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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 7 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1005) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Des habitants de Vive-Saint-Eloy, Vive-Saint-Bavon et Wacken prient la chambre de voter les fonds nécessaires pour l'achèvement des canaux de Schipdonck et de Zelzaete. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance de Synghem demandent des modifications aux lois concernant les frais d'entretien et les frais d'admission des indigents dans les établissements de bienfaisance. »

« Même demande des membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance et d'autres habitants d'Asper. »

« Même demande des membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance d'Heurne. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Appelterre-Eychem demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »

« Même demande d'habitants de Borsbeke. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée et à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Watou demande que l'Etat reprenne l'administration de l'Yser. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Les membres du conseil communal de Flobecq prient la chambre de donner la préférence au projet de chemin de fer vers les Acren qui a été présenté par le sieur Tarte, ou du moins de n'accorder la concession de la ligne de Tubize aux Acren qu'à la condition par la compagnie de continuer cette ligne jusqu'à Courtrai par Renaix. »

- Sur la proposition de M. Jouret, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien.


« Le sieur Gilles, ancien officier pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arriérés de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs à Borsbeke demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande d'électeurs à Ruyen. »

- Renvoi à la commissiou des pétitions.


« Des habitants d'Oostroosebeke demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commute ou du moins au chef-lieu du canton. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Tarcienne, Thy-le-Bauduin et Hanzinne demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux, juge de paix et des électeurs à Ostende demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'électeurs à Braine-le-Comte. »

« Même demande d'habitants de Pommeroeul. »

« Même demande du bourgmestre et d'habitants de Goegnies-Chaussée. »

« Même demande d'habitants d'Aulnois. »

« Même demande d'habitanis d'Hensies. »

« Même demande d'habitanis de Namur. »

« Même demande d'habitants de Nivelles. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Morlanwelz demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande d'un conseiller communal et d'habitants d'Etterbeck. »

« Deuxième demande semblable d'habitants d'Etterbeek. »

« Même demande d'habitants de Bruxelles. »

« Même demande de membres du conseil communal et d'habitants d'Elewyt. »

« Même demande du bourgmestre et d'habitants de Droogenbosch. »

« Même demande d'habitants de Saint-Josse-ten-Noode. »

« Même demande d'habitanis de Schaerbeek. »

« Même demande d'habitants de Koekelberg. »

« Même demande d'habitanis de Meulenbeek. »

« Même demande d'habitants de Mons. »

« Même demande d'habitants de Jemmapes. »

« Même demande d'habitants de Saint-Denis. »

« Même demande d'habitants de Saint-Symphorien. »

« Même demande d'habitants de Ghlin. »

« Même demande d'habitants d'Elouges. »

« Même demande d'habitants de Saint-Ghislain. »

« Même demande d'habitants de Thulin. »

« Même demande d'habitants d'Obourg. »

- Même renvoi.


« Par message du 6 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi allouant des crédits supplémentaires au département des travaux publics. »

- Pris pour notification.


« Par dépêche du 6 avril, M. le ministre des travaux publics adressa à la chambre 125 cahiers du tome XI des Annales des travaux publics. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

M. le président. - On vient de m'informer que Sa Majesté recevra la chambre samedi 9 avril à deux heures trois quarts. Des voitures seront mises à la disposition de MM. les membres de la chambre.

La chambre entend-elle avoir séance samedi ? (Non ! non !)

- La chambre décide qu'il n'y aura pas de séance samedi.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

La discussion continue.

M. Osy. - Messieurs, je prends la parole pour la seconde fois dans la discussion actuelle pour répondre à quelques orateurs qui ont rencontré les observations que j'avais présentées.

Je suis d'accord avec l'honorable ministre des finances. Il peut être persuadé que lorsque je prends la parole et parle de la situation financière du pays, je ne le fais que documents en main, en m'appuyant sur des pièces publiées qui sont à la connaissance non seulement de la chambre, mais du pays entier ; et c'est précisément parce que le projet de budget des voies et moyens parlait des dépenses qui pourraierit être faites d'ici à quelques années, que j'ai cru pouvoir attirer l'attention du pays sur la voie dans laquelle nous marchions si nous étions obligés de faire toutes ces dépenses. Je connais assez la valeur du crédit public pour faire en sorte de ne jamais lui nuire et pour chercher au contraire à faire tout ce qui dépend de moi pour lui être utile et l'améliorer.

Je ne crois donc avoir rien compromis par le peu de mots que j'ai dits hier sur notre situation financière.

L'honorable M. Rogier, en me répondant, a pris acte de ce que le budget de 1854 se solde avec un excédant de 3,500,000 fr. Il est vrai que le projet de budget est tel ; mais l'honorable membre n'a pas fait attention que nonobstant cet excédant de 3,500,000 fr., nous entrerons dans l'année 1854 avec un déficit de 28 millions qui ne pourra être atténué que de 6 millions de la manière que l'a expliqué M. le ministre des finances. Vous voyez donc que nous sommes loin du point de départ de cette année qui ne présentait qu'un déficit de 13 millions. Je crois avoir eu raison de dire que cette augmentation de déficit était due aux travaux commencés sous l'ancienne administration ou qui auraient dû être présentés sous cette administration. Effectivement, lorsque nous discutions, au mois d'août 1851, la loi sur les travaux publics, nous savions tous que des sommes très considérables devraient nous être demandées pour la guerre.

Eh bien ! le gouvernement alors n'a jamais voulu s'expliquer sur les dépenses qu'on serait obligé de faire pour la défense du pays, et cependant, à l'heure qu'il est, nous avons déjà dépassé 12 millions, et vous voyez, dans l'exposé des motifs du budget de l'année prochaine que le gouvernement sera encore obligé de demander 8 millions ; la dépense totale sera donc de 20 millions. Or, comme on vous le disait au mois d'août 1851, c'est par là que nous devions commencer. Alors on aurait connu la véritable situation du pays, et on ne l'aurait pas compromise en votant des sommes considérables pour les travaux publics, sommes qui n'étaient pas, on le savait, suffisantes, et devaient nous entraîner à d'autres dépeuses extrêmement fortes. Je citais entre autres les canaux qu'on avait commencés et pour lesquels on demandait une somme très minime, tandis que nous devons y consacrer des sommes considérables d'ici à peu d'années.

L'honorable ministre des travaux publics me disait hier que si l'on avait demandé la somme totale pour la dérivation de la Meuse et seulement une somme partielle pour d'autres travaux, c'est que la dérivation de la Meuse devait s'exécuter à forfait.

Je rappellerai à l'honorable ministre des travaux publics que ce n'est pas le gouvernement qui a introduit cette stipulation dans le projet de loi, que c’est nous, en section centrale, qui l'avons proposée parce que nous savions que les devis du ministère des travaux publics sont très souvent dépassés de beaucoup. Le gouvernement avait demandé une somme totale et la section centrale, dont j'avais l'honneur de faire partie, a subordonné le vote du crédit à la condition que les travaux ne se feraient qu'autant qu'on trouverait un entrepreneur à forfait.

(page 1006) M. le ministre ne peut donc pas revendiquer le mérite de la précaution dont il s'agit ; il revient tout entier à la section centrale. En définitive, la somme totale a été accordée à une province, et on n'a accordé aux autres que des sommes partielles, et on devra attendre peut-être longtemps le complément.

