(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1053) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Le sieur Guise, cabaretier à Hal, demande une loi qui l'autorise à guérir, moyennant un salaire, quelques malades abandonnés des médecins ou déclarés incurables. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants d'Erwetegem demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armés et à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Assche demande la révision du revenu cadastral des propriétés bâties de cette commuue et des autres localités dont les intérêts sont compromis par suite de l'établissement de chemins de fer ou par d'autres circonstances. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs à Diest demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »
« Même demande d'habitants d'Amougies. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Melckweser demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton et que le cens électoral differentiel soit rétabli. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'nne commune non dénommée demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Beveren demande que l'Etat reprenne l'administration de l'Yser. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Des habitants de Thileur demandent que la loi sur la milice soit abolie et qu'on la remplace par un système de recrutement de volontaires. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée.
« Par dépêche en date du 11 avril, M. le ministre de la justice transmet à la chambre, avec les pièces de l'instruction la demande de naturalisation ordinaire du sieur Thayssen, Jacques-Pierre-Hermant, musicien gagiste au 4ème régiment de ligne. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Moxhon demande un congé. »
- Accordé.
« Il est fait hommage à la chambre par M. Jacques Fernand, de quelques exemplaires d'une brochure intitulée : « De la neutralité de la Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - Le bureau a nommé M. Lelièvre membre de la commission chargée d'examiner la proposition de loi concernant la pension des veuves, en remplacement de M. Destriveaux.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi concernant la garde civique.
M. Van den Branden de Reeth vient de déposer l'amendement suivant :
« Amendement à l'article 84 de la loi organique.
« J'ai l'honneur de proposer d'ajouter à cet article un paragraphe conçu en ces termes :
« Chaque année, pendant la première quinzaine du mois de mai, un avertissement remis au domicile des gardes, indique, pour toute la durée de la saison, les jours et heures fixés pour les exercices, les revues et les inspections d'armes. »
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, les adversaires de toute réforme de la loi du 8 mai 5S48 ont en jusqu'à présent pour système de confondre deux choses fort distinctes : L'institution et l'organisation.
Le service et l'instruction des gardes civiques.
Ce système de discussion, dépourvu de franchise, ne me convient pas du tout.
Il prête d'ailleurs à des insinuations absurdes de la nature de celles qui ont fait l'objet des réclamations de la chambre à la fin de la séance d'hier.
Je m'appliquerai donc à séparer ce qui ne doit pas être confondu.
Et je commencerai par vous lire le paragraphe de l'article 122 de la Constitution qui porte ce qui suit :
« Il y aura une garde civique. Son organisation est réglée par une loi. »
L'existence de cette institution ne peut donc être mise en discussion. Mais quant à son organisation, c'est tout différent. J'ai le droit constitutionnel de la discuter, et c'est de ce droit que je vais user.
J'examinerai donc si la réorganisaliou de 1848 est conforme aux intérêts de nos commettants.
J'examinerai si les avantages qu'elle leur procure compensent suffisamment les sacrifices qu'elle leur impose.
Messieurs, il est un principe qui ne peut être contesté ; le voici :
Nous ne pouvons tolérer l'imposition de prestations soit en nature soit en argent, qui pour des services utiles.
Or il ne me sera pas difficile de démontrer que les charges créées par la loi de 1848 pour l'instruction des gardes civiques, leur sont imposées dans un but inutile en partie ; et que dès lors ces charges doivent être rendues plus légères.
Examinons, pour le démontrer :
D'abord le but que l'on a voulu poursuivre par la présentation de la loi de 1848.
Examinons ensuite pourquoi après avoir été votée sans contestation, presque sans discussion par une assemblée préoccupée d'une situation des plus graves, pleine de dangers pour l'ordre social, cette loi a été acceptée par le pays sans réclamations.
Les auteurs du projet de loi, encore imbus d'une idée qui avait cours en 1830 et qui existe encore à l'état de minorité dans cette enceinte, se sont proposé d'organiser fortement les gardes civiques, et voici pourquoi :
D'abord afin de balancer l'influence de l'armée.
Ils se sont proposé ensuite de l'organiser de manière à ce qu'elle fût capable, encore par suite d'une idée surannée, et dont l'honorable M. Rogier ne veut plus lui-même, capable de suppléer à l'insuffisance de l'armée pour la défense de l'indépendance nationale.
Voilà pourquoi la loi de réorganisation de 1848 a imprimé à l'institution de la garde civique un cachet si militaire, des mesures si rigoureuses et si arbitraires pour assurer son instruction.
Voilà pourquoi elle prescrit que tous les citoyens, pendant 30 années de leur vie, seront formés et entretenus dans le maniement des armes.
Voilà pourquoi elle nous a imposé une organisation, incompatible avec la liberté individuelle.
Le pays a accepté cette charge sans murmure ; c'est vrai, mais il ne faut pas oublier que c'était en 1848 qu'il l'a acceptée.
Cette circonstance explique pourquoi nos concitoyens se sont soumis aussi facilement aux corvées qui leur étaient imposées.
La propriété était menacée dans le voisinage.
Tous ceux qui possédaient quelque chose prirent le mousquet sans hésiter.
Ce sont les circonstances qui ont popularisé l'exercice du soldat, en 1848, et non pas la loi nouvelle.
Les circonstances une fois passées, les exigences de la loi étant restées les mêmes, sont devenues insupportables.
Si les circonstances redevenaient aussi menaçantes pour l'ordre publie, pour l'état social, le même zèle renaîtrait instantanément, soyez-en bien assurés.
Au reste, messieurs, il ne vous aura sans doute pas échappé, que le zèle ou l'aversion des gardes nationales pour l'exercice et les manœuvres est un indice certain de l'état de la société.
Quand un pays est tranquille, quand la confiance règne, cette institution languit, elle décline.
Elle prospère quand les propriétés sont menacées, quand un parti cherche à renverser les pouvoirs établis.
Ne nous plaignons donc pas de l'état de décadence de l'institution de la garde civique. C'est bon signe. C'est que le pays a confiance en lui-même.
La garde civique saura bien revivre, quand son utilité se fera sentir. Aussi je plains les villes où elle prospère ; c'est un indice de malaise et de défiance.
Mais il existe une autre cause du zèle que les gardes civiques ont mis à se soumettre aux corvées de l'instruction après la promulgation de la loi de 1848.
Il ne faut pas oublier qu'on leur avait fait entrevoir une compensation.
Quelle était cette compensation ? Ce ne pouvait être que le dégrèvement des impôts, résultat logique des économies qu'on prétendait réaliser dans tous les départements ministériels, et nommément dans le budget de la guerre. Ce budget paraissait devoir être réduit successivement à 25 millions. On articulait même le chiffre de 20 millions.
Vous savez, messieurs, ce qui est avenu de toutes ces réformes : une mystification.
Les budgets sont plus lourds que jamais. Ils augmentent même chaque année.
Il est facile de comprendre maintenant pourquoi l'enthousiasme des (page 1054) gardes civiques pour l’exercice du fusil s'est éteint, pourquoi il s'est transformée en réclamations, en plaintes.
D'ailleurs les gardes civiques savent que l'exigence d'exercices trop fréquents est inutile dans les temps de calme pour parer aux éventualités de l'avenir.
Car ils savent que leur service a été satisfaisant en 1848, bien qu'ils n'y aient pas été préparés par les exercices prolongés et fréquents voulus par la loi de 1848. qui venait d'être promulguée.
Messieurs, il est encore un motif qui prouve aux gardes civiques que les exigences de la loi de 1848 sont devenues superflues pour perfectionner leur instruction. C'est que la commission chargée par le gouvernement d'examiner tous les détails de notre établissement militaire, de faire des propositions pour déterminer ce qui est nécessaire à la défense du pays, ne tient pas compte du service de la garde civique.
Cette commission remplace la garde civique mobilisée par la disponibilité de deux classes de miliciens ajoutées à celles dont le gouvernement dispose aujourd'hui. Il est dès lors facile à comprendre pourquoi l'on demande généralement à être dégrevé du chef de l'impôt de la garde civique.
On avait accepté cet impôt parce que l'on comptait être dégrevé par la réduction du budget de la guerre.
L'on n'a pas obtenu ce dégrèvement, il est dès lors tout simple que l'on demande à être déchargé du service de la garde civique.
Il serait en effet un peu dur d'être obligé de payer deux fois, et de sa personne et de son argent.
Après avoir établi ce qui précède, voici où je désire en arriver.
Je désire que les corvées, que la loi a imposées à la garde civique pour son instruction, soient proportionnées au service que l'on peut en attendre légitimement pour éviter des mécomptes.
Quel est ce service ?
Le maintien de l'ordre intérieur.
J'ajouterai peut-être la défense des places de guerre, non par des gardes mobilisés, mais par les citoyens qui les habitent.
Or, je vous le demande, messieurs, faut-il pour maintenir l'ordre public que tous les Belges soient astreints à faire l'exercice du soldat pendant trente ans de leur vie ?
Faut-il qu'ils restent livrés à l'arbitraire de l'administration pendant la moitié de leur existence pour se préparer à maintenir l'ordre public ?
Je dis non, sans hésiter.
Faut-il que tous les Belges pendant trente ans soient astreints à un régime qui est la negation de la liberté individuelle, pour défendre l'ordre intérieur ? Je dis que non.
Je dis que non. parce qu'il n'existe pas de pays en Europe, où l'esprit public soit aussi bon, où l'ordre public soit aussi peu menacé qu'en Belgique.
