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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 février 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 509) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance de vendredi dernier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Dewael, milicien de la levée de 1846, n'ayant pu obtenir du département de la guerre l'autorisation de contracter mariage, prie la chambre de décider si le paragraphe 2 de l'article premier de la loi du 8 mai 1847 lui est applicable. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par dépêche du 6 février, M. le ministre de la justice transmet à la chambre deux demandes de grande naturalisation et quatorze demandes de naturalisation ordinaire, avec les renseignements relatifs. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de budget de la chambre pour l’exercice 1853

Rapport de la commission

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de comptabilité sur le budget de la chambre pour l'exercice 1853.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour de demain.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Destriveaux. - J'ai l'honneur de déposer trois rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Motion d'ordre

Dénonciation des avantages accordés à Bruges par la charte de 1666 de Charles II d'Angleterre

M. Sinave (pour une motion d’ordre). - Messieurs, depuis quatre années, comme député de la ville que je représente, mon devoir m'appelait à porter à la connaissance de la chambre une réclamation de la plus haute importance concernant les intérêts privés d'une certaine classe des habitants de cette localité, c'est-à-dire la classe des travailleurs. J'ai tardé de le faire jusqu'à présent, parce que j'ai été indirectement informé que le gouvernement était en instance et que des négociations allaient s'ouvrir en vue de conclure un traité avec l'Angleterre, ce qui m'avait fait concevoir l'espoir que mes démarches deviendraient inutiles ; mais comme le gouvernement vient de soumettre à la législature le traité conclu avec le gouvernement anglais, et que ce traité ne fait aucune mention de la grave question qui intéresse la ville de Bruges, il me semble que le moment de signaler le danger que courent les intérêts de cette ville est venu au point de ne plus admettre aucun retard. Je me trouve forcé de m'adresser à la chambre sans attendre la discussion du traité, par ce motif que d'autres réclamations contre certaines stipulations de ce traité, que j'avais fait remarquer déjà lors de la discussion de la réponse au discours du Trône et qui concernent le sel de source et le transit de ce sel, ont été faites au gouvernement. Comme le gouvernement a jugé convenable de reprendre les négociations pour tâcher de s'entendre et de revenir sur ces stipulations du traité, je viens demander à la chambre de prendre en considération la motion que je vais développer à l'instant, et dont la conclusion consiste à inviter le gouvernement de renouveler les instances près du gouvernement anglais pour faire respecter par l'Angleterre elle-même, la charte de son roi Charles II de l'année 1666.

Je n'ai besoin d'entrer dans aucun développement. Vous savez, messieurs, que la ville de Bruges était autrefois une des villes les plus commerçantes et les plus industrielles du monde ; mais ce que vous ignorez probablement, ce sont ses relations intimes, si étendues, avec plus d'un grand monarque de cette époque. Dans l'intérêt de la cause que j'ai à exposer devant vous, je ne vous entretiendrai que de celles avec un grand roi des royaumes-unis de la Grande-Bretagne.

Ce fut vers l'année 1660 que la ville de Bruges rendit des immenses services au roi Charles II. Ce roi, pour reconnaître l'attachement des citoyens de Bruges à sa personne et à ses frères d'armes, fit, en retour de ces services, la concession, à cette classe des habitants de la ville de Bruges qu'il ne pouvait autrement récompenser, d'une charte dont vous allez entendre littéralement les principales dispositions :

« Charles II, par la grâce de Dieu, roi de la Grande-Bretagne, de France et d'Irlande, défenseur de la foi, etc., etc., à tous ceux qui les présentes connaîtront ou d'une manière quelconque verront, salut.

« Comme parmi toutes les vnrtus la munificence est citée comme étant incontestablement la première, puisque non seulement elle produit des bienfaits mais encore qu'elle est accompagnée de la bienveillance et de la courtoisie, il en résulte que, poussé en quelque sorte par les grands services que nous a rendus la très noble et très antique ville de Bruges, et, suivant le penchant de notre cœur, enfin reconnaissant surtout l'hospitalité que nous avons reçue ; dans cette circonstance, marchant sur les traces de nos ancêtres, porté à laisser à la postérité une preuve éclatante de notre gratitude envers elle ; en effet, non seulement le clergé, les bourgmestres, les conseillers et l'ordre distingué de la noblesse, mais la cité tout entière n'ont pas cessé de montrer leur affection à nous et à nos frères, devenus leurs hôtes, par suite de l'injustice des événements et que cette affection n'a fait que s'accroître avec le temps, de sorte que le souvenir de tant d'attachement est encore gravé profondément dans notre cœur ; voulant transmettre ce souvenir comme une espèce d'héritage à nos successeurs, pour empêcher que l'oubli ingrat d'une si grande bonté ne se glisse dans le cœur de nos descendants, et de plus comme expulsés de nos royaumes, nous avons été tellement réconfortés par une hospitalité généreuse, que nous en avons supporté avec plus de résignation les coups de la fortune, à tous ces titres, jamais nous ne souffrirons que, rétabli dans notre position primitive, nous soyons noté d'ingratitude.

« Nous voudrions donc avec le même empressemmt que la ville de Bruges précitée (marché si célèbre et si fameux entre tous les autres par sa magnificence, son étendue et son éclat) a mis à nous donner des preuves de bienveillance et de générosité, lui montrer toute notre reconnaissance.

« Pour ces motifs, nous avons reçu avec reconnaissance du noble homme et de notre très cher Marc-Albert Ouate, chevalier de la Toison d'or, commissaire de la Flandre et de notre très cher cousin le très illustre marquis de Castel Rodrigo, d'abord le projet et ensuite le plan d'un nouveau port et d'un canal nouvellement creusé jusqu'à l'Océan et pouvant porter des vaisseaux de mer, et heureux de nos anciennes relations avec la ville de Bruges, nous avons l'intention de lui conférer quelques prérogatives venant de nous, qui prouvent que nous ne sommes pas ingrat envers elle, donnant et concédant de notre plein pouvoir et de notre autorité royale, pleinement, librement, spontanément et de notre propre mouvement, comme par ces présentes pour nous, pour nos héritiers et nos successeurs, nous donnons et concédons que la ville de Bruges prénommée puisse par la suite, nonobstant tout empêchement, faire naviguer en liberté, en sûreté cinquante barques de pêcheurs dans notre mer, sur les côtes et rivages de nos royaumes faire le commerce et aussi prendre des harengs et tous autres poissons quelconques ; il sera encore permis aux citoyens de la ville prénommée d'aborder dans nos ports, sur nos rivages et d'entrer dans nos fleuves avec lesdites barques, d'exposer à terre les filets pour être séchés ou raccommodés, d'y chercher un refuge contre les ennemis et les tempêtes, d'acheter au juste prix dans les villes et autres lieux de nos Etats les objets nécessaires à la vie, ou à tout autre usage, d'en revenir et de s'en retirer librement sans qu'ils aient besoin pour ce faire d'aucune autre permission spéciale, sans qu'on leur demande des lettres de sauf-conduit ; de telle sorte cependant qu'ils viennent munis de lettres du magistral de ladite ville de Bruges délivrées en vertu des présentes et munies du sceau de la ville, lesquelles ils exhiberont à toute occasion. Cependant que les propriétaires des barques aient soin (s’engageant préalablement auprès du magistrat de la ville par cautions légales) de ne pas souffrir ou de permettre que leurs propres pécheurs, matelots ou autres subordonnés chargés de transporter le poisson, dirigent une charge de cette espèce vers des lieux ennemis de notre personne ou de nos royaumes.

