(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 599) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Dumon donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Les habitants d'Onkerzele prient la chambre d'allouer au budget des travaux publics un crédit pour activer les travaux d'amélioration de la Dendre entre Ath et Alost. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.
« Le conseil communal d'Heyst-op-den-Berg demande que le chemin de fer de la Campine prenne son point de départ à Malines, pour se diriger par Heyst-op den-Berg et Herenthals vers Turnhout avec embranchement de Heyst-op-den-Berg vers le camp de Beverloo. »
-Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout.
« Le sieur Clermont demande un droit de sortie sur les houilles et les fontes. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Les électeurs de Stekene demandent que les élections aux chambres puissent se faire dans les communes et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs de Brasschaet demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes. »
« Même demande des électeurs de Broechein. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Kersbeek-Miscom demandent que le droit électoral soit accordé à un plus grand nombre de cultivateurs, et que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu de canton. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Zegeelsem demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »
« Même demande des électeurs à Santbergen, Overboelaere et Machelen. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vanderbossche demande une loi qui accorde à tous les officiers pensionnés et à ceux qui le seraient par la suite, la pension entière de leur grade, y compris le cinquième en sus. »
- Même renvoi.
« La veuve Thomas prie la chambre de lui accorder une gratification. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Lyck, ancien militaire, prie la chambre de lui accorder une gratification. »
- Même renvoi.
« M. le ministre adresse à la chambre 110 exemplaires do la deuxième partie du tome V du bulletin du conseil d'agriculture. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'allouer divers crédits supplémentaires au département des finances.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - Vous avez chargé le bureau de compléter la commission chargée d'examiner le projet de loi portant des modifications au Code pénal militaire ; le bureau a nommé M. Tesch en remplacement de M. Destriveaux.
M. Van Grootven. - Inscrit un des derniers dans la discussion générale, ma tâche se trouve considérablement simplifiée, surtout après les réclamations énergiques et si fondées que mes honorables collègues et amis de la députation de Gand ont fait valoir devant vous, il leur a été facile de vous démontrer, messieurs, quels dommages incalculables les inondstions périodiques et prolongées causent aux populations des villes et des campagnes des Flandres.
Mon intention n'est donc pas de m'etendre davantage sur la légitimité de nos demandes, j'aime à croire que le cabinet actuel, d'accord avec nous sur l'opportunité du prompt achèvement de nos canaux, disposera de tous les moyens en son pouvoir pour mettra fin, et le plus promptement possible, à un état de choses devenu intolérable pour nous.
Le tracé du canal de Schipdonck vers Heyst est définitivement arrêté ; ainsi le veut la loi de 1851.
Ce point capital pour nous, ne peut plus donner lieu à aucune interprétation. Restent donc à terminer tous les préliminaires, afin que l'on puisse commencer les travaux simultanément à la campagne prohaine, de Dam vers Heyst et de Schipdonck vers Dam.
Je viens en conséquence demander à M. le ministre des travaux publics, s'il a l'intention de mettre immédiatement à la disposition de M. l'ingénieur en chef Wolters, un personnel suffisant pour achever les études commencées, faire la levée et les devis de tous les plans. Deux à trois mois suffiront pour terminer ce travail préliminaire mais indispensable. Si l'on ne procède pas de la sorte, il en résultera inévitablement de nouveaux délais, et vous savez, messieurs, combien les délais ont été préjudiciables à nos intérêts.
Lors de la discussion de la loi des travaux, en 1851, l'honorable ministre des travaux publics répondait à une interpellation de mon collègue et ami M. T’Kint de Naeyer : « Il existe, disail-il, un avant-projet en ce qui concerne le prolongement du canal de Deynze à Schipdonck : Il sera sans doute nécessaire de prendre des mesures avant de pouvoir mettre la main à l'œuvre, mais, selon toutes les apparences, on pourra commencer les travaux au printemps prochain. »
C'est-à-dire en 1852.
Voilà ce que M. le ministre des travaux publics nous promettait en 1851 ; nous sommes en 1853, et jusqu'à ce jour aucune adjudication n'a pu être faite, par le motif facile à comprendre que tous les plans ne sont pas achevés ou sont encore à faire.
Je n'en dirai pas davantage pour justifier le but de ma proposition ; je pense que M. le ministre peut sans le moindre inconvénient s'y rallier. J'altends à cet égard un mot d'explication de sa part.
Qu'il ne nous fasse plus de promesses, mais qu'il pose enfin des actes qui ne nous permettent plus de douter de ses intentions à l'égard de notre province ; nous le préférons ainsi.
Je termine par une dernière observation.
Dans une de nos précédentes séances, l'honorable ministre des finances, en réponse à un discours de notre collègue et ami M. Delehaye, opposait un argument, puissant sans doute, à ceux développés devant vous. Il nous disait qu'il ne pouvait dans ce moment mettre à la disposition de M. le ministre des travaux publics, qui lui en avait fait la demande, une somme de 450,000 fr. pour le canal de Zelzaete, qu'il fallait remettre la demande de ce crédit à l'exercice prochain, au budget da 1854.
Si j'ai bien compris la pensés de M. le ministre des finances, son intention serait d'achever nos travaux extraordinaires au moyen de crédits imputables sur les recettes ordinaires du budget des voies et moyens. Et, messieurs, à cette condition, je n'hésite pas à le dire, je désespère de voir jamais nos travaux achevés ! Et je crois que tous vous partagez cette opinion.
Comment ! C'est avec les ressources ordinaires qu'on voudrait couvrir des dépenses extraordinaires comme celles que nous réclamons pour l'achèvement de nos canaux.
Cet argument n'est pas sérieux, n'est pas admissible par nous. Il faut aux désastres que nous vous signalons un remède prompt et efficace.
Vous le savez, messieurs, je ne suis pas partisan des crédits extraordinaires, à moins qu'ils n'aient un caractère d'une utilité et d une urgence iacontcslables.
Celui que l'on demandera pour l'achèvement de nos travaux réunit cette double condition.
C'est donc aux crédits extraordinaires qu'il faut recourir pour sauver les Flandres des inondations calamiteuses qui les désolent si souvent, et depuis taut d'années. Il est du devoir, de la dignité du gouvernement, (page 600) de ne reculer devant aucun sacrifice, pour mettre le plus promptement fin à une situation des plus désastreuses.
Que l'honorable ministre des finances se rassure donc, qu'il soumette à la chambre une demande de crédit complémentaire. J'ai confiance entière dans ses sympathies pour les Flandres ; elle ne refusera pas les sommes nécessaires pour achever des travaux dont l'urgence a été décrétée en 1842, 1846 et 1851, et reconnue par nous tous.
M. Vermeire. - Messieurs, au point où en est arrivée la discussion générale du budget des travaux publics, je ne serais pas venu prolonger ce débat, si je n'avais eu à présenter quelques observations que je crois utiles, et si. d'autre part, je ne comptais sur quelques instants de bienveillante attention de la part de la chambre.
La quatrième section avait prié la section centrale de demander au gouvernement si des mesures avaient été prises pour faire disparaître les atterrissements et les bancs de sable qui se forment en aval et en amont du port de Termonde.
Un premier renseignement parvenu à la section centrale n'a pas paru satisfaisant, mais une deuxième réponse a été donnée, de laquelle il résulte que, d'après une dépêche de M. le directeur des ponts et chaussées dans la Flandre orientale, il n'y a ni atterrissement ni banc de sable, soit en aval, soit en amont du pont de Termonde.
Je crois donc devoir préciser mieux les faits auxquels la quatrième section a fait allusion. Dans diverses discussions du budget des travaux publics, mon honorable ami M. de Decker et moi avons appelé l'attention de M. le ministre sur les excavations qui se formaient aux accotements de l'Escaut dans la partie dite Buggenhout-Briel ; sur les atterrissements qui en sont résultés et sur le rétrécissement de la voie qui a rendu la navigation très difficile et fort dangereuse dans cette partie de l'Escaut.
Nous avons encore dit que les mêmes faits s'étaient produits, il y a un demi-siècle, qu'alors le gouvernement avait pris des mesures pour y obvier par la construction de têtes de pont. Depuis, ces têtes de pont, n'ayant pas été réparées, ont disparu ; et le mal dès lors n'a pas tardé à se reproduire.
Il en est de même en aval de Termonde, en face de la commune d'Appels. Là, les atterrissemenls sont tels que les bâtiments chargés de matières pondéreuses, viennent s'y briser à des époques déterminées.
Des procès-verbaux, signalant ces sinistres, ont été envoyés à l'autorité supérieure. Il n'a pas dépendu des réclamations du conseil communal d'Appels, de celles de la chambre de commerce et des députés de Termonde dans cette enceinte, que l'attention du gouvernement n'ait été attiré sur ce point ; et jusqu'à ce moment rien n'a encore été fait.
Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de faire étudier la question et de voir si, au moyen de l'une ou de l'autre mesure, on ne pourrait faire disparaître ce danger imminent pour la navigation.
