(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
M. Ansiau (page 431) procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
- La séance est ouverte.
Il est procédé, par la voie du tirage au sort, à la composition des sections de janvier.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Lagasse, notaire à Bruxelles, propose des mesures pour faciliter l'accomplissement de l'obligation prescrite par l'article 9 des dispositions transitoires de la loi sur les hypothèques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Gand demandent l'abolition ou la révision de la loi sur la garde civique. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.
« Les électeurs de la commune de Boom demandent que les habitants des campagnes puissent exercer leurs droits électoraux dans la commune de leur domicile, et que chaque district électoral, composé de 40,000 âmes, ait à procéder à la nomination d'un représentant. »
« Même demande des électeurs de la commune de Rumpst. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Warneton réclame l'intervention de la chambre pour que la place de commissaire de police de Warneton soit supprimée, et que le traitement de ce magistrat, tant pour le passé qu'éventuellement pour l'avenir, soit mis à charge des communes de Warneton et de Hoegsteert. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Leysele demandent que le sieur Warlop, leur artiste vétérinaire, puisse continuer à exercer son art. »
- Même renvoi.
« Lesieur Berdoux, milicien de la levée de 1844, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir son congé définitif. »
- Même renvoi.
« Le sieur Moreau demande que la loi fixe les conditions requises pour être appelé au service actif de la garde civique. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.
« Le sieur Lejeune demande le payement des termes arriérés de son traitement d'instituteur communal et l'exécution de l'arrêté royal du 18 mai 1849 portant que les instituteurs seront payés par trimestre. »
- Renvoi à la coinoassi -n des pétitions.
« Le sieur Polel, cultivateur et distillateur à Modave, demande une loi qui assimile dans une juste proportion, la race ovine à la race bovine, pour l'engraissement dans les distilleries agricoles, et qui permette au gouvernement d'assurer contre la grêle les récoltes des cultivateurs. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Falisse et Trapman demandent une réciprocité de droits avec la France pour les gardes, les armes de guerre et de chasse et les amorces fulminantes pour ce» amies. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport de la pétition des fabricanlb de cardes de Verviers et renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Le comice agricole de Nivelles déclare adhérer à la pétition des distillateurs agricoles, tendant à modifier la loi sur les distilleries. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Arquennes prie la chambre d'adopter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Manage à Erquelinnes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Thielens, ancien soldat, demande une gratification. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Piéton et Quanonne, président et secrétaire de la commission des maîtres de poste, demandent la suppression de l'article du projet de loi sur la contribution personnelle, qui frappe les chevaux de poste tenus en vertu des règlements. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Des habitants de Stuyvekenskerke demandent la révision de la loi sur la milice. »
« Même demande des habitants de Saint-Jacques-Cappele. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Bery demande que le gouvernement soit autorisé à concéder l'embranchement du chemin de fer de Tongres vers Ans ou Fexhe, avec la garantie stipulée par la loi, et à se charger de l'exploitation et de l'entretien de cette voie, moyennant la moitié da produit de la recette brute. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Lichtaert prie la chambre de voter une somme pour l'exécution de travaux destinés à prévenir les inondations de la Petite-Nèthe ou de prescrire les mesures réparatrices nécessaires. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Le conseil communal de Lierneux présente des observations contre l'interprétation donné par le gouvernement aux articles 20 et 23 de la loi sur l'enseignement primaire, et prie la chambre de modifier ces articles s'ils ne peuvent recevoir une autre interprétation. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Bouchaute demande le prompt achèvement du canal de Zelzaete. «
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Les sieurs Verschave, distillateurs à Ypres, présentent des observations au sujet du rapport de la commission sur la pétition des distillateurs de Louvain et d'Aerschot. »
- Sur la proposition de M. Van Renynghe, renvoi à la commission d'industrie, avec demande d'un prompt rapport.
« Les électeurs de Lille-Saint-Hubert demandent que les élections pour les chambres puissent se faire au chef-lieu du canton judiciaire ou de milice. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vermeersch, ancien militaire, réclame l'intervention de la chambre pour être remis en jouissance de la pension qui lui a été accordée en 1842. »
- Même renvoi.
« La chambre de commerce de Liège déclare appuyer la pétition présentée à la chambre par la société concessionnaire du chemin de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage, concernant les distances légales et le système de tarif adoptés pour l'exploitation de ces lignes. »
- Sur la proposition de M. Lesoinne, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des marchandises expédiées par le chemin de fer de l'Etat.
« Quelques propriétaires prient la chambre d'adopter la proposition de loi concernant l'exemption de droits en faveur des actes relatifs à l'expulsion de certains locataires. »
« Même demande des notaires de l'arrondissement de Tournai. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi.