« Or donc nous voulons et par ces présentes arrêtons que la liberté de pêcher prénommée touchantlie nombre de banques indiqué ci-dessus, reste à jamais sauve et intacte et qu'elle soit perpétuellement maintenue par nous, par nos héritiers et nos successeurs, et qu'aucun de nos sujets de n'importe quel état, autorité, grade ou condition contrevienne d'une manière quelconque à ces présentes, à cette concession, grâce, faveur et privilège que nous faisons spontanément.

« C'est pourquoi nous mandons et enjoignons à notre cousin et très cher conseiller Charles duc de Lenox et de Richemont, notre grand amiral de l'Ecosse, de plus à tous et à chacun de nos commandants de flotte, aux capitaines et aux pilotes de nos navires de guerre, aux commandants de nos provinces, villes, citadelles maritimes, aux juges, aux officiaux, à tous nos ministres et administrateurs de la justice, etc., etc., que partout où ils rencontreront les pêcheurs prénommés, dans quelque parage que ce soit, dans le voisinage de nos côtes, de nos fleuves et de nos ports, que nonobstant seulement ils ne leur fassent aucune injure, mais que même ils les accueillent avec amitié et bienveillance, et qu'en cas de besoin, ils leur portent assistance sans y mettre aucune espèce d'obstacle ou d'opposition, ils garantissent et accordent aux mêmes pêcheurs une arrivée et un départ assurés et le retour dans leur patrie avec leurs barques, leurs poissons et leurs autres effets.

« En plus grande foi de quoi nous avons signé les présentes lettres de notre main royale et nous avons ordonné que notre grand sceau de l'Ecosse y fût apposé.

« Données dans notre palais d'Ecosse, le vingt-neuvième jour du mois d'août, l'année de la rédemption des hommes, mil six cent soixante-six, 1666, et la dix-huitième (18e) année de notre règne.

(page 510) (Plus bas se trouve) « De par la signature écrite ci-dessus de la main de notre seigneur le roi. »

(Au dos se trouve) « Le sceau y est opposé à Edimbourg, le huitième jour du mois de septembre mil six cent soixante six,

« Signé : Boutem. gratis.

« Est écrit près du grand sceau de notre seigneur le roi,

« Par moi, directeur de la chancellerie, ce huit du mois de septembre mil six cent soixante-six.

« Signé : Will. Kerr, gratis. »

Au-dessus de l'attache du grand sceau de l'Ecosse se trouve :

« Lettre concédée à la ville de Bruges, en Flandre, touchant cinquante barques de pêcheurs, comme il est dit ci-inclus, et caetera.

« Signé an front : « Carolus rex. »

Vous le voyez, cette charte autorise cinquante barques de pêcheurs appartenant exclusivement aux habitants de la ville de Bruges de faire la pêche à perpétuité dans les mers, sur les côtes et rivages des royaumes unis de la Grande-Bretagne.

L'Angleterre a constamment observé cette charte, jamais aucune contestation ne s'était élevée pendant près de deux siècles. Les pêcheurs de Bruges n'avaient précédemment jamais été molestés en la moindre circonstance ; c'est seulement depuis l'émancipalion de la Belgique que les pêcheurs écossais ont fait des tentatives pour nuire aux pêcheurs de Bruges ; les années subséquentes, les autorités locales des côtes Britanniques en firent à leur tour, les pêcheurs de Bruges exhibèrent le certificat constatant que c'est en vertu de la charte du roi Charles II qu'ils exercent la pêche sur les côtes d'Angleterre ; depuis, les choses en restèrent là, et les pêcheurs continuèrent d'exercer leur industrie sans molestations ultérieures. C'est seulement depuis quatre années, malgré l'exhibition du certificat délivré par les autorités de la ville de Bruges constatant que le bâtiment appartenait aux habitants de la ville de Bruges que des mesures plus audacieuses furent ouvertement prises par le gouvernement anglais.

Les bâtiments de la marine royale signifièrent aux pêcheurs de s'éloigner et de ne plus reparaître sur les côtes de la Grande-Bretagne, sous peine d'emprisonnement de leurs personnes et de la confiscation des bâtiments ; c'est de cette époque que la chambre de commerce de la ville de Bruges a été obligée d'intervenir et de réclamer l'intervention du gouvernement belge avec invitation de faire près du gouvernement anglais de vives remontrances en vue de faire cesser ces vexations et de faire observer par l'Angleterre la charte du roi Charles II.

De ces démarches il est résulté des sursis d'année en année permettant aux pêcheurs de Bruges de continuer provisoirement l'exercice de leur droit et de leur industrie, en attendant, disait le gouvernement anglais, un examen plus approfondi de la question ; mais finalement le gouvernement anglais a fait déclarer par l'entremise de son ambassadeur à Bruxelles au gouvernement belge qu'à commencer de l'année 1851, il ne serait plus permis à aucun bateau pêcheur de Bruges de reparaître sur les mers et les côtes de la Grande-Bretagne avec l'intention de venir faire la pêche, sous peine de confiscation, tout en déclarant cependant qu'on ne méconnaissait pas l'existence de la charte de l'an 1666, émanée du roi Charles II, mais que cette charte ne paraissait pas avoir été soumise à la sanction du parlement, aux termes de la loi, pour la rendre valide et obligatoire, comme devait l'être tout acte de ce caractère, c'est-à-dire en l'absence du roi de son royaume et émané, en pays étranger. On n'a pas besoin de réfuter cette prétention, faite seulement pour la première fois après deux siècles d'existence et de pratique ; ce fut pour ce motif une très mauvaise objection contre la validité de la charte, un de ces faux-fuyants méprisables qu'un gouvernement ne doit jamais employer.

