(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 689) M. Vermeire procède à l'appel nominal à midi et demi.
La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; le rédaction en est approuvée.
M. Vermeire présente l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Raikems Romain prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à modifier l'article 161 du Code civil. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Walther prie la chambre de le dispenser de fournir la caution exigée pour entrer dans le corps de la gendarmerie. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet à la chambre, avec les pièces de l'instruction et un inventaire par ordre de séries, trois demandes de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
MM. Bruneau, de Haerne, Delehaye et Lelièvre demandent des congés.
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 83. La parole est à M. F. de Mérode.
M. de Mérode. - L'un des motifs les plus déterminants pour ne pas laisser peser, en Belgique, sur les propriétaires de bois affectés de droits d'usage le cantonnement forcé ou le rachat forcé de ces droits, c'est, messieurs, comme l'a fait observer l'honorable rapporteur de la commission, l'époque fatale où cette nouveauté prit naissance au milieu d'une anarchie sanglante, sans aucun examen sérieux et dans un pays auquel la Belgique n'était alors unie par aucun lien quelconque. M. le ministre de la justice ne s'est point inscrit en faux contre ces circonstances qui pourtant ont une grande portée à l'égard de l'objet du débat, il n'a pu nier non plus qu'en France la suppression de cette servitude nouvelle, de cette extension par mode de transformation des droits d'usage n'ait obtenu de la part des corps législatifs leur assentiment unanime en 1827 et sans réclamation ultérieure de personne.
Cependant, messieurs, les contrées forestières où peuvent exister les droits d'usage de cette nature sont beaucoup plus étendues en France que dans nos provinces, et l'on ne peut supposer qu'une modification injuste apportée à la loi de 1792, indigène du moins pour ce pays, tandis qu'elle ne l'est pas pour nous, fût aussi facilement acceptée. J'ai prouvé suffisamment que je n'étais pas enclin à outrer les droits des propriétaires de forêts, puisque j'ai soutenu que l'Etat, par mesure d'intérêt général, avait toujours le droit, comme il était reconnu avant le roi Guillaume, d'en restreindre le défrichement.
Mais si je reconnais cette faculté à l'Etat, je ne pense point qu'il doive laisser subsister, pour le propriétaire, une menace perpétuelle de voir restreindre contre son gré l'étendue de son sol ou même d'être soumis à racheter en argent les droits de pâturage ou d'usage du bois mort, lorsqu'il en accepte le maintien.
Quand des habitudes sont prises à cet égard par les populations, il est au plus difficile de les supprimer ; même après le rachat ou cantonnement, le changement de coutume affecte fortement la classe pauvre, et lutter constamment avec elle est si pénible que plusieurs bois ont été mis en culture sans autre motif que de se délivrer d'un pareil souci.
Là même où des cantonnements ou des rachats avaient eu lieu pour des droits de parcours ou de bois sec, il est arrivé parfois que le propriétaire, fatigué de la répression, a laissé tomber celle-ci en désuétude et que les droits rachetés se sont trouvés rétablis en vertu de la prescription. Je connais par expérience cette nature d'affaires, et puis en raisonner avec parfaite connaissance de cause. Il est, messieurs, très important de distinguer deux situations essentiellement diverses. Le propriétaire qui, par spéculation, défriche un sol forestier et change volontairement la nature de son fonds doit aux usagers auxquels il enlève pour toujours leur possession, une indemnité collective à laquelle il ne peut légitimement se soustraire.
Quant au propriétaire conservateur, il doit, au contraire, à notre époque où les forêts sont si maltraitées, recevoir de l'encouragement et, d'autre part, je le redis encore, les droits d'usage sont en général une douceur pour la population pauvre des communes qui en jouissent, et l'on ne doit jamais forcer le propriétaire qui n'en demande pas la suppression à les racheter.
Quant à l'abus que ferait l'administration forestière en excès, en déclarant les bois defensables à l'égard du pâturage beaucoup plus tard que ne l'exige la conservation des bois, c'est là un excès que le gouvernement ne tolérerait point, et que l'administration forestière, prise dans son ensemble et loyalement consultée, condamnerait elle-même. D'ailleurs, si le déni de justice se révélait sérieusement, des propositions seraient faites pour y porter remède et la législature s'en occuperait certainement. En attendant que ces suppositions se réalisent, nous ne devons pas croire l'administration forestière belge plus dépourvue de justice et de raison pratique que l'administration française, dont la loi de 1827 n'a pas changé les errements sur les époques où les bois taillis sont susceptibles de supporter le parcours des bestiaux.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne rentrerai pas dans le débat. Je me bornerai à répondre quelques mots à l'honorable M. de Mérode, qui ne me semble pas avoir entendu ce que j'ai dit hier.
M. de Mérode. - J'ai très bien entendu.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non !
L'honorable nombre semble vouloir me rendre complice de la loi de 1792 et de toutes les iniquités qu'elle peut consacrer. Hier (je reprends l'expression de l'honorable M. de Mérode), je me suis inscrit en faux contre cette allégation. Le droit de demander le cantonnement date non de la loi de 1792, mais de la loi de 1791.
M. Moncheur. - Oui, pour la vaine pâture, mais pas pour les droits d'usage dans les forêts.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je vais vous démontrer qu'à plus forte raison il y a lieu de l'admettre quand il s'agit d'un droit d'usage.
M. de Mérode. - 1791 ne vaut pas beaucoup mieux que 1792.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - En 1792, on a fait des choses que je n'approuve pas. Vous pouvez bien laisser au législateur de cette époque l'honneur d'en avoir aussi fait de bonnes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On a fait aussi alors, en 1789 surtout, des choses que nous approuvons.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Assurément.
En 1701, qu'a-t-on fait ? On a déclaré que le droit de vaine pâture donnait lieu à l'action en cantonnement. Qu'est-ce que le droit de vaine pâture ? Une servitude qui affecte beaucoup moins le sol que le droit d'usage. Si donc le législateur de 1791 a accordé à ceux qui ne possédaient qu'un droit de vaine pâture, la faculté de demander le cantonnement, à bien plus forte raison, l'eût-il accordé et devons-nous l’accorder à ceux qui possèdent un droit d'usage qui absorbe jusqu'aux deux tiers des produits et qui se rapproche davantage de la propriété.
Permettez-moi, après cela, de répéter que ce qui a déterminé le législateur de cette époque, que ce qui me détermine moi-même à soutenir le système présenté par le gouvernement, c'est l'intérêt général, c'est l'intérêt social, ce sont les raisons qui ont fait proscrire le droit de stipuler l'indivision. L'intérêt général veut que chacun puisse disposer de sa propriété comme il l'entend, l'intérêt général veut que le sol soit libre, l'intérêt général veut que les améliorations soient encouragées et non paralysées, l'intérêt général veut qu'on fasse disparaître toutes ces servitudes qui arrêtent et le débiteur et le créancier de la servitude.
La chambre aura à voir si cet intérêt doit prévaloir, ou si les considérations qu'on fait valoir en faveur de l'intérêt privé doivent l'emporter sur celles qui tiennent à l'intérêt général.