L'honorable M. Rogier a été très étonné qne j'eusse voté le projet de loi concernant le chemin de fer de Turnhout et que je sois disposé à voter le crédit de 4,880,000 fr. dont il s'agit en ce moment, tandis que je suis si difficile à donner de l'argent pour d’autres travaux.

Messieurs, j'ai voté pour le chemin de fer de Turnhout, parce que je trouvais qu'après avoir voté une garantie de 400,000 fr. par an pour le Luxembourg, une garantie de 400,000 fr. par an pour les Flandres, une garantie de 200,000 fr. par an pour l’Entre-Sambre-et-Meuse, il était juste de faire aussi quelque chose pour la Campine, dont la population égale la moitié de celle de toute la province de Luxembourg. Je suis, d'ailleurs, convaincu que le chemin de fer de Turnhout deviendra une voie internationale, et que nous obtiendrons facilement du gouvernement des Pays-Bas l'autorisaiion de relier ce chemin de fer au Brabant septentrional et à la Gueldre, et alors je pense que la garantie deviendra illusoire.

Quant au crédit de 4,880,000 francs, je le voterai parce que le gouvernement nous assure que cette somme donnera des intérêts usuraires en permettant de mieux exploiter le chemin de fer. J'ai, du reste, confiance dans les explications qui nous ont été données par M. le ministre des finances dont vous reconnaissez tous, messieurs, l'extrême prudence et sur lequel je crois que nous pouvons nous reposer, quant à la situation financière du pays et à sa bonne administration.

J'ai donc voté, messieurs, sans être inconséquent, pour le chemin de fer de Turnhout, je l'ai même appuyé de toutes mes forces parce que, connaissant beaucoup les besoins de cette partie du pays, j'ai voulu contribuer autant qu'il était en moi à la doter également d'un chemin de fer. J'aurais préféré une autre direction, mais, comme nous n'avions pas le choix à cet égard, depuis le vote de 1851 (chemin de fer de Contich à Lierre), j'ai dû me rallier à la demande et à la direction proposées par le gouvernement.

L'honorable M. Rogier trouve aussi étonnant que j'aie attaqué l'ancien cabinet, en passant sur la tête de deux de ses anciens collègues qui sont restés au pouvoir. Je suis très charmé de pouvoir m'expliquer à cet égard.

Déjà en séance publique et souvent dans des conversations, j'ai eu l'honneur de dire à M. le ministre des travaux publics que, d'après moi, il avait commis une très grande faute, en se montrant si facile pour les travaux qui étaient réclamés par ses autres collègues, tandis qu'on ne pouvait rien obtenir pour le chemin de fer et les autres travaux commencés.

M. le ministre des travaux publics nous a donné lecture d'une lettre qu'il avait adressée au ministre des finances de l'époque pour obtenir 5 millions destinés au chemin de fer.

Si j'avais été ministre des travaux publics dans ce temps-là, j'aurais dit : « Vous n'avez pas les 5 millions dont le chemin de fer a un besoin indispensable pour bien marcher, je ne puis pas présenter un projet de loi pour de nouveaux travaux publics. » M. le ministre des travaux publics a faibli sous ce rapport et je le conçois : nous savons tous que deux anciens ministres pesaient tellement sur le cabinet que non seulement leurs collègues, mais encore la chambre devaient fléchir devant eux.

On comprend donc comment M. le ministre des travaux publics n'a pas résisté davantage ; il n'en a pas moins commis un acte de faiblesse.

En ce qui concerne M. le ministre de la guerre, il aura sans doute insisté aussi dès 1851 pour obtenir les crédits nécessaires à la défense du pays.

Mais, le ministre des finances refusant de lui donner les fonds, il ne lui restait autre chose à faire qu'à attendre que son collègue eût des ressources plus larges pour pouvoir faire les dépenses que réclamait la défense du pays. (Interruption.)

Eu égard à la position politique de l'Europe et du pays, on aurait mieux fait de demander ces fonds dès 1850 ou 1851 que d'en différer la proposition jusqu'en 1852 ; à l'heure qu'il est, ces fonds ne sont pas même encore mis entièrement à la disposition de M. le ministre de la guerre. (Interruption.)

Je dis que l'ancien ministère aurait dû demander avant tout les sommes nécessaires à la défense du pays ; je dis que les anciens collègues de MM. les minstres des travaux publics et de la guerre actuels, ont entièrement annulé l'action de ces derniers, pour faire triompher leur opinion politique ou pour avantager les provinces qu'ils voulaient favoriser ; car, comme l'a dit hier l'honorable M. Rogier, il fallait récompenser le libéralisme de Liège !

Je ne trouve pas mauvais que les députés de Liège aient mis tant de persévérance pour obtenir la dérivation de la Meuse ; mais je dis, et je répète que l'ancien cabinet avait commis une très grande faute d'avoir fait décréter ces dépenses, avant d'avoir assuré le service de la défense du pays.

(page 1009) M. Devaux. - Mon intention n'est pas de suivre l'honorable préopinant dans l'excursion qu'il vient de faire ; je ne redoute pas les discussions politiques, mais je n'aime pas à les engager derrière des questions administratives ; quand je parle politique, je le fais ouvertement et non en me couvrant d'un prétexte administratif.

J'avais demandé la parole hier pendant le discours de l'honorable M. de Mérode ; je désirais appuyer quelques observations qui m'avaient paru inspirées par une prévoyance patriotique, et en rencontrer une autre sur laquelle je suis en désaccord avec l'honorable membre.

Pour commencer par la dernière, je ne puis m'associer au désir exprimé par l'honorable M. de Mérode de voir aliéner le chemin de fer de l'Etat. Ce n'est pas que je sois un admirateur bien exagéré de l'administration des chemins de fer de l'Etat.

Je crois que c'est aux faiblesses de cette administration qui datent de loin et qui, au lieu de diminuer, ont été croissant, qu'on doit attribuer le progrès qu'a fait depuis quelque temps l'idée de la vente de nos chemins de fer. Ce n'est pas non plus que je tienne beaucoup pour l'Etat au pouvoir d'administrer une si vaste exploitation.

Quand j'ai voulu originairement l'exploitation par l'Etat, il s'agissait d'un réseau beaucoup moins étendu que celui d'aujourd'hui, et à côté duquel une assez grande part était réservée à la concession. S'il s'agissait aujourd'hui de commencer cette vaste construction et de donner en une seule fois toute cette grande entreprise au gouvernement, je pourrais hésiter beaucoup à y donner mon assentiment, et je préférerais peut-être que des compagnies diverses en eussent une part ; mais aujourd'hui les choses n'en sont plus là ; si l'on ne veut tout garder, il faut tout aliéner, et tout aliéner entre les mains d'une seule compagnie ; or c'est là, à mon avis, ce qui serait une calamité publique.

J'engage l'honorable M. de Mérode et tous ceux qu'anime comme lui un vif désir du bien public, à y songer bien sérieusement avant de se rallier d'une manière définitive à cette idée, de la vente de nos chemins de fer.

Il y a là un grand danger, auquel je crois que les partisans de ce projet n'ont pas assez réfléchi.

Dans un pays de peu d'étendue comme le nôtre, mettre entre les mains d'une compagnie toutes les grandes voies de communication, ce serait créer, dans l'Etat, une puissance d'autant plus dangereuse qu'elle serait sans contrôle.

