(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 813) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Par dépêche du 12 mars, M. le ministre des finances transmet à la chambre les explications demandées sur une requête des sieurs Jorrissen, Paque. Lhoest, Judon et J. Closson, distillateurs à Liège, sollicitant la remise des droits d'accise sur 293 hectolitres 83 litres de genièvre, qu'ils déclarent avoir perdus lors des inondations dont cette ville a été le théâtre en 1850. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. Delfosse. - Je demande l'impression de ces explications dans les Annales parlementaires.
- Cette proposition est adoptée.
« Par dépêche du 12 mars, M. le ministre des travaux publics transmet à la chambre les explications demandées sur la pétition des membres du conseil communal de Wavre, relative au tracé du chemin de fer direct de Bruxelles à Namur. »
M. de Perceval. - Je demande l'impression de ces explications dans les Annales parlementaires, et la discussion des conclusions présentées par M. le ministre des travaux publics à mardi.
M. Lelièvre. - Mardi nous avons le vote définitif du Code forestier.
M. Delfosse. - Il est probable que nous n'aurons rien à l'ordre du jour de lundi. On pourrait s'occuper. ce jour-là, des explications de M. le ministre des travaux publics sur la pétition du conseil communal de Wavre.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois qu'on pourrait se borner à imprimer dans les Annales parlementaires les explications qui résument parfaitement la question, et fixer à lundi la discussion de cet objet qui n'est pas important et ne prendra pas beaucoup de temps à la chambre.
M. Tremouroux. - Je désirerais que la discussion fût fixée à mardi ; l'honorable M. Mascart et moi nous devons nous absenter lundi pour affaire urgente et nous ne pourrions assister ce jour-là à la discussion.
M. Delfosse. - Mardi c'est impossible ; nous avons mis à l'ordre du jour le vote définitif du Code forestier. Mais on pourrait fixer la discussion dont il s'agit à demain. Les explications seront imprimées et distribuées demain matin au plus tard ; elles ne sont pas très longues.
- La chambre ordonne l'impression des explications de M. le ministre des travaux publics et en fixe la discussion à demain.
M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, avant-hier, vous avez clos le débat sur l'emploi des 3 millions, malgré nos réclamations.
Hier, vous l'avez rouvert en mon absence. Je ne m'en plains pas. Je suis à votre disposition. Mais permettez-moi de vous le dire : voilà ce que c'est que d'avoir mis autant d'empressement à donner l'absolution à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre des finances, dans la discussion d'hier, a déclaré que j'avais émis une opinion erronée, que j'avais fait erreur, en déclarant qu'un arrêté avait suspendu les effets d'une disposition importante de la loi de comptabilité. Cette disposition se résume dans les articles 44 et 45 de la loi de 1846. Elles disposent que les chefs des départements ministériels déposeront des comptes développés, des comptes détaillés de leur administration.
Ce qui m'avait fait croire que ces comptes n'avaient pas été déposés, c'est l'arrêté du 15 novembre 1849 contre-signé par l'honorable M. Frère. Cet arrêté se compose de nombreux articles. Le dernier porte que les dispositions dont il se compose ne recevront leur exécution qu'à partir du 1er janvier 1850.
Or, messieurs, il est deux articles de cet arrêté, les articles 317 et 318, qui ne sont que la reproduction des articles 44 et 45 de la loi de comptabilité. J'avais donc le droit de dire que le gouvernement avait suspendu, par un simple arrêté, une disposition importante de la loi sur la comptabilité de l'Etat.
Je répète donc que l'article 317 ainsi conçu : « Le présent arrêté recevra son exécution à partir du 1er janvier 1850, » devait me faire croire que l'application des articles 44 et 45 avait élé renvoyée à l'exercice 1850. Hier, l'organe du gouvernement ayant indiqué les époques où les comptes avaient été déposés sur le bureau, j'ai eu recours à l'indicateur tenu au greffe de la chambre, et j'ai acquis la preuve que ces comptes ont été déposés en effet. Le dépôt de ces documents importants a passé inaperçu. Personne ne l'a remarqué. Il en aura été fait mention au milieu des conversations particulières, comme cela arrive tous les jours, et comme c'est la première fois que le gouvernement publie ces comptes, ils auront été envoyés par inadvertance aux archives.
Je m'étonne seulement que le gouvernemcnl n'en ait pas réclamé l'impression et la distribution. Car la place de ces documents si intéressants pour certain emploi que l'on a fait de nos crédits n'est pas aux archives. Ils doivent être imprimés, afin de servir à la discussion des comptes. J'en fais la proposition formelle.
Je reconnais donc que le gouvernement a déposé les comptes des mi nistres en vertu des articles 44 et 45. Je reconnais que j'ai fait erreur. Mais je constate, que tout devait me faire croire, que ces articles n'avaient pas encore été mis en application, l'arrêté organique de 1849 devait me le faire supposer.
Je suis cependant fondé à déclarer que l'article 45 de la loi n'a pas encore reçu d'exécution. Que veut cet article ? Il dispose que :
Dans le premier trimestre de chaque année le ministre des finances publie le compte général des finances.
Ce compte doit être accompagné :
1° Du compte de budget ;
2° Du compte de trésorerie ;
3° Du compte des divers services spéciaux.
Or, comme l'article 2 de la loi réduit la durée de l'exercice à une annnée pour faire les dépenses, et à dix mois pour terminer les opérations, et que le dernier article de la loi exige que la loi de comptabilité soit exécutée dans toutes ses parties au plus tard le 1er janvier 1848.
Je dis que le gouvernement n'a pas accompli le voeu de la loi, puisque le compte de l'exercice 1848 n'a pas encore été déposé. Il aurait dû l'être dans le premier trimestre de 1850.
Ainsi, le compte de l'exercice 1849 devra être présenté dans le trimestre où nous nous trouvons à présent.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout.
M. de Man d'Attenrode. - Mais vous avez beau nier, la loi est formelle.
Vous ne pouvez pas contester que le compte de 1848 devait être présenté dans le premier trimestre de 1850 et que le compte de 1849 doit être présenté dans le trimestre actuel. Eh bien, aucun compte rédigé dans les termes de la loi n'a été présenté jusqu'à ce jour. Le compte de 1848, qui a été publié, n'est qu'un compte provisoire, et quant à celui de 1849, ce n'est également qu'un compte provisoire.
Ainsi, messieurs, je suis fondé à dire que le gouvernement n'a pas exécuté jusqu'à ce jour les dispositions les plus importantes de la loi de comptabilité, et ce sont celles qui concernent la reddition des comptes.
M. le ministre a ensuite soutenu, dans la séance d'hier, que cet arrêté de 1849 avait fait application de toutes les dispositions de la loi sur la comptabilité. Ici, M. le ministre verse positivement dans une erreur évidente. En effet, cet arrêté a-t-il rendu applicables les dispositions de la loi concernant les comptes-matières ? Ces comptes-matières sont cependant de la plus haute importance ; ils tendent à rendre responsables les agents auxquels est confié le soin de conserver les dépôts considérables que possède l'Etat, par exemple, à Malines, dans les arsenaux des chemins de fer et dans les arsenaux de l'armée ; cet arrêté a-t-il organisé le service des comptes provinciaux ? M. le ministre ne pourrait pas me répondre affirmativement.
Et de l'article 55 de la loi concernant la comptabilité des recettes du chemin de fer et des postes qu'est-il advenu ?
Cet article dispose que le régime de comptabilité de ces services n'est que provisoire, puisqu'il déroge à l'article 7 de la loi.
Un deuxième paragraphe porte que l'organisation définitive fera l'objet d'une loi spéciale, qui sera présentée dans la session de 1846-1847. Où est le projet que le gouvernement est tenu à présenter par la loi de 1846 ? Nous en sommes encore à l'attendre.
L'ancien cabinet avait présenté une loi en conséquence de cette disposition ; cette loi a disparu avec la dissolution des chambres.
Et jusqu'à présent, malgré les réclamations consignées dans le rapport de la commission des finances, déposé, il y a trois ans, concernant l'exercice 1845, cette loi n'a pas été présentée, et il se trouva ainsi que les recettes du chemin de fer et des postes se font d'une manière contraire à la loi organique de notre comptabilité.
Je résume ce point du débat en déclarant sans difficulté que j'ai fait erreur en disant que les comptes du ministère n'avaient pas été présentés ; le fait matériel existe ; ces comptes reposent aux archives, a déclaré l'honorable M. Frère, mais ce n'est pas là leur place.
Le dépôt ne suffit pas, ils doivent être publiés, c'est-à-dire imprimer et distribués.
Un mot maintenant en réponse à une interpellation que m’a faite M. le ministre de l'intérieur dans la séance d'hier.
L'honorable M. Rogier a profité de la motion d'ordre de son collègue pour me mettre en demeure de compléter certaines révélations, qu'il prétend que j'ai tenues en réserve, d'après ce qu'il aurait vu dans un journal avec lequel il me suppose des relations.
M. le ministre de l'intérieur a le défaut d'être excessivement sensible aux attaques qui lui sont adressées dans la presse. Dès qu'il remarque dans un journal un article qui contrarie ses opinions, il s'empresse de (page 814) porter la question, traitée dans cet article, devant cette chambre et de nous en rendre en quelque sorte solidaires.