Maintenant, j'arrive au point culminant qui domine ce débat, à l'exploitation du chemin de fer. Le chemin de fer lui-même et son exploitation ont été l'objet de vives attaques. On a déjà suffisamment fait justice de celles qu'on avait lancées contre cette exploitation, quand on disait que le réseau du chemin de fer avait causé toutes les charges qui pèsent sur le trésor ; qu'il était la cause des énormes dépenses qui viennent déranger notre situation financière, et qu'en dernier lieu il était un gouffre où venaient s'engloutir nos plus beaux revenus.
Si je devais encore répondre à ces attaques, je dirais que l'établissement du chemin de fer en Belgique a été un fait heureux dans l'histoire politique de notre pays, et n'a pas peu contribué à la consolidation de la nation belge. En effet, elle était grande et noble l'idée primitive de la création du chemin du fer, puisqu'en liant l'Escaut au Rhin, elle nous a affranchis des prêtentions d'un Etat voisin avec lequel nous ne vivions pas à cette époque dans un état de parfaite intelligence politique.
Indépendamment de ce résultat, le chemin de fer à favorisé les relations é l'intérieur, et ces relations sont devenues tout à coup si nombreuses qu'elles ont excité en quelque sorte l'admiration générale, et qu'elles ont exercé la plus heureuse influence sur la prospérité publique.
Aujourd'hui, l'on produit de nouvelles attaques : On demande au gouvernement de se dessaisir de son chemin de fer pour le livrer à l'industrie privée, et d'autres, qui ne veulent pas aller aussi loin, désirent que du moins on mette en adjudication publique la traction du chemin de fer.
Je dois le dire, messieurs, je ne puis admettre ni l'un ni l'autre, de ces moyens. Et d'abord je demande si l'on a bien réfléchi à ce qu'on ferait, en abandonnant à l'industrie privée le chemin de fer tel qu'il existe aujourd'hui ? S'il y a dans cette enceinte et dans tout le pays un seul homme qui puisse calculer ce que vaut actuellement le chemin de fer ?
Céder le chemin de fer à une compagnie particulière, ce serait pour ainsi dire créer entre les mains de cette compagnie un monopole qui pourrait, dans un temps donné, être très nuisible et comme mesure politique et comme mesure commerciale.
L'honorable rapporteur de la section centrale vous disait hier qu'il ne partageait pas non plus la manière de voir de ceux qui combattent l'exploitation du chemin de fer par l'Etat ; que lui aussi était d'avis qu'il fallait laisser au gouvernement et le chemin de fer et son exploitation.
Et dans quel moment, messieurs, vous propose-t-on d'abandonner à l'industrie privée l'exploitation du chemin de fer ? Précisément dans le moment où les produits progressent continuellement. En effet, En 1848, le chemin de fer a rapporté 12,100,000 fr., en 1849 12,900,000 fr., en 1850 14,900,000 fr., en 1851 16,000,000 fr. et en 1852 17,000,000 fr., Non compris les produits indirects et les transports à prix réduits. (Je néglige les fractions.)
Y a-t-il, messieurs, quelqu'un qui puisse dire où s'arrêtera cette progression ? Et si cette progression est si constante avec une voie inachevée, avec un matériel incomplet, combien ne le sera-t-elle pas lorsque la voie sera entièrement construite et que le matériel aura été complété ?
Examinons maintenant quelle est la situation financière du chemin de fer depuis qu'il a été établi.
D'après les documents qui nous ont été fournis par le département des travaux publics, nous remarquons que, jusqu'en 1850, le chemin de fer, défalcation faite des frais d'exploitation, a produit 3 1/2 p. c. d'intérêt ; qu'en 1851, cet intérêt a été porté à 4.65 p. c, et si l'on calcule 1852 sur le document qui nous a été fourni pour l'exercice 1851, nous en avons obtenu plus de 5 1/2 p. c. Somme toute, le chemin de fer a produit, depuis sa mise en exploitation jusqu'à ce jour, 3.70 p. c. Je crois qu'il y a bien quelques propriétaires qui n'obtiennent pas un pareil revenu de leurs propriétés.
Messieurs, on raisonne souvent comme si tout était au mieux dans l'exploitation des compagnies particulières, et comme si tout était au pire, au plus mal dans l'exploitation par l'Etat. Je crois que si certains comptes de compagnies particulières devaient être scrutés aussi minutieusement que l'est le compte d'exploitation par l'Etat, beaucoup de membres changeraient d'opinion.
En effet, messieurs, lorsque vous lisez ce qui a été publié sur l'exploitation par les compagnies, vous voyez que d'une part on a grossi les produits et que l'on a, d'autre part, diminué les dépenses pour faire hausser les actions, que même des compagnies ont pris des dividendes sur le capital. Je crois, messieurs, que les comptes de certaines compagnies ont été bien plus inexact que ceux qui sont fournis par le gouvernement.
Je ferai remarquer maintenant, que l'augmentation du produit du chemin de fer est due aussi quelque peu au tarif des voyageurs que nous avons voté il y a bientôt 3 ans. L'honorable baron Osy disait, dans une séance précédente, qu'il n'avait pas adopté ma proposition, parce qu'il avait craint un déclassement des voyageurs, de la première classe vers la deuxièle et de la deuxième classe vers la troisième, déclassement qui devait être funeste aux recettes.
Pour ma part, messieurs, je croyais que ce déclassement ne pouvait pas avoir lieu, parce que l'écart entre la deuxième et la troisième classe était moins sensible qu'il ne l'est actuellement ; mais ma proposition différait peu de celle qui a été adoptée et qui n'est autre que celle faite en 1842 par l'honorable M. Desmaisières, alors ministres des travaux publics ; que celle qui s'appliquait déjà sur le chemin de fer du pays de Waes et qui fut mise en avant par la presse influente de la capitale, surtout par le journal l'Indépendance. Q'ioi qu'il en soit, j'ai rencontré beaucoup d'adversaires dans cette discussion et je crois que le plus redoutable était bien l'honorable rapporteur de la section centrale. Voici les trois thèses que l'on soutenait :
Il y aurait eu un déclassement dans le sens que je viens d'indiquer.
Les voyageurs seraient venus en moins grand nombre au chemin de fer.
Les recettes ne seraient pas augmentées sensiblement.
Eh bien, messieurs, nous avons eu raison sur tous les points, en soutenant les thèses contraires.
En effet, les recettes se sont augmentées considérablement et, chose étonnante, dans cette augmentation les voyageurs de la troisième classe ne sont intervenus qu'à raison de 10 p. c ; tandis que les autres 90 p.c. ont été payés en parts à peu près égales par les voyageurs de la première et de la deuxième classe, c'est-à-dire par ceux qui pouvaient payer le plus facilement.
Je ne veux pas, messieurs, prendre pour point de comparaison l'année 1851, qui est une année exceptionnelle.
Je compare 1850 à 1852, qui sont deux années normales, et je trouve :
(le tableau qui suit n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
C’est-à-dire que par rapport au nombre total :
Il y a eu, en 1852, sur 100 voyageurs, première classe 10 contre 9.75 en 1850 ; deuxième classe 26.70 contre 22.62 en 1850 ; troisième classe 63.30 contre 67.63 en 1850.
De manière que des voyageurs de troisième sont montés à la deuxième dans la proportion en plus d'environ 4 p. c, et ceux de deuxième classe vers la première dans la proportion en plus d'environ 0.25 p. c.).
(page 601) Pour les recettes
(le tableau qui suit n’est pas repris dans la présente version numérisée)
Somme toute : on a transporté en plus, en 1852, 242,199 voyageurs, lesquels ont donné une recette en plus de 803,233 fr. 56 c, soit par voyageur transporté en plus de 3 fr. 31 c.
L'accroissement des voyageurs a été de 6 p. c. Les recettes, au contraire de 11 p. c.
Je crois que lorsque nous aurons un bon tarif pour le transport des marchandises, les recettes du chemin de fer s'en ressentiront encore d'une manière favorable. Mais, comme M. le ministre des travaux publics nous a engagés à réserver cette discussion, je ne veux pas m'y arrêter.
M. le rapporteur de la section centrale a divisé dans son discours d'hier les opposants à l'exploitation du chemin de fer par l'Etat en trois catégories. Dans la première catégorie, il place ceux qui croient que l'Etat est inhabile à exploiter ; en ne se rangeant pas parmi eux, il reconnaît donc que l'Etat est habile à exploiter.
Les adversaires de la deuxième catégorie sont ceux qui croient que le chemin de fer ne produit pas assez.
Eh bien, je suis de ceux qui sont d'avis que le chemin de fer est susceptible de donner des résultats plus favorables.
Mais je dois faire observer que, si nous avions suivi la voie dans laquelle l'honorable rapporteur avait voulu nous entraîner, lors de la discussion du tarif des voyageurs, nous n'aurions pas eu, dans ce cas, le résultat que nous constatons aujourd'hui.