Aussi cette objection fut-elle bientôt détruite par la production du document officiel en original qui se trouvait soigneusement déposé dans les archives de la ville de Bruges et dont une copie authentique fut immédiatement délivrée à l'ambassadeur britannique à Bruxelles. Ce document constate que cette charte n'a pas été délivrée à l'étranger pendant l'exil de Sa Majesté, mais qu'elle a été octroyée par le roi Charles II, après sa rentrée dans ses royaumes, au palais d'Ecosse, le 29ème jour du mois d'août, de la rédemption des hommes 1666. Enregistrée par la chancellerie, le grand sceau de l'Ecosse apposé à Edimbourg, le huit septembre 1666 et finalement signée de la main de Sa Majesté, « Caro-lus rex. »

En présence d'une démonstration aussi pertinente qu'irrévocable, contre laquelle il était de toute impossibilité de résister, le gouvernement anglais lui-même convaincu de la nullité des objections qu'il avait fait valoir contre la validité de la concession faite par la charte octroyée par le roi Charles II, ne sachant plus rien alléguer de raisonnable contre les justes droits des habitants de la ville de Bruges, eut recours à un autre expédient. Sans faire la moindre observation aux preuves administrées par les réclamants et sans donner aucun motif, il fit brièvement déclarer par son ambassadeur à Bruxelles, que la question allait être soumise aux avocats de la couronne des royaumes-unis de la Grande-Bretagne et que les ayants droit, les habitants de la ville de Bruges, avaient le loisir d'y faire valoir, s'ils le jugent convenable, leurs prétentions et leurs droits, mais, remarquez-le bien, tout en maintenant rigoureusement la défense aux pêcheurs de reparaître sur les mers et rivages de la Grande-Bretagne. Nul doute, messieurs, qu'après avoir examiné toute cette affaire avec l’attention qu’elle mérite, vous serez convaincus comme moi, que l’acte de spoliation que le gouvernement anglais vient de commettre est injuste et intolérable, que c’est là une de ces déloyales fins de non-recevoir qui révoltent d’autant plus que c’est un acte de brutalité du fort contre le faible. En effet, on a commencé par expulser nos pêcheurs qui sont en possession d’un droit de près de deux siècles. Je n’hésite aps à déclarer que, quant à moi, je considère cette action comme indigne d’un gouvernement qui a la prétention de ériter la considération et l’estime des autres nations, quand lui-même devrait mieux faire respecter les engagements sacrés consacrés par sa propre royauté.

En présence d'un titre irrécusable et conçu dans des termes aussi absolus que fortement motivés, il est impossible de se méprendre. Il est constant que la conduite du ministère anglais est une injure à la mémoire du roi Charles II. Ce roi après avoir rappelé la générosité des Brugeois et énuméré les services importants rendus à sa personne et à sa cause, dans la prévision de la possibilité de l'injustice des hommes et pour empêcher ses successeurs de jamais commettre aucun acte arbitraire, mais de faire exécuter ponctuellement à perpétuité la concession, le roi s'exprime dans cette charte en ces termes :

« De sorte que le souvenir de tant d'attachement est encore gravé profondément dans notre cœur, voulant transmettre ce souvenir comme un espèce d'héritage à nos successeurs, pour empêcher que l'oubli ingrat d'une si grande bonté ne se glisse dans le cœur de nos successeurs, et de plus, comme expulsés de nos royaumes nous avons été tellement réconfortés par une hospitalité généreuse que nous en avons supporté avec plus de résignation les coups de la fortune, à tous ces titres, jamais nous ne souffrirons que, rétabli dans notre position première, nous soyons noté d'ingratitude. »

Ces paroles sont bien l'expression d'une grande reconnaissance et d'une sincérité bien remarquable dans la bouche de ce souverain ; il a fallu, pour attirer une pareille estime et une si vive sympathie de la part de ce monarque, un dévouement.à toute épreuve, du côté des habitants de la ville de Bruges, au roi et à sa cause ; aussi les preuves de cet attachement ne manquent pas.

La violation de cette concession est un fait très grave et dont le pareil s'est rencontré rarement parmi les nations civilisées ; aussi on a peine à le comprendre, lorsqu'on considère combien sont grands les principes d'équité et de justice qui distinguent si éminemment le cœur de Sa Majesté la reine Victoria dont les qualités sont connues du monde entier. Elle a donné des preuves réitérées et éclatantes qui constatent combien les engagements pris, par ses prédécesseurs étaient sacrés pour elle ; incontestablement il faut que Sa Majesté la reine Victoria n'ait pas encore connaissance de la violation par ses ministres, de la concession octroyée par le roi Charles II, autrement son beau caractère se révolterait sans aucun doute et l'impression qu'elle éprouverait si elle avait connaissance de ce qui se passe en présence de la volonté si ferme et des paroles si expressives que son illustre prédécesseur a adressées à ses successeurs pour les obliger de faire exécuter fidèlment et à perpétuité une dette privée envers des particuliers d’une certaine classe de citoyens de la ville de Bruges, serait trop profonde pour permettre à ses ministres un manque de foi aussi outrageant pour sa dignité personnelle que pour celle de sa couronne.

Malheureusement nous ne le voyons que trop souvent de nos jours les actes et les obligations sacrées contractées par les souverains sont foulés aux pieds par des ministres, qui, en général, ne voient que leur propre intérêt ou n'agissent que par égoïsme, et ne visent qu'à ravaler la majesté royale pour assurer leur propre élévation et pour satisfaire une ambition démesurée.

Voilà donc ce symbole, ce ministère anglais, ces libre-échangistes par excellence, qui ont la présomption de donner l'exemple et au besoin de forcer le monde entier à l'obéissance et à souscrire à leur volonté sous peine d'encourir leur courroux et des représailles injustes ! Voyez-vous à l'œuvre ces libre-échangistes des royaumes unis de la Grande-Bretagne ? Ils défendent, en employant la force brutale, à des pêcheurs de librement exercer leur industrie, non pas chez eux, mais dans la mer que les Anglais considèrent comme leur propriété exclusive. Ce n'est pas ici le moment, mais on pourrait citer au besoin d'autres faits récents également graves de la même catégorie.