Je ne sais si l'on veut entrer dans ce système de discussion ; si l’on veut y entrer, on n’a qu'à le déclarer ; si ce système doit prévaloir, je réglerai ma conduite en conséquence.
Voici quelle serait ma règle de conduite. Je suppose que dans l'avenir nous voyions se reproduire ce que nous avons vu dans le passé ; je suppose que le gouvernement présente un projet d'impôt qui répugne à l'opinion publique ; je suppose que le sénat, par un premier vote, rejette cet impôt ; que la dissolution de ce corps soit la conséquence de cette opposition ; je suppose ensuite que la presse gouvernementale pèse de tout son poids sur les élections, afin d'obtenir que ses résultats soient favorables au système du gouvernement.
Que les moyens employés pour y parvenir consistassent à discuter l'existence du sénat lui-même, et la réforme de la Constitution ! à soulever les classes pauvres contre les classes riches, à menacer le pays d'une révolution.
Si cela se reproduisait, je le déclare, je me croirais fondé à rendre les ministres solidaires de cette tactique ! Or, c'est à ces moyens que la presse ministérielle a eu recours au mois de septembre dernier.
J'ajouterai que cette mise en demeure de donner de nouvelles explications me surprend réellement.
Comment ! M. le ministre de l'intérieur, dans la réponse qu'il m'a adressée, a prétendu que j'avais fait des récits peu convenables, que je les avais exposés avec un style-régence, et voilà qu'il provoque, de ma part, de nouvelles révélations ! Cela n'est pas sérieux.
Je ne reconnais pas à un ministre le droit d'interpeller un représentant du pays.
Je me refuse à répondre à ses provocations, je n'irai pas plus loin.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne veux m'occuper que de la première partie du discours de l'honorable M. de Man, M. le ministre de l'intérieur s'occupera de la seconde partie de ce discours.
L'honorable M. de Man, dans une discussion récente, a formellement accusé le gouvernement d'avoir, par des arrêtés illégaux, inconstitutionnels, suspendu l'exécution de la loi. Il nous a accusés de nous soustraire aux conditions qui nous sont imposées par la loi de comptabilité et il l'a fait en accompagnant ses accusations d'insinuations, je ne dirai pas malveillantes, mais extrêmement désobligeantes.
Ce fait était tout à fait étranger à l'objet du débat ; hier je l'ai relevé, et j'ai prouvé d'une manière incontestable que l'honorable M. de Man s'était trompé en droit et en fait. En droit parce qu'il n'est pas vrai que les disposition s de la loi sur la comptabilité aient été suspendues par des arrêtés royaux. En fait, parce que le gouvernement s'était conformé à la loi de comptabilité, les comptes des ministres ayant été déposés.
L'honorable M. de Man, au lieu de reconnaître franchement et loyalement son erreur...
M. de Man d'Attenrode. - Je l'ai fait. Je conviens que vos comptes administratifs sont déposés.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - ... au lieu de reconnaître loyalement son erreur, cherche à la cacher aujourd'hui sous de nouvelles accusations. C'est une singulière manière de se défendre.
M. de Man d'Attenrode. - C'est la meilleure.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, ce n'est pas la meilleure. La meilleure, quand on est de bonne foi, ce serait de reconnaître purement et simplement qu'on s'est trompé.
Mais vous nous accusez d'autre chose maintenant.
M. de Man d'Attenrode. - Oui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous soutenez qu si, en effet, contrairement à vos premières affirmations, les arrêtés royaux que vous avez invoqués n'ont pas dispensé les ministres de rendre leurs comptes, ils ont eu pour but d'ajourner l'exécution de certaines dispositions de la loi de comptabilité. Je vous déclare de nouveau que vous n'avez pas lu les dispositions que vous avez invoquées.
Si vous aviez lu l'arrêté de 1849, vous y auriez remarqué ce considérant qui le précède :
« Voulant réunir les dispositions en vigueur sur la comptabilité de l'Etat et en régler l'application en attendant que le système soit complété par des lois particulières, etc., etc. »
Voulant réunir les disposition en vigueur sur la comptabilité de l'Etat... Comprenez-vous ?
Ainsi, il est clair pour des hommes de bonne foi que ce que l'on a fait par cet arrêté, ç'a été de reproduire les articles de la loi et les dispositions réglementaires, afin que dans un seul volume, sous une seule série d'articles, les fonctionnaires de l'administration pussent retrouver aisément les dispositions dont ils devaient faire l'application. Ce que tout le monde comprend, c'est que l'arrêté de 1847 devait être exécuté, et cet arrêté, par son article 6, spécifie la présentation des comptes par les ministres, conformément aux articles 44 et 45 de la loi de comptabilité. Or, ces comptes ont été soumis à la chambre.
Sans doute, il fallait bien fixer les mesures à prendre pendant la période de transition.
Sous l'empire de la législation ancienne, la durée de l'exercice était de trois ans, vous venez de le reconnaître. Sous l'empire de la législation nouvelle, l'exercice commence le 1er janvier et finit le 31 décembre, toutefois les opérations relatives à la liquidation, etc., peuvent se prolonger jusqu'au 31 octobre suivant. Or, l'arrêté de 1847 détermine des mesures indispensables pour passer du régime ancien au régime nouveau.
M. de Man d'Attenrode. - C'est contraire à la loi de comptabilité ; vous vous condamnez.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'avez pas compris ; si vous aviez réfléchi un seul instant aux difficultés inextricables que l'on aurait créées en procédant autrement,vous n'auriez pas osé produire cette observation.
Comment aurait-on fait ? quelles règles fallait-il appliquer ?
On a dit : Il faut appliquer aux faits anciens la loi ancienne, car la loi nouvelle ne peut avoir d'effet rétroactif. En déclarant que la loi de comptabilité serait exécutoire à partir du 1er janvier 1848, qu'est-ce que le législateur a ordonné ? C'est qu'elle serait applicable aux faits qui seraient posés conformément à cette loi.
Il est évident que pour des faits anciens l'application de cette loi était impossible ; on aurait jeté la perturbation dans la comptabilité. C'est ce que constate l'arrêté de 1847 rendu sur la proposition de M. Rappaert conseillera la cour des comptes.
M. de Man d'Attenrode. - J'ai peu de mots à ajouter. M. le ministre des finances me reproche de ne pas convenir que je me suis trompé. Mais je n'ai pas fait difficulté de reconnaître que les comptes administratifs avaient été présentés. Que veut-il de plus ? Maintenant, M. le ministre vient de convenir d'une chose, qui démontre évidemment que l'administration des finances n'a pas fait difficulté d'ajourner les effets d'une disposition de la loi de comptabilité par simple arrêté.
L'article 2 dispose qu'à l'avenir l'exercice ne sera plus que d'une année ; un arrêté de 1847, contre-signé Veydt, dispose que cet article ne sera pas applicable à l'exercice 1848. Cet article est positif. On ne peut le nier. C'est ainsi que les exercices de 1848 et 1849 échapperont comme les précédents à votre contrôle.
Ils échapperont à votre contrôle parce que, d'après l'usage établi, les crédits restant à la disposition du gouvernement pendant 3 ans, et l'administration des finances prenant plus de 2 années pour former des comptes, ils ne sont publics que 5 ou 6 ans après que les actes ont été accomplis.
L'examen de ces actes n'a alors plus aucune importance ; cet examen a perdu toute son opportunité. il devient impossible d'avoir recours à la responsabilité ministérielle.
Qu'est-il arrivé ? Pour le passé, j'ai pris sur moi de proposer l'adoption des comptes déposés par le gouvernement depuis 1830 jusqu'en 1843.
Eh bien, ces comptes étaient présentés dans une forme tout à fait incomplète ; d'un autre côté, il s'agissait d'actes tellement arriérés que la plupart des ordonnateurs n'étaient plus membres et avaient même disparu de la scène politique.
J'ai pris cette responsabilité, parce que la loi de comptabilité n'ayant pas d'effet rétroactif pour ces années, il fallait bien en passer par là. Maintenant arrive l'exercice 1848, et le gouvernement déroge à une disposition formelle de la loi, bien que l'article 59 statue qu'elle sera exécutoire à partir du 1er janvier 1848 au plus tard.
Veuillez-le remarquer, messieurs, l'arrêté pris en 1847 dispose que l'article 2 de la loi de comptabilité, l'un des plus importants, puisqu'il concerne la durée de l'exercice et qu'il enlève au gouvernement le moyen de disposer des crédits de trois exercices simultanément, ne sera pas applicable à l'exercice suivant, à l'exercice 1848.
Messieurs, ne croyez pas que cet arrêté ait échappé à notre attention : voici ce que la commission des finances dit dans son rapport sur le règlement des comptes de l'exercice 1845.
La commission, après avoir fait ressortir l'urgence de donner une durée moins longue à l'exercice, ajoute :
« Malgré cette prescription formelle (article 2 de la loi), le gouvernement a cru pouvoir en suspendre les effets par arrête royal. Il a motivé cette violation sur ce que les budgets n'avaient pas été votés à l'époque prescrite. »
Ainsi, voilà un rapport qui a été publié et discuté il y a trois ans ; et cette note n'a fait jusqu'à ce jour le sujet d'aucune remarque, d'aucune réclamation de la part de M. le ministre.
Je persiste à soutenir que le gouvernement, par ses arrêtés de 1847 et 1849, a suspendu l'application de l'article 2 de la loi de 1846, et que la conséquence de cette mesure illégale est de rendre illusoire l'examen des comptes de ces exercices.