Songez, je vous prie, quelle serait l'influence d'une compagnie qui disposerait de tous les chemins de fer de l'Etat ! Elle serait maîtresse de toutes les usines, de toutes les grandes industries ; elle disposerait de la fortune de tous les bassins houillers, de tous les centres industriels, par une foule de mesures de détail qu'elle pourrait prendre et qu'il serait impossible de prévoir ou d'interdire à l'avance dans une loi ou un cahier des charges.

Au moyen d'une réduction de péages et de mille autres facilités qu'il est impossible d'interdire d'une manière efficace, elle pourrait, en favorisant leurs concurrents, ruiner tout établissement ou toute localité industrielle à laquelle elle serait hostile.

Quand le gouvernement a cette influence, le même danger n'existe pas, parce que le gouvernement est contrôlé, parce que chacun peut en avoir raison par l'influence des chambres ou même de la presse.

En fait le gouvernement a-t-il jamais essayé de favoriser un établissement aux dépens d'un autre, de ruiner une localité au profit de ses concurrents ? Mais une compagnie n'est pas contrôlée, c'est le pouvoir absolu ; lui vendre nos chemins de fer, serait livrer le pays pieds et poings liés à des hommes qui n'ont à consulter que leur intérêt privé. Qu'on se rappelle toutes les difficultés, tous les embarras qu'on a eus avec un établissement bien moins puissant, la Société Générale ; il a fallu 18 ans au gouvernement et aux chambres pour pouvoir se rendre maîtres de l'influence de cette institution. Pour en avoir raison, il a fallu attendre patiemment l'expiration de son privilège et la crise de 1848.

Que serait ce si vous alliez réunir en une seule main toute l'influence résultant des divers chemins de fer de la Belgique ? Car ce ne seraient pas seulement les chemins de fer de l'Etat que vous donneriez à la compagnie. On sait aujourd'hui comment il faut faire pour amener la fusion des petites compagnies avec les grandes.

Si les chemins de fer de l'Etat passaient aux mains d'une société, les autres ne conserveraient pas longtemps leur indépendance ; ils seraient bientôt enveloppés dans la compagnie principale.

Messieurs, les administrateurs d'une telle compagnie seraient les vice-rois de la Belgique et les vice-rois sans contrôle. L'aliénation du chemin de fer entre les mains d'une compagnie serait l'aliénation d'une partie de l'indépendance du pays, de celle de son industrie et des pouvoirs publics.

Je pourrais parler, messieurs, de l'influence étrangère qui peut venir se mêler à une si puissante entreprise. Je sais bien qu'on vous offrira la garantie de ne nommer que des employés belges, mais les influences principales, dont tous les employés dépendront, ne pourront-elles pas être étrangères ? Comment empêcheriez-vous les actionnaires d'être étrangers ? Ajouterai je que le premier résultat de cette aliénation serait d'amener à sa suite cette fièvre d'agiotage qui, dans la capitale d'un Etat voisin, a envahi toutes les classes de la société ?

Messieurs, l'administration du chemin de fer a des défauts, je le veux, je le crois comme vous. Mais n'imitons pas ces peuples impatients qui, dès qu'ils reconnaissent des imperfections dans une institution, la renversent. Tâchons de les corriger. Cela est-il si difficile ? Nous en sommes-nous beaucoup préoccupés jusqu'à présent ? En matière de chemins de fer une seule question a tout dominé ici, c'est les tarifs ; mais des vices de l'exploitation, nous nous en sommes peu enquis et, il faut le dire, les industriels, au nom desquels on élève des plaintes assez vives aujourd'hui, ne nous ont guère excités à faire davantage, car je n'ai pas mémoire que depuis que le chemin de fer existe, les industriels nous aient adressé uns seule pétition pour signaler les vices de l'exploitation. Après tout, pour corriger ces vices que faudrait-il ? Une volonté un peu forte dans le gouvernement ou dans les chambres. Ne peut-on faire ce que font les (page 1010) compagnies ? Leur administration n'a pas de tels secrets qu'on ne puisse les imiter. Un bien petit nombre de mesures feraient disparaître la plupart des abus dont on se plaint. Que, par exemple, comme dans les compagnies, on intéresse ceux qui ont le plus d'influence sur le chemin de fer aux bénéfices de l'exploitation. Que, comme dans les compagnies, on introduise dans l'administration des hommes qui ont l'esprit pratique du commerce et de l'industrie, qu'on prenne des messagistes pour conduire les opérations de messagerie. Qu'après cela on établisse auprès du ministre une commission consultative pas trop nombreuse, prise en dehors de l'administration, qui fortifie le ministre contre la domination des subalternes qui jusqu'ici, à ce qu'il paraît, a presque toujours pesé sur les chefs de ce département.

Je crois que par des mesures aussi simples on aurait déjà beaucoup fait pour améliorer l'administration.

Quant à la question d'argent, je ne vois pas qu'il soit décidé que le chemin de fer soit une mauvaise affaire. D'une part, on peut opérer des réformes dans les dépenses ; je ne m'exagère pas l'importance des économies possibles, elles ne seront pas immenses, mais cependant je crois qu'on peut arriver à des économies réelles et assez notables ; mais ce qui est beaucoup moins limité que les économies, c'est l'accroissement des recettes. Or, chaque année, les recettes augmentent d'un million. Personne ne peut dire quand cette progression s'arrêtera. Qu'elle continue encore pendant trois ou quatre ans seulement, et l'exploitation du chemin de fer devient une très bonne affaire. Et il n'y a pas de doute qu'il y a moyen de l'améliorer beaucoup encore sous ce rapport. C'est surtout à l'augmentation des produits qus doivent aboutir les réformes. On le voit donc, même sous le rapport financier, l'exploitation du chemin de fer n'est pas une affaire dont il faille avoir hâte de se débarrasser.

Messieurs, je crois que désormais il faut nous défier un peu de ce qui va se dire sur le chemin de fer hors de cette enceinte ; si je suis bien informé, il y a déjà au moins deux ou trois compagnies formées pour l'exploitation du chemin de fer belge, et c'est tout au plus si déjà l'on ne négocie pas des promesses d'actions à la bourse de Paris. La cupidité des intérêts privés est éveillée. Vous allez voir qu'on va livrer un siège en règle aux chambres, à l'administration, aux journaux, et je ne dis pas que par-ci par là quelques-unes des forces qu'on dirigera contre ces trois puissances ne parviendront pas à y pénétrer.

Messieurs, soyons donc, en défiance de ce qui se dira, et n'acceptons désormais ce qui se dira pour discréditer nos chemins de fer qu'avec réserve et circonspection.

J'en viens à la loi que nous discutons, et ici je serai plus d'accord avec l'honorable M. de Mérode.

Il y a peu de mois, dans cette session même, l'honorable ministre des finances avait, dans un document imprimé, annoncé l'intention de restreindre les bons du trésor. Dans une de nos séances, je félicitai M. le ministre des finances de cette intention ; mais en même temps je pris la liberté de lui dire que dans cette voie rien n'était fait, tant que tout n'était pas fait ; j'étais d'avis qu'on ne parviendrait pas à diminuer l'émission, qu'il y avait là un gouffre qui se rouvrirait infailliblement, si on ne le comblait pas tout entier, et qu'il n'y avait d'autre remède eu mal que la suppression complète de ces bons du trésor qu'on pourrait appeler les bons du déficit, car ce n'est qu'un moyen de faire des dépenses saus les couvrir.

