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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 13 mars 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal

M. A. Vandenpeereboom (page 825) procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.

La séance est ouverte.

Lecture du procès-verbal

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance d'hier.

M. le président. - Y a-t-il quelques observations sur la rédaction du procès-verbal ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande une rectification au procès-verbal. On y dit que j'ai soulevé un débat à l'occasion d'attaques dont j'aurais été l'objet dans la presse. Je n'ai pas soulevé de débat à cette occasion ; mais bien à l'occasion de faits rapportés dans un journal et sur lesquels j'ai demandé des explications à un membre de la chambre cité dans ce journal comme ayant connaissance de ces faits. Je n'ai pas entamé un débat pour des attaques dont j'aurais été l'objet dans la presse.

M. T'Kint de Naeyer. - Voici la phrase telle qu'elle se trouve au procès-verbal :

« Après des répliques de M. le ministre des finances, M. le ministre de l'intérieur soulève un débat à propos des attaques dont il a été l'objet dans la pressée l'occasion de l'emploi des crédits extraordinaires. »

- Voix à droite. - C'est bien cela !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai soulevé un débat à l'occasion de faits signalés dans la presse et qui étaient attribués à un membre de la chambre. (Réclamations à droite.)

M. Coomans. - Je réclame ; vous n'avez pas le droit d'insérer cela au procès-verbal.

M. le président. - On a toujours le droit de demander une rectification au procès-verbal.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande que l'on dise : « ... à l'occasion de faits signalés dans un journal et attribués à un membre de la chambre. » Voilà la rectification que je demande ; elle ne contient rien de blessant pour personne ; c'est la pure vérité. Si vous voulez soulever un débat sur ce point, nous vous répondrons.

- Un membre. - Il conviendrait de dire « ... et attribués par ce journal » ; de cette façon il n'y aura pas d'équivoque.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est cela ; j'admets cette addition.

M. Delfosse. - « … A l'occasion de faits attribués par un journal à un membre de la chambre », c'est la vérité.

M. le président. - Je désire qu'on se mette d'accord sur la rectification qu'on demande.

M. T'Kint de Naeyer, secrétaire, donne une nouvelle lecture du passage du procès-verbal et de la rectification demandée par M. le ministre de l'intérieur.

M. Dumortier. - Messieurs, il importe que le procès-verbal soit l'expression sincère et véridique de ce qui s'est passé dans l'assemblée. Il importe aussi que le procès verbal ne consacre pas uu droit qui n'existe pas au banc des ministres.

Or, je remarque premièrement que dans la proposition de modification que demande M. le ministre de l'intérieur, on voudrait faire dire au procès-verbal que des faits ont été signalés par un journal et attribués à un membre de la chambre.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur quels sont les faits qui ont été attribués par un journal à un membre de la chambre. Il est évident qu'aucun fait n'a été attribué à un membre de la chambre, que dès lors cette rédaction ne peut exister. On n'a attribué à un membre de la chambre aucun fait.

En second lieu, messieurs, je ne reconnais pas, nous ne pouvons pas reconnaître, la dignité de la chambre ne nous permet pas de reconnaître que le ministre a le droit d'interpeller un membre de cette assemblée. (Interruption.) J'en demande pardon à l'honorable M. Delfosse qui m'interrompt ; il parlera à son tour, je le prie de remarquer qu'il ne préside pas en ce moment et qu'il est membre de la chambre comme moi.

Les membres de la chambre ont le droit d'interpeller les ministres ; les ministres n'ont pas le droit d'interpeller les membres de la chambre.

- Un membre. - Ce n'est pas là le procès-verbal.

M. Dumortier. - Cela résulterait de la modification proposée par m. Rogier, puisque le procès-verbal porterait que l'honorable M. Rogier a soulevé un débat a l'occasion de faits signalés dans un journal et attribués à un membre de la chambre. Il en résulte quz M. le ministre aurait interpelé un membre sur des faits que lui aurait attribués un journal. Eh bien, le maintien de notre prérogative parlementaire ne peut dans aucune hypothèse permettre cette rédaction.

M. Rousselle. - Je demande la parole pour un rappel att règlement.

M. le président, je lis l'article 15 du règlement. Il s'exprime ainsi : « S'il s'élève une réclamation contre la rédaction, l'un des secrétaires a la parole pour donner les éclaircissements nécessaires.

« Si, nonobstant cette explication, la réclamation subsiste, le président prend l'avis de la chambre.

« Si la réclamation est adoptée, le bureau est chargé de présenter, séance tenante, ou au plus tard dans la séance suivante, une nouvelle rédaction conforme à la décision de la chambre. »

Je demande que l'article du règlement soit exécuté.

M. le président. - Effectivement, aux termes de l'article 15, un de messieurs les secrétaires donne d'abord les éclaircissements nécessaires sur la rédaction du procès-verbal.

La parole est donc à M. T'Kint de Naeyer, secrétaire.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, nous avons cru que le débat soulevé hier avait un caractère général. Rien, dans le discours que M. le ministre de l'intérieur a prononcé, n'était précis à cet égard.

L'honorable ministre s'est entre autres servi des expressions suivantes : « Quand je trouve dans de pareils journaux des attaques, j'y suis sensible ; et quand ces attaques figurent notamment dans le journal le plus honorable de l'opposition ; je n'hésite pas à le dire, ces attaques me touchent. »

Nous en avons conclu que le débat avait été soulevé à l'occasion des attaqnes dont M. le ministre avait été l'objet.

Il me semble que la rédaction nouvelle que M. le ministre de l'intérieur demande, se rapproche de la nôtre ; car des attaques sont des faits.

M. le président. - La réclamation subsiste-t-elle nonobstant les explications de M. le secrétaire ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Certainement, M. le président.

Je suis le premier à reconnaître qu'en règle générale il ne conviendrait pas de transporter dans cette chambre des débats à l'occasion d'attaques dirigées par la presse contre le ministère.

Je n'ai jamais introduit dans la chambre de débat à cette occasion, je ne le ferai pas encore. Il y a eu cependant des antécédents posés par d'autres que par nous. Mais ce que j'ai demandé, ce que j'étais en droit de demander, c'étaient des explications sur des faits signalés par un journal et qui étaient attribués à M. le rapporteur de la commission des finances. J'ai demandé et je me réserve le droit de demander encore à l'honorable rapporteur de la commission des finances, si ces faits étaient vrais ; si, en effet, il tenait en réserve beaucoup d'actes scandaleux que, par modération, il n'avait pas signalés, s'il était vrai qu'il avait reçu de nouveaux renseignements, dont, par générosité ou bienséance, il n'avait pas voulu faire usage. S'il avait répondu négativement, tout aurait été dit ; mais il a gardé le silence ; c'est pourquoi les débats ont pris hier un caractère irritant.

Je maintiens donc ma demmde de rectification au procès-verbal.

M. le président. - Avant de continuer le débat, une observation est nécessaire : il ne s'agit pas de savoir si M. le ministre a eu le droit d'interpeller des membres de la chambre, si tel membre a eu le droit de faire telle ou telle observation ; la question est tout bonnement de savoir si le procès-verbal relate les faits tels qu'ils se sont passés. Il ne s'agit que de cela.

M. le ministre a maintenu sa réclamation et a persisté dans sa demande de rectification après que M. le secrétaire avait donné des éclaircissements ; il ne s'agit donc plus que de savoir si le procès-verbal sera maintenu ou si le bureau sera chargé de présenter une nouvelle rédaction.

M. Dumortier. - Messieurs, il est incontestable, d'après la lecture qui vient d'être donnée par M. le secrétaire, que les faits relatés au procès-verbal tels qu'il a été rédigé, sont d'une grande exactitude. Serait-il convenable de présenter ces faits comme le demande M. le minisire de l'intérieur ? Evidemment non, car vous ne pouvez pas dire que M. le ministre a soulevé un débat sur des faits attribués à un membre de cette chambre ; il faudrait dire alors, comme l'a proposé un membre de la gauche : « attribués par lui à un membre de la chambre. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Attribués, par ce journal, à un membre de la chambre. (Interruption.).

M. le président. - La proposition de M. le ministre porte : « … et attribués, par ce journal, à un membre de la chambre. »

M. Dumortier. - Voilà déjà une rectification.

M. le président. - La rédaction que je viens d'indiquer est celle qui avait été proposée par M. le ministre. Il n'y a pas de modification.

M. Dumortier. - Je maintiens, messieurs, que nous ne pouvons pas insérer au procès-verbal une phrase semblable : ce serait attribuer aux ministres un droit que nous ne pouvons pas leur reconnaître, celui d'interpeller les membres de la chambre sur des faits rapportés dans (page 826) les journaux. Si un tel système pouvait être admis, toutes ces séances te pisseraient en discussions irritantes.

M. le président. - La question est de savoir si les faits sont rapportés au procès-verbal tels qu'ils se sont passés. Il n'y a pas autre chose en discussion.

M. Dumortier. - Je vois du reste que je ne convaincrai personne ; les opinions font arrêtés. Je n'en dirai donc pas davantage, mais je maintiens que ce serait une chose très inconvenante que d'insérer au procès-verbal la phrase proposée par M. le ministre de l'intérieur.