J'ai dit hier qu'il y a une différence entre les usages dans les forêts et les servitudes ordinaires.
Pour les servitudes ordinaires, vous avez l'article 701 du Code civil, qui dispose que « le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. » Pour les bois, vous admettez, dans certains cas, le contraire.
La chambre en décidera. En fait, la question est sans importance. Ce n'est jamais qu'exceptionnellement que l'usager arrivera à demander le cantonnement.
M. Pirmez. - Hier, messieurs, on a extrêmement bien traité la question de principe, mais je n'ai pas compris la différence que l'on faisait entre le droit de demander le rachat en argent et le droit d'exiger une partie de la propriété. Il me paraît que c'est la même chose. C'est la propriété qui garantit aux usagers le remboursement qu'ils ont le droit d'exiger et qui sera expropriée si le propriétaire ne pouvait le faire en argent. D'ailleurs, c'est toujours la même valeur, qu'elle soit exigible en argent ou en propriété. C'est dans le droit de l'exiger qu'est seulement la question.
Cette faculté d'exiger le rachat en numéraire paraît être proposée par la commission, parce qu'elle ne regarderait que des droits d'usage de minime importance ; mais cela peut devenir très considérable. Nous avons décidé que le titre primitif réglerait la part des usagers dans le partage, et, dans cette situation, le rachat forcé du droit de pâturage, par exemple, peut, dans certaines circonstances, être assez élevé pour que le propriétaire ne puisse l'opérer et doive subir une expropriation.
Je pense, messieurs, que vous ne pouvez faire de distinction, que vous devez admettre le droit de rachat ou le rejeter, ou que vous ne pouvez pas faire les deux choses à la fois.
M. Orts, rapporteur. - On ne peut nier que le système auquel l'honorable préopinant vient de donner son approbation ne soit plus rigoureusement logique que le système de la commission. Le système de la commission transige avec un principe, par cela même que, comme je le disais hier, une transaction, une conciliation était désirable entre deux grands intérêts qui se combattent.
Devant la difficulté que nous examinons, nous avons été conduits à faire une distinction entre deux cas qui ont, je le reconnais, une grande analogie.
Cependant le cantonnement donne à l'usager le droit d'exiger le partage d'une propriété dont il n'est pas copropriétaire, et cela me paraît répugner plus fortement à tous les principes que l'action en rachat, autorisée au profit des usagers. Pourquoi ? Parce que l'usager, s'il n'est pas propriétaire du fonds, est tout au moins créancier et qu'il est d'intérêt public que les créances soient rachetables aussi bien par le créancier que par le débiteur.
Voilà, messieurs, le motif de la distinction que nous avons faite. On ne peut nier que l'intérêt public exige la disparition aussi prompte et aussi complète que possible des droits d'usage. Nous ne voulons plus de droits d'usage et c'est pour cela que nous proposons d'accorder à ceux qui en jouissent, le droit d'en demander le rachat.
M. le président. - M. Jacques a déposé un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Les usagers conservent le droit de poursuivre jusqu'à fin de cause les actions en cantonnement ou en indemnité commencées avant le jour où la présente loi sera obligatoire. »
Cet amendement ne devrait être mis aux voix que dans le cas où le système du gouvernement ne prévaudrait pas.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est inutile dans tous les cas.
M. Jacques. - Je ne suis pas très habitué aux questions de rétroactivité ; si les jurisconsultes qui siègent dans cette chambre peuvent me donner la certitude que les actions intentées avant le jour où la loi sera obligatoire suivront leur cours, je n'insisterai pas pour l'adoption de mon amendement, mais s'il peut y avoir le moindre doute à cet égard, je défendrai ma proposition.
Je prierai M. le ministre de la justice de vouloir bien nous dire en deux mots s'il y a doute ou s'il n'y en a pas.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mon opinion ne lierait évidemment pas les tribunaux, mais il me paraît, à moi, hors de toute espèce de doute que les actions intentées devraient être suivies. Aujourd'hui les usagers ont le droit de demander le cantonnement, du moment où ils ont exercé ce droit, il me paraît qu'une loi postérieure peut faire tomber leur action, alors même que le litige n'est pas terminé. Voilà mon opinion, et je pense qu'elle sera partagée par tous les jurisconsultes de la chambre.
M. Orts, rapporteur. - Il me semble que la question soulevée par M. Jacques ne peut pas recevoir deux solutions. Celle que vient d'exprimer M. le ministre de la justice sera acceptée par tout le monde. Cela me paraît aussi clair que deux et deux font quatre.
M. Jacques. - Puisque tout le monde reconnaît que la question n'est pas douteuse, il ne peut pas y avoir d'inconvénient à insérer dans la loi la disposition que je propose.
M. Moncheur. - Je dois répondre un mot à l'honorable rapporteur ou plutôt prendre acte de quelques paroles qu'il vient de prononcer.
J'avais dit hier que la transaction proposée par la commission n'était pas logique ; M. le rapporteur vient de dire qu'il y a, en effet, quelque chose de plus logique dans ma proposition que dans celle de la commission. Voilà, de la part de l'honorable rapporteur, un aveu précieux.
Au surplus, messieurs, cela saute aux yeux : et comme l'a dit l'honorable M. Pirmez, vous ne pouvez pas faire une différence entre telle et telle catégorie d'usagers eu égard au droit d'intenter contre le propriétaire l'action en partage.Tous ont ce droit ou aucun ne le possède.
M. le rapporteur a dit que dans l’intérêt général on peut donner à l'usager le droit de demander une somme d'argent comme on donne au créancier le droit d'exiger le payement de sa créance. Mais remarquez, messieurs, que le propriétaire ne doit pas une somme d'argent à l'usager ; il ne doit pas un capital, il ne doit qu'une servitude, ainsi quand il permet à l'usager de jouir de cette servitude, il a complètement satisfait à ses obligations. Il ne s'agit pas ici d'un créancier à qui il est dû une rente, et le capital de cette rente ; l'usager n'a qu'un droit, celui de jouir d'une certaine partie des fruits du bois soumis à l'usage ; mais il n'a aucun droit au capital de cet usage, ou plutôt à cet usage capitalisé. Voilà la différence énorme qui existe entre le cas cité par l'honorable rapporteur et la position de l’usager.
La loi accorde souvent au débiteur des faveurs qu'elle refuse au créancier ; ainsi, lorsque dans l'intérêt de la libération du fond, la loi a donné au propriétaire le droit d'opérer le cantonnement ou le rachat elle a été mue par un motif semblable à celui qui a fait accorder au débiteur d'une rente perpétuelle, le droit de rembourser le capital ; tandis qu'elle n'a pas donné au créancier le droit réciproque d'exiger ce remboursement. Rien ne peut donc justifier la distinction faite par la commune entre le rachat en nature et le rachat en argent. Cette distinction est parfaitement illogique. Pour moi, je ne conçois pas qu'on puisse transiter avec un principe aussi clair que celui-là, même dans le but de se mettre plus ou moins d'accord avec le gouvernement, car cette transaction ne peut avoir eu d'autre raison que celle-là. Je maintiens donc mon amendement.
M. Orban. - Messieurs, l'impression qui sera restée dans la plupart des esprits, de la savante discussion qui a eu lieu hier et des opinions diverses qui ont été soutenues avec tant talent, sera celle-ci : que le système de M. le ministre de la justice, qui tend à la suppression la plus prompte des droits d'usage en accordant à l'usager aussi bien qu'au propriétaire l'action en cantonnement, est plus conforme à l'intérêt général, à l'amélioration des propriétés et que le système souteuu par la commission et par les orateurs qui ont pris la parole en sa faveur, est plus conforme à l'équité et aux droits des propriétaires ; je dirai même est le seul conforme à l'équité et aux droits des propriétaires.
Les choses étant ainsi, j'indiquerai à la chambre un moyen ferme qui, tout en réalisant la plus grande partie des avantages et satisfaisant aux intérêts signalés par M. le ministre de la justice, ne blesserait aucun droit, et ne porterait aucune atteinte aux principes de l'équité.
M. le ministre de la justice vous l'a dit hier, la plupart des droits d'usage actuellement existants sont exercés dans les forêts du gouvernement. Or, en ce qui concerne les forêts de l'Etat, vous êtes libres d'appliquer le principe soutenu par M. le ministre de la justice, c'est-à-dire le droit pour l'usager, comme pour le propriétaire, de demander le cantonnement. Vous le pouvez, car vous pouvez disposer des propriétés de l'Etat, vous pouvez en décider l'aliénation et à plus forte raison les grèves ; vous êtes parfaitement libre d'accorder, en la restreignant aux bois de l'Etat, la faculté réciproque de demander le cantonnement, sans craindre des objections que le système, présenté par M. le ministre de la justice d'une manière absolue, a rencontrées de la part des différents orateurs.
J'aurai l'honneur de déposer un sous-amendement qui limitera aux bois de l'Etat la faculté de réciprocité demandée par M. le ministre de la justice.
Ce sous-amendement serait ainsi conçu :
« Sauf en ce qui concerne les forêts de l'Etat, pour lesquelles le cantonnement pourra être demandé tant par les propriétaires que par les usagers, l'action en cantonnement ne pourra être exercée que par le propriétaire. »
- Le sous-amendement est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne comprends pas trop pour quelle raison l'on veut laisser aux usagers dans les forêts de l'Etat, un droit qu'on leur refuserait dans les bois des particuliers.
Je demande le même droit pour tous en vertu d'un principe de justice, tandis que vous voudriez faire ici une exclusion ; si le système de la commission est vrai, vous seriez justes pour la propriété des particuliers, et injustes pour la propriété de l'Etat. Celle-ci est aussi sacrée que celle des particuliers. S'il y a une atteinte à la propriété privée dans le maintien au profit de l'usager du droit de demander le cantonnement dans les bois des particuliers, il y a également une atteinte à la propriélé de l'Etat, lorsque vous donnez aux usagers ce même droit dans les forêts de l'Etat.
Je crois qu'il serait très singulier et pour l'honorable M. Orban, et pour moi, représentant du Luxembourg comme lui, de voter une semblable disposition.
En effet, dans le Luxembourg, la plupart des usagers exercent leurs droits dans les bois de l'Etat ; que conclurait-on de là ? Que l'honorable M. Orban, d'accord avec M. le ministre de la justice, aurait fait à ces usagers un cadeau que nous ne voulons pas faire aux usagers des autres parties du pays.
Voilà la portée de l'amendement de l'honorable M. Orban : que nous ferions pour nos compatriotes du Luxembourg une chose dont nous ne voulons pas pour les autres. Eh bien, messieurs, je ne puis pas accepter cette position. Dans mon opinion, il est juste que tous les usagers aient le droit de demander le cantonnement, aussi souvent qu'une atteinte est portée aux titres primitifs. Je comprends qu'on soit d'une autre opinion, mais ce que je comprends plus, c'est qu'on applique un système aux propriétés de l'Etat, et un autre aux propriétés des particuliers. Cela ne pourrait s'expliquer que par le désir de faire une position privilégiée à nos compatriotes du Luxembourg.
M. de Mérode. - Messieurs, il y a une objection très forte contre ce que vient de dire M. le minisire de la justice ; c'est que dans la discussion il a fait valoir que le gouvernement à l'égard de ses forêts était en quelque sorte juge et partie lorsqu'il fixait l'âge défensable, car ce sont les agents de l'administration forestière qui fixent l'âge pour le gouvernement comme pour les particuliers. A l'égard des particuliers il n'y a pas supposition de faveur de la part de l'administration, car elle n'agit point pour sa propre cause, tandis que lorsque les agents de l'Etat fixent l'âge défensable pour ses propre bois, ce que M. le ministre de la justice a signalé comme une cause de défiance, le gouvernement est censé statuer sur ces propres intérêts opposés aux intérêt d'autrui.
Il y a donc une différence très grande entre les bois des particuliers et ceux du gouvernement à l'égard de l'exercice des droits d’usage, les particuliers se trouvent soumis aux décisions d'un tiers qui juge comme juré.
(page 691) Voilà pourquoi l'amendement est très acceptable. D'ailleurs, on ne peut pas dire que la loi doive être aussi réservée lorsqu'il s'agit des propriétés de l'Etat que lorsqu'il s'agit des propriétés des particuliers, car vous pouvez mettre en vente les bois de l'Etat ; pouvez-vous vendre les bois des particuliers ? Il et certain que ce n'est pas la même chose de grever par une loi nouvelle les bois de l'Etat, puisque c'est de l'objet qui lui appartient que l'Etat lui-même dispose ; mais lorsque le pouvoir législatif blesse les droits des particuliers, il lèse des droits qui ne sont pas sa chose à lui.
Enfin, je ne vois pas pourquoi l'on voudrait mettre les propriétaires belges dans une position inférieure à celle dont tout le monde en France a reconnu la justice, à l'égard des propriétaires français, puisque dans les deux assemblées législatives de 1827 nulle objection à la suppression de l'article de 1792 n'a été produite par personne.
M. Orban. - Je commencerai par répondre à l'objection qui a été faite par M. le ministre de la justice, qui consiste à dire que je voulais introduire une disposition qui ne serait applicable qu'au Luxembourg. Il y a sans doute des forêts de l'Etat dans le Luxembourg en plus grand nombre qu'ailleurs. Mais il y a des forêts de l'Etat dans différentes parties de la Belgique, et mon amendement serait applicable à toutes les parties où il existe de ces forêts. Il n'y a donc pas seulement un intérêt local dans mon amendement. La disposition est générale et n'a aucun caractère exceptionnel. (Interruption.)
Maintenant, je réponds à l'argument principal par lequel M. le ministre de la justice a repoussé mon amendement.
J'avoue que j'ai été étonné de l'accueil fait à cet argument de la part de ses honorables amis, car il me paraît dénué de toule apparence de fondement. En effet, M. le ministre dit : Si les usagers ont des droits en ce qui concerne les forêts de l'Etat, ils en ont aussi en ce qui concerne les forêts des particuliers. Dès lors il n'y a pas de différence à faire entre les uns et les autres, il n'y a pas lieu d'accorder, en ce qui concerne les forêts de l'Etat, ce que vous refusez en ce qui concerne les forêts des particuliers.
Ce raisonnement serait parfaitement juste, si nous étions devant les tribunaux ,si nous venions revendiquer des droits existants, mais il manque entièrement de fondement devant vous qui êtes appelés à faire une loi et à disposer en ce qui concerne les propriétés de l'Etat dont vous avez évidemment, de concert avec les autres branches du pouvoir législatif, la disposition supérieure.
Vous seriez maîtres d'accorder l'action en cantonnement aux usagers dans les forêts de l'Etat s'il devait en résulter pour elles un préjudice, une diminution de valeur.
Vous le pouvez à bien plus forte raison, si, comme n'a cessé de le soutenir M. le ministre de la justice, depuis le commencement de ce débat, une pareille mesure est en tout point conforme à l'intérêt général. Ainsi, messieurs, il est à supposer que vous ne puissiez d'une manière générale, en ce qui concerne les bois appartenant à des particuliers, accorder la faculté réciproque de cantonnement. Tout au moins le pouvez-vous sans contestation en ce qui concerne les forêts de l'Etat, et ce que vous pouvez, vous le devez, le gouvernement doit le vouloir s'il veut rester conséquent avec lui-même. Mon amendement n'a pas besoin d'autre justification.
- La discussion est close.
Quatre amendements ont été présentés.
La discussion s'est ouverte sur le projet de la commission.
L'article 83 du gouvernement est considéré comme amendement, c'est celui qui s'écarte le plus de la proposition principale, c'est le premier qui est mis aux voix.
Plusieurs membres demandent l'appel nominal.
Il est procédé à cette opération dont voici le résultat :
57 membres répondent à l'appel.
21 répondent oui ;
36 répondent non ;
En conséquence l'article du projet du gouvernement n'est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Cools, Debroux, Deliége, Dequesne, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, G. Dumont, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lebeau, Lesoinne, Manilius, Rogier, Tesch, Thiéfry, Van Cleemputte, Van Iseghem, Allard et Delfosse.
Ont répondu non : MM. Coomans, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Decker, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, De Pouhon, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Mascart, Moneheur, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Ad. Roussel, Ch. Rousselle, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau et Cans.
Le sous-amendement de M. Orban est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'amendement de M. Moncheur est mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
58 membres ont pris part au vote.
36 ont répondu non.
22 ont répondu oui.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Cools, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Decker, de La Coste, de Liedetkerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Mérode-Westerloo, Dequesne, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Julliot, Malou, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Vermeire, Ansiau.
Ont voté le rejet : MM. Dautrebande, David, Debroux, Deliége, de Perceval, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Frère-Orban. Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moxhon, Orts, Rogier, Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Cans et Delfosse.
La proposition de la commission est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il reste à statuer sur l'amendement de M. Jacques.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans tous les cas cet amendement ne pourrait venir qu'à la fin du projet. C'est une disposition transitoire.
M. Jacques. - Je consens à ce qu'il soit renvoyé aux dispositions transitoires.
M. le président. - Nous avons maintenant l'article 83bis, proposé par M. Moncheur. Il est ainsi conçu :
« Les usagers sont assujettis, dans la proportion de leurs droits, au payement des contributions et des frais de garde, sans préjudice des redevances qu'ils peuvent devoir au propriétaire. »
M. Moncheur. - Messieurs, je propose par cet amendement de décréter le principe que les usagers sont assujettis, dans la proportion de leurs droits, au payement des contributions et des frais de garde, sans préjudice des redevances qu'ils peuvent devoir au propriétaire. Cette disposition est encore une de celles qui ont été proposées par la commission gouvernementale. Le principe en est inconteslable et incontesté ; le gouvernement et la commission l'admettent comme moi, et la jurisprudence est fixée d'une manière assez positive dans ce sens. Cependant, messieurs, un scrupule que je ne crois pas fondé, empêche le gouvernement et la commission de l'insérer dans la loi que nous faisons.
Ce scrupule consiste en ceci : c'est que l'article que je propose semblerait porter atteinte aux droits qui pourraient être acquis à des usagers, en ce qui concerne la non-contribution à l'impôt et aux frais de garde. Mais il est évident, messieurs, que cette disposition ne pourrait, en aucun cas, avoir cette portée, et qu'elle ne pourrait avoir l'effet rétroactif que l'on craint ; car, ainsi que toutes les dispositions législatives quelconques, elle est dominé par l'article premier du Code civil qui statue que la loi ne dispose que pour l'avenir.
Ainsi, messieurs, tous les propriétaires et tous les usagers qui voient aujourd'hui leur position réglée soit par des titres, soit par une longue possession, pourront, après l'adoption de ma proposition, comme ils le peuvent aujourd'hui, faire valoir leurs droits acquis. Il ne peut y être porté aucune atteinte.
Messieurs, l'article 635 du Code civil a établi, pour les usufruitiers et les usagers ordinaires, le même principe que celui que je propose pour les usagers forestiers ; eh bien, cet article 635 a laissé intacts tous les droits acquis par les usufruitiers et les usagers ordinaires, comme ma proposition laissera intacts tous les droits acquis des usagers forestiers.
Je dis donc, messieurs, qu'il n'y a aucune espèce d'inconvénient à l'adoption de ma proposition qui établit une règle de droit et d'équité. Mais il y a plus, c'est que je la considère comme absolument nécessaire.
En effet, l'article 635 du Cole civil établit, pour le droit commun, que les usagers doivent contribuer aux frais et aux impôts dans la proportion de leur jouissance, mais l'article 635 porte que les usages en matière de bois et forêls sont réglés par des lois particulières ; or, on a conclu de cette dernière disposition que si les lois forestières sont muettes sur co point, le principe du droit commun n'est pas applicable aux usages dans les bois et forêts. Cela a été plaidé très souvent. Il y a eu à cet égard des procès nombreux dans lesquels on s'est étayé fortement sur l'argument a contrario que je viens de citer.
Cet argument a été, à la vérité, repoussé par la jurisprudence de la cour de cassation ; mais, messieurs, les arrêts des cours ne sont pas des lois et les mêmes procès qui ont eu lieu peuvent surgir encore.
Quant à moi, je pense que lorsque nous faisons un Code forestier, nous devons le faire aussi complet que possible, et que nous devons régler tous les points qui peuvent donner matière à procès.
Or, il pourra y avoir procès chaque fois que la position de l'usager à l'égard du propriétaire, ou celle du propriétaire à l'égard de l'usager, ne sera pas bien déterminée soit par un titre ou par une convention positive, soit par la prescription.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Moncheur est inutile sous un double rapport : il est inutile d'abord, parce que les droits qu'il concerne sont réglés par une disposition formelle de la loi, par l'article 635 du Code civil. L'honorable M. Moncheur nous dit qu'on a prétendu que cet article n'était pas applicable aux buis et forêts. Sans doute, messieurs, cet article a comme bien d'autres pu donner lieu à des difficultés, mais la jurisprudence est aujourd'hui constante que l'article 635 s’applique même aux bois et forêts. La question a été successivement résolue par la cour de cassation et par la cour d'appel de Bruxelles.
Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Moncheur est encore inutile à un autre point de vue : ou bien l'honorable M. Moncheur veut (page 692) régler le passé ou il veut régler l'avenir ; le passé, il reconnaît lui-même qu'il ne peut pas y toucher et, en effet, tous nos usages datent de plusieurs siècles, de sorte que s'ils ne sont pas réglés par des titres, ils le sont par une longue possession.
Pour l'avenir, notre loi est évidemment inutile : d'abord j'ai démontré que l'article 635 du Code civil est applicable ; mais pensez vous qu'à l'avenir on crée encore des droits d'usage ? Vous'l'interdisez par la loi, au gouvernement, aux communes et aux établissements publics, et certainement il n'est pas nécessaire de l'interdire aux particuliers, qui s'en garderont bien.
Mois, messieurs, l'article ferait, lui, naître des procès, parce qu'alors on prétendrait que tous les usagers, quelque soit leur titre ou leur possession, sont tenus de payer dans l'avenir les contributions et les frais de garde ; que ce sont là des charges qui se renouvellent tous les ans, que le propriétaire peut bien ne pas avoir d'action en répétition pour ce qui est payé, mais qu'il conserve une action pour forcer l'usager à contribuer aux charges qui naîtront dans l'avenir.
Ces observations que je présente ont déterminé le législateur français à ne rien insérer dans le Code, relativement aux rapports qui doivent exister entre les propriétaires et les usagers ; on a compris que l'appréciation des droits d'usage, leur étendue, les obligations respectives du propriétaire et de l'usager devaient être réglés par le titre ou la possession, et rester soumise au jugement des tribunaux.
Quant à l'article du Code civil, il était nécessaire, indispensable même, à raison des droits d'usufruit, d'habitation, etc., dont il s'occupe plus spécialement. Il ne s'agit de rien de semblable ici. Si vous admettiez l'amendement de l'honorable M. Moncheur, vous auriez une loi qui provoquerait plus de procès que si on laissait aux tribunaux le soin de décider les quelques questions qui pourront encore surgir.
M. Moncheur. - M. le ministre de la justice prétend que mon amendement est inutile sous deux rapports ; d'abord parce que la jurisprudence est fixée sur le point dont il s'agit, et ensuite parce qu'il ne s'établira plus de droits d'usage à l'avenir Quant à la jurisprudence, il est vrai, comme je l'ai dit moi-même, que la cour de cassation a décidé la question dans le sens de ma proposition ; mais, messieurs, tout ce que M. le ministre de la justice vous a dit à cet égard est la preuve évidente des doutes qui peuvent encore planer sur cette question, puisque les cours d'appel ont eu à s'en occuper à plusieurs reprises, et que ces cours n'ont pas été d'accord sur ce point de doctrine avec la cour de cassation. La jurisprudence de la cour de cassation peut bien être fixée aujourd'hui dans un sens, mais tous les jurisconsultes ne sont cependant pas encore d'accord sur la question ; vous admettrez que les cours d'appel, qui sont certainement composées aussi de très bons jurisconsultes, ne sont pas d'accord à cet égard avec la cour de cassation.
Vous voyez donc qu'on ne peut pas dire que la question soit fixée définitivement par la jurisprudence, parce que, comme je l'ai dis, tant qu'il n'y a pas de loi interprétative, la jurisprudence peut changer. La cour de cassation qui a décidé d'une manière, peut décider d'une manière contraire, si elle est composée d'hommes qui par hasard partageront l'opinion des cours d'appel. Sous ce rapport donc l'utilité de ma proportion est évidente. Mais, objecte M. le ministre, faudra-t-il donc que sur chaque question qui peut se présenter, le législateur porte une loi spéciale ? C'est là, messieurs, exagérer les choses. Puisque nous faisons un Code forestier, et que nous avons l'occasion d'y inscrire une disposition propre à tarir une source de procès, pourquoi ne le ferions-nous pas ? Car personne ne se tient pour battu par un arrêt de la cour de cassation, et la preuve, c'est que tous les jours vous voyez la même question revenir sur le tapis, parce qu'on se dit : « J'ai encore des chances de réussite, j'ai pour moi telle autorité, l'opinion de tel tribunal, de telle cour d'appel, je puis réussir même à la cour de cassation, car ce ne serait pas la première fois que la cour de cassation changerait sa jurisprudence ; il suffit pour cela de quelque mutation dans le personnel. » Voilà ce qu'on se dit, et on recommence les procès. Sous ce rapport donc, je ne pense pas que l'insertion de trois lignes dans une loi, composée de près de 200 articles, soit une inutilité. Moyennant ces trois lignes, les parties sauraient du moins qu'il n'y a plus moyen de soulever de question à cet égard.
M. le ministre de la justice ajoute que ma proposition est encore inutile, parce qu'il ne s'établira plus de droits d'usage à l'avenir. Mais, messieurs si d'une part le Code forestier interdit l'établissement de droits d'usage dans les forêts de l'Etat et des communes, la loi ne peut pas l'interdire également dans les forêts des particuliers. Ainsi votre argument pèche par sa base. Vous me direz peut-être que l'intérêt des particuliers est une garantie suffisante contre l'etablissement futur de semblables usages ; mais vous ne pouvez préjuger cela d'une manière certaine. Qui vous dit, par exemple, que des particuliers riches et propriétaires de forêts, n'ayant pas d'héritiers directs et voulant procurer un avantage aux habitants de leur localité, ne pourraient leur léguer des droits d'usage dans ces forêts ? Certes, on voit des choses plus bizarres que celle-là.
Vous ne pouvez donc pas préjuger ce qui se fera de la part des particuliers, et la probabilité à cet égard n'équivaut pas à la certitude ; il suffit que l'établissement de droits d'usage soit licite et possible pour que vous deviez tracer toutes les règles qui les concernent.
Mais, dites-vous, l'article 635 est là. Oui, c'est cet article dont l'application aux usages forestiers est douteuse. Vous tournez donc toujours dans le même cercle. Vous dites qu'il faut laisser quelque chose à décider par les tribunaux. Moi, je réponds qu'il faut leur laisser le moins possible à décider.
Si vous aimez les procès, il faut laisser les questions indécises, mais si vous voulez les rendre aussi rares que possible, vous devez les décider, par la loi, lorsque vous le pouvez.
Ainsi, mon amendement est utile au double point de vue où M. le ministre de la justice se place pour tâcher d'en démontrer l'inutilité.
J'ai dit aussi que les particuliers pouvaient volontairement établir des droits d'usage dans leurs forêts, mais remarquez en outre que ces usages pourront s'établir malgré eux par longue possession engendrant la prescription ; eh bien, dans ces cas-là, comme l'usage pourrait dire acquis par la transcription, tandis que l'obligation de la contribution ou de la non-contribution aux frais de garde et aux impôts pourrait ne pas avoir également été prescrite, il est évident que les parties devront devront recourir à la loi pour régler leurs droits ; si vous ne faites pas cette loi, elle leur manquera.
On reviendra toujours à l'article 635 du Code civil et on discutera éternellement le point de savoir s'il est applicable ou non aux usagers forestiers.
Vous voyez donc que ce n'est pas sans motifs que la commission gouvernementale, présidée par un honorable conseiller de la cour de cassation, avait inséré dans le projet de Code forestier l'article que j'ai eu l'honneur de proposer à votre adoption
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je commence à comprendre l'amendement de l'honorable M. Moncheur ; je me doutais bien que jusqu'à présent il ne nous avait pas fait connaître le fond de sa pensée. (Interruption.)
Jusqu'ici l'honorable M. Moncheur n'avait fait envisager son amendement que comme devant régler l'avenir ; eh bien, il vient de faire précisément le contraire ; il veut, par son amendement, faire régler le passé.
Voici le fond de sa pensée, telle qu'il vient de la formuler ; l'honorable membre dit : « Il se peut que dans le passé on ait possédé des droits d'usage pendant 30, 40 ans, pendant un siècle ; le droit d'usage existe, mais la question de contribution n'est pas décidée. »
Eh bien, l'honorable M. Moncheur veut faire décider, par son amendement, des questions de possession dans le passé.
M. Moncheur. - Vous ne m'avez pas compris.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable membre veut transformer la chambre en cour de justice ; il veut lui faire décider quelle sera l'étendue de la possession des usagers, lorsque, par exemple, ils auront possédé le droit, sans payer de contributions. Evidemment la chambre ne peut pas juger cette question. C'est aux tribunaux à voir et à décider l'étendue de la possession des usagers.
M. Moncheur. - Nous sommes d'accord.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Que signifie donc l'argument ?
M. Moncheur. - (erratum, page 701) Je vais le dire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si j'ai bien compris, vous dites que l'on peut avoir pendant trente ans possédé le droit d'usage, mais que la question des contributions peut être indécise.
Mais cette question si elle se présente, les tribunaux la décideront. La législature ne saurait le faire. Les tribunaux auront à voir si c'est le cas d'appliquer le principe « Tantum prœscriptum quantum possessum » ; les tribunaux appliqueront les principes ordinaires de la prescription ; en l'absence de possession suffisante pour prescrire, ils recourront au titre ; en l'absence de titre, l'on invoquera l'article 635. Mais encore une fois, le législateur ne peut dire qu'une possession qui a existé dans le passé sera réglé par des dispositions postérieures à cette possession.
M. Moncheur. - L'honorable ministre de la justice, ne m'ayant pas compris, m'a en quelque sorte reproché de n'avoir pas dit tout d'abord le fond de ma pensée.
Je le prie de croire que je suis accoutumé à dire toujours le fond de ma pensée et que dans ce cas moins que dans tout autre je n'avais aucun espèce d'intérêt à ne pas la dire. Voici donc ma pensée que M. le ministre n'a pas saisie : Répondant à une de ses objections, j'ai dit qu'il y avait plusieurs cas dans lesquels des usages pourraient encore être établis à l'avenir et sous l'empire du Code forestier ; j'ai cité, entre autres, la prescription acquisitive.
J'ai dit que si, à dater d'aujourd'hui, par exemple, je laisse pendant trente ans les habitants dans la possession paisible et publique de certains usages dans mon bois, ils pourront avoir acquis, par la prescription, ces usages, mais que si, avant les trente ans, je les ai sommés de payer la contribution, ou enfin, s'il y a eu interruption de la possession à cet égard, ce point ne sera pas établi par la longue possession entre les usagers et moi, et que, par conséquent, nous n'aurions pour toute règle, à défaut de ma proposition, que l'article 635 du Code civil.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est suffisant.
M. Moncheur. - Les faits prouvent que cela n'est pas suffisant, puisque cet état de la législation a donné lieu à de graves difficultés et à des procès qui pourront renaître encore. Vous voulez laisser exister cette lacune, et moi, je veux la combler.
- La discussion est close.
L'article proposé par M. Moncheur est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
« Art. 84. L'exercice des droits d'usage pourra toujours être réduit, suivant l'état et la possibilité des forêts et n'aura lieu que conformément aux dispositions du présent titre. »
- Adopté.
« Art 85. Les usagers qui ont droit à des livraisons de bois ne pourront prendre ces bois qu'après que la délivrance leur en aura été faite. Ceux qui ont droit au bois mort ne pourront prendre que le bois sec et gisant par terre, et ils devront demander la délivrance des arbres sur pied, entièrement secs de cime et de racine. »
- Le gouvernement se rallie à la rédaction de la commission.
Cet article est adopté.
« Art. 86. L'exploitation des coupes délivrées à des usagers sera faite par entreprise sur adjudication publique. Elle aura lieu conformément aux dispositions du titre VI (Des exploitations).
« Les travaux d'amélioration imposés aux entrepreneurs, ainsi que les rétributions d'arpentage de ces coupes et autres frais d'exploitation, sont à charge des usagers.
M. Jacques. - Je demande la parole pour qu'on veuille bien fixer le sens des mots « travaux d'amélioration imposés aux entrepreneurs, » parce qu'on pourrait entendre par là des travaux très considérables qui dépasseraient la valeur de la coupe usagère. Il y a dans les forêts du Luxembourg que je connais, des cantons fangeux assez étendus qui ne produisent pas de bois aux usagers pour une valeur importante ; si l'on voulait transformer ces terrains fangeux en terrains secs, on pourrait y parvenir, mais au moyen de travaux qui coûteraient beaucoup. Je ne pense pas qu'il entre dans l'intention des rédacteurs de la loi de comprendre dans les travaux d'amélioration, mentionnés à l'article 86, des travaux de cette nature.
Je crois alors qu'il y a lieu de changer la rédaction et de dire : au lieu de « travaux d'amélioration », « travaux habituellement imposés aux entrepreneurs ». Voici en quels termes on parle de ces travaux dans le Code français :
« Les travaux que le cahier des charges leur impose, tant pour relever et faire façonner les ramiers, et pour nettoyer les coupes des épines, ronces et arbustes nuisibles selon le mode prescrit à cet effet, que pour les réparations des chemins de vidange, fossés, repiquement des places à charbon, et autres ouvrages à leur charge. »
Pour tous ces travaux, je comprends que les usagers doivent en être chargés ; il n'y aura pas la moindre difficulté si on adopte la substitution que je propose, et on aura tout ce qu'on a voulu faire dire à l'article. On ne pourra pas l'interpréter de manière à lui donner une portée plus grande que celle qui était dans la pensée de ses auteurs.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le mot « habituellement » que M. Jacques propose de substituer est tellement vague qu'il ne me semble pas répondre à l'intention de l'honorable membre. Je pense que les explications que je vais donner suffiront pour déterminer le sens de l’article 86.
On entend par « travaux d'amélioration » les travaux spécifiés dans le Code français. Une coupe est faite, on impose à l'usager l'obligation de repeupler quelques places vagues, de relever des fossés, d'en creuser de nouveaux pour l'écoulement des eaux.
On ne pourrait pas, à propos d'une coupe, exiger des usagers de dessécher toute une forêt.
M. Jacques. - Puisque M. le ministre trouve trop vague le mot « habituellement », je consens à y substituer les mots : « travaux ordinaires d'amélioration ».
- Le gouvernement se. rallie à cette modification.
L'article 86 ainsi modifié est adopté.
« Art. 87. Il est interdit aux usagers de vendre, échanger ou donner les bois qui leur sont délivrés, de les transporter ou déposer dans un autre lieu que celui auquel l'usage est attaché, et de les employer à une autre destination que celle pour laquelle le droit d'usage est accordé, sous peine de confiscation au profit du propriétaire de la forêt et d'une amende de 20 à 100 francs, s'il s'agit de bois de chauffage, et de 40 à 200 francs, s'il s'agit de bois de construction ou d'agriculture. »
- Adopté.
« Art. 88. Les bois de chauffage et autres délivrés aux usagers devront être enlevés dans les deux mois de la délivrance. Passé ce délai, les bois sont acquis au propriétaire. »
Le gouvernement se rallie à la rédaction de la commission.
M. Jacques. - Je crains que le mot « délivrance », qui a ici un autre sens que dans l'article 86, ne donne lieu à des difficultés. Vous ne permettez pas aux usagers d'exploiter eux-mêmes le bois que vous leur délivrez, vous exigez, par l'article 86, qu'il y ait une adjudication publique et un entrepreneur.
Un délai est accordé à l'entrepreneur pour façonner le bois de la coupe ; ce délai ne prend cours qu'à partir de la délivrance du permis d'exploiter.
Il faut donc qu'ici le mot « délivrance » ait une autre signification que dans l'article 86. En obligeant les usagers à faire exploiter leur bois par un entrepreneur, vous ne pouvez pas leur imposer l'obligation de l'enlever dans les deux mois après qu'on a assigné la coupe. L'exploitation exige plus de temps que cela.
L'article 86 porte : l'exploitation des coupes délivrées à des usagers sera faite, etc.
Il est impossible que « délivrance » de l'article 88 et « délivrées » de l'article 86 aient la même signification.
Je pense qu'on éviterait toute incertitude si l'on substituait au mot : « délivrance » celui-ci : « distribution », car les délégués des usagers et l'administration procèdent à une distribution par lots.
Je pense donc qu'il serait préférable d'employer le mot « distribution » ou « partage » au lieu de « délivrance ».
- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois inutile de modifier soit l'article 86 soit l'article 88. Il s'agit, dans l'article 86, d'une délivrance toute différente de celle dont il est question dans l'article 88, l'article 86 s'occupe de la délivrance faite par les propriétaires aux communes usagères. Il se fait ensuite une autre délivrance, c'est celle que les communes font aux usagers, et c'est de cette délivrance que s'occupe l'article 88. Aux termes de cet article, l'usager sera tenu d'enlever le bois dans les deux mois de la délivrance qui lui en aura été faite à lui individuellement. En un mot, l'article 86 s'occupe de la délivrance faite au corps, aux usagers en masse, aux communes usagères, l'article 88 s'occupe de la délivrance faite à l'usager individuellement.
M. le président. - M. Jacques maintient-il son amendement ?
M. Jacques. - Les explications de M. le ministre me satisfont, mais je crois qu'il serait toujours plus convenable de désigner deux choses différentes par deux mots différents. Si notre langue était tellement pauvre qu'elle ne fournit qu'une seule expression, je concevrais qu'on dût s'en contenter ; mais il me semble que le mot « distribution » rendrait parfaitement l'idée qu'on veut exprimer à l'article 88, et, dès lors, il conviendrait, me semble-t-il, de le substituer au mot « délivrance ».
- L'amendement est mis aux voix et rejeté.
L'article est adopté.
« Art. 89. L'emploi du bois de construction devra être fait dans les deux ans de la délivrance, sauf prorogation à accorder, par la dèputation permanente, s'il y a des motifs plausibles. Ce délai expiré, le propriétaire de la forêt pourra disposer des bois non employés, et l'usager contrevenant encourra une amende de 10 à 50 fr. »
Le gouvernement se rallie à cette rédaction.
M. Jacques. - Je demande la parole pour qu'on veuille bien m'expliquer le sens que l'on donne ici au mot « délivrance ».
S'agit-il de la délivrance faite aux communes ou bien de la délivrance faite aux usagers individuellement ? il n'y a rien dans l'article qui le dise formellement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le bois de construction est délivré à l'usager de commun accord entre la commune et l'administration forestière, à la différence du bois de chauffage, qui est distribué par la commune entre tous les usagers.
Il ne peut évidemment s'agir ici, que de la délivrance faite à l'usager, attendu qu'on ne peut faire courir le délai qu'à partir du moment où l'usager a été mis en possession de son bois.
M. Jacques. - Dans la pratique, il n'en est pas toujours ainsi : il arrive que certaines coupes usagères ne contiennent pas assez de bois de construction pour faire droit à toutes les demandes des usagers ; dans ce cas on remet tout le bois de construction aux communes usagères, et les administrateurs ou délégués des usagers jugent quels sont les usagers qui peuvent en obtenir. Il y a donc eu une délivrance de la coupe antérieure à la distribution entre les usagers. Mais, du moment que M. le ministre pense qu'il ne peut s'agir ici que de la délivrance individuelle ou distribution aux usagers, je n'insiste pas.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a un principe général en vertu duquel on ne peut faire courir le délai pour quelqu'un que du moment où il a pu agir. Vous ne pouvez donc, dans le cas actuel, faire courir le délai aussi longtemps que l'usager n'a pas été mis en possession de son bois.
- L'article de la commission est adopté.
« Art. 90. Les usagers ne pourront jouir de leur droit de pâturage, glandée et panage, que pour les bestiaux à leur propre usage et non pour ceux dont ils font commerce. »
M. Jacques. - Je dois faire remarquer à la chambre que presque tous nos cultivateurs qui jouissent du droit d'usage ont l'habitude d'acheter à certaine époque de l'année quelques têtes de gros bétail pour les revendre à une autre époque. Considerera-t-on cette opération comme une affaire commerciale ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est ce que les tribunaux décideront.
M. Jacques. - Mais il me semble que la loi ne devrait pas contenir une disposition que l'on sait être de nature à nécessiter une interprétation de la part des tribunaux.
(page 694) L'usage dont je parle est général ; et cependant on ne peut pas dire qu'il constitue une opération commerciale ; ce n'est que l'exploitation agricole conduite de la manière habituelle. Si l'on n'est pas fixé sur le sens de l'article, il serait préférable, me semble-t-il, de le supprimer.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je répondais tantôt à l'honorable M. Jacques, en l'interrompant, que c'est une question à décider par les tribunaux et que la loi même ne peut pas trancher. On ne pourrait pas décider, en effet, par la loi que tel ou tel acte sera réputé acte de commerce ; cela dépendra évidemment des circonstances. Il va de soi que si un cultivateur achète quelques tètes de bétail et que, l'occasion se présentant, il en vende une partie, cette opération ne pourra pas être assimilée à un acte de commerce ; que si, au contraire, il spécule sur le droit d'usage qu'il a dans la forêt pour acheter et revendre du bétail aussi souvent qu'il le peut, alors que les tribunaux devront réprimer cet abus.