Aussi, messieurs, est-ce à regret que j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur qualifier d'une manière très dure les réclamations des pétitionnaires. « Ce sont de prétendus abus, a-t-il dit ; les plaintes émanent d'esprits chagrins.
« Cirq ou six exercices par an ; voilà à quoi tout cela se réduit.
« On ne demande rien à ceux qui sont suffisament instruits » a-t-il encore ajouté.
Je n'accuserai pas M. le ministre de l'intérieur de nous avoir induits en erreur.
Je dirai que ce sont ses subordonnés qui l'ont induit en erreur, et je le prouverai.
Les renseignements que nous produisons ici ont aussi quelque valeur. Ils méritent bien qu'on les prenne en considération.
La garde civique est partagée en trois classes pour l'instruction.
La troisième se compose des gardes jugés dépourvus d'instruction d'après l'avis de MM. les officiers.
La deuxième se compose des gardes jugés pourvus de quelques notions d'exercice.
La première devrait se composer des gardes suffisamment instruits. Maintenant voici comment l'on procède quant au nombre des exercices.
La troisième classe a été réunie trois fois par mois, dans les localités qui me sont connues, pour être instruite, non par suite de convocations générales, et ce n'est que de celles-là que le gouvernement a fait mention, mais par suite de convocations partielles.
La deuxième classe a été réunie par suite de convocations générales, cinq à six fois par an au moins, non compris les inspections d'armes, qui durent 3 heures, non compris les parades, non compris les convocations obligatoires pour élire les sergents et caporaux.
Quant à la première, à laquelle on ne demande pas de corvées, parce qu'elle est instruite d'après la déclaration de M. le ministre de l'intérieur, on n'y est admis qu'avec une difficulté extrême, et lorsqu'on y a été admis, ce qui est rare, on est obligé de passer chaque année un nouvel examen, un examen sévère, afin de constater s'il n'y a pas lieu de recommencer l'apprentissage.
Et les citoyens belges sont astreints à cette contrainte jusqu'à 50 ans, cela n'est pas tolérable.
D'ailleurs, messieurs, il est des légions où la première classe, n'existe pas même encore.
Dans d'autres, où elle existe, elle se compose à peine de 60 à 80 hommes.
Et ce n'est qu'en 1852 qu'on a commencé à instituer des commissions pour examiner les gardes qui se sont présentés pour entrer dans la première classe.
On n'a pris cette mesure que lorsque les pétitions ont commencé à devenir menaçantes.
Voilà, messieurs, la manière pleine de douceur avec laquelle le gouvernement a fait application de la loi de 1848 !
Des gardes, qui avaient consenti à s'exercer avec le plus grand soin, sous la direction de sous-officiers de l'armée, et qui avaient acquis une instruction remarquable, n'ont commencé à pouvoir se présenter pour entrer dans la premièer classe qu'en 1852.
Cependant la section centrale qui a examiné la loi de 1848 dirait qu'il ne fallait exiger qu'une instruction passable ; son rapport le constate.
Et quand l'administration, forcée d'organiser des commissions par les pétitionnaires, a admis les gardes à un examen, ces examens ont été tellement rigoureux que la plupart de ceux qui se présentaient ont été refusés.
Fiez-vous donc aux promesses de l'administration ; elle qui a même exagéré l'esprit de la loi de 1848 dans son application !
Ainsi les gardes sont livrés à la volonté de leurs chefs pour le nombre des exercices ;
Pour décider de la question de savoir s'ils sont suffisamment instruits ;
Pour décider de la question de savoir si un garde peut être exempté de comparaître à l'exercice pour cause d'absence. Il y a des chefs tolérants, j'en conviens.
Il y en a d'autres qui n'hésitent pas d'envoyer au conseil de discipline des gardes absents, parce qu'ils voyagent, soit pour se distraire, soit pour s'instruire, soit pour leurs affaires.
Je connais des gardes qui ont été obligés de faire un voyage de trente lieues pour comparaître à l'exercice sous peine d'être traduits en conseil de discipline.
Et la cour de cassation a ratifié cette interprétation de la loi ! Et l'on serait fondé à venir dire ici que les pétitionnaires se plaignent de prétendus abus !
Que leurs plaintes sont exagérées !
Que la loi sur la garde civique a été appliquée avec douceur, c'est le mot de l'honorable M. Rogier !
Messieurs, l'on m'écrit d'une grande ville, que les chefs ont menacé les gardes, qui avaient la velléité de pétitionner, d'être plus exigeants à leur égard, s'ils réalisaient leur projet.
Messieurs, le régime de la loi de 1848, qui tend à retenir tous les Belges pendant trente ans à l'école du soldat est intolérable.
Le milicien après un an ou deux d'instruction est renvoyé dans ses foyers en congé illimité, et reste disponible pendant six ans.
Il me semble que ce serait encore imposer une charge assez lourde, que d'exiger que les Belges âgés de 21 à 50 ans soient tenus au régime de l'école du soldat pendant neuf ans.
Quand on a fait l'exercice pandant neuf ans, on a acquis l'instruction suffisante pour maintenir l'ordre, ou bien on ne l'acquerra jamais, et l'on peut être mis sans inconvénient en disponibilité jusqu'à 40 ans en passant une inspection d'armes par an.
Tel est le sens d'un amendement dont je vais vous donner les développements.
L'on m'objectera peut-être que je suis l'un des signataires de la proposition de loi due a l'initiative des représentants de Louvain.
Mais, messieurs, en signant cette proposition, mon but a été de provoquer l'examen, et mon intention bien formelle de me réserver d'en profiter moi-même.
Eh bien, cet examen a provoqué une objection, une critique, qui m'a semblé digne d'être prise en considération. Il m'a paru difficile d'y répondre. On m'a objecté qu'il était peu rationnel de dispenser du service de la garde civique les hommes mariés, les hommes établis, les hommes les plus intéressés au maintien de l'ordre public.
Cette observation m'a semblé juste, surtout si la garde civique est ramenée à son but véritable, le but de maintenir l'ordre, si on lui restitue son caractère communal…
Je ne puis donc admettre intégralement la proposition que j'ai signée avec mes honorables collègues.
D'un autre côté, la proposition de la section centrale ne me satisfait pas non plus.
Assujettir annuellement nos concitoyens pendant 14 ans, de 21 à 35 ans, à douze exercices, à deux parades et à une inspection d'armes, c'est trop.
Assujettir les gardes de 35 à 50 ans à deux parades et à une inspection d'armes, cela me semble absurde ; les gardes civiques ne sont pas faits pour parader, pour divertir le public.
Maintenir la disponibilité des gardes civiques pendant 30 ans, cela me semble intolérable.
Je ne puis donc admettre la proposition de la section centrale.
Voici, messieurs, ce que j'ai l'honneur de vous proposer :
A l'article 65, j'adopte l'amendement proposé par la section centrale.
Quant à l'article 85, j'adopte aussi la rédaction qu'elle a proposée. Mais j'y introduis deux changements importants.
La section admet douze exercices par an. Je propose de n'en admettre que six.
(page 1055) La section centrale maintient les exercices jusqu'à 35 ans. Je propose de ne les rendre obligatoires que jusqu'à 30 ans.
Ma proposition est fort simple : 6 exercices, 2 revues, 1 inspection d'armes de 21 à 30 ans.
De 30 à 40 ans une inspection d'armes et disponibilité en cas de troubles.
Après quarante ans dispense de faire partie de la garde civique ; car j'adopte la proposition de l'honorable M. de Perceval, qui a pour but d'astreindre au service de la garde civique de 21 à 40 ans au lieu de 21 à 50.
Vous jugerez sans doute comme moi, messieurs, que lorsqu'on a fait l'exercice de 21 à 30 ans, c'est-à-dire pendant 9 ans, on est censé avoir acquis une instruction suffisante, on peut être dispense de comparaître à l'exercice après 30 ans.
Vous jugerez sans doute comme moi, qu'un citoyen qui a fait partie de la garde pendant 20 ans, a payé sa dette à la patrie.
Avant 1830, sous le régime des Pays-Bas, la garde communale ne se composait que de 10 classes. C'est être très large que de composer la garde civique de 20 classes.
Il résulte de ce qui précède qu'une modification devient indispensable à l'article 84.
Cet article oblige les gardes à assister à deux revues.
Comme je propose d'en dispenser ceux qui ont dépassé l'âge de 50 ans, j'y ajoute un paragraphe nouveau, ainsi conçu :
« Les gardes qui ont atteint leur 50ème année sont dispenses d'y assister. »
Un mot maintenant concernant les indemnités que l'article 73 impose aux familles aisées dont aucun membre ne fait partie de la garde civique. Le maximum de cette indemnité est fixé à 50 fr.
Je propose de réduire ce maximum à 30 fr.
Voici les motifs de mon amendement à l’article 73.
Vous avez entendu hier l'honorable M. Allard se plaindre de l'extension ridicule qui a été donnée aux cadres et aux états-majors, extension sans proportion avec l'effectif. Ainsi, la ville de Gand compte quatre légions, tandis que celle d'Anvers, dont la population est à peu près la même, n'en compte qu'une seule. A Bruxelles, il y a quatre légions ; si les compagnies étaient de 80 hommes, comme le veut la loi, il ne devrait y en avoir que deux.