M. Delfosse. -Messieurs, l'honorable M. Dumortier est tout à fait dans l'erreur ; il ne s'agit pas de consacrer un droit ; comme l'a fait observer M. le président, il s'agit uniquement de constater un fait ; le procès-verbal constate les faits qui se sont passés en séance, et pas autre chose.

M. Cools. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier a confondu deux questions distinctes ; la première question est de savoir si la phrase incriminée doit oui ou non rester dans le procès-verbal ; jusque-là l'honorable membre est parfaitement dans son droit en discutant cette question qui est soumise en ce moment à la chambre ; mais il a eu tort de discuter ensuite la deuxième question, celle de savoir s'il convient oui ou non d'adopter la rectification proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Ici, je renvoie l'honorable M. Dumortier aux termes du règlement dont l'honorable M. Ch. Rousselle vient de donner lecture ; il est bien évident que du moment que la chambre aura décidé que la phrase ne doit pas rester, le bureau aura à proposer une rédaction nouvelle ; que, séance tenante, une phrase nouvelle soit proposée par un ministre ou par tout autre membre, elle ne doit pas par cela seul être insérée dans le procès-verbal ; une fois qu'il sera décidé que la phrase doit être modifiée, le bureau délibérera et nous proposera une nouvelle rédaction.

M. Malou. - Messieurs, les assemblées délibérantes sont ordinairement très jalouses, très prudentes, dans l'examen des questions qui touchent à leurs prérogatives, Je demande que dans ce moment-ci l'on ne décide pas la question que soulève la réclamation relative au procès-verbal ; je le demande dans l'intérêt des prérogatives de la chambre. La marche que le règlement trace, est un conseil de prudence que j'invoque à l'appui de cette observation.

De quoi s'agit-il ? Un membre prétend qu'un fait n'a pas été rendu d'une manière exacte dans le procès-verbal ; il réclame ; la chambre examine s'il doit être fait un changement au procès-verbal ; je me demande si en entrant dans ces détails dans le procès-verbal, on ne s'était pas écarté un peu de nos précédents.

En effet, dans les procès-verbaux, on ne relate que les résolutions prises par la chambre ou les motions faites par des membres ou par le gouvernement, lorsqu'elles doivent donner lieu à un vote. C'est ainsi, par exemple, que récemment on a inséré dans le procès-verbal la motion de l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom et l'amendement que j'y avais proposé. Je me demande s'il est bien nécessaire de poser un précédent, de greffer pour ainsi dire un incident sur un autre incident, lorsqu'il n'y a pas de résolution à prendre, et de préjuger cette question par le procès-verbal qui, d'après tous nos précédents, ne doit relater que les motions devant donner lieu à un vote de la chambre.

Je soumets, ces observations à la chambre ; si M. le ministre de l'intérieur insiste, malgré les motifs que je viens d'invoquer, pour que l'incident soit caractérisé, le bureau d'ici à la prochaine séance pourra proposer une rédaction qui concilie la diversité des appréciations qui peuvent se présenter sur le caractère de cet incident.

M. le président. - Avant d'accorder la parole à un autre orateur, je dois faire observer qu'il n'y a qu'un point à décider : la réclamation est-elle oui ou non admise ? Si la réclamation est admise, ce sera au bureau à proposer une nouvelle rédaction.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me borne à demander que le procès-verbal constate la vérité des faits et que le bureau veuille bien revoir la rédaction.

M. le président. - Ainsi, il s'agit tout bonnement d'une réclamation de rectification.

- La réclamation de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.

Le bureau de la chambre décide qu'il présentera une nouvelle rédaction à la prochaine séance.

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le conseil communal de Hodister prie la chambre de voter, en faveur de la province de Luxembourg, un crédit de 5 à 600,000 francs, qui, réparti entre toutes les communes suivant leur population, serait affecté à des travaux de chemins. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La chambre syndicale et le corps des courtiers près la bourse de commerce de Termonde demandent qu'il soit pris des mesures pour sauvegarder l'institution des courtiers maritimes.

M. Vermeire. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- La chambre ordonne le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Il est fait hommage à la chambre, par le docteur Borguet, de 110 exemplaires de deux notices lues en séance du ccnseil académique de l'université de Liège, le 12 janvier dernier.

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1853

Rapport de la section centrale

M. Orts. - Je dépose sur le bureau de la chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de la justice pour 1853.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué, et la discussion mise à la suite de l'ordre du jour.

M. Orts. - Bien entendu après le Code forestier.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je voulais faire la même observation que l'honorable M. Orts. Nous sommes aujourd'hui samedi, le Code forestier doit être soumis au second vole mardi, il est donc indispensable que ce ne soit qu'après mardi qu'arrive la discussion du budget de la justice. Il est, du reste, probable que le rapport ne sera pas imprimé avant cette époque.

- La discussion du budget de la justice est maintenue à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1853

Rapport de la section centrale

M. T'Kint de Naeyer. - Je dépose sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des finances pour l'exercice de 1853.

- La chambre ordonne l'impression et la dislributien de ce rapport, et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de l’intérieur

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de l'intérieur un crédit extraordinaire de 100,000 francs, pour être appliquée à l'amélioration de la voirie vicinale dans la province de Luxembourg.

Je demande le renvoi de cette pièce en sections et le rapport le plus prompt sur ce projet de loi.

- La chambre donne acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation de ce projet de loi.

M. Osy. - La section centrale pour le budget de l'intérieur est déjà constituée. Je crois qu'on pourrait renvoyer cette demande à la section centrale qui pourrait faire un rapport dans peu de temps parce que d'après ce que nous ont dit nos honorables députés du Luxembourg, il paraît que cette affaire est très urgente.

Je propose le renvoi de cette demande de crédit extraordinaire à la section centrale du budget de l'intérieur.

M. Delfosse. - J'appuie la demande de renvoi en sections faite par M. le ministre de l'intérieur. Ce crédit est important, il doit être examiné en sections promptement, je le reconnais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s'agit d'un crédit extraordinaire.

Je demande le renvoi en sections, en raison même de la nature du crédit ; je demande en outre que les sections accélèrent autant que possible leur travail, parce qu'il s'agit d'une affaire très urgente.

M. le président. - M. Osy maintient-il sa proposition ?

M. Osy. - Je propose formellement le renvoi du projet de loi à la section centrale du budget de l'intérieur qui en fera un rapport séparé, et de cette manière l'affaire sera terminée beaucoup plus vite que si on la reuvoie en sections.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La chambre décide que le projet de loi présenté par M. le ministre de l'intérieur sera renvoyé aux sections.

Le renvoi en section est ordonné.

Compte-rendu de l’emploi des crédits accordés par les lois du 18 avril 1848 et 21 juin 1849

Motion d'ordre

M. Delfosse. - Messieurs, la tribune belge est presque la seule qui soit ouverte en ce moment ; il est désirable, dans les circonstances actuelles, qu'elle se fasse remarquer par des discussions calmes, empreintes de cet esprit de concorde et de modération que le Roi nous recommandait à l'ouverture de la session.

Les débats passionnés auxquels nous assistons depuis quelques jours ne seraient pas, s'ils étaient continués, de nature à fortifier le régime parlementaire, qu'on doit considérer comme la base la plus solide de notre indépendance et de notre nationalité.

A ce point de vue, je regrette ce qui s|est passé dans les séances précédentes. Je ne rechercherai pas, pour ne pas rouvrir les débats, à qui revient la faute ; je laisserai au public impartial le soin d'apprécier. Il me semble qu'après la discussion qui a eu lieu hier, qu'après les explications données par MM. Coomans et de Haerne que M. le ministre de l'intérieur avait nominativement désignés sans cependant les blâmer, il me semble, dis-je, que les débats pourraient être clos. Si on tient à les continuer, ce n'est pas moi qui voudrais étouffer la discussion, mais je prédis qu'il n'en sortira rien d'utile pour le pays : la seule vérité qui pouvait sortir de ces débats est aujourd'hui généralement admise, elle a été reconnue par M. le ministre de l'intérieur : c'est qu'il n'est pas bon, en règle générale, que le gouvernement intervienne dans l'industrie privée par des subsides individuels.

(page 827) Les ministres chargés de la distribution de ces subsides ne pouvant tout voir par eux-mêmes, souvent exposés, quoi qu'ils fassent, à prendre les plus remuants et les plus intrigants pour les plus capables et les plus dignes.

Je demande que les débats sur l'incident soient clos.,

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je desire dire quelques mots sur la clôture.

- - Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !

M. le président. - Je ne puis refuser la parole à M. le ministre de l'intérieur, qui la demande sur la clôture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne veux pas prolonger la discussion ; je me bornerai à constater le silence absolu qu'on a opposé aux interpellations que j'avais adressées à l'opposition.

M. de Perceval. - La clôture ! aux voix !

M. Malou. - Je ne veux parler que sur la clôture. Comme l'honorable ministre de l'intérieur persiste à vouloir prendre acte de notre silence, qu'il en prenne acte ; j'étais inscrit, je pouvais continuer ce débat, je fais un sacrifice, je réponds à l'appel de l'honorable M. Delfosse, qu'on prenne acte de mon silence.

M. de Denterghem. - Je veux simplement faire remarquer que c'est par un incident comme celui qui vient de se produire que la discussion d'hier a eu lieu. Je demande donc formellement que cette discussion soit close.

