(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 575) M. Vermeire procède à l'appel nominal à midi et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Vermeire fait l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Jean-Baptiste Egger, sergent-major au 1er régiment de ligne, né à Gorinchem (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le conseil communal de Vechmael réclame l'intervention de la chambre pour que l'administration provinciale ou l'Etat lui accorde un subside pour le service de l'instruction primaire. »
M. de Renesse. - Le conseil communal de Vechmael, province de Ximbourg, réclame contre un arrêté royal du 30 août 1851, qui impose à cette commune une augmentation d'allocation pour l'instruction primaire ; ce conseil pense avoir rempli toutes les obligations imposées par l'article 23 de la loi sur l'instruction primaire, et portant à son budget communal une somme plus que double de celle qui lui incomberait d'après ladite loi.
La commune de Vechmael est dénuée de toutes ressources ; elle est chargée d'une dette constituée de plus de 15,000 francs en outre des autres charges communales ; elle se trouverait obligée de recourir à une nouvelle imposition pour remplir la nouvelle obligation imposée par l'arrêté royal précité ; elle croit qu'elle se trouve dans le cas prévu par le paragraphe 2 de l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842, qu'elle a droit d'obtenir un subside de la province ou de l'Etat.
J'ai l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs sauniers du canton de Dour prient la chambre de ne pas donner son assentiment aux dispositions du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, relatives à l'assimilation du sel de source au sel de roche. »
M. Lange. - Conformément à la décision prise par la chambre pour des pétitions de même nature, je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du traité.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs teneurs d'échoppes à Aerseele demandent la révision de la loi qui les soumet à un droit de patente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Schiappa, garde-frein à la station du chemin de fer de l'Etat, à Verviers, né à Mayence, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur François-Barthélémy Ferrand, préposé de douanes à Eysden, prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. E. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente des finances sur l’emploi du crédit de deux millions mis à la disposition du gouvernement par la loi du 18 avril 1848.
M. Osy. - Le rapport qui vient d'être déposé étant connexe aves celui qui a été déposé par l'honorable M. de Man, je demande que les deux rapports soient mis en même temps à l'ordre du jour, pour qu'il n'y ait qu'une seule et même discussion sur les deux rapports.
M. le président. - Le rapport dépasé par M. E. Vaudenpeereboom stra imprimé et distribué ; il sera mis à l'ordre du jour à la suite de celui qui a été déposé par M. de Man.
M. Jacques. - Messieurs, la chambre a demandé un prompt rapport sur la pétition du conseil communal de Sivry, concernant le Code forestier.
Le conseil de la commune de Sivry (commune de 3,500 âmes), du canton de Beaumont, arrondissement de Thuin, critique le Code forestier en ce qui concerne les bois des communes et des établissements publics. Ce conseil pense qu'on a donné, dans le projet de Code, des attributions trop larges aux agents forestiers, et qu'on n'a pas assez respecté celles qui devraient appartenir aux administrateurs des communes et des établissements publics.
A la suite des considérations qu'il présente, voici les conclusions par lesquelles le conseil communal termine sa pétition :
« Par suite des considérations ci-dessus énoncées, nous supplions avec respect qu'il plaise à la chambre accueillir et sanctionner les conclusions ; suivantes :
« 1° Que toutes les mesures et opérations forestières concernant les bois communaux qui auront pour objet l'aménagement, la culture, l'amélioration des coupes, le balivage, le martelage, etc., devront avoir lieu à l'intervention et avec le concours des administrations communales intéressées ;
« 2° Que le tarif ou l'estimation préalable des agents forestiers cessera d'être obligatoire pour les ventes de bois qui, du reste, continueront d'être soumises à l'approbation de la députation provinciale ;
« 3° Que les adjudicataires continueront d'être dispensés du dépôt de l'empreinte de leurs marques ou marteaux ;
« 4° Finalement, que toute prohibition concernant l'essartage sers écartée et que les communes auront la faculté de mettre cette opération en pratique, moyennant l'autorisation de la députation provinciale et sous la surveillance des agents forestiers. »
Votre commission a pensé que les deux premiers points n'étaient susceptibles que de mesures administratives. Les administrateurs des communes et les établissements publics peuvent intervenir officieusement dans les opérations forestières, ou, s'ils trouvent que les opérations faites sans leur concours ne répondent pas aux intérêts de la commune, ils ont la faculté de s'adresser à l'autorité supérieure.
Quant au second point (l'estimation préalable des coupes) votre commission n'a trouvé dans le Code forestier aucune disposition qui interdise à la députation d'approuver les ventes, lorsqu'elles n'arrivent pas au taux de l'estimation pourvu que la publicité des annonces soit constatée ainsi que la liberté des enchères, et lorsque l'intérêt de la commune paraît devoir demander l'approbation de la vente à un taux inférieur.
Quant au troisième point, relatif aux marteaux des adjudicataires, il a été fait droit en partie à la demande par un paragraphe additionnel que la commission parlementaire a proposé d'ajouter à l'article 52.
Il est à remarquer cependant que ce paragraphe dont il est fait mention dans le corps du rapport, n'est pas reproduit dans le projet de loi de la commission qui est imprimé à la suite.
Quant au quatrième point, relatif à l'essartage, il est fait droit à ce que demande le conseil communal par la suppression que la commissions de la chambre propose de l'article 103.
En conséquence, la commission des pétitions vous propose le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de Code forestier.
Toutefois, en ce qui concerne le troisième point, pour les marteaux des adjudicataires, la commission des pétitions a pensé qu'il serait utile de communiquer immédiatement à la chambre les observations que le conseil communal présente ; ces observations sont d'ailleurs très courtles ; les voici :
« A propos de ces ventes, le conseil remarque que le projet (article 52) oblige les adjudicataires, sous peine d'amendes, à déposer au greffe du tribunal et chez l'agent forestier local l'empreinte de leurs marteaux.
« Il ne comprend pas en quoi cette formalité nouvelle peut être utile ; car jamais on ne l'a exigée, et jamais non plus son absence n'a donné lieu à aucun inconvénient.
« En imposer désormais l'obligation, ce serait contrarier sans nécessite réelle les habitudes des marchands, leur occasionner des dépenses ou des déplacements onéreux.
« Ce serait enfin éloigner des ventes communales une foule de gens non commerçants qui n'achètent que pour leurs besoins personnels, et qui, pour éviter une formalité jusqu'ici inusitée, préféreront s'approvisionner dans les bois de particuliers où ils porteront leurs enchères et leur argent, au grand détriment des communes qui dès lor se verront privées d'une concurrence toujours fort avantageuse pour leurs intérêts. »
(page 576) - Le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de Code forestier est ordonné.
M. Orts, rapporteur. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre un rapport supplémentaire de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de Code forestier, sur le premier des amendements proposés par l'honorable M. Moncheur dans la discussion générale. Cet amendement se rattache à l'article 19. La commission n'a pas encore pu s'occuper d'une manière définitive des autres amendements qui ont été déposés par cet honorable membre et qui feront l'objet d'un rapport ultérieur.
- On demande la lecture du rapport sur l'amendement présenté à l'article 49.
M. Orts. - Messieurs, voici ce rapport qui est très court :
Messieurs, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de Code forestier s'est occupée des amendements présentés par l'honorable M. Moncheur, pendant la discussion générale.
Le premier de ces amendements modifie l'article 49 du projet, et a pour but de permettre le partage sur pied et l'abattage des coupes délivrées aux affouagers par les ayants droit directement.
Le Code en discussion exige que cette exploitation soit faite par un entrepreneur unique ou sous la garantie de trois habitants solvables.
L'honorable M. Moncheur veut, par son amendement, maintenir des usages existants en cette matière et ne pas froisser les habitudes d'une partie du pays. Le mode d'exploitation qu'il désire conserver est effectivement autorisé par diverses députations permanentes, chargées aujourd'hui de réglementer cet objet.
On ne peut se dissimuler que le système suivi dans cette circonstance ne soit contraire aux prescriptions des lois forestières comme à l'intérêt de la propriété boisée ; qu'il facilite en général les délits et les abus, en rendant très difficile l'exercice de la surveillance. La commission ne pourrait en aucun cas s'y rallier et le transformer en règle, en principe forestier.
Toutefois, elle a pensé que, par exception, au sein de populations habituées à ce genre d'exploitation, dans des circonstanees de temps ou de lieu toutes particulières, il deviendrait peut-être possible de déroger au système de l'article 49 du projet, et de permettre le respect des habitudes que l'amendement de l'honorable M. Moncheur a en vue.
Mais, dans la pensée de la commission, deux conditions sont indispensables pour l'admission de cette tolérance peu désirable : la sanction de l'autorité administrative suprême d'abord, puis une garantie sérieuse contre les abus que la tolérance viendrait à engendrer.
Avec cette amélioration et cette restriction apportées au principe sur lequel repose l'amendement de l'honorable député de Namur, la commission croit pouvoir l'adopter.
Elle vous propose, en conséquence, messieurs, de substituer à cet amendement et à l'article 49 lui-même la rédaction suivante :
Premier paragraphe : Comme au projet.
Paragraphe 2. « Les bois en provenant ne pourront être partagés sur pied sans autorisation du gouvernement et la députation permanente entendue.
« L'arrêté royal d'autorisation réglera la responsabilité des exploitants, pour les délits et les contraventions qui pourraient être commis pendant l'exploitation.
« En l'absence d'autorisation, l'exploitation sera faite... (Le reste comme au projet de la commission.) »
« Art. 24. Les propriétaires riverains, à l'égard desquels il s'agit de reconnaître et de fixer les limites, seront également avertis, deux mois d'avance, du jour de l'opération.
« L'avertissement contiendra la désignation des propriétés à aborner, et sera donné sans frais, à la requête de l'administration forestière, et par un de ses agents, lorsqu'il s'agit d'une forêt de l'Etat ou d'une forêt indivise, et à la requête du collège des bourgmestre et échevins, ou de l'administration intéressée par l'officier de police ou le garde champêtre du lieu, lorsqu'il s'agit d'une forêt communale, ou appartenant à un établissement public.
« L'avertissement sera donné, soit à personne, soit à domicile, si les propriétaires habitent la commune. Dans le cas contraire, il sera adressé par la voie de la poste aux lettres et chargé d'office. »
M. David. - Messieurs, je pense que l'article 24 présente une lacune. Les gardes qui seront chargés de remettre les avertissements ne sont pas tenus de s'en faire donner récépissé ; par conséquent, il pourra arriver que le garde se dispense de remettre l'avertissement à l’intéressé qui, dans ce cas, ignorerait le jour ou l'opération du bornage aurait heu. Pour éviter cet inconvénient et, d'un autre côté, pour mettre la responsabilité du garde à couvert, je voudrais qu'en déposant l'avertissement, il s'en fît donner récépissé, ou qu'il le remît en présence de deux témoins, lorsque l'intime ne saurait pas écrire. Je proposerai, messieurs, de dire au paragraphe 3 :
« L'avertissement sera donné contre récépissé signé, ou en présence de deux témoins, si l'intimé ne sait écrire, soit à personne, soit à domicile, etc.»
Cet amendement est autant dans l'intérêt du propriétaire de la parcelle que l'on veut emborner ou délimiter que dans l'intérêt du garde.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la procédure indiquée par l'article 24 est, en tout, conforme à celle qui est suivie pour les chemins vicinaux et qui, jusqu'à présent, n'a donné lieu à aucun inconvénient. Je ne pense pas que des individus aient prétendu qu'on ait opéré en leur absence. Comme cela se passe dans la commune même, d'ordinaire les individus seront suffisamment prévenus de l'opération a laquelle il s'agit de procéder.
Faire donner l'avertissement en présence de deux témoins lorsque la personne ne sait pas signer, ce serait supposer que, toujours et dans tous les cas, c'est au chef de famille que l'avertissement doit être remis et non pas à la personne qui le remplace, comme, par exemple, sa femme ou ses enfants lorsqu'ils ont un certain âge.
Je crois qu'il faut assimiler ces avertissements aux notifications par huissiers pour lesquelles on n'exige pas les formalités proposées par M. David, et à l'égard desquelles, je le répète, il ne s'est élevé, jusqu'à présent, aucune difficulté.
Du reste, à l'article 23 il y a d'autres formalités prescrites au moyen desquelles le propriétaire est informé de la délimitation. Cet article porte : « Lorsque l'Etat, une commune ou un établissement public voudra procéder à la délimitation générale ou partielle d'une forêt, cette opération sera annoncée deux mois d'avance par voie de publication et d'affiches dans les formes ordinaires et dans un journal de la province et de l'arrondissement s'il en existe. »
Vous voyez qu'il y a des formalités générales pour porter l'opération projetée à la connaissance des intéressés ; indépendamment de ces mesures générales qui suffiraient pour que tous les habitants fussent avertis, il y a une formalité spéciale pour chaque individu. Je crois donc qu'on peut accepter la loi telle qu'elle est. On fait observer à mes côtés que les notifications faites par les agents de la force publique, les gardes champêtres et les gendarmes quand il s'agit d'instruction ont eu jusqu'à présent les meilleurs résultats ; jamais on n'a constaté que des citations n'eussent pas été remises à temps ; j'ai entendu plusieurs juges d'instruction dire que les témoins répondaient aussi exactement aux assignations remises pour les agents de la force publique qu'à celle qui étaient envoyées par les huissiers.
M. David. - Satisfait par les explications données par M. le ministre de la justice, je retire mon amendement.
- L'article 24 est mis aux voix et adopté.
« Art. 25. Au jour indiqué il sera procédé à la délimitation, en présence ou en l'absence des propriétaires riverains.
« Elle sera faite par les agents forestiers pour les bois de l'Etat et les. bois indivis, à l'intervention, quant à ces derniers, des copropriétaires, ou eux dûment appelés, conformément à l'article précédent.
« Elle sera faite à l'intervention des agents forestiers, par les autorités communales, ou les administrations des établissements publics pour les bois communaux et ceux de ces établissements. »
- Adopté.
