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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 27 mars 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 967) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Rixensart déchre adhérer à la pétition de la ville de Wavre, relative au tracé du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »

« Même adhésion du conseil communal de Limelette. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du comice agricole de Laroche demandent la construction d'une route aux frais de l'Etat, entre Champion et Houffalize. »

- Même renvoi.


« Messages du sénat faisant connaître que cette chambre a adopté :

« 1° Un projet de loi concernant un transfert au budget du département de la guerre pour l'exercice 1851 ;

« 2° Un projet de loi qui ouvre au département de la justice, pour l'exercice 1852, un crédit supplémentaire de 20,000 fr. ;

« 3° Le projet de loi qui proroge la loi concernant les étrangers ;

« 4° Un projet de loi qui ouvre au département de l'intérieur un crédit extraordinaire de 110,000 fr. ;

« 5° Le projet de loi qui ouvre au département de l'intérieur un crédit extraordinaire de 150,000 fr. »

- Pris pour notification.


Il est procédé à la composition, par la voie du tirage au sort, des sections du mois de mars.

Projet de loi approuvant la convention additionnelle au traité conclu avec le Zollverein

Formation du comité secret

La chambre se forme en comité secret à 2 heures et demie.

A 4 heures trois quarts, la séance publique est reprise.

Vote de l’article unique

M. le président. - La discussion a été close en comité secret. L'article unique du projet de loi est soumis au vote de la chambre. Il est ainsi conçu :

« Article unique. La convention additionnelle au traité du 1er septembre 1844, conclue, le 18 février 1852, entre la Belgique et l'association de douanes et de commerce allemande, sorlira son plein et entier effet. »

- Cet article est mis aux voix par appel nominal et adopté par 41 voix contre 2 (MM. de Meester et de Renesse) et 18 abstentions (MM. Van Cleemputte, Cools, Coomans, Cumont, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Man d'Atlenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, Jacques, Landeloos, Malou, Manilius et Rodenbach.

Ont voté pour : MM. Rogier, Roussel (Adolphe), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom (Alph.), Vandenpeereboom (E.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Vermeire, Veydt, Allard, Anspach, Cans, Clep, Dautrebande, David, de Caillot (Hyacinthe), de Breyne, Debroux, de Denterghem, Delehaye, Delescluse, Delfosse, De Pouhon, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Lange, Le Bailly de TilIeghem, Le Hon, Lesoinne, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Pirmez et Verhaegen.

Les membres qui se sont abtenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Van Cleemputte. - Messieurs, la part peu avantageuse faite à certaines industries des Flandres dans le traité qui vient d'être voté par la chambre, m'a empêché d'émettre un vote affirmatif.

Des considérations politiques m'ont, d'un autre côté, empêché de le repousser ; sinon j'aurais émis un vote négatif.

M. Cools. - Messieurs, il m'eût été impossible de voter pour un traité que je regarde comme défavorable pour plusieurs branches d'industrie du pays, et principalement pour celle qui a son siège dans l'arrondissement que je représente ici.

D'autre part, comme le ministère a déclaré pendant la discussion qu'il suivrait avec attention l'expérience qui va avoir lieu, qu'il s'entourera de tous les renseignements désirables, et que s'il venait à lui être démontré que les craintes manifestées par les fabricants d'étoffes de laine n'étaient pas exagérées, on en tiendrait compte dans les négociations ; ayant d'ailleurs égard aux motifs qui doivent faire désirer au commerce et à l'industrie en général d'avoir de bonnes relations avec un pays aussi important que l'Allemagne, j'ai cru devoir m'absienir.

M. Coomans. - Je désapprouve le traité, mais je m'abstiens pour avoir l'occasion de déclarer que la discussion n'a pas été libre, attendu qu'on a fermé la bouche aux deux tiers des orateurs inscrits.

M. Cumont. - Je me suis abstenu p^ar les motifs que j'ai exposés en comité secret.

Je n'ai pas voté contre, parce que je n'ai pas voulu assumer la responsabilité de la perturbation que le rejet de la convention pourrait avoir momentanément pour nos industries. D'ailleurs, le peu de durée que doit avoir la convention atténuera le résultat fâcheux qu'elle paurrait produire.

Il m'a été impossible de voter pour, parce que nous n'avons obtenu aucune compensation pour les concessions nombreuses et très importantes que nous avons faites.

M. de Decker. - Je me suis abstenu par les motifs que viennent d'articuler M. Cools et M. Cumont.

M. de Haerne. - Le traité me paraît, surtout au point de vue des intérêts des Flandres, plus onéreux que celui du 1er septembre 1844, que je n'ai accepté qu'avec peine. Je crains, d'ailleurs, que les concessions nouvelles que nous venons de faire à l'Allemagne, sans compensations suffisantes, n'entraînent à d'autres concessions, également onéreuses, dans les traités à conclure avec d'autres puissances. Je crains que les industries flamandes ne soient de nouveau sacrifiées.