La Belgique est beaucoup plus libérale ; elle permet aux pêcheurs de toutes les nations de venir exercer leur industrie sur ses côtes maritimes sans aucune restriction.

Par le traité conclu entre l'Angleterre et la Belgique, sur lequel les habitants de Bruges fondaient toute leur espérance, loin d'avoir obtenu justice, on n'y trouve même pas une réserve pour les droits que la charte du roi Charles II confère aux habitants de la ville de Bruges.

Je ne dirai pas un mot de la diplomatie belge à Londres qui a été chargée de la négociation des intérêts brugeois ; je laisse à M. le ministre des affaires étrangères le soin d'apprécier sa gestion dans cette circonstance ; quant à moi j'ignore ce qu'elle a fait. Mais la chambre comprendra que si le traité conclu avec l'Angleterre, tel qu'il a été présenté par le gouvernement à la législature venait à être sanctionné sans aucune modification concernant la concession octroyée par la charte de Charles II, par les chambres, indubitablement cette charte deviendrait de fait caduque, c'est-à-dire une donation non réclamée, et les habitants de Bruges perdraient à jamais tous leurs droits. Voilà ce qu'il importe surtout de prévenir. J'ose croire que les habitants de la ville de Bruges rencontreront dans cette circonstance l'appui bienveillant de la chambre et que le gouvernement s’empresera de réclamer immédiatement justice du gouvernement anglais, à l’effet de maintenir intacte et de faire respecter à perpétuité la concession octroyée par la charte du roi Charles II, de l’année 1666.

Pour le cas où il serait de toute impossibilité pour le moment, pour l'une ou l'autre cause inconnue, d'obtenir de suite pleine et entière justice du gouvernement anglais, je conclus subsidiairement à ce que le traité ne puisse en aucun cas être voté par les chambres, ni sanctionné par le gouvernement, autrement que sous la réserve expresse de tous droits saufs des habitants de la ville de Bruges résultant de la concession octroyée par la charte du roi Charles II.

Par le traité avec la Hollande qu'on vient de sanctionner, on a beau dire, il a été sacrifié à d'autres industries du pays une majeure partie de l'industrie du littoral. A ma manière de voir, c'est là, il faut le déclarer, une flagrante injustice.

Mais si on refusait d'accueillir favorablement la demande que j'adresse au nom de mes concitoyens à la chambre, on enlèverait non seulement le dernier moyen d'une certaine prospérité et de tout un avenir, mais on compléterait la ruine pour toujours de la pêche nationale en ce qui concerne la ville de Bruges en particulier.

Messieurs, j'ajouterai qu'aucune réclamation n'a été faite, durant les négociations du traité, et cela pour ne gêner en rien le gouvernement.

Le gouvernement, depuis plusieurs années, était saisi de la question ; il savait ce qu'il avait à faire. Mais, comme les négociations sont terminées, je crois que nous pouvons ouvertement réclamer justice, et demander l'exécution de la charte en faveur des Brugeois.

M. le président. - M. Sinave demande, par forme de motion d'ordre, que le gouvernement soit invité à intervenir auprès du gouvernement anglais pour faire respecter la charte du roi Charles II.

M. Sinave. - De 1666.

M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Delehaye. - Il faudrait d'abord connaître ce que c'est que la charte du roi Charles II.

M. le président. - M. Sinave vient de l'expliquer assez longuement.

Si personne ne demande la parole, je vais mettre la motion aux voix.

M. Rodenbach. - M. le ministre des affaires étrangères est absent ; mais il me semble que la motion qui vient de vous être longuement développée mérite quelques mots de réponse.

Il paraît qu'en vertu d'une charte ancienne, 50 barques de pêcheurs brugeois avaient le droit d'aller pêcher sur les côtes de la Grande-Bretagne, mais qu'aujourd'hui les Anglais, qui cependant viennent faire la pêche sur nos côtes, menacent nos pêcheurs de les incarcérer lorsqu'ils veulent profiler du bénéfice de cette charte.

Bien que j'aie entendu beaucoup de sourires, je crois qu'une semblable motion mérite l'attention du parlement belge ; je demande qu'elle soit renouvelée moins longuement, si l'on veut, lorsque M. le ministre des affaires étrangères sera présent. Lorsque nous nous occuperons du traité avec l'Angleterre, si M. Sinave n'a pas obtenu une réponse satisfaisante, je me propose moi-même d'occuper la chambre de cette question si importante, pour une ville jadis si prospère et aujourd'hui misérable et dépourvue d'industrie.

M. Delehaye. - Je comprends difficilement comment la chambre pourrait se prononcer sur une motion telle que celle qui vient d'être formulée. On nous demande d'engager le gouvernement à faire des démarches auprès du gouvernement anglais pour faire respecter une charte du roi Charles II. Je ne sais si la chambre est mieux informée que moi, mais j'avoue que je connais fort peu la charte indiquée.

Si j'ai bien compris M. Sinave, des pêcheurs brugeois avaient un privilège en vertu de cette charle et l'honorable membre croit que le traité qui vient d'être conclu a porté atteinte à cette charte.

Eh bien, messieurs, l'honorable membre m'en avait parlé avant la séance et je dois dire qu'il ne m'a donné aucun argument prouvant qu'il ait été porté atteinte à la charte de Charles II. Nous ne pourrons savoir ce qui en est, que quand le gouvernement nous aura soumis tous les documents relatifs au traité avec l'Angleterre. Je pense que l'honorable M. Sinave doit attendre la discussion de ce traité, afin que nous puissions savoir si ses craintes sont fondées.

D'un autre côté, je crois qu'il serait fort imprudent de jeter dans la chambre des idées auxquelles on ne pense peut-être pas en Angleterre. (Interruption.) Qui vous dit qu'en Angleterre on ait songé à porter atteinte à la charte de Charles II ?

Je pense, messieurs, que surtout dans l'intérêt de la province qu'il représente, l'honorable membre doit suspendre sa motion jusqu'à ce que la chambre sache définitivement tout ce qui est intervenu relativement au traité avec l'Angleterre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, je crois pouvoir dire un mot de la motion de M. Sinave. Elle me semble parfaitement inopportune. L'honorable membre aurait, à mon avis, mieux servi les intérêts qu'il défend, en s'abstenant de faire en ce moment une motion. Les intéressés se sont adressés au gouvernement ; ils prétendent qu’en vertu d'une charte ancienne, citée par l'honorable membre, les pêcheurs de Bruges ont le droit, si mes souvenirs sont fidèles, d'aller pêcher à une certaine distance des côtes d'Ecosse. Le gouvernement a soumis la difficulté au gouvernement anglais, mais jusqu'à présent il n'y a pas, à ma connaissance du moins, de solution de cette question. Il est donc convenable, selon moi, de s’abstenir pour le moment. La question, au surpolus, n’est pas liée au traité qui vient d’être conclu avec l’Angleterre. Ce traité est tout à fait indépendant du point de avoir à quelle distance des côtes de l’Angleterre nos p^écheurs peuvent aller pêcher.