Quand on les examinera, qui sait si ceux qui ont usé des crédits, seront encore ministres.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Man, qui paraissait avoir renoncé à nous opposer l'arrêté de 1847, puisqu'il en avait supprimé la mention au Moniteur, convaincu, sans doute, qu'il ne pouvait en tirer aucun argument ; l'arrêté de 1449, bien qu'il l'eût attaqué, l'abandonne, et se retranche encore une fois derrière l'arrêté de 1847.
J'ai soutenu et je persiste à soutenir que cet arrête qui émane de mon honorable prédécesseur M. Veydt, est conforme à la loi sainement entendue.
Je persiste à soutenir que l'honorable M. Veydt, en proposant cet arrêté, s'est conformé à la loi, qu'il n'aurait pu procéder autrement.
M. Dumortier. - Cela est un peu fort.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A votre sens, c'est peut-être un peu fort. Mais la cour des comptes s’y connaît bien un peu aussi. ; elle (page 815) a été consultée dans la personne de M. Rappaert, qui faisait partie d'une commission instituée pour l'exécution de la loi de comptabilité. M. Rappaert a minuté l'arrêté que nous reproduisons et l'on y lit :
« Considérant que la loi ne doit être appliquée qu'aux faits qui ont pris naissance et se sont accomplis postérieurement à sa mise à exécution ; que le premier budget qui devra tomber sous son application est celui qui sera présenté à la législature dans les conditions que la loi détermine tant sous le rapport de la forme que sous celui de la présentation ;
« Considérant que toute rétroactivité jetterait la perturbation dans les services ;
« Considérant que l'exercice de 1849 sera le premier qui se trouvera dans les conditions normales de la loi de comptabilité, etc. »
Suivent les dispositions.
Aussi cet arrêté, veuillez bien le remarquer, ne dispense en aucune manière des comptes qui doivent être produits. Il maintient toutes les dispositions, et il ne pouvait faire autrement, de la loi de comptabilité à cet égard.
Mais quant à la forme des comptes, il y avait des règles nouvelles à tracer et il reconnaît que ces règles nouvelles ne peuvent être appliquées qu'aux budgets présentés dans la forme et dans les délais déterminés par la loi de comptabilité.
Cela me paraît fort simple, fort rationnel, et je crois que le débat peut être clos sur cette partie de l'incident.
M. de Man d'Attenrode. - L'honorable ministre des finances m'a engagé, il y a un instant, à reconnaître une erreur. C'est ce que j'ai fait en reconnaissant que j'avais fait erreur concernant la présentation des comptes.
Mais il faudrait que M. le ministre des finances imitât mon exemple et reconnût qu'il a fait erreur en défendant l'arrêté illégal de 1847. Si le gouvernement trouvait tant de difficultés à appliquer la loi de comptabilité à l'époque déterminée par son article pénultième, il pouvait nous présenter une loi pour suspendre son exécution. Il n'en a rien fait. Vous l'avez fait pour l'article qui concerne les récépissés à talon, c'est-à-dire pour une disposition bien moins importante ; et il se croit fondé à laisser les crédits à la disposition des ordonnateurs du ministre pendant trois ans, tandis que la loi nouvelle ne l'y autorisait nullement.
M. le ministre devrait reconnaître lui-même que non pas lui, mais l'administration des finances, a fait erreur, en 1847, en suspendant une disposition importante de la loi de comptabilité.
Qu'il reconnaisse aussi qu'en déclaranl, comme il l'a fait hier, que l'arrêté de 1849 avait fait application de toutes les dispositions de la loi, îl a commis une erreur et que cet arrêté de 1849 n'organise pas tous les services prévus par la loi de comptabilité ; qu'on ne s'est pas encore occupé de cette disposition si importante qui exige que le gouvernement organise le service de comptabilité de matière. Mais le service de comptabilité de matière, messieurs, c'est tout bonnement une transformation de valeurs écus en valeurs marchandes, infiniment plus difficiles à conserver, et nous en savons quelque chose par le rapport de l'honorable M. de Brouwer, qui vous a dit que des draps étaient mangés par les vers à Malines, que des métaux y étaient rongés par la rouille.
Eh bien, si ceux qui sont chargés de ces dépôts étaient comptables, ils y regarderaient de plus près.
Si cette organisation des comptes matières était accomplie, les comptes seraient déposés et nous connaîtrions la valeur des marchandises qu'on accumule à nos frais dans les arsenaux de l'armée et du chemin de fer, ce qui, je pense, serait très utile à nos finances.
M. le ministre des finances n'a pas répondu non plus à mes observations relativement au mode illégal de comptabilité suivi pour le chemin de fer. Car, je le déclare, les recettes de la poste et du chemin de fer sont faites d'une manière contraire à la loi de comptabilité. Elle avait fait une exception par l'article 55. Elle avait indiqué un terme dans lequel le gouvernement devait déposer une loi d'organisation. Il n'en a rien fait. Nous l'avons averti plusieurs fois ; il n'a rien voulu en faire. Il est certain que cette obstination à ne pas présenter un projet de loi est illégale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'ai rien à ajouter ; je ne parviendrai pas à convaincre l'honorable M. de Man. Je m'en rapporte, du reste, très volontiers à l'appréciation de la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, hier j'avais profilé d'un incident pour demander à l'honorable rapporteur de la commission des finances de vouloir bien compléter les lacunes qui étaient restées dans son rapport. Il paraît que l'honorable rapporteur tient en réserve plusieurs affaires scandaleuses que, par générosité, il tait à la chambre.
M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai jamais dit cela. La presse le dit ; mais je ne l'ai pas. dit. Allons-nous discuter des articles de journaux ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous ne savez pas encore que je vais dire.
Messieurs, l'honorable préopinant' me reproche ma susceptibilité à l'endroit des attaques de la presse.
Je distingue dans la presse. Il y a des pamphlets ignobles, rédigés par de misérables folliculaires. Je ne m'en inquiète pas ; je méprise les pamphlets et leurs auteurs. Mais il y a des 'ournaux sérieux, des journaux livrés à des mains honnêtes, des journaux qui représentent honorablement l'opposition, et quand je trouve dans de pareils journaux des attaques, j'y suis sensible ; et quand ces attaques se trouvent notamment dans le journal le plus honorable de l'opposition, je n'hésite pas à le dire, dans le journal le plus estimable, le plus réellement indépendant, ces attaques me touchent. Elles me touchent d'autant plus que je sais, que chacun sait que ce journal est dirigé par un de nos collègue.
M. Coomans. - Qu'en savez-vous ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai nommé personne, et je n'ai pas parlé du journal en termes tels que vous ayez à me désavouer.
M. Coomans. - Je vous répondrai.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je serai charmé de vous entendre tout à l'heure.
Voici, messieurs, ce que je lis dans cet estimable journal : « Encore a-t-il fait preuve (M. de Man) de beaucoup de modération et de réserve ; il ne tenait qu'à lui de signaler beaucoup d'autres scandales. M. de Man d'Attenrode, M. Rodenbach qui l'a interrompu pour le soutenir, et tous les représentants des Flandres…
M. Rodenbach. - C'est un fait.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Bien. Je suis charmé que, par M. Rodenbach, cette assertion devienne parlementaire. J'en suis enchanté.
Ainsi, ce n'est plus une simple assertion de la presse, puisque la voilà acceptée par un membre de la chambre.
« Et tous les représentants des Flandres savent que les femmes ont joué un grand rôle dans ces affaires. »
M. Rodenbach. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) (continuant la lecture). - « L'honorable rapporteur (écoutez bien ceci) n'a pas usé de tous ses avantages. Que les feuilles ministérielles sachent que M. de Man d'Attenrode a reçu, depuis quelques semaines, des communications très intéressantes dont sa générosité et le respect des convenances parlementaires, l'ont seuls empêché d'entretenir la chambre. »
Messieurs,en présence de faits ainsi articulés dans un journal, qui n'est pas sans rapport avec un de nos collègues, et qui annonce que l'honorable M.de Man n'a pas tout dit, qu'il tient en réserve beaucoup d'affaires scandaleuses, qu'il est connu de tous les représentants des Flandres que les femmes ont joué un grand rôle dans la distribution des subsides, en présence de ces assertions, j'ai voulu savoir à quoi m'en tenir ; j'ai fait faire des recherches, j'ai fait compulser les dossiers, et je me permettrai de dire ce que j'en ai appris. L'honorable M. de Man pourra compléter mes renseignements s'ils sont incomplets.
M. de Man d'Attenrode. - J'ai entendu votre leçon, je suis décidé à en faire mon profit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). Rassurez-vous, je n'effaroucherai aucune oreille.
J'ai donc pris des renseignements sur l'intervention du sexe dans les affaires industrielles.
Des subsides ont été accordés à trois personnes du sexe : l'une, dans les Flandres (le fait doit être parfaitement connu des députés et des sénateurs flamands) avait demandé des subsides pour l'établissement d'un atelier de dentelles.
C'était dans la commune de Desselberg. La dame H. obtint un subside à la recommandation de M. le chevalier Heyndrickx, sénateur…
M. Van Grootven. - C'est une dame très honorable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'en doute pas. Je n'ai pas l'honneur de la connaître.
A Gulleghem, une dame, nommée Marie-Josèphe, Masselis m'avait été particulièrement recommandée par un de nos honorables collègues, l'honorable abbé de Haerne...