Enfin, les adversaires de la troisième catégorie sont ceux qui disent que la traction du chemin de fer coûte trop. C'est aussi à l'avis de l'honorable rapporteur. Pour ce motif, et quoique ne se rangeant pas encore tout à fait du côté de ceux qui veulent adjuger la traction, il croit cependant qu'il y aurait bénéfice pour l'Etat, à entrer dans cette voie.
Examinons la valeur de la mesure qu'on indique.
« Il faut, dit-on, adjuger la traction du chemin de fer. » Mais je me demande si aujourd'hui la traction n'est pas adjugée. Ainsi il n'entre dans l'exploitation du chemin de fer aucun objet qui ne soit mis en adjudication publique.
Nous voyons journellement le gouvernement mettre en adjudication la fourniture de ces divers objets, et s'établir une grande concurrence parmi ceux qui se portent comme adjudicataires. Je crois que si on comparaît les prix auxquels le gouvernement achète tout ce qui est nécessaire à l'exploitation du chemin de fer, avec les prix payés par les compagnies, la différence serait en faveur du gouvernement, parce que l'on sait que le gouvernement paye très bien. Toute la différence consisterait donc dans l'application ou dans l'emploi des matières adjugées.
L'honorable rapporteur a dit hier que pour l'application, c'est-à-dire en ce qui concerne les employés qui sont chargés du trafic du chemin de fer, etc., nous ne pouvons désirer mieux que ce nous possédons.
Je ne trouve donc pas les avantages qui résulteraient pour le trésor dans la concession à une seule personne, d'une chose pour laquelle nous appelons le concours de tous.
L'honorable rapporteur, pour combattre les chiffres produits par M. le ministre des travaux publics, a calculé combien coûte le trafic d'un convoi-kilomètre. Je regrette que son discours ne soit pas au Moniteur ; parce que je ne puis pas indiquer exactement le chiffre auquel il l'évalue, mais je crois qu'il a parlé de 1 fr. 45 c.
Je ne discute pas la valeur des chiffres présentés de part et d'autre, mais je crois que la base prise par M. le rapporteur est erronée. En effet, la connaissance du coût du convoi-kilomètre, d'après moi, ne prouve rien ; ce qu'il importe de savoir, c'est ce que coûte le transport du quintal-marchandises et du voyageur-kilomètre, c'est le coût de cette unité que j'ai souvent demandée autrefois, surtout pendant la première année que j'ai siégé dans cette enceinte ; et c'est le coût de cette unité du trafic qu'on n'a jamais pu me fournir.
Et pourquoi ? Parce qu'il est trop variable. Deux ingénieurs ont traité cette question dans des livres volumineux, l'un est Français, M. Teisserene, l'autre Belge, M. Belpaire. Ils ne peuvent pas donner exactement le coût de la traction, ce coût dépendant de l'usage utile que vous obtenez de l'exploitation.
Si vous avez des convois constamment remplis de voyageurs, il est certain que le transport coûte infiniment moins que quand il y a des places vides dans le convoi. Il en est de même pour les marchandises. Ce qu'il faut faire pour réduire le coût du trafic, c'est améliorer l'exploitation et apporter le plus de célérité possible à la marche des convois.
L'honorable rapporteur a fait hier une observation qui me paraît très fondée. Il disait que l'exploitation devait être organisée de manière que toutes les marchandises qui se trouvent sur le raiiway lui fussent acquises.
Je pense que sous ce rapport notre exploitation laisse beaucoup à désirer.
Il disait encore que les produits des mines ne donnaient pas une recette suffisante au chemin de fer. Ici je dois appeler l'attention de M. le ministre sur un fait qui me paraît incompréhensible.
Il y a une houillère dans le pays qui donne au chemin de fer 2.600 waggons de houille par an ; maintenant on ne veut accepter ce charbon qu'à la condition que les propriétaires de la houillère donnent gratuitement une station au gouvernement, qu'ils posent des rails et des plates formes à leurs frais.
Ainsi les prétentions du gouvernement augmentent à mesure que la clientèle devient plus importante.
Ce n'est pas de la sorle qu'on doit agir ; on doit tâcher de prendre toutes les marchandises qui peuvent affluer au chemin de fer ; de cette manière on aura un trafic continuel et des produits autrement avantageux que ceux que nous constatons aujourd'hui.
Il y a des économies à faire dans les dépenses. Un article qui figure pour une somme assez ronde, c'est le renouvellement des billes. Vous savez que divers procédés de conservation des billes ont été mis en avant ; deux d'entre eux surtout ont attiré l'attention du gouvernement et ont été l'objet d'expérimentation de la pirt de l'administration du chemin de fer : celui de Diekschen et celui du docteur Laboucherie. C'est du premier de ces procédés que je veux vous entretenir un instant. D'après un extrait d'un rapport signé par M. le secrétaire du ministère des travaux publics, il résulte que des billes en bois de sapin placées en 1849 se sont mieux conservées que des billes de même essence préparées d'après un autre procédé, et que des billes en hêtre placées en 1848 ont été trouvées intactes le jour que le rapport a été fait et, qui est d'une date très récente.
Dans cette appréciation, je n'ai pas voulu agir à la légère, mais il résulte encore de ce rapport qu'on n'a pas fait usage du procédé Diekschen, parce qu'il est connu depuis bien longtemps et qu'on remployait pour la conservation des bois servant à la construction des navires. Si le procédé est bon, je crois que ce n'est pas là une raison pour l'écarter. On semble donner la préférence au procédé indiqué par le docteur Laboucherie ; je dirai que je ne connais pas ce procédé, mais si mes renseignements sont exacts, il y aurait eu à l'une des portes de Bruxelles un établissement où l'on préparaît les billes d'après ce procédé ; j'ai pris des informations pour connaître les résultats obtenus ; on m'a répondu que l'établissement était fermé et ne fonctionnait plus. Je crois devoir appeler l'attention toute particulière de l'administration du chemin de fer sur ce procédé et crois pouvoir l'engager à examiner impartialment celui auquel je viens de faire allusion.
J'ajouterai, messieurs, que je suis en possession d'une pièce de conviction.
Je conserve un morceau de ce bois qui a séjourné pendant cinq ans dans la terre ; je le déposerai demain au greffe ; il est marqué du marteau du département des travaux publics, et tout le monde pourra en prendre inspection.
Maintenant, messieurs, je dois encore dire que, dans ma manière de voir, on pourrait facilement supprimer, dans les dépenses, les sommes qu'on accorde pour les primes ; et voici pourquoi. Il y a des primes ou des indemnités qui ne sont autre chose que la régularisation du traitement des fonctionnaires. Il me semble que si les fonctionnaires ne sont pas suffisamment rétribués, on devrait augmenter leurs traitements, mais qu'on ne devrait pas accorder des encouragements qui, le plus souvent, dégénèrent en faveurs personnelles.
On accorde des primes pour la régularité de l'arrivée des convois, on en donne au machiniste qui brûle le moins de coke. Mais la régularité de l'arrivée des convois et la quantité du coke contommé dépendant de la richesse du coke et de la disposition plus ou moins avantageuse da la chauffe de la locomotive.
Ainsi, le machiniste à qui vous donnerez du coke riche et une machine en bon état arrivera au moins à l'heure indiquée, et pour cela il recevra une prime.
Le machiniste, au contraire, à qui vous donnerez du coke pauvre et, pour me servir d’une expression triviale, une vieille « patraque » de machine, ne recevra rien. Si, je me trompe, il recevra les réprimandes de l'administration.
Je ne veux pas, messieurs, prolonger davantage ce débat. Je crois que le chemin de fer peut produire beaucoup ; mais pour arriver à ce résultat, il est nécessaire que la voie soit entièrement achevée, que le matériel soit complété, et que l'on ne soit plus obligé de refuser les marchandises au chemin de fer.
Il faut beaucoup de régularité et surtout beaucoup d'exactitude dans les transports.
Maintenant encore un mot : Je crois que le chemin de fer doit être administré par une discipline sévère et en quelque sorte militaire, si vous voulez obtenir de bons résultats.
Ainsi, quand j'ai entendu l'honorable baron Osy déclarer qu'un fonctionnaire de l'administration du chemin de fer lui avait écrit qu'il était dans le vrai en soutenant une opinion contraire à celle du chef du département des travaux publics, j'ai cru voir là une insubordination impardonnable. Si un fonctionnaire à des renseignements utiles à donner et de nature à éclairer le ministre, c'est à son chef qu'il doit les faire connaître, et non à des étrangers.
(page 602) M. de Man d'Attenrode. - Les membres de la chambre ne sont pas des étrangers.
M. Vermeire. - Ils sont des étrangers quant aux rapports que les fonctionnaires doivent avoir avec leurs chefs immédiats.