M. Sinave. - Messieurs, comme des négociations sont ouvertes avec l’Angleterre, je voudrais que le gouvernement fît des efforts dans l’intérêt des pêcheurs de Bruges.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a plus de négociation pour le traité.

M. Sinave. - Alors je me réserve de reproduire mes observations dans la discussion du traité.

Projets de loi portant les budgets des dotations, des ministères de la justice, de l’intérieur, des finances et des travaux publics de l’exercice 1853

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) dépose les budgets de la justice, de l'intérieur, des finances, des travaux publics et des dotations.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces budgets et les renvoie à l'examen des sections.

Motion d’ordre

Travaux d'amélioration de la Senne

M. Roussel. - Messieurs, la motion que je vais avoir l'honneur de présenter à la chambre, nous fera passer des temps éloignés du roi Charles II, aux circonstances actuelles. Vous savez que des inondations déplorables viennent d'affliger une partie de nos provinces, et que l'arrondissement de Bruxelles a eu sa triste et nouvelle part dans ces calamités. Je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien nous dire 1° ce qui a été fait depuis le mois d'août 1850 (époque à laquelle ont eu lieu de grandes inondations) jusqu'aujourd'hui, pour éviter de pareils désastres ; 2° ce qu'il se propose de faire encore pour les éviter dans la suite.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la chambre doit se rappeler que dans la loi des travaux publics, le gouvernement a proposé d'affecter en subsides pour l'amélioration de certaines rivières, de certains cours d'eau dont le régime n'incombe pas à l'Etat, une somme de 600,000 fr. ; la Senne sera comprise dans la distribution de cette somme.

Messieurs, il est évident que les travaux qui sont près d'être exécutés à la Senne, doivent l'être par la province et les communee ; c'est seulement à titre de subside que le gouvernement doit intervenir. C'est donc à l'administration provinciale et aux administrations communales à se mettre d'accord sur les travaux qu'il s'agit d'exécuter.

Seulement le gouvernement a cru devoir, dans l'intérêt de l'amélioration de ce cours d'eau, soumettre à l'avis des ingénieurs de l'Etat les questions qui se rattachent à cet objet. Le rapport de l'ingénieur en chef de la province a été déféré à l'administration provinciale. Il est possible que dans le cours de cet exercice, le gouvernement, d'accord avec la province et les communes, puisse venir par des subsides soulager une situation que tout le monde déplore et pour laquelle l'Etat a déjà, de son côté, fait de grands, de notables sacrifices.

M. Roussel. - Messieurs, il paraît résulter et des paroles de M. le ministre des travaux publics, et d'une discussion récente au sein du conseil communal de Bruxelles, que les différentes autorités ne s'entendent pas sur les mesures à prendre et les moyens propres à prévenir les désastres dont j'ai eu l'honneur d'entretenir la chambre. Parce que la Senne, par exemple, n'est pas une rivière navigable ni flottable, le gouvernement aurait tort, selon, moi, de se croire dispensé de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher des calamités aussi désastreuses que celles-là.

En effet, le gouvernement n'est pas seulement le protecteur des riverains de telle rivière, mais il est encore le tuteur naturel de tous ceux qui ont des propriétés dans les environs. Remarquez-le bien, les inondations n'atteignent pas seulement les riverains, elles étendent leurs ravages bien plus loin. Il y a deux choses à voir en matière d'inondation ; d'abord le régime des eaux qui doit se former de mesures permanentes à prendre pour que la rivière reste en bon état ; ensuite les conséquences désastreuses que les eaux peuvent engendrer pour les personnes et les propriétés des riverains, et des habitants d'arrondissements, et des provinces entières.

Il s'ensuit, me semble-t-il, que les autorités devraient se mettre parfaitement d'accord, pour prendre quelques grandes mesures propres à prévenir de semblables fléaux.

Si l'on possédait aujourd'hui l'intérêt seulement des pertes qui ont été occasionnées dans les différentes parties du pays depuis un temps assez long, l'on aurait des sommes suffisantes pour parer, en grande partie, aux inondations futures. Le mal est qu'on n'intervient que lorsque les dégâts ont eu lieu et qu'on n'internent qu'au moyen de mesures tellement mesquines qu'elles ne peuvent atteindre leur but.

Dans le sein du conseil communal de Bruxelles, l'honorable bourgmestre s'est plaint, semble-t-il, de l'inaction de l'autorité supérieure. Il a répondu à un membre de ce conseil qu'il lui est impossible de prendre des mesures pour forcer l'autoiité supérieure à s'exécuter. Cela serait déplorable. Il est essentiel qu'une harmonie complète s'établisse entre les diverses autorités ; car ces conflits ne consoleront point ceux qui souffrent, et ne préviendront point le mal pour ceux qui auront à en souffrir.

M. de Mérode. - Je ne suis pas de l'avis de M. Roussel qui, dans d'excellentes intentions, vient de dire qu'on peut remédier à toutes les inondations.

(page 512) M. Roussel. - Je n'ai pas dit cela.

M. de Mérode. - Pardon !

M. Roussel. - Du tout ! J'ai dit que si l'on possédait seulement l'intérêt des sommes perdues par suite des inondations, on trouverait les sommes nécessaires pour subvenir aux grands travaux de nature à empêcher la plupart des inondations. Si vous pouviez élargir assez nos rivières pour qu'elles continssent tout le volume d'eau déversé, vous auriez évité les inondations.

M. de Mérode. - M. Roussel ne s'était pas parfaitement expliqué la première fois comme maintenant. Il reconnaît donc avec moi qu'il n'est pas possible de remédier complètement à des inondations. Lorsque les eaux sont excessives, tous les travaux quelconques ne sauraient empêcher alors l'effet des débordements. On peut certainement remédier au tort que font les inondations moyennes. L'on peut éviter que les eaux soient répandues sur les prairies pendant l'été, à l'aide de certains ouvrages ; mais quant aux inondations que j'appellerai de première classe, tous les essais possibles ne serviraient à peu près à rien.