Messieurs, vous voyez que je n'avais pas tort de dire à M. le ministre des finances qu'il ne parviendrait pas à accomplir son dessein. Car nous voila déjà devant un projet qui rentre dans la voie dont M. le ministre des finances voulait sortir. Il voulait restreindre l'émission des bons du trésor, et voilà un projet qui eu crée pour à peu près 3 millions de nouveaux.

Hier l'honorable M. Osy vous a fait voir que, d’après l’exposé des motifs qui précède le budget des voies et moyens, nous avons un déficit de 28 millions qu’on parviendra à réduire à 22 millions.

L'honorable membre est très effrayé. Je pensais, d'après cela, qu'il arriverait à une toute autre conclusion.

Mais après s'être effrayé du déficit, l'honorable M. Osy a conclu en disant : Augmentons encore le déficit de 5 millions ttlaissons à M. le ministre des finances, à son habilité, le soin de trouver des ressources. Si c'est comme cela que l'honorable M. Osy entend guérir les maux qu'il signale, le malade risque fort d'empirer sous les conseils d'un pareil médecin. Comment ! Vous êtes si effravé du déficit, vous l'énumérez, vous en faites un grief à l'ancien ministère et lorsqu'il s'agirait d'y porter remède, vous concluez qu'il faut élargir la plaie.

M. Osy. - Ces 5 millions sont compris dans les 28 millions.

M. Devaux. - Qu'ils y soient compris ou non, il est certain que par le vote des 5 millions dont il s'agit aujourd hui, le déficit, quel qu'il soit, s'acroît de 5 millions. Il ne fallait donc pas vous effrayer si fort du déficit, ou il fallait arriver à d'autres conclusions.

Messieurs, l'honorable ministre des finances vous a dit que les chambres avaient toujours des tendances à faire de grandes dépenses. Eh bien, contre ces tendances il existe une barrière, mais il n'en existe peut-être qu'une, c'est la suppression des bons du trésor.

Si vous avez peur des tendances des chambres, ôtez-leur le moyen de voter les dépenses sans faire en même temps les recettes réelles qui doivent les couvrir, et ce n'est pas seulement le moyen d'arrêter les chambres, c'est aussi celui d'arrêter le gouvernement, celui par lequel M. le ministre des finances pourra arrêter ses collègues.

Quand on aura supprimé les bons du trésor, on aura fait cesser un des plus grands dangers qui menacent nos finances. Il en restera encore un autre, il est vrai, que nous avons créé depuis peu ; c'est le principe de la garantie d'intérêts.

C'est là un second danger pour le trésor public ; mais les bons du trésor restent toujours la principale séduction. (Interruption.) Je sais que l'autre peut mener aussi fort loin ; car on s'engage, sans en avoir l'air, en disant qu'il n'y aura pas lieu de recourir à la garantie ; et puis l'on s'engage par petites portions annuelles réparties sur un nombre d'années indéfini, engagement qui se prend beaucoup plus facilement que lorsqu'il s'agit du capital tout entier.

Messieurs, je ne nie pas du tout l'utilité des dépenses dont il s'agit dans le crédit de 4,880,000 fr. Je crois que la plupart de ces dépenses sont utiles, qu'elles sont reproductives. Mais remarquez que la plupart des dépenses qu'on fait en travaux publics sont reproductives. Remarquez que s'il suffit que des dépenses soient reproductives pour les autoriser, le déficit ne s'en augmentera pas moins. Et avec quoi le couvrirez-vous ?

Dans des cas semblables, si l'on a des dépenses utiles, urgentes à faire, que l'on commence par faire les fonds.

C'est par un emprunt consolidé qu'en définitive vous derrez éteindre les bons du trésor. Retardez vos dépenses jusqu'à ce que vous fassiez votre emprunt, comme on a fait en 1851, et vous serez dans uns voie régulière pourvu que vous ayez de quoi couvrir l'intérêt annuel de votre emprunt.

Mais que le gouvernement s’interdise les dépenses qui ne sont pas couvertes par des ressources réelles, s'il veut que les chambres se les interdisent à leur tour.

Messieurs, l'honorable ministre des finances vous l'a dit hier encore, les bons du trésor peuvent devenir, dans un moment critique, un très grand embarras pour le gouvernement.

Or, n'est-ce pas assez des 15 millions des obligations à courte échéance qui sont émises aujourd'hui ? Est-il prudent de les augmenter de cinq autres millions dans les circonstances où nous sommes ? N'est-ce pas une grande imprévoyance que d'en avoir pour 15 millions ? Si nous étions prudents, nous n'aurions pas aujourd'hui la dixième partie de cette somme ; je me rappelle dans quelle situation on s'est trouvé en 1840 ou 1841 lorsque la question d'Orient a menacé d'amener la guerre, quelles ont été les transes du gouvernement.

M. le ministre des finances de cette époque peut se rappeler quelles anxiétés les bons du trèsor lui ont données. Sommes-nous si loin de cette situation aujourd'hui ? Mais nous avons été à deux doigts de la guerre générale il y a à peine quinze jours. Pour combien de temps la crise est-elle éloignée ? Et si elle éclate, que ferez-vous ? Comment ferez-vous face aux échéances de vos bons du trésor dans un moment où vous aurez mille dépenses à faire et où plusieurs de nos ressources seront notablement diminuées ? Que fera-t-on ?

Messieurs, je ne fais pas ici un reproche à MM. les ministres individuellement, je sais très bien que l'honorable ministre des travaux publics est mû par la considération de l'utiliré de ces dépenses, que M. le ministre des finances, d'un autre côté, j'en suis persuadé, n'aura pas manqué de faire des efforts pour empêcher cette nouvelle émission de bons du trésor.

Je sais combien est difficile la position d'un minhtre des finances dans le cabinet comme devant les chambres : ses collègues sont préoccupés de l'utilité des travaux projetés, lui est préoccupé des intérêts du trésor, et il est seul contre tous ; mais je dis à M. le miuistre des fiaances que c'est une raison de plus pour arriver à l'abolition des bons du trésor. Que M. le ministre des finances, si les circonstances sont favorables, propose l'abrogation de la loi qui institue les bons du trésor ; il obtiendra l'assentiment de ses collègues, parce qu'il ne s'agira pas là de travaux spéciaux, il obtiendra l'assentiment ee la chambre. Mais si l'institution subsiste, qu'il soit bien persuadé que ses collègues et les chambres en feront usage .S'il y a moyen de faire des dépenses populaires sans faire des ressources pour les couvrir, ni ministres, ni chambres ne résisteront à la tentation.

Si donc on veut des économies, si l'on veut une situation meilleure, je le répète, il n'y a pas d'autre moyen que d'abolir les bons du trésor. C'est là qu'il faut arriver en commençant dès aujourd'hui par ne pas les étendre.

(page 1006) M. de Mérode. - Je voulais faire une observation relativement aux conséquences qui ont été tirées de mes paroles, prononcées hier, en ce qui concerne le régime constitutionnel et les dépenses exagérées qu'il a jusqu'ici entraînées parmi nous. On a cru, messieurs, que je faisais la critique de l'ensemble du gouvernement constitutionnel.

Telle n'a jamais été ma pensée, et cela n'était pas non plus dans les mots dont je me suis servi.

J'ai beaucoup de considération pour le gouvernement constitutionnel ' en tout ce qui concerne les garanties que les citoyens y trouvent contre l'arbitraire du pouvoir gouvernemental.