Un officier n'écrit pas à des membres de la chambre pour s'opposera des mesures prises par son supérieur. Si tous les employés de l'administration pouvaient produire un système d'exploitation, l'administration deviendrait impossible.
M. de Man d'Attenrode. - Alors, faites une enquête.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Après le discours très clair et très substantiel que l'honorable M. Vermeire vient de prononcer, je ne rentrerai dans la discussion générale que pour répondre aux observations qui ont été présentées hier par l'honorable rapporteur de la section centrale.
Je ne voudrais rien dire qui pût offenser l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp. Je suis, au contraire, tout prêt à reconnaître qu'en toute circonstance, je serai heureux de pouvoir tirer utilement parti des études spéciales auxquelles il s'est livré sur cette matière.
Il n'y a personne dans cette enceinte qui lui sache plus de gré que moi de tous ses efforts pour améliorer les services et pour diminuer les dépenses du chemin de fer.
Mais, cela posé, je dois ajouter tout aussitôt que, dans ma manière de voir, l'honorable rapporteur n'est pas toujours juste, ni impartial, ni équitable, qu'il restreint le débat plutôt qu'il ne l'élargit, qu'il considère l'exploitation du chemin de fer à un point de vue exclusivement administratif, et que même à ce point de vue restreint, il est, malgré lui, à son insu, j'en suis convaincu, sous l'influence de préoccupations individuelles, qui, si elles persistaient, ne tendraient à rien moins qu'à frapper d'une déconsidération imméritée, un des services les plus importants du chemin de fer, un service, auquel, moi qui l'ai suivi et étudié, je n'ai point de reproches à adresser, tandis que l'honorable rapporteur n'a, pour lui, et pour lui seul, que des paroles de blâme et de sévérité.
Si l'honorable membre pouvait entrer avec moi dans l'examen des différents perfectionnements qui sont, chaque. jour, introduits dans le service, s'il pouvait se rendre compte des progrès qui se sont successivement, mais lentement accomplis, de la nécessité qu'il y a de marcher avec une extrême prudence dans la voie des réformes, de ne pas faire en cette matière des organisations a priori, il comprendrait, j'en suis sûr, que si, dans le chemin de fer, tel qu'il est exploité, il y a des imperfections,des abus (et où n'y en a-t-il pas ?), il y a aussi à côté du mal, de grands, de sérieux et de très appréciables résultats ; il comprendrait encore qu'une des principales causes des défiances dont l'administration du chemin de fer, en Belgique, est l'objet, est précisément l'impossibilité où se trouve cette administration de concilier des exigences, des prétentions complètement divergentes et contradictoires.
On dit, en répète : l'administration du chemin de fer marche mal ; le chemin de fer est mal administré ; il n'y a dans les convois ni la régularité, ni la vitesse désirables, et en même temps on veut que les convois s'arrêtent dans toutes les localités intermédiaires. C'est peut-être même là la condition inévitable, fatale de la prospérité de notre railway. C'est peut-être à la condition de desservir ces groupes importants et condensés, de recueillir sur son passage les transports abondants de toutes les localités intermédiaires que les produits continueront à se développer dans la progression que nous signalons depuis quelques années.
Le chemin de fer est mal administré, parce qu'il coûte trop, parce qu'il dépense trop. Mais on voudrait qu'il dépensât davantage, qu'il fît tout, qu'il se substituât à tout, qu'il allât, comme le demande l'honorable rapporteur, solliciter les marchandises au lieu de départ. Aujourd'hui le chemin de fer se charge de toutes les formalités eu douane. Lorsqu'il s'agit de transports à grande vitesse, l'administration du chemin de fer se charge de la prise à domicile, de la remise à domicile ; elle le fait à des conditions onéreuses ; il faudrait encore que, pour satisfaire complètement le commerce et l'industrie, elle se chargeât de toutes les formalités qui précèdent l'embarquement de la marchandise. Mais on dépensera dans ce système encore davantage.
Le chemin de fer est mal administré, l'honorable M. Vermeire vient de vous le dire, parce que la voie n'est pas achevée, parce qu'il n'y a pas de hangars, parce qu'il n'y a pas de stations, parce que le matériel n'est pas assez complet. Mais je le demande à l'impartialité de la chambre, est-ce à l'administration du chemin de fer qu'il y a quelque reproche à faire de ce chef ? Peut-on lui imputer l'absence de matériel, l'inachèvement de nos stations et de nos hangars ? L'administration du chemin de fer est-elle encore coupable, parce que le personnel serait trop nombreux ? Mais, messieurs, on ne nie pas le fait, depuis 1848, 148 agents ont disparu.
J'admets pour un instant que le personnel de l'administration est encore trop considérable. Mais laissez un peu de marge au temps, vous seriez les premiers à blâmer la conduite du gouvernement si, précipitamment, il voulait jeter sur le pavé un grand nombre de fonctionnaires attachés depuis un grand nombre d'années à l'administration du chemin de fer.
Dans ma pensée, c'est par les grands résultats, c'est par les résultats généraux qu'il faut envisager l'exploitation du chemin de fer, et c'était à ce point de vue que je m'étais placé, lorsque dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer, je me suis posé ces questions. Je me suis demandé d'abord si l'administration du chemin de fer n'avait pas réalisé, dans les travaux de fourniture, dans les allocations pour le personnel, des économies notables, et j'ai établi par des chiffres empruntés à une année normale, à l'année 1847, que si l'on en excepte les allocations de salaires sur lesquelles l'augmentation est justifiée par deux causes qui n'ont été niées par personne, il y avait eu économie et économie notable sur l'allocation du personnel, économie notable sur les travaux de fournitures. Quelqu'un a-t-il détruit ces faits ? Non, ils restent tout entier debout.
J'avais démontré un second point, selon moi extrêmement important ; c'est que, par des exemples empruntés à des compagnies qui sont administrées avec intelligence et avec une parfaite entente des intérêts commerciaux, il est prouvé que, pour une dépense supérieure, elles effectuent un travail utile moins considérable que celui qu'imposent à l'administration les conditions du trafic.
Ainsi, j'ai indiqué l'exemple du chemin de for du Nord. Le matériel y est en meilleur état qu'ici ; il est neuf ; il a une date moindre et le personnel est animé de ce stimulant qu'on reproche à l'administration du chemin de fer de ne pas avoir, et la dépense d'exploitation y est cependant plus considérable, bien que les transports y soient moindres.
Ce n'est pas en se plaçant à ce point de vue général qu'on considère la question. On élève des critiques de détail et je vais avoir l'honneur de faire connaître quelle est la valeur de ces critiques.
Hier, l'honorable rapporteur de la section centrale a dit un mot de l'organisation nouvelle. Or, quelle est cette organisation nouvelle ? L'année dernière on reprochait à l'administration des chemins de fer de n'être pas assez centralisée, d'être surchargée d'intermédiaires. Eh bien ! la nouvelle organisation à eu précisément pour résultat de concentrer autour du chef du département toutes les forces vives de l'administration.
Elle a eu aussi pour résultat de mettre le chef du département en relation directe avec les chefs de service et même avec les chefs de station ; de telle sorte qu'aujourd'hui, avec l'organisation nouvelle, un ordre général peut être conçu, rédigé, imprimé et distribué dans toutes les directions en moins de deux heures de temps.
Quant à la responsabilité des chefs de l'administration, des directeurs placés à la tête des diverses directions, cette responsabilité est très réelle ; elle est écrite en toutes lettres, de la manière la plus formelle, dans les dispositions organiques.
Il n'y a pas de directeur qui puisse, sous ce rapport, méconnaître sa responsabilité. S'il y en avait dans l'administration centrale, je le déclare sans détour, ils n'auraient ni l'intelligence de leurs devoirs, ni le sentiment de la mission qu'ils sont appelés à remplir.
On dit : Le chemin de fer n'a pas tous les transports ; il y a des bateaux qui transportent des grains, qui transportent des denrées coloniales d'Anvers à Louvain. Mais cela a existé de tout temps. Les voies navigables en Belgique sont parallèles au chemin de fer et le développement de ces voies navigables et des chemins de fer a été simultané.
Le gouvernement, d'ailleurs, n'a pas intérêt à déposséder entièrement les voies navigables.
Et pourquoi y a-t-il toujours eu des transports par bateau d'Anvers à Louvain ? Pourquoi y a-t-il encore des services réguliers de navigation d'Anvers à Malines et d'Anvers à Bruxelles ? Parce que le fret pour les grains et pour certaines denrées pondéreuses est tellement bas que le chemin de fer ne peut lutter avec les voies navigables. Le fret, pour les grains, d'Anvers à Louvain, est, je crois, de 30 c. par 100 kilog. ou de 3 francs par tonneau. Est-ce dans ces conditions que l'honorable M. Osy voudrait que le chemin de fer transportât les grains ? Ce serait évidemment un système d'exploitation ruineux.