Messieurs, puisqu'on parle d'inondations, je suis bien aise de saisir l'occasion de signaler la manière dont les travaux publics s'exécutent souvent au préjudice de l'agriculture. Quand les ingénieurs se préparent à établir un canal, un chemin de fer, ou à canaliser une rivière, ils s'embarrassent peu de couper les champs, les prairies, ou de les exposer aux dommages, ils ne s'occupent que du commerce et de l'industrie qui doivent être servis par ces voies de communication ; mais la terre productive, on la traite sans beaucoup de façon ; c'est ainsi que la Sambre, par exemple, a été canalisée, et que depuis cette transformation, beaucoup de prairies qui sont sur ses bords se trouvent singulièrement détériorées. On a créé la voie navigable sans souci du sol précieux qui occupe la vallée.

Je suis bien aise de présenter ici publiquement cette observation, pour que les ingénieurs, en combinant leurs plans de travaux publics, veuillent bien désormais aussi songer aux terrains auxquels ils causent trop souvent une dépréciation considérable.

Ordre des travaux de la chambre

M. David. - Le second objet à l'ordre du jour de demain est le Code forestier. Le rapport sur cette importante matière devait nous être distribué samedi, et nous ne l'avons reçu qu'au commencement de la séance. Je demande que la discussion soit remise à jeudi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les amendements introduits par la commission qui a été chargée d'examiner le Code forestier, ne sont ni tellement nombreux, ni tellement importants qu'il soit nécessaire de remettre la discussion à après-demain. Je pense que l'on pourrait sans difficulté commencer dès maintenant la discussion et que d'ici à jeudi l'on aurait le temps d'étudier le rapport.

M. Moncheur. - Je crois qu'il est tout à fait impossible d'aborder demain la discussion du projet important du Code forestier. On vient de nous distribuer le rapport sur cet objet, ce rapport est assez long et très important, comme le sujet qu'il traite. Le règlement exige qu'il y ait trois jours d'intervalle entre le dépôt du rapport et la discussion en séarce publique ; vous auriez tout au plus un jour. M. le ministre dit qu'il n'y a que peu d'amendements et qu'ils n'ont pas tant d'importance, qu'on ne puisse aborder immédiatement la discussion.

Il y en a au contraire d'excessivement graves ; il y a dans le Code forestier des matières qui touchent aux intérêts les plus graves des particuliers, des communes et de l'Etat ; et vous n'auriez pas seulement le temps de lire le rapport avant d'aborder la discussion.

D'ailleurs, M. le président vient de vous citer plusieurs objets qui pourraient remplir la séance de demain.

Un projet de loi aussi important ne peut pas se discuter du jour au lendemain en présence d'un rapport comme celui qui vient de vous être remis pendant la séance.

M. Rodenbach. - Voilà deux ou trois jours que nous attendons des projets de loi que nous devons discuter. Il y a environ quinze jours, M. le ministre des travaux publics a déposé un projet de loi ayant pour objet d'établir un nouveau tarif pour le transport des marchandises par le chemin de fer.

Les rapporteurs ont été nommés, le rapport devrait être prêt ; je désirerais que la chambre pût s'occuper prochainement de cet objet. Depuis les vacances nous avons dû attendre patiemment, que la chambre pût avoir quelque projet à mettre à son ordre du jour. Il y a des députés qui doivent rester à Bruxelles dans tout étal de cause, n'ayant pas comme tant d'autres, qui habitent Gand, Anvers, la faculté de retourner chez eux. Je demanderai qu'on mette plus d'activité dans la présentation des rapports. J'ignore pourquoi le rapport sur le projet de tarif n'est pas encore fait, je ne pense pas que ce soit la faute du rapporteur, je pense plutôt que cela tient à ce que les renseignements nécessaires ne lui auraient pas été remis.

M. le président. - Toutes les pièces n'ont pas encore été remises à l'imprimeur.

M. Rodenbach. - M. le ministre de l'intérieur a déposé un projet de loi sur les brevets d'invention, il ne nous a pas encore été distribué ; jamais nos travaux n'ont éprouvé autant de lenteur que cette année.

M. le président. - Ce projet est à l'impression.

M. Rodenbach. - Je demande qu'on s'occupe sérieusement des travaux dont nous sommes saisis.

- La chambre, consultée, renvoie à jeudi la discussion du projet de Code forestier.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur la détention préventive

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe a la discussion des articles.

La chambre adopte successivement les amendements ci-après introduits par le sénat dans le projet de loi et dont la section centrale propose l'adoption.

A l'article 5 aux mots : « donner mainlevée de ce mandat », on a substitué ceux-ci : « mettre provisoirement l'inculpé en liberté » ; au lieu de : « à charge pour l'inculpé », mettre : « à charge pour celui-ci ».


Article 6, paragraphe premier, aux mots : « la mainlevée du mandat de dépôt décerné contre lui », ceux de : « sa mise en liberté provisoire ».

Au paragraphe 6, amendement analogue.


Article 7. On supprime, à la première ligne, les mots « après la mainlevée du mandat de dépôt, ou ».... Le sénat a ajouté à cet article la disposition suivante :

« Toutefois, l'intervention de la chambre du conseil ne sera pas requise dans les cas prévus par les articles 3 et 5 de la présente loi. »


L'article 9 est modifié comme suit : « la mise en liberté provisoire pourra, dans tous les cas, etc. »


Sous le n°10, le sénat a placé la disposition suivante :

« L'inculpé, renvoyé devant la cour d'assises, sera mis en état d'arrestation en vertu de l'ordonnance de prise de corps rendue par la chambre des mises en accusation, nonobstant la mise en liberté provisoire. »

L'article 10 du projet adopté par la chambre devient conséquemment l'article 11, et ainsi de suite.


A l'article 11 (devenu 12), on supprime les mots : « mainlevée du mandat de dépôt et l'ordonnance ou ».


A l'article 21 (20 du projet) est ajoutée la disposition suivante :

» En cas de pourvoi en cassation, l'élection de domicile devra être faite dans le lieu où siège le tribunal ou la cour qui a ordonné la mise en liberté provisoire. »

A l'article 22 ont été supprimés les mots : « la mainlevée d'un mandat de dépôt », et aux mots : « sur le réquisitoire du ministère public », on ajoute « ou sur la demande de la partie civile ».


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.