M. Coomans. - J'en ai recommandé une également.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Attendez. Vous savez bien que nous y viendrons. (Interruption.)
M. Coomans. - C'est l'argent de l'Etat.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ayez donc patience. Je ne parle pas encore de vous. Tout à l'heure.
La dame Marie-Josèphe Masselis, recommandée par l'honorable M. dé Haerne, ne reçut pas de subside, parce qu'elle ne se trouvait pas dans les conditions voulues.
M. de Haerne. - Elle a réalisé son projet sans subside.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable abbé de Haerne fut plus heureux pour une autre recommandation : les demoiselles P…, de Courtray.
M. de Haerne. - Les dames Pringiers et Denys.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Des dames de Courtray avaient demandé 30,000 francs pour encouragement à l'industrie des dentelles de soie. La pétition avait été apostillée, en effet, par un représentant des Flandres ; ce représentant disait :
« Le soussigné, membre de la chambre des représentants, s’empresse d’appeler l’attention plus sérieuse de M. le ministre de l’intérieur sur l’industrie nouvelle signalée dans la requête ci-dessus et de lui recommander les pétitionnaires d’une manière toute spéciale. »
Ce représentant, il vient, messieurs, de se faire connaître, c’’est l’honorable abbé de Haerne.
(page 816) M. de Haerne. - Il s’est fait connaître parce que vous l'aviez nommé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable abbé de Haerne insista beaucoup en faveur de ces dames ; il écrivit la lettre suivante à M. l'inspecteur de l'industrie,
« J'ai l'honneur de vous adresser les dames Dénie et Pringiers qui ont inventé une nouvelle espèce de dentelles, savoir la valencienne en soie. Cette nouvelle industrie, au dire de tous les hommes compétents, et notamment des marchands français, promet pour l'avenir et mérite toute la protection du gouvernement qui fait des efforts pour introduire dans les Flandres des industries nouvelles. C'est dons ce but, M. l'inspecteur, que j'ai remis à LL. MM. le Roi et la Reine, ainsi qu'à M. le ministre de l'intérieur, des échantillons de ce nouveau produit. M. le ministre de l'intérieur m'a fait l'honneur de m'annoncer depuis lors que vous seriez venu très prochainement visiter sur les lieux cette fabrication nouvelle.
« J'ai pris la liberté de vous rappeler depuis lors la promesse de M. Rosier, et voyant que jusqu'ici nous n'avons pas eu l'avantage de vous voir, les dames que la chose concerne se sont décidées à vous aller trouver, pour s'expliquer avec vous et savoir à quoi s'en tenir.
« J'espère, M. l'inspecteur, que vous serez satisfait des explications qu'elles auront l'honneur de vous donner et que vous appuierez leur entreprise, qui est conçue dans l'intérêt de la classe ouvrière des Flandres. »
Voilà, messieurs, la deuxième affaire dans laquelle des dames sont intervenues. Je vous fais voir par quelles personnes ces dames étaient recommandées. C'est, en effet, un député des Flandres.
Je dirai, en passant, comment on peut se tromper lorsqu'on est ministre, en rappelant que l'honorable abbé de Haerne (je le cite, parce qu'il s'est beaucoup occupé de toutes ces questions à cette époque) que l’honorable abbe de Haerne avait apostillé une pétition d'un industriel qui disait avoir à entretenir 80 ouvriers dans son atelier. L'honorable M. de Haerne avait certifié ces faits exacts dans son apostille ; on envoya vérifier sur les lieux, avant d'accorder le subside, et il se trouva que cet industriel n'avait qu'un seul métier ; on ne découvrit pas que les 80 ouvriers, et on n'accorda pas le subside.
Je dis seulement cela pour faire comprendre comment le gouvernement peut être induit dans des erreurs involontaires, puisque les personnes les mieux placées pour connaître les faits, risquent d'être trompées.
M. de Haerne. - Auriez vous la bonté de nommer l'individu ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne crois pas devoir le nommer ; mais j'ai le dossier sous les yeux ; vous pouvez y voir votre apostille et le rapport du commissaire d'arrondissement ; ce fonctionnaire dit :« Je suis entré dans l'atelier à l'improvisle pendant les heures de travail, et je n'y ai trouvé personne ; un seul métier était garni d'une chaîne ; tout le reste était abandonné. » Voilà le rapport officiel. Maintenant voici ce que portait l'apostille de l'honorable M. de Haerne.
« Je certifie les faits comme conformes à la vérité et comme dignes de l'attention de M. le ministre de l'intérieur. »
M. de Haerne. - Je me rappelle l'affaire ; je n'ai pas besoin de voir le dossier.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut donc accorder un peu d'indulgence aux ministres s'ils se trompent quelquefois involontairement...
M. de Haerne. - Il est possible que j'aie été induit en erreur ; ce serait le fait de conseillers communaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Reste maintenant la troisième affaire dans laquelle un subside a été accordé ; elle ne concerne pas les Flandres, elle concerne la province d'Anvers : il s'agissait d'un atelier de tulle brodé....
M. Coomans. - C'esl mon affaire ; je l'expliquerai.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense que l'honorable M. Coomans ne trouvera pas mauvais que je donne communication de la lettre qu'il m'a adressée.
M. Coomans. - Non ! non ! Je ne m'attendais pas à ce qu'elle serait lue ici ; mais je vous prie d'en donner lecture.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - S'il y avait dans cette lettre un seul mot qui fût de nature à blesser qui que ce fût, je n'en donnerais pas lecture ; cette lettre n'a aucun caractère blessant pour personne, je vous le déclare tout de suite ; c'est une lettre écrite à un ministre par un représentant.
Voici la lettre de l'honorable M. Coomans :
« Bruxelles, 2 octobre 1849.
« Monsieur le ministre,
« Je ne pense pas vous déplaire en appelant votre attention sur les meilleurs moyens d'employer les fonds dont vous disposez pour encourager l'industrie nationale. La maison Janssens-Delahault, de Gheel, sollicite votre appui afin qu'elle puisse continuer et étendre son commerce de dentelles. Elle occupe déjà 200 jeunes ouvrières ; elle voudrait en occuper 600 et fonder à Gheel une éeole de dentelles. A cet effet, elle vous supplie d'entretenir dans son nouvel établissement trois directrices, qui enseigneraient la broderie aux enfants, et de lui prêter la somme nécessaire à la construction des ateliers. Les sacrifices seraient légers ; ils consisteraient dans un don (unique) de 1,000 à 1,200 fr., et dans un prêt de 6,000 à 7,000 fr. »
Voilà donc préconisé le système des prêts et dons à des individus ; du reste ce système, je dois le dire, n'était pas une innovation dans l'opinion à laquelle appartient l'honorable M. Coomans ; l'honorablo M. de Theux, sous son ministère, a débuté par là ; il a accordé 25,000 francs à un individu, à un industriel, à condition d'établir un atelier dans certaines conditions, bien que l'honorable M. Malou ait déclaré que les principes des ministres d'alors écartaient d'une manière absolue les subsides individuels.
M. Coomans. - Lisez ma lettre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une parenthèse : je dis que vous ne faisiez que suivre les errements d'un de vos honorables amis ; je suis parfaitement dans la question.
Voici la fin de la lettre de l'honorable M. Coomans :
« Avant de prendre la liberté de vous entretenir de cette affaire, M. le ministre, j'ai voulu m'assurer de l'exactitude des renseignements qui m'étaient communiqués. Je me suis donc rendu sur les lieux, et j'ai pu me convaincre qu'une école dentellière serait très utile à Gheel où cette industrie, ressource précieuse pour les familles pauvres, occupe un millier de jeunes filles. Je puis ajouter que le projet du pétitionnaire est fort approuvé dans le canton, que toutes les autorités y sont favorables, et que le succès ne paraît pas douteux. En définitive, M. le ministre, il n'en coûterait au trésor qu'un millier de francs pour créer dans la partie la plus populeuse et la plus pauvre de la Campine un établissement presque indispensable.
« Je pourrais vous en écrire long sur cette intéressante question, mais j'abrège pour ne pas vous faire perdre un temps précieux, et je me mets à votre disposition pour le cas où il vous conviendrait de me demander à ce sujet des renseignements ultérieurs. Veuillez prendre une décision aussi prompte que possible et me croire, M. le ministre, votre humble et obéissant serviteur,
« Coomans aîné, représentant. »
J'ai satisfait en partie à la demande de l'honorable M. Coomans ; je n'ai pas cependant disposé des fonds de l'Etat jusqu'à concurrence de 6 à 7 mille francs ; j'ai réduit la somme indiquée par l'honorable M. Coomans.
Je ne blâme en aucune manière l'honorable M. Coomans d'être intervenu dans cette affaire ; je ne le blâme pas plus d'avoir écrit au ministre de l'intérieur en 1849 que d'avoir écrit au même ministère en 1847, pour un autre genre de service, pour solliciter de lui des subsides en faveur de l'histoire des communes de Belgique, Histoire qui est encore à paraître ; je ne le blâme pas de tout cela ; mais, messieurs, lorsque je trouve des accusations, je dirai aussi odieuses que celles dont j'ai donné lecture tout à l'heure....
M. Coomans. - Etes-vous certain qu'elles soient de moi ? Vous ne le savez pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lorsque je trouve des assertions aussi odieuses...