La dépense, dit l'honorable rapporteur, s'élève de 70 à 117 p. c. Je ne sais de quelles sections l honorable membre a voulu parler.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - De la section de Hasselt, par exemple.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Tout dépend de la manière dont on fait les calculs. Il est évident que si vous morcelez les recettes, si vous supposez que la section de Landen à Hasselt, par exemple, ne porduit qu’en raison du parcours que font les voyagers et les marchandises sur cette section, sans tenir compte de la circonstance que la plupart de ce stransports font des parcours beaucoup plus longs, vont à Bruxelles ou à Liége, vous arriverez à un chiffre de dépense proportionnellement élevée à la recette ainsi établie.
Mais je n'admets pas que la section de Landen à Hasselt soit improductive, parce que je n'admets pas que l'on puisse morceler les produits, qu'on ne calcule ce produit que sur la section de Hasselt à Landen, alors que les voyageurs, que les marchandises se rendent à Bruxelles ou à Liège ; d'autant plus que la plupart de ces voyageurs ou des marchandises ne seraient aliés ni à Bruxelles ni à Liège si le chemin de fer n'avait été mis en communication avec cette section.
Il faut donc prendre la recette totale jusqu'à destination, puisque les voyageurs et les marchandises ne s'arrêtent pas à Landen.
Voilà comment il faut calculer le produit de ces petites sections qui ne sont pas des embranchements parasites, mais qui sont, au contraire, des embranchements productifs, quand on veut faire les calculs d'après les bases que je viens d'établir.
Il y a, dit l'honorable rapporteur, des agents en moins. On ne nie pas le fait. On reconnaît sous ce rapport que le calcul que j'ai établi est parfaitement exact ; qu'il y a, par rapport à 1847, 148 agents en moins. Mais, dit-on, la diminution ne porte que sur le personnel des stations et des convois. C'est une erreur. Il n'y a qu'a prendre la liste des mises en (page 603) disponibilité ; on verra que l'administration centrale, le service des routes et d'autres encore sont pour quelque chose dans la réduction.
Hier, j'ai eu occasion d'interrompre l'honorable rapporteur, lorsqu'il citait le membre des gardes-convois, pour faire remarquer que c'est la chambre elle-même qui en a demandé la réduction. Depuis hier j'ai vérifié le fait et voici ce que j'ai trouvé :
D'abord le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics pour 1848 s'exprime ainsi, à la page 30 :
« La section centrale rejette l'augmentation demandée de 14,400 fr. pour 16 gardes-convois nouveaux. Elle pense, qu'à l'exemple de ce qui se pratique sur d'autres chemins de fer, il suffit de 4 gardes pour les convois de voyageurs, ds 3 pour les convois mixtes et de 2 pour les convois de marchandises. Sur le chemin de fer de Paris à Orléans, les convois de voyageurs n'en ont même que trois. »
M. de Brouwer de Hogendorp. - Ils n'en ont que 2 en Belgique.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cela dépend de la nature des convois. Ils en ont aussi 3 et 4 ; il n'y a pas de chiffre fixe. Vous allez voir que l'honorable M. Spitaels, rapporteur de la commission spéciale du sénat, a démandé qu'il n'y en eût que 2.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Il a eu tort.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Mettez-vous d'accord. Je dis donc qu'en 1848, l'allocation de 14,400 fr. a été rejetée par la chambre, parce que le nombre des gardes convois était trop considérable.
Maintenant, en 1852, devant le sénat (c'était la discussion qui m'était présente à l'esprit, hier), l'honorable rapporteur de la commission disait :
« Il faut convenir, messieurs, que c'est là un luxe de personnel parfaitement inutile que je repousserai dans l'avenir ; j'engage fortement M. le ministre à chercher le moyen de le réduire, cela n'est ni long ni difficile. Nous avons dans notre propre pays des exemples nombreux qui prouvent qu'un personnel aussi nombreux n'est nullement indispensable. Beaucoup d'entre nous ont parcouru notamment le chemin de fer de Namur à Liège, et ils ont pu remarquer que le service s'y fait parfaitement bien avec deux gardes-convois, aux trains de voyageurs. »
C'est donc pour entrer dans les vues de la chambre que cette réduction a eu lieu.
Du reste, messieurs, je prie l'honorable rapporteur d'être bien persuadé que l'amélioration de la position des gardes-convois a été réelle et sensible : un grand nombre d'entre eux remplissaient provisoirement leurs fonctions, leur position n'était pas régularisée ; eh bien, non seulement on n'a pas compromis une fraction de centime de leur traitement, dont on leur a garanti le payement intégral ; mais on a, encore, régularisé pour le plus grand nombre d'entre eux la position qu'ils occupaient, et on a fait des promotions nombreuses, outre l'avantage pécuniaire que présente, pour la généralité, le système des primes.
L'honorable rapporteur a fait également à l'administration le reproche de n'avoir pas communiqué les relevés qui se rapportent au coût du service de locomotion.
Messieurs, un mot d'explication suffit à cet égard.
Si l'on demande à l'administration des renseignements dans l'ordre d'idées établi, elle peut les donner immédiatement ; mais si vous lui demandez des états statistiques d'après un ordre d'idées autre que celui qu'elle a établi, il est évident qu'il faut alors un temps beaucoup plus considérable, parce qu'il faut recommencer à nouveau des dépouillements très nombreux et qui demandent beaucoup de temps.
Messieurs, j'arrive ici à la partie réellement pratique (je me sers des termes dont s'est servi l'honorable rapporteur), c'est la question de l'adjudication de la traction. Je réclamerai quelques moments de bienveillante attention de la part de la chambre, parce que j'ai à présenter encore quelques chiffres.
Je regrette cependant deux choses ; je regrette d'abord que le discours de l'honorable rapporteur ne soit pas au Moniteur et que je sois ainsi obligé de m'en rapporter aux notes que j'ai recueillies et qui peuvent être jusqu'à un certain point, entachées d'inexactitude. Je regrette, en second lieu, de n'avoir pu prendre communication que d'une manière sommaire, de la lettre déposée sur le bureau, lettre qui est écrite en anglais et dont je vais avoir l'honneur d'entretenir la chambre.
Messieurs, dans le discours que j'ai prononcé le 2 février, j'avais dit ceci :
« Il y a une compagnie, celle de Strasbourg, qui a adjugé la traction (il faut se mettre bien d'accord sur la valeur de ce mot) qui a adjugé la traction et l'entretien à un entrepreneur moyennant une redevance par locomotive et par kilomètre pour la traction et une redevance pour l'entretien par voiture et par kilomètre, redevance variable, suivant que ce sont des voitures de première, de deuxième ou de troisième classe. »
Voilà, messieurs, la distinction que j'avais établie : la compagnie de Strasbourg paye à l'entrepreneur par convoi de voyageurs, rien que pour la « traction » (j'insiste sur ce mot parce qu'il y a une confusion perpétuelle dans les calculs qu'on m'oppose), rien que pour la traction, sans l'entretien des voitures, elle paye 1 franc 15 centimes par locomotive et par kilomètre, et elle paye, pour l'entretien des voitures, 3 centimes par kilomètre de parcours pour les voitures de première classe, 2 centimes pour celles de deuxième classe et 1.4 cent, pour un waggon à marchandises.
Voilà, messieurs, ce que j'avais dit le 2 février. Aujourd'hui l'on vient m'opposer le coût de la traction, y compris l'entretien de 6,000 voitures et accessoires. Messieurs, ce procédé, j'en suis sûr, l'honorable rapporteur sera le premier à le regretter.
Je dis, messieurs, que les calculs de l'honorable membre reposent sur une base fausse. C'est un premier point que je veux établir.
Un second point que j'établirai, c'est que le chiffre de 68 centimes que j'ai produit pour la traction ou, si je puis me permettre ce mot, pour le trainage par kilomètre, est un chiffre maximum.
Le troisième point, c'est que l'ingénieur anglais qui a fait cette proposition à l'honorable M. de Brouwer, s'il s'agit de 50 centimes pour le trainage de nos convois, a fait une offre dérisoire. S'il veut se charger non pas seulement de la traction d'un convoi de 14 voitures, mais aussi de l'entretien des 14 voitures, je suis prêt, s'il offre les garanties désirables, à entrer en négociations avec lui ; mais alors cette propositiou vaut, à coup sûr, un bill d'incapacité, non seulement pour l'administration belge, mais pour les administrations des chemins de fer de Rouen, de Strasbourg, d'Orléans et du Nord.
Premier point : Je dis que les calculs de l'honorable membre reposent sur une base fausse. Il a déclaré à plusieurs reprises qu'il y avait confusion dans les dépenses, au budget, tel qu'il avait été établi antérieurement à 1853. Il a bien voulu reconnaître que, dans une pensée de conciliation, je m'étais rallié à la division en articles consignée à la page 57 de son rapport, et pourquoi l'honorable rapporteur a-t-il demandé cette division ? Je le répète, précisément parce qu'il y avait confusion dans certaines dépenses, parce que certaines dépenses du service des routes et du trafic, par exemple, se trouvaient au service de la locomotion. Ainsi, les gardes-freins, les gardes-excentriques, le mobilier des stations et de nombreux objets de consommation, étaient portés aux articles relatifs à la locomotion, bien que ne servant pas à ce service. On a reporté ces dépenses sur les services qu'elles concernent. On a donc simplifié, épuré, les comptes de dépenses.