« Art. 26. Si les propriétaires riverains sont présents, et s'il ne s'élève pas de difficultés sur le tracé des limites, le procès-verbal constatera la reconnaissance contradictoire. Il sera signé par les parties intéressées, et après qu'il aura été approuvé par le gouvernement, pour les bois de l'Etat ou indivis, et par la députation permanente du conseil provincial, pour les bois des communes et ceux des établissements publics, l'opération sera définitive et rendue publique de la manière indiquée en l'article 23. »
- Adopté.
« Art. 27. S'il a été procédé à la délimitation en l'absence des propriétaires riverains, ou de l'un deux, le procès-verbal sera immédiatement déposé au secrétariat de l'une des communes de la situation du bois. Un double de ce procès-verbal sera déposé au greffe du gouvernement provincial ; il sera donné avis de ce dépôt aux propriétaires absents, dans la forme indiquée à l'article 24, et tout intéressé pourra en prendre connaissance et former opposition dans le délai de six mois, à dater du jour de la clôture du procès-verbal de délimitation.
« Le gouvernement ou la députation provinciale déclarera si le procès-verbal est approuvé. Cette déclaration sera rendue publique comme il est dit en l'article précédent. »
M. David. - Vous aurez remarqué qu'il résultera de l'exécution des articles 23, 24, 25, 26 et 27 une certaine quantité de frais qui s'élèveront à une somme assez forte. Le projet de loi n'indique pas qui devra les payer.
(page 577) Je prie M. le ministre de vouloir bien nous dire qui payera les frais de publication, d'affixion, de procès-verbal et les ports de lettres.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans non opinion, c'est le gouvernement qui doit supporter les frais quand il s'agit de borner des bois de l'Etat, la commune quand il s'agit de borner les bois communaux, l'établissement public quand il s'agit de bois lui appartenant ; au reste, l'article 30 porte que le simple bornage sera fait à frais communs quand il s'agira de délimitation entre deux bois et que la délimitation par fossés de clôture sera faite aux frais de la partie requérante.
- L'article 27 est mis aux voix et adopté.
« Art. 28. Ce délai expiré, il n'y aura plus lieu à réclamer ; les agents forestiers ou les communes et établissements propriétaires, à l'intervention de ces agents, procéderont au bornage, en présence des parties intéressées ou elles dûment appelées. »
M. Lelièvre. - Deux systèmes sont en présence à l'occasion de cet article. Dans le système du gouvernement, le procès-verbal de délimitation approuvé conformément à l'article 27, tranche la question même de propriété et le bornage devient irrévocable. Dans le système de la commission de la chambre, ce procès-verbal tranche seulement la question possessoire, de sorte que les parties intéressées peuvent se pourvoir au pétitoire ; mais dans ce dernier système, on ne peut évidemment laisser subsister les expressions « il n'y aura plus lieu à réclamer », puisque, d'après le projet du gouvernement, elles anéantissent toute réclamation même au pétitoire.
Pour moi, messieurs, je pense qu'ii est préférable d'adopter les principes, admis par la loi de 1841, relativement aux chemins vicinaux. L'article 10 de cette loi ne donne aux plans approuvés que le seul effet de conférer une possession légale, pouvant donner lieu a la prescription de 10 et 20 ans.
En appliquant ces principes à l'espèce, je pense que le procès-verbal de délimitation, approuve conformément à l'article 27, doit servir de titre pour la prescription de dix et vingt ans, et je propose d'énoncer formellement qu'il en sera ainsi. Il est évident qu'il est impossible d'accorder le droit de réclamation pendant 30 années, la demande doit être formée dans un terme plus court, afin que la propriété ne reste pas indéfiniment incertaine ; cela est surtout indispensable lorsqu'il s'agit de contestations sur des limites, contestations qu'il n'est plus possible d'apprécier convenablement après certain temps.
Du reste, je pense avec la commission qu'il est impossible de déclarer déchu du droit de se pourvoir au pétitoire celui qui aurait négligé de former opposition dans le terme de six mois prescrit par l'article 27. Cette déchéance serait exorbitante et contraire à tous principes, il n'est pas possible qu'un simple silence ou une non-opposition ait pour conséquence la perte d'un droit.
Je conçois que le défaut d'opposition enlève la possession, je conçois même que le procès-verbal de délimitation soit pour le voisin un titre susceptible de fonder la prescription décennale.
Mais il est impossible de donner à ce document une autre portée et sous ce rapport, je pense que c'est le système de la commission qui doit prévaloir. Mon amendement est le complément de ce système et tend à combler une lacune que celui-ci présentait.
Je propose en conséquence de rédiger l'article 28 en ces termes :
« Ce délai expiré, les agents forestiers ou les communes et établissements propriétaires, à l'intervention de ces agents, procéderont au bornage en présence des parties intéressées ou elles dûment appelées.
« Le procès-verbal de délimitation, approuvé conformément à l'article précédent, servira de titre pour la prescription de dix et vingt ans. »
M. Delfosse. - Il est impossible de se prononcer sur l'amendement de l'honorable M. Lelièvre avant le vote de l'article 29. Cet amendement est subordonné au rejet ou à l'admission de l'amendemenl de la commission à l'article 29. Je crois donc qu'il faudrait discuter l'article 29 avant l'article 28.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amendement proposé par l'honorable M. Lelièvreest, je crois, le complément du système adopté par la commission. Je déclare que je me rallierai à ce système parce que la modification proposée n'a pas d'importance, ou du moins parce qu'elle en a très peu.
A peu près tous les bois des communes sont délimités dès maintenant, et quand aux délimitations qui doivent avoir lieu à l'avenir, je suis convaincu que presque toujours les propriétaires riverains y assisteront, et dans ce cas les contestations surgiront immédiatement. Si l'on ne tombe pas d'accord, il y aura procès et ce procès commencera avant le bornage. Le cas de placement de bornes sans l'intervention du propriétaire sera donc une très rare exception.
Cependant comme cette hypothèse peut se réaliser, et que dans le système de la commission il y aurait encore lieu à discussion de la part du propriétaire riverain qui n'aurait pas assisté au bornage, il est utile de fixer un terme à son action et de déclarer que le procès-verbal de délimitation servira de base à la prescription de 10 ou 20 ans ; sans cette disposition l'action du riverain pourrait durer trente ans.
Sous ce rapport l'amendement de l'honorable M. Letièvre, qui n'est que l'application d'un principe déposé dans la loi de 1842 sur les chemins vicinaux, cet amendement a son utilité, mais je pense qu'il serait bon de le renvoyer à la commission pour en mettre la rédaction en rapport avec ce qui est statué à l'article 29.
- L'article 28 et l'ameudement de l'honorable M. Lelièvre sont renvoyés à la commission.
« Art. 29. En cas de contestations élevées soit pendant les opérations, soit par suite d'oppositions formées par les riverains, dans le délai fixé par l'article 27, elles seront portées par les parties intéressées devant les tribunaux compétents, et il fera sursis à l'abornement jusqu'après leur décision.
« En cas de contestations postérieures au bornage, le propriétaire riverain qui le fera annuler par justice sera tenu de supporter les frais du bornage annulé. »
(erratum, page 617) L’article 29 est renvoyé à la commission.
« Art. 30. Lorsque la séparation ou délimitation sera effectuée par un simple bornage ou par des fosses creusées à distance sur la ligne de séparation entre deux bois, elle sera faite à frais communs.
« Lorsqu'elle sera effectuée par des fossés de clôture, ils seront exécutés aux frais et sur le terrain de la partie requérante. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement propose de déclarer, par cet article, que lorsque le bornage se fera au moyen de fossés, les fossés seront aux frais de la partie requérante, ensuite qu'ils seront exécutés sur le terrain des deux parties.
La commission propose de faire déclarer que le terrain sera exclusivement pris sur le terrain de la partie requérante.
Je ne puis me rallier à cet amendement, parce qu'il me semble contenir un principe injuste et peu en harmonie avec les dispositions de nos lois.
D'abord, il est d'utilité publique que les propriétés soient autant que possible bornées ; car on ne saurait contester que souvent des difficultés surgissent entre les parties riveraines, parce qu'un abornement n'existe pas.
C'est en raison de ces difficultés que le législateur a écrit dans la loi que chaque propriétaire a le droit de requérir l'abornement de sa propriété, et cependant, le projet de la commission, loin de pousser à l'abornement, en raison de l'utilité générale, l'empêche, puisqu'il met à la charge de celui qui le demande, non seulement les frais, comme le propose le gouvernement, mais outre l'oblige à abandonner, lui seul, le terrain nécessaire.
Or, je le répète, l'utilité publique demande qu'il y ait un abornement, parce qu'il veut qu'il y ait le moins de difficultés possible, surtout sur des valeurs aussi minimes que celle de la limite des propriétés.
Sous ce rapport, la disposition me paraît contrarier ce qu'exige l'intérêt public.
D'un autre côté, il n'est pas juste, puisque les deux parties ont un égal intérêt à ce que leurs propriétés soient parfaitement distinctes, et que, pour chaque coupe, il n'y ait pas lieu à des difficultés, et qu'un des propriétaires, en faisant son exploitation, ne soit pas exposé à dépasser ses limites.
Si c'est dans l'intérêt des deux propriétaires, il est juste que tous deux y contribuent, celui qui provoque l'abornement à une part assez forte dans les frais pour qu'on ne lui prenne pas tout le terrain où le fossé doit être établi.
Ensuite, c'est contraire à notre législation actuelle.
Ainsi, d'après le Code civil, chaque propriétaire habitant une ville peut contraindre son voisin à clore. Le même article met à la charge des deux voisins la construction du mur de clôture. C'est contraire à législation forestière actuelle ; car aux termes de l'ordonnance de 1669, ce sont les propriétaires qui doivent prendre sur leur terrain tout l'espace nécessaire pour créer le fossé.
On dira que le fossé est un mode d'abornement spécial, et que celui qui le veut doit supporter les frais et la perte du terrain nécessaire. Cet n'est pas tout à fait exact, le fossé est un mode d'abornement spécial, mais il est en rapport avec la propriété qu'il s'agit d'aborner, car en raison de l'épaisseur du bois, des bornes ne suffiraient pas ; quand vous n'avez dans une certaine étendue que deux, trois ou quatre bornes, il arrive quer très souvent vous perdez de vue la limite. Il se trouve souvent des arbres sur des limites qui ne sont pas suffisamment déterminées et qui donnent lieu à des procès entre voisins.
Voilà le véritable motif pour lequel on recourt à la délimitation des bois par fossés.
Je pense donc qu'en vertu d'un principe de justice il y aurait lieu de faire prendre le terrain du fossé sur les deux propriétés riveraines.
M. Orban. - Rien n'est plus inexact que l'affirmation sur laquelle repose la disposition du gouvernement, affirmation qui consiste à dire que les propriétaires riverains et le gouvernement ont un intérêt égal à la ciôlure, et vous allez le comprendre immédiatement.
Quelle est en général la position des forêts vis-à-vis des propriétaires riverains ? Les propriétaires riverains des forêts sont ordinairement des propriétaires de terres, de propriétaires de prés. Or, vous savez que non seulement pour ces sortes de propriétés la clôture n'offre pas un intérêt égal à celui qu'elle peut offrir pour une forêt, mais qu'en général les terres arables et autres et les prés sont exempts de clôture, lorsqu'ils ne se trouvent pas sur les bords des chemins, et exposés par là aux dégradations.
Vous allez comprendre, messieurs, qu'il est impossible, sans imposer aux propriétaires riverains un sacrifice beaucoup plus considérable qu'à l'Etat lui-même, de mettre cette dépense à la charge commune des deux propriétés, c'est-à-dire du propriétaire de la forêt et du propriétaire riverain.,
La clôture par fossés ne convient qu'à certaines espèces de propriétés. Elle convient à une forêt ; elle convient pour clôturer un terrain vague, parce que la portion considérable de terrainque vous vous obligé de sacrifier pour établir la clôture, n’est pas d'une grande valeur. Mais lorsqu'il s'agit, au contraire, de terres et de prés, qui ont une valeur infiniment plus considérable, il est évident que vous ne pouvez les clôturer au moyen de fossés. Ce serait faire un sacrifice qui ne serait nullement en rapport avec l'avantage que peut produire la clôture.
Je me borne à cette observation qui me paraît déterminante. Si d'autres orateurs prennent la parole, ils vous diront que la disposition que propese le gouvernement établit, en faveur des forêts de l'Etat, un privilège que n'établit pas le Code français. Le Code français a une disposition tout à fait contraire et favorable aux propriétés riveraines.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'observation de l'honorable M. Orban, qu'il croit déterminante, tombe tout à fait à faux ; elle tombe à faux en fait, et au point de vue de la discussion qui nous occupe.
Elle tombe à faux en fait. En effet, ceux qui ont le plus grand intérêt â délimiter par des fossés leurs propriétés, sont précisément les propriétaires ruraux, parce que les bois empiètent sur les propriétés rurales, et que ces propriétés rurales n'empiètent jamais sur les bois. Il y a donc un très grahd intérêt pour eux à faire aborner.
Mais il y a une autre raison, et si l'honorable M. Orban avait lu attentivement l'article 30, il aurait vu qu'il ne s'agit pas de délimiter par des fossés les propriétés boisées des propriétés rurales ; il s’agit de délimiter par des fossés les propriétés boisées d’autres propriétés de même nature, ce qui est tout autre chose.
L'article 30 porte : « Lorsque la séparation en délimitation sera effectuée par un simple bornage ou par des fosses creusées à distance sur la ligne de séparation entre deux bois, elle sera faite à frais communs. » C'est à-dire que lorsqu'on délimitera entre deux bois et que l'administration viendra à faire creuser des fossés, dans ce cas le terrain pour le fossé sera pris sur la propriété commune. Mais quand il s'agira de délimiter entre un bois et une propriété rurale, si l'Etat veut délimiter par des fosses, il devra faire le fossé sur sa propriété.
M. Lelièvre. - Je ne pense pas que M. le ministre de la justice donne au paragraphe second de notre article l'interprétation que réellement il doit recevoir.
En effet, c'est le paragraphe premier qui prévoit le cas où il s'agit de délimitation entre deux bois. Le second paragraphe est relatif aune autre hypothèse, par conséquent il s'agit bien dans ce paragraphe du cas où il est question d'un bois respectivement à une propriété rurale puisque les deux paragraphes de notre article sont évidemment, d'après le texte, relatifs à deux cas différents.
Du reste, quant à moi, je partage l'avis de M. le ministre alors même qu'il ne s'agirait que de l'abornement d'un bois et d'une propriété non boisée.
En effet, en principe, la clôture se prend sur chacun des terrains contigus. Voilà la règle du droit commun. Y a-t-il un motif de s'en écarter dans l'espèce ? Evidemment non, parce que le fossé profite aux deux propriétés, parce que lorsqu'il s'agit de bois et de terrain contigus, la clôture la plus convenable dans l'intérêt des deux propriétés est un fossé. Il est donc juste que ce fossé soit pris sur chacun des deux terrains.
Je dis que la clôture la plus convenable, dans l'intérêt même de la propriété rurale, est un fossé ; en effet, c'est cette clôture qui maintient d'abord plus clairement les limites des propriétés, ce à quoi le propriétaire du terrain non boisé est singulièrement intéressé. En second lieu, il est évident que c'est ce genre de clôture qui empêche plus efficacement l'envahissement de la forêt, de sorte que le propriétaire d'une terre voisine a un intérêt marqué à voir établir un fossé de délimitation.
On sait en effet que la charrue ne suffit pas pour protéger une terre contre l'envahissement incessant d'une forêt. N'oublions pas aussi, messieurs, que l'intérêt public exige un abornement convenable, d'après les différentes espèces de propriétés contiguës et que toutes doivent subir les conséquences des règles du voisinage. Par conséquent, on conçoit que la terre labourable ou la prairie doive subir le genre de clôture le mieux approprié à l'état des lieux.
L'intérêt général exige également qu'on prévienne les procès, or il n'y a nul doute que ce ne soit un fossé qui seul dans l'occurrence soit de nature à prévenir les contestations entre les voisins. Par conséquent, il est juste que les deux propriétés, supportent par parts égales les résultats d'une mesure réclamée par l'intérêt général.
Il y a plus, il est incontestable que chacun des propriétaires est intéressé à ce qu'on évite toute difficulté possible sur les limites, tous deux ont un intérêt égal en ce point ; il est donc naturel que les deux riverains supportent également les conséquences des ouvrages à pratiquer dans un intérêt commun, afin de prévenir la naissance de contestations que chacun des propriétaires doit redouter. J'appuie donc le système du gouvernement.
M. David. - M. le ministre de la justice et après lui l'honorable M. Lelièvre ont prétendu que l'abornement par fossés continus se fait dans l'intérêt des deux propriétaires dont les propriétés doivent être séparées. Mais ils ont oublie de vous montrer le revers de la médaille. Ce fossé, au lieu d'être utile aux deux propriétaires riverains, peut souvent devenir très nuisible à l'un deux ; et dès lors celui à qui il devra devenir nuisible s'opposera à son établissement, et ne peut être obligé à donner une partie de son terrain pour le creuser.
Voici quelques-uns des inconvénients qui peuvent se présenter.
Les fossés ne se font pas toujours sur des terrains plats ; ils se font généralement dans des bois assez accidentés. Or que deviennent les fossés dans de semblables bois ? Après quelques orages, quelques fortes pluies, ils deviennent des ravins, ils s’élargissent de jour et jour et au lieu d’une ou deux pieds de terrain nécessaire pour le fossé, vous vous trouvez en avoir donné 7, 8, 15, 20, selon la pente du terrain sur lequel est établi le fossé.
Vous voyez quels immenses inconvénients il peut résulter pour l'un des deux riverains de l'établissement d'un fossé. Mon expérience me prouve que ces inconvénients se produisent presque pour chaque fossé et deviennent désastreux pour les propriétés riveraines.
Un autre inconvénient peut se présenter. Beaucoup de forêts ne croissent convenablement que moyennant une certaine quantité d'humidité. Quel effet produira le plus souvent un fossé établi le long d'une propriété ? Il produira l'effet du drainage ; il privera complètement le terrain voisin d'humidité ; les buissons qui s'y trouvent seront rabougris, ne donneront presque plus aucun produit ; les arbres de futaie eux-mêmes souffriront de ce manque d'humidité et des quantités de racines qu'on devra leur couper en creusant le fossé.
La commission a considéré le mode de procéder qu'indiquait le gouvernement dans son projet comme une véritable expropriation, et c'en est une effectivement. Pour peu qu'un fossé se prolonge sur une certaine étendue, il peut prendre un demi-hectare, un hectare de terrain, et pour un propriétaire qui n'a pas besoin du bornage, auquel ce bornage est nuisible et qu'il repousse, c'est certainement une perte, une expropriation, une obligation onéreuse et des plus injustes.
D'un autre côté, cette disposition est reproduite dans le Code forestier français de 1827.
Un des inconvénients que signale M. le ministre est celui-ci : Il y aura des outre-passe, dit-il ; quand on fera des coupes, on ne pourra distinguer la forêt où elles se font de celle du voisin. Mais M. le ministre sait probablement qu'avant de procéder à une coupe, les gardes forestiers établissent d'abord des laies, et ces laies se font d'une borne à l'autre ; elles sont faites au moyen de la serpe ou de la hache ; ils coupent des branches en ligne droite et forment ainsi une espèce de sentier qui délimite parfaitement la coupe vendue de celle du voisin. Lorsqu'il y a de ces « outre passes », elles sont faites à dessein et constituent un délit qui tombe sous l'application du Code.
M. Orts, rapporteur. - Je crois, comme l'honorable M. Lelièvre, que M. le ministre de la justice s'est mépris sur le sens de l'article 30, en limitant la disposition du paragraphe final au cas où il s'agit d'une clôture entre deux bois. S'il en était ainsi, je ne verrais aucun inconvénient à maintenir la proposition du gouvernement ; mais je la trouve injuste et onéreuse pour la propriété privée, alors qu'il s'agit d'une forêt contiguë à une terre labourable ou à un pré : il est évident qu'en donnant la moitié du terrain nécessaire à l'établissement du fossé, le propriétaire de la forêt donne une valeur beaucoup moindre que la valeur cédée par le propriétaire d'un pré ou d'une terre labourable.
Si M. le ministre veut borner la disposition au cas de clôture entre deux bois, je me rallierai à son système.
D'un autre côté, il n'est pas exact de dire que le propriétaire d'un pré ou d'une terre touchant à un bois a autant d'intérêt au bornage que le propriétaire du bois : en effet celui-ci n'est pas constamment sur sa propriété pour la défendre contre l'empiétement graduel, tandis que le propriétaire d'une terre labourable est tous les jours sur son terrain armé de sa bêche ou de son soc, dont il sait fort bien se servir au besoin, pour faire respecter sa propriété par la forêt envahissante. On peut donc s'en remettre parfaitement à l'intérêt particulier du paysan pour éviter toute espèce d'inconvénient ; c'est là la meilleure garantie de la propriété privée.
Je pense donc, messieurs, que pour rendre la proposition du gouvernement susceptible d'adoption, il faut la limiter formellement au cas de séparation entre deux bois.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois, messieurs, qu'il y a lieu de renvoyer cet article à la commission pour qu'on y donne une rédaction exprimant parfaitement l'idée que j'ai développée. Je pense que les fossés sont surtout indispensables lorsqu'il s'agit de délimiter deux parties de bois.
M. Orban. - Lorsque M. le ministre de la justice m'a répondu tantôt, il a exprimé l'opinion que je n'avais pas bien compris l'article en discussion et que je me trompais en parlant de propriétés rurales, attendu qu'il s'agit uniquement dans l'article de délimitation à opérer entre deux bois. Si telle est l'opinion de M. le ministre, il doit être favorable à une modification qui permettrait d'interpréter l'article dans ce sens, et je crois que ce but serait atteint par la rédaction suivante :
« Lorsqu'elle sera effectuée par fossés de clôture, ils seront exécutés aux frais de la partie requérante et pris par moitié sur le terrain des bois contigus. »
M. Moncheur. - Il est certain, messieurs, que le deuxième paragraphe de l’article 30 prévoit le cas de clôture entre un bois et une propriété riveraine d'une autre nature ; par exemple, d'une terre ou d'un pré. Mais dans ce cas, l'intérêt que peut avoir à la clôture le propriétaire de la terre ou du pré n'est nullement égal à l'intérêt qu'y a nécessairement le propriétaire du bois. C'est ce dernier qui a un intérêt réel et même un grand intérêt à la clôture, car il doit, lui, constamment se défendre contre l'introduction dans ses bois, des bestiaux qui viennent à la pâture sur (page 579) le terrain voisin, tandis que le propriétaire de la terre ou du pré n'a, de son côté, à se défendre contre rien de semblable et il lui est facile de maintenir ses limites.
En fait, messieurs, toutes les clôtures par fossés, qui se font entre un bois et d'autres propriétés rurales, s'exécutent sur le terrain des bois et c'est de ce côté qu'a lieu le rejet des terres sorties des fossés.
C'est qu'en effet, messieurs, non seulement l'intérêt du propriétaire d'un champ ou d'un pré ne réclame pas des clôtures par fossés, mais encore le propriétaire préfère même beaucoup une clôture au moyen de bornes. D'abord il est difficile de labourer à côté d'un fossé puisqu'il doit se tenir à une certaine distance, avec sa charrue. Un fossé est donc, en général un embarras le long des terres cultivées.
Mais lorsque la clôture se fait entre deux bois, alors l'intérêt est le même pour les deux propriétaires, et il est juste, dans ce cas, de faire fossé sur les deux terrains, et c'est uniquement à ce cas-là que les deux premiers paragraphes de l'article 30 doivent s'appliquer ; mais un troisième paragraphe doit prévoir le cas de délimitation entre les bois et les propriétés rurales. Voici donc l'amendement que j'ai l'honneur de proposer dans ce sens ; il rentre en partie dans celui de M. Orban, auquel je me rallie, sous ce rapport ; mais il le complète :
Après les mots ; « lorsqu'elle sera effectuée » ajouter : « entre deux bois », puis ajouter le paragraphe suivant.
« § 3. Lorsqu'elle sera effectuée par des fossés de clôture entre un bois et une propriété rurale, ils seront exécutés aux frais et snr le terrain de la partie requérante. »
Je crois, messieurs, que cette disposition prévoit tous les cas de la manière la plus satisfaisante.
M. Delfosse. - Il y a doute sur le sens et la portée de l'article 30 du projet du gouvernement. Le premier paragraphe de cet article ne s'applique qu'aux délimitations entre deux bois, mais le paragraphe 2 paraît s'appliquer même aux délimitations entre un bois et une propriété d'une autre nature ; il y a donc un doute sur le sens de ce paragraphe, mais il n'y en a pas sur le sens du projet de la commission. Le projet de la commission est très clair : la commission adopte le premier paragraphe du projet du gouvernement, où il s'agit de la délimitation entre deux bois, et voici comment la commission rédige le paragraphe 2 :
« Lorsqu'elle sera effectuée par des fossés de clôture, ils seront exécutés aux frais et sur le terrain de la partie requérante. »
Remarquez, messieurs, que la commission ne reproduit pas les expressions du paragraphe 2 du projet du gouvernement, qui font naître le doute.
La pensée de la commission est donc bien claire. Le gouvernement considère le fossé de clôture entre deux bois comme une chose exorbitante, puisqu'il met les frais de ce genre de clôture à la charge de la partie requérante ; la commission a cru qu'il fallait aller plus loin, elle a cru que si la partie requérante doit supporter les frais, elle doit aussi fournir le terrain. Voilà ce qu'a voulu la commission ; ce qu'elle a voulu, elle l'a dit très clairement ; la chambre peut ne pas adopter l'avis de la commission, mais si elle l'adopte, il n'y a rien à changer à la rédaction, car jamais rédaction ne fut plus claire. Au reste, comme de nouveaux amendements sont proposés, je crois qu'il faut faire ce que M. le ministre de la justice a demandé, c'est-à-dire renvoyer l'article et les nouveaux amendements à la commission qui fera un rapport à la chambre. (C'est cela !)
M. le président. - La parole est à M. A. Roussel pour développer son amendement.
M. Roussel. - Messieurs, le premier paragraphe de l'article 30 ne soulève aucune difficulté ; le deuxième paragraphe me paraît avoir un sens différent dans la rédaction du gouvernement et dans la rédaction de la commission.
Suivant la rédaction du gouvernement, le deuxième paragraphe a pour but de prévoir la clôture, par le moyen de fossés, tant entre les terrains boisés qu'entre les terrains boisés et les terrains cultivés ; d'après la rédaction de la commission, ce même paragraphe paraît avoir un sens exclusivement applicable aux terrains boisés.
M. Delfosse. - C'est cela !
M. Roussel. - Je pense que la rédaction de la commission laisserait une lacune dans la loi, car elle exclurait l'hypothèse de la clôture par le moyen de fossés entre les terrains boisés et cultivés, ce qui doit être prévu dans le Code forestier.
Le deuxième paragraphe de la commission est ainsi conçu :
« Lorsqu'elle sera effectuée par des fosses de clôture, ils seront exécutés aux frais et sur le terrain de la partie requérante. »
Mon amendement consiste dans l'addition à ce paragraphe des mots qui suivent :
« Si c'est le propriétaire d'un bois qui a demandé la clôture, et par moitié, si c'est le propriétaire d'un terrain cultivé. »
Ainsi, d'après l'amendement, si le propriétaire d'un bois a demandé la clôture, il supporte les frais et l'emprise du fossé ; il subit les conséquences de sa demande ; si c'est le propriétaire d'un terrain cultivé, il a sa part d'intérêt dans la demande, puisqu'il la fait ; il est donc juste qu'il supporte la moitié de la dépense et la moitié du fossé.
- L'amendement de M. A. Roussel est appuyé.
M. Orban. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Moncheur rendant tout à fait l’idée qui a dicté mon amendement, et la complétant, je déclare retirer mon amendement et me rallier à celui de mon honorable collègue.
- La chambre renvoie à la commission de l'amendement de M. Moncheur et celui de M. A. Roussel.