« Le sieur Saurel prie la chambre de statuer sur sa demande de grande naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Plusieurs membres des quatre légions de la garde civique de Bruxelles demandent que la garde civique soit divisée en deux bans. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui modifie l'article 24 de îa loi sur la garde civique.
« L'administration communale de Menin demande une loi qui assure l'exécution des obligations imposées aux concessionnaires des chemins de fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les médecins et pharmaciens du canton de Florenville présentent des observations contre le projet de loi de la commission portant interprétation de l'article 18 de la loi sur l'art de guérir. »
« Mêmes observations des chirurgiens, médecins et pharmaciens de Nivelles, des cantons d'Enghien, Hal, Lessines, Soignies, Flobecq et Beeringen ; des sieurs Van Meer, Leurquin et autres membres du cercle pharmaceutique du Hainaut ; du sieur Petit, chirurgien accoucheur à Watou et des sieurs Demoulin, Henroz et Tosquinet, docteurs en médecine. »
Dépôt sur le bureau pendant îa discussion du projet de loi.
« Le sieur A.-H.-J. Guisez, mécanicien à Molenbeek-Sainl-Jean, né à Aix-la-Chapelle (Prusse), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Vattemare, agent des échanges internationaux, propose des mesures pour faciliter et régulariser le système d'échange de livres. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Gheel prie la chambre d'autoriser la concession, demandée par la société Riche Resteaux et frères, d'un chemin de fer d'Arschot à Turnhout par Gheel. »
(page 432) « Même demande des administrations communales de Westerloo et de Weerle. »
- Même renvoi.
« La dame Meert, veuve du sieur Van Nuffel, ancien militaire, réclame l'intervention de la chambre, pour obtenir une pension ou un secours. »
- Même renvoi.
« Le sieur A.-L. Notermans, maréchal-ferrant à la première compagnie de la division du train d'artillerie, à Liège, demande de pouvoir effectuer le payement du droit auquel est assujettie la naturalisation qu'il a demandée, au moyen de sommes versées mensuellement ou trimestriellement, à provenir soit de la retenue intégrale de sa solde journalière et de sa masse d'habillement, soit de l'indemnité fixée pour la ferrure des chevaux, ou au moyen de telles mesures analogues qui seraient proposées par le département de la guerre. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal d'Escornaix demandent qu'il soit interdit aux hospices de recevoir des indigents sans l'assentiment des administrations communales, et que ces établissements ne puissent réclamer des communes que les frais d'entretien. »
- Même renvoi.
« Le sieur C. Heyvaert, greffier de la cour des comptes, demande la place de conseiller vacante à cette cour.
« Même demande du sieur A. d'Anethan, receveur des contributions à Bruxelles, conseiller honoraire au conseil des mines et du sieur Ista, commissaire du gouvernement près la Société Générale. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Messages du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de loi relatifs aux objets suivants :
« Crédit provisoire de 7 millions au département de la guerre ;
« Approbation de la convention provisuire conclue, le 9 décembre 1852, entre la Belgique et la France ;
« Contingent de l'armée, pour 1853 ;
« Crédit extraordinaire de$ 811 fr. 2 c. ouvert au département des affaires étrangères ;
« Crédits au département des finances ;
« Crédit provisoire de 2,683,847 fr. 19 c. au ministère des travaux publics ;
« Budget du département des affaires étrangères, exercice 1853 ;
« Prorogation de la loi concernant le tarif des correspondances télégraphiques.
« Budget du ministère de l'intérieur exercice 1853.»
- Pris pour notification.
« Message du sénat, accompagnant l'envoi du projet de loi portant révision des livres 1 et II du Code pénal. »
- Sur la proposition de M. le président, renvoi à la commission qui a examiné le projet de loi primitif.
« Dépêche de M. le ministre de la justice, annonçant le décès du sieur J.-G.-F. Borghaus, négociant à Liège, qui avait demandé la naturalisa-lion ordinaire. »
- Pris pour information.
« Dépêche de M. le ministre de la justice, accompagnant l'envoi des pièces relatives à la demanda de naturalisation du sieur C.-J. Feys, caporal au 8ème régiment de ligne, »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Jacques Fernand fait hommage à la chambre d'une pièce de vers intitulée « Les Martyrs de 1830. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Dépêche de M. Th. Fallon, présicent de la cour des comptes, annonçant qu'un siège de conseiller à cette cour est vacant par suite du décès de M. Constant de Tournai. »
- Pris pour information. Le jour de l'élection sera ultérieurement fixé.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre le compte des dépenses et recettes effectuées du 1er janvier au 21 juin 1852 en vertu des lois du 31 juin 1849 et du 18 avril 1848. »
- Impression, distribution et renvoi à la commission permanente des finances.
« Par dépêche en date du 7 janvier, M. le ministre de la justice informe la chambre que la demande en naturalisation du sieur Hellembrandt, Vincent, transmise à son département est inutile, l'impétrant étant né en Belgique d'un père étranger et se trouvant encore dans le délai utile pour faire la déclaration exigée par l'article 9 du Code civil. »
- Pris pour information.
« Par dépêche en date du 14 janvier, M. le ministre de la justice informe la chambre que le sieur lrich, François, dont la demande de naturalisation a été transmise à son département, a déclaré ne pouvoir acquitter, le cas échéant, le droit d'enregistrement. »
- Pris pour information.
- M. d'Hoffschmidt, retenu au lit depuis plusieurs jours par une indisposition, demande un congé de dix jours.
- Ce congé est accordé.
MM. Dumon et de Denterghem demandent également un congé de quelques jours pour cause d'indisposition.
- Ces congés sont accordés.
M. le ministre des finances (M. Liedts). présente un projet de loi portant suppression des droits de sortie inscrits dans le tarif des douanes, sauf quelques exceptions.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution efr le renvoi aux sections.
M. le ministre des finances (M. Liedts). présente les projets de loi de crédit supplémentaire ci-après :
1° 106,810 fr. 90 c. au département des finances.
2° 462,806 fr. au département des travaux publics.
3° 53,000 fr. au département des affaires étrangères pour réparation et armement du brick « le Duc de Brabant ».
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi, en ordonne l'impresssion et la distribution.
M. Osy. - La section des travaux publics n'ayant pas terminé l'examen du budget, je proposerai de lui renvoyer le crédit supplémentaire concernant ce département.
M. le président. - Les deux autres demandes de crédits supplémentaires pourraient être renvoyées respectivement aux sections centrales des budgets des finances et des affaires étrangères.
M. Rousselle. - Le budget des finances ayant été examiné avant les élections, beaucoup de membres ne se trouvent pas représentés dans la section centrale.
M. le président. - D'après cette observation, je proposerai de renvoyer ;
La première demande de crédit aux sections.
La deuxième à la section centrale du budget du département des travaux publics.
La troisième à la section centrale du budget des affaires étrangères.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre de la guerre (M. Anoul) présente un projet de loi concernant l'organisation de l'armée.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la guerre de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi aux sections.
M. le ministre de la justice (M. Faider) présente un projet de loi ayant pour objet l'interprétation de l'article 14 de la loi du 25 mars 1841, en matière de compétence civile.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à une commission à nommer par le bureau.
M. Rodenbach. - Messieurs, une commission a été nommée par M. le ministre de la guerre, relativement aux changements à apporter dans l'uniforme de l'infanterie. Si je suis bien informé, il paraît que cette commission a proposé de substituer, pour toute l'armée, à la toile le calicot écru qui n'est pas, comme chacun sait, fabriqué avec du lin, pour les chemises, les caleçons, les pantalons et les doublures des autres vêtements. Vous le savez, l'agriculture, dont le lin est l'un des produits les plus importants, périclite d'autant plus que nos tarifs des douanes, éminemment favorables à l'industrie manufacturière par l'élévation des droits, sont désastreux pour elle, puisqu'ils frappent les produits étrangers de droits insignifiants. La mesure proposée serait le coup de grâce donné aux Flandres et à l'industrie linière qui est la principale industrie de ces provinces.
Je ne puis croire que, dans de telles circonstances, le gouvernement soit disposé à accueillir une pareille proposition. J'aime à croire qu'il n'a pas encore été pris de résolution. Je désirerais cependant que le gouvernement voulût bien donner à ce sujet une explication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je suis persuadé qu'il n'entrera jamais dans les intentions de la chambre d'examiner la question de savoir si le ministre de la guerre peut admettre une certaine partie de cotons dans la confection des chemises militaires. Ce serait, permettez-moi de le dire, une discussion qui serait au-dessous de sa dignité.
Quoi qu'il en soit, je déclare formellement que jusqu'ici rien n'est arrête sur ce point.
M. Rodenbach. - Je suis content. (Interruption.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je dois cependant déclarer à l'honorable M. Rodenbach que le gouvernement entend pouvoir régler ces sortes de choses, qui sont tout administratives, sans le concours de la chambre.
- L'incident est clos.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à l'amendement proposé par la section centrale ?
M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Oui, M. le président.
M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur l'article unique du projet de la section centrale.
(page 433) Il est ainsi conçu :
« Article unique. Les officiers d'origine étrangère qui ont été mis dans la position de non-activité, par arrêté royal du 4 avril 1832$, n°8065, seront admis à la pension de retraite.
« Leurs pensions seront fixées aux trois quarts de la solde d'infanterie, sans que, toutefois, elles puissent être inférieures à celles qui seraient accordées, en vertu de la loi du 28 mai 1838, après quarante années de service et dix années de grade.
« Le traitement d'activité de leur grade sera payé jusqu'au jour de la mise à la pension. »
M. Moxhon. - Messieurs, en demandant la parole dans la discussion actuelle, ce n'est pas pour m'opposer à la mesure qui vous est proposée. C'est plutôt pour exprimer mon regret de ce qu'elle ne s'étende pas à tous les officiers nés sur le sol étranger.
Je n'examinerai pas si les hommes qui ont présidé aux premières destinées du pays ont agi avec la prudence désirable en attirant dans les rangs d'une armée belge permanente des militaires de toutes les nations. Je me tairai sur ce point, en acceptant les faits accomplis.
Ce qui m'importe, ce qui importe au peuple belge, c'est d'avoir l'intelligence de sa position politique dans la situation où se trouve l'Europe.
J'estime donc que le gouvernement ne devrait pas hésiter à ne confier sa défense qu'à des Belges par l'origine, par le sang et étendre la mesure qui vous est proposée, sans distinction sur tous ceux qui nous ont offert l'appui de leur bras.
La position géographique de la Belgique, le dévouement des Belges aux institutions qu'ils se sont données, leur imposent d'impérieux devoirs ; ils doivent de plus en plus resserrer les liens de leur nationalité. Je n'en fais aucun doute, en cas de danger la nation saura se montrer à la hauteur des événements.
L'homme de cœur ne perd jamais le souvenir de sa première patrie ; et quel est le militaire qui ne porte l'amour de cette patrie jusqu'au fanatisme ? Quelle confiance pourrait-on avoir sur le champ d'honneur dans celui qui tirerait son épée contre cette patrie ? Un officier honnête homme brisera cette épée sur le champ de bataille plutôt que de s'en servir contre ses anciens frères.
Fort de cette conviction, aucune considération ne m'arrêtera pour dire ma pensée : c'est qu'il est dangereux pour l'avenir d'avoir dans l'armée d'autres officiers que des Belges.
La conduite loyale et honorable qu'ont tenue les officiers étrangers dans les rangs de notre armée leur fait comprendre qu'ils se trouveraient dans la position la plus pénible pour des hommes de cœur, si, à ce que Dieu ne plaise, une guerre venait un jour à éclater et les obligeait à abandonner nos rangs à la veille d'une bataille.
Une nation a toujours le droit de veiller à sa conservation, fût-ce même en froissant quelques intérêts particuliers, c'est au nom de ce principe de conservation personnelle, que j'engage le ministère à s'imposer une douloureuse initiative, en proposant une loi qui rende générale la mesure exceptionnelle soumise à voire délibération.
Je voterai pour le chiffre de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie.
M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour faire une simple question à M. le ministre de la guerre.
J'ai vu, dans le rapport de la section centrale, que par le projet qu'elle propose et auquel M. le ministre s'est rallié, on accorde au major qu'il s'agit de pensionner 550 fr. de plus qu'au major belge qui serait mis à la pension, qu'on lui fait ainsi à peu pris la position accordée au colonel belge. Je remarque aussi que les capitaines n'auront annuellement que 45 fr. de moins que le major belge mis à la pension.
D'autre part, je vois que les lieutenants et les sous-lieutenants polonais, c'est-à-dire les officiers qui ont les grades les plus inférieurs n'ont que les trois quarts de leur traitement, qu'on leur fait la même position qu'aux officiers belges de notre armée, qui ont le même grade.
Je demande pourquoi les lieutenants et les sous-lieutenants ne sont nullement favorisés par la section centrale et par le gouvernement, tandis que toute la protection est accordée aux officiers supérieurs. Je vois là une irrégularité et je dirai presque un déni de justice. Je désire avoir une explication sur ce point.
M. Lelièvre. - Le projet de loi soumis à la chambre consacre un principe de justice qui ne sera contesté par personne. Si les nécessités politiques ont motivé une mesure commandée par l'intérêt du pays, il est juste que des hommes honorables, devenus nos concitoyens, reçoivent une indemnité équitable à titre d'une véritable expropriation de leur position, qu'ils ont subie pour cause d'utilité publique.
Il ne peut être question que de régler le montant de l'indemnité. Or, sous ce rapport, je pense que celle allouée par la section centrale n'est pas suffisante et qu'on devrait élever la pension de retraite aux trois quarts du traitement d'activité.
Qu'on ne perde pas de vue qu'on prise la carrière des honorables officiers dont il s'agit, qui avaient droit de compter sur leur traitement ordinaire pendant nombre d'années et qui, par une mesure à laquelle ils n'ont pas donné lieu par leur fait, se voient frappés dans leurs intérêts de famille.
La Belgique est trop grande pour marchander en pareille occurrence une indemnité convenable, elle est trop généreuse pour ne pas acquitter largement une dette aussi légitime.
