voici un sous-amendement à l'amendement de M. Lesoinne, déposé par M. Osy :
« Les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont atteint leur trentième année ne peuvent être astreints à plus d'un exercice ou manœuvre par an. Ils ne sont tenus qu'à une inspection d'armes par an. »
- La discussion est close.
La proposition de M. Delehaye est mise aux voix par appel nominal.
En voici le résultat :
76 membres ont pris part au vote.
56 ont voté l'adoption.
20 ont voté le rejet.
En conséquence, les amendements sont renvoyés à la section centrale.
Ont voté l'adoption : MM. Magherman, Malou, Manilius, Moncheur, Orban, Orts, Osy, Rodenbach, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thibaut, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Boulez, Coomans, H. de Baillet, de Breyne, Dechamps. de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Mérode-Weslerloo, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Royer, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Maertens et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Moreau, Pierre, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, Van Hoorebeke, Allard, Anspach, Closset, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckaert, Deliége, Dequesne, de Steenhault, d'Hoffschmidt, Dumon, Lebeau et Lejeune.
M. Delehaye (pour une motion d’ordre). - Il est probable, messieurs, que la section centrale pourra faire son rapport à l'ouverture de la séance de demain ; alors nous pourrions continuer demain la discussion. Je demanderai, dans tous les cas, que la discussion du projet de loi sur les distilleries ne vienne pas avant lundi. C'est une discussion très importante, et il est désirable que tous les membres puissent y assister.
M. de Theux. - Il est évident que la loi sur les distilleries prendra plus d'une séance ; on pourrait donc, sans aucun inconvénient, ouvrir domain la discussion générale, sauf à ne pas la clore.
M. Delehaye. - Messieurs, la loi sur les distilleries est très importante : tout le projet est basé sur des expérimentations et quelques localités se plaignent de ce que ces expérimentations n'ont pas été faites chez elles. C'est là une réclamation qui me paraît très fondée.
M. de Theux. - Il n'est pas probable que la chambre puisse aborder demain le projet de loi sur la garde civique. On demandera probablement l'impression du rapport, car puisque nous révisons la loi il ne faut pas s'exposer à devoir la réviser encore d'ici à quelque temps. Je crois être d'autant plus fondé à demander que la loi sur les distilleries soit maintenue à l'ordre du jour de demain ; d'ailleurs, je le répète, il est évident que la discussion générale prendra plus d'une séance.
M. Rogier. - Si l'on commence demain la discussion de la loi sur les distilleries, est-il entendu qu'on la terminera avant de revenir au projet de loi sur la garde civique ?
M. le président. - Il est évident que si l'on commence demain la discussion de la loi sur les distilleries, ce sera seulement après le vote de cette loi qu'on reprendra la discussion du projet de loi sur la garde civique.
M. Pierre. - Je demande qu'on mette en tête de l'ordre du jour de demain, le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Torgny.
M. le président. - L'heure n'est pas avancée ; on pourrait voter ce projet aujourd'hui. Prononçons-nous d'abord sur la proposition de M. Delehaye. Il demande qu'on ne s'occupe du projet de loi sur les distilleries que lundi.
M. Delehaye. - Messieurs, du moment qu'il est bien entendu, que la discussion générale ne doit pas être close demain, je retire ma motion.
M. le président. - La motion est retirée. Il est entendu que la discussion générale ne sera pas close demain.
M. Vermeire (pour une motion d’ordre). - Il est une loi qui est vivement réclamée depuis plusieurs années par l'industrie ; je veux parler de la loi sur les brevets d'invention. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il sera bientôt en mesure de faire discuter cette loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis pas répondre aujourd'hui à cette question. C'est un travail assez long. Je m'en occupe.
M. Lesoinne. - Je désire aussi que ce projet de loi soit discuté dans la session actuelle. La loi qui est aujourd'hui en vigueur sur les brevets d'invention, est défectueuse en beaucoup de points. Je ne citerai qu'un exemple : les inventeurs belges, s'ils prennent un brevet à l'étranger, sont déchus de leur droit dans le pays.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ferai tout ce qui dépendra de moi, pour que le projet de loi puisse encore être discuté dans le cours de cette session.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale ; ont passe aux articles.
« Art. 1er. La section de Torgny est séparée de la commune de Lamorteau, province de Luxembourg, et érigée en commune distincte sous le nom de Torgny.
« La limite séparative est fixée conformément au liseré jaune et rose indiqué par les lettres A B C D au plan annexé à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 2. Le cens électoral et le nombre de conseillers à élire dans les nouvelles communes seront déterminés par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »
- Adopté.
- On passe au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
73 membres répondent à l'appel.
71 répondent oui.
2 (MM. Vander Donckt et Allard) répondent non.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Magherman, Malou, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Adolphe Roussel, Charles Rousselle, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Anspach, Boulez, Closset, Coomans, Dautrebande, David, Hyacinthe de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Mérode-Weslerloo, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Maertens et Delfosse.
- La séance est levée à 4 heures.