J'arriverai à une application plus positive pour moi : dans le faubourg que j'habite, la garde civique compte un effectif de 500 hommes ; si les compagnies en eussent compté 80, il n'y aurait eu lieu que d'organiser un seul bataillon, mais au lieu de cette répartition que voulaient l'économie et une bonne organisation, les compagnies ont été composées de 45 hommes seulement ; et grâce à cette manière d'agir, l'on a obtenu 2 bataillons, et le faubourg a été gratifié d'une légion.
Quel a été le résultat de cet état de choses ? C'est que ce faubourg, qui n'est pas une ville, paye environ 4,000 francs pour la garde civique. Si l'on n'avait organisé qu'un seul bataillon, comme l'effectif le voulait, ce bataillon n'eut élevé la dépense qu'à 1,500 fr.
Il résulte encore de là que le maximum de l'impôt à payer dans le faubourg est de 50 francs, tandis qu'à Bruxelles le maximum n'est que de 30 francs. Aussi le conseil communal d'Ixelles fait-il remarquer, dans son rapport sur les affaires communales, que le recouvrement de ce rôle donne lieu à de nombreuses réclamations.
Je crois avoir suffisamment établi que le maximum de l'indemnité est trop élevé, puisque l'on s'en sert pour faire des dépenses inutiles, et qui n'ont d'autre but que de créer des fonctions dont les besoins du service ne justifient pas l'existence.
Messieurs, le gouvernement, après avoir déclaré que les plaintes étaient dépourvues de fondement, a déclaré qu'il était prêt à introduire, quant à l'instruction, tous les adoucissements imaginables.
Mais n'est-ce pas là se contredire ouvertement, n'est-ce pas convenir que les réclamations sont fondées ?
Les promesses de M. le ministre de l'intérieur ne me séduisent pas, ne me suffisent pas.
Je lui demanderai d'abord, s'il est capable de les tenir ?
Pour les tenir il devrait être sûr de garder longtemps son portefeuille.
Peut-il me donner cette assurance ? S'il ne peut me la donner, que signifient ses promesses ? Quelles garanties des engagements donne-t-il pour l'avenir ? J'espère, messieurs, que vous ne céderez pas devant la séduction de ces promesses.
J'espère que vous exigerez des garanties écrites dans la loi. J'espère que vous donnerez satisfaction aux réclamations légitimes des pétitionnaires.
M. de Perceval. - Messieurs, je suis un de ceux qui réclament des modifications à la loi du 8 mai 1848, et, en vous proposant un amendement dans ce but, je ne pense pas mériter le reproche d'être hostile aux principes démocratiques qui nous régissent. La garde civique est une institution constitutionnelle, elle a rendu en diverses circonstances, et elle est destinée à rendre encore des services réels au pays. Elle a pour mission, non seulement de défendre l'ordre, quand il est menacé, mais aussi de faire respecter et de maintenir intactes et debout nos libertés publiques.
A ces titres divers, la garde civique a droit au respect de la législature ; elle mérite aussi la confiance et l'estime de nos populations.
Loin de moi donc l'idée de vouloir lui donner une existence purement nominale.
Il m’est impossible, par conséquent, d’accepter toutes les considérations émises par les honorables orateurs qui appuient la proposition de loi due à l’initiative parlementaire de M. Landeloos.
Je dois repousser également les propositions présentées par la section centrale, parce qu'après mûr examen, je suis d'avis que si elles étaient adoptées par la chambre, l'organisation d» la garde civique serait sérieusement menacée ; or, je ne veux pas l'affaiblir, et encore moins la démolir.
Mais, je pense qu'il est sage, qu'il est prudent de faire droit à des réclamations fondées et de redresser des griefs qui existent réellement. Pour faire disparaître les abus dont les gardes se plaignent à juste titre, j'avais proposé dans ma section un amendement tendait à diviser la milice citoyenne en deux bans ; dans le premier ban, j'avais compris les citoyens âgés de 21 à 30 ans ; je les destinais au service actif. Dans le deuxième ban j'avais compris les citoyens âgés de 35 à 50 ans ; ils n'étaient appelés sous les armes que dans les circonstances extraordinaires, exceptionnelles, en un mot en temps de crise et de trouble. Je dois le dire, ce système que j'avais proposé dans l'intérêt même de l'institution, je crois qu'il n'est pas praticable et je me rends volontiers, je le dis avec autant de franchise que de loyauté, je me rends volontiers, dis je, aux arguments si péremptoires présentés par l’honorable ministre de l'intérieur à ce sujet, pour combattre mon système. Je n'hésite pas un seul instant à reconnaître que M. le ministre a prouvé à toute évidente que, si la division de la garde civique en deux bans venait à être admise par la législature, l'institution n'aurait plus qu'une existence précaire. Or, c'est là un but que je ne veux pas atteindre.
Messieurs, je rends hommage à l'esprit conciliant, aux bonnes intentions du ministre de l'intérieur, et si l'honorable M. Piercot siégeait sur le banc ministériel avec la qualité de ministre inamovible, je retirerais mon amendement, parce que j'aurais la persuasion que les abus dont nous nous plaignons ne se renouvelleraient plus.
Mais dans un régime constitutionnel les ministres passent et tombent, et avec eux tombent et passent aussi leurs circulaires. Le texte des lois nous reste, et je pense qu'une disposition législative est préférable aut circulaires administratives pour détruire les abus.
En vous proposant de substituer l'âge de 40 ans à celui de 50 ans, j'introduis dans la loi une modification qui, loin d'affaiblir la garde civique, ne fera que la fortifier ; elle aura en outre pour résultat de rendre cette institution plus vivace et plus respectée ; enfin, les principes de discipline et d'autorité y gagneront aussi considérablement.
Messieurs, je vais plus loin, et je dis que si l'honorable ministre prouve que mon amendement aura pour effet de nuire en quoi que ce soit à cette institution dont je suis un très sincère partisan, je le retirerai immédiatement.
Ce que je désire, c'est que la garde civique ait une grande force morale, qu'elle soit sérieuse, qu'elle soit bien disciplinée.
Si vous acceptez ma proposition, messieurs, vous ferez disparaître de la garde civique un élément dissolvant qu'elle renferme aujourd'hui. Cet élément dissolvant, je le trouve signalé dans une pétition qui nous a été transmise par les officiers de la légion de Liège.
La pétition de ces officiers nous fait connaître que les réclamations adressées à la législature émanent de gardes qui ont constamment opposé la force d'inertie et le mauvais vouloir à l'exécution de la loi du 8 mai 1848.
Eh bien ! cette force d'inertie et ce mauvais vouloir partent surtout des hommes de 40 à 50 ans. Et pourquoi ? Le motif en est très saisissable et s'explique parfaitement. Parce que, dès que l'on atteint la 40ème année, on éprouve le besoin de rester chez soi ; parce que, en un mot, l'heure du repos a sonné à 40 ans.
En maintenant dans les rangs les hommes âgés de plus de 40 ans, vous amoindrissez, vous annihilez vous-même la force de cette institution.
Messieurs, la garde civique a pour adversaires non seulement ceux qui la combattent ouvertement, franchement, mais encore ceux qui ne veulent pas y apporter les modifications, les tempéraments que l'expérience nous prouve être d'une indispensable nécessité.
En fixant jusqu'à 50 ans la durée du service, le législateur de 1848 a, dans mon opinion, dépassé le but qu'il voulait atteindre. Délibérant sous l'empire des grandes crises qu'il traversait à cette époque, il a donné à cette institution des développements qu'elle ne comporte pas, surtout en temps de paix, alors qu'aucun danger sérieux ne menace ni l'ordre, ni la liberté, ni l'intégrité du territoire, trois choses que la garde civique a mission de défendre.
Ce qui a provoqué les réclamations dont nous sommes saisis, c'est surtout cet esprit militaire qui anime quelques commandants de légions et de bataillons ; c'est ensuite cet excès de zèle qu'ils ont déployé, qui n'a pas été réprimé en temps opportun par le pouvoir executif, et dont nous avons été plus ou moins la triste victime. C'est,en troisième lieu, la création de légions dans des villes où un bataillon pouvait, devait suffire. C'est encore la formation de compagnies avec un effectif de 20 à 30 hommes, alors qu'aux termes de la loi elles doivent être composées au maximum de 150 hommes, et au minimum de 75. Ajoutez à toutes ces irrégularités, à toutes ces fautes mille petites vexations sans but et sans utilité, et vous justifierez facilement les plaintes qui se sont élevées de toutes parts.
(page 1056) L'honorable ministre de l'intérieur nous donne l'assurance que les abus ne se reproduiront plus. J'accepte ces dispositions bienveillantes ; elles sont conformes à la saine raison, et j'aime à croire que la fièvre militaire qui s'est emparée de plusieurs officiers supérieurs de notre milice citoyenne aura disparu bientôt à son tour. C'est un vœu que je formule bien sincèrement dans l'intérêt d'une institution qui doit conserver son caractère civil. Nos bourgeois ne peuvent pas être traités comme les soldats de l'armée.
La proposition que j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la chambre, me paraît acceptable sous quelque point de vue que l'on se place. Elle a le mérite de concilier tous les intérêts : ceux de l'Etat, ceux de la discipline, et enfin ceux de nos concitoyens. N'est-il pas juste de donner le repos aux hommes qui ont atteint 40 ans ?
Lorsqu'on a servi son pays de 21 à 40 ans, je vous le demande, messieurs, n'a-t-on pas payé sa dette à la patrie ?
Je pourrais m'etendre plus longuement sur toutes ces considérations. Je m'arrête, parce que je suis persuadé que vous avez déjà apprécié le mérite, la bonté de ma proposition.
Cependant, avant de m'asseoir, je dois relever une phrase que j'ai trouvée dans le discours de l'honorable M. Closset.
Il nous a dit, dans la séance du 11 avril : « La race Belge serait-elle si affaiblie ou si dégénérée qu'à cet âge (35 ans), le maniement d'un fusil pendant quelques heures durant le cours d'un été, fût aujourd'hui un acte de nature à exiger de si grands ménagements ? Mes observations s'appliquent de même à l'amendement de l'honorable M. de Perceval. »
Messieurs, je répondrai que les citoyens qui ont tant de patriotisme, ceux qui désirent si vivement assister à tous les exercices, ceux qui aiment avec tant d'ardeur les promenades militaires, peuvent toujours invoquer le bénefice que leur accorde l’article 8 de la loi du 8 mai 1848.
Voici la disposition que cet article renferme :
« Il est loisible aux Belges et aux étrangers, etc., de se faire inscrire sur les contrôles de la garde civique avec l'assentiment du chef de la garde. »
C'est là une faculté dont peuvent faire usage tous les patriotes, tous les citojens qui briguent l'honneur de servir dans les rangs de la garde civique.
(page 1061) M. Manilius. - Messieurs, quoique faisant partie de la garde civique, ne croyez pas que je trouve que toutes les réclamations articulées contre elle sont de nature à être qualifiées d'extravagantes et d'outrées. Il y a eu réellement quelques petites réclamations fondées sur le zèle très grand qui a été déployé dans les premiers moments de l'organisation de la garde civique. Ce zèle s'est tranquillement modéré, ce zèle a mérité en quelque sorte les applaudissements et toute la satisfaction du gouvernement. Le gouvernement a même jugé convenable de recompenser ce premier zèle, car jusqu'ici le pays n'avait pas donné d'exemple d'un pareil empressement pour concourir à l'organisation d'une institution qui cependant lui a été imposée dès le principe de son existence comme Etat indépendant.
Vous vous rappellerez tous, messieurs, et notamment les honorables-membres qui faisaient partie du congrès et qui siègent encore dans cette enceinte, que la première loi sur la garde civique a été faite en une seule nuit, et quelle nuit ? La dernière de l'année 1830. On l'a promulguée, et le lendemain la garde civique était en armes ; et tous ceux qui ont pris la parole dans cette discussion-ci, et qui ont constaté qu'il ne fallait pas tant d'exercices, qu'il ne fallait pas d'exercices, et qu'il suffisait que les gardes eussent un fusil, ceux-là, en se plaçant au point de vue de 1830, ont eu raison. On ne s'était pas exercé et les gardes étaient sur pied. Mais on était alors dans des circonstances exceptionnelles. Alors la Constitution belge n'était pas faite. Elle a été faite après, elle a été promulguée après et on a bientôt reconnu qu'il fallait une autre organisation de la garde civique, et, pour y arriver, une modification à la loi.
Aussi, messieurs, en 1834, des plaintes ont surgi ; vous les connaissez, je ne les rappellerai pas, l'époque est déplorable.
Mais, enfin, on s'est plaint d'un garde civique qui n'avait pas tous les éléments voulus pour représenter convenablement l'institution qu'avait proclamée la Constitution.
On a donc fait une modification à la loi. Une nouvelle organisation s'en est suivie. Les exercices ont été rendus obligatoires, mais seulement pour les cadres.
On avait eu jusqu'alors cet excès de prudence de ne demander d'exercices à personne, c'est-à-dire qu'on avait continué à suivre les errements de la loi du 31 décembre 1830. On n'avait pas songé que les armes confiées aux citoyens devaient pouvoir être maniées. On a réparé cette faute, mais pour les cadres seulement.
Eh bien, messieurs, il est résulté de là que chaque titulaire qui recevait de ses concitoyens une nomination, ouvrait la loi, examinait quels étaient ses devoirs et, voyant qu'il y avait des exercices imposés exclusivement aux cadres, donnait sa démission.
Car, messieurs, dans la loi de 1834, modifiée le 2 janvier 1835, on n'avait pris à cet égard aucune précaution ; on n'avait pas de moyens obligatoires ; il n'y avait pas comme pour le jury, par exemple, des moyens coercitifs ; on pouvait refuser et on a refusé. Il en est résulté, messieurs, que depuis 1834 jusqu'en 1848 on a eu une garde civique avec des officiers dont les uns avaient accepté et dont les autres avaient refusé. Eh bien ! on ne s'inquiétait pas de cette situation, on se disait, comme l'a très bien fait remarquer tout à l'heure l'honorable M. de Man : Il n'y a rien à faire ; il n'y a pas de désordres à craindre ; nous n'avons plus besoin de garde civique. C'est ce que l'on semble encore dire aujourd'hui ; aujourd'hui ou veut même retirer à la garde civique le plus d'armes possible.
On commencera par vouloir exempter les hommes de 40 ans, d'après le dernier amendement que nous venons d'entendre développer, ou de 35 ans, d'après la proposition de la set ion centrale, ou même de 30 ans, comme vient de le demander l'honorable M. de Man.
Quant à moi, messieurs, je commencerai par appeler votre attention sur l'article premier, qui motive l'exisience de la loi tout entière. Cet article porte :
« La garde civique est chargée de veiller au maintien de l'ordre et des lois, à la conservation de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire. »
Vous voyez, messieurs, quelle est la mission de la garde civique.
La garde civique doil veiller à tout ce qui est de l'intérêt de la société et même à l'intégrité du territoire. Et, remarquez-le bien, messieurs, il ne s'agit pas du territoire de la commune, car l'article 7 dit :
« L'organisation de la garde civique mobile fera l'objet d'une loi spéciale. »
Cet article 7 est une promesse faite en 1848 et qui n'a pas été remplie. Cela expose les hommes de 50 ans moins quelques mois à devoir prendre les armes pour aller combattre au-dehors. C'est cependant ce que la loi n'a pas voulu. La loi a voulu que les hommes qu'on a désignés tout à l'heure comme peu propres à apprendre le maniement des armes, restassent dans leurs communes.
Elle n'a pas voulu que ces hommes fussent assujettis à plus de douze exercices par an ; elle a voulu seulement qu'ils reçussent quelques notions sur le maniement des armes et qu'ils fussent toujours à la disposition de l'autorité commuuale lorsque les intérêts de la commune seraient menacés.
Et il ne s'agit pas, messieurs, de venir faire le pendant de l'armée ; telle n'a pas été la pensée ni du législateur de 1830, ni du législateur de 1834, ni du législateur de 1848 ; cela ne peut entrer dans la pensée de personne. Ce qu'on a voulu,c'est qu'en toute circonstance et surtout en temps de guerre ou de désordre les autorités communales eussent toujours une garde civique à requérir.
On a voulu, de plus, une garde civique mobilisable, et c'est pour cela qu'aux termes de l'article 7, la garde civique doit être divisée, non pas en deux bans, mais en deux catégories. C'est ce que comportait la loi de 1850, c'est ce que comportait la loi de 1834, c'est ce que comporte la loi de 1848, la loi actuelle, mais en promesses (article 7).
La première partie de la garde civique, la partie mobilisable doit être composée de jeunes gens de 20 à 30 ans, ou de 20 à 35 ans. C'est ce qui a déjà été mis en pratique. Eh bien, messieurs, lorsque ces jeunes gens avaient quitté la commune, lorsque la garnison avait également quitté la commune, n'était-on pas heureux de voir les hommes qui ne font point partie de la garde mobilisée prendre les armes pour le maintien de l'ordre et pour défendre les propriétés : ce qui est réellement le but le plus sérieux, le plus patent, le but unique pour la seconde catégorie de cette institution exigée par la Constitution ; c'est afin d'éviter ce qu'on a vu malheureusement dan tant de pays, et ce qu'on a vus chez nous : c'est afin d'éviter les émeutes et, par suite, les pillages !
On dit que la garde civique n'est organisée que dans une quarantaine de communes ; eh bien, ce sont précisément ces quarante communes populeuses qui ont les plus grands intérêts à se défendre et qui sont les plus exposées à subir des désastres dans les moments de trouble. Rappelez-vous, messieurs, ce qui s'est passé à Bruxelles ; si la ville de Bruxelles avait disposé d'une garde civique bien organisée pour contenir les masses qui ont détruit des établissements industriels et des hôtels magnifiques, on n'aurait pas eu sans doute à déplorer ces malheurs, et la législature n'aurait pas dû venir au secours de la ville de Bruxelles pour indemniser les victimes de ces désastres. (Interruption.)
On n'a pas appelé en 1834 la garde civique, me dit l'honorable M.Osy ; c'est vrai, mais elle n'existait pas ; qui a-t-on appelé ? L'armée.
Je suis charmé de l'interruption de l'honorable M. Osy ; elle me prouve que la garde civique, dans les circonstances semblables, peut rendre des services immenses ; mais la garde civique venait alors d'être désorganisée ; on venait de la laisser tomber dans l'état où l'on désire qu'elle tombe aujourdhui.
Je l'ai déjà dit on commençant ; il en est toujours de même : on s'endort dans la sécurité, parce que le navire est à flot, et on ne se réveille que quand le navire est prêt à s'engloutir. Aujourd'hui, on ne se plaint plus de rien, on croit qu'aucun péril ne nous menace, et on laisse la garde civique se désorganiser,
Maintenant j'arrive au chapitre des difficultés de l'exécution de la loi. Il est nécessaire d'abord pour les gardes de pouvoir manier l'arme qui leur est confiée, et d'être mis en état de suivre les évolutions très restreintes auxquelles la garde est obligée, si elle veut pouvoir se rassembler convenablement, si elle veut se diriger sans confusion vers les places où elle doit se rassembler et se mouvoir dans un ordre régulier, afin de conserver le respect, qui est sa grande force.
Que résulte-t-il de cette nécessité ? C'est que les exercices ne soient pas exagérés. J'accueille des deux mains la promesse qui a été faite par le gouvernement ; je ne dis pas que cette promesse aura un caractère de perpétuité, mais je ne crois pas que d'autres ministres pourraient plus tard ne plus tenir compte de ces promesses, et donneraient de nouveau carrière aux excès de zèle dont on se plaint.
En présence des obligations que comporte l'article 7 de la loi, il faut nécessairement qu'il y ait une révision ; il faut qu'il y ait une garde civique mobilisable et une garde civique sédentaire, parce que, dans le cas où vous devriez défendre l'intégrité du territoire, vous ne pouvez pas mobiliser toute la garde civique ; vous ne pouvez mobiliser ni les hommes mariés, ni les pères de famille ; il faut donc une révision.
M. Rodenbach. - Nous sommes d'accord.
M. Manilius. - J'entends que nous sommes d'accord ; eh bien c'est de bon augure ; on me suit et l'on me comprend.
Nous sommes en présence d'une dizaine d'amendements, ces amendements sont discordants ; chacun vient au point de vue où il se place, sans s'assurer s'il ne détruit pas l'économie de la loi existante.
M. de Perceval. - Je demande la parole.
M. Manilius. - ... si cela ne vicie pas le mode d'exécution au double point de vue de la loi présente et celle que prévoit l'article 7.
Eh bien, ne peut-on pas aviser à un moyen beaucoup plus simple, qui soit de nature à satisfaire à la fois ceux qui sont mécontents et ceux qui n'aiment pas à voir changer du jour au lendemain les institutions organiques ? Je ne ferai pas de proposition, je trouve qu'il y en a déjà trop ; mais je forme un vœu, c'est que le gouvernement nomme une commission pour réviser la loi actuelle. (Interruption.)
On ne veut pas de commission ; soit, le gouvernement a des employés qui peuvent très convenablement s'occuper de cela ; que le gouvernement nous promette d'examiner les devoirs qu'il y a à accomplir en vertu de l'article 7 de la loi, et en même temps quelles sont les modifications à introduire dans la partie sédentaire de la garde civique ; que, dans l'intervalle, il applique des mesures administratives à corriger le zèle démesuré.
En agissant de cette manière, vous feriez, messieurs, chose sage, car si vous habituez le pays à renverser constamment ses institutions, vous ne l'habituez pas à respecter vos décisions.
J’ai dit.
(page 1056) M. Osy. - Messieurs, je comptais ne borner à voter tous les amendements compatibles avec l'institution de la garde civique qui est consacrée par la Constitution, mais j'avoue qu'il m'a été impossible de me taire, lorsque j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur qualifier les nombreux pétitionnaires qui se sont adressés à la chambre d'esprits chagrins, les représentants comme des hommes peu disposés à se soumettre à un charge publique quelconque.
Comment ! des citoyens de 21 à 50 ans sont tenus sous les armes et il ne leur serait pas permis de se plaindre ? Je conviens qu'en 1848 la chambre et le pays ont voté et reçu la loi avec empressement, parce que nous voulions le maintien de notre existence politique et que nous pensions par là donner des garanties au pays.
Mais après une expérience de cinq ans. quand tous les griefs nous sont connus, il ne nous serait pas permis de venir dire tout ce que nous en savons.
M. le ministre de l'intérieur, qui traite si légèrement les pétitionnaires, je lui dirai que dans la ville que j'habite les pétitionnaires seraient plus nombreux s'ils n'avaient pas été retenus par des menaces ou des promesses… On leur disait : Si vous signez, à la moindre faute vous serez poursuivis ; si vous ne signez pas, on sera indulgent. Par ce moyen il y a moins de signatures que si on avait abandonné les gardes à leur élan spontané, s'ils avaient pu dire ce qu'ils en pensaient. Ce que je dis est positif, je le tiens de plusieurs gardes de la ville d'Anvers.
Comment est-il possible que des hommes d'afaires, qui toute la semaine sont occupés, fassent des services aussi nombreux que ceux prescrits par la loi ?
Quand on a travaillé toute la semaine, il est permis de désirer quelque repos. Beaucoup sont obligés par leurs affaires ou par délassement de s'absenter de la ville, quand il doit y avoir des exercices cela est impossible ; quand vous êtes mal noté, on vous poursuit pour la moindre inexactitude.
Beaucoup de nos habitants demeurent à la compagne. Les habitants de Bruxelles ont des maisons de campagne à 15 ou 20 lieues ; ils sont obligés de revenir en ville pour faire le service quand il y a convocation. A Anvers, beaucoup de nos concitoyens vous passer le dimanche à 2 ou 3 lieues de la ville ; partant le samedi soir ils sont obligés de revenir le dimanche pour faire leur service. Je trouve que le nombre de 12 exercices outre les inspections d’armes et les revues est trop considérable. La promesse de M. le ministre de le restreindre ne me satisfait pas. Un colonel pourrait dire : Je ne connais que la loi, je ne connais pas les circulaires. Le gouvernement pourrait ne plus le renommer, mais il aurait eu raison de préférer la loi aux circulaires. Il faut les insérer dans la loi, s on trouve des moyens de soulagement dans ce qu’indique le ministre pour les gardes en faveur desquels nous réclamons.
La garde civique est une institution constitutionnelle, je ne veux pas la détruire, je ne voudrais pas détacher une seule pierre de notre édifice constitutionnel.
Lorsque en 1824 le gouvernement des Pays-Bas institua la schuttery, un député militaire, aide de camp du roi, député de Tournai, a combattu la loi ; il a dit que dans des temps donnés, quand il y aurait des troubles, cette institution serait plus nuisible au gouvernement qu'utile. Vous savez, en 1830, ce qui est arrivé ; la schuttery a tourné contre l'autorité, partout elle a jeté ses fusils.
Mais voyons maintenant ce qui est arrivé avant ; ce qui est arrivé au mois d'octobre. Au mois d'août, quand les premiers troubles ont eu lieu à Bruxelles, quelques démonstrations ont été faites à Anvers ; les habitants n'ayant pas confiance dans la schuttery se sont constitués en garde bourgeoise, et ce n'est que quand le gouvernement a voulu se servir de la schuttery qu'elle a jeté ses armes, elle a tourne contre l'autorité. Il faut se borner à avoir des cadres organisés et, quand c'est nécessaire, appeler les gardes, vous aurez alors plus de garantie pour la tranquillité du pays. Aujourd'hui vous donnez des armes à tout le monde, c'est très dangereux. Je voudrais donc me rapprocher de l'organisation qu'a indiquée l'honorable M. de La Coste.
Cela pourrait être très utile. L'honorable M. Manilius vient de dire que la garde civique doit servir également à la défense du territoire. Vous avez vu comment elle est traitée par la commission militaire ; on n'en tient aucun compte, on demande cent mille hommes ; on ne dit pas même que la garde civique pourra défendre les places fortes. Je ne veux donc avoir qu'une garde composée de cadres qu'on remplirait en cas de besoin. Ayez une bonne police, prévenez les malheurs qui pourraient arriver. Cela vaut mieux que de les réprimer. En Angleterre les constahles avec leurs petits bâtons blancs suffisent.
Peu de temps après 1848 on a craint que les chartistes fissent une révolution ; qu'est-il arrivé ? Cinq mille volontaires constables ont maintenu la tranquillité ; les chartistes se sont retirés. Je conçois donc une garde bourgeoise, mais pas aussi nombreuse qu'aujourd'hui ni avec un service aussi long et autant d'exercices, de parades et de revues. Ce sont là des choses auxquelles je ne veux pas consentir. Les Belges sont des industriels, des hommes d'affaires ; ils ne peuvent pas se soumettre à un pareil régime. Je voterai donc pour tous les amendements qui réduiront un service que je trouve trop lourd.
M. Dumortier. - Ce n'est pas moi certainement qui viendrai m'élever contre l'institution de la garde civique. J'ai eu l'honneur de figurer pendant longtemps dans les rangs de la milice citoyenne : je connais tous les services qu'elle a rendus au pays dans les circonstances difficiles ; je sais ceux qu'elle peut être encore appelée à rendre, et certes je n'aurai jamais que des éloges à donner à cette belle et excellente institution.
Je veux le maintien de la garde civique, et c'est précisément parce que je le veux que je désire que des modifications soient apportées à la loi de 1848, que je reconnais l'indispensable nécessité de ces modifications.
J'ai eu l'honneur de commander, pendant 18 ans, la garde civique de la ville que j'habite. Voici ce que j'ai alors observé. Aussitôt que la plus petite apparence de danger intérieur ou extérieur se faisait sentir, à l'instant même il y avait un grand zèle pour le service de la garde civique. Mais aussitôt que le danger était passé (il faut le reconnaître ; car nous sommes ici, non pour faire le caractère du peuple belge, mais pour le reconnaître tel qu'il est), ce zèle diminuait à l'instant même, et si alors on voyait chez les officiers un excès malentendu de zèle, bien loin que ce zèle fût contagieux, il engendrait de l'opposition, de l'apathie, qui, si l'on n'y prenait garde, dégénérait bientôt en dégoût. Voilà comment est le peuple belge. Du moins c'est ainsi que je l'ai constaté.
Il est disposé à se montrer dans toutes les circonstances où sa présence est nécessaire, à prendre les armes pour l'honneur, pour le bonheur du pays, pour empêcher les désordres, les émeutes ; et il le fait avec une spontanéité qu'on ne peut assez admirer. Mais le peuple belge aime beaucoup à se reposer quand il ne reconnaît pas que son service soit nécessaire. Il n'aime pas à parader ; je dirai le mot, il n'aime pas à jouer au soldat. Quels sont donc les véritables adversaires de la garde civique ? Ce sont ceux qui, par un zèle intempestif, ne veulent pas qu'il soit apporté de changement à la loi.
Comment ai-je réussi, à maintenir constamment, à Tournai, de 1830 à 1848 l'institution de la garde civique ? En recommandant sans cesse aux officiers de ne jamais porter le zèle à l'excès, de ménager toujours les gardes, en leur disant sans cesse comme Talleyrand : « Surtout pas de zèle. »
C'est ainsi que, tant bien que mal, la garde est restée organisée ; et aussitôt que l'honorable M. Rogier a eu écrit pour recommander la réorganisation des gardes civiques, la nôtre a été la première sous les armes, prête à défendre nos murailles s'il y avait du danger.
Cela tient à ce que, comme je viens de le dire, je m'étais toujours attaché à parvenir ces excès du zèle qui n'ont d'autre résultat que de détruire l'institution.
Maitenant que se passe-t-il ? Il y a un pétitionnement considérable pour demander la révision de la loi sur la garde civique. J'ai entendu dire que 6 mille gardes avait pétitionné dans cette chambre. Je n'ai pas vérifié le chiffre ; mais je l'ai entendu dire par plusieurs de mes collègues.
Pourquoi ce pétitionnement ? C'est que la loi de 1848 est allée (page 1057) beaucoup plus loin que la loi votée par le congrès national, sous l'empire de laquelle nous avons vécu pendant 18 ans.
L'honorable M. Rogier a fait remarquer avec beaucoup de raison que la loi de 1848 a été présentée en 1845. Le fait est vrai. En 1848, le besoin d'une loi s'étant fait sentir, on a pris ce projet de loi et on l'a amendé.
Mais pourquoi ce projet était-il resté, pendant trois ans, dans les cartons de la chambre ? Parce qu'il outrait les choses, parce qu'il exagérait les obligations imposées aux gardes.
M. Rogier. - On a discuté la loi pendant onze séances.
M. Delehaye. - En 1845, la loi n'aurait pas été votée.
M. Dumortier. - C'est évident ! On ne voulait pas porter le service à l'excès, et comme le projet de loi n'avait pas d'autre but, la cbambre ne le votait pas.
Il y a donc 6,000 pétitionnaires qui se sont adressés à la chambre (quel que soit le nombre exact, il est considérable). Dans mon opinion, ces réclamations sont dirigées, non contre l'institution, mais contre l'exagération de l'institution, et il ne faut jamais confondre l'institution en elle-même avec ses doses. Il est tel remède qui, pris à petites doses, sauve le malade, et qui, pris à fortes doses, donne la mort. La garde civique est, je crois, dans ce cas là, c'est-à-dire qu'en exagérant le service, on tuerait l'institution.
Comparons les lois de 1848 et de 1831 en un ou deux points, et nous verrons les différences considérables qu'elles présentent. La loi de 1831 avait établi deux bans : le premier comprenait les célibataires et les veufs sans enfants âgés de 21 à 30 ans, le second comprenait les célibataires et les veufs sans enfants de 31 à 50 ans, les hommes mariés et les veufs avec enfants. Il est vrai que la loi de 1831 n'avait établi le premier ban que pour le cas de guerre. Mais on avait remarqué un grand inconvénient, c'est que, dans la plupart des villes, on n'avait pas organisé le premier ban en compagnies séparées : il en était résulté qu'au moment du danger il avait été impossible d'utiliser le premier ban. La loi du 9 janvier 1835 y pourvut : elle prescrivit l'organisation des deux bans en compagnies séparées, c'est ce qui a eu lieu de 1835 à 1848. Dans la légion que j'ai eu l'honneur de commander, la première compagnie de chaque bataillon appartenait au premier ban ; les autres compagnies appartenaient au service sédentaire ; aussi lorsque en 1831 nos services furent réclamés pour une campagne qui malheureusement n'eut pas le succès que nous espérions, je pus faire immédiatement marcher le premier ban.
Ce système fut généralisé par la loi de 1835 : on comprit que, pour que le premier ban put être utilisé, il ne fallait pas que l'on dût, au moment du danger, extraire de la garde les hommes appelés à le composer. On comprit qu'ils devaient former des compagnies séparées. Il en fut ainsi de 1835 à 1848. La première faute de la loi de 1848, c'est de ne pas avoir maintenu ce système. Il fallait organiser le premier ban par compagnies séparées, en telle sorte que les compagnies du premier ban pussent être mobilisées dans l'occurrence immédiatement, ; en telle sorte que l'on pût exiger davantage de ce premier ban qui a toujours plus de zèle, plus d'impétuosité, qui est toujours plus désireux du service que les personnes de 35, de 40, de 45, de 50 ans, qui, il faut le dire, ne sont plus d'aussi chauds partisans de la garde civique.
C'est une faute très grave.
Vous le voyez, rien n'était plus facile, et dans mon opinion, c'est là qu'il faut en revenir, que d'organiser le premier ban par compagnies séparées, en le comprenant dans les bataillons comme compagnies séparées, de demander à ce premier ban des exercices un peu plus fréquents et de modérer considérablement les exercices demandes aux hommes des compagnies sédentaires, c'est-à-dire aux hommes de 45, de 49, de 50 ans.
Au contraire, on a confondu dans une seule et même organisation, l'homme âgé de 21 ans et l’homme âgé de 49 ans. Dès lors, il n'a pas été possible d'admettre un tempérament, d'admettre un adoucissement à l'exécution de la loi. C'est une faute.
Une autre faute, c'est la disposition qui a été prise quant aux exercices.
Messieurs, qu'ordonnait la loi du Congrès national, la loi du 1er janvier 1831, dont je crois que l'honorable M. Rogier était rapporteur, ou du moins était l'auteur ? Qu'exigeait-elle pour le service de la garde civique ? Et ici je prends la confiance d'appeler votre attention.
En vertu de l'article 41 de la loi du 1er janvier 1831, la garde civique n'était tenue qu'à deux réunions par an, une comme revue et une comme inspection.
Voilà tout le service que la loi du Congrès national exigeait de la garde civique.
L'article suivant prescrivait des exercices, l'exercice au cordeau, pour les officiers et les sous-officiers, jusqu'à deux fois par mois pendant l'été. Eh bien ! tous ceux qui ont eu un peu la pratique de la garde civique doivent savoir que, quand les cadres connaissent parfaitement l'exercice au cordeau, la moitié, les trois quarts de la besogne sont faits. Or, il n'existe plus d'exercices cau cordeau ; on a supprimé ces exercices dans la loi actuelle et on les a remplacés par des exercices de tous les gardes.
Sous la schuttery, sous le gouvernement hollandais, il n'en était pas ainsi. On avait les exercices au cordeau que prescrivait aussi la loi de 1831. Ces exercices ne fatiguaient pas les citoyens et cependant formaient l'instruction de la garde. Aujourd'hui on exige des exercices auxquels doivent prendre part tous les gardes.
Je sais bien que, comme correctif apporté à la loi, il est dit que lorsqu'un garde sait le maniement des armes, connaît la marche, en un mot ce qui est nécessaire au soldat, il peut lui être accordé exemption des exercices. Mais comment les choses se sont-elles passées dans la pratique ?
Un grand nombre de gardes se sont plaints amèrement de la manière dont cet article est exécuté. J'ai vu, par exemple, dans la ville que j'habite, les gardes réclamer vivement pour obtenir l'inspection afin de se faire exempter. L'inspection se fait ; une foule de gardes qui manœuvraient comme des troupiers font preuve de leurs connaissances. Vous vous imaginez qu'ils vont être immédiatement exemptés ? Nullement ! ce n'est qu'un an après qu'on leur fait connaître qu'ils sont dispensés des exercices. Mais dans l'intervalle ils ont dû assister à tous les exercices. Ce qui s'est passé à Tournai s'est passé dans beaucoup d'autres villes. Et il ne faut pas s'en étonner. Vous avez entendu plusieurs fois l'honorable M. Rogier dire que la loi établissait un régime d'une excessive douceur et que peut-être on ne faisait pas assez pour l'instruction. Vous comprenez que lorsqu'un ministre parle de la sorte, des officiers zélés aient été portés à aller trop loin et qu'ils aient été peu disposés à accorder des exemptions.
Mais le fait est que tout cela appartient à l'arbitraire. Car il est très facile de dire que tel garde en sait assez, que tel autre garde n'en sait pas assez ; et quand il n'y a pas de bonne volonté pour donner des facilités aux gardes, vous arrivez à un exercice continu, à un exercice fatigant qui fait naître le mécontentement dans le pays.
C'est là tout le secret de la position, et il ne faut pas le chercher dans le désir de porter atteinte à nos institutions. Ce désir n'existe nulle part. Ni dans cette enceinte, ni dans le pays personne n'éprouve le désir de voir apporter des changements à la Constitution.
Mais ne confondons pas les lois avec les institutions ; quand on fait des lois avec précipitation, comme en 1848, ces lois ne sont pas des institutions ; ce sont des lois qu'il faut chauger lorsque l'expérience a démontré qu'elles sont défectueuses.
Je dis, messieurs, que si vous voulez conserver la garde civique (et pour mon compte, c'est mon plus vif désir), il faut nécessairement lui donner un régime tel qu'elle ne constitue pas une charge trop lourde pour les citoyens. Car, en définitive, dans un pays où la souveraineté du peuple est la base des institutions, il faut aussi tenir compte de la volonté de ce peuple dont on proclame toujours les droits.
On peut compter sur le patriotisme de la garde civique, on peut y compter en toute circonstance, mais encore une fois le seul moyen de maintenir la garde civique c'est d'empêcher qu'on n'en abuse.
Mon honorable ami, M. Osy, a parlé de la schuttery qui a jeté bas les armes en 1830. Le fait est vrai : la schutery, établie par le roi Guillaume, n'a pas défendu le roi Guillaume, et, à mon avis, elle a parfaitement bien fait.
Elle n'a pas voulu se servir de ses armes contre ses concitoyens dans un moment où le pays tout entier se levait pour secouer le joug de l'étranger et elle a fait là un acte d'immense patriotisme. Et qu'a fait l'armée ? Mais l'armée a fait la même chose. Si donc on ne peut pas se fier à la garde civique, on ne peut pas non plus se fier à l'armée.
Je dis moi que la schuttery et l'armée ont agi en 1830 avec beaucoup de sagesse ; elles ont prouvé qu'elles voulaient le bonheur du pays et qu'elles ne voulaient plus du joug étranger ; je le répète, elles ont parfaitement bien fait.
Je viens d'avoir l'honneur de vous dire, messieurs, que la loi de 1831 ne prescrivait, pour la garde civique, que deux exercices par an, une revue et une inspection d'armes. Voyons maintenant ce que la loi de 1848 substitue à ce système. L'article 63 prescrit deux inspections d'armes au lieu d'une ; l'article 84 prescrit deux revues au lieu d'une ; l'article 83 exige 12 exercices au moins.
Vous le voyez, messieurs, au lieu de deux exercices, ce qui était trop peu, je le reconnais, la loi de 1848 en exige douze au moins, et il dépend des chefs de les multiplier à l'infini, car il n'y a aucun maximum.
Ainsi, messieurs, avant 1848, une revue, une inspection d'armes et deux exercices, sans plus ; depuis 1848, deux revues, deux inspections d'armes et douze exercices au moins.
Et remarquez, messieurs, que tout cela se fait dans une seule période, dans la période d'été, de manière que pendant tout l'été les gardes sont astreints au service presque tous les dimanches. Par là beaucoup de gardes sont empêchés de remplir leurs devoirs religieux, et je ne sais pas trop pourquoi l'on a précisément fixé ces exercices au dimanche. Il est extrêmement désagréable d'être détourné de ses devoirs religieux quand on a le désir de les remplir.
Voilà, messieurs, ce qui a fait surgir les plaintes contre la garde civique : c'est l'exagération avec laquelle la loi a été exécutée qui a fait affluer ici toutes les pétitions.
Ce ne sont pas nos institutions, c'est l'abus de la loi qu'on a attaqué et, à mon avis, on a parfaitement raison.
Je dis, messieurs, que pour arriver à un résultat qui satisfasse toutes les opinions, vous n'avez qu'un seul et unique moyen, c'est d'en revenir à l'organisation des lois de 1831 et de 1835 combinées, et de faite deux bans, organisés par compagnies séparées, de manière à pouvoir imposer à chaque ban des exercices proportionnels avec les devoirs qu'il peut avoir à remplir. De cette façon, vous pourrez être plus exigeants pour (page 1058) les célibataires jeunes et moins exigeants pour les hommes mariés et âgés. (Interruption.) C'est précisément ce que veut l'article 7, car il porte. que l'organisation de la garde civique mobile fera l'objet d'une loi spéciale.
Eh bien, messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau, il y a deux jours, n'est que l'exécution de cet article. Séparez la garde civique en deux bans ; laissez le ban sédentaire pour les circonstances où il sera nécessaire de le réunir ; laissez le ban sédentaire formé à peu près, pour me servir d'une comparaison que vous comprendrez tous, comme une garde bourgeoise ; et quant au premier ban, organisez-le de manière à pouvoir l'assujettir à des exercices plus fréquents.
Je crois que c'est là le seul moyen de donner satisfaction à tout le monde.
Voyez, messieurs, combien la loi de 1848 a été peu efficace. L'honorable M. Rogier nous disait hier que sur 260 communes où la loi sur la garde civique devait, aux termes de son texte, être mise en vigueur, elle ne l'a été que dans 40 ; eh bien, messieurs, je trouve là la démonstration la plus évidente de cette vérité que la loi est vicieuse. Si elle n'avait pas été vicieuse, il est clair qu'elle aurait été exécutée partout où elle devait l'être. S'il n'en a pas été ainsi, messieurs, ne vous faites pas illusion, c'est à cause des grands sacrifices que la loi de 1848 impose aux citoyens. Elle impose aux gardes des charges personnelles, elle impose des contributions aux familles, elle impose des dépenses aux communes.
Et dans beaucoup de cas, messieurs, on a exagéré beaucoup les dépenses que nécessite une garde civique. J'ai eu pendant longtemps sous mes ordres la garde civique de la ville que j'habite ; eh bien, le budget de cette garde ne s'élevait pas au tiers de ce qu'on dépense ailleurs pour un même nombre d'hommes ; et cependant nous étions parfaitement organisés. Mais comme on vent beaucoup de zèle, il faut des hommes payes pour faire du zèle, et dès lors il faut imposer des charges aux communes et des contributions aux particuliers. C'est toujours, comme je le disais, trop de zèle ; trop de zèle, c'est le système de la loi de 1848.
M. le ministre de l'intérieur a reconnu cette vérité et il a déclaré qu'il introduirait administrativement des modifications ayant pour objet de rendre les exercices moins fréquents et de donner sous tous les rapports aux citoyens les soulagements que les pétitionnaires réclament. Mais je ferai remarquer à l'honorable ministre de l'intérieur qu'il ne peut pas faire cela : la loi est impérative, elle commande deux revues par an, deux inspections par an et au moins douze exercices par an ; il n'appartient pas à un ministre de modifier ces dispositions par circulaire.
Nous ne vivons pas à une époque où le régime des circulaires doit primer le régime de la loi. Je dis que par cette déclaration, M. le ministre a démontré à la dernière évidence que la loi doit être modifiée : il a reconnu que des modifications sont nécessaires et ces modifications ne peuvent être introduites que par une loi, car je ne reconnais à aucun ministère, quel qu'il suit, le droit de mettre la volonté ministérielle à la place de la loi.
La constitution est formelle, le Roi a le droit de prendre des arrêtés pour l'exécution des lois, mais sans pouvoir jamais dispenser de leur exécution.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable membre m'a mal compris. Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Dumortier. - Il est possible que j'die mal compris M. le ministre, mais je ne suis pas le seul qui l'ait compris ainsi.
J'aurai., messieurs, beaucoup d'autres observations à vous présenter relativement à la loi sur la garde civique et ce seraient des observations pratiques de nature à obtenir votre assentiment, mais ce n'est pas le moment de les produire ; il est certain que la modification la plus essentielle, celle qui donnera satisfaction à tous, c'est d'en venir à la séparation de la garde civique en deux bans, comme cela existait avant 1848, et comme je le propose par mon amendement. Il me semble que quand la discussion sera terminée, il conviendra de mettre avant tout aux voix la question de savoir si la garde civique sera divisée en deux bans. Si. nous décidons cette question affirmativement, la révision de certaines parties de la loi devient nécessaire et alors il y aurait lieu de renvoyer cette révision à la section centrale.
- Plusieurs membres. - La loi veut cette division.
M. Dumortier. - Eh bien je demande qu'on exécute la loi. Dans la séance du 12 j'ai proposé la disposition suivante : « La garde civique sera divisée en deux bans, l'un actif et l'autre sédentaire. »
- Des membres. - La loi le prévoit.
M. Dumortier. - Il ne suffit pas que la loi le prévoie ; elle pourrait le prévoir jusqu'à la fin des sièles. Je demande l'exécution de l'article 7 de la loi.
Je demande que la chambre, après la discussion, vote sur cette question de principe, s'il n'y a pas lieu de diviser la garde civique en deux bans, l'un actif, l'autre sédentaire, l'un ayant plus de service, l'autre ayant moins de service, en disposant les choses de minière à donner satisfaction à toutes les opinions. Je pense que si la chambre consent à accepter cette proposition, il sera très facile de faire une loi qui sauve l'institution de la garde civique et qui fasse cesser les plaintes qui s'élèvent de toutes parts.
En terminant, je répéterai ce que j'ai dit en commençant : Loin de moi la pensée - et le discours que je viens d'avoir l'honneur de prononcer le prouve - loin de moi la pensée de vouloir porter atteinte à l'institution de la garde civique.
Je me rappelle toujours les services qu'elle a déjà rendus au pays, les services qu'elle est appelée à lui rendre encore. Mais c'est précisément parce que je veux le maintien de cette belle et grande institution que je désire faire disparaître les griefs dont les pétitionnaires se plaignent. Si vous repoussiez ces pétitions par un dédaigneux ordre du jour, si vous n'en teniez aucun compte, j'ose vous le prédire, ce serait la mort de l'institution.
M. David. - Messieurs, adversaire de toute réaction, je viens à mon tour, m’opposer aux modifications que l’on cherche à introduire dans la loi organique de la garde civique, afin d’anénatir cette institution populaire.
Les seuls amendements que je puisse consentir à examiner sont ceux qui ont été présentés par M. de Renesse, Van Grootven et de Perceval ; celui de M. de Perceval à une condition, cependant : c'est que les gardes, ayant atteint l'âge de 40 ans, continueront à faire partie de la garde civique, resteront armés, seront appelés chaque année aux deux inspections d'armes et pourront, en cas de danger, être convoqués pour le service de patrouille et pour d'autres services de la garde en cas de danger et de nécessité.
Messieurs, les deux inspections d'armes ne constituent pas une corvée ; c'est un service excessivement doux, mais il doit rester obligatoire pour que les armes ne viennent pas à se détériorer entre les mains des gardes peu soucieux des armes qu'on leur aurait confiées.
Avant d'entrer plus avant dans l'examen de la question, permettez-moi de relever la mauvaise plaisanterie lancée hier par l'honorable M. Coomans à l'adresse des habitants de Verviers et un peu à celle de ses représentants. Il a dit que Verviers tenait essentiellement au maintien de la garde civique, parce que les uniformes étaient en drap et que cette ville désirait se conserver par la suite la vente du drap servant à la confection des tuniques.
M. Coomans n'a pas réfléchi que l'uniforme, adopté généralement était la blouse en toile bleue ; il n'a pas réfléchi davantage que parmi les pétitionnaires de Verviers, les dix-neuf vingtièmes se composent d'hommes qui doivent acheter le drap pour la tunique et qui ne le fabriquent pas.
Je ne pense pas que le peu de pièces de drap que la ville de Verviers pourra vendre dans l'avenir pour la confection de quelques tuniques, pèsent jamais aussi lourdement sur les finances de la Belgique, que les 200,000 francs à payer annuellement pendant 50 ans,pour le chemin de fer de Lierre à Turnhout, si vivement réclamés par l'honorable M. Coomans.
L'honorable membre a découvert là un singulier motif d'appuyer ou de défendre un projet de loi ; aucun de vous n'y avait pensé, je puis vous le garantir : notre patriotisme verviétois, notre patriotisme franchimontois ne se mesurent pas plus aujourd'hui à une aune de drap qu'au temps de Charles le Téméraire ; que l'honorable M. Coomans veuille bien en être convaincu.
En continuant de répondre à l'honorable membre, je rencontrerai une observation qu'a faite tantôt l'honorable M. de Man ; il nous disait que lorsque dans une localité, le service de la garde civique se faisait bien, c'était un indice de malaise et de défiance.
Messieurs, si dans la province de Liège, nous demandons le maintien de l'organisation actuelle de la garde civique, ce n'est nullement qu'il y ait malaise ou défiance ; dans toute notre province, nous sommes heureux et fiers de notre admirable Constitution libérale et démocratique, nous aimons du fond du cœur notre Roi, si dévoué aux intérêts du pays, sa dynastie et nos belles institutions nationales.Nous voulons, nous, sérieusement l'indépendance, la nationalité et la liberté pour notre patrie. Comme nous trouvons que le maintien de l'organisation actuelle de la garde civique est le meilleur moyen de conserver tous ces biens si précieux, mes amis et moi nous faisons tous nos efforts pour qu'il ne soit pas apporté de modification à cette organisation d'une manière imprudente.
Voilà les quelques mots que j'avais à répondre aux honorables MM. de Man et Coomans.
Messieurs, je vais tâcher de vous prouver que si la proposition des honorables députés de Louvain ou celle de la section centrale étaient admises, nous serions menacées d'autres dangers que ceux que courraient encore nos institutions.
Si vous voulez bien vous rappeler les événements de 1848, vous aurez encore devant les yeux ce qui s'est passé à Bruxelles à cette époque. Dans les premiers jours de cette révolution, on trouva bon de consigner à Bruxelles les troupes dans les casernes, de ne point montrer d'uniforme militaire dans les rues et de faire faire tout le service uniquement par la garde civique pendant plusieurs jours.
On était convaincu alors que c'était le seul moyen d'apaiser les passions sans effusion de sang. A cette époque, le bourgmestre de Bruxelles disait : « Laissez-moi faire avec la garde civique et je réponds de Bruxelles ; » et il a eu raison. la suite des événements l'a prouvé ; il n'y a pas eu une égratignure faite à qui que ce soit à Bruxelles, pas une propriété qui ait été attaquée.
Messieurs, en réduisant la garde civique à néant, comme le voudraient l'honorable M. Landeloos et ses collègues de Louvain, vous mettrez les communes dans la plus grande perplexité.
Vous avez sans doute présente à l'esprit la loi de vendémiaire an IV (page 1059) qui met à la charge des communes toutes les indemnités, du chef de pillages, etc. Voici ce que portent l'article premier du titre IV et l'article premier du titre V de cette loi :
« Art. 1er. Chaque commune est re.«ponsable des délits commis à force ouverte ou par violence sur son territoire, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit envers les personnes, soit contre les propriétés nationales ou privées, ainsi que des dommages-intérêts auxquels ils donneront lieu. (Cet article n'est applicable aux communes que quand le dommage a été causé par des attroupements ou rassemblements, à moins qu'elles ne se trouvent dans les cas prévus par les article 9 et 10 Cass. 27 avril 1813. J. P. t. IlI, 1813, 81. S. 20, 1, 470. - Voy. Arrêté du 4er jour complément, an XI. S. 7, 2. 839). »
« Art. 1er. Lorsque, par suite de rassemblements ou attroupements, un citoyen aura été contraint de payer, lorsqu'il aura été volé ou pillé sur le territoire d'une commune, tous les habitants de la commune seront tenus de la restitution, en même nature, des objets pillés et choses enlevées par force, ou d'en payer le prix sur le pied du double de leur valeur, au cours du jour où le pillage aura été commis. (Si les objets volés ou pillés ne sont pas rendus en nature, la commune responsable est toujours tenue d'en payer le prix sur le pied du double de leur valeur. Cass. 1er juillet 1822. J. P. t. Il, 1823, 54 S. 22, 1, 352.)»
Voilà les charges qui incombent aux communes.
Pour les grandes villes comme celle de Bruxelles, alors même que la modification demandée par la section centrale serait consentie, la garde civique ne serait pas réduite à tel point qu'elle ne pourrait encore rendre des services en cas d'émeute. Mais il y a une quantité de communes de quelques milliers d'habitants qui ne peuvent présenter qu'un effectif de cent à cent cinquante hommes d'après l'organisation actuelle ; réduisez ce nombre et vous n'aurez plus ni force numérique, ni influence morale de la part de la garde civique.
On pillera, et la commune responsable devra, au grand détriment de ses finances, indemniser ceux qui auront souffert des dommages par l'émeute. Je vous en parle sciemment ; faute d'une garde civique bien organisée, en 1830, le pillage de propriétés d'une grande valeur a été commis dans la ville de Verviers ; ses finances en ont été obérées et ne se sont pas encore relevées aujourd'hui de leurs funestes conséquences ; la ville en est encore écrasée aujourd'hui, elle ne peut procéder à aucun travail d'utilité publique qu'en accablant les habitants de nouvelles charges. Cette position durera Dieu sait combien de temps encore.
Les moyens de rétablir les finances communales sont difficiles à trouver, et naguère on a dû avoir recours à une augmentalion des droits d'octroi au grand détriment des consommateurs et à un impôt progressif, je crois, sur la fortune présumée des habitants.
En 1847, année néfaste, de disette, où les grains étaient très chers, et où l'on accusait facilement certaines personnes d'accaparement des céréales, le bourgmestre de Verviers qui était meunier vit s'élever contre lui cette accusation ; une émeute éclata instantanément ; on n'avait pas d'autre moyen de la conjurer, dans le premier moment, que la persuasion ; la garde civique était tombée en désuétude, on n'aurait pu réussir, faute d'un centre d'où seraient partis les ordres, à la réunir.,. Quelques habitants honorables parvinrent heureusement à retarder momentanément l'explosion des désordres.
Mais qu'avait-on fait dans ces circonstances ? On avait profité du moment d'irrésolution des émeutiers pour demander un bataillon à la garnison de Liège, le bataillon arriva, tout fut apaisé ; il resta 3 jours à Verviers.
Par le séjour de ce bataillon de troupe à Verviers, le budget communal a été chargé d'une somme de 2,300 fr.
Voilà des dangers auxquels on échappera en maintenant la garde civique telle qu'elle est aujourd'hui, bien organisée, ayant de bons cadres, des points de ralliement ; au moindre danger, fùt-il même instantané, on peut la réunir et prévenir tout malheur.
La proposition de M. Dumortier est la reproduction de celle de M. Landeloos déguisée. Il est bien entendu qu'en fractionnant la garde en deux bans, l'honorable membre admet que le deuxième se mettra au repos, n'aura pas de cadre, ne sera pas armée et ne sera jamais appelé à aucun exercice, à aucun service. C'est la reproduction littérale de la proposition des honorables députés de Louvain. Je ne puis donc l'appuyer.
J'adjure la chambre de n'introduire aucune modification dans la loi organique de notre patriotique garde civique qui en altérerait la constitution en en réduisant l'effectif.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.