Je suis tombé d'accord avec l'honorable membre pour fixer au chiffre de 3,527,200 fr. la dépense totale de traction et d'entretien du matériel de transport. Remarquez, messieurs, que dans cette somme est compris l'entretien de 6,000 voitures et vous avez vu qu'on a compté 3c entimes, 2 c. et 1.4 c. à l'entrepreneur de la compagnie de Strasbourg.
La dépense, d'après les allocations du budget, est comme je viens de le dire, de 3,527,000 francs, au lieu de 4,214,000 francs comme l'a établi erronément l'honorable rapporteur. Mais je lui demanderai d'abord si, dans la supposition où la traction soit adjugée, il croit que cette somme de 3,527,000 francs disparaîtra du budget ? Est-ce que l'Anglais se chargera aussi de payer les deux millions pour l'intérêt des capitaux engagés dans le matériel du chemin de fer ? Se chargera-t-il de la dépense du personnel, évaluée à 85,000 francs.
Dans les chiffres cités par l'honorable rapporteur, je constate les dépenses suivantes pour :
Traitements, fr. 85,263
Salaires, fr. 1,497,000
Fournitures, fr. 2,052,000
Renouvellement, fr. 300,000 etc.
J'ai donc bien raison de dire que l'honorable rapporteur a ajouté à la traction proprement dite, l'entretien du matériel.
Quand j'ai établi mon chiffre de 68 centimes dans le discours qui est au Moniteur, j'ai eu soin de dire que j'avais fixé à 68 centimes la traction d'un convoi eu Belgique, mais que je n'y comprenais pas l'entretien des voitures. (Interruption.)
Vous avez, M. de Brouwer, compris l'entretien des voitures dans votre relevé de 4,214,000 fr. ; n'opposez donc pas ce calcul à mon chiffre de 68 centimes pour insinuer que je suis resté en-dessous de la vérité, alors qu'au contraire, j'ai exagéré mon chiffre en y introduisant des éléments de dépenses fictives ou étrangères à la traction proprement dite.
Je vais le prouver :
J'ai annoncé que, dans ma conviction intime, basée sur le dépouillement de chiffres qui défient la critique la plus impitoyable, j'arrivais à une dépense de 68 centimes pour traction d'un convoi de 14 voitures, y compris l'entretien de la locomotive et du tender. J'ai déjà dit que ce chiffre est un maximum. J'aurai soin de reproduire au Moniteur les principaux éléments du calcul.
Les voici :
1° Intérêt du coût de la locomotive et du tender, fr. 0.082
2° Entretien et réparations à la locomotive et au tender, 0.147
3° Bois pour allumage, 0.007
4° Consommation du coke, 0.221
5° Id. d'huile de graissage, 0.012
6° Graissage des voitures, 0.014
7° Salaires du machiniste et du chauffeur, 0.057
(page 604) 8° Traitement des gardes, 0.104
9° Salaires des ouvriers employés à l'alimentation des locomotives et tenders, 0.024
10° Eclairage des convois, 0.012
Dépense totale par kilomètre pour la traction d'un convoi composé de 14 voitures, 0.680
Mais, entendons-nous.
L'auteur de la proposition des 50 centimes comprend-il dans son prix les chefs de dépenses repris ci-dessus sous les n°1, 6, 8 et 10, savoir :
1° Intérêt du prix dp la locomotive et de son tender, fr. 0.082
6° Graissage des voitures, fr. 0.014
8° Traitement des gardes, fr. 0.104
10° Eclairage des convois, 0.012
Ensemble. fr. 0.212
Evidemment, il n'a pu tenir compte de ces dépenses dans ses évaluations, parce que ce ne sont pas là des dépenses ordinaires de traction.
Si donc on ne tient pas compte de ces 21 c, la dépense en Belgique n'est en réalité que d'environ 47 c.
Si la proposition dont il a été question comprend, outre la traction, l’entretien des voitures, elle est sans doute digne d'un très sérieux examen. Si, au contraire, elle se réduit à la simple traction, je dis qu'elle ne constitue point une opération favorable aux intérêts du trésor, puisqu'elle constituerait une augmentation de dépenses et qu'au surplus elle ne renferme rien de net ni de précis, si j'en juge par l'aperçu sommaire que j'ai pris de la lettre.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, la différence entre les calculs de M. le ministre des travaux publics et les miens résulte uniquement de ceci : que M. le ministre compte par locomotive kilomètre, c'est-à-dire par le nombre de kilomètres parcourus par les locomotives, tandis que je compte par convoi-kilomètre, c'est-à-dire par le nombre de kilomètres parcourus par les convois. C'est d'après ce dernier mode qu'il faut compter. On paye sur le chemin de fer d'Orléans le prix indiqué par M. le ministre pour un convoi tiré à la distance d'un kilomètre et non pas pour une locomotive qui, avec ou sans convoi, aurait parcouru un kilomètre. C'est par convoi que compte l'ingénieur dont j'ai fait l'offre et non pas par locomotive.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je demande s'il est possible à M. le rapporteur de persister dans cette confusion entre deux choses parfaitement distinctes. Qu'importe ici le nombre de locomotives-lieues ou de convois-lieues. L'essentiel, et je le constate de nouveau, c'est que, dans votre chiffre de 4,214,000 fr., vous comprenez l'entretien des voitures, et nous ne raisonnons que sur la traction. Choisissez entre les convois-lieues et les locomotives-lieues, je n'y trouve pas grande objection, mais retranchez au moins des 4,214,000 francs les 1,500,000 fr. environ qui sont affectés à l'entretien des voitures, ainsi que les dépenses étrangères à la locomotion qui ont été déduites, d'accord avec vous, du budget que nous discutons et dont il n'est nullement question dans le chiffre que j'ai produit. Vous ne pouvez par conséquent opposer à ce chiffre celui qui est le résultat de vos calculs.
Si je consulte les notes que j'ai prises hier et qui sont conformes, je pense, avec celles de l'honorable M. Vermeire, la dépense de traction reviendra, toujours d'après les calculs de l'honorable M. de Brouwer, à 1 fr. 11 c. par kilomètre. Or, en arrondissant les chiffres, je constate 4,700,000 locomotives-kilomètres.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Il est vraiment fâcheux que nous ne soyons pas d'accord sur les points essentiels du débat ; les convois ont parcouru 3,790,640 kil. Je ne parle pas du parcours des locomotives qui sera toujours d'autant plus grand que les locomotives seront en plus mauvais état.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je vais mettre l'honorable membre tout à fait à son aise ; j'admets son chiffre de 3,790.640 kilomètres, puisqu'il tient au convoi-kilomètre, au lieu de la locomotive-kilomètre, il y a certains convois remorqués par deux locomotives ; il est donc évident que le nombre des convois-kilomètres ne peut pas être le même que le nombre des locomotives-kilomètres. Je prends donc le chiffre rond de 3,800,000 kilomètres, et je constate que si effectivement le convoi-kilomètre coûte un franc 11 centimes, en multipliant cette dépense par 3,800,000, on arrive à une dépense, du chef de la locomotion, de plus de 4,200,000 fr., dépense non prévue au budget, en ce qu'elle est supérieure de 700,000 fr. aux allocations pétitionnées d'accord avec la section centrale.
A moins d'admettre que je dispose à mon gré de fonds mystérieux, qui ne sont prévus par aucun article de mon budget, il faut bien reconnaître qu'il y a erreur dans les calculs de l'honorable rapporteur.
Mais il y a une seconde hypothèse, aux termes de laquelle la dépense par convoi kilomètre coûterait, non plus 1 fr. 11 c, mais 1 fr. 91 c. A quel chiffre arrive-t-on dans cette hypothèse ? On arrive à un chiffre de plus de 7 millions, qui atteint presque l'ensemble des allocations demandées pour le chemin de fer.
Je crois avoir établi que l'honorable rapporteur a opposé un chiffre dans lequel il avait compris indépendamment de la traction, l'entretien des voitures.
L'entretien des voitures est un objet important, et comporte 2, 3 ou 4 centimes par kilomètre de parcours, suivant la classe des voitures.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je n'en ai pas tenu compte dans mon calcul.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'en suis bien aise ; mais, dans ce cas, je l'engage à reconnaître que si l'entretien n'est pas compris, il a eu tort d'opposer 50 centimes à 1,11 ou 1,92 ou 1,88. (Interruption.)