L’article 30 est tenu en suspens.
« Art. 31. Tous les bois et forêts soumis au régime forestier sont assujettis à un aménagement réglé par arrêté royal. Toutefois, les aménagements établis ou tolérés pour les bois des communes et des établissements publics ne pourront être modifiés sans le consentement des propriétaires. »
M. de Perceval. - Messieurs, le titre IV du Code que nous discutons traite des aménagements, et ce titre soulève plusieurs questions importantes que l'on peut diviser en deux catégories : celles qui se rapportent à la culture, celles qui concernent le produit.
L'article 31 veut que l'aménagement soit réglé par arrêté royal ; c'est dire qu'il sera réglé par l'administration forestière, ainsi que cela se pratique actuellement. Mais cette administration forestière se trouve-t-elle à la hauteur de sa mission et comprend-elle l'importance des forêts de l'Etat et autres ? Voilà une question qu'on peut se faire après avoir visité ces forêts.
L'aménagement qui s'y pratique actuellement est celui par futaie sur taillis, et le plus souvent ces futaies sont très chétives, très peu fournies et ne donnent pas assurément 20 francs de produit par hectare et par an. On peut certifier que la majeure partie de la surface boisée se trouve dans ce cas.
Pour les grandes forêts de l'Etat, et notamment pour celles établies sur un sol fertile comme la forêt de Soigne et aussi en grande partie la forêt d'Hertogenwald, cet aménagement est excessivement vicieux. Les forestiers établissent par des documents nombreux que l'aménagement par futaie pleine, par éclaircie et par coupe à blanc-étoc, est d'un produit au moins double et même triple de celui par futaie sur taillis. Cet aménagement est pratiqué pour les pins, sapins et mélèzes.
Aujourd'hui que la plupart de nos industries ont remplacé ou remplaceront incessamment le bois par la houille, les taillis de 5 à 15 ou 20 ans pour fagots à l'usage des brasseurs, tuiliers, briquetiers, boulangers, etc., ainsi que ces bois sont aménagés dans les provinces de Brabant, d'Anvers et des Flandres, n'auront plus de valeur. Quant aux taillis aménagés de 20 à 30 ans, comme dans les provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg (en grande partie), qui trouvent actuellement un écoulement comme bois de houillère, ils ne pourront plus bientôt soutenir la concurrence avec les perches de pin sylvestre qui arrivent en abondance du Limbourg et du Brabant sur le marché de Liège, du Hainaut et autres. Ces taillis de souche aménagés de 20 à 30 ans ne donnent, du reste, qu'un produit fort inférieur en qualité et en quantité au produit qui serait obtenu par semis plein comme cela se pratique pour les pinières ou sapinières, ou bien par futaie sur souche élaguée et éclaircie.
Il est manifeste que les forêts de l'Etat sont loin de produire ce qu'on peut en attendre ; cette opinion est confirmée par les observations de plusieurs forestiers et qui sont consignées dans divers journaux d'agriculture.
En Allemagne comme en France, les forestiers prouvent aujourd'hui qu'il faut abandonner l'aménagement par futaie sur taillis. Les tables de production forestière publiées par divers auteurs, et par l'administration forestière du grand-duché de Bade, établissent que la production des futaies en massifs dépassent en valeur et en produit ligneux du double et du triple la production des futaies sur taillis. C'est en se fondant surtout sur ces considérations que des partisans du libre défrichement démontrent qu'en France la surface boisée peut être réduite considérablement tout en satisfaisant amplement à la consommation.
L'introduction du charbon de terre dans toute la Belgique, y compris bientôt les coins les plus reculés de la province de Luxembourg, par les canaux et les chemins de fer, fera évidemment baisser le prix du bois comme combustible. Il en résultera nécessairement aussi que la production vénale de l'hectare de taillis sera encore diminuée et descendra au-dessous de 20 fr. Ce serait donc une grande faute en économie agricole et sociale que de s'obstiner à faire produire au sol une matière superflue ou de peu de valeur, au lieu d'en obtenir des produits plus utiles à la consommation.
Les houillères exigent d'énormes quantités de bois de construction et d'étançonnage ; il faut donc en retour de la houille contre laquelle le bois ne peut plus lutter comme combustible, diriger la production ligneuse en vue de satisfaire à ces besoins.
Or, la plupart des bois qui seront livrés aux houillères proviendront des éclaircies des futaies pleines. En effet, les éclaircies faites tous les cinq ans, par exemple, donneront des fagots, puis des perches, puis des baliveaux, puis des vernes, puis des arbres à débiter en pièces de diverses dimensions.
Pour la production en massifs de futaie, il est en outre recoonu que les essences résineuses et notamment le pin sylvestre et le mélèze donnent un produit qui peut être dix fois supérieur à celui obtenu par les essences feuillues, chêne, hêtre, etc... Ces essences résineuses prennent une rapide croissance dans le Luxembourg et remplaceraient avec un immense avantage les futaies sur taillis que l'Etat y possède.
J'ai trouvé, en ce qui concerne la culture et la production des conifères, des vues et des données très utiles dans l'excellent ouvrage de M. Gihoul « sur la culture forestière des arbres résineux conifères ».
Dans « les considérations sur les défrichements », par M. Moreau, cet agronome distingué établit qu'en Campine, pour une mise de 150 francs amortie, on obtient à 25 ans, sur un hectare de pin sylvestre coupé à blanc-étoc, une somme de près de 4,000 fr.
(
On trouvera peut-être ces évaluations exagérées ; il est vrai qu'en comptant sur les prix actuels, ce serait un maximum ; mais il faut remarquer que les bois augmentent tous les jours de valeur ; que l'on défriche les forêts existantes dans les provinces de Liège, de Namur, etc ; que les sapinières qui se trouvent actuellement en Brabant et en Campine sont converties tous les jours en terres arables ; qu'enfin des communications nombreuses existeront dans cette dernière contrée alors qu'il faudra procéder aux coupes, et qu'ainsi les transports seront faciles et peu coûteux.
D'après ces considérations, on se convaincra que les bois sont taxés à leur juste valeur.
C'est là, messieurs, une promotion qui, comme vous pouvez en juger vous-mêmes, n'est pas à dédaigner.
Il est à remarquer que la forêt d'Hertogenwald, par exemple, qui se trouve peu éloignée du chemin de fer de l'Etat, à Dolhain, pourrait écouler aisément ses produits sur la place de Liége où actuellement, si mes renseignements sont exacts, les perches en sapin destinées aux travaux des houillères sont à des prix fort élevés.
Des questions relatives à la production forestière autres que celle de l'aménagement et du choix des essences, doivent ici trouver leur place.
Il résulte des expériences sur la production des futaies crues en massif, officiellement publiées par l'administration forestière du grand-duché de Bade que par des travaux peu coûteux, on peut activer, augmenter la croissance des arbres. Les remarquiblos recherches sur la végétation des forêts par M. Chevandier prouvent que la production peut aller de 1 à 6, suivant le degré d'humidité du sol et par suite des irrigations.
C'était, en partie, en vue de cette considérable augmentation de la production ligneuse que j'avais déposé, l'année dernière, une proposition tendant à faire payer la redevance paur le débit d'eau. Par cette proposition, je voulais empêcher le gaspillage de l'eau des canaux et faire en sorte qu'une quantité pût en être employée à l'arrosage des bois de sapins favorablement situés.
Cette considération est encore assez importante pour que le gouvernement ne la perde point de vue.
Ainsi, par une culture mieux entendue, il est possible d'obtenir une production ligneuse plus considérable qu'aujourd'hui, et comme conséquence, de réduire une partie de la surface boisée, si sa situation en permet le défrichement.
Sans craindre le surenchérissement des bois et la diminution de cette marchandise pour la consommation actuelle, on peut livrer à la culture arable ou au pâturage une partie de notre sol forestier ; c'est à-dire, augmenter la production des denrées nutritives et les ressources du trésor, soit par la vente des terrains, soit par leur mise en location. En jugeant par la fertilité des terres faisant jadis partie de la forêt de Soignes et vendues il y a peu d'années, on est fondé à dire que cette forêt récèle des terrains qui se vendraient aisément 3 mille francs l'hectare. Il est plus que probable que plusieurs autres forêts domaniales offrent également en beaucoup d'endroits un sol riche de principes végétatifs.
Mais faudrait-il pratiquer le défrichement tel qu'il s'opère aujourd'hui, c'est-à-dire vendre par grandes surfaces en un même point ? Evidemment non, car on n'obtient pas ainsi la valeur réelle des arbres et du sol ; et déjà nous avns vu que par la vente du bois, l'acheteur, après avoir réalisé d'importants bénéfices, avait encore le sol pour ainsi dire gratuitement.
Imitons ce qu'exécute actuellement un riche agronome de la Bretagne, M. de Formon. Désireux de donner un exemple à suivre, ce propriétaire a entrepris une vaste opération en agriculture. Possesseur d'une forêt de près de 7,000 hectares, sur un sol riche et profond, et prévoyant le moment où la fabrication du fer au bois ne sera plus possible à cause de la concurrence de la fabrication des fers à la houille, il fait défricher 2,200 hectares de forêt pour y établir plusieurs grandes fermes ; mais ce défrichement est conduit de manière à conserver des rideaux d'arbres pour abriter les cultures contre les vents.
Pour les défrichements dans les forêts de l'Etat, des communes, etc., il faudrait donc laisser à certaines distances et diriger vers certaines directions à déterminer, des rideaux d'arbres formant abris.
Les abris ont une grande utilité, a dit M. de Gasparin. L'abri est surtout important quand il est placé dans la direction du vent le plus froid, qui, en hiver, amène un courant glacial et accroît la rigueur de la saison. Le vent qui passe par dessus la crête de l'abri ne se mêle pas immédiatement avec l'air échauffé par le soleil qui est à son pied.
Dans les considérations sur les défrichements par un de nos agronomes les plus compétents, M. Moreau, j'ai trouvé sur le même sujet les lignes suivantes sur lesquelles il importe d'appeler l'attention de notre administration forestière :
« Les plantations, pinières, sapinières, dit-il, devraient être établies de manière à favoriser, à aider le défrichement et la formation, par l'industrie particulière, des terres arables et des prairies ; pour cela elles ne devraient pas être disposées en bloc, c'est-à-dire distribuées en bois, en forêts, mais seulement disposées par zones, de façon à former des rideaux d'arbres pour abriter une certaine surface de terrain, modifier la nature des vents, augmenter l'humidité du sol et de l'atmosphère, diminuer les effets du rayonnement nocturne. Ainsi ces zones seraient établies sur une certaine largeur, en lignes parallèles, à des distances plus ou moins égales et courant dans la direction da sud-est au nord-ouest. Elles pourraient avoir de 100 à 200 mètres de largeur, et être espacées de 500 à 1,000 mètres ; la longueur de chaque zone ira des lorrains cultivés à la limite du royaume, ou à peu près. Il est bien entendu que ces plantations varieront en essences d'arbres dans chaque zone, suivant la nature du sol. »
En procédant de cette manière au défrichement de nos forêts, l'administration combinera les intérêts de l'Etat avec ceux de l'agriculture. Si l'influence des abris est aussi grande que l’indique M. Moreau dans son ouvrage précité, et que le constate aussi M. de Gasparin dans son « Traité d’agriculture », on pourrait pas des boisements et des déboisements bien entendus, modifier le climat ardennais en adoucissant de quelques degrés la température ordinaire de cette contrée.
Ici se présente naturellement une autre question. Si l'Etat aliène une partie de ses forêts domaniales, desquelles devra-t-il d'abord se défaire ? En premier lieu, de celles où le bois et le sol ont le plus de valeur et la où il existe assez de plantations pour satisfaire aux besoins de la consommation. C'est donc dans le Brabant qu'il faut procéder d'abord au défrichement, à l'aliénation, c'est-à-dire dans la forêt de Soigne, car il est peu logique de vendre des parties de forêts dans les contrées où le bois reste invendu et où le sol n'a presque poiut de valeur, comme en Ardenne.
(page 581) Je me résume, messieurs, et je demande que les bois et les forêts soient généralement aménagés par futaie pleine. Néanmoins, si la nature du sol, l'exposition ou la situation réclament des modifications à cette règle, que ces modifications y soient apportées par des arrêtés royaux ; qu'un arrêté royal prescrive de même le mode d'ensemencement, les époques d'éclaircie et de coupe à blanc-étoc et les divers travaux reconnus utiles pour hâter la croissance des arbres et la conservation des forêts.
Je demande aussi qu'à l'avenir les défrichements de bois ou les aliénations du sol forestier aient lieu de manière à laisser exister des massifs de bois ou des rideaux d'arbres entre les cultures pour former des abris ; la largeur et la direction de ces rideaux d'arbres devraient être également réglées par arrêté royal.
En adoptant ces mesures pour l'administration de nos forêts, non seulement nous sauvegarderons les intérêts du trésor, mais encore nous donnerons à cette branche de l'agriculture la protection, la sollicitude qu'elle est en droit de réclamer de la législature.
Les considérations que je viens de développer m'amènent à proposer un paragraphe additionnel à l'article 31 qui serait conçu en ces termes : « Ne pourront être défrichés et aliénés, les bois et forêts soumis au régime forestier, gisant sur des terrains inclinés à 15 p. c, sur les coteaux et les crêtes des collines et des montagnes. »
Si les défrichements sont souvent utiles dans les pays plats, ils sont presque toujours une véritable calamité publique dans les pays de montagnes. Le déboisement des montagnes est dangereux dans les provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg, car que deviendront les vallées inférieures si vous dénudez les pentes rapides qui les dominent ? Le Code se montre, me paraît-il, insuffisant à cet égard, et je propose de combler cette lacune que je signale à l'attention de la chambre.
M. Orts, rapporteur. - Messieurs, mon intention n'est pas d'entrer dans la discussion des considérations présentées par l'honorable préopinant en ce qui concerne la préférence à donner à tel système d'aménagement comparé à tel autre. Ce sont là des critiques d'art qui n'appartiennent en aucune façon au Code forestier. Ce sont des questions qui, même devant le parlement, trouveraient mieux leur place daus la discussion du budget des finances, alors qu'il s'agit d'apprécier la valeur des forêts de l'Etat et la direction que donnent à la mise en valeur de ces forêts les agents qui sont rétribués par le budget des finances.