D'un autre côté, messieurs, la convention n'est que provisoire et elle laisse subsister l'espoir d'un meilleur avenir. Dans cette alternative, je me suis abstenu.

M. de La Coste. - J'étais disposé à voter pour le traité par des considérations politiques, mais les explications données par un des honorables ministres, ont tellement atténué les avantages du traité qu'ils ne me paraissent plus suffisants pour compenser les sacrifices qu'il impose au pays.

M. de Man d'Attenrode. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Coomans.

M. de Mérode. - Je me suis abstenu, parce que j'aime la libre-discussion et que j'étais dans l'incertitude sur les conséquences du traité.

M. de Muelenaere. - Indépendamment des raisons déjà données par plusieurs de mes honorables collègues, je me suis abstenu parce que je crains que ce traité, défavorable à d'importantes industries des Flandres, ne devienne le point de départ des négociations ultérieures avec le Zollverein. L'Allemagne considérera comme lui étant définitivement acquises toutes les concessions que renferme la convention du 18 février 1852.

M. de Theux. - Messieurs, bien que la convention provisoire soit onéreuse, j'aurais pu l'accepter à raison de sa courte durée, mais j'ai craint que l'on n'inférât de notre vote une disposition à voter un traité définitif sur les mêmes bases.

M. de T'Serclaes. - Je me suis abstenu, parce qu'il ne m'a pas été permis dans la discussion de faire connaître mon opinion et de répondre à MM. les ministres. Inscrit l'un des premiers, je n'ai pas eu la parole pour défendre les intérêts de mes commettants. Je veux protester contre la clôture des débats.

M. Dumortier. - J'étais disposé à voter pour le traité, mais quand j'ai entendu M. le ministre des finances dire que le traité était d'une complète nullité, il m'a été impossible de consentir aux sacrifices qu'il impose au pays.

M. Jacques. - Je n'ai pas voulu voter contre le traité, parce que j'attache beaucoup de prix à ce que nous conservions de bons rapports avec la Prusse et les autres Etats du Zollverein. Mais je n'ai pas pu voter pour le traité,parce qu'il accorde une réduction de 10 francs par hectolitre sur les 35 francs de droits de douane et d'accise que les vins étrangers doivent supporter d'après nos lois fiscales ; et ainsi que je m'en suis expliqué plusieurs fois l'année dernière, je ne puis pas consentir à ce que l'on réduise l'impôt sur le vin, lorsque l'on ne réduit pas l'impôt sur le sel et que l'on augmente les impôts sur le genièvre, sur la bière et sur le tabac.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole.

M. le président. - Je ne puis pas vous accorder la parole avant que les membres qui se sont abstenus aient fait connaître leurs motifs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'insiste pas, bien que je pense que j'aurais pourtant le droit de parler maintenant.

M. Landeloos. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de La Coste.

M. Malou. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs qu'ont fait connaître plusieurs de mes honorables collègues.

M. Rodenbach. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de Muelenaere.

M. Manilius. - Je n'ai pas volé pour la loi, parce qu'elle consacre des concessions onéreuses pour plusieurs industries importantes de notre pays, sans compensations suffisantes.

Si je n'ai pas voté contre la loi, c'est parce que je désire dire publiquement que l'interprétation du tarif de douane, quant aux tissus de toutes espèces, que l'on confond avec les ouvrages de modes relativement aux châles, ne peut être envisagée que comme concession spéciale en faveur du Zollverein exclusivement, et ne saurait servir comme règle générale pour nos bureaux de douanes, à d'autres frontières ou pour d'autres provenances ; en un mot, que notre législation générale n'est point changée ni pour les tissus, ni pour les ouvrages de mode, ni pour les châles ; les exceptions ne sont pas la règle, c'est mon avis.

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la chambre a pu apprécier la convenance des motifs donnés tout à l'heure par l'honorable M. Dumortier qui, ne faisant pas seulement allusion à ce qui ce serait passé en comité secret, mais me désignant nominativement, a (page 968) fondé son vote négatif ou son abstention sur l’opinion que j’aurais exprimée, savoir quele traité serait d’une complète inutilité. C’est là ce qu'a dit l'hororable M. Dumortier.

Je sais, messieurs, par expérience, combien on abuse du comité secret, et comment, quelques heures après la séance on colporte dans la presse de l'opposition ce qui prétendument s'y est passé, en attribuant faussement à tel ou tel membre et principalement au gouvernement, certaine attitude, certaines opinions, certaines appréciations tout à fait contraires à la vérité. Je crois que la conscience publique réprouvera un pareil procédé.