M. Vilain XIIII. - Les journaux ne sont justiciables que des tribunaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Permettez, nous n'avons pas l'habitude de poursuivre la presse pour notre compte ; nous subissons les invectives de l'opposition avec la plus grande résignation ; nous n'allons pas chercher des vengeurs auprès des juges, nous nous en référons à l'opinion publique ; que nos adversaires se le tiennent pour dit ; ils peuvent tranquillement continuer à nous poursuivre de leurs invectives dans la presse, nous ne les poursuivrons pas plus que nous n'apporterons de restrictions à la liberté de la presse.
M. Vilain XIIII. -Vous enlevez à la presse son juge naturel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'opinion publique est là pour la juger. (Interruption.)
M. Coomans. - Laissez dire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'attaque pas la presse ; je prends dans la presse certaines allégations qu'un de nos collègues, l'honorable M. Rodenbach, a fait siennes.
Je dis qu'en présence d'assertions aussi odieuses, j'ai été très surpris en me livrant à des recherches sur les faits antérieurs, de voir que dans les cas d'interventions du genre de celles qu'on m'a reprochées, le ministère avait été encouragé précisément par deux membres de l'opposition.
M. de Perceval. - Nous n'avons rien obtenu.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voilà tout ce que j'ai découvert. Y a-t-il quelque chose de plus ? Je supplie l'honorable M. de Man, en y mettant toutes les précautions qu'il voudra ; je le supplie de vouloir bien me le dire ; je me livrerai à de nouvelles recherches ; je l'engage à parler.
M. Malou. - C’est le gouvernement interrogatif.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il le faut bien, puisqu'il paraît que certains membres de l'opposition ont en réserve une masse de secrets. Lorsqu'elles ne parlent pas, il est naturel que je tâche d arracher à ces personnes discrètes les secrets qui les oppressent, si tant est qu’elles cachent de grands scandales ; car il est du rôle de l'opposition de faire connaître au pays les scandales du gouvernement. (Interruption.)
M. de Chimay. - (page 817) Ce n'est pas le rôle du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable prince de Chimay a-t-il quelques révélations à faire ?
M. de Chimay. - Non, M. le ministre. Vous dites que c'est le rôle de l'opposition de faire connaître les scandales. Je dis que ce n'est pas le rôle du gouvernement, et je me borne à regretter dans ce moment-ci la déplorable direction que vous imprimez aux débats de la chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un ministre sera exposé à de lâches calomnies et il ne pourra pas se défendre !
M. de Liedekerke. - Vous changez la chambre en chambre d'instruction criminelle. (Interruption.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On ne m'intimidera pas.
M. Orban. - On pourra fermer la discussion quand on voudra.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous n'avons pas fermé la discussion.
M. Orban. - Vous l'avez fermée hier à cinq heures et demie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quand on m'accuse ouvertement dans cette enceinte, je ne me plains pas et je réponds ; et quand on forge des accusations dans les couloirs de la chambre ou dans la presse alors je les poursuis et je les somme de se produire en séance publique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A bas les masques !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lorsqu'on prétend tenir en réserve beaucoup de scandales, il ne faut pas qu'on aille se retrancher lâchement derrière le voile de l'anonyme.
M. de Liedekerke. - Vous parlez des couloirs de la chambre ; mais accusez nominativement.
M. le président. - M. de Liedekerke, vous n'avez pas la parole. Je vous inscris.
M. Orban. - Si l'on veut trouver des calomniateurs, c'est dans le « Journal de Liège » qu'il faut les chercher.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne sais pas pourquoi on m'interrompt.
M. le président. - Tout le monde interrompt. Je dois déclarer que je ne puis pas permettre les interruptions de quelque nature qu'elles soient. Chacun aura son tour de parole.
M. Rodenbach. - Nous suivons l'exemple des ministres, ils interrompent aussi.
M. le président. - Si on n'interrompait pas les ministres, ils n'interrrompraient pas les membres de la chambre. Je vous prie, messieurs, d'en finir.
M. Orban. - On n'aura pas le temps de répondre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas nous qui désertons nos bancs. Nous vous attendons et nous vous entendrons avec plaisir.
Messieurs, je me hâte d'en finir. Je n'aurais pas recommencé ce débat sans cette circonstance que ceux qui ne l'avaient pas soulevé dans cette enceinte ont cherché à le transporter ailleurs : ayant trouvé ailleurs des calomnies, j'ai dû les y rencontrer et les combattre, j'ai dû fournir des explications et en provoquer d'autres.
Si l'on se tait, je dois croire qu'on n'a plus rien à dire, ou qu'on n'ose pas susciter de nouveaux débats qui tourneraient précisément contre d'opposition.
Pour notre part, nous les provoquons formellement, nous ne les redoutons pas. Si l'on se tait, je le répète, ce ne sera certainement pas par intérêt pour nous qu'on le fera.
M. Coomans. -Messieurs, j'ai été si souvent désigné par l'honorable ministre de l'intérieur, le seul des ministres qui se plaigne sans cesse ici du langage de la presse à son égard, sans doute parce qu'il a l'amour-propre plus irritable que ses collègues ; j'ai été si souvent désigné dans les journaux de ce ministre comme l'un des rédacteurs d'une feuille de la capitale, que vous n'avez pas dû être surpris quand j'ai demandé enfin la parole. M. le ministre m'a fourni vingt fois l'occasion de le demander à ce sujet, pourquoi me suis-je contenu ? Par respect pour la chambre, par respect pour l'autorité législative et pour moi-même. J'ai cru, je crois encore que ce qui se passe en dehors de la chambre dans le domaine de la presse ou dans les couloirs, ne doit pas être produit devant elle comme un sujet de discussion.
Si vous êtes attaqué par certaines feuilles, défendez-vous dans d'autres feuilles, vous en avez assez, ou bien prenez la voie des tribunaux. Je pourrais me tirer facilement d'affaire et couvrir l'honorable ministre de confusion. Je pourrais lui dire : Toutes vos jérémiades de tout à l'heure, le long discours que vous venez de faire contre moi, tombe à faux, car l'article qui les a provoqués n'est pas de moi ; vous avez donc ravalé la dignité de la chambre. Je ne le dirai pas ; M. le ministre de l'intérieur attend de moi une lâcheté ; il ne l'aura pas ; il voudrait que je reniasse mes amis ; je ne le ferai pas !
M. le ministre semble tout surpris de ce que je lui ai fait l'honneur, il y a trois ans, de lui donner des éclaircissements sur les meilleurs moyens d'employer les fonds de l'Etat qu'on lui confiait pour en disposer d'une façon arbitraire. Je dis : « je lui ai fait l'honneur de lui écrire », parce que c'est toujours un honneur pour un homme politique de recevoir des lettres honnêtes et des marques d'estime de la part de ses adversaires. C'est un honneur que je ne ferais pas à tous les amis de M. le ministre ; il devrait y être sensible. Il n'a pas lu la phrase finale de la lettre où je rendais un sincèse hommage à l'impartialité que je lui attribuais à cette époque. Je ne sais pourquoi il a supprimé cette phrase qui ne me gêne pas du tout.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas dans cette lettre-là, c'est dans une autre.
M. Coomans. - En effet, je vous ai écrit deux fois, je ne garde pas copie de mes lettres, surtout quand elles sont d'une nature confidentielle.
L'honorable ministre qui s'étonne que je lui aie écrit pour obtenir un subside en faveur de la population dentellière de Gheel, pourrait s'étonner d'autre chose, c'est que je l'aie défendu pendant sept ans avec une conviction profonde ; j'ai écrit plus de 200 articles de journaux en sa faveur, articles tellement louangeurs que je le défie de les lire ici. Il sait avec quel désintéressement je les écris. Jamais je ne lui ai rien, absolument rien demandé.
Quand ai-je tenu cette conduite ? Je l'ai tenue à Gand lorsque je combattais avec M. Rogier pour la Constitution, pour la nationalité, pour le Roi : et contre qui défendais-je M. Rogier ? Contre ses amis d'aujourd'hui qui le calomniaient et qui lui donnaient des dénominations que je n'oserais pas répéter ici. Je l'ai défendu, je ne m'en repens pas ; sa carrière a été honorable (interruption), très honorable jusqu'à un certain temps... (Interruption.) C'est mon opinion, messieurs.
Je l'ai défendu avec conviction, par pur patriotisme. Je ne sais pas pourquoi l'honorable ministre, essayant de me mettre en contradiction avec moi-même, ne vient pas lire ces articles qui servaient de réponse à ses amis d'aujourd'hui.
Messieurs, on peut avoir été en dissidence avec des amis politiques ; il y a des luttes honorables dans les deux sens, mais jamais je ne donnerais, moi, la main à quiconque aurait osé m'appeler voleur et pillard.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ce que vous faites aujourd'hui.
M. Coomans. - Non, jamais, ne vous insultez pas vous-même.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous vous accusez de gaspillage.
M. Coomans. - Oui, mais on peut gaspiller les fonds de l'Etat par caprice, par amour-propre, par suite d'une erreur économique, sans être un voleur. Jamais je ne me permettrais une si stupide accusation, ni contre vous, ni contre aucun de mes adversaires politiques.
J'ai l'habitude de penser tout haut et ne dis que ce que je pense. Ce que je considérais il y a douze et quinze ans comme une calomnie abominable, je le considère encore de même aujourd'hui. (Interruption.) Donc je fais votre éloge et vous ne devez pas m'en vouloir.