Quant à l'amendement de l'honorable M. de Perceval, il n'a pour le moment qu'un seul défaut. Je le signale à l'attention de la chambre : c'est de ne pas venir à sa place. L'amendement doit être reporté à l'article 101 du projet, où il est question de défrichement. Le défrichement n'a rien de commun avec l'aménagement. Quant à l'aliénation, c'est également un objet traité ailleurs, d'abord par la loi communale, puis par d'autres dispositions du Code forestier. L'article 31 est uniquement relatif au système d'exploitation des produits réguliers et naturels des forêts ; ce n'est là ni une aliénation ni un défrichement.
Je demande donc que la discussion de l'amendement soit reportée à l'article 101.
M. de Mérode. - Au commencement de l'une des dernières séances, M. le ministre des finances m'a attribué une sorte d'idée communiste à l'égard des bois et forêts, parce que la veille je m'étais prononcé contre certaines assertions absolues du rapport, selon lesquelles la propriété boisée ne pouvait être légitimement soumise à aucune interdiction de défrichement ; or, messieurs, ces interdictions existaient sous les divers gouvernements qui ont précédé celui du roi Guillaume. Elles existaient sous l'empire, sous la République, sous la monarchie espagnole ou autrichienne pour la Belgique, sous la royauté des Bourbons pour la France ; je me trouve donc à ce sujet en fort haute et nombreuse compagnie, et de plus je n'ai point parlé dans un sens égoïste ; car la liberté absolue de défrichement est dans mon intérêt privé ; mais celui-ci ne m'empêchera jamais de dire ce qui me paraît utile et vrai. Cependant puisque je n'ai point l'espoir d'être largement compris, j'insiste du moins pour que l'Etat ne vende plus désormais ses forêts avec faculté absolue de défrichement, et, sous ce point de vue, j'appuie l'amendement de M. de Perceval qui vient d'émettre plusieurs idées justes sur la gestion forestière.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amendement de l'honorable M. de Perceval me paraît parfaitement inutile ; car il est déjà pourvu par le projet de loi à l'ordre d'idées qu'il veut faire réglementer par la loi elle-même. Que porte l'article 101 ? Aucun défrichement ne pourra avoir lieu dans les bois de l'Etat, qu'en vertu d'une loi, et dans les bois des communes ou des établissements publics, qu'en vertu d'un arrêté royal, etc.
Vous voyez donc, messieurs, que les bois soumis au régime forestier, quant au défrichement, sont soumis à deux règles différentes. S'agit-il des bois de l'Etat, il faut une loi pour opérer les défrichements. L'honorable M. de Perceval ne peut certainement pas en demander davantage. S'agit-il au contraire des bois des communes, le défrichement ne peut avoir lieu que pour autant qu'elles le demandent à l'autorité supérieure : il faut un arrêté royal.
Pourquoi, dans ce cas-ci, a-t-on laissé aux communes cette liberté ? C'est précisément parce que, si nous avions introduit une disposition contraire on aurait dit que nous enlevions à la commune la libre disposition de ses biens. L'amendement de M. de Perceval me paraît donc sans objet.
L'honorable préopinant a parlé de l’administration des forêts, il a parlé de la culture qui n'était pas très bonne', il a parlé des changements, je ne dirai pas de l'aménagement (c'est une chose tout à fait différente du repeuplement), il a parlé de l'administration forestière comme si elle ne soignait pas nos forêts.
Je crois que l'honorable M. de. Perceval se fonde trop sur ses connaissances théoriques. L'honorable membre croit que l'on peut changer la culture des bois, que l'on peut la modifier sans tenir compte du sol, du climat et de tout ce qui existe en ce moment.
La plupart de nos forêts sont aujourd'hui peuplées de futaies sur taillis parce que leur sol répond à cette destination. On ne fait pas croître de la haute futaie partout, on ne fait pas croître du chêne partout, et si l'honorable M. de Perceval connaissait autant la pratique qu'il connaît la théorie, il aurait bien vu que ce qu'il a avancé est tout à fait impossible.
Je voudrais le voir en présence de l'obligation de faire croître de la haute futaie, le chêne, par exemple, au milieu des Ardennes, et dans certains autres endroits que je connais.
L'administration forestière discerne avec beaucoup d'intelligence les endroits où elle doit faire croître les différentes essences. Du reste, les particuliers apprécient en général fort bien la manière dont une forêt doit être cultivée. Eh bien, je n'ai pas vu jusqu'à présent de particuliers qui se soient avisés d'aller détruire des taillis pour ménager leur bois en haute futaie, j'ai vu tout le contraire.
Je dois déclarer que ceux qui croient parfaitement connaître le sol de leurs futaies, qui savent les produits qu'on en retire eu Belgique, prétendent que les taillis rapportent précisément une quantité diamétralement opposée à celle indiquée par l'honorable M. de Perceval. J'ai entendu que l'hectare produit en taillis jusqu'à huit stères, tandis qu'en haute futaie, il n'en produit pas trois par an.
Je ne puis pas pousser plus loin cette discussion, car ce serait un hors-d'œuvre ; ce serait, comme l'a dit l'honorable rapporteur, une discussion qui dans tous les cas ne pourrait recevoir aucune solution.
Je le répète, l'aménagement, la convenance de modifier les essences, de planter des sapins ou des mélèzes au lieu de chênes et de hêtres, de détruire les taillis pour y substituer des futaies, sont des questions qui ne sont pas de la compétence d'une assemblée législative.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à l'amendement de la commission ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je proposerai une modification à l'amendement de la commission. Au lieu de : « sans le consentement des propriétaires, » je propose de dire : « que de l'avis conforme de la députation. »
Le gouvernement laissait à l'administration le droit qu'elle a en ce moment de modifier les aménagements suivant la nature du sol, les essences, la consistance des forêts et la quantité des produits. La commission propose de laisser au gouvernement le soin d'aménager les forêts, elle fait une réserve seulement pour le passé, elle déclare que tous les aménagements établis ou tolérés ne pourront être modifiés sans le consentement des propriétaires. Tous les aménagements ne sont pas parfaits ; il en est de tolérés qui peuvent être très vicieux, qui sont réduits à un nombre d'années tel qu'après un certain nombre de révolutions la forêt est détruite.
Les aménagements extraordinaires ont été tolérés pour faire face à des besoins exceptionnels. Je ne serais pas embarrassé de citer différentes communes auxquelles on a permis des aménagements très larges en raison des besoins extraordinaires qui existaient alors.
Quand ces besoins ont disparu, les aménagements doivent être ramenés à l'état normal suivant la nature du sol, les essences, la consistance reconnue des forêts et la quantité des produits, sans que les propriétaires y consentent.
Il y a une autorité intermédiaire qui représente les communes, qui a l'intérêt général de la province à surveiller c'est la députation permanente du conseil provincial. Je demande que les aménagements actuellement existants ne puissent être modifiés que de l'avis conforme de la députation permanente du conseil provincial.
M. Moncheur. - Messieurs, l'aménagement des bois doit avoir lieu à deux points de vue différents, d'abord au point de vue forestier, c'est-à-dire eu égard à la nature du sol, des essences, de la consistance des forêts et de la quantité des produits, et ensuite au point de vue que j'appellerai commercial, c'est-à-dire au point de vue des besoins de la consommation. C'est par la combinaison de ces deux sortes d'idées qu'on doit arriver à établir un bon aménagement ; un aménagement profitable et à la conservation des bois et à l'intérêt du propriétaire.
Messieurs, je vais vous rendre sensible, par un exemple, ce que j'ai l'honneur de vous dire.
Quand la forgerie au bois était prospère, les aménagements se faisaient en vue de la conversion du bois en charbon ; alors l'aménagement variait de 15 à 18 ans, suivant la nature du sol ; mais depuis que la forgerie au bois est en très grande partie remplacée par la forgerie au coke, l'aménagement des bois a nécessairement dû changer sur plusieurs points du pays, et il changera encore dans beaucoup de contrées au fur et à mesure que les voies de communication seront plus parfaites et permettront le transport du bois non carbonisé.
(page 582) En effet, dorénavant l'aménagement se fera non point en vue de la réduction du bois en charbon, mais surtout pour obtenir des perches propres à être employées dans les exploitations de houillères. Or, cet aménagement est tout autre que l'ancien aménagement, il est beaucoup plus long.
Vous voyez donc, messieurs, que la question des aménagements ne doit pas être décidée uniquement par des considérations que j'appellerai forestières, mais aussi par des considérations commerciales, c'est-à-dire selon les besoins de la consommation, besoins qui se modifient suivant les transformations de l'industrie ; c'est pourquoi le deuxième paragraphe de l'article 31 disait trop ou trop peu.
Il disait trop, parce qu'on aurait pu en induire que les seules règles qu'il mentionnait devaient présider aux aménagements, et il disait trop peu puisqu'une foule d'autres faits ou circonstances doivent déterminer ces aménagements. C'est donc avec raison que la commission a supprimé le deuxième paragraphe. En outre, elle a parfaitement bien fait de dire que les aménagements établis ou tolérés pour les bois des communes et des établissements publics ne pourront être modifiés sans le consentement des propriétaires.
M. le ministre de la justice fait à cette proposition un amendement auquel je puis me rallier, parce que les députations sont les tutrices éclairées des communes.
Mais l'idée de la commission doit être maintenue, parce que quand un aménagement existe depuis nombre d'années, on ne doit pouvoir le modifier que par des motifs graves comme ceux dont je viens de parler et dont les conseils communaux sont les meilleurs juges. Dans ce cas, c'est l'article 32 du projet qui sera applicable. Je me rallie donc au sous-amendement de M. le ministre de la justice, à l'amendement de la commission, mais je recommande à la chambre l'adoption de cet amendement même.
M. Rousselle. - Le changement que vient de proposer M. le ministre à l'amendement de la commission tend à donner au gouvernement sur l'administration des biens communaux une action qui appartient entièrement à l'autorité communale sous la haute tutelle et l'approbation du gouvernement. J'étais très disposé à adopter l'amendement formulé par la commission et cela par un motif qui me paraît très puissant, c'est que l'article 76 de la loi communale s'exprime en ces termes :
« Néanmoins, sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi, les délibérations du conseil sur les objets suivants : 6° le changement du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux. »
Changer l'aménagement d'un bois, c'est changer la jouissance de tout ou partie d'un bien communal (Non ! non !), c'est du moins ainsi que le comprends ; si M. le ministre en juge autrement, j'entendrai volontiers les raisons qu'il voudra bien nous développer à cet égard.
Cette même considération me portera à demander un léger changement à l'article 32 ; quand nous y serons arrivés, je développerai ma proposition.
Un mot encore : actuellement tous les bois communaux sont aménagés ; ils l'ont été en vertu d'une disposition régulière et dans la vue de la conservation du bois tout en réglant les moyens de satisfaire aux besoins des communes. Modifier maintenant les aménagements, ce serait s'exposer à bouleverser tout le système de comptabilité communale, et surtout à le bouleverser sans la délibération, sans la décision, sans l'initiative des communes.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas que l'article 76 de la loi communale soit susceptible de l'interprétation que l'honorable M. Rousselle vient de lui donner ; il ne s'agit évidemment pas ici d'un changement dans le mode de jouissance ; s'il s'agissait de défrichement, s'il s’agissait de faire d'un bois une terre arable, il y aurait changement dans le mode de jouissance ; mais ici il n'en est nullement ainsi ; on continue à jouir du bois ; seulement on statue que les bois, au lieu d'être abattus tous les 16 ou 17 ans, par exemple, ne le seront plus que tous les 20 ou 22 ans..
En un mot, le mode de jouissance reste le même ; la révolution des coupes seulement est changée.
L'amendement de la commission porte : « Toutefois les aménagements établis ou tolérés... » Je pense qu'il faudrait supprimer ces derniers mots « ou tolérés » ; car je ne comprends pas trop ce que c'est qu'un aménagement toléré ; il faut se borner à dire : « Toutefois les aménagements établis pour les bois des communes et des établissements publics ne pourront être modifiés sans le consentement des propriétaires. » On pourrait y intercaler mon amendement consistant à dire que les aménagements ne pourront être modifiés sans l'avis conforme de la députation provinciale et ajouter ces mots « les propriétaires entendus » ; de cette manière, les administrations publiques, les administrations communales seraient consultées ; la députation délibérerait et ce n'est que pour autant qu'elle fût du même avis que le gouvernement que celui-ci pourrait changer l'aménagement établi.
C'est donc une erreur de la part de l'honorable M. Rousselle de prétendre que les aménagements ont été établis dans toutes les communes, les aménagements ont été faits dans les unes ; dans d'autres ils n'existent pas ; on n'a pas suivi de règle fixe à cet égard.
Il n'y a de disposition positive concernant cet objet que dans l'ordonnance de 1669. Mais partout où l'aménagement a été établi, la coupe se fait périodiquement.
M. le président. - M. le minisire propose donc de supprimer les mots « ou tolérés », et d'ajouter ceux-ci « les propriétaires entendus après l'avis conforme de la députation. »
M. Delfosse. - La députation permanente est un corps électif qui m'inspire toute confiance ; je suis donc assez disposé à adopter l'amendement de M. le ministre de la justice ; toutefois, il convient de le modifier. Il est certain que l'avis conforme de la députation permanente ne doit être exigé qu'en cas de refus des propriétaires ; si le propriétaire d'un bois et le gouvernement sont d'accord, pourquoi faire intervenir la députation permanente ? Il faudrait donc dire : « ne pourront être modifiés contre le gré des propriétaires que de l'avis conforme de la députation permanente. » Cette rédaction permettrait, en outre, de supprimer les derniers mots de l'amendement de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à cette modification.
M. David. - Je me rallierai bien volontiers à cet amendement, quoique je le croie tout à fait inutile : il est bien évident, en effet, d'après l'article 76 de la loi communale que toutes les délibérations de la commune concernant les coupes de bois, doivent être approuvées par la députation permanente.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne s'agit pas de la vente du bois.
M. David. - Mais, pour changer l'aménagement il faut bien empiéter sur les coupes à faire les années suivantes.
D'un autre côté, M. le ministre demandait de supprimer de l'article les mots « ou tolérés ». La commission y avait inséré ces mots parce que beaucoup d'aménagements n'ont été établis que par la coutume ; des exploitations ont eu lieu régulièrement de 16 ans en 16 ans ou de 20 ans en 20 ans, sans que jamais l'administration forestière ait préscrit ces coupes, par procès verbal d'expertise ou d'administration. Ce sont ces aménagements que nous avons voulu indiquer.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je range cela dans la catégorie des aménagements établis.
M. David. - D'un autre côté, il est bien entendu que, d'après la loi qui nous régit, il doit en être ainsi, les aménagements existants ont été établis, indiqués, tolérés ou imposés par l'administration forestière, à laquelle on accorde cependant quelques connaissances en matière forestière.
M. Rousselle. - Je ne tiens nullement à la formule de l'article ; l'amendement de M. le ministre, modifié par l'honorable M. Delfosse, répond tout à fait à ma pensée ; je déclare donc m'y rallier.
M. Orban. - Je crois utile de maintenir dans tous les cas l'intervention de la députation permanente ; car tout changement d'aménagement soulève deux questions : une questiou d'art, dans laquelle la députation permanente n'est pas compétente, et une question d'administration de finances, sur laquelle elle doit être entendue.
Toutes les fois que vous changez l'aménagement d'une forêt communale, vous augmentez ou vous diminuez les ressources annuelles de la commune. Dès lors, vous touchez à une question qui est en dehors du cercle de l'administration forestière, et dans les attributions de la députation permanente. Il eût donc été convenable de maintenir l'amendement tel qu'il avait été primitivement formulé par M. le ministre de la justice.
M. Delfosse. - Je comprends que l'on demande dans tous les cas l'avis de la députation permanente ; mais je ne comprendrais pas qu'on exigeât un avis conforme quand le propriétaire et le gouvernement sont d'accord.
Il s'agit ici de l'avis conforme de la députation ; il est bien certain qu'on ne doit l'exiger que quand le propriétaire ne s'entend pas avec le gouvernement. Je dois donc maintenir mon amendement.
- La discussion est close.
L'amendement proposé par M. Delfosse et auquel s'est rallié M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
L'article 31, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 32. Les demandes des communes ou des établissements publics tendant à modifier l'aménagement établi seront soumises à l'avis de l'administration forestière et de la députation permanente et à l'approbation du Roi. »
M. Rousselle. - Je demanderai à M. le ministre s'il ne conviendrait pas de se servir de la même expression que la loi communale, et de substituer le mot « délibération » au mot « demande ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas d'avantage â substituer un mot à un autre. La demande ou la délibération sont, je pense, des termes tout à fait synonymes. 11 n'y a pas de difficulté à admettre le mot « délibération », comme il n'y en a pas à conserver le mot « demande ».
M. Rousselle. - J'ai fait l'observation, parce que le mot « délibération » est celui dont se sert la loi organique du pouvoir communal.
M. Orban. - Il est évident que, même au point de vue purement grammatical, l'observation de l'honorable M. Rousselle est fondée. Il suffit de lire pour cela le texte de l'article. « Les demandes, dit-on, des communes ou des établissements publics seront soumises à l'approbation du Roi. » Qu'est-ce que c'est qu'une demande soumise à une approbation ? Ou accorde l'objet d'une demande, mais on n'approuve pas une demande, tandis qu'au contraire, une délibération est approuvée. L'acte est posé par l'autorité communale, l'approbation par l'autorité supérieure.
(page 583) Je demande donc avec l'honorable M. Rousselle la substitution du mot « délibération » au mot « demande ». Du reste, cette rédaction est conforme à tous les articles de loi communale qui portent des prescriptions de même nature.
- La substitution du mot « délibération » au mot « demande » est adoptée.
L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 33. Il ne pourra être fait aucune coupe extraordinaire quelconque, aucune vente ou exploitation de bois au-delà des coupes ordinaires réglées par l'aménagement, sans un arrêté spécial du Roi, à peine de nullité des ventes, sauf le recours des adjudicataires, s'il y a lieu, contre ceux qui auraient ordonné ou autorisé ces coupes.
« Si ces exploitations extraordinaires ont été faites sans autorisation par les habitants des communes, ceux-ci seront considérés et poursuivis comme délinquants. »
M. Jacques propose l'amendement suivant :
« Néanmoins des coupes extraordinaires dans les bois des communes et des établissements publics pourront, sur l'avis conforme de l'agent forestier, et lorsque la valeur n'excède pas 1,000 fr., être autorisées par un arrêté de la députation permanente du conseil provincial. »
M. Jacques. - Messieurs, dans la discussion générale, j'avais soutenu l'opinion, que tous les actes relatifs aux bois des communes et des établissements publics pourraient sans inconvénients n'être assujettis qu'à trois formalités : la résolution de la commune ou de l'établissement propriétaire, le procès-verbal de reconnaissance de l'agent forestier et la décision de la députation permanente du conseil provincial.
J'émettais surtout cette opinion, parce que je désire, autant qu'il dépend de moi, arriver à la suppression des écritures bureaucratiques qui ne sont pas indispensables, et je pensais que c'était là un moyen d'y arriver en ce qui concerne cette branche de service.
La chambre en a décidé autrement. Quant à moi, je crois que l'intervention de la députation permanente du conseil provincial devait inspirer toute garantie que les intérêts des communes seraient sauvegardés, que jamais on ne sacrifierait les ressources de l'avenir aux intérêts du moment.
Les décisions que la chambre a prises sur d'autres articles ont maintenu dans plusieurs cas l'intervention du Roi.
Cette intervention exige elle-même trois autres interventions préalables, du moins suivant ce qui se fait aujourd'hui, l’intervention du directeur de l'enregistrement, l'intervention du ministre des finances et l'intervention du ministre de l'intérieur.
Voilà donc quatre autorités supérieures qui doivent ainsi s'occuper de tous ces détails d'administration, et de là résulte la nécessité d'écritures nombreuses qui, lorsque les autres autorités sont d'accord, ne consistent que dans la reproduction d'avis ou de rapports rédigés dans d'autres termes.
Cependant, je dois reconnaître que pour différents cas, où l'on exige l'intervention du Roi, il y a une certaine analogie entre les dispositions du projet en discussion et les dispositions de la loi communale. Ainsi, pour le cas actuel, les coupes extraordinaires sont, ainsi que l'a dit M. le ministre de la justice, des espèces d'aliénations, et la loi communale, à l'article 76, exige l'approbation du Roi, lorsqu'il s'agit d'une aliénation d'immeubles qui dépasse la valeur de 1,000 fr.
Je consens donc pour les coupes extraordinaires à demander seulement que la décision de la députation soit suffisante, lorsque ces deux circonstances sont réunies, savoir : lorsque le rappoit de l'agent forestier est conforme et lorsque la valeur de la coupe à faire ne dépasse pas 1,000 fr.
Messieurs, dans le cours de mon service administratif, j'ai reconnu qu'il est certains cas où il est très avantageux que les demandes de cette nature ne doivent pas aller plus loin que la députation permanente, afin d'obtenir une solution plus rapide. Ainsi, j'ai vu qu'en été des orages enlevaient dans certaines communes plusieurs ponts en bois, et comme au mois d'août, il n'y a plus de bois appartenant aux communes qui n'aient été distribués aux habitants ou qui n'aient été vendus, on était obligé de demander une coupe extraordinaire de quelques arbres pour pouvoir rétablir ces ponts.
Il importait dans ce cas que la décision ne se fît pas attendre. Si le système que je propose avait existé, on aurait pu avoir cette décision en huit ou dix jours, et les ponts auraient pu être rétablis immédiatement ; si au contraire on exige encore l'intervention de nombreux fonctionnaires, comme le veut le projet de loi, si l'on exige l'intervention du directeur de l'enregistrement, celle du ministre des finances, celle du ministre de l'intérieur et enfin celle du Roi, il faudra beaucoup plus de temps.
J espère donc que la chambre, eu égard à ce que j'ai modifié ma proposition dans le sens des dispositions de la loi communale, et dans le sens aussi de l'article 101 que le gouvernement et la commission gouvernementale proposent, en ce qui concerne les essartages, voudra bien accepter mon amendement.
M. Rousselle. - Je désire, messieurs, qu'en faisant la loi spéciale sur les forêts, nous ne dérogions aucunement à la loi organique du pouvoir communal.
L'article 70 de la loi communale est formel. Il s'exprime ainsi :
(L'orateur donne lecture des trois premiers paragraphes de cet article.)
Je ne vois pas, messieurs, pourquoi les coupes extraordinaires de bois, qu'on peut assimiler à de véritables aliénations, ne seraient pas soumises à la disposition de cet article, ni pourquoi on les assujettirait à d'autres dispositions.
Je demanderai donc qu’au lieu des mots « sans un arrêté spécial du Roi », on dise : « sans l’autorisation prescrite par l’article 73, n°1 de la loi du 30 mars 1836. »
M. le président. - Voici un amendement de M. Moncheur :
« Après les mots : « arrêté spécial du Roi », ajouter : « contresigné par le ministre de l'intérieur. »
La parole est à M. Moncheur pour développer cet amendement.
M. Moncheur. - Messieurs, le seul but de mon amendement est de constater que l'arrêté du 9 février 1832, continuera à être exécuté sous l'empire du Code forestier, comme il l'est aujourd'hui. Si cela est entendu ainsi, je pourrai retirer mon amendement.
Vous savez, messieurs, que l'arrêté de 1832 a pour objet de régler l'instruction des demandes de coupes extraordinaires.
« Elles sont adressées au gouverneur qui les communique au directeur de l'enregistrement et des domaines qui, après avoir pris l'avis des agents forestiers locaux, soumet le tout à l'avis du ministre des finances, puis transmet les pièces à la députation permanente. Celle-ci adresse ensuite le dossier au département de l'intérieur en motivant son avis sur les besoins de la commune et les avantages ou les inconvénients signalés par l'administration forestière. »
Ainsi, messieurs, ce sont, en définitive, les besoins de la commune qui doivent être surtout consultés, et l'avis de la députation doit toujours être adressé, en dernier lieu, au ministre de l'intérieur qui provoque décision royale sous son contre-seing.
Messieurs, quant à l'amendement de l'honorable M. Jacques, appuyé par l'honorable M. Rousselle, je pense qu'il peut et qu'il doit être admis par la chambre, parce qu'il borne la suffisance de l'autorisation de la députation permanente aux cas où il ne s'agit que d'une valeur moindre de mille francs. Cela est, du reste, en harmonie avec la loi communale.
M. Lelièvre. - Il me semble que l'amendement de M. Moncheur n'a pas une utilité réelle. Il va de soi que l'arrêté royal doit être contresigné par un ministre, c'est la conséquence de nos institutions constitutionnelles. Un ministre assume la responsabilité de la mesure et la personne royale est toujours couverte. Quant à la question de savoir quel est le ministre qui doit contre-signer, c'est là un point dont il me paraît qu'il n'y a pas lieu à s'occuper dans la loi. C'est là un point administratif qui ne doit pas être réglé par la législature.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne puis me rallier ni à l'amendement de l'honorable M. Rousselle, ni à celui de l'honorable M. Jacques. Si on veut laisser à l'administration provinciale et à la commune le droit de décréter des coupes extraordinaires, autant vaut, à peu près, ne pas faire de Code forestier.
Remarquez que d'après les articles déjà votés c'est le Roi qui fixe l'aménagement, c'est le Roi qui détermine à quelles époques les coupes devront être faites et l'article 31 déclare que tous les bois soumis au régime forestier sont assujettis à l'aménagement.
Maintenant, l'article 33 déclare qu'il ne pourra être fait aucune coupe extraordinaire sans un arrêté spécial du Roi ; ce n'est que la conséquence des articles déjà votés, car les coupes extraordinaires sont des exceptions à l'aménagement, et si l'aménagement est réglé par arrêté royal, il ne peut y être dérogé que par arrêté royal. D'après les amendements de M. Jacques et de M. Rousselle, on pourrait détruire complètement l'aménagement par des coupes extraordinaires ; la députation pourrait annuler ce qui aurait été réglé par arrêté royal.
D'un autre côté, il y a un très grand danger à laisser la députation autoriser des coupes extraordinaires même dont la valeur n'excède pas mille francs ; une coupe de mille francs pour un bois qui n'a pas une très grande étendue, peut avoir beaucoup d'importance ; vous pouvez détruire un aménagement par une coupe semblable, absolument comme par une coupe de 7 ou 8,000 fr. dans un bois plus considérable.
Il y aurait donc, je le répète, une véritable anomalie à déclarer, d'un côté, que l'aménagement sera établi par arrêté royal et à déclarer, de l'autre, que la députation pourra le détruire.
M. Jacques fait sa proposition pour éviter des écritures ; ce but ne sera pas atteint : que veut M. Jacques ? L'assentiment de la commune, l'assentiment de l'administration forestière et l'approbation de la députation. Voilà trois administrations qui sont en jeu. Ces trois administrations devront également intervenir dans notre système, seulement leur rôle n'est pas le même ; au lieu de faire aviser l'administration forestière, on fait aviser la députation et l'administration décide, mais ce sont toujours les mêmes autorités qui devront intervenir. Il n'y aura donc aucune simplification dans les écritures.
M. Jacques. - Messieurs, je ne comprends pas l'opposition de M. le ministre de la justice à ce que je propose, ni surtout, la manière dont il la soutient ; il prétend qu'en adoptant mon amendement on défère la question aux mêmes autorités.
J'ai fait remarquer, messieurs, qu'avec mon amendement l'on ne fait intervenir pour les coupes de moins de 1,000 fr. que trois autorités : le conseil communal, l'agent forestier et la députation permanente, tandis que si vous maintenez l'article tel qu'il se trouve au projet, vous avez non seulement l'intervention des trois autorités que je viens d'indiquer, mais vous devez encore avoir l'avis du directeur de l'enregistrement, celui du ministre des finances, le rapport du ministre de l'intérieur et (page 584) l’arrêté royal ; voilà sept autorités au lieu de trois ; il y a là une complication d’écritures qui n’existe pas avec mon amendement.
Quant à l'observation de M. le ministre que, si on autorise la députation à permettre les coupes extraordinaires d'une valeur de moins de mille francs, on lui promettra de détruire les aménagements arrêtés par le Roi ; cela n'est pas exact.
Par l'article 34, il est pris une mesure de précaution pour le cas où une coupe extraordinaire autorisée viendrait à déranger momentanément l'aménagement ; alors on parvient à maintenir cet aménagement, à l'aide d'une réserve sur les coupes qui suivent ; le remède se trouve donc à côté du mal. Le mal n'existe donc pas d'une manière sérieuse. Il est absurde de soutenir que quand une députation, d'accord avec les agents forestiers, autoriserait une coupe extraordinaire d'une valeur de moins de mille francs, on arriverait à ce résultat que l'aménagement fixé par le Roi ou par le temps serait détruit. Je le répète, l'article 34 maintient suffisamment l'aménagement dans ce cas-là.
M. Orban. - Messieurs, je voulais présenter à peu près les observations qui viennent d'être soumises à la chambre par l'honorable M. Jacques. Il me semble que toutes les fois que nous pouvons sans inconvénient rentrer dans les dispositions du droit commun, c'est-à-dire dans les dispositions de la loi communale, nous ne devons pas hésiter à le faire.
Or, dans le cas que prévoit l'honorable M. Jacques, l'on peut sans inconvénient rentrer dans la règle de la loi communale qui soumet à l'approbation de la députation permanente les ventes faites par les communes, d'une valeur de moins de 1,000 fr.
En effet, lorsqu'il s'agira d'autoriser une coupe extraordinaire de ce genre, les renseignements dont sera investie la députation seront les mêmes que ceux qui seraient fournis au ministre statuant sur la même question. Or, on ne soutiendra pas qu'avec les mêmes renseignements, on sera mieux en mesure de statuer sur une demande de ce genre à Bruxelles qu'au chef-lieu de la province ; il est évident, au contraire, que, pour ces questions, plus on est rapproché des lieux, plus on est à même de statuer convenablement.
Ainsi, la proposition de l'honorable M. Jacques tend uniquement à empêcher des complications inutiles, des retards prejudiciables, qui vont, la plupart du temps, à l'encontre du but qu'on se propose en demandant une coupe extraordinaire de peu de valeur ; car, lorsqu'une coupe extraordinaire de peu de valeur est demandée par une commune, c'est presque toujours pour parer à une dépense dont l'objet ne peut être différé. L'honorable M. Jacques a cité un cas qui se présente fréquemment et pour lequel des demandes de cette nature sont faites : l'enlèvement d'un pont par suite d'un accident ; il y a encore un autre cas ; quand un incendie s'est déclaré dans une commune et qu'il est urgent de venir au secours des victimes du sinistre. Dans ce cas, il serait fort préjudiciable aux intérêts de la commune de devoir attendre, sans nécessité, qu'uue autorisation arrive de Bruxelles.
Messieurs, je vais vous faire connaître une circonstance qui vous fera comprendre l'inconvénient à attendre une décision de Bruxelles. Lorsqu'il s'agit de demandes de coupes extraordinaires, elles ne sont pas instruites isolément ; on attend qu'il y en ait un certain nombre pour les instruire simultanément. Alors il arrive souvent qu'une coupe extraordinaire demandée en vue d'un besoin urgent et immédiat n'est accordée par le ministre que longtemps après.
M. le ministre de la justice a signalé l'espèce d'anomalie qu'il y aurait à laisser au Roi seul le droit de régler les aménagements et à attribuer à la députation permanente la faculté d'y déroger. Je ne vois là rien que de rationnel. Dans les affaires de minime importance, la décision de la députation suffit ; dans les affaires d'une importance plus grande, on recourt au Roi. Eh bien, une coupe extraordinaire d'une valeur de moins de mille francs est une affaire de minime importance ; tandis que l'aménagement des forêts étant une affaire d'une importance majeure, on peut admettre que l'intervention du pouvoir central soit nécessaire pour fixer cet aménagement, sans exiger pour cela l'intervention du même pouvoir pour les coupes extraordinaires d'une valeur de moins de mille francs.
Je ne reproduirai pas l'argument sur lequel s'est appuyé l'honorable M. Jacques pour répondre à une observation faite par M. le ministre de la justice, à savoir qu'il dépendrait ainsi d'un conseil communal de bouleverser l'aménagement fixé par arrêté royal ; comme l'a fait l'honorable membre, l'article 34 du projet tend à prévenir ces inconvénients, en disposant que les années suivantes il sera fait sur les coupes ordinaires les retranchements suffisants pour rentrer dans l'aménagement fixé par arrêté royal.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'on n'a répondu sérieusement a aucune des objections que j'ai faites. Je le répète, si le but de l'amendement de l'honorable M. Jacpaes est d'éviter de nombreuses écritures, son effet sera de détruire complètement les résultats quî nous attendons de la loi, et d'établir une véritable anomalie, en présence de laquelle nous devons faire disparaître les articles 31 et 32 que vous avez déjà votés.
L'article 31 déclare que tous les bois et forêts soumis au régime forestier, sont assujettis à un aménagement réglé par arrêté royal. Or, que signifie assujettir le sol forestier à un aménagement ? C'est diviser le sol forestier en coupes successives, réparties sur 20 ans, par exemple ; chaque année, on atteint done une certaine partie du sol forestier ainsi divisé. Il n'y a plus de place là pour une coupe extraord naire.
C'est en vertu d'un arrêté royal que l’aménagement est établi. Que voulez-vous introduire dans la loi ? Vous voulez y faire décider qu'on fera des coupes extraordinaires avec l'autorisation de la députation, quand ces coupes ne dépasseront pas la valeur de mille francs, c'est-à-dire que l'aménagement pourra être détruit jusqu'à concurrence de mille francs.
Et remarquez que vous ne limitez pas le nombre des coupes extraordinaires que la députation pourra accorder ; il suffira de diviser les demandes de manière que chacune d'elle soit d'une valeur de moins de mille francs, pour qu'au bout d'une certaine période d'années, l'aménagement ait complètement été détruit ; vous arriverez à ce résultat que l'aménagement qui aura été fixé par arrêté royal à 20 ans, je suppose, se trouvera, par des coupes extraordinaires, réduit à 14 ou 15 ans.
Je sais que l'article 34 offre le moyen de remédier aux inconvénients qui peuvent résulter du système des coupes extraordinaires accordées par le gouvernement lui-même ; c'est de revenir peu à peu, d'année en année, à l'aménagement, tel qu'il était établi primitivement. C'est là un remède qui sera appliqué par le gouvernement, lorsqu'il aura pris une mesure de ce genre ; mais on ne peut pas laisser à une autre autorité le pouvoir d'ordonner une mauvaise mesure, sauf après cela à à demander au gouvernement d'appliquer le remède ; quand le gouvernement dirait : « Je veux rentrer dans l'aménagement primitif, » une députation permanente pourrait dire : « J'accorde des coupes extraordinaires d'une valeur de moins de mille francs. »
De sorte que vous détruisez même encore l'article 29, parce que lorsque le gouvernement voudra vous faire rentrer dans les limites de l'administration primitive, la députation pourra chaque fois vous permettre d'en sortir. Un pareil système est donc inadmissible. Ce serait rendre possible un conflit permanent entre l'autorité royale qui voudrait faire rentrer dans les limites des aménagements et la députation qui voudrait autoriser des coupes extraordinaires.
M. de Theux. - Les articles 31 et 32 s'occupent de forêts pour lesquelles un aménagement régulier peut être établi. Mais j'ai ici deux observations à présenter, la première, c'est que, par exemple, lorsqu'il y a des futaies sur taillis dans cette espèce de bois pour l'exploitation des arbres, il n'y a pas d'aménagement établi.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pardon !
M. de Theux. - Ainsi quand il y a quelques arbres en trop à exploiter, je ne présume pas que l'on puisse considérer l'exploitation de ces arbres comme une coupe extraordinaire et pour laquelle il faille un arrêté royal. Je pense que, lorsque le taillis est coupé, les arbres reconnus en trop par l'administration forestière peuvent être envisagés comme faisant partie d'une coupe ordinaire, il n'y a pas de difficulté sur ce point.
Mon autre observation concerne les sapinières. Les sapinières s'exploitent d'une manière particulière, elles s'exploitent par éclaircies. Il serait très difficile d'appliquer la disposition des articles 31, 32 et 35 à ces sapinières.
Il est évident que suivant la rapidité de l'accroissement les éclaircies doivent être plus ou moins fréquentes ; d'autre part, lorsqu'il est nécessaire de couper quelques arbres de sapin de peu de valeur, pourra-t-on soumettre les coupes à l'approbation du Roi ? Il est nécessaire que M. le ministre de la justice s'explique sur ce point et qu'il n'y ait pas de doute... On crée beaucoup de ces sortes de bois, ce serait une bureaucratie tout à fait intolérable.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il me paraît certain que lorsque dans une coupe se trouvent des arbres en trop, qui doivent tomber, cela est considéré comme coupe ordinaire. Il n'y a point la moindre difficulté quant à ce point.
Si, lorsque le taillis n'est pas abattu alors qu'il a une certaine élévation, l'on devait aller dans une coupe faire abattre des arbres, cela deviendrait coupe extraordinaire ; il faudrait consulter l'autorité supérieure.
Quant aux sapinières, il est évident que les cas cités par l'honorable M. de Theux ne peuvent pas être considérés non plus comme coupes extraordinaires. Au fur et à mesure que les sapins grandissent, il faut les éclaircir par le bas. Ces coupes constituent la culture et l'exploitation régulières ; elles ne peuvent pas être considérées comme coupes extraordinaires.
Maintenant qu'on aille prendre quelques arbres pour réparer un pont, c'est une question de circonstance ; il est évident que si pour un besoiu urgent la commune fait abattre deux ou trois arbres, on n'y mettra pas obstacle ; mais si, sous prétexte d'un besoin pressant, elle faisait couper les bois d'un demi-hectare, cela tomberait sous l'application de la loi pénale. Jusqu'à présent ces faits dont on se préoccupe se sont passés dans les communes sans soulever de difficulté ; elles ont pu couper des arbres pour des besoins pressants, l'administration forestière ne s'est pas montrée tracassière. Tout dépend de la nature du besoin, de son urgence et de l'étendue de la coupe qu'on veut faire.
(page 585) M. Moncheur. - Je dois répondre quelques mots à l'honorable M. Lelièvre qui n'a pas compris le but ni la portée de mon amendement. Evidemment tout arrête royal doit être contre signé par un ministre, mais il faut qu'il soit bien entendu que tout arrêté royal autorisant une coupe extraordinaire sera contre-signé par le ministre de l'intérieur. Avant 1832 ces coupes étaient considérées au seul point de vue forestier ; le département de l'intérieur n'intervenait pas, le ministre des finances contre-signait l'arrêté royal et faisait la proposition d'accorder ou de ne pas accorder l'autorisation demandée.
Depuis 1832, on a fait intervenir le ministre de l'intérieur, intervention qui est un hommage rendu à cette idée qu'on ne doit pas envisager les coupes seulement au point de vue forestier, mais encore au point de vue des besoins et des autres intérêts de la commune. Rien de mieux, sans doute, que de conserver les forêts ; mais il y a des besoins tels dans les communes qu'elles doivent parfois en faire le sacrifice.
M. Rousselle. - Il m'est impossible de ne pas voir dans la disposition une dérogation formelle à la loi communale. Les observations de M. le ministre ne m'ont pas fait changer d'avis. L'honorable ministre, je ne sais pourquoi, veut que l'on soumette à une formalité plus grande (l'approbation royale) une anticipation de jouissance jusqu'à concurrence de mille francs, quand la loi communale permet d'aliéner, avec la seule autorisation de la députation, une propriété jusqu'à concurrence de mille francs. M. le ministre craint que les députations n'abusent de leur pouvoir, mais le gouvernement a une autorité sur les actes des députations ; si elles abusent du pouvoir que la loi leur confère, le gouvernement est là pour les arrêter. Les observations présentées ne peuvent donc changer mon opinion. Je persiste dans mon amendement qui se réfère à la loi communale.
M. Lelièvre. - Messieurs, je persiste à penser que l'on ne peut accueillir l'amendement de M. Moncheur. Je conçois très bien que le ministre de l'intérieur soit celui qui contre-signe l'arrêté royal, puisqu'il s'agit d'un acte du pouvoir exécutif concernant les biens des communes ; mais à mon avis, c'est là un point administratif qui ne doit pas trouver sa place dans la loi, laquelle n'est nullement appelée à régler les attributions des différents départements ministériels.
Tout cela doit être réglé autrement que par acte du pouvoir législatif ; c'est une simple mesure d'administration. Je ne pense donc pas qu'il puisse être question de déposer dans la loi une disposition à cet égard, et sous ce rapport je maintiens l'opinion que j'ai émise.
M. Orts, rapporteur. - Il y a dans l'amendement de M. Moncheur une difficulté que son auteur n'a pas prévue, c'est que donner au ministre de l'intérieur le contre-seing pour tous les arrêtés royaux qui autorisent les coupes extraordinaires peut être bon et convenable, pour les bois appartenant aux communes et aux établissements publics ; mais l'article s'occupe de tous les bois soumis au régime forestier, et pour les bois appartenant au domaine, que dès lors l'article embrasse aussi, je ne comprends pas ce que le ministre de l'intérieur aurait à y voir.
Il faut donc abandonner cette question à la décision du pouvoir administratif, qui agira selon les circonstances. Quant à l'intervention de la députation, je ne répéterai pas ce qu'a dit M. le ministre de la justice, pour répondre aux arguments par lesquels on cherchait à faire triompher les amendements de MM. Jacques et Rousselle. Outre les considérations qu'il a fait valoir, j'en présenterai une : c'est qu'il est difficile de déterminer exactement à l'avance ce qu'une coupe vaudra. On ne peut pas prédire avec une précision mathématique que telle coupe ne vaudra pas plus de mille francs.
Sans doute il est possible de se rapprocher de la réalité, mais le prix véritable est déterminé seulement par l'adjudication, fait nécessairement postérieur à la coupe. Rien ne serait plus facile que d'abuser des différences d'appréciation, si l'exception proposée est accueillie.
Après avoir autorisé une coupe supérieure à mille fr. on dira que l'on s'est trompé de très bonne foi. L'erreur sera excusée et plus tard on arrivera à abuser sciemment de ce moyen d'excuse. Je pense que ces considérations, jointes à celles que la chambre connaît déjà, détermineront le maintien de la règle générale, contre laquelle on n'a fait qu'une seule objection :la lenteur de l'expédition des affaires par l'administration centrale.
Je ne sais si les députations mettent une plus grande célérité à expédier les affaires qui leur sont soumises comparativement aux décisions ministérielles ; le contraire me semble résulter de la nature des choses. Les députations ne se réunissent pas tous les jours, tandis que le ministre est toujours dans son cabinet pour examiner les affaires pressantes suivant leur degré d'urgence. Je ne vois donc pas que la raison commande de rien modifier à l'article.
M. de Theux. - Je pense que toutes les décisions relatives aux bois des établissements publics sont prises par le Roi sur la proposition du ministre de l'intérieur, après avoir entendu le ministre des finances. Mais je crois que ce n'est pas là un objet à régler législalivemeni. Entre les opinions diverses qui ont été émises relativement aux amendements de MM. Jacques et Rousselle, il y a quelque chose de fondé, de part et d'autre. Il est évident qu'admis dans toute sa latitude, on peut en faite surgir des abus, mais en cas de besoin extraordinaire, de destruction de pont ou d'incendie, il peut y avoir une grande utilité à pouvoir faire ce genre de coupe, si dans ces circonstances la députation était autorisée à la permettre. Quant aux ventes de taillis, il n'en est pas de même ; si une commune a besoin de ressources extraordinaires dans le cnurs d'une année, elle peut être régulièrement autorisée à contracter un emprunt qui sera couvert par la coupe de bois. Le seul cas qui peut se présenter est celui que je viens d'indiquer, et pour celui-là il n'y a pas d'abus à craindre.
Il faudrait qu'un arrêté royal autorisât les députations à pourvoir à ces sortes de besoins.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est incontestable que, dans des cas d'urgence, le gouvernement autoriserait immédiatement la députation à permettre la coupe. Cela s'est toujours fait ainsi, et il n'existe aucune raison pour qu'il en soit autrement à l'avenir. Je ne sache pas que jusqu'à présent on ait agi différemment. Il n'y a donc rien à craindre sous ce rapport ; tandis que le système contraire pourrait donner lieu à de graves inconvénients.
M. Jacques. - Je ne pense pas que les décisions que je propose d'autoriser la députation permanente à prendre, puissent détruire, le moins du monde, les aménagements. Je constate que si l'on ne veut pas autoriser la députation permanente, sur l'avis conforme de l'agent forestier, à permettre des coupes extraordinaires jusqu'à concurrence de mille francs, c'est déclarer qu'on n'a confiance ni dans l'agent forestier ni dans la députation permanente. Je crois donc devoir maintenir l'amendement que j'ai proposé.
M. Moncheur. - Le but de mon amendement était, comme je l'ai dit en le proposant, qu'il fût bien entendu que, quant à l'instruction des demandes de coupes extraordinaires, les dispositions de l'arrêté de 1832 seraient conservées, après l'adoption du Code forestier, comme auparavant.
Je craignais qu'on ne voulût revenir au régime antérieur à celui de cet arrêté, et sous lequel c'était le ministre des finances qui contre-signait les arrêtés intervenus sur semblable demande. Ce but étant atteint, je retire mon amendement.
M. le président. - Il ne reste donc que les amendements de MM. Jacques et Rousselle ; je les mets aux voix.
- Ces amendements sont rejetés.
L'article 33, tel qu'il est proposé, est mis aux voix et adopté.
« Art. 34. S'il résulte de l'exploitation d'une coupe extraordinaire une anticipation sur les coupes ordinaires, celles-ci pourront être réduites, pendant les années suivantes, d'une quantité à déterminer par l'arrêté royal, jusqu'à ce que l'ordre d'aménagement soit rétabli. »
M. Thibaut. - Il y a deux moyens de réparer le tort qu'une coupe extraordinaire pourrait avoir causé àun aménagement réglé par arrêté royal, c'est d'abord celui qui est indiqué dans l'article 34 et qui consiste à réduire pendant plusieurs années la superficie de plusieurs coupes. Le second moyen consiste à retarder d'une année l'exploitation des coupes qui suivent la coupe extraordinaire. Il arrivera souvent que la commune qui aura eu une coupe extraordinaire, au lieu de réduire plusieurs des coupes suivantes, demandera plutôt d'attendre uue année pour continuer l'exploitation. Je voudrais que cette faculté fût laissée au gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cela va de soi.
M. Thibaut. - Pardonnez-moi ; l'article 34 dit : « pourront être réduites pendant les années suivantes ». Il ne s'agit donc ici que de réduire plusieurs coupes ; tandis que je propose de dire, en outre, que le gouvernement, sur la demande du conseil communa1, pourra différer l'exploitation des coupes ordinaires. On pourrait, après les mots : « d'une quantité à déterminer par l'arrêté royal, » ajouter ceux-ci : « ou l'exploitation pourra en être différée jusqu'à ce que l'ordre d'aménagement soit rétabli. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'article, tel qu'il est rédigé, fait aux communes une position beaucoup meilleure que celle que leur ferait l'amendement de l'honorable M. Thibaut. Il permet au gouvernement de réduire successivement sur les coupes postérieures une quantité de bois qui rétablisse la portion qui aura été abattue comme coupe exltaordinaire.
Maintenant, l'honorable M. Thibaut veut accorder aux communes le moyen de rétablir tout d'un coup la position, précisément comme si la coupe extraordinaire n'avait pas été faite. Si, par exemple, une commune faisait une coupe extraordinaire en 1852 et qu'elle vînt dire, pour compenser cette coupe extraordinaire : Je n'en ferai pas en 1853 ; de sorte que l'aménagement se trouverait rétabli en une année.
Il va de soi que si la commune le désirait ainsi, le gouvernement prêterait volontiers les mains à une telle combinaison ; l'amendement est donc tout à fait inutile.
M. Thibaut. - Du moment qua cela est ainsi entendu, je n'insiste pas.
- L'article 34, mis aux voix, est adopté.
« Art. 35. La propriété des bois communaux ne peut jamais donner lieu à partage entre les habitants.
« Mais lorsque deux ou plusieurs communes possèdent un bois par indivis, chacune conserve le droit d'en provoquer le partage. »
- Adopté.
« Aucune vente de coupe ordinaire ou extraordinaire ne pourra (page 586) avoir lieu dans les bois soumis au régime forestier, si ce n'est par vote d'adjudication publique. »
- Adopté.
Article 37
« Art. 37. Toute vente faite autrement que par adjudication publique sera considérée comme vente clandestine et déclarée nulle.
« Les fonctionnaires et agents qui auraient ordonné ou effectué la vente seront condamnés solidairement à une amende de 300 à 3,000 francs.
« L'adjudicataire ou l'acquéreur sera condamné à pareille amende. »
M. Lelièvre. - Je désirerais avoir une explication qui détermine la portée de notre article. L'amende sera-t-elle prononcée contre chacun des fonctionnaires et agents, ou bien ne sera- t-il prononcé qu'une seule amende dont seront passibles solidairement les fonctionnaires délinquants ? Il est important qu'il ne puisse s'élèver de difficulté sur ce point.
M. Orts. - Il me paraît évident, il paraîtra aussi évident à la chambre que quand une loi pénale prononce une amende pour un délit, cette amende est encourue par chacun des délinquants et par chacun de leurs complices ; la solution de la difficulté soulevée par l'honorable M. Lelièvre est donnée par les principes généraux du droit, principes auxquels le Code forestier se réfère dans une disposition expresse pour tous les cas où il ne trouve pas nécessaire de déroger formellement à la loi commune.
M. Lelièvre. - Ainsi il est bien en'endu que chacun des fonctionnaires sera condamné à l'amende comminée par notre article, et en outre il y aura solidarité entre les fonctionnaires délinquants, à raison des amendes prononcées respectivement les uns contre les autres. Il était essentiel de bien définir le sens de la loi en ce point, car la rédaction de notre article faisait naître un doute sérieux à cet égard.
- L'article 37 est adopté.
« Art. 38. Sera également annulée, quoique faite par adjudication publique, toute vente qui n'aura pas été précédée des publications et affiches ordonnées, ou qui aura été effectuée avant l'heure ou à un autre jour, ou dans d'autres lieux que ceux indiqués par les affiches ou les .procès-verbaux de remise de vente.
« Les fonctionnaires ou agents qui auraient contrevenu à ces dispositions seront solidairement condamnés à une amende de 300 à 3,000 fr. L'acquéreur, en cas de connivence, sera condamné à pareille amende. »
M. Orts, rapporteur. - Je crois qu'on pourrait supprimer sans inconvénient le deuxième parmi les trois ou quatre « ou » que l'article renferme, et dire : « Sera également annulée, quoique faite par adjudication publique, toute vente qui n'aura pas été précédée des publications et affiches ordonnées, ou qui aura été effectuée avant l'heure, à un autre jour ou dans d'autres lieux que ceux indiqués par les affiches où les procès-verbaux de remise de vente. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois qu'il vaut mieux maintenir la rédaction de l'article, parce que l'on pourrait croire que toutes les conditions ou que deux conditions sont nécessaires pour encourir l'amende, tandis que la contravention à une seule de ces conditions suffirait. »
M. Orts, rapporteur. - Je n'insiste pas.
- L'article 38 est adopté.
« Art. 39. Toutes les contestations qui pourront s'élever pendant les opérations de l'adjudication sur la validité des enchères ou des rabais, ou sur la solvabilité des enchérisseurs et des cautions seront décidées immédiatement par le fonctionnaire qui présidera la vente. »
- Adopté.
« Art. 40. Chaque adjudicataire sera tenu de fournir, au moment de la vente, et séance tenante, les cautions exigées par le cahier des charges.
« L'adjudicataire, en retard de fournir caution, sera déchu ; il sera procédé immédiatement à une nouvelle adjudication.
« L'adjudicataire déchu fera tenu au payement de la différence en moins entre son prix et celui de la revente, sans pouvoir réclamer l'excédant, s'il y en a. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je préfère la rédaction primitive du second paragraphe. La commission ne change pas le sens de la disposition ; elle substitue aux mots : « faute par l'adjudicataire de fournir les cautions, » ceux-ci : « l'adjudicataire en retard de fournir caution. » Le mot retard semble indiquer qu'il y a un certain délai, tandis qu'il n'y en a pas. C'est instantanément que la caution doit être fournie.
M. Rousselle. - Je crois qu'il vaudrait mieux dire : « A défaut par l'adjudicataire de fournir caution. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'accepte cette rédaction.
M. Orts. - Je m'y rallie.
M. Lelièvre. - Messieurs, je désire savoir si l'adjudicataire déchu sera tenu par corps de la différence en moins de son prix, ou bien si l'on entend se référer à cet égard au droit commun, c'est-à-dire que, suivant les circonstances et les dispositions de ce droit, l'adjudicataire sera tenu ou non par corps. Je pense que l'on entend adopter les principes du droit commun, mais il est essentiel qu'une explication détermine clairement le sens de l'article.
M. Orts, rapporteur. - Je répondrai à l'honorable M. Lelièvre, en rappelant le passage du rapport où il est très clairement exprimé que la contrainte par corps en matière de vente de bois appartiendra au vendeur chaque fois que le droit commun le lui accorde ; nous n'avons pas voulu autre chose. Nous entendons exclure seulement ce qu'a fait le Code français, qui accorde en matière de vente de bois un privilège spécial pour la contrainte par corps. Ainsi cette voie de rigueur appartiendra au vendeur toutes les fois que la loi commune l'autorise comme sanction d'une obligation inexécutée, d'une promesse enfreinte.
- L'article, modifié comme le propose M. Ad. Roussel, est adopté.
« Art. 41. Aucune déclaration de command ne sera admise si elle n'est faite séance tenante et immédiatement après l'adjudication. »
- Adopté.
« Art. 42. Les adjudicataires seront tenus, au moment de la vente, d'élire domicile dans la commune où l'adjudication a lieu ; faute par eux de le faire, tous actes postérieurs seront valablement signifiés au secrétariat de cette commune. »
M. Lelièvre. - Une explication est indispensable ; notre article est-il applicable au cas de délits ou bien seulement à l'hypothèse où il ne s'agit que d'intérêts civils ? Un arrêt de la cour de cassation de France du 26 septembre 1833 (Sirey,1834, part. I, pag. 107 et part. I, p. 765), décide qu'une disposition analogue du Code français's'applique aussi au cas où il est question de délits. Je désire que l'on veuille me dire si ou propose dans le même sens l'article au vote de la chambre.
M. Orts, rapporteur. - Messieurs, le sens que la commission attache à l'article 42 est évidemment celui qu'y a attaché la cour de cassation de France, et cela résulte de la nature des choses. Comme on l'a très bien dit dans la discussion du Code français, l'adjudication et le cahier des charges, qui fait corps avec elle, sont élevés vis-à-vis de l'adjudicataire à la hauteur d'une loi. Ce n'est plus un simple contrat.
Les contraventions au cahier des charges deviennent toutes des infractions à la loi, des délits. Tout ce qui doit être fait en exécution de cette loi peut dès lors être fait au domicile élu. L'élection de domicile n'a qu'un but, c'est de faciliter l'exécution du contrat d'adjudication et du cahier des charges. Il n'y a aucune distinction à faire entre la portée de ses diverses clauses, et la sanction pénale ou pécunière de leur inobservation.
- L'article est adopté.
La séance est levée à 3 heures 3/4.