Mais j'ai parlé au point de vue financier, au point de vue de l'avenir du pays quant à sa position vis-à-vis de l'extérieur, et j'ai dit que si le gouvernement constitutionnel continuait à fonctionner avec autant d'imprudence, il serait renversé par les événements extérieurs. Messieurs, j'ai déjà expliqué plusieurs fois la pensée que j'ai exprimée hier. Sous tous les ministères quelconques, j'ai combattu notamment les bons du trésor, comme vient de le faire l'honorable M. Devaux. Mon opinion a toujours été très positive à l'égard de ce moyen de faire de l'argent. J'ai toujours dit qu'il était des plus dangereux, parce qu'il absorbait une partie des revenus de l'année suivante, en imposant au gouvernement l'obligation de payer à très courte échéance, et qu'au moment où il se présenterait un danger extérieur, le pays se trouverait dans un grand embarras, pour se défendre, pour mettre son armée sur un pied convenable.

En 1848, après la révolution de Février nous avons été obligés de renforcer un peu nos moyens de défense ; l'armée a été portée à une quarantaine de mille hommes, au plus, pendant quelques mois seulement. Eh bien ! nous avons vu combien il était difficile de couvrir ces dépenses ; si la situation s'était prolongée encore pendant quelques mois, nous avions tout épuisé. Je ne vois pas trop à quelles ressources on aurait eu recours.

C’est donc, messieurs, dans l'intérêt du gouvernement constitutionnel, dans l'intérêt de sa conservation, dans l'intérêt de nos libertés, dans l'intérêt de notre nationalité, que je réclame constamment la prudence dans cette assemblée. Je crois qu'en agissant ainsi, bien loin de me montrer ennemi de l'ordre des choses qui existe parmi nous, je m'en montre, au contraire, l'ami le plus sincère.

D'ailleurs, messieurs, il est connu que parmi ceux qui m'appartiennent de près, on a à cet égard les mêmes sentiments que moi, et que les gouvernements absolus, les gouvernements sans contrôle, n'ont pas les sympathies de ceux qui ont avec moi des rapports d'intimité.

M. Loos. - Messieurs, vous avez entendu hier l'honorable ministre des finances dire qu'il avait consenti à ce que le crédit de 4,880,000 fr. vous fût proposé daus la conviction où il était que la dépense à laquelle ce crédit dût faire face serait extrêmement productive, qu'il en résulterait en quelque sorte des intérêts usuraires dont le pays profiterait ; en un mot qu'il en résulterait des ressources nouvelles pour le trésor.

Messieurs, pour moi, il n'a jamais existé de doute à cet égard ; et en toute circonstance, j'ai insisté sur la nécessité de l'achèvement du chemin de fer, sur la nécessité de faire les dépenses qu'on propose aujourd'hui.

On a parlé, messieurs, de la loi de travaux publics de 1851. J'avais l'honneur de faire partie de la section centrale qui a examiné ce projet, et je pris l'initiative d'une proposition ayant pour objet d'accorder au gouvernement un crédit de deux millions pour les besoins du chemin de fer. Je n'osai pas aller plus loin, malgré la conviction où j'étais que ce crédit serait insuffisant. Je dois le dire, messieurs, ma proposition reçut très peu d'accueil dans la section centrale, soit de la part de mes honorables collègues, soit de la part de MM. les ministres présents ; on se rabattit sur l'insuffisance des ressources du trésor et ma proposition fut écartée, je crois, à l'unanimité.

Un ancien ministre des travaux publics, mû, sans doute, par de profondes convictions, cédant peut-être aux reproches que lui faisait sa conscience de n'avoir pas proposé pendant son administration certaines dépenses pour le chemin de fer, qui étaient reconnues nécessaires, indispensables, l'honorable M. Rolin vint proposer un crédit de 5 millions pour des constructions indispensables à la bonne exploitation du chemin de fer.

Cette proposition, messieurs, fut repoussée par le cabinet d'alors, et elle échoua dans cette enceinte.

Un des prédécesseurs de M. Rolin, l'honorable M. de Bavay, est venu nous déclarer un jour qu'il fallait un crédit de 17 millions, si ma mémoire est fidèle, pour satisfaire à tous les besoins du chemin de fer, pour exécuter enfin ce qu'on aurait prescrit à une compagnie dans un cahier de charges. Mais lorsqu'il s’est agi de produire ces besoins devant la chambre, M. de Bavay n'est venu nous demander qu'une somme de trois millions.

Ainsi, il y a toujours eu hésitation, timidité de la part du gouvernement à proposer à la chambre les crédits nécessaires aux dépenses du chemin de fer.

Il doit y avoir là une grande perte pour le trésor et pour le pays, puisque M. le ministre des finances, à la prudence duquel tout le monde rend hommage ici, a déclaré hier qu'il devait résulter des travaux projetés de grands bénéfices pour le trésor ; ces travaux auxquels vous vous êtes refusés jusqu'ici ou qu'on n'a pas osé nous demander étaient aussi utiles il y a 5 ou 6 ars qu'ils le sont aujourd'hui ; on a donc privé le trésor public de grands bénéfices pendant un grand nombre d'années. Je ne conçois pas une semblable manière d'administrer.

Si ces dépensés doivent, comme l'affirme M. le ministre des finances, produire un intérêt beaucoup plus élevé que celui qui sera payé du chef de la nouvelle émission des bons du trésor, il est évident alors qu'on aurait dû les réaliser depuis longtemps. Qu'aurait fait une compagnie particulière ? Je le sais, une compagnie n'a pas à compter avec une (page 1007) assemblée délibérante de 108 membres, en ce qui concerne les besoins de son exploitation ; elles ont un comité composé de peu de membres, et dans le comité, ces dépenses que nous discutons eussent été ordonnées dès que la nécessité en eût été reconnue.

Pour ma part, je suis convaincu que le mal gît dans ceci : que le gouvernement, dans la crainte de voir accueillir peu favorablement ses propositions de crédit, n'ose pas venir vous produire les besoins réels du chemin de fer. Si, par exemple, la compagnie du chemin de fer du Nord, dont j'ai souvent entendu vanter îa prospérité dans cette enceinte, avait dû débattre, devant ses actionnaires, des besoins de l'exploitation, elle n'aurait pas eu les résultats brillants qu'elle a produits. On chercherait aussi à dépenser le moins possible, on contesterait la nécessité de besoins constatés d'ailleurs par des hommes qui les voient de près.

S'il est vrai, et, pour ma part, j'en suis intimement convaincu, qu'au moyen du crédit en discussion, on réalisera de grands bénéfices pour le trésor public, cela est vrai à peu près au même degré pour les dépenses qui restent à faire et qui sont ajournées jusqu'à l'époque où l'on fera un nouvel emprunt.

Ainsi, il y a manque de voitures pour le transport des marchandises ; or, M. le ministre des travaux publics se borne à demander une partie du crédit nécessaire à cette fin. Comment, encore une fois, agirait une compagnie ? Elle n'aurait eu rien de plus pressé que de faire confectionner toutes les voitures nécessaires ; et elle serait heureuse de le faire, puisque le manque de voitures serait un signe que l’exploitation est en voie de prospérité.

Il y a manque de locaux pour abriter les voitures ; ici encore, M. le ministre des travaux publics ne demande qu'une partie de la somme nécessaire.

Je ne conçois réellement pas cette manière d'administrer. A mon avis, le gouvernement devrait venir exposer franchement à la chambre les besoins réels du chemin de fer, et demander avec courage tous les crédits nécessaires pour y faire face.

Je crois que si nos chemins de fer ne donnent pas des résultats aussi satisfaisants que les chemins de fer dans d'autres pays, c'est que nous en parlons trop dans cette enceinte, et que dans les régions du gouvernement on agit trop peu. Nous ôtons au gouvernement l'initiative qu'il devrait prendre. Je crois que les compagnies qui projettent des chemins de fer sont aussi clairvoyants que nous ; et que se passe-t-il ? Nous avons vu à diverses reprises que quand une grande exploitation de chemin de fer se montait dans d'autres pays, nous avons vu les agents de ces compagnies venir s'inspirer auprès des administrations de notre chemin de fer, leur demander des conseils, les supplier de se rendre sur les lieux, pour examiner l'exploitation qui se préparaît et pour les guider dans une voie convenable.

Mais le proverbe est malheureusement vrai : « Nul n'est prophète en son pays. » Nous possédons tous les éléments de succès, mais nous ne savons pas nous en servir.

Je disais que nous nous occupons beaucoup trop de chemins de fer dans cette enceinte et que notre action ne leur était pas favorable. En effet, nous ne sommes pas assez près de l'administration pour saisir les inconvénients ou les avantages que présente uu système comparé à un autre, et cependant nous en parlons tous de science certaine ; il en résulte que le chef du département qui n'est pas un homme spécial non plus et qui a à répondre à nos attaques, témoigne, en rentrant au ministère, beaucoup de mécontentement, au sujet des critiques auxquelles le chemin de fer est en butte dans cette enceinte.

Il en résulte encore que les hommes placés à la tête du chemin de fer perdent auprès du ministre le crédit dont ils devraient jouir pour pouvoir bien administrer ; il en résulte qu'on s'adresse à des employés en sous-œuvre et qu'nù leur demande s'ils ne pourraient pas faire mieux que leurs chefs. Ainsi on a vu un ingénieur d'un rang inférieur faire une besogne qui devait être faite par le chef. Voilà de l'anarchie, et avec de l'anarchie on administre très mal.

Si l'homme placé à la tête de l'administration du chemin de fer possède, comme je n'en doute pas, toutes les qualités requises pour bien administrer le chemin de fer, il faut avoir confiance en lui et ne pas s'adresser a ceux qui ont des idées plus en rapport avec les critiques que le chemin de fer subit dans cette enceinte.

Pourquoi les compagnies des chemins de fer dans mes pays qui nous entourent ont-elles tant de succès ? C'est qu'elles ne font pas ce que nous faisons ici. Elles ont confiance dans leurs administrateurs ; c'est que quand ceux-ci viennent exposer les besoins de l'exploitation, on est sûr que ces besoins existent et on s'empresse d'y satisfaire.

Je disais qu'on n'ose jamais demander qu'une parties des crédits nécessaires, et qu'il en résultait des inconvénients qui se font sentir d'une manière factieuse sur l'exploitation. Ainsi un jour on a signalé un manque de bâches destinées au transport des marchandises. M. le ministre des travaux publics reconnaissait que cette réclamation était fondée ; mais il ajoutait qu'il faltaû demander un crédit, et il manifestait la crainte que ce crédit ne fût point accordé.

Dans une compagnie particulière, comment agit-on ? On ne demande pas aux actionnaires un nouveau versement, pour acquérir tout le matériel nécessaire à l'exploitation ; on impute la dépense sur les ressources ordinaires du chemin de fer, c'est-à-dire sur les recettes.

Je sais bien que nous ne pouvons pas agir comme une compagnie ; mais il faut cependant autant que possible se rapprocher des moyens employés par les compagnies dans leur administration.

Parmi les travaux proposés, M. le ministre des finances a choisi ceux qui sont le plus directement productifs.

J'ai entendu dire en réponse aux réclamations que j'adressais à M. le ministre en particulier que les stations dont je demandais l'achèvement n'étaient pas productives, que quand les voyageurs qui sont aujourd'hui en plein air seraient abrités, il n'en viendrait pas un de plus. Nous ne voulons, disait-on, faire que des dépenses productives. Nous aimons mieux mettre à couvert les diligences que les voyageurs ; à l'air, les voitures se détériorent, il faut les remplacer ; quant aux voyageurs, si leurs vêtements s'altèrent, il n'en résulte aucun préjudice pour le trésor.

Voilà, à ce qu'il paraît, le raisonnement qui a prévalu ; car je vois qu'à Anvers on se propose de faire des remises pour les voitures, mais qu'on ne songe pas à en faire pour les voyageurs ; cependant nous en sommes à cet égard comme aux premiers jours de l'exploitation ; les bagages des voyageurs se déchargent en plein air, exposés à la pluie peu importe, le trésor public n'en souffre pas.

C'est là un système intolérable qui révolterait de la part d'une compagnie.

Le gouvernement doit comprendre, comme une compagnie, qu'il doit satisfaire aux justes exigences du public. Au lieu de désirer qu'on réduise les dépenses proposées qui doivent produire des recettes, je voudrais qu'on en augmentât le chiffre, ce serait dans l'intérêt bien entendu du pays. M. le ministre aurait dû proposer un chiffre plus élevé et comprendre dans le crédit tout ou partie de ce qu'il ajourne à la réalisation d'un emprunt.

Messieurs, si nous nous occupions un peu moins du chemin de fer, il posséderait un système définitif au lieu de celui qui a prévalu jusqu'à présent, d'un système d'essai.

Notre chemin de fer existe depuis près de vingt ans, nous n'avons vu que des essais en toutes choses : essai de tarif, essai de rails, essai de consommation de charbon, de coke et autres objets. Nous en sommes encore à faire ces essais en toutes choses, nous n'avons pas de système arrêté ; si la chambre a pu voter un système de tarif pour les voyageurs, pour ariver à ce résultat, elle a dû, en quelque sorte, forcer la main au ministre.

Cela provient de l'anarchie qui existe dans l'administration du chemin de fer, qu'il n'y a pas de chef effectif, mais seulement de nom.

Je pense que si l'homme d'expérience qui est censé avoir la haute direction de cette administration l'avait réellement, un système complet et définitif prévaudrait bientôt sur les tâtonnements qui se perpétuent. Quand nous voyons une compagnie se former à l'étranger, elle a un système arrêté, quelques hésitations se manifestent au début, mais au bout d'un an le système définitif est installé et marche. Chez nous, nous sommes encore aux expériences. Je désire voir cesser un état de choses que je considère comme très onéreux pour le trésor.

M. le président. - M. David a déposé l'amendement suivant :

« N° 4, extension du matériel de transport et fermeture au moyen de rideaux des voitures destinées aux voyageurs de troisième classe, etc. »

M. David. - Messieurs, quand en 1851 nous avons discuté le tarif du chemin de fer pour les voyageurs, j'ai déposé un amendement tendant au même but que celui que je propose aujourd'hui. A cette époque, voiei comment je développai, dans la séance du 11 mars, ma proposition. Vous reconnaîtrez que j'avais raison.

Par ce nouveau tarif, nous avons augmenté les premières classes de 14 p. c. les deuxièmes de 11 et les troisièmes de 20p. c.

Voici les quelques développements que je donnais à mon amendement :

« Il n'y a pas de justice dans ce traitement différentiel ; et non seulement il est injuste, mais il est imprudent, puisqu'il doit éloigner du chemin de fer la classe qui rapporte le plus et dont le transport coûte le moins.