Je me suis si bien trouvé en présence du chiffre de 1,92 et 1,88 opposé à l'offre de 50 centimes et à mon chiffre de 68 centimes, que je me suis demandé au premier abord si le chemin de fer ne dépensait pas deux ou trois millions de plus qu'il ne devrait. Ce n'est qu'en analysant le calcul que je me suis convaincu que, pour atteindre le chiffre de quatre millions, l'honorable rapporteur y avait compris l'entretien qui en disparaît aujourd'hui.
Messieurs, il y a une autre question sur laquelle je désire également donner quelques explications à la chambre. On a parlé à plusieurs reprises déjà, de l'institution d'une commission, d'un conseil consultatif. Je dois dire qu'en présence des critiques extrêmement vives, qui se produisent chaque année, malgré ma conviction profonde que, sous beaucoup de rapports, il y a dans ces critiques une exagération véritable, je suis fermement résolu à instituer au département un comité consultatif.
Mais il faut qu'il ait un double caractère pour n'être ni un embarras, ni une entrave, ni un danger ; il faut, pour qu'un pareil conseil puisse fonctionner utilement : 1° qu'il ne soit pas une institution politique ; 2° qu'il ne soit là que pour éclairer le département, l'assister dans sa tâche, sans le gêner dans sa marche. C'est dans ces conditions qu'on a institué récemment en France un comité consultatif par un arrêté du 28 juillet 1848, signé par le général Cavaignac, alors président du pouvoir exécutif.
Tout récemment le gouvernement a donné une investiture nouvelle à ce comité dont les attributions sont déterminées par les articles 1, 2, 3, 5 et 6 de l'arrêté du 20 novembre 1852. J'ai voulu me rendre compte de l'accueil qu'en d'autres temps la chambre avait fait à une semblable idée. Je me suis convaincu par les débats sur les budgets de 1843, 1844, et surtout 1847 que beaucoup de membres et les anciens chefs du département des travaux publics, MM. Dechamps, de Bavay et Desmaisières, avaient déclaré vouloir donner suite à cette idée à laquelle ils ne s'étaient pas montrés hostiles.
Moi-même, dans l'exposé des motifs de la loi sur les recettes du chemin de fer, je me suis exprimé en ces termes :
« En terminant cet exposé, nous croyons devoir faire mention d'une idée qui s'est produite à plusieurs reprises dans cette enceinte, lors de la discussion du budget des travaux publics. On a plusieurs fois entretenu la chambre de l'institution d'une commission permanente près I'administration du chemin de fer. Il est possible qu'une semblable institution puisse, dans certaines conditions, rendre des services à un ministre ; ce résultat ne pourrait, dans tous les cas, être atteint que par un choix judicieux des éléments dont elle devrait se composer, et qu'en fixant le caractère et le but de la commission, elle ne pourrait réellement être utile qu'à la condition de ne revêtir aucun caractère politique et de ne pas s'attribuer la mission d'un conseil d'Etat ; il faudrait que cette commission choisie en dehors de l'administration des chemins de fer, d'hommes pris dans l'administration, dans l'industrie et dans le commerce, fût considérée uniquement comme une commission consultative pour éclairer le ministre, sans peser en aucune façon sur les décisions. Le chef actuel du département des travaux publics se livre en ce moment à l'examen de la solution pratique de cette question. »
Messieurs, pour donner à la chambre une preuve, entre plusieurs autres, de l'économie notable qu'il y aurait moyen d'introduire dans les dépenses du chemin de fer, je lui soumettrai seulement cet exemple.
Il y a 77 convois de voyageurs et 93 de marchandises, total 170 par jour.
Si l'administration du chemin de fer, passant outre à toutes les réclamations, supprimait seulement deux convois par chaque ligne, voici quelle serait l'économie.
Un convoi sur l'ensemble des lignes (aller et retour), donne 240 lieues.
Donc deux convois donneront 480 lieues.
Or, nous avons vu que la traction coûte 50 c. par kilomètre, soit 2 fr. 50 c. par lieue. Ce qui pour 480 lieues donnerait une économie de plus de 1,200 fr. par jour et de plus de 400 mille fr. par an.
Un des chemins de fer le mieux administrés, qui donne des produits considérables, où les conditions d'exploitation sont excellentes, où tous les convois avec des chargements considérables sont en descente, de sorte qu'on les compose de 40, 50 et jusqu'à 80 waggons à marchandises, le chemin de fer de Cologne à Minden a par jour 12 convois de voyageurs, dont 6 seulement parcourent toute la ligne entière et 23 convois de marchandises, dont 2 parcourent toute la ligne. Il y a par conséquent 135 convois par jour de moins que sur notre chemin de fer. Peut-on comparer les dépenses de ce chemin de fer à celle du nôtre ?
On parle de la dépense du coke ; on dit qu'elle est trop considérable. Mais l'honorable M. Desmaisières a déjà expliqué les progrès de l'administration sous ce rapport.
En 1840, on consommait 98 kilog. par lieue. En 1851, on n'a (page 605) consommé que 51 89/100 par lieue. La diminution est donc de 47 kilog. par lieue parcourue.
L'honorable M. Van Grootven, au commencement de la séance, a désiré quelques renseignements au sujet des intentions du gouvernement sur le prolongement du canal de Schipdonck à la mer. Il y a dans cette question, dont la chambre vraiment ne devrait plus s'occuper, deux points très distincts : un point de droit, un point de fait.
Le point de droit est celui-ci : « La chambre peut-elle aujourd'hui intervenir pour déterminer la direction générale du canal de Schipdonck à la mer ? » Il est évident que cette question ne peut être résolue que négativement, que la direction générale du canal a été suffisamment indiquée par la loi de décembre 1851 sur les travaux publics et que nous sommes tombés tous d'accord pour donner notre approbation au canal de Schipdonck vers la mer à Heyst.
Du reste, s'il était nécessaire de citer un précédent, je demanderais si, lorsqu'on à construit le canal de Deynze à Schipdonck, on a consulté les localités intéressées.
On parle d'enquête ; mais c'est l'enquête qui a été faite qui a déterminé la décision prise dans cette chambre. De manière qu'au sujet de cette affaire, il n'y a plus qu'à décider adminislrativement, et en dehors de toute intervention législative.
La question de fait est celle de savoir si quelques intérêts ne se trouveront pas compromis. Je n'hésite pas à dire que la chambre, à cette époque, a parfaitement apprécié tous les intérêts, et que ceux de la Flandre occidentale auront, soyez-en persuadés, toute satisfaction.
Quoique le gouvernement se soit prononcé pour le tracé vers Heyst, il n'a pas hésité à soumettre à un examen très approfondi les réclamations de Blanckenberghe.
Je puis dire qu'avant peu l'on mettra la main à l'œuvre pour la section de Damme vers la mer. Je donnerai même des instructions à l'ingénieur de la Flandre orientale pour s'occuper des études relatives à la section de Schipdonck à Damme.
Quant à moi, messieurs, je ne négligerai rien pour que ce travail s'accomplisse le plus promptement possible.
M. Osy. - J'avais précisément demandé la parole afin d'insister auprès de M. le ministre pour l'institution d'une commission attachée au département des travaux publics, chargée d'examiner s'il n'y aurait pas moyen d'introduire des économies dans l'exploitation du chemin de fer. Vous voyez qu'il est impossible de suivre tous les chiffres que nous ont donnés M. le ministre et M. le rapporteur. Vous voyez que la différence est beaucoup trop considérable, et qu'il nous est impossible de pouvoir la juger.
Maintenant que M. le ministre a pris l'engagement de nommer cette commission, nous pouvons ajourner après l'examen qu'elle en aura fait, la discussion sur les économies qu'il y aurait à faire.
Je pense que, comme les administrations du chemin de fer, en France, ont trouvé convenable de mettre en adjudication la traction des voitures ; je crois qu'au moins ce changement pourrait être introduit ici. Je suis persuadé que les calculs que nous a donnés M. le ministre des travaux publics contiennent une erreur. Il m'est impossible de croire, comme il nous l'a dit, que le prix de la houille en France et ici soit comme 115 à 68. Cette différence me paraît beaucoup trop forte.
Messieurs, je ne m'occuperai donc pies de la question des dépenses ; mais quant à ce qui concerne les recettes, je regrette que le gouvernement ne nous ait pas soumis le travail que la loi de 1851, relative au tarif des voyageurs, lui faisait une obligation de nous remettre. Cette loi déclare qu'un travail indiquant les résultats du nouveau tarif sera remis à la chambre avant le 1er juin 1852.
Voilà donc huit mois que nous devons en être saisis. Il est impossible qu'une administration bien organisée ait besoin de huit mois pour faire un pareil travail.
L'honorable M. Vermeire qui, certainement, n'a pas tous les éléments que possède l'administration centrale, nous a donné aujourd'hui des chiffres tels que véritablement il n'y a qu'à contrôler s'ils sont exacts. Il nous a dit que l'augmentation de la recette sur les voyageurs, qui est, selon moi, d'environ 600,000 fr. portait surtout sur les voitures de première et de deuxième classe, que les voitures de troisième classe n'avaient donné que 10 p. c. de l'augmentation.
On comprend difficilement qu'une administration qui compte 146 employés, n'ait pu en huit mois faire un travail semblable.
Si l'on y mettait quelque bonne volonté et si des instructions sévères étaient données, ce travail pourrait être fait non pas en huit mois, mais en huit jours.
J'engage l'honorable ministre des travaux publics à donner les ordres les plus précis pour que ce travail nous soit soumis dans la session actuelle. Nous pourrons alors connaître les résultats d'une manière positive et examiner s'il n'y aurait pas quelque modification nouvelle à introduire dans le tarif des voyageurs. Comme j'ai eu l'honneur de vous de dire, je crois qu'on pourrait augmenter le tarif pour les convois de grande vitesse ; ce seraient surtout les étrangers qui payeraient cette augmentation, et quant aux voyageurs nationaux qui prendraient les convois de grande vitesse, ce serait une contribution volontaire qu'ils supporteraient.
M. le ministre des travaux publics nous a dit que l'exploitation du chemin de fer se fait lentement, à cause des arrêts nombreux dans les stations intermédiaires. Je conçois que toutes les localités intermédiaires désirent autant que possible avoir des points d'arrêt pour leurs voyageurs ; mais je ne sais si, sous ce rapport, il n'y a pas luxe. Je ne citerai qu'une seule section, celle de Vilvorde : si je suis bien informé, 23 convois par jour s'arrêtent à cette station. Le convoi de voyageurs de Bruxelles pour Anvers s'y arrête ; un quart d'heure après, c'est celui de Bruxelles pour Gand ; un quart d'heure après, c'est celui de Bruxelles pour Liège.
Voilà donc en une heure trois convois qui s'arrêtent à Vilvorde. Je demande si l'on ne pourrait pas établir que les voyageurs de Bruxelles pour Vilvorde devront prendre le convoi de Bruxelles pour Anvers, par exemple, et éviter ainsi aux deux autres convois un retard qui n'est pas moindre de cinq minutes, si l'on tient compte du ralentissement de la marche avant l'arrivée et au départ, et au temps qu'il faut laisser aux voyageurs pour descendre.
Messieurs, je conçois qu'aussi longtemps que nous n'avons pas partout des doubles voies, il y aura, sur certaines lignes, des retards dans la marche des convois. Sous ce rapport, je regrette que le gouvernement ne soit pas à même de nous proposer les fonds nécessaires pour établir ces doubles voies. Mais je répéterai ce que j'ai dit dans mon premier discours, c'est bien la faute de M. le ministre des travaux publics s'il n'est pas en possession de ces fonds. Il y dix-huit mois, nous avons voulu lui donner 5 millions ; il ne les a pas voulus ; et aujourd'hui, par le projet qu'il nous a proposé et dont nous nous occuperons bientôt, M. le ministre avoue lui-même qu'aujourd'hui la dépense est devenue plus que nécessaire, qu'elle est urgente, que même, si l'hiver avait été rigoureux, on aurait dû stater beaucoup de transports.
Je regrette, messieurs, que dans les crédits qui nous sont demandés, il n'y ait rien pour les stations. M. le ministre en me répondant relativement à la station d'Anvers, m'a dit, comme je m'y attendais, que le génie militaire mettait encore obstacle à ce que cette station fût définitivement établie à Borgerhout, qu'il faisait toujours des réserves quant à cette station.
Messieurs, voilà bientôt 18 ans que le chemin de fer est en exploitation.
Il me semble que dans ce laps de temps le département des travaux publics aurait pu se mettre d'accord avec le génie militaire pour décider si la station provisoire deviendra définitive.
L'année dernière vous avez fait une grande dépense pour vos hangars, vous devrez en faire d'autres, pour créer des abris à votre matériel et aux marchandises. Il est donc essentiel d'avoir une décision pour que toutes ces dépenses ne deviennent pas inutiles.
Je crois, du reste, que cette question des réserves du génie militaire pourrait aujourd'hui mieux que jamais être décidée, car de la manière dont on fortifie la ville d'Anvers, tous les forts se trouvent en dehors des faubourgs, et la station se trouve entre la ville et le faubourg. Je crois dès lors que le génie militaire ne doit plus concevoir aucune inquiétude et qu'il peut permettre d'établir définitivement la station où elle se trouve aujourd'hui.
J'espère que cette question sera bientôt résolue, et que M. le ministre des travaux publics s'entendra alors avec M. le ministre des finances pour obtenir les fonds nécessaires à l'établissement d'une station définitive. Car il faut convenir que la station d'Anvers, qui, d'après les propres paroles de M. le ministre des travaux publics, donne le plus de voyageurs, qui donne presque toutes les recettes des marchandises, est dans une situation telle, que les étrangers doivent croire que le chemin de fer en Belgique est exploité de la manière la moins convenable possible.
Je compte sur la sollicitude du gouvernement pour l'achèvement de cette station, qui d'ailleurs est aujourd'hui devenue trop petite et devra être avancée vers la ville, si on veut éviter l'encombrement.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne veux présenter que quelques observations au sujet du relard que l'honorable M. Osy reproche à l'administration d'apporter dans la publication du rapport sur les résultats de l'expérience quant au tarif des voyageurs.
Je puis donner l'assurance à l'honorable membre que ce travail sera livré à la chambre d'ici à peu de temps et bien certainement dans le cours de cette session.
Il est évident, messieurs, que si je pouvais, pour établir ma conviction sur ce point, me baser sur les résultats généraux, sur les recettes renseignées chaque mois par l'administration, dans les tableaux publiés au Moniteur, rien ne serait plus facile que d'établir le relevé des recettes pour les exercices 1850, 1851 et 1852 ; mais je dois dire à l'honorable membre que ce n'est pas ainsi que j'entends l'expérience : l'honorable membre doit savoir que l'introduction du tarif de 40, 30 et 20 cent. a eu pour effet de réduire les prix sur un nombre considérable de relations, qu'elle a eu pour effet d'augmenter les prix sur un nombre plus considérable encore de relations et qu'il a eu pour effet de maintenir le statu quo en ce qui concerne un grand nombre d'autres relations.
Eh bien, pour arriver à l'appréciation juste, loyale (je déclare que, de mon côté, je n'y mettrai pas la moindre partialité), n'est-il pas convenable que je fasse le dépouillement de toutes ces relations ? Ce sont ces dépouillements multiples si considérables, qui occasionnent des retards.
Oh ! si j'en étais quitte pour faire le relevé entre Bruxelles et Ostende, entre Bruxelles et Anvers, entre Bruxelles et la frontière prussienne, ce serait bientôt fait ; mais il faut faire le relevé de toutes les relations où il y a eu relèvement des prix, de toutes les relations où il y a eu (page 606) diminution des prix, de toutes celles où les prix existants ont été maintenus.
Nous verrons alors quel a été le résultat de l'application du nouveau tarif sur chacune de ces trois catégories de relations.
D'après les éléments que je possède et d'après les études auxquelles je me suis livré, je crois que le résultat final sera à peu près celui-ci : sur les grandes relations, sur les relations entre les villes importantes, par exemple entre Gand et Bruxelles, l'augmentation des prix n'aura pas amené de dépression dans la circulation, et il y aura augmentation de recettes ; mais sur toutes les petites relations, celles qui fournissent les mouvements les plus abondants et les plus fructueux, là l'augmentation des prix aura eu pour résultat, non pas seulement de déprimer la circulation dans une proportion assez notable, mais même d'influer d'une manière défavorable sur les recettes.
Je pourrais à cet égard multiplier les citations, si j'avais les documents sous les yeux, je n'en ferai qu'une de mémoire. Entre Gand et Nazareth, il y a un mouvement très considérable de voyageurs et une recette très importante ; le nouveau tarif a eu pour résultat d'augmenter les prix de 20 ou de 25 centimes ; la distance est de 3 lieues ; il arrivait à Gand 60 ou 70 paysans. (Interruption.) On a établi les distances légales, et celle circonstance a eu pour résultat d'atténuer les effets du tarif.
Eh bien ces 60 ou 70 paysans qui voyageaient en waggon, vont maintenant à pied. Il en est de même sur beaucoup d'autres relations.
Entre Anvers et Bruxelles les prix ont été élevés, mais d'une manière peu sensible et la circulation n'en a pas souffert le moins du monde et les recettes ont été plus considérables, mais entre Liège et Verviers, où les prix ont été diminués dans une forte proportion, la recette a été beaucoup plus abondante par suite d'une augmentation considérable de la circulation, due à l'abaissement des prix.
Il y a donc ici à calculer, à examiner et à discuter. Le rapport sera soumis à la chambre très prochainement.
M. Sinave. (Nous donnerons son discours que l'honorable membre continuera dans la séance de demain.)
- La séance est levée à 5 heures et quart.