Mais ce que je dois repousser avec énergie, c'est le travestissement complet de ma pensée, qui a été fait par l'honorable M. Dumortier. Je ne veux pas divulguer ce qui s'est fait en comité secret. Mais je suis obligé maintenant de m'expliquer pour constater un fait. J'ai exposé tout à l'heure que le traité, soit qu'on le considère au point de vue du Zollverein ou de la Belgique, n'avait pas eu, à l'exception d'un seul article, d'influence sensible sur nos relations commerciales avec l'Allemagne. Les faits sont là : je les ai cités. Je n'ai pas prétendu assurément qu'il n'y eût eu aucune espèce de mouvement pour l'article « Fonte » ; j'ai signalé moi-même ce mouvement ; j'en ai expliqué les causes, et je maintiens qu'elles sont parfaitement exactes. Je n'ai pas dit que le traité fût d'une complète nullité. C'eût été souverainement absurde. Je n'ai rien dénoncé de semblable. Il est trop évident que des droits moins élevés sont préférables à des droits plus élevés. L'honorable membre a donc travesti ma pensée.

Je ne pouvais m'abstenir de protester, car on m'attribue en séance publique un langage que je n'ai pas tenu et l'on va même jusqu'à prétendre que j'aurais exposé des raisons déterminantes contre le vote de la convention qui était soumise la chambre.

M. Dumortier. - Messieurs, je repousse avec toute l'énergie de mon âme, la pensée d'avoir travesti les paroles de M. le ministre des finances. Tous vous avez entendu, messieurs, ce que M. le ministre nous disait, il y a une demi-heure, et vous pouvez vous demander si ce que j'ai dit est oui ou non la vérité. M. le minisire des finances a prononcé le discours le plus fort qui ait été entendu, pour faire rejeter le traité...

M. le président. - Il est vraiment regrettable qu'on vienne révéler en séance publique ce qui se serait passé en comité secret. Je laisse à la conscience de chacun de vous, messieurs, de décider si par là on ne rend pas inutile un comité secret. Si, dans l'intérêt du pajs, on a pensé qu'il fallait discuter en comité général une convention telle que celle dont la chambre vient de s'occuper, il n'était pas convenable de venir parler ensuite en séance publique de discussions qui avaient eu lieu dans ce comité.

M. Dumortier. - Je dois repousser très énergiquement l'accusation personnelle que lance contre moi M. le ministre des finances. Chacun de nous a des oreilles, et chacun de nous peut se rappeler ce qu'a dit M. le ministre des finances, il n'y a pas une heure ; et c'est le discours de M. le ministre des finances qui m'a déterminé à m'abstenir, car sans cela j'étais décidé à voter pour le traité. Mais quand j'ai entendu soutenir ce qui a été soutenu dans le comité secret, je me demande s'il y a encore de l'homogénéité dans le cabinet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis obligé de protester de la manière la plus formelle contre l'assertion de l'honorable M. Dumortier. Il n'est pas vrai que mon discours ait pu le déterminer à s'abstenir.

M. Dumortier. - C'est la vérité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je déclare que cela n'est pas vrai, que c'est impossible.

M. Dumortier. - C'est la vérité.

M. Thiéfry. - Ce n'est pas exact.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Conçoit-on un pareil scandale ! Comment ! on se permet d'affirmer qu'un ministre qui vient proposer à la sanction de la chambre une convention internationale, aurait fait un discours de nature à faire rejeter le traité ! Ce sont là de ces petites infamies, qui doivent être sévèrement condamnés.

M. Dumortier. - Je ne puis tolérer de pareilles expressions. J'étais arrivé pour voter le traité quand j'ai entendu dire par un des membres de la chambre que les effets en étaient inefficaces, inutiles. Véritablement, je ne sais plus ce que nous faisons, je ne comprends plus ces discussions. Vous pouvez donner à vos paroles toutes les couleurs que vous voulez, mais chacun de nous a de la mémoire et a des oreilles, et chacun de nous sait ce qui s'est d t.

M. le président. - Je ne puis que répéter qu'il est regrettable qu'en séance publique on vienne dire ce qui prétendument s'est passé en comité secret. Les paroles dont on s'est servi de part et d'autre ont été chaleureuses.

M. Anspach. - Mais, M. le président, ce qu'avance M. Dumortier n'a pas été dit en comité secret.

M. le président. - M. Dumortier a avancé un fait qui a été contredit par M. le ministre ; j'ai donné la parole à l'un et à l'autre honorable membre ; je ne pouvais pas faire autrement. Ce n'est pas à moi à juger si le fait avancé est vrai ou s'il est faux ; je ne puis que répéter, pour la troisième fois, qu'il est regrettable que M. Dumortier soit venu en séauce publique dévoiler ce qui se serait passé en comité secret.

- - Plusieurs membres. - Cela n'a pas été dit en comité secret.

M. le président. - Ce qui s'est prétendument passé en comité secret.

- Le débat est clos.

Projet de loi ratifiant la convention de pêche conclue entre la Belgique et le Royaume-Uni

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai l'honneur de présenter à la chambre un projet de loi ratifiant la convention de pêche conclue le 22 mars 1852 entre la Belgique et le royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué et renvoyé à l'examen des sections.

(Rectification, page 977 : le projet de convention de pêche avec l’Angletterre a été renvoyé, non pas aux sections, mais, sur la proposition de M. ?Van Iseghem, à la section centrale qui a examiné le traité.

La séance est levée à 5 heures.