« Il n'y a point de rapport entre le prix que l'on demande à un voyageur de troisième classe et à celui de première ou de deuxième classe. Et d'abord, chaque convoi ne transporte en moyenne que six voyageurs de première classe ; il en transporte 40 de troisième classe.

« Pour transporter ces 6 voyageurs de première classe, il est employé une voiture pesant au-delà de 5,000 kilogrammes et qui a coûté 7,500 fr. Le transport de ces 6 voyageurs, par lieue, produira, d’après le tarif adopté, 2 fr. 40 c.

« Les 46 voyageurs de troisième classe produiront, par lieue, toujours d'après le même tarif, 9 fr. 20. Ils seront transportés dans deux wagons pesant ensemble 3,600 kilogrammes et ayant coûté, en moyenne, 8,000 fr. les deux.

« Ainsi le capital dépensé pour le transport de 46 voyageurs de troisième classe n'est que de 500 fr. de plus que pour le transport de 6 voyageurs de première classe. Les frais de traction pour les voitures transportant les 46 voyageurs de troisième classe n'excèdent que de 10 p. c. ceux que nécessite la voiture transportant les 6 voyageurs de première classe.

« Viennent ensuite les dépenses d'entretien et de renouvellement, qui sont infiniment plus grandes pour les voitures de première classe que pour celles de troisième classe.

« Si les diverses classes ont à payer dans la proportion de ce qu'elles coûtent, il s'ensuivrait que les six voyageurs , pour payer dans la (page 1008) proportion dans laquelle payent les 46 voyageurs de troisième classe, devraient non pas payer 2 fr. 40 c. mais au moins 8 fr. par lieue, en tenant compte de tous frais.

« Cette différence dans le coût du transport des voyageurs de diverses classes a été perdue de vue par la chambre. Eh bien, puisqu'elle fait payer le voyageur de troisième classe plus cher que celui de première classe, il n'y a qu'une chose à faire pour quelque peu mitiger cette injustice.

« Contrairement à ce qui se fait en France et en Angleterre, nous transportons encore nos voyageurs de troisième classe dans des voitures ouvertes. Le malheureux voyageur, qui va êlre condamné à payer en dehors de toute proportion avec ce que payeront ceux des deux autres classes, est exposé à toutes les intempéries des saisons. Il y a de pauvres femmes, des femmes avec leurs petits enfants, qui, pendant des heures entières, restent exposées à la pluie, au froid et au vent. L'ouvrier qui voyage en waggon est légèrement vêtu, et rien ne l'abrite contre le froid et le mauvais temps, tandis que le voyageur en diligence, qui porte des habits chauds, est même chauffé pendant le voyage. Et cependant, je l'ai dit, l'un paye en proportion beaucoup plus que l'autre, et la chambre est venue rendre encore cette différence plus grande.

« Si la chambre veut être juste, elle doit donc rendre la position du voyageur de troisième classe meilleure. Puisqu'elle le force à payer plus cher, qu'elle lui rende, je ne dirai pas le voyage plus confortable, mais moins dangereux pour sa santé ; qu'on ferme du moins, ne fût-ce qu'avec des rideaux, les voitures de troisième classe. Dans un pays plus aristocratique que le nôtre, en Angleterre, il est défendu de transporter aucun voyageur dans une voiture ouverte. Nous ne pouvons pas faire moins en faveur des classes pauvres que ce qu'a fait le parlement anglais. »

Messieurs, à cette époque, dans la séance du 11 mars 1851, si j'avais persisté dans mon amendement il eût été adopté ; la gauche et la droite y applaudissaient. L'honorable M. Dumortier avait pris la parole pour appuyer l'amendement. Mais qu'est-ce qui arriva ? M. le ministre des travaux publics me demanda de retirer mon amendement et s'exprima en ces termes :

« S'il est vrai, comme je le pense, que des voitures de cette classe sur certaines lignes aient des rideaux, je ne vois pas pourquoi l'administration ne généraliserait pas cette mesure. »

Comptant que M. le ministre effectuerait sa promesse, j'ai retiré mon amendement.

Vous savez que les voyageurs de troisième classe ne sont pas de ceux qui peuvent prendre des vigilantes, ils sont souvent retardés par leurs affaires, et pour ne pas manquer le convoi, ils courent et arrivent essoufflés, échauffés, en transpiration, pour se mettre dans un waggon, exposés aux courants d'air, au froid, à la pluie, à la neige, ils y contractent souvent des maladies mortelles.

Nous faisons en Belgique, beaucoup de frais, beaucoup d'études, pour obtenir des améliorations hygiéniques, pour rendre meilleure la position des classes peu aisées de la société et, le croirait-on ? nous avons encore des waggons ouverts à tous les vents, à toutes les intempéries des saisons, où les voyageurs contractent les plus graves maladies. Il y a là une question d'humanité, et le devoir de mitiger une injustice. J'espère donc que la chambre voudra que M. le ministre applique à la fermeture des waggons une partie du crédit qui nous est demandé pour l'extension du matériel.

M. Rodenbach. - Je demande la parole peur appuyer de toutes mes forces l'amendement de l'honorable préopinant que déjà j'ai soutenu lorsque, une première fois, il l'a proposé. Je désirerais connaître l'opinion de M. le ministre sur cet amendement. On a dit en section centrale que des rideaux aux waggons coûteraient trop cher. S'il y a d'autres moyens plus économiqres, tels que les toiles métalliques ou les glaces, qu'on les emploie. Mais ou moins qu'on ne se préoccupe pas exclusivement du confort des diligences, ces équipages du riche ; qui l'on songe aussi aux waggons, ces équipages du pauvre.

Qu'ils soient disposés de telle manière qu'il y ait là quelque bien-être pour cette classe intéressante qui, pour n'être pas favorisée de la fortune, n'a pas moins droit à toute la sollicitude du gouvernement ; car c'est sur elle que pèse la majeure partie des impôts et le plus lourd de tous ; c'est elle qui constitue les forces vives du pays, et c'est en elle que repose tout l'avenir de notre nalionalité si jamais elle était attaquée.

Je désirerais donc connaître les intentions de M. le ministre des travaux publics. En France on a trouvé le moyen de fermer les waggons. J'espère qu'en Belgique on ne voudra pas montrer moins d'humanité.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'engage l'honorable M. David à ne pas insister pour l'adoption de son amendement. Si ce changement n'a pas été effectué jusqu'à présent, ce n'est pas parce que le gouvernement ne pouvait faire une telle dépense, mais parce qu'il importait de connaître les effets du nouveau tarif. Or, il est évident que si l'on fermait les voitures de troisième classe, il y aurait déclassement des voyageurs qui, des voitures de deuxième classe, passeraient dans les voitures de troisième classe.

Pour la question hygiénique, je ne partage pas l'opinion de l'honorable préopinant. C'est pour moi une question de savoir s'il n'est pas préférable que les voitures de troisième classe restent ouvertes. Peut-être si elles doivent être fermées serait-il préférable qu'elles le fussent au moyen de toiles métalliques.

M. le président. - M. David supprime dans son amendant les mots « au moyen de rideaux ».

M. Rodenbach. - Je suis étonné que daus un pays comme le nôtre où la température est tellement variable que souvent, dans un même jour, nous avons un soleil ardent, un froid rigoureux et une pluie battante, on puisse prétendre qu'il y a avantage à ce que les waggons ne soient pas fermés. C'est ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics.