J'espère donc que le gouvernement et la chambre se rallieront à ma proposition qui tend à majorer l'allocation énoncée au rapport de la section centrale. Je fais du reste remarquer que la différence est peu notable quant aux intérêts du trésor, car d'après les tableaux produits, elle ne s'élève qu'a six mille francs.
J'espère donc, qu'eu égard au circonstances particulières de l’espèce, cette majoration recevra votre assentiment et satisfera ainsi de légitimes intérêts. Je suis convaincu que la chambre croira qu'il est de sa dignité et de son devoir de se montrer généreuse envers des hommes qui ont rendu à la Belgique des services que nous ne méconnaîtrons jamais.
M. Magherman. - Messieurs, les officiers dont la loi qui nous est présentée, est appelée à régler la position, sont certes dignes de toutes nos sympathies : ce sont des hommes de cœur accourus à notre secours alors que la patrie était en danger ; des braves qui ont concouru à fonder et à défendre notre nationalité ; dont quelques-uns ont peut-être versé leur sang pour la Belgique et qui tous sont devenus Belges par la naturalisation.
Nous devons regretter que des considérations de haut intérêt aient dicté au gouvernement la mesure qui les atteint. Les officiers qui souffrent dans leurs intérêts par cette disposition, qui voient la carrière des armes brisée pour eux, s'y soumettent sans murmure ; ils comprennent que leur intérêt particulier doit fléchir devant l'intérêt général du pays.
Cependant dans ces circonstances, il est de la dignité nationale de réparer autant que possible l'effet désastreux de la mesure que le gouvernement a cru devoir prendre, et dans ces vues, j'accorde mon appuî à l'amendement de M. Lelièvre, mais seulement quant aux officiers appartenant aux grades inférieurs.
Messieurs, si les officiers d'origine étrangère qui sont l'objet du projet de loi qui nous occupe sont dignes de toutes nos sympathies, il est une autre classe d'officiers Belges de naissance, qui comme les premiers ont concouru à fonder notre nationalité, qui ont également droit à notre sollicitude, et dont les intérêts sont gravement compromis par la loi du 24 mai 1838 sur les pensions.
Je veux parler de quelques officiers qui en 1830 ont quitté la carrière civile pour voler à la défense de la patrie. Parmi ces officiers il s'en trouve qui à cette époque avaient déjà atteint un certain âge, qui conséquemment, d'après les lois de la nature, ne pourront pas rester assez longtemps sous les armes, pour que leur pension de retraite puisse être liquidée avantageusement.
Pour prix de leur dévouement à la patrie, ils voient devant eux un avenir sombre, une vieillesse dans laquelle ils devront s'imposer des privations.
Cette classe d'officiers est peu nombreuse ; l'amélioration de leur sort futur ne saurait imposer des sacrifices bien grands à la caisse des pensions.
J'appelle sur eux toute la sollicitude de M. le ministre de la guerre ; je le prie d'examiner la question avec maturité, et de présenter un projet de loi modifiant celle de 1838 en faveur de la classe d'officiers que je viens de signaler.
M. E. Vandenpeereboom. - Jusqu'à présent, messieurs, personne ne s'est opposé à la proposition faite par la section centrale, si ce n'est pour demander que certaines pensions soient augmentées. Remarquez, messieurs, qu'on ne peut trouver dans aucune loi la base de la pension à régler ; cela est si vrai que l'amendement proposé par l'honorable M. Lelièvre laisse encore subsister des anomalies. Ainsi, il restera des officiers qui n'auront, dans tous les cas, que 1,440 fr. Si vous voulez arriver à débattre les intérêts de chacun, il faut faire un tableau général, et dire : « Les pensions seront réglées conformément au tableau annexé à la présente loi. »
La section centrale, messieurs, a débattu toutes ces propositions, comme vous pouvez le voir par le tableau joint au rapport, et la majorité s'est arrêté à la demande qui figure dans la dernière colonne et d'après laquelle la pension sera calculée sur le pied des trois quarts de la solde d'infanterie. C'est sur cette solde, en effet, que les pensions sont toujours établies.
Vous voyez, messieurs, que le gouvernement s'est rallié, par deux fois, à la proposition d'augmentation faite par la section centrale. Ce qu'elle propose est supérieur de 2,800 fr. à la deuxième proposition et de 6,800 fr. à la première proposition du gouvernement.
Il est des membres de la section centrale qui ont soutenu la proposition de M. Lelièvre, mais ils n'étaient que deux et on est parvenu à se mettre d'accord sur le chiffre des 3/4 de la solde d'infanterie. Si la chambre veut faire quelque chose de plus et accorder aux officiers une pension plus forte, elle peut le faire, mais il restera toujours cette anomalie que les uns n'auront que 1,440 francs, tandis que d'autres auront des pensions considérablement augmentées.
La section centrale a conféré avec M. le ministre de la guerre. Ce haut fonctionnaire a démontré que ce qui est ici une position exceptionnelle pourrait se présenter encore et qu'il serait dangereux de poser le principe de pensions plus élevées que les trois quarts de la solde d'infanterie.
Je crois, messieurs, devoir insister, comme rapporteur, en faveur de la proposition de la section centrale, d'autant plus que l'amendement de M. Lelièvre n'atteint pas tout à fait le but que l'honorable membre s'est proposé.
M. Rodenbach. - M. Lelièvre et M. le rapporteur n'ont pas (page 434) répondu aux chiffres que j'ai présentés. Il reste vrai que le sort des lieutenants et des sous-lieutenants n'est pas du tout amélioré ; on les met sur le même pied que les lieutenants et les sous-lieutenants de l'armée belge, qui sont pensionnés, tandis que le major et le capitaine polonais qu'on pensionne sont favorisés, je le répète, beaucoup plus que ne le sont le major et le capitaine belges ; le major polonais aura presque la pension d'un colonel belge.
Pourquoi donner une faveur insigne aux officiers supérieurs et aux capitaines, alors que les officiers d'un grade inférieur, qui ont épousé des femmes belges, qui en ont eu de nombreux enfants, qui peuvent difficilement embrasser une nouvelle carrière, sont bien moins avantages ? Et pourquoi ? Parce qu'ils ont eu le malheur de n'être que sous-lieutenants. Les majors reçoivent une faveur de 550 fr. les autres, vous ne les favorisez pas du tout ; je ne sais si la chambre trouvera cette proposition acceptable ; mais pour moi, la main sur la conscience, je déclare que je ne puis pas avoir deux poids etcl deux mesures.
M. Lelièvre. - Je désirerais que le gouvernement voulût bien s'expliquer sur mon amendement et déclarer s'il l'accepte ou non. J'espère qu'il n'hésitera pas à s'y rallier, puisque l'indemnité par moi proposée est loin d'être exorbitante.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je demanderai à dire deux mots.
Le gouvernement a présenté une proposition qu'il regarde comme juste : c'est celle des deux tiers du traitement. La section centrale a fait un pas de plus : elle a porté la somme totale de 30,400 à 33,208 fr. La différence n'est donc, comme l'a dit l'honorable rapporteur que de 2,800 fr. environ. Le gouvernement n’a pas hésité à adhérer à cette nouvelle proposition. Maintenant l’honorable M. Lelièvre va plus loin encore : il veut porter la somme totale à 39,849 fr. : il interpelle le gouvernement pour savoir s'il adhère à la proposition ou s'il s'y oppose : le gouvernement vous a déclaré qu'il regardait comme juste ce qu'il vous a proposé, et il conserve cette opinion. Maintenant il n'entend pas pour cela combattre la proposition de l'honorable M. Lelièvre. Si la chambre trouve à propos de se montrer généreuse, au lieu d'être strictement juste envers les officiers dont il s'agit, le gouvernement ne fera aucune espèce d'opposition.
M. Van Overloop. - Messieurs, quelle que soit la qualification que l'honorable M. Rodenbach ait cru devoir donner au projet de la section centrale, j'en assume ma part de responsabilité, attendu que j'ai fait partie de la majorité de cette section.
Messieurs, mes sympathies pour les officiers polonais ne sont pas douteuses : nonobstant ces sympathies, je dois cependant combattre l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, par cette seule considération que, si l'amendement venait à être adopté, il me paraît qu'il constituerait une injustice.
Que veut l'honorable M. Lelièvre ? Il veut qu'on prenne pour base de la pension les trois quarts du traitement d'activilé de l'arme, au lieu des trois quarts de la solde d'infanterie.
Eh bien, en principe, tous les officiers étrangers sont égaux. Si les officiers des armes spéciales ont un traitement supérieur à celui des officiers d'infanterie, c'est qu'ils ont à supporter plus de frais que ces derniers : mais si vous ôtez ces frais aux officiers des armes spéciales, si vous leur ôtez leur emploi, ils se trouvent sur la même ligne que les officiers d'infanterie, et par conséquent iis ne doivent pas être mieux traités que ces derniers.
Je crois que cette simple observation doit suffire pour convaincre la chambre qu'il y a lieu d'admettre le système proposé par la section centrale.
M. Lebeau. - Je crois que tout le monde est d'accord qu'il est impossible de confondre la position des officiers qui sont l'objet du projet de loi avec la position des autres officiers de l'armée. Il y a ici, non pas des principes à appliquer, mais une véritable exception à faire à des principes que nous ne voulons attaquer en aucune manière.
Je prie la chambre de bien faire attention à ceci, que les précédents ne sauraient être invoqués par personne, à moins que les intéressés ne fussent placés dans une position absolument identique à celle des officiers polonais. Il est évident qu'un officier, soit indigène, soit étranger, conservé dans les cadres de l'armée belge, ne pourra se prévaloir du précédent qui va être posé aujourd'hui, qu'autant qu'il fût dans une position analogue à celle des officiers dont nous nous occupons.
J'ai entendu avec plaisir l'honorable ministre des affaires étrangères, après a voir fait son devoir, comme membre du gouvernement, reconnaître que la chambre pourrait être plus que juste dans une circonstance semblable ; je pense, de mon côté, que la chambre doit non seulement par reconnaissance, mais par respect pour elle-même, pour la propre dignité du pays, se montrer généreuse envers des hommes dont on a brisé la carrière, à qui on a enlevé leurs chances d'avancement, et cela pour des motifs qui leur étaient étrangers, et dont ils ont cependant si bien compris l'importance, que nul n'a murmuré contre la décision si rigoureuse du gouvernement.
La conduite de ces honorables officiers, après la mesure qui les a frappés, a été aussi digne, aussi prudente qu'auparavant.
Je desirerais surtout que les officiers polonais trouvassent dans une mesure quelque peu généreuse, un témoignage de regret, d'estime et de sympathie de la part de la chambre des représentants.
C'est par ces considérations que j'appuierai la proposition de l'honorable M. Lelièvre.
M. Mercier. - La section centrale a cru donner une marque de sympathie aux officiers dont il s'agit, en augmentant les pensions proposées par le gouvernement lui-même. Je pense que c'est la proposition de la section centrale qui doit obtenir ia préférence, d'abord parce qu'elle est juste en elle-même, et ensuite parce qu'elle consacre moins d'anomalies. D'après la proposition de l'honorable M. Lelièvre, un capitaine d'infanterie, par exemple, n'aurait que 2,475 fr., tandis qu'un autre appartenant à la cavalerie aurait 3,486 fr. D'ailleurs, je ne pense pas que la proposition de la section centrale, en tant qu'elle concerne les officiers supérieurs, puisse donner lieu à aucune plainte légitime ; mais il n'en est pas de même à l'égard des officiers inférieurs.
La section centrale a été obligée d'adopter une base uniforme ; mais il est à remarquer que l'application de ces bases n'a point amélioré la position des officiers inférieurs dans la même proportion que celle des autres.
Je demanderai donc, à l'égard de ces officiers, une disposition spéciale qui augmente leur pension dune somme égale pour tous, somme que je fixe à trois cents francs.
Remarquez bien que la pension la plus élevée des lieutenants qui sont en cause, ne serait que de quatorze cents francs, tandis que la pension du capitaine serait de 2,475 fr. Cette disproportion est trop considérable. Je demanderai donc une mesure spéciale, afin que les officiers inférieurs trouvent dars leur pension des moyens d'existence suffisants.
Je rentre donc dans les idées de l'honorable M. Rodenbach, qui a présenté des observations dans ce sens. J'en fais la proposition. Je propose d'ajouter au deuxième paragraphe§ : « Toutefois, les pensions des lieutenants et sous-lieutenants établies d'après ces bases, seront augmentées chacune de 300 francs. »
M. Rodenbach. - J'appuie cet amendement.
M. Manilius. - Je me lève pour appuyer la proposition de M. Mercier : je ne me borne pas à cette déclaration, je veux y ajouter des raisons qui probablement se sont déjà présentées à vos esprits. Je ne puis marquer de répéter ce que vient de dire l'honorable M. Lebeau, qu'il faut avant tout que la chambre soit non seulement juste, mais équitable. La justice n'est que le strict droit, c'est l'équité qu'on doit consulter pour fixer la position des officiers dont on brise la carrière, surtout des officiers inférieurs, des lieutenants et des sous-lieutenants, il faut prouver que vous savez récompenser les officiers qui se sont dévoués ou se dévoueraient à la défense du pays, il faut qu'ils aient la certitude que jamais ils ne seront abandonnés ni par la représentation nationale ni par le gouvernement. Je crois inutile d'en dire davantage.
M. le président. - Je mets d'abord aux voix l'amendement de M. Lelièvre.
M. Rogier. - Je demande qu'on commence par l'amendement de M. Mercier.
- L'amendement de M. Mercier est mis aux voix et adopté.
L'amendement de M. Lelièvre est ensuite mis aux voix.
L'appel nominal est demandé.
Il est procédé à cette opération. (La séance est suspendue pendant quelques minutes après le vote).
M. le président. - Les membres du bureau ne sont pas d'accord entre eux sur le résultat du vote. En conséquence, l'appel nominal va être renouvelé.
M. Vilain XIIII. - Est-ce que les membres qui viennent d'arriver peuvent y prendre part, bien qu'ils n'aient pas pris part au premier vote ?
- Plusieurs membres. - Sans doute.
M. Vilain XIIII. - C'est une question très grave.
M. Delehaye. - Assurément, car si des membres viennent d'arriver, d'autres qui ont pris part au premier vote peuvent être sortis. Les membres du bureau ne sont pas d'accord entre eux. La seule chose qu'il y ait à faire, c'est de constater ce qui a eu lieu.
M. le président. - On n'est pas d'accord sur le résultat : et il n'y a pas moyen de le constater régulièrement.
M. Orts. - Je crois qu'on doit incontestablement recommencer l'appel nominal et y laisser prendre part tous ceux qui répondront à l'appel des noms. Car vous ne savez pas si les membres que vous appelez nous veaux ont voté ou n'ont pas voté. Si vous le saviez, il n'y aurait pas de doute sur le résultat de l'appel nominal. D'ailleurs envisagez la question sous son autre point de vue : il peut y avoir des membres qui ont quitté la salle. Comment pourriez-vous tenir compte de leurs votes ? Je crois que l'appel nominal est nul, parce que le résultat en est incertain et qu'il faut le recommencer.
M. le président. - Voici ce qui s'est passé. Pendant l'appel nominal, on a fait du bruit. Il y a eu, sur un vote, erreur soit de la part de M. le secrétaire soit de la mienne. J'ai cru que l'erreur pourrait être rectifiée par le secrétaire qui avait fait l'appel nominal. Mais il ne se trouve d'accord ni avec l'autre secrétaire ni avec moi.
Je persiste à croire qu'il faut recommencer l'appel nominal,
M. Deliége. - D'après ce qu'on vient de me dire, MM. les sténographes ont tenu note du nom des membres qui ont répondu à l'appel nominal et du vote qu'ils ont émis. Je demande qu'en vérifie la liste des sténographes.
(page 435) M. le président. - M. le président. - Je ne crois pas qu'on puisse prendre en considération les notes tenues par les sténographes ; les résultats recueillis par le bureau peuvent seuls être coasidérés comme officiels.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, la constatation d'un vote est un acte authentique. Il y a des personnes qui ont reçu de la chambre la mission de constater authentiquement le résultat des votes, il n'y a que ces personnes qui aient le pouvoir de faire cette constatation. C'est certainement un des actes les plus sérieux et les plus solennels qui puissent être posés, que celui de constater le résultat d'un vote sur une loi. Il faut donc s'en référer exclusivement aux personnes à qui la chambre a confié cette mission.
Ces personnes sont les membres du bureau. S'il n'y a pas de constatation suffisante, il faut recommencer le vote. Ce qui est nul ne produit aucune espèce d'effet, c'est-à-dire que le vote qui vient d'avoir lieu ne peut pas avoir dépouillé d'un droit quelconque les membres qui seraient entrés dans la chambre depuis un vote qui est nul par son incertitude même.
Je crois donc qu'il faut reprendre les choses au moment où l'on a constaté la nullité du vote. Voilà, me semble-t-il, la véritable doctrine constitutionnelle.
M. le président. - Ce qui vient de se passer montre combien il importe de ne pas faire de bruit pendant les appels nominaux. J'ai souvent demandé, je demande de nouveau le silence.
- Il est procédé à un nouvel appel nominal qui donne le résultat suivant :
67 membres prennent part au vote.
34 votent pour l'amendement.
33 votent contre.
En conséquence, l'amendement de M. Lelièvre est adopté.
Ont voté pour l'amendement = MM. T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Van Renynghe, de Baillet-Latour, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Moncheur, Orts, Prévinaire et Rogier.
Ont voté contre l'amendement : MM. Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Brixhe, Cans, Clep, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Ruddere, Faignart, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moxhon, Orban, Osy, Rodenbach et Rousselle (Ch.).
M. le président. - Deux amendements ayant été adoptés, nous ne procéderons au vote définitif que dans une prochaine séance. Je propose de mettre le vote définitif à l'ordre du jour d'après- demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je demanderai si la chambre ne voudrait pas fixer à mercredi ou jeudi la discussion du projet de loi interprétatif de la loi sur l'art de guérir. Ce projet, qui a un caractère d'urgence, figure à l'ordre du jour après le projet de loi concernant le chemin de fer d'Erquelinnes : il vaudrait mieux le discuter le premier.
- Plusieurs membres. - Demain.
- La chambre décide qu'elle s'occupera du projet dans la séance de demain.
M. le président. - Voici comment le bureau a composé la commission chargée d'examiner le projet de loi concernant l'interprétation de l'article 14 de la loi du 25 mars 1846 sur la compétence civile : MM. Delehaye, de Naeyer, Lelièvre, Orts, Roussel (Adolphe), Tremouroux et Van Overloop.
- La séance est levée à 4 heures et un quart.