C'est donc une question d'appréciation dont la solution dépend des circonstances et qu'il est impossible de résoudre par la loi.
M. Orts, rapporteur. - Je ferai remarquer à l'honorable M. Jacques que la disposition dont il demande la suppression existe dans l'ordonnance de 1669, et qu'elle est par conséquent en vigueur aujourd'hui.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Elle existe dans toutes les autres ordonnances et dans tous les titres des usagers.
M. Orts. - Voici les termes de l'ordonnance de 1669 : (L'orateur donne lecture de ce passage.)
Eh bien, jusqu'à présent, cela n'a donné lieu à aucune difficulté entre les usagers, et M. Jacques voudra bien remarquer que c'est seulement entre les usagers que des difficultés auraient pu surgir, par suite de cette disposition. C'est une mesure de protection en faveur des usagers pauvres, contre ceux qui voudraient abuser de leur position.
- L'article est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau les budgets de 1853 qui restaient encore à présenter.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dépose également un projet de loi ayant pour objet d'autoriser un transfert au département de la guerre, à concurrence de 555,000 francs, sur le budget de 1851.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Enfin, je dépose un projet relatif aux mesures décrétées par l'arrêté du 2 février 1852 pour le transit.
La chambre pourrait renvoyer ces projets aux sections, sauf le budget de la guerre, qui est le même budget provisoire que celui de 1852.
M. Malou. - Pourquoi le budget de la guerre ne serait-il pas renvoyé également aux sections ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Parce que la chambre a décidé qu'elle tient le budget de la guerre en suspens jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les propositions qui pourront être faites à la suite des travaux de la commission chargée d'examiner les questions relatives à l'organisation militaire.
M. Malou. - On pourra toujours en demander plus tard le renvoi aux sections.
Maintenant, messieurs, si j'ai bien compris M. le ministre des finances, le dernier projet qu'il a déposé se rapporte à l'arrêté du 2 février. Une section centrale se trouve constituée pour examiner les autres mesures concernant cet arrêté ; je crois qu'il vaudrait mieux renvoyer le projet actuel à la même section centrale pour qu'il y ait unité dans l'examen.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'arrêté du 2 février renferme certaines dispositions relatives au transit, mesures qui ont pu être prises non pas en vertu de la loi spéciale au traité avec les Pays-Bas, mais en vertu de la loi du 6 août 1849. Ces mesures doivent être soumises aux chambres et c'est là le but de la communication que je fais en ce moment.
Au surplus je ne m'oppose pas à ce que le projet soit renvoyé à telle commission plutôt qu'à telle autre.
- Des membres. - Aux sections !
M. Malou. - S'il y a de l'opposition, je n'insiste pas.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution des projets déposés par M. le ministre des finances et les renvoie à l'examen des sections, sauf le budget de la guerre pour 1853, qui est tenu en suspens.
« Art. 91. Quel que soit l'âge ou l'essence des bois, et nonobstant tous titres et possessions contraires, les usagers ne pourront exercer les droits mentionnés à l'article précédent que dans les cantons qui auront été déclarés défensables par l'administration forestière. »
- Adopté.
« Art. 92. Le droit de glandée et de panage ne pourra être exercé que conformément à l'article 79. »
- Adopté.
« Art. 93. L'administration forestière fixera, d'après les droits des usagers, le nombre des porcs qui pourront être admis au panage et celui des bestiaux qui pourront être mis en pâturage. »
- Adopté.
« Art. 94. Chaque année, avant le 1er mars, pour le pâturage, et le 15 septembre pour le panage ou la glandée, l'administration forestière fera connaître aux usagers les cantons déclarés défensables et le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage, ainsi que la durée du parcours.
« Les bourgmestres en feront, sans retard, la publication dans les communes usagères. »
M. le ministre de la justice déclare se rallier au changement proposé par la commission.
- L'article est adopté.
« Art. 95. Les bestiaux ne pourront aller au pâfurage ou au panage, ni en revenir, que par les chemins désignés par les agents forestiers.
« Si ces chemins traversent des cantons non défensables, il pourra être fait à frais communs, entre les usagers et le propriétaire, des fossés ou toute autre clôture pour empêcher les bestiaux de s'introduire dans ces cantons. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à l'amendement de la commission.
- L'article est adopté.
« Art. 96. Le troupeau de chaque commune ou section de commune devra être conduit par un ou plusieurs pâtres communs, choisis par l'autorité communale. En conséquence, les habitants des communes usagères ne pourront conduire ou faire conduire leurs porcs ou bestiaux à garde séparée, sous peine de 2 francs d'amende par tête de bétail.
« Les porcs ou bestiaux de chaque commune ou section de commune usagère, formeront un troupeau particulier et sans mélange de porcs ou bestiaux d'une autre commune ou section, sous peine d'une amende de 5 à 10 fr. contre le pâtre, et d'un emprisonnement de 5 à 10 jours en cas de récidive. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie au changement proposé par la commission, en tant qu'il consiste à ajouter les mots. « porcs ou » à la fin du premier paragraphe et au milieu du paragraphe 2, mais je pense qu'il faut maintenir au commencement de l'article : « Les troupeaux de chaque commune, » au lieu de : « Le troupeau de chaque commune. » Une commune peut avoir plusieurs troupeaux, par exemple un troupeau de vaches et un troupeau de porcs.
M. Orts. - Nous sommes d'accord avec M. le ministre. Je crois même que c'est par une erreur d'impression qu'il y a : « Le troupeau, » au lieu de : « Les troupeaux. »
- L'article est adopté avec le changement proposé par M. le ministre.
« Art. 97. Tous les bestiaux admis au pâturage porteront des clochettes au cou, et auront une marque spéciale qui sera différente pour chaque commune ou section de commune usagère, et dont l'empreinte sera déposée au greffe du tribunal de première instance. »
- L'article est adopté.
« Art. 98. Il est défendu aux usagers, nonobstant titre ou possession contraire, de conduire ou de faire conduire des chèvres, brebis ou moutons, dans les forêts ni sur les terrains qui en dépendent, à peine, contre le propriétaire, de l'amende prononcée par l'article 167, et contre les pâtres ou bergers d'une amende de 10 francs et de cinq à dix jours d'emprisonnement. »
- L'article est adopté.
« Art. 99. Les dispositions de la présente section, à l'exception de l'article 97, sont applicables au pâturage et au panage que les communes et les établissements publics exercent dans leurs propres bois. »
- Adopté.
Article 100
« Art. 100. Les usagers qui contreviendront aux dispositions du présent titre seront punis des mêmes peines que les délinquants ordinaires. »
- L'article est adopté.
La séance est levée à 2 heures trois quarts.