Quand j'écrivais à M. Rogier que j'avais foi dans son impartialité, et quand je lui demandais quelque argent pour soutenir en Campine une industrie utile, il ne m'avait pas encore appelé affameur public ; sur le banc où il siège, on ne nous avait pas encore dit qu'en 1848, nous nous étions des lâches, mes amis et moi, à l'époque où nous nous serrions tous autour du drapeau national pour sauver nos institutions ; on ne nous avait pas encore dit que c'était par peur, par le plus vil des sentiments, que nous avions donné la main au ministère. On ne nous avait pas encore adressé ces insultes.
Aujourd'hui, que M. le ministre se rassure, il aurait encore dix millions à distribuer, que je ne lui ferais plus l'honneur de lui en parler.
Mon crime est d'avoir recommandé au ministre une dame, une directrice industrielle, à laquelle aucun intérêt personnel ne me liait, une dame qui projetait d'étendre son établissement, et qui était venue chez moi exposer son affaire, et me demander conseil et appui. Je m'entourai à ce sujet de renseignements sûrs. Je consultai des personnes honorables qui affirmèrent que le projet de cette dame de fonder une école dentellière à Gheel était sérieux, qu'il répondait à des besoins réels. Quand les personnes les plus honorables m'eurent affirmé cela, je dis à cette dame de ne pas m'engager à la recommander au gouvernement, parce que mon influence auprès de lui était nulle, à cause de l'opposition que je croyais devoir faire à la politique exclusive, soi-disant homogène et partiale du cabinet. Je l'engageai à ne pas insister auprès de moi, l'assurant qu'elle avait plus de chance de succès en se présentant elle-même chez le ministre. Elle ne m'en crut qu'à moitié. Elle insista. C'est alors que j'ai écrit au ministre. La dame en question alla le voir, traita avec lui, fut heureuse dans ses démarches, et je ne la revis plus.
M. le ministre aurait eu raison de me faire un grief de mon intervention dans cette affaire si l'établissement avait croulé comme tels autres qu'il a subsidiés. Mais cet établissement prospère, m'assure-t-on.
Les dernières nouvelles que j'ai reçues de Gheel portent que l'établissement prospère, que les quelques milliers de francs prêtés par le gouvernement lui seront remboursés ; et dès lors, je le demande, où est mon tort ? Je voudrais bien savoir qui, dans cette chambre (car il faut jour cartes sur table), a recommandé à M. le ministre les entreprises qui actuellement sont en pleine déconfiture ; je veux parler des ateliers d'Alost, d'Audenarde, de Deynze, etc. Je voudrais que ceux qui ont sollicité, de ce côté-là (montrant la gauche), vinssent faire leur confession comme je suis prêt à faire la mienne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanle la parole.
M. Coomans. - (page 818) J’ai recommandé une seule affaire à M. le ministre ; cette affaire est bonne ; tandis que d’autres… (Interruption). Je choisis mon terrain, M. le ministre, comme vous avez choisi le votre.
Je voudrais, je le répète, que d'autres membres de cette assemblée qui ont recommandé au gouvernement des établissements tombés aujourd'hui en déconfiture, des faillis, des banqueroutiers déclinassent leurs noms également.
J'ai cru pouvoir en toute confiance et sans craindre de me mettre en contradiction avec mes principes économiques, demander une part, part bien minime, du gâteau des trois millions distribués en Belgique.
Eh quoi, on dirait vraiment que quand la chambre vote des millions, ils sont la propriété exclusive des ministres ! Ces millions, messieurs, sont la propriété de l'Etat ; certes mon arrondissement n'en a pas eu trop. Il a été mal partagé, et si j'avais quelque chance d'obtenir encore une part de ces subsides pour la partie la plus malheureuse de mon arrondissement, j'en formulerais la demande à l'instant, sans encourir, ce me semble, le moindre reproche.
Ce sont là des subsides individuels ! s'est écrié M. le ministre. Je le sais, c'est un déplorable système, j'en conviens ; et, pour le dire en passant, l'honorable M. Pirmez doit être singulièrement scandalisé de tout ce qui se passe ici : il voit, en effet, la confirmation de sa théorie et la réalisation de ce qu'il avait prévu.
Je suis ennemi des subsides individuels ; mais est-ce moi qui les ai votés ? Je n'ai pas même voté le million dont j'ai réclamé à bon droit une part pour la commune de Gheel. Je ne veux pas de subsides individuels ; mais quand les fonds sont votés, je crois être en droit d'en demander une partie parce que j'aime mieux qu'ils soient accordés à des populations que je connais qu'à celles que je ne connais pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez dit que c'était le meilleur moyen d'employer les fonds.
M. Coomans. - Je n'ai pas dit cela dans ma lettre, J'ai indiqué les meilleurs moyens d'appliquer les fonds volés. Quand les fonds sont votés, chacun doit en avoir une certaine part ; et moi j'ai à me plaindre de n'avoir pas obtenu la mienne.
- Un membre. - Assez ! assez !
M. Coomans. - Non, ce n'est pas assez ; je n'ai pas provoqué cette discussion, maintenant il faut qu'elle ait son cours.
Messieurs, j'aborde un autre point de ce débat. Les journalistes, dont M. le ministre se plaint...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je distingue.
M. Coomans. - Oui, vous ne vous plaignez pas de ceux qui vous louent. Les journalistes, dis-je, ont aussi de l'amour-propre, ils sont hommes, et étant plus avancés dans la mêlée, ils reçoivent aussi les premiers coups et les plus dures. Croyez vous donc que je n'aie pas été attaqué dans la presse ? Mais, depuis dix-huit ans que j'y suis, j'ai été attaqué souvent de la manière la plus odieuse, j'ai très rarement réclamé, et jamais je ne l'ai fait par la voie des tribunaux, jamais en public, jamais à la chambre. Et cependant j'avais une occasion bien belle, il y a deux ans, de réclamer contre la presse ministérielle, car, dans ma personne on attaquait, un principe, on blessait l'équité et la morale. Au chef-lieu de mon arrondissement se publie un journal ministériel, on me permettra de qualifier ainsi un journal qui fait constamment l'éloge de MM. les ministres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est la première fois que j'apprends son existence.
M. Coomans. - C'est de l'ingratitude de votre part, il vous porte aux nues, et je vous le recommande.
Eh bien, pendant plusieurs semaines, dans le cours de la lutte électorale, ce journal, non seulement a imprimé que j'étais un homme nul (assertion contre laquelle je ne réclamerai jamais) ; mais que j'étais un ennemi dangereux de la Campine. « Campinois, a-t-il dit, prenez-y garde, nous savons de bonne source que si M. Coomans est réélu vous n'obtiendrez plus rien du gouvernement qui réserve le budget à ses amis. Vous n'aurez pas telle route dont vous avez besoin, telle autre route qui vous conviendrait ; la Campine, qui est déjà presque un désert, le deviendra tout à fait. Elisez donc un ami des ministres, c'est votre intérêt, etc., etc. »
Eh bien ! ai-je réclamé ? Nullement ; et cependant l'occasion était belle ; je pouvais faire rougir mes adversaires de recevoir un tel appui ; je n'avais qu'à publier une réponse-réclame qui m'aurait ramené des suffrages égarés ; je n'en ai rien fait.
Il y a plus : je ne me suis pas même rendu dans l'arrondissement avant les élections pur démentir en personne d'odieuses déclamations ; je suis resté à Bruxelles, laissant les électeurs complètement libres d'agir.
Mais, messieurs, je vous citerai un autre exemple plus recommandable de la patience qu'il faut déployer dans les luttes publiques quand on a l'honneur de siéger ici.
Il y a quelques années, au milieu de la crise alimentaire, un membre de cette chambre était ministre ; ce membre, que chacun de nous respecte, quelles que soient ses opinions, a été accusé, par des journaux aujourd'hui ministériels, de vouloir systématiquement affamer les Flandres, dans je ne sais quel intérêt de parti. Cela a été écrit non pas une fois, mais cent fois, dans un intérêt de parti ; cela a été dit et répété dans dix journaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. de Theux a protesté en séance publique.
M. de Theux. - J'ai protesté contre un député qui avait paru faire siennes ces calomnies.
M. Coomans. - M. le ministre avoue donc le fait. L'honorable M. de Theux est-il venu élever ici des réclamations contre ces stupides calomnies ? Pas que je sache, il avait trop le droit de les mépriser. Il en a laissé profiter ceux qui les exploitaient contre l'opinion conservatrice ; et, fort de sa conscience d'honnête homme, il a confié sa vengeance au public honnête, égaré parfois mais jamais trompé sans retour. J'engage M. le ministre de l'intérieur à suivre cet honorable exemple ; il le pourra d'autant plus facilement qu'il n'est pas réservé à des attaques. On a pu le blesser dans son amour-propre, mais on ne l'a point accusé de tuer ses compatriotes pour prolonger son règne ministériel.
M. Rodenbach. - Dans la séance d'avant-hier, j'ai, en effet, fait une interruption ; j'ai fait allusion à un fait avéré et qui est à la connaissance d'un grand nombre de députés des Flandres, j'en appelle à leur mémoire. M. le ministre a dit que j'avais fait miennes les critiques auxquelles ce fait a donné lieu ; eh bien, messieurs, je rappellerai de la manière la plus décente possible ce qui a eu lieu.
J'ai dit qu'un industriel avait fait une convention avec le gouvernement et obtenu de lui un subside ; que ce subside lui a donné un grand crédit dans le pays, et que ce crédit lui a permis de tromper une foule de personnes.
Messieurs, le ministère, avant d'accorder des subsides, devrait connaître les personnes à qui il a affaire. Il ne doit pas prêter son appui à des intrigants. C'est cependant ce qu'il a fait, car la personne dont il est ici question, a non seulement fait banqueroute à l'honneur, en partant avec l'argent qui ne lui appartenait pas, mais elle a eu la perfidie d'enlever la femme de son associé.
C'est là un fait avéré, et je défie les députés d'Alost de dire le contraire. Car je le tiens d'eux-mêmes, et, au besoin, je les citerai.
M. le président. - Il est déjà assez fâcheux que l'on doive citer des noms propres dans nos débats ; il ne faut pas y faire intervenir des personnes qui peuvent y rester étrangères.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande à dire un mot pour bien préciser le débat.
Le fait que vient de révéler l'honorable M. Rodenbach avait été révélé par son honorable ami M. de Man ; mais un journal a annoncé, en quelque sorte, au nom de l'honorable M. de Man, qu'il avait encore des révélations à faire ; et c'est là-dessus que j'ai demandé des explications catégoriques.
Je n'ai pas attaqué le journal qui a donné cette nouvelle ; j'a seulement voulu provoquer l'honorable M. de Man à faire ses révélations, si tant est qu'il en ait encore à faire. L'honorable M. de Man s'est tu ; les députés des Flandres, qu'on disait parfaitement renseignés se sont tus.
Dès-lors je devrais en conclure, si ce silence persiste, que les assertions du journal ont été purement et simplement des calomnies. C'est seulement alors que je pourrai me plaindre du journal.
Mais jusqu'ici qu'ai-je fait ? J'ai trouvé dans un journal une assertion grave sur des faits graves ; on a mis en avant des noms de représentants, j'interroge ces représentants. S'ils se taisent, c'est que décidément ils n'ont rien à dire.
M. Malou et M. Dumortier. - Ce n'est pas cela du tout.
M. de Man d'Attenrode. - Je ne réponds pas. Vous n'avez prs le droit de m'interpeller, mais moi j'ai le droit de vous interpeller.
M. de Haerne. - Messieurs, je commence par dire, avec l'honorable prince de Chimay, que je regrette cette discussion. Je la regrette d'autant plus que je me trouve obligé, en présence de l'interpellation qui m'a été faite, de m'expliquer sur certains faits auxquels j'ai participé. C'est en quelque sorte pour moi un devoir de le faire, parce que des noms propres ont été mis en avant, des désignations suffisantes ont été faites pour que, dans la localité à laquelle j'appartiens, elles donnent lieu à de fâcheux commentaires, à des cancans, et produisent des effets regrettables au point de vue des convenances sociales.
Je parlerai d'abord d'un fabricant que l'on a désigné, et chez lequel on a fait une espèce d'enquête pour voir s'il méritait le subside qu'il sollicitait. On ne l'a pas trouvé chez lui. On n'y a trouvé ni ouvriers ni métiers.
Messieurs, ce fabricant m'avait été recommandé par les personnes les plus honorables de l'endroit, entre autres par des membres de l'administration communale ; moi-même je l'avais vu. J'avais été à même d'apprécier sa fabrication qui était celle de la toile, dans laquelle il possédait des connaissances spéciales, reconnues non seulement par des industriels de Courtray, mais par des fabricants de Gand. J'ai donc cru devoir recommander cet industriel au gouvernement. Je crois encore que si, à cette époque, le gouvernement était venu à son secours, il aurait bien fait. Si l'on n'a trouvé chez lui ni ouvriers, ni métiers, la chose est facile à expliquer. A la campagne, il y a beaucoup de fabricants qui n'ont pas d'ateliers proprement dits ; les métiers sont distribués chez les ouvriers, qui travaillent en chambre, comme on dit en termes techniques.
On vous a ensuite parlé d'une personne appelée Marie-Josèphe Masselis de Gulleghem.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai nommé personne.
M. de Haerne. — Pardon, vous avez nommé la personne dont je parle, et je tiens d'ailleurs à nommer les personnes recommandables.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - (page 819) Je n'ai pas attaqué cette dame.
M. de Haerne. - Non ; mais d'après l'ensemble même de la discussion, elle pourrait être attaquée ailleurs ; c'est pourquoi je tiens à la nommer en toutes lettres. C'est le meilleur moyen de la justifier.
Messieurs, cette personne méritait toute confiance. On lui a refusé le subside et je crois qu'on a eu tort. Je suis obligé ici de vous parler de moi ; je le regrette, mais je dois le faire pour vous prouver que la personne que j'ai recommandée au gouvernement méritait de l'être.
Je lui ai avancé moi-même le subside de 4,000 fr. que lui refusait le gouvernement. Cette somme m’est rentrée très exactement, et la personne qui l’a obtenue continue à exercer honorablement son industrie, celle du filage et particulièrement du fil de batiste que j’ai introduite, en 1844, dans les environs de Courtray, et à laquelle je croyais que les subsides pouvaient s’appliquer très utilement.
M. Manilius. - On ne vous en blâme pas.
M. de Haerne. - Non ; mais je vous cite ce fait pour vous prouver que la personne que j'ai recommandée au gouvernement méritait de l'être. C'est seulement à ce point de vue que je me permets de parler de cette affaire. Je crois que les faits que j'allègue sont péremploires et justifient complètement cette personne qui sera bien étonnée d'avoir fait du bruit dans cette enceinte.
On a désigné d'autres personnes sans les nommer. Ce sont Mme Denys et Mlles Pringiers, de Courtray, dont l'une est morte. Elles ont demandé mon intervention pour obtenir une part dans le subside accordé par la législature.
Il s'agissait d'une industrie nouvelle qui me paraissait devoir être encouragée, de la fabrication de la dentelle valencienne en soie, fabrication à laquelle on ne s'était pas livré jusqu'alors.
Avant de recommander ces personnes au gouvernement, je me suis adressé à des hommes compétents, à des industriels de la ville de Courtray, les priant d'examiner si cette industrie avait réellement quelque mérite, et c'est sur leurs déclarations que je me suis permis de faire une recommandation au gouvernement en leur faveur.
Ces personnes ont obtenu un subside de 4,000 fr. Je ne crois pas qu'elles en ont abusé, je les regarde comme incapables de le faire. Si quelque abus avait été commis, je serais le premier à le blâmer.
Je dois faire ici une réflexion générale. Lorsque nous recommandons nne personne au gouvernement, nous ne garantissons pas que cette personne ne tombera jamais dans quelque écart. Nous demandons au contraire que le gouvernement ait les yeux ouverts sur tous les ateliers qui sont fondés avec son secours.
Nous ne sommes pas ehargés de surveiller nous-mêmes les fabricants que nous recommandons ; ce n'est ni notre droit ni notre devoir ; et je dois le dire, c'est parce que le gouvernement n'a pas exercé une surveillance assez active sur l'emploi des subsides qu'il avait confiés à certains industriels, que j'ai cru devoir émettre avant-hier le vote que j'ai émis et qui implique un blâme un peu plus prononcé que celui qui se trouvait dans l'ordre du jour motivé, mais qui n'en différait que par une nuance.
J'ai cru devoir prendre la nuance la plus forte, que je croyais conforme à l'opinion et à la vérité.
Il faut bien le dire, messieurs, nous sommes quelquefois placés dans une position assez singulière ; lorsque nous n'articulons pas ici les faits parce que nous ne les connaissons pas, ou parce que nous ne les connaissons pas d'une manière suffisante ou assez formelle, nous sommes accusés par la presse de ne pas aller assez loin dans notre opposition au ministère.
Ainsi pour citer un seul fait, l'honorable ministre de l'intérieur m'interpellait avant-hier à propos de ce que l'honorable M. de Man avait avancé touchant un subside accordé à un fabricant de Courtray. M. le ministre disait : « M. de Haerne connaît cette affaire. » Je répondis : « Je l’ai connue dans le temps, mais je ne la connais pas en ce moment. » Et je parlais d’une manière très sincère, dans le sens que je n’avais pas pris connaissance des faits par moi-même. Je savaus tout ce qui se disait à ce sujet dans ma localité, mais je ne connaissais aucun fait positivement, et de manière à pouvoir en faire la démonstration.
Eh bien, je suis accusé aujourd'hui de lâcheté pour ne pas avoir cité ces faits. On va jusqu'à dire que de faux registres ont été tenus, pour constater un nombre d'ouvriers supérieur au nombre réel. Le journal dont je parle comprend ce qu'il y a de délicat dans ce fait, et il ajoute qu'il n'y croit pas.
J'avais, il est vrai, entendu parler de tout cela même par des personnes recommandables ; mais je n'étais pas chargé, moi, d'aller exercer la surveillance, et par conséquent je ne me croyais pas suffisamment instruit.
Eh bien, pouvais-je venir, dans ces circonstances, avancer ici des faits pareils ? Evidemment non. Mais je crois devoir appeler l'attention du gouvernement sur la gestion des hommes qu'il subsidie, et c'est parce que je crois qu'en général, comme pour le cas que je viens de citer, il ne pousse pas ses investigations assez loin, et que le contrôle qu'il exerce sur certains industriels, particulièrement favorisés par lui, a été insuffisant, c'est pour cela que j'ai cru devoir émettre un vote de blâme formel dans la séance d'avant-hier.
M. de Theux. - Comme membre de cette chambre, je crois devoir présenter quelques observations, d'abord dans l'intérêt de notre dignité, ensuite dans l'intérêt de la liberté de la presse. Je viendrai ensuite au subside dont a parlé l'honorable ministre de l'intérieur.
Messieurs, dans l’intérpet de notre dignité, je croîs que nom devons nous renfermer strictement dans nos attributions. Or, quelles sont nos attributions ? Discuter et voter des lois ; censurer la conduite du ministère lorsque nous trouvons qu'elle est blâmable.
Nous pouvons même aller jusqu'à l'encourager lorsqu'ils besoin d'encouragement. Mais, assurément, messieurs, on ne trouvera rien ni dans le texte ni dans l'esprit de la Constitution ni dans aucune loi, qui rende les journaux justiciables de cette chambre.
Messieurs, s'il s'agissait d'un projet de modifier la Constitution ou de porter une loi restrictive de la liberté de la presse, ou, au moins, répressive des abus de la presse, alors que le gouvernement apportât dans cette enceinte une masse de documents propres à éclairer la législature et à la mettre en état de se prononcer, je le concevrais.
Le fait s'est pratique lorsque l'honorable M. Lebeau apportait dans cette enceinte une série d'articles qui avaient déterminé le gouvernement à expulser des étrangers et à demander une loi sur l'expulsion des étrangers.
Là je comprends très bien la conduite du gouvernement ; mais qu'un ministre ou un cabinet attaqué par la presse, ou qu'un député attaqué par la presse vienne entretenir la chambre de ses doléances, c'est compromettre notre dignité, c'est porter atteinte à la liberté de la presse. Qaels sont les droits des ministres comme des autres citoyens lorsqu'ils sont attaqués ou calomniés par la presse ? Ces droits se trouvent écrits dans la loi sur la presse et pas ailleurs. Alors les journaux ou plutôt les écrivains sont justiciables du jury, mais ils ne le sont nullement à la chambre.
Voulez-vous savoir, messieurs, où conduirait le précédent que l'en pose ? il conduirait à couvrir la chambre de ridicule, parce que l'impuissance de la chambre serait constatée.
En effet, messieurs, que les journaux s'emparent de nos discussions, qu'en résulterait-il ? Quelle décision allez-vous prendre ?
Je voudrais bien le savoir. Vous n'avez point d'arrêt à prononcer ; vous ne pouvez ni toucher à l'honneur d'un écrivain ni infliger une pénalité. Voulez-vous porter une loi ? Alors procédez franchement et ne venez point protester de votre attachement à la liberté de la presse.
Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que des hommes qui passent pour avoir participé pendant une grande partie de leur vie à la rédaction de journaux, qui, dans l'opposition, passaient pour avoir pris une grande part à la polémique des journaux, qui ne cessaient de vanter l'excellence et les bons résultats de la liberté de la presse, c'est que ces hommes, arrivés au banc ministériel, ne peuvent point supporter l'aiguillon de la presse et viennent incessamment se plaindre.
Nous voyons deux choses : d'une part, on ne peut point souffrir l'aiguillon de la presse ; d'autre part, on a besoin de l'approbation incessante de celle chambre ; qu'est-ce que cela prouve ? Mais une faiblesse de caractère impardonnable chez des hommes d'Etat. J'ai eu l'honneur d'être ministre un bon nombre d'années ; jamais les attaques ne m'ont été épargnées.
Peut-être même en est-il parmi ceux qui se plaignent aujourd'hui, qui contribuaient à ces attaques ; je ne le sais pas ; je n'ai pas cherché à le savoir ; mais ce que je sais, c'est que jamais je n'ai entretenu la chambre des attaques dont j'étais l'objet. Une seule fois, lorsqu'un député avait reproduit dans cette chambre ce que je considérais comme une calomnie de la presse, j'ai dit que je m'étonnais qu'un député descendît à ce rôle. Cela est vrai, mais jamais je n'ai cherché à discuter dans cette enceinte le mérite de te1 ou tel journal, de telle ou telle accusation, de tel ou tel grief articulé contre moi par la presse ; je vous avoue que, comme ministre, comme député même, j'aurais regardé cette conduite comme au-dessous de la dignité d'un membre du gouvernement ou d'un membre de la représentation nationale.
Il m'est arrivé deux ou trois fois d'adresser des lettres de rectification aux journaux, mais je dois dire que mille fois j'ai laissé passer leurs assertions erronées ou fausses, sans y prêter attention en attendant que les faits qui se passent journellement vinssent détruire ces assertions.
Je crois, messieurs, que nous ferions bien d'être tous un peu moins susceptibles à l'endroit de la presse, à moins qu'il n'y ait quelque parti pris de commencer par le décri de la presse pour arriver plus tard à d'autres mesures.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas de nous que la presse a peur.
M. de Theux. - Je dois encore ajouter une considération. Je ne m'en fais pas un mérite, car j'estime beaucoup les bons écrivains qui prennent part à la discussion de la politique de leur pays ; mais, quant à moi, je n'ai jamais participé à la rédaction d'un journal, et c'est pour cela aussi que je suis plus insensible aux attaques, quand je les considère comme imméritées.
M. le ministre de l'intérieur vous a entretenus d'un subside de 25,000 francs que j'ai accordé, en 1847, au chef d'un atelier d'apprentissage à Thielt. Cet établissement, je pense, subsiste encore ; mais veuillez remarquer, messieurs, que le subside n'a été alloué qu'avec des précautions qui en garantissaient le bon emploi ; les informations préalables ont été très complètes ; ensuite l'industriel qui introduisait à Thielt une industrie nouvelle était tenu de laisser prendre connaissance de son industrie à quiconque l'aurait désiré ; il devait former des ouvriers qui, après quelques années d'apprentissage, devaient être renouvelés, pour que d'autres industriels puissent également profiter de l'instruction donnée en partie aux frais du trésor. Voila de quelle manière la chose s'est passée.
(page 820) On m'a assuré que plus tard cette condition de renouveler le personnel des ouvriers apprentis a été retirée en faveur de l’industriel. Si cela était, ce serait facheux ; quand le gouvernement contribue par des subsides à la formation d'une école d'apprentissage, je crois que la condition essentielle doit être que l'établissement soit vraiment une école d'enseignement et que le public puisse en profiter.
- Des membres. - A demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande à dire un mot.
M. Malou. - Je demande positivement que la séance soit levée et que la discussion soit continuée à demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai qu'un mot à dire, puis vous sortirez si vous voulez.
Messieurs, l'honorable M. de Theux a complètement déplacé le terrain de la discussion : il est venu défendre ici la presse que nous n'avons pas attaquée et que nous n'avons pas l'intention d'attaquer. Nous ne nous sommes pas plaints de la presse ; au contraire, nous avons rendu hommage au journal auquel nous empruntons les faits sur lesquels nous avons demandé des explications.
Nous avons dans le journal le plus sérieux de l'opposition trouvé des assertions telles que celles-ci : « L'honorable M. de Man a tenu en réserve beaucoup de faits scandaleux ; il a reçu depuis quelque temps de nouveaux renseignements ; les députés des Flandres sont en mesure de donner des éclaircissements sur ces faits scandaleux ; les femmes jouent un grand rôle dans la rétribution des subsides. » Voilà des faits que j'ai recueillis dans un journal sans l'attaquer. J'ai interrogé l'honorable M. de Man, l'honorable M. Rodenbach et les députés des Flandres sur ces faits qui étaient à leur connaissance et que l'honorable M. de Man tenait en réserve ; j'ai engagé ces honorables membres à s'expliquer ; j'ai dit ce que je savais de ces faits ; j'engage de nouveau ces membres honorables à y réfléchir ; s'il y a d'autre faits à révéler qu'ils veuillent bien nous dire demain ce qu'ils en savent.
On a rappelé que j'avais appartenu à la presse ; je m'en fais honneur ; nous n'avons pas exercé la profession de journaliste, comme certains adversaires l'exercent aujourd'hui ; jamais je ne renierai cette partie de ma carrière politique ; j'en suis fier.
Je n'ai donc pas attaqué la presse et je n'ai pas l'intention d'attaquer la presse ; je le répète, j'ai seulement emprunté à un journal des faits parlementaires sur lesquels j'ai demandé des explications, explications que j'attends encore. Je suis charmé que la discussion ne soit pas terminée aujourd'hui, pour que les détenteurs de ces secrets scandaleux y réfléchissent jusqu'à demain, et me répondent autrement que par leur silence d'aujourd'hui.
- La suite du débat est remise à demain.
M. Mercier (pour une motion d’ordre). - Messieurs, au début de la séance, la chambre a décidé qu'elle discuterait demain les explications fournies par M. le ministre des travaux publics sur la pétition de la ville de Wavre ; des habitants de cette ville sont venus demander que le rapport de M. le ministre pût être connu dans la localité, avant que la discussion fût entamée ; ils désirent pouvoir donner, s'il y a lieu, des renseignements à leurs députés ; je demande donc que cette discussion soit ajournée jusqu'après le vote définitif du projet de Code forestier.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 5 heures et un quart.