Nous savions qu'il est docteur en droit ; mais il nous montre par là qu'il n'est guère docteur en médecine ; car il n'est pas de médecin ni même de personne ayant quelques notions d'hygiène qui puisse admettre de pareilles doctrines.

M. David. - Il est positif qu'en Angleterre et en France les voilures de troisième classe sont fermées.

M. Rousselle, rapporteur. - La proposition de l'honorable M. David avait été produite en section centrale par un de ses membres. Communiquée à M. le ministre des travaux publics, ii a répondu, comme il vient encore de le faire, que c'était une question de déclassement. Or dans la chambre, chacun de nous désire faire produire au chemin de fer le plus de recettes possible ; il faut donc y réfléchir mûrement avant d'adopter un amendement qui viendra peut-être incidemment affaiblir considérablement les recettes de l'Etat. La section centrale n'a pas repoussé la proposition qui avait été faite ; elle l'a seulement recommandée à l'attention toute particulière du gouvernement.

Je crains aussi que le changement proposé n'amène un déclassement considérable et n'ait une influence fâcheuse sur les recettes du chemin de fer. J'engage donc l'honorable M. David à retirer sa proposition et à attendre que le gouvernement ait plus profondément examiné cette question.

M. David. - M. le ministre ayant déclaré qu'il examinerait avec bienveillance mon amendement, je le retire.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics, un crédit spécial de quatre millions huit cent quatre vingt mille francs ( 4,880,000 fr.), pour le service des chemins de fer de l'Etat, savoir :

« 1° Hangars et remises pour abriter les marchandises et le matériel : fr. 1,775,000. »

« 2° Voies d'évitement, plates-formes, excentriques dans les stations : fr. 445,000.

« 3° Maisons et loges de gardes-routes : fr. 100,000.

« 4° Extension du matériel des transports : fr. 2,120,000.

« 5° Grand écartement des essieux des voitures, pour éviter le mouvement de lacet : fr. 440,000.

« Total : fr. 4,880,000. »

- Adopté paragraphe par paragraphe et dans son ensemble.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

80 membres sont présents.

76 votent pour le projet.

4 s'abtiennent.

En conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghe M. Van Remoortere, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Boulez, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Faignart, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. de Mérode, Devaux, Lebeau et Prévinaire.

M. de Mérode. - Messieurs, je reconnais la nécessité de la dépense, mais j'aurais préféré un autre moyen de la couvrir, fût-ce même le vote de centimes additionnels aux contributions, à des bons du trésor que j'ai toujours combattus et dont je désire la suppression.

M. Devaux. - Je n'ai pas voté pour le crédit à cause du moyen dont on se sert pour couvrir ou plutôt pour ne pas couvrir la dépense ; je n'ai pas voté contre le crédit parce que je reconnais que la dépense est nécessaire,et que d'un autre côté la voix isolée d'un représentant est impuissante pour faire rejeter un pareil projet de loi.

M. Lebeau et M. Prévinaire déclarent s'être abstenus par les mêmes motifs que M. Devaux.

Projet de loi modifiant la loi sur le chemin de fer de Manage à Mons

Discussion générale

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La chambre sait les alternatives diverses qu'a subies l'affaire de l'établissement d'un chemin de fer destiné à mettre le bassin du Centre en communication (page 1009) directe arec la Sambre. Ces jours-ci les demandeurs en concession ont déclaré formellement qu'ils renoncent au bénéfice de la convention qui était intervenue entre eux et le gouvernement. Dans ces circonstances, messieurs, l'intérêt que le gouvernement cherche à sauvegarder, c'est l'intérêt de deux bassins houillers dont la concurrence a nui jusqu'à présent à la solution des difficultés qui avaient surgi.

Je pense qu'une proposition transactionnelle peut sauvegarder tous les intérêts en présence, et je vais donner lecture d'une proposition dont je demanderai le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi et sur laquelle un rapport pourra être fait prochainement.

Aux termes de la loi de 1851 le gouvernement était autorisé à concéder une branche de chemin de fer partant du chemin de fer de Manage à Mons et aboutissant à la Sambre vers Erquelinnes ; des propositions nouvelles ont surgi relativement à des directions autres que vers Erquelinnes.

Il n'est pas possible de décider dès à présent à laquelle de ces directions la préférence devra être accordée. Je pense que les intérêts engagés dans le bassin du Centre reconnaîtront que la direction vers Erquelinnes n'est pas une direction exclusive, qu'il peut y en avoir d'autres qui soient également de nature à satisfaire ces intérêts. Je ne veux pas, messieurs, me prononcer maintenant à cet égard, mais je crois que les termes dans lesquels est conçu l'article 7 de la loi de 1851 sont trop restrictifs et qu'il peut être très utile même aux intérêts du Centre que les pouvoirs donnés au gouvernement soient étendus.

L'article premier de ma proposition a pour objet d'autoriser le gouvernement a concéder au Centre un chemin de fer qui aboutirait à un autre point qu'à Erquelinnes si l'utilité en est reconnue. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 1er. Par dérogation à l'article 7 de la loi du 20 décembre 1851, la branche de chemin de fer ayant son origine au chemin de fer de Manage à Mons, se dirigera vers la Sambre pour aboutir à un point qui sera fixé par le gouvernement. »

D'autre part, messieurs, des propositions formelles ont été soumises au gouvernement, et elles ont pour objet de donner au bassin du couchant une communication également vers la Sambre.

Il est certain que si le projet de loi était retiré, il faudrait en présenter un autre, et il est fort douteux, la session étant déjà fort avancée, que ce projet pût encore être voté avant la séparation des chambres. Cependant, messieurs, des propositions formelles sont soumises au gouvernement. L'article 2 aurait pour objet de donner satisfaction aux intérêts du Couchant ; il serait ainsi conçu :

« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer de Mons à la frontière française, vers Maubeuge ou Haumont. »

M. Allard. - Messieurs, il y a environ trois semaines, vous avez voté une loi ayant pour objet de proroger la loi de 1832 sur les concessions des péages, et vous avez admis un amendement présenté par la section centrale et d'après lequel toute demande de concession d'un chemin de fer devra être soumise à une commission d'enquête. Maintenant le gouvernement propose une loi portant autorisation de concéder un chemin de fer vers Haumont ; je demanderai si cet objet ne doit pas être soumis à une commission d'enquête. Je désire que le gouvernement veuille bien nous donner une explication à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Personnellement je n'aurais aucune espèce d'objection à faire contre l'institution de commissions d'enquête, appelées à éclairer le gouvernement sur la marche à suivre : mais je dois faire observer que le résultat de ces enquêtes est toujours parfaitement connu d'avance.

En ce qui concerne la concession dont il s'agit ici, non seulement il y a eu une enquête, mais il y a même eu un vote de la chambre. Le chemin de fer de Manage à Erquelinnes a été voté par la loi de 1851. Il y a donc en faveur de ce chemin de fer un droit acquis ; je dirai plus, c'est que ce chemin de fer est dans une loi de 1845. En ce qui concerne soit un canal, soit un chemin de fer de Mons vers la Sambre, il y a eu un vote de la chambre et, de plus, une enquête.

Je demande le renvoi de ma proposition à la section centrale.

- Un membre. - Avec un prompt rapport.

M. Faignart. - Je ne puis pas consentir à ce que la chambre exige un prompt rapport ; je demande, au contraire, que la section centrale ait le temps d'examiner la question, qui est très importante.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.