M. Dumortier. - Je viens m'opposer à la clôture ; après les paroles que vient de prononcer M. le ministre de l'intérieur, je crois qu'il est impossible de la prononcer.

Quand M. le ministre de l'intérieur a sommé la droite d'engager un débat, nous avons déclaré que nous étions prêts à prendre la parole, et, pour mon compte, je suis prêt à parler. Maintenant, l'honorable M. Defosse invoque des considérations auxquelles je rends hommage, pour demander la clôture de la discussion ; mais, d'un autre côté, il dit cependant qu'à la suite des explications données hier par les honorables MM. Coomans et de Haerue, la clôture peut être prononcée.

Il semble résulté de là que les honorables MM. Coomans et de Haerne devaient donner des explications... (interruption), ensuite M. le ministre de l'intérieur ajoute qu'il constate dès maintenant notre silence. Je demande si nous pouvons consentir à une pareille constatation alors que nous sommes prêts à parler et que ce n'est pas nous qui demandons la clôture.

M. Roussel. - Je viens appuyer la clôture, dans l'intérêt de la dignité de la chambre et par les motifs très lucidement exposés tout à l'heure par l'honorable M. Delfosse.

Je dois vous le dire, messieurs, je ne suis pas ancien dans le parlement belge, mais hier j'ai souffert et mon cœur a saigné ... (Interruption).

Je ne voudrais pas pour beaucoup qu'une pareille discussion continuât dans cette enceinte.

L'histoire nous apprend que c'est ainsi que tous les parlements finissent ; que lorsque l'esprit de discorde et de discussion se glisse dans une chambre représentative, le parlement ne tarde pas à disparaître : il suffit d'un souffle pour l'anéantir.

Il est donc de l'intérêt de notre gouvernement comme de l'intérêt de notre dignité et de notre nationalité de mettre une fin immédiate à ces débats irritants et qui ne peuvent aboutir absolument à rien. Nous avons autre chose à faire qu'à discuter des questions toutes personnelles et qui, en définitive, donnent un spectacle inutile et dangereux aux populations que nous représentons.

Il importe, je le répète, que nous cessions le plus tôt possible ce débat et que chacun de nous rentre chez lui avec la conscience d'avoir fait de cette discussion la meilleure chose qu'il pût en faire, c'est-à-dire la terminer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai, comme la plupart des membres de cette chambre, regretté vivement les débats pleins d'acrimonie qui ont été ouverts, non pas hier, mais il y a quatre jours.

Si l'on avait été animé de cet esprit de modération et de conciliation dont on parle beaucoup, mais que l'on pratique très peu, on aurait dû éviter, et surtout dans les circonstances où nous nous trouvons, de laisser dominer la passion quand la raison pouvait utilement s'exprimer.

M. Dumortier. - Encore des attaques !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a point d'attaques.

Cette discussion a été marquée, je dois le dire, la chambre ne me démentira pas, par des attaques d'une extrême violence, dirigées contre un membre du cabinet.

M. de Theux. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a reconnu qu'on n'avait pas à s'occuper de la part de l'éloge des actes qui ont été posés dans les circonstances les plus difficiles, au milieu de la révolution la plus redoutable dont on ait gardé le souvenir. On n'a pas tenu compte de ces circonstances ; on n'a voulu que le blâme, que la critique et la critique la plus amère, la plus violente, et, il faut le reconnaître, la plus injuste.

Quand ce débat a été clos, il a fallu qu'on cherchât à le rouvrir... (Interruption.)

M. Dumortier. - C'est vous qui avez cherché à le rouvrir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - ... en l'envenimant de la manière la plus grave en dehors de cette enceinte. On a dit que le rapporteur de la commission des finances - car voilà la vérité sur l'origine de ce nouvel incident - avait les mains pleines de scandales et que, par modération, par générosité, il avait daigné ne pas les ouvrir.

M. Rodenbach. - C'est de la clôture qu'il s'agit.

M. le président. - Si M. le ministre s'oppose à la clôture, il a le droit de donner ses raisons ; j'ai tout lieu de croire que M. le ministre qui parle en ce moment, s'oppose à la clôture ; s'il en était autrement je ne pourrais pas lui continuer la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois qu'en effet je me maintiens rigoureusement dans la question : je m'oppose à la clôture et j'en donne les raisons.

On a dit qu'on avait les mains pleines de scandales, que par générosité on se taisait ; mon honorable collègue que l'on accuse dans cette affaire, a demandé qu'on eût la loyauté de parler ; qu'il ne reculait devant l'examen d'aucun de ses actes ; qu'il appelait la discussion, la publicité. On s'est tu ; on persiste à garder le silence... (Interruption.)

Lorsque mon honorable ami, M. Delfosse, fait un appel à l'esprit de modération, lorsqu'il demande que cette discussion soit close, mon honorable collègue constate une seule chose, c'est qu'hier on s'est tu ; c'est un fait incontestable ; c'est l'exacte vérité.

M. le ministre de l'intérieur a fait un appel à la loyauté de l'honorable M. de Man lui-même ; il a refusé de parler. Voilà ce que constate M. le ministre de l'inlérieur. Et sur cette simple observation, l'honorable M. Malou se lève pour déclarer que c'est par grâce spéciale qu'il épargnera ses accusations au ministre ! Est-ce répondre aux vues conciliantes de l'honorable M. Delfosse ?

M. Malou. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et l'on veut que, dans de pareilles circonstances, le ministère garde le silence, et ne proteste pas contre cette fausse générosité ! Quant à moi, je la refuse. Quoique personnellement étranger à tous ces faits, j'en prends ma part de responsabilité comme membre du cabinet ; et, bien que je déplore cette discussion, je demande qu'elle continue, afin de constater l'impuissance de ceux qui semblent avoir des accusations à formuler.

M. le président. - Ainsi. M. le ministre des finances s'oppose à la clôture, par les raisons qu'il vient d'exposer.

M. Malou. - J'éprouve, en ce moment, un étonnement douloureux. Comme l'honorable M. Delfosse, je crois que le débat auquel on s'est livré dans cette enceinte peut être fatal aux intérêts du pays. Nous pourrions le continuer ; nous sommes prêts. Nous savons, nous venons de l'apprendre encore, que, si nous nous taisons, nous nous exposons à une incalculable série d'accusations, de calomnies, et bien que M. le ministre des finances persiste à dire : «Vous vous êtes tu ; vous vous taisez encore, vous n'osez pas parler,» nous nous tairons ; mais ce ne sera pas pour vous ce sera malgré vous ; ce sera pour le pays. (Applaudissement dans les tribunes.)

M. le président. - J'invite les tribunes à ne pas applaudir.

M. Malou. - Ce sera pour le pays, parce que nous savons qu'il y a quelque chose qui est au-dessus des partis, c'est le pays. Nous savons lui faire un sacrifice et subir d'injustes accusations. Qae la presse nous calomnie ; que le ministère propage des accusations contre nous, qu'il use d'armes dont les partis qui se respectent ne devraient jamais se servir (interruption), nous nous tairons.

Que l'on vienne dire à cette grande opinion, qui a une si noble part dans la fondation de la nationalité belge, qu'elle est antinationale, qu'elle conspire avec l'étranger. Eh ! mon Dieu ! c'est bien autre chose que ces quelques faits que nous avons à vous reprocher ; mais nous saurons nous taire ; car nous savons qu'il y a un jour, jour prochain, où le sentiment national se réveille, où l'opinion publique est juste envers les partis, comme envers les hommes.

Continuez donc vos provocations ; triomphez de notre silence en nous provoquant à des débats que vous savez être impossibles en public. Votre triomphe ne sera pas long : Je connais mon pays et je suis convaincu que l'acte de patriotisme que nous posons en ce moment sera apprécié contre vous et malgré vous.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ce débat que l'on dît fatal à nos institutions, ce n'est pas nous qui l'avons provoqué. Ce n'est pas nous qui avons provoqué le rapport de l'honorable M. de Man.

M. de Man d'Attenrode. - Ce sont vos actes qui l'ont provoqué.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas nous qui avons provoqué les insinuations, les révélations faites dans un journal, et desquelles il résulte que l'honorable M. de Man, malgré tout ce qu'il avait dit, n'avait pas encore tout dit, qu'il tenait en réserve beaucoup des faits scandaleux que, par générosité pour le ministère, il n'avait pas voulu produire à la chambre.

M. de Man d'Attenrode. - Vous n'avez pas le droit de me rendre responsable du langage que tiennent les journaux.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. le président. - C'est sur la clôture quî M. le ministre a la parole.

Je demande qu'il veuille bien donner les raisons pour lesquelles il s'oppose, lui aussi, à la clôture. Si l'on rouvre le débat, je devrai permettre de répondre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est sur la clôture que je parle. Je donne mes raisons aussi bien que je le puis.

(page 828) M. le président. - La parole vous est continuée pour cela, M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si ce débat a revêtu un caractère fâcheux, je le déclare, ce n'est pas la faute du ministère. Le ministère n'a fait que se défendre depuis le premier jour, contre des attaques inoiïes, et pour le fond et pour la forme, dans l'histoire de nos annales parlementaires.

Je rejette donc sur nos adversaires la responsabilité des débats fâcheux qui ont eu lieu. Si aujourd'hui ces débats venaient à se prolonger, ce serait encore, je dois le dire, la faute de l'opposition. On demande la clôture. Nous nous bornons à constater le silence de l'opposition- L'opposition se fait et s'indigne de ce qu'on constate son silence. Voilà cependant ce que nous nous bornons à faire. Nous ne sommes pas difficiles. Nous n'avons, nous personnellement, qu'à gagner à la prolongation des débats. Nous vous convaincrions d'impuissance, de malveillance impuissante, et soyez-en sûrs, le pays ne se trompera pas à votre silence. Si vous aviez en main ces abus scandaleux que l'on a annoncés en votre nom, vous ne manqueriez pas de les produire.

Ainsi donc votre générosité, pour ma part, je n'en tiens aucun compte. Je me borne à constater votre silence, votre silence motivé à mes yeux par l'impuissance absolue d'articuler aucun fait dont vous puissiez tirer parti contre le ministère.

Ces réserves faites, si l'on veut, je m'associe à la demande de clôture.

M. de Theux. - Messieurs, l'honorable M. Delfosse a demandé avec calme, avec dignité et avec impartialité, je dois le reconnaître, la clôture du débat. Je dis avec impartialité, parce qu'il a laissé le pays juge d'après nos discussions qui reposent dans le Moniteur.

Vous avez entendu, messieurs, avec quel calme, avec quelle modération M. le ministre des finances s'est opposé à la clôture. Je lui demande, et à son honorable collègue M. le ministre de l'intérieur, si, après les discours qu'ils viennent de prononcer aujourd'hui sur la simple question de clôture, ils peuvent encore invoquer avec quelque droit le calme, la modération. Pour moi, je ne le crois pas, et quoi qu'ils en disent, je m'en réfère très volontiers au jugement appelé par l'honorable M. Delfosse et basé sur les pièces authentiques, c'est-à dire le Moniteur qui rendra un compte fidèle de nos débats.

Le cabinet s'est plaint d'avoir été en butte à des provocations. Assurément, messieurs, je conçois que le rapport de la commission des finances, dont l'honorable M. de Man était l'organe, n'ait pas obtenu l'approbation du cabinet. Il avait le droit de chercher à se disculper des attaques dont il était l'objet ; mais en cherchant à se disculper, a-t-il observé cette modération qu'il réclame ? Je ne le crois pas ; je crois que dans la discussion publique, les torts ont été du côté du cabinet.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Une proposition a été faite, dans le courant de la discussion, par l'honorable M. de Man. Elle tend à ordonner l'impression et la distribution des comptes dont M. le ministre des finances a parlé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'impression est de droit.

Ces comptes ont été déposés par le gouvernement, il y a longtemps. Aux termes de la loi de comptabilité, ils doivent être imprimés.

La loi de comptabilité dit, dans ses articles 44 ou 45, que les ministres rendent des comptes imprimés. Il me semble donc qu'il n'y a pas de vote à émettre.

M. le président. - Je ferai remarquer que ces comptes forment un volume d'un pied et demi de haut.

M. de Man d'Attenrode. - J'ai demandé, dans la séance d'hier, que les comptes des ministres rédigés pour satisfaire aux articles 44 et 45 de la loi sur la comptabilité, fussent imprimés et distribués.

Ces comptes, déposés sur le bureau de cette chambre, ont été envoyés aux archives ; ils y reposent depuis quatorze mois. Ce n'est évidemment pas là leur place.

Si les comptes de l'administration n'avaient pas une autre destination, il serait inutile de les rédiger.

Cette destination est de donner à la chambre les éclaircissements nécessaires pour apprécier l'utilité et la régularité des dépenses, lorsqu'il s'agit de régler les budgets.

Aussi la loi de 1846 dispose que ces comptes seront publiés ; il est donc incontestable, comme on vient de le dire, que ces comptes doivent être rendus publics.

Cependant, comme les comptes vous sont transmis pour la première fois, n’y aurait-il pas lieu de les envoyer à la commission des finances, et de la charger de vérifier, avant leur impression, s’ils sont rédigés dans les termes de la loi, et rédigés de manière à remplir le but que s’est proposé la législature.

Je propose donc le renvoi à la commission des pétitions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'oppose pas à ce qu'on renvoie le s comptes à la section des finances. Cependant la commission n'aurait aucune espèce de qualité pour décider qu'il faut on non les imprimer ou les modifier. Ce sont des comptes que les ministres produisent ; conformément à la loi, ils doivent être imprimés, il est fâcheux qu'ils soient volumineux, mais la loi est formelle.

M. de Man d'Attenrode. - Je retire ma proposition et je me rallie à celle du gouvernement.

M. Delfosse. - Si la loi est formelle, elle doit être exécutée. Cependant on pourrait rechercher si dans ces comptes il n'y a pas des choses qu'il serait inutile d'imprimer. La loi n'exige pas que tout soit imprimé.

Il est possible que dans les comptes qui ont été disposés il y ait des choses qui se trouvent déjà imprimées ailleurs. Je vois avec peine que dans les pièces imprimées qu'on nous distribue, il y a souvent de doubles emplois.

Je ne vois, messieurs, aucun inconvénient à ce que les comptes soient renvoyés à la commission des finances pour qu'elle examine s'il faut tout imprimer.

M. le président. - M. de Man a retiré sa proposition ; M. Delfosse en fait-il une autre ?

M. Delfosse. - Non, M. le président.

M. le président. - Il ne reste donc plus qu'à statuer sur l'impression et la distribution.

- L'impression et la distribution sont ordonnées.

Rapport sur une demande en restitution d'un droit d'enregistrement pour naturalisation

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission des naturalisations sur la demande du sieur Vent, tendant à obtenir la restitution du droit d'enregistrement qu'il a payé du chef de sa naturalisation.

La commission propose l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.

Rapport sur une pétition

M. le président. - Nous avons maintenant un feuilleton de naturalisation, mais peut-être la chambre préférera-t-elle donner la priorité au rapport sur la pétition relative au droit de douane sur le bétail.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a un transfert au département de la guerre.

M. Delfosse. - Je demande le maintien de l'ordre du jour ; j'ai quelques observalions à présenter sur le projet de transfert, qui vient le dernier à l'ordre du jour ; la présence de M. le ministre de la guerre me paraît convenable.

- La chambre décide qu'elle s'occupera en premier lieu du rapport concernant le droit d'entrée sur le bétail.

M. Van Renynghe. - Messieurs, je lis dans le rapport soumis actuellement à vos délibérations qu'un membre de votre commission permanente d'industrie a proposé le renvoi à M. le ministre de l'intérieur des pétitions qui font l'objet de ce document.

J'ai peine à concevoir que la majorité de cette commission n'ait pu admettre cette proposition, surtout en présence de pétitions ayant un caractère urgent et dignes au plus haut degré de toute l'attention et de toute la sollicitude de la chambre et de nos gouvernauts.

Votre commission craint que le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur n'implique un appui moral, soit une demande d'instruction ou de renseignements. Quoi ! quand il est généralement reconnu que les souffrances de notre agriculture sont évidentes, quand on est sur le point de renouveler des traités internationaux qui pourraient les adoucir, on voudrait conclure au dépôt au bureau des renseignements des pétitions qui intéressent la plus grande partie de notre population ?

Ces conclusions équivaudraient à peu près à un dédaigneux ordre du jour, que la chambre, je l'espère, n'admettra pas.

Les motifs allégués par la commission à l'appui de son opinion, ont été combattus d'avance, mais malheureusement en vain, lors de la discussion sur le traité entre la Belgique et les Pays-Bas ; ce serait donc oiseux d'y revenir.

Quant à la statistique qu'elle fait prévaloir, je n'y prête pas grande attention, quand les faits sont là, clairs et palpables, pour prouver qu'il faut des mesures promptes et efficaces pour empêcher la ruine d'une des branches principales de notre industrie agricole.

Je me bornerai à ces observations, car la demande que j'ai à faire à la chambre est si modeste, en raison de l'importance de son objet, que je ne doute aucunement qu'elle n'y fasse droit.

Je ne propose donc, ayant la conviction de ne pouvoir, pour le moment, obtenir davantage, que le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur et à M. le ministre des affaires étrangères qui, lors des conclusions de nouveaux traités, surtout de celui avec la France, pourrait prendre des mesures efficaces à l'égard de notre bétail et de différentes autres branches importantes de notre agriculture.

M. Rodenbach. - J'appuie de toutes mes forces le renvoi du rapport de la commission permanente d'industrie à M. le ministre de l'intérieur.

(page 829) Messieurs, lorsque de nombreux pétitionnaires, lorsque trois ou quatre arrondissements agricoles, lorsque plusieurs chambres de commerces telles que celles d'Ypres, Dixmude, etc., etc., demandent que l'on veuille examiner la question de savoir s'il ne faut pas modifier le tarif des douanes en ce qui concerne l'entrée du bétail, lorsqu'une pareille demande nous est faite, je trouve qu'il serait inconvenant de l'écarter par un dédaigneux dépôt au bureau de renseignements.

Messieurs, je sais parfaitement que les adversaires des droits d'entrée nous diront qu'ils veulent que la viande dans le pays soit à bon compte, notamment pour les ouvriers et la classe bourgeoise ; je le désire aussi et je suis persuadé que mes honorables amis qui combattent la proposition de la commission d'industrie, le désirent également ; mais, messieurs, en France on paye un droit d'entrée de 50 fr. par téte de bétail et cependant la viande n'y est pas plus chère qu'en Belgique. Ici le droit d'entrée, en Belgique, sur le bétail hollandais est, au maximum de 4 centimes par kilogramme, c'est-à-dire d'environ 15 fr. par tête, et la viande est chère, les ouvriers en mangent rarement. Ainsi vous voyez bien, messieurs, que malgré vos bas tarifs vous n'avez pas la viande à bon compte.

Maintenant vous avez encore enlevé à la Belgique le débouché du marché de Lille ; grâce aux mesures que vous avez prises relativement au transit, le bétail hollandais traverse le pays pour aller en France, sans rien payer.

Lorsque nous étions en état d'hostilité avec la Hollande, nous n'avons reçu de bétail hollandais pendant tout ce temps. Eh bien, l'élève et l'engraissement du bétail prospéraient à cette époque, et la viande n'était pas plus chère qu'aujourd'hui. Cependant nous avions alors le débouché français. Dixmude et le Furnes-Ambacht étaient en possession de marché de Lille. Aujourd'hui l'élève du bétail, l'engraissement du bétail qui procure au moins le tiers du bénéfice de l'agriculteur, vous l'avez anéanti. Je le concevrais si vous aviez, par là, obtenu la viande à meilleur compte ; mais il n'en est rien ; la viande est, au contraire, à un prix élevé et les ouvriers avec le bas prix de leurs journées ne peuvent pas s'en procurer.

Ainsi quand les chambres de commerce des arrondissements agricoles demandent, non pas une décision immédiate, mais un examen de la question de savoir s'il n'y a pas moyen de modifier le tarif, ou bien de prendre des mesures quelconques pour que la viande soit à un prix raisonnable, nous pensons qu'il ne faut pas répondre à cette demande par une espèce d'ordre du jour. Nous voulons, nous, que le pain et la viande soient à bon marché, bien qu'on nous ait accusés de vouloir le contraire. Nous voulons que les ouvriers et la classe moyenne de la société puissent vivre aussi bien que les gens qui sont dans une grande aisance et qu'ils aient de bon pain et de bonne viande.

J'appuie, messieurs, le renvoi de la requête à M. le ministre de l'intérieur, et je demande qu'il veuille l'examiner avec la plus grande attention.

M. de Steenhault. - Un fait saillant a dû vous frapper, messieurs, c'est la fréquence des réclamations ayant le même but que les pétitions qui font l'objet de ce débat, et qui vous ont été adressées non seulement du dehors, mais à différentes reprises, dans cette assemblée même.

Je ne pense pas qu'en présence de cette circonstance, en présence surtout de la dépréciation du bétail sur nos marchés, ce qui est un fait matériel que tout le monde peut constater, je ne pense pas, dis-je, que quelqu'un puisse vouloir nier cette situation déplorable.

Une fois constatée, c'est déjà beaucoup ; car cette industrie a droit comme toutes les autres à votre sollicitude ; une fois constatée, cette situation doit avoir une cause, et il serait vraiment inconcevable que, nous croisant les bras, le gouvernement ne fasse rien pour la rechercher et, sinon pour la faire disparaître, au moins pour en atténuer les effets.

Ne vous faites pas illusion, messieurs, cette question est plus grave qu'elle ne paraît, car elle renferme tout l'avenir de l'agriculture.

Je l'ai déjà dit ici, messieurs, je n'ai pas très grande confiance dans les mesures douanières ; je le dis franchement, d'autres causes encore influent, selon moi, sur le bas prix du bétail ; mais s'ensuit-il, la chambre entière dût-elle partager mon opinion, que l'on doive rejeter sans examen les pétitions qui réclament des droits plus élevés ?

Ce serait, me paraît-il, messieurs, agir avec infiniment peu d'égard vis-à-vis des corps dont ces pétitions émanent, que d'adopter l'avis de la commission des pétitions.

Pour moi, messieurs, je demande le renvoi au ministre et avec prière de faire étudier la question.

La commission d'industrie tranche la question, et non seulement refuse le renvoi au ministre, mais, à l'inverse des pétitions, va jusqu'à demander une diminution de droits.

J'avoue, messieurs que, pour moi, je ne me serais jamais cru autorisé à décider une question de cette importance à l'aide de quelques chiffres de statistique, en admettant même que l'étude de ces chiffres donnent des résultats clairs, évidents, irréfutables.

Et encore, messieurs, est-il loin d'en être ainsi, et je vais vous le prouver.

La commission ayant remarqué que l'augmentation de l'importation du bétail porte surtout sur les vaches, tandis que le nombre des bœufs est resté le même, ce qui est inexact comme je vous le démontrerai tout à l'heure, en conclut que l'importation a lieu principalement pour les besoins de l'agriculture et que cet état de choses lui est favorable.

Je vais vous prouver, messieurs, que, bien au contraire, cet état de choses est le symptôme le plus certain de la décadence de l'élève du bétail, qui non seulement devrait constituer un des grands bénéfices de l'agriculture, mais qui, en outre, est une des conditions essentielles d'une culture en progrès.

J'appuie sur cet argument, parce que c'est un de ceux que l'on met le plus souvent en avant.

L'agriculteur qui achète du bétail l'achète évidemment pour remplacer les têtes qu'il doit vendre ; or, comme il ne peut vendre qu'à perte, il est clair qu'il ne vendra et n'achètera que le moins possible.

Ce fait-là ne me sera pas contesté, je l'espère.

Or, la vente à perte et l'achat constituent un double déficit, auquel on ne se résigne que difficilement et à la dernière extrémité. Le cultivateur ne travaillera que sur le moins de têtes possible. Il en résulte donc d'abord perte sur l'engrais pendant le temps de l'élevage.

Perte du bénéfice à réaliser sur la bête élevée.

Mais ce qui est plus sérieux, perte de produits : car ne gardant que le nombre de têtes strictement nécessaire à son exploitation, il n'atteindra jamais celui qui serait nécessaire pour obtenir les produits qu'on pourrait avoir dans des conditions plus favorables de fumure.

Je vous le demande, messieurs, peut-on sérieusement soutenir que cette situation est favorable à l'agriculture ?

Pour moi c'est une logique que je ne comprends pas, et qui ne sera guère à la portée de ceux qui s'occupent un peu d'agriculture.

La grande exportation des veaux que la commission cite aussi, prouve encore mieux ce que j'avance et corrobore singulièrement mon raisonnement dont il est d'ailleurs facile de vérifier l'exactitude dans la première ferme venue.

La commission, ou du moins son honorable rapporteur, dit que le nombre des bœufs importés est, à peu de chose près, restera même.

C'est une erreur, et ce qu'il y a de curieux, c'est que chaque variation de chiffre correspond à une variation de tarif.

De 3,630 auquel le chiffre d'importation était accidentellement et par exception arrivé en 1840, il tombe à 1,400 en 1846 pour se relever jusqu'à 3,500 en 1847, époque de la libre entrée. Il retombe de nouveau à 2,500 en 1849, époque de loi de 1848, et monte immédiatement en 1850 pour atteindre 3,345 en 1851.

L'honorable rapporteur ajoute que le nombre des bœufs gras est minime en comparaison des bœufs maigres ; cela est vrai ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est que le nombre a plus que doublé depuis 1850.

Or, messieurs, pour nous les conditions de l'engraissement sont trop inégales pour pouvoir lutter avec la Hollande.

J'ai souvent entendu dire ici qu'il ne fallait protéger que les industries qui avaient à craindre une rivalité écrasante. C'est ici le cas.

Je n'en parlerais pas si la protection devait augmenter le prix de la viande, parce que je considère le bas prix des denrées alimentaires comme un des principes essentiels de la politique contemporaine ; mais puisque le bas prix du bétail ne fait qu'élever le prix de la viande, mes scrupules disparaissent, et je me prêterais bien volontiers à une protection s'il était reconnu qu'elle était un remède.

L'honorable rapporteur cite la France, et dit que les droits élevés n'ont pas empêché le prix de la viande de hausser et la consommation de baisser.

Cela est possible, mais toujours est-il que ce n'est pas au tarif douanier qu'il faut l'attribuer, car il est clair que le bétail a augmenté de beaucoup en France. Le chiffre diminué de nos exportations vers ce pays en fait foi.

C'est un fait qui a été signalé ici par d'honorables membres, par M. Delehaye entre autres, lors de la discussion du traité avec la Hollande, et qui n'a été contesté par personne.

Il n'y a en définitive dans tout le rapport de la commission aucun chiffre, aucun argument assez concluant, pour autoriser un simple renvoi au bureau des renseignements.

Le renvoi au ministre ne préjuge rien, messieurs ; vous conservez toujours, comme le gouvernement, votre pleine et entière liberté.

Pour moi, messieurs, j'espère que ce renvoi au ministre donnera lieu à une enquête pour éclaircir cette question. Je l'avais demandé, déjà avec d'autres honorables membres et entre autres avec l'honorable M. T'Kint de Naeyer. M. le ministre ne nous a rien répondu.

Je serais heureux qu'il voulût bien nous dire quels sont les motifs qui s'opposeraient à une mesure de ce genre.

Dût-elle ne rien produire, ce qui est invraisemblable, eh bien ! messieurs, au moins aurait-elle pour résultat, comme je l'ai déjà dit, de prouver aux agriculteurs qu'ils n'avaient sous ce rapport rien à attendre du gouvernement, qu'ils n'avaient à avoir foi qu'en leurs propres forces ; et ce serait déjà immensément de gagné !

M. Coomans. - Messieurs, comme d'honorables préopinants, je trouve très lestes les conclusions de la commission. Quoi ! messieurs, un grand nombre d'agriculteurs honorables, des corps constitués par le gouvernement lui-même, des chambres de commerce, corps également officiels, réclament contre la triste situation faite à l'agriculture, en ce qui concerne particulièrement le bétail, et la commission d'industrie propose un dédaigneux ordre du jour ! (Interruption.) Je sais bien qu'elle propose le dépôt au bureau des renseignements, mais nous savons tous que c'est la même chose.

Si la commission d'industrie s'était bornée, comme on le fait d'habitude pour une foule de bagatelles, à proposer le renvoi à M. le ministre, (page 830) sans rien préjuger, aucun de nous, je pense, n’aurait pris la parole, car nous comprenons que ce débat est prématuré, en ce sens qu’il pourra mieux trouver sa place lors de la discussion du budget de l’intérieur, pour ma part donc, je ne discuterai pas le fonds ; j’insiste seulement sur ce point, qu’il y a convenance de renvoyer les pétitions au gouvernement, sans rien préjuger, je l’admets, et de ne pas les enterrer au bureau des renseignements.

Nos prétentions sont bien modestes ; nous n'ignorons pas le sort qui attend ces pétitions au département de l’intérieur ; nous savons qu'elles n'exerceront aucune influence sur les hommes qui pratiquent le système inique en vigueur aujourd'hui en matière d'économie publique ; mais, je le répète, c'est une question de convenance ; alors que la chambre renvoie à MM. les ministres une foule de pétitions et de réclamations qui ne sont pas toujours de la compétence de la chambre et qui souvent n'ont aucune importance, je ne concevrais pas qu'on se refusât à prononcer ici le même renvoi.

Si l'on nous forçait de discuter le rapport de la commission d'industrie, il nous serait aisé de démontrer qu'il fourmille de contradictions ; je me bornerai à en signaler deux ou trois, en me réservant, je le répète, de traiter plus à fond la question lors de l'examen du budget de l'intérieur.

Le rapport soutient le pour et le contre ; il prétend que les droits d'entrée sur le bétail n'exercent aucune influence sur les prix, et d'autre part, il prétend que les droits sur le bétail tendent à affamer les populations, ou tout au moins à priver de viande les classes inférieures ; la contradiction est manifeste ; il y en a une plus forte encore qui ne s'explique pas.

Le rapport ne se borne pas à déclarer que les droits d'entrée sur le bétail n'exercent pas d'influence sur les prix, mais il déclare encore que plus on élève les droits, plus le chiffre des importations s'accroît ; vraiment c'est incroyable, mais cela est. Le rapport constate « que les importations des années suivantes ont augmenté d'une manière générale, malgré la loi du 31 décembre 1835, qui avait porté les droits d'entrée à plus du double. » (Interruption.)

- Un membre. - C'est un fait.

M. Coomans. - Que signifient les faits que vous constatez avec compIaisance, si l'on ne peut pas en tirer des conclusions ? A quoi bon établir que les importations ont été beaucoup plus considérables après que les droits avaient été doublés, si cela ne signifie pas, dans votre pensée, que les droits d'entrée favorisent les importations ?

Dans tous les cas, vous devez bien reconnaître que les droits d'entrée n'empêchent pas les importations, puisqu'elles ont été doublées ; si elles n'empêchent pas les importations, vous devez être satisfaits, et ne pas repousser nos réclamations.

Messieurs, il y a une chose très curieuse sur laquelle j'appelle votre attention : c'est que le rapport de l'honorable M. Bruneau est en contradiction manifeste avec les conclusions de l'énorme statistique agricole qui a été publiée aux frais de l'Etat.

Le rapport de M. Bruneau tend à démontrer que les importations de bétail favorisent l'élève du bétail belge, c'est-à-dire d'après lui que les provinces qui reçoivent le plus de bétail hollandais sont celles où l'élève du bétail est le plus facile, le plus prospère, et j'avoue que cette argumentation est assez spécieuse. Mais le gouvernement n'esl pas de cet avis, ou tout au moins les rédacteurs de sa statistique. Voici ce que je trouve à la page 26 du résumé de cette énorme statistique, résumé que le gouvemement a fait faite pour les membres qui n'aiment pas à lire les in-folio de 1,000 pages.

« Il est un point digne de remarque, c'est que ce sont en général les parties du pays qui avoisinent la Hollande où l'accroissement du bétail a fait le moins de progrès : cette observation s'applique notamment aux provinces d'Anvers, de Limbourg et de la Flandre occidentale. Cette coïncidence est-elle fortuite et ne doit-on pas y voir au contraire l'influence d'un voisinage qui a longtemps contribué à déprimer la production des bestiaux en Belgique : N'est-on pas en droit de croire que cette influence est réelle, quand, d'un autre côté, on constate que ce sont les provinces qui touchent à la France, et notamment le Haineur, le Luxembourg et Namur, où le nombre des bêtes bovines s’est surtout accru dans une grande mesure ? »

Voilà une opinion officielle ; elle mérite d'être prise en sérieuse considération, attendu qu'elle nous coûte, je pense, 30 à 35,000 fr. ; c'est ce que coûte la statistique agricole publiée par le gouvernement ; c'est pour arriver à cette conclusion qu'on a dépensé environ 35,000 francs Eh bien, la dépense ne sera pas inutile, si l'opinion ainsi relatée vient à triompher dans cette enceinte.

Je n'en dirai pas davantage. Je me borne à insister fortement pour que la chambre renvoie au gouvernement les réclamations respectables qui nous ont été adressées.

M. de Denterghem. - Messieurs, l'honorable M. Bruneau propose au nom de la commission permanente d'industrie de déposer les pétitions demandant la révision des droits de douanes sur le bétail au bureau des renseignements, ce qui signifie que dans son opinion il n'y a pas lieu de s'occuper de la demande des pétitionnaires.

Je trouve ces conclusions injustes, et c'est pourquoi je viens réclamer contre elles.

Je reconnais qu'on ne peut faire ce que quelques pétitions réclament, parce que les traités existants sont un obstacle insurmontable ; cependant les plaintes que l'on fait entendre sont fondées, comme je vais avoir l’honneur de vous le démontrer ; il y a donc justice à s’en occuper et à rechercher un remède à cet état fâcheux.

L'honorable M. Bruneau reconnaîtra avec moi que l'industrie agricole est digne de la sollicitude du gouvernement au même degré que les autres grandes industries,

Si des circonstances impérieuses exigent un sacrifice de sa part, un sacrifice en faveur de l'intérêt public, ne serait-elle pas en droit de demander une compensation à ses sœurs ? Car il n'est pas juste qu'elle seule supporte les inconvénients de la situation, alors surtout que ce qui constitue une perte pour elle devient un bénéfice pour les autres (le bon marché des denrées alimentaires).

Qui d'entre nous, messieurs, oserait dire que les charges de l'Etat doivent être supputées par une partie de la nation à l'avantage de l'autre ? Personne n'oserait élever une prétention aussi inique. Et cependant que se passe-t-il aujourd'hui ?

Non seulement on refuse aux produits agricoles la protection que l'on accorde à d'autres produits, mais encore c'est l'agriculture qui paye la majeure partie des frais occasionnés par cette protection. Ainsi, remarquez que ce sont précisément ceux qui sont lésés par cette protection, puisque d'une part elle devient inutile pour eux, et que d'autre part elle les force à acheter plus cher ce qu'ils pourraient avoir à meilleur marché, ce sont eux, dis-je, qui payent la majeure partie des frais devenus nécessaires pour rendre cette protection efficace. Je veux parler des frais de douane et de tout ce qui y tient.

L'impôt foncier supporte les 6/10 au moins des charges en faveur de l'Etat ; ils payent donc les 6/10 des frais occasionés par ces protections.

Ne serait-il pas plus juste que les frais de la protection fussent supportés par les protéhés ? Et si cela n’est pas possible en pratique, qu’on ne se plaigne pas au moins si l’on demande une compensation juste.

L'on a beau torturer les chiffres produits par la statistique, il est une vérité qu'il faut reconnaître parce qu'elle est évidente comme le soleil.

Depuis le mois de juillet jusque vers le mois de novembre, c'est-à-dire pendant 5 ou 6 mois, les animaux des pâturages hollandais font une concurrence ruineuse à nos agriculteurs.

Ceci est un fait tellement paient qu'il faut être complètement ignorant de ce qui se passe pour le nier, et par conséquent, dans ce cas, on n'est pas admis à raisonner sur ces faits.

De même qu'un aveugle qui nierait l'existence du jour, ne serait pas admis à raisonner sur l'effet de la lumière.

Non seulement nous sommes écrasés par cette concurrence sur nos propres marchés, mais nous n'avons pas même conservé l'avantage que nous donnait notre position géographique.

Le marché français est notre principal débouché et les Hollandais y sont encore nos concurrents.

Pendant longtemps les frais du transport du bétail hollandais établissaient une compensation suffisante en faveur de notre bétail sur ces marchés. Mais aujourd'hui par le transit que nous accordons cet avantage disparaît en grande partie.

La différence qui existe entre les dispositions du sol hollandais et le nôtre est cause que le prix de revient de l'élève du bétail hollandais est de beaucoup inférieur au nôtre. Ce fait est constaté par l'honorable M. Bruneau lui-même :

« Nous n'exportons, dit-il, que quelques centaines de génisses, nous en importons cinq à sept mille par an, tandis que depuis quelques années nous exportons douze à dix-sept mille veaux. Ces observations semblent indiquer que nos cultivateurs trouvent en général plus de profit à acheter du bétail adulte qu'à l'élever eux-mêmes. »

Ainsi, puisqu'on reconnaît que le prix de revient de l'élève du bétail hollandais est inférieur au nôtre, comment peut-on encore nier que cette concurrence nous est ruineuse, et pourquoi nous le reprocher ?

N'y a-t-il pas à cet égard similitude entre ces produits et beaucoup d'autres produits indigènes. Si des droits élevés ne repoussaient pas de nos marchés les houilles, le fer, les cotons anglais, quelqu'un pourrait-il nier que plusieurs de ces produits se vendraient sur quelques-uns de nos inachés préférablement aux produits indigènes ; ces produits, qui sont de nécessité première pour les agriculteurs, ils voient qu'ils sont protégés par des mesures efficaces contre la concurrence étrangère, et quoi de plus naturel qu'une partie de nos concitoyens nous demandent de faire pour eux ce qu'ils nous voient faire pour les autres, nous devons le refuser, et quand on s'en plaint, nous répondrions par une fin de non-recevoir !

Messieurs, cela serait d'autant plus mauvais qu'il ne dépend pas d'eux d'être ou de ne pas être dans ces conditions d'infériorité. L'agriculteur est forcé d'élever du bétail dans quelques conditions que ce soit, il ne peut pas s'en empêcher.

Notre territoire n'est pas composé comme le territoire hollandais de riches pâturages et de terres fertiles qui n'exigent que peu ou point de fumier.

L'immense majorité de notre sol, au contraire, exige l'emploi de beaucoup de fumier. Votre agriculture n'existe qu'à ce prix ; et tous les fumiers artificiels ne peuvent servir qu'à suppléer à l'insuffisance des fumiers naturels, mais ils ne pourront jamais les remplacer.

Or, si le bétail, dont on a besoin pour la production de ce fumier, coûte de l'argent au lieu d'en apporter, je dis que le prix de revient de la culture du sol augmente, et le prix du grain, en première ligne, doit s'en ressentir. Je n'hésite pas à dire qu'un défaut d'organisation (page 831) sous ce rapport constitue immédiatement l’Etat en perte, car, messieurs, il est important de bien comprendre que le pays entier est intéressé à la prospérité de l'agriculture. Il est important de lui accorder une protection prudente et bien combinée. Le produit du sol est une valeur nouvelle qui se crèe tous les ans. Elle sort du sol comme l'or ou l'argent qu'on tire d'une mine, et lorsque l'on tolère une concurrence inopportune, c'est une partie de ce capital qui se perd pour nous à l'avantage de nos voisins. C'est l'inconvénient que je désire éviter.

Je demande que ces pétitions soient envoyées à M. le ministre de l'intérieur, et je le prie de se mettre en rapport avec les comices et avec son collègue des finances à cet égard ; car, évidemment, il y a une lacune à combler, et ce n'est pas parce que le remède est difficile à trouver qu'il faut en négliger l'étude et répondre par une fin de non-recevoir à des plaintes plus ou moins fondées de quelques-uns de nos concitoyens.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dois dire à la chambre que je ne vois pas le moindre inconvénient à ce que la pétition soit renvoyée au département de l'intérieur dans les termes indiqués.

M. le président. - Il y a la proposition de l'honorable M. Van Renynghe qui tend à ce que la pétition soit renvoyée au ministre de l'intérieur et au ministre des affaires étrangères.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je le répète, je ne vois pas d'inconvénient à ce que la pétition soit renvoyée au département de l'intérieur.

M. Boulez. - Messieurs, je prends la confiance de vous soumettre quelques brèves observations sur le projet qui nous occupe en ce moment.

En général, le prix de vente du bétail n'offre aucun avantage, ni à l'éleveur, ni à l'engraisseur.

Le nombre des têtes de bétail élevé dans les Flandres s'est considérablement accru, à raison des souffrances de l'industrie linière. La plupart des petits cultivateurs, obligés de renoncer à la fabrication des toiles, recourent à ce moyen, pour se metrre en état de payer leurs fermages et leurs contributions ; de là, une augmentation notable de produits dans ce genre d'industrie ; mais comme la misère extrême de nos provinces (je le dis en connaissance de cause) diminue aussi le chiffre de la consommation, il s'ensuit que les éleveurs et les engraisseurs de bestiaux ne sont pas suffisamment rémunérés par les prix de vente, et qu'un malaise général pèse sur l'agriculture.

Vous savez tous, messieurs, que les produits industriels de la plupart des métairies constituent environ la moitié des bénéfices d'une bonne exploitation ; mais que deviennent ces ressources, lorsque la concurrence étrangère vient, comme on dit vulgairement, couper l'herbe sous le pied aux agriculteurs du pays.

Tel est pourtant l'état des choses, car le bétail étranger est si facilement introduit dans nos provinces, qu'il paralyse tous les efforts de nos populations agricoles.

Il y a plus, l'introduction du bétail hollandais ravage souvent nos étables, des maladies contagieuses s'y déclarant, par l'agglomération des bestiaux étrangers qui y séjournent, soumis à un autre régime alimentaire, à d'autres influences atmosphériques.

Aussi beaucoup de cultivateurs sont-ils tellement frappés du fléau produit par ce contact, qu'ils se voient ou se verront bientôt contraints de renoncer à la plus fructueuse de leurs ressources.

Je propose donc, messieurs, comme MM. les préopinants, le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur, qui, dans son zèle bien connu pour l'agriculture et pour le salut des Flandres, ne manquera pas d'y donner la plus sérieuse attention.

M. de Perceval. - Avant d'entrer dans quelques développements au sujet de la question soulevée par la commission d'industrie et surtout par le rapporteur de la commission dans son travail, je demanderai à l'honorable M. Bruneau s'il compte combattre les conclusions présentées par l'honorable M. Van Renynghe, et auxquelles le gouvernement paraît se rallier. S'il les repousse, je me réserve de prendre la parole.

M. Bruneau, rapporteur. - Je suis autant que tout autre partisan et ami des intérêts de l'agriculture ; je pense que cette discussion peut avoir un résultat important pour l'agriculture, parce que je considère comme un leurre cette opinion qui tend à faire croire qu'on peut alléger les souffrances de l'agriculture par une augmentation de droits de douane. Je considère cette opinion, qui est très répandue parmi nos agriculteurs, comme funeste à leurs propres intérêts, parce qu'elle les détourne de la recherche des causes véritables de leur souffrance.

Je crois que cette discussion peut être utile, il faut qu'on sache si, en effet, les droits de douane peuvent apporter des soulagements aux souffrances de l'industrie de l'élève et de l'engraissement du bétail. Sous ce rapport, je n'aurais pas proposé le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, si l'on n'avait pas fait la proposition de la renvoyer au ministre de l'intérieur, comme impliquant une approbation des conclusions des pétitionnaires.

La commission, pour ainsi dire à l'unanimité, a reconnu que, dans l'état actuel des choses, il n'y a pas lieu à modifier la loi de douanes.

Si l'on demandait le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur sans rien préjuger, alors ce renvoi n'aurait plus de but, il n'aurait plus d'importance, et dès lors il serait indifférent qu'on ordonnât le dépôt de la pétition au bureau des renseignements ou le renvoi au ministre de l'intérieur sans aucune signification.

M. de Theux. - Il n'entre nullement dans mes intentions de traiter au fond la question du bétail, mais je veux faire connaître à la chambre quelques faits parce qu’il s'agit ici d'un grave intérêt.

Je dirai d'abord que le conseil provincial du Limbourg dans sa dernière session a adressé, à l'unanimité, ses doléances au gouvernement quant au bétail. Et en effet, pour quiconque connaît le Limbourg et surtout la partie limitrophe de la Hollande, ces doléances ne sont que trop fondées. C’est à tel point que, malgré des travaux publics de diverses natures, dans la Campine, le prix des propriétés, au lieu de s’y élever, va au contraire en décroissant d’une manière très sensible.

Messieurs, qu’on le demande aux notaires ; ce sont les meilleures appréciateurs, tous sans exception constateront, d’une part, la baisse du prix du sol attribué, malgré les faveurs accordées à la Campine, à l’avilissement du prix du bétail, aussi les plaines des cultivateurs sont-elles unanimes ; leur opinion est que le mal vient de l’introduction du bétail hollandais. Ils sont dans l’affliction de voir de grands troupeaux venant de ce paus et leur faisant concurrence. Le sol de la Campine n’est pas d’une nature aussi forte que celui de la Hollande ; de là la différence entre le prix du bétail hollandais et celui du bétail de la Campine.

On a conseillé souvent aux cultivateurs d'augmenter le nombre de leurs têtes de bétail, dans l'intérêt de l'agriculture. Ce conseil est excellent et il n'est pas un seul cultivateur qui ne soit prêt à le mettre en pratique, à condition que ce ne soit pas à perte.

Mais si la lutte doit se prolonger, au lieu d'arriver à une augmentation de têtes, on arrivera à une situation tout à fait contraire. Quoi qu'il en soit, le désespoir est dans le cœur des cultivateurs. Voilà le fait que je voulais signaler à l'attention du gouvernement. Si l'élévation du tarif des douanes n'est pas possible, s'il est vrai que ce ne soit pas un remède au mal dont on se plaint, que le gouvernement étudie cette question : pourquoi le prix de la viande de boucherie ne diminue-t-il pas en proportion du prix du bétail sur pied ?

On dit que le bétail renchérit depuis quelques semaines, mais cela a tenu à ce qui s'est passé dans un pays voisin où quelques alarmes ont arrêté les achats ; mais depuis quelques années le prix normal du bétail a été en décroissant et a causé le découragement des cultivateurs.

Ce découragement des cultivateurs, au lieu de le traiter avec dédain, nous devons accueillir leurs plaintes avec empressement et montrer que dans le sein du gouvernement comme de la législature, on est désireux de chercher un remède au mal dont on se plaint. D'après cela, j'appuie les conclusions de M. Van Renynghe qui, du reste, ne paraissent pas rencontrer d'opposition.

M. Clep. - Messieurs, comme la question des droits de douane, que l'on demande d'élever sur le bétail, vient d'être lucidement développée par plusieurs de mes honorables collègues, pour ne pas abuser du temps précieux de la chambre, je me rallie à leur opposition aux conclusions de la commission permanente de l'industrie.

J'ajouterai seulement qu'à l'occasion de l'examen par la chambre du dernier traité hollando-belge, j'ai démontré dans la séance du 24 décembre 1851 l'urgente nécessité dans l'intérêt bien entendu de l'industrie agricole, d'élever très fortement lesdits droits, et pour ne pas me répéter, je persiste dans tout ce que j'ai soutenu a cet égard et j'appuie le renvoi au gouvernement des pétitions dont s'agit.

M. Bruneau, rapporteur. - Les pétitions envoyés à la commission d'industrie demandaient un changement au tarif des douanes. C'est sous ce point de vue que la commission les a examinées.

Elle a pensé, d'après les faits statistiques qu'elle avait sous les yeux, que les droits de douane n'étaient pas de nature à exercer de l'influence sur l'introduction du bétail, par conséquent que ce n'était pas dans ce moyen que les pétitionnaires trouveraient un remède aux souffrances dont ils se plaignaient.

La commission n'avait pour base d'appréciation que les faits statistiques.

L'honorable M. de Steenhault n'admet pas ces chiffres comme une preuve, il préfère s'en rapporter à ses connaissances personnelles ; mais on doit reconnaître cependant que pour nos relations avec l'étranger, c'est la statistique officielle qui peut seule nous donner des éléments certains d'appréciation, et, à l'aide de cette statistique, la commission a démontré que la législation douanière n'avait exercé aucune influence, sur l'entrée du bétail, que sous tous les régimes quels qu'ils fussent que le droit fût de 15 fr., que l'entrée fût libre ou qu'il y eût un droit modéré de 15 à 20 francs, les entrées avaient été constamment les mêmes ; il est résulté pour elle de ce fait que ce n'était pas dans un régime douanier qu'on pouvait trouver le moyen d'augmenter ou de restreindre l'entrée du bétail étranger. La question n'est pas là ; ennuie l'a dit M. de Theux, la difficulté principale est de rechercher quelle est la cause de la différence qui existe entre le prix du bétail sur pied et le prix de la viande de boucherie, cette différence est assez considérable, mais on ne peut soutenir quj les droits de douane puissent exercer aucune influence sur cette différence ; peut-être les droits d'octroi y sont-ils pour quelque chose, bien que cela soit aussi contestable, mus il est certain que les droits de douane n'y sont pour rien.

Ce n'est pas parce que nous dédaignuni les réclamations qui ont été adressées à la chambre, que nous avons proposé le dépôt des pétitions au bureau des renseignements, c'est parce que la question s'est présentée (page 832) de savoir s'il y avait lieu d'appuyer ou de ne pas appuyer la demande des pétitionnaires.

C'est dans ce sens que la majorité de la commission a proposé seulement le dépôt de la pétition, parce que dans l'intérêt même de l'agriculture il ne fallait pas entretenir l'espoir des pétitionnaires de voir réaliser des vœux qu'ils formaient pour une augmentation de tarif, c'était pour les engager à chercher ailleurs un remède à leurs souffrances, pour ne pas les laisser dans cette erreur permanente, qu'ils pouvaient trouver un soulagement dans l'élévation des droits de douane.

C'est là le seul motif qui a dicté nos conclusions. La commission n'a pas proposé le renvoi au ministre de l'intérieur pour obtenir des renseignements, parce que récemment encore le ministre avait eu l'occasion de s'expliquer à ce sujet, à propos de la discussion du traité avec la Hollande, et que la question de tarif était seule soumise à la commission d'industrie.

Maintenant, si, comme l'a proposé M. Coomans, on veut renvoyer la pétition au ministre de l'intérieur sans rien préjuger, je n'ai pas de motifs de m'y opposer, et je ne pense pas que la commission s'y oppose. Son but est atteint : c'est de faire connaître à l'agriculture qu'elle ne doit pas chercher une amélioration à sa situation actuelle, quant au prix du bétail, dans des modifications à notre régime douanier, et nous croyons ainsi, que bien loin d'avoir montré par là du dédain pour ses intérêts, nous lui avons donné au contraire une preuve de sympathie et un bon conseil.

M. de Theux. - L'honorable rapporteur a cru que j'avais déclaré qu'il n'y avait rien à faire en fait de douane. Je n'ai pas voulu dire que le seul remède à chercher était dans cette circonstance que le prix de la viande de boucherie était élevé tandis que le prix de la viande sur pied était bas ; j'ai voulu dire seulement que c'était une question à examiner.

M. Bruneau. - C'est là la seule question à examiner.

M. de Steenhault. - Je n'ai pas demandé le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, parce que j'ai une confiance illimitée dans les douanes ; j'ai demandé ce renvoi pour provoquer un examen sérieux de la question. Je pense que le régime douanier est pour quelque chose dans le prix du bétail, mais je ne crois pas qu'il exerce seul de l'influence sur ce prix. Ainsi je suis persuadé que l'honorable M. Bruneau est dans l'erreur quand il prétend que le régime douanier est sans influence ; les chiffres sont là pour prouver le contraire : ils prouvent que le prix du bétail a constamment suivi les fluctuations des droits de douane. Ainsi, il est entré 3,630 têtes de bétail en 1840, et ce chiffre est descendu à 1,500 en 1846 époque des droits modérés ; remonté à 3,500 en 1847 lors de la libre entrée, il est retombé à 2,500, en 1849, et il s'est élevé de nouveau a 3,345 en 1851. Après cela peut-on prétendre que le régime douanier n'exerce aucune influence ?

Ce sont des faits irrécusables et il ne peut y avoir aucun doute sur les causes auxquelles ils sont dus.

M. Bruneau, rapporteur. - Et les 3,600 têtes introduites en 1840 sous le régime des droits élevés ?

M. de Steenhault. - C'est un fait exceptionnel, isolé au milieu d'un grand nombre d'années et qui est loin de se reproduire dans les autres années du même régime douanier, soit antérieures soit postérieures à 1840. Au reste, je le répète, je demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur afin que la question soit examinée. Il faut qu'elle le soit ; car il se présente aujourd'hui un fait anormal, c'est la dépréciation du bétail au point que les agriculteurs ne peuvent plus en vendre ; tandis que d'un autre côté le prix de la viande est extrêmement élevé. C'est pourquoi je désire que la question soit étudiée et résolue le plus tôt possible.

M. de Perceval. - Tout le monde est d'accord sur ce point qu'il faut chercher un prompt remède aux souffrances vives de l'agriculture. Or, il est évident que nous n'atteindrions pas ce but en adoptant les conclusions de la commission permanente. Quelles sont en effet ces conclusions ? Elles tendent au dépôt des pétitions au bureau des renseignements, c'est-à-dire à n'y donner aucune suite sérieuse.

Je demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur. En ce qui me concerne, je donne à ce renvoi cette portée, c'est que le gouvernement examinera la question d'une manière complète, sous toutes ses faces, voire même s'il n'y a pas lieu de réformer notre régime douanier pour alléger les maux de la plus importante de toutes nos industries, de l'industrie agricole.

Il faut rechercher avec impartialité et sans opinion préconçue ou arrêtée, de quelle manière il convient de donner une protection efficace à l'agriculture, qui, il faut bien le dire, souffre beaucoup.

M. Rodenbach. - J'appuie le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, il consultera ces collègues s'il le juge nécessaire.

M. de Denterghem. - Nous proposons le renvoi à M. le ministre de l'intérieur sans rien préjuger ; c'est-à-dire que nous ne demandons pas telle mesure plutôt que telle autre ; nous voulons simplement que l'on examine la question et que l'on cherche les moyens de porter remède à l'état actuel des choses. Il y a une lacune ; il importe de la combler,

- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, sans rien préjuger, est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.