Ce sont : MM. Allard, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delescluse, de Liedekerke, Deliege, de Man d'Attenrode, de Meester, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Steenhault, Destriveaux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, G. Dumont, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, A. Roussel, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Vilain XIIII et Delfosse.


M. le président. - M. Cans, forcé de s'absenter, demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Rapports sur des pétitions

M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée des Ecaussines d'Enghien, le 21 mai 1851, la dame Derideau, veuve Huart, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le paiement des indemnités qui lui sont dues par l'Etat. »

Des emprises considérables ont été faites dans les propriétés de la pétitionnaire, lors de la construction du chemin de fer de l'Etat.

Après huit années de plaidoiries, elle a obtenu le 9 août 1849, un arrêt qui, en condamnant l'Etat, lui a alloué à divers titres des indemnités, qui s'élèvent à 142,320 fr. 31 c. en principal, avec les intérêts à n p. c.

En juin 1850, la pétitionnaire a reçu un à-compte de 40,000 fr., elle s'adresse à la législature à effet d'obtenir le payement intégral de sa créance.

Cette demande est des plus fondées, l'Etat a reconnu la créance, puisqu'il a payé un acompte. Ce serait un acte de justice et de bonne administration de terminer au plus tôt cette affaire.

Votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Jodoigne, le 26 janvier 1852, un secrétaire communal dans le canton de Jodoigne demande l'établissement d'une caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux. »

« Par pétition datée de Jodoigne, le 23 novembre 1851, quelques secrétaires communaux dans le canton de Jodoigne demandent l'établissement d'une caisse de retraite en leur faveur, et prieut la chambre de modifier l'article 3 de fa loi du 30 mars 1836, concernant le traitement des secretaires communaux. »

De semblables demandes ont déjà été adressées à la chambre, qui en a ordonné le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Votre commission vous propose également, messieurs, le renvoi de celles-ci à ce haut fonctionnaire.

M. Mercier. - Deja un grand nombre de pétitions de même nature nous sont arrivées successivement depuis plusieurs années. Jusqu'à présent le gouvernement n'a pris aucune détermination relativement à (page 513) l’établissement d'une caisse de retraite pour les secrétaires communaux.

Les receveurs communaux ont adressé à la chambre des pétitions dans le même sens.

J'ai déjà appelé, dans d'autres circonstances, l'attention de la chambre et du gouvernement sur ces pétitions ; il est temps que le gouvernement fasse connaître s'il est disposé à prendre l'initiative ou à intervenir dans la création d'une semblable caisse tant pour les secrétaires que pour les receveurs communaux.

J'avais émis la pensée qu'une caisse analogue à celle des instituteurs communaux pourrait être formée pour ces agents.

Il est indispensable que le gouvernement se prononce enfin à cet égard ; s'il ne croit pas qu'il ait une initiative à prendre, qu'il le déclare afin que les intéressés avisent à d'autres mesures.

Je suis toutefois d'avis que l'intervention du gouvernement ou du moins son initiative serait très nécessaire pour arriver au but désiré.

Je demande, du reste, que M. le ministre de l'intérieur veuille bien nous dire quelle suite a été donnée aux pétitions qui lui ont été renvoyées successivement et ce qu'il se propose de faire à cet égard ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cet objet n'a pas été perdu de vue par le département de l'intérieur. Une instruction a été faite, elle est maintenant arrivée à son terme. Les députations provinciales ont été consultées. Il résulte de l'enquête que sur neuf provinces sept se prononcent contre l'établissement d'une caisse spéciale pour les secrétaires communaux. Dans une province il existe une caisse à laquelle participent les secrétaires communaux ; c'est dans la Flandre occidentale.

J'avais aussi indiqué aux provinces, en même temps que les secrétaires communaux, les receveurs et même les autres employés communaux. Les provinces ont également répondu sur cette partie de l'enquête ; sept d'entre elles admettent, comme l'avait proposé le département de l'intérieur, la participation des employés communaux à la caisse générale de retraite instituée par l'Etat.

C'est dans ce sens que tout récemment, j'ai adressé une circulaire à MM. les gouverneurs, afin qu'ils engagent les secrétaires communaux et les autres employés des communes à s'associer à la caisse de retraite fondée sous la garantie de l'état. Une seule province, la Flandre occidentale, restera probablement en dehors, parce que là l'institution d'un caisse existe et produit les avantages que l'on était en droit d'en espérer.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Tournay, le 1er décembre 1851, le sieur Errembault du Maisnil demande qu'il soit pris des mesures pour atténuer le dommage que fait à sa propriété le canal de Pommerceul à Antoing .»

L'infiltration des eaux du canal de Pommerceul à Antoing nuit à la propriété du pétitionnaire, ainsi que les arbres de haute futaie et le bois taillis qui garnissent la digue et la contre-digue de ce canal.

Il demande que les arbres et le bois taillis soient abattus et défrichés, et à être autorisé d'approfondir à ses frais, pour l'écoulement des eaux, le contre-fossé qui sépare le terrain du domaine de sa propriété.

Cette demande, ayant paru à votre commission des pétitions de nature à être prise en sérieuse considération par M. le ministre des travaux publics, elle m'a chargé, messieurs, de vous en proposer le renvoi à ce haut fonctionnaire.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Saint-Géry, le 14 décembre 1851, plusieurs habitants de Saint-Géry demandent que l'instituteur communal qui n'a plus d'élèves cesse de jouir du traitement qui lui est alloué sur les fonds de l'Etat et de la commune. »

Les pétitionnaires exposent à la chambre que l'école communale n'a plus un seul élève, par suite du peu de confiance qu'inspire l'instituteur aux pères de famille ; qu'il est aussi injuste que préjudiciable aux intérêts de la commune qu'il continue à jouir du traitement qui lui est alloué par l'Etat et la commune.

Si le fait allégué par les pétitionnaires est vrai, il est urgent que le gouvernement prenne des mesures pour le faire cesser ; en conséquence, votre commission des pétitions vous propose, messieurs, le renvoi de cette requête à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Jodoigne, le 16 décembre 1851, quelques receveurs communaux dans le canton de Jodoigne demandent l'établissement d'une caisse de retraite en faveur des receveurs communaux. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Mercier. - Messieurs, une caisse de retraite a été instituée dans la Flandre occidentale ; je deminderai à M. le ministre de vouloir réclamer les statuts de cette caisse et se faire donner des explications sur la manière dont cette caisse fonctionne, afin de pouvoir les communiquer aux députations permanentes des conseils provinciaux en appelant de nouveau une sérieuse attention sur cet objet, tant en ce qui concerne les receveurs que les secrétaires communaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'attention des autres provinces a été appelée sur les statuts de l'institution de la Flandre occidentale. C'est en présence même de ces statuts que les députations ont délibéré, et toutes se sont prononcées contre l'établissement de pareilles caisses ; il a donc fallu se borner pour le moment à conseiller aux fonctionnaires dont il s'agit, par l'intermédiaire des gouverneurs, de s’associer à la caisse générale de retraite, qui, du reste, offre toute espace de garantie.

Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ixelles, le 11 décembre 1851, le sieur Mangam demande une indemnité du chef des pertes qu'il a éprouvées par la saisie du dépôt de son spécifique destiné à faire revenir les cheveux sur les têtes chauves. »

Le pétitionnaire expose à la chambre qu'il a obtenu un brevet d'invention pour 15 ans, pour un spécifique propre à faire revenir les cheveux sur les têtes chauves ;

Que, quoique breveté, le dépôt de son spécifique a été saisi le 18 octobre 1841, et ne lui a été restitué que le 28 janvier 1842 ; que, par ce fait, il a été ruiné.

Le pétitionnaire, âgé de 77 ans, s'adresse à la chambre pour qu'une indemnité lui soit allouée, en compensation des pertes qu'il a éprouvées.

Votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Tournay, le 25 novembre 1851, le sieur Vermeulen, marchand d'horloges d'Allemagne, à Tournay, prie la chambre de faire lever la défense de l'administration des contributions, de colporter et de vendre cette marchandise sur le territoire réservé de la Flandre occidentale. »

Le pétitionnaire se plaint de ne pouvoir colporter sa marchandise dans le rayon réservé, vers la frontière de France, dans la Flandre occidentale.

Les horloges en bois se fabriquent en Allemagne, le droit minime qui les frappe à l'entrée en France prouve assez qu'on n'en fabrique pas dans ce dernier pays.

On pourrait donc, sans crainte de la fraude, lever, vers certaines frontières, la prohibition de circulation de cette marchandise.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Momignies, le 9 décembre 1851, plusieurs faiseurs de bas au métier et à la paire, demeurant à Momignies et à Beauwelz, demandent exemption de l'impôt-patente auquel ils sont assujettis. »

Les pétitionnaires travaillent à façon pour des fabricants, qui leur livrent la laine et le coton apprêtés et teints, ils gagnent à peine un franc par jour, en travaillant 15 à 18 heures.

Ces malheureux ouvriers sont certainement bien plus à plaindre que la plupart des artisans qui ont été exemptés du droit de patente par la loi du 22 janvier 1819 ; ce ne peut être que par une fausse application de la loi, que ces ouvriers ont été imposés en 1850.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Hainin, le 2 décembre 1851, l'aiministration communale d'Hainin prie la chambre d'accorder au sieur Maertens la concession d'un chemin de fer de Boussu à Tournay, avec garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. »

« Même demande de l'administration communale de Boussu. »

Les pétitionnaires font valoir les avantages que leurs communes retireraient de l'exécution du chemin de fer projeté par M. Maertens ; cette nouvelle voie ferrée, on ne peut se le dissimuler, serait d'une utilité incontestable.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Basècles, le 29 novembre 1851, le conseil communal de Basècles prie la chambre d'accorder au sieur Maertens la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournay. »

Déjà, dans sa séance du 28 novembre dernier, la chambre a été saisie de pétitions ayant le même but, et en a ordonné le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

Votre commission m'a chargé, messieurs, de vous proposer également le renvoi de celle-ci à ce haut fonctionnaire.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 24 janvier 1852, le sieur Hoyois demande la concession d'un chemin de fer de Thulin à Leuze, moyennant la garantie, par l'Etat, d'un minimum d'intérêt de 3 p. c, pendant 10 ans, sur un capital de 3 millions de francs. »

Le chemin de fer projeté relierait deux des principales lignes de l'Etat, la ligne de Paris à Bruxelles, et celle de Bruxelles à Calais et traverserait une riche partie du Hainaut, dont les communications laissent encore à désirer. Il est appelé à rendre de grands services au commerce et à l'agriculture, dont la plupart des branches sont représentées enlre les deux lignes. Thulin est située dans le voisinage des nombreuses houillères du Couchant de Mons, Pommerceul a ses hauts fourneaux ; Bernissart, ses charbons ; Blaton et Basècles, leurs chaux et leurs marbres ; Peruwelz, son commerce de bonneterie, ses fabriques de sucre, d'étoffes, etc. ; beaucoup de communes avoisinantes ne sont pas moins riches en productions de toute espèce.

(page 514) Ce projet méritant toute l'attention du gouvernement, votre commission a l’honneur de vous en proposer, messieurs, le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - Par pétition datée, de Pérulwez, le 27 décembre 1851, le sieur Deflinne demande la concession d’un chemin de fer de Leuze à Peruwelz, moyennant la garantie, par l'Etat, d'un minimum d'intérêt de 4 p. c, sur un capital d'un million de francs. »

Messieurs, de même que les projets présentés par MM. Maertens et ??$, celui de M. rao, celui de M. Deflinne mérite toute l'attention du gouvernement tant par son exécution facile que par la modicité de la garantie qu'il réclame.

L'exécution de ce projet formerait la première section d'un chemin de fer de Valenciennes à Leuze qui est la ligne la plus directe pour atteindre de cette ville une partie des Flandres et Anvers. Il n'est pas douteux que si ce chemin de fer était exécuté, la compagnie du Ford s’empresserait de demander au gouvernement français l'autorisation de relier Valenciennes à Péruwelz en passant par Condé.

Ce chemin de fer formerait un affluent très considérable pour les chemins de fer de l’Etat, il les mettrait en rapport direct avec des villes et communes riches et populeuses, sans nuire à nos canaux et à nos chemins de fer existants.

Sans parler des populations du département du Nord, il mettrait en rapport avec nos chemins de fer la ville de Péruwelz qui compte 7,612 habitants et ce canton qui a une population de 22,673 habitants, plus une partie du canton de Leuze dont la population est de 22,852 habitants.

L'industrie et l'agriculture développées de la ville et du canton de Péruwelz souffrent de l'état d'isolement où elles se trouvent depuis la création des chemins de fer, c'est à juste titre qu'elles s'adressent à la législature pour obtenir qu'un chemin de fer vienne leur permettre de recevoir et expédier ses produits à bon marché.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de travaux publics.

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures.