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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 décembre 1851

(Annales parlemetaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 359) M. Vermeire rocède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« La société d’émulation d'agriculture et d'horticulture de l'arrondissement administratif de Dixmude prie la chambre de ne pas donner son assentiment aux stipulations du traité de commerce conclu avec les Pays-Bas, relatives à l'entrée du bétail hollandais, et d'appliquer à l'introduction du gros bétail, pendant la période du mois de juin au mois de novembre, le maximum du tarif. »

M. de Breyne. - Je propose le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du traité et en outre le renvoi à la commission permanente de l'industrie.

- Adopté.


« Plusieurs sauniers dans la province de Liège prient la chambre de ne pas approuver les stipulations du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, concernant l'admission en Belgique du sel de source. »

- Renvoi à la section cenlrale chargée d'examiner le traité.


« Le sieur Hoepfner, à Dresde, fait hommage à la chambre d'un exemplaire de deux ouvrages qu'il a composés sur la procédure civile. »

-Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi autorisant la perception d'un péage sur le pont établi sur la Meuse au Val-Saint-Lambert

Rapport de la section centrale

M. Lesoinne. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale quia été chargée d'examiner le projet de loi, ayant pour objet d'autoriser la compagnie du chemin de fer de Namur à Liège à percevoir un péage sur le pont du Val-Saint-Lambert.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre le met à l'ordre du jour, à la suite des objets qui y sont déjà.

Motion d’ordre

Prolongation des primes pour construction de navires

M. Sinave. - Messieurs, la loi de 1848, concernant les primes pour construction de navires, expire à la fin de ce mois. Si l'intention du gouvernement est de proposer le renouvellement de la loi, je n'ai rien à dire. S'il en était autrement, j'en appellerais à la loyauté de la chambre ; je demanderais s'il serait juste de faire payer sur les matériaux qui servent à la construction des navires des droits très élevés, qui montent de 15 à 25 p. c. Si le gouvernement ne propose pas le renouvellement de la loi, j'engagerai le gouvernement à demander la suppression des droits sur tous ces matériaux, tels que bois, mâtures, fer, acier, cuivre, toiles à voiles, cordages, houille, etc., etc. Je prie M. le ministre des affaires étrangères ele vouloir bien s'expliquer. Il faut de la justice pour tout le monde.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, la loi qui accorde des primes pour construction de navires, est une loi temporaire ; elle a été renouvelée à différentes reprises, et la dernière loi de prorogation expire, comme vient de le dire l'honorable préopinant, le ler janvier prochain.

L'honorable préopinant peut croire, que si l'intention du gouvernement avait été de renouveler cete loi, un projet serait déjà soumis à la chambre.

Nous ne croyons pas à la nécessité de renouveler cette disposition, et quant à ce qui concerne les matériaux servant à la construction des navires, cette question trouvera naturellement sa place quand le gouvernement présentera à l'examen des chambres la révision des tarifs.

M. Sinave. - Je me contenterais volontiers de la réponse de M. le ministre si la révision du tarif était prochaine ; mais d'après la déclaration faite dernièrement par M. le ministre des finances, ce n'est guère à espérer, car il a dit qu'il n'entendait nullement s'engager à fixer une époque pour la présentation d un projet de révision du tarif. Il se peut donc que cela dure encore nombre d'années. Supprimer les primes est donc décidément tuer l'industrie des constructeurs de navires. Il m'est impossible d'accepter l'argument que vient de présenter M. le ministre. Je le prie donc de vouloir bien s'entendre avee son collègue des finances pour faire les propositions de réduction de tarif le plus tôt possible.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour ne pas laisser passer une inexactitude, je ferai remarquer que j'ai refuse de prendre l'ingagement de présenter dans le cours de la session actuelle le projet de révision de tarif ; c’est ainsi que la question avait été posée. J’ai dit qu’il était impossible qu’une question si grave, si importante, si compliquée fût examinée convenablement dans un si court espace de temps. Maïs d'après mes appréciations, il est probable que dans le cours de la prochaine session la chambre pourra être saisie d'un projet de loi sur cet objet.

M. Loos. - Je demande la parole pour appuyer les observations de M. Sinave. Je crois à la sincérité des promesses de M. le ministre des affiires étrangères en ce qui concerne la réduction des droits sur les matériaux propres à la construction des navires. Mais cette modification de tarif doit être présentée dans un temps peut-êre éloigné, tandis que les traités de commerce qui sont soumis à la chambre et qui sont à la veille d'être discutés, enlèvent à la navigation la protection dont elle jouit et qu'on a entendu lui donner pour maintenir la concurrence entre notre marine et la marine étrangère.

La loi accordant des primes pour la construction des navires étant sur le point d'expirer, c'était le moment de proposer l'abaissement des droits qui pèsent sur les matériaux servant à la construction des navires. Je croyais trouver des modifications de cette nature dans le projet de loi déposé hier par.M. le minisire des finances, mais rien de semblable n'est proposé.

C'était pourtant un complément naturel aux mesures qui résultent des traités avec l'Angleterre et les Pays-Bas. Notre navigation, si elle n'est pas placée, quant aux matériaux qu'elle emploie, sur un pied d'égalité avec la navigation étrangère, ne pourra pas soutenir la concurrence. Je ne suis pas partisan des primes, je n'en demande pas le maintien, mais avec M. Sinave je demanderai que tous les matériaux paissent nous arriver aux conditions les moins onéreuses afin qua la marine marchande belge puisse continuer à lutter avec la marine marchande étrangère.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme vous pouvez le remarquer, on peut, au nom de toutes les industries, tenir le même langage que l'honorable dépulé d'Anvers. Il n'y a pas plus de raison pour aborder isolément la question qu'il soulève que toute autre.

La question des primes est indépendante de la tarification des objets nécessaires à la construction des navires ; cette tarification a existé alors qu'il n'y avait pas de primes pour les constructions navales ; c'est ultérieurement qu'on a greffé ces primes sur le système général du tarif. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu d'unir ces deux questions, sauf aux honorables membres qui le jugeraient convenable à déposer une proposition quant au tarif.

M. Rodenbach. - M. le ministre vient de dire que l'on construisait des navires bien qu'il n'y eût pas de primes ; et il en conclut sans doute que nos ouvriers constructeurs pourront continuer à travailler malgré la suppression des primes. Il me semble, messieurs, que cette conséquence n'est pas juste : à l'époque où il n'existait pas de primes, on ne favorisait pas la nationalisation des navires étrangers ; tandis que maintenant ces navires sont nationalisés pour une somme très modique. Ainsi, d'un côté on nationalise pour très peu de chose les navires étrangers, et, d'un autre côté, vous ne voulez pas accorder une réduction de droits sur les matériaux nécessaires à la construction des navires. C'est donc déclarer qu'on ne veut pas qu'en Belgique on construise des navires ; c'est causer un préjudice réel aux ouvriers qui s'occupent de cette industrie, particulièrement dans les ports de Bruges et d'Anvers. En un mot, annoncer qu'on se propose d'attendre la tarification pour s'occuper de cet objet, c'est se déclarer contre la main-d'œuvre des ouvriers qui doivent leur existence à l'industrie de la construction des navires.

M. Loos. - Jusqu'aujourd'hui la construction des navires a joui de primes, et, en outre, cette industrie a profité de la protection des droits différentiels. Ces deux avantages vont donc lui être enlevés à la fois, l'un par l'expiration de la loi, l'autre probablement par l'acceptation des traités. Il suffit de signaler ce fait pour que chacun de vous, messieurs, puisse apprécier la perturbation déplorable que cette industrie va éprouver. Aussi, je suis de l'avis de l'honorable M. Rodenbach qu'on sera, en Belgique, dans l'impossibilité de construire encore des navires.

La Hollande, qui vient d'entrer dans un système plus libéral en fait de commerce, a commencé par réformer son tarif de douanes, afin de mettre les matières premières nécessaires à la construction des navires, mieux à la portée des constructeurs ; on a aboli les droits qui frappaient ces matières et l'on a donné ainsi à ces industriels la possibilité de concourir avec les constructeurs étrangers.

Ici, au contraire, on abolit toutes les protections ; les primes pour construction de navires et les droits différentiels qui favorisaient le pavillon belge. Que restera-t-il à cette industrie ? Evidemment, elle sera condamnée, si on ne la met pas à même, par une réduction du tarif de douane, d'obtenir à de meilleures conditions les matériaux nécessaires à la construction des navires.

J'insiste donc pour que, en même temps qu'on discutera les modifications que M. le ministre des finances a cru devoir proposer hier au tarif des douanes, on accorde un degrèvement de droiis sur tous les matériaux employés pour cette construction.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). Il me semble que l'honorable M. Loos a, tant soit peu, anticipé la discussion du traité du 20 septembre ; il a dit qu’en vertu des traités, la navigation belge serait privée de toute protection. Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’en verti des traités, la navigation belge conserve encore une protection des trois quarts à peu près de nos droits différentiels ; nous ne supprimons que trente-cinq articles des moins (page 360) importants, et nous conservons ceux pour lesquels le pavillon belge jouit d'une protection efficace. Ainsi, sous ce rapport, l'observation de l'honorable M. Loos n'est point fondée.

En second lieu, la construction des navires en Belgique conserve une autre protection, c'est celle relative au droit qui pèse sur la nationalisation des navires étrangers, droit qui équivaut avec les centimes additionnels à 12 ou 13 p. c. Ainsi, la construction des navires dans ce pays jouit encore de la protection que lui accorde le système des droits différentiels ; et, en second lieu, des droits protecteurs en ce qui concerne la nationalisation.

Ensuite, messieurs, les constructeurs qui ont fait leur déclaration dans les six premiers mois de l'année courante ont encore droit à la prime. Je serai même obligé, dans le courant de la session, de demander à la chambre un crédit supplémentaire pour payer ces primes.

Vous savez, messieurs, que les primes pour construction de navires, exigeaient en dernier lieu du trésor des sacrifices considérables. Il est bon aussi d'examiner ce côté de la question. Ces primes se sont élevées à plus de cent mille francs pendant le courant de l'année précédente. Fallait-il continuer pour une industrie un sacrifice qui va jusqu'à plus de 100.000 fr. par an ? J'appelle aussi l'attention de la chambre sur ce côté de la question.

Je crois, comme l'a dit mon honorable collègue M. le ministre des finances, que la question des matériaux pour construction de navires ne peut trouver sa place que quand il s'agira de l'examen du tarif général, parce que les objets qui sont employés dans cette construction sont précisément les produits de nos principales industries.

Je crois d'ailleurs que ce retard d'une année ne sera pas préjudiciable, puisque ceux qui ont fait leur déclaration dans les six premiers mois de l'année actuelle, jouiront encore de la prime.

M. Manilius. - Je viens appuyer, et j'éprouve un véritable plaisir à pouvoir le faire, l'insistance que fait l'honorable M. Loos pour le maintien de la protection sur la construction des navires. C'est une bonne note pour tous ceux qui aiment à conserver la protection ou pour tous ceux qui craignent de la voir disparaître, sans une raisonnable compensation.

Mais si j'applaudis aux observations qui ont été présentées de ce chef, je dois m'opposer formellement aux instances qu'ont faites les honorables préopinants pour obtenir promptement du gouvernement la révision de notre tarif. Je ferai une invitation tout opposé au gouvernement. Je demande à M. le ministre des finances, à M. le ministre des affaires étrangères et à M. le ministre des finances dont le concours est nécessaire pour résoudre cette question, que l'examen du tarif soit fait avec la plus grande prudence, la plus grande maturité et partant la plus grande lenteur. Car je crains que du moment où vous toucherez à cette arche sainte, vous ne troubliez le pays dans ses fondements, autrement solides cependant que ceux des navires en construction.

Projet de loi sur l’expropriation forcée

Second vote des articles

Article 2

M. le président. - Le premier article amendé est l'article 2.

Art. 2 (2265 du Code civ.). Si le débiteur est en état d'indivision, quant à ces biens, sa part ne peut être saisie par ses créanciers personnels avant le partage ou la licitation qu'ils peuvent provoquer s'ils le jugent convenable, ou dans lesquels ils ont le droit d'intervenir conformément à l'article 882 du Code civil.

« En cas de licitation ou de partage, le droit du créancier qui a hypothèque sur une part indivise du débiteur se reportera sur sa part du débiteur dans le prix ou soulte. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Je propose, de concert avec le gouvernement, de remplacer le paragraphe 2 de notre article par les dispositions suivantes :

« En cas de licitation, le droit du créancier qui a hypothèque sur une part indivise, se reportera sur la part du débiteur dans le prix, si l'adjudication a été consentie au profit d'un étranger.

« Lorsque l'adjudication aura été consentie au profit d'un des copropriétaires ou en cas de partage avec soulte, les sommes que le colicitant ou le copartageant sera tenu de payer en vertu de la licitation ou du partage, seront affectées au paiement des créances privilégiées ou hypothécaires qui perdraient ce caractère par suite de l'un ou de l'autre de ces actes, et ce d'après le rang que ces créances avaient au moment la licitation de ou du partage. »

D'après cette rédaction, le principe de l'article 883 du Code civil est respecté, et c'est seulement sur les sommes qui, en résultai définitif, doivent être payées par le copartageant ou le colicitant que le créancier hypothécaire peut exercer des droits ; de sorte que l'on n'altère pas les principes fondamentaux en matière de partage ou de licitation. En conséquence, si le copropriétaire qui s'est rendu adjudicataire ne devait rien payer, soit par suite des rapports incombant à son cohéritier ou copartageant, soit par tout autre motif legal, le créancier hypothécaire n'aura rien à prétendre. En un mot, on ne fait qu'attribuer au créancier hypothécaire ce qui, en bonne justice, ne peut être remis à son débiteur au détriment de sa créance.

- L'article 2 est définitivement adopté avec la rédaction proposée par M. Lelièvre.

Article 4

M. Lelièvre, rapporteur. - Je prierai la chambre d'introduire un changement dans l'article 4. A la fin du deuxième paragraphe au lieu de : « peut se faire autoriser en justice pour ester en jugement », je propose de dire ; « peut se faire autoriser à ester en justice ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'appuie cette modification.

- La proposition de M. Lelièvre est mise aux voix et adopté.

Articles 5 et 7

M. Lelièvre, rapporteur. - Je demanderai également un changement à l'article 5. Le premier paragraphe devrait être rédigé ainsi :

« Le créancier ne peut commencer les poursuites en expropriation des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués. »

Cette rédaction a pour but d'établir d'une manière indubitable que c'est la poursuite elle-même qui est prohibée et non pas seulement la vente.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'appuie cette rédaction.

- La proposition de M. Lelièvre est adoptée.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans l'article 7 il faudrait supprimer le mot : « aussi ».

- Cette proposition est adoptée.

Article 9

« Art. 9 Le créancier qui voudra user de la faculté accordée par les articles 5 et 7, présentera requête au président du tribunal de la situation de la partie des biens qui présentent le plus de valeur d'après l'estimation faite conformément à l'article précédent.

« Il y joindra :

« 1° Soit copie en forme, entière ou par extrait, des baux authentiques, ou les originaux des baux sous seing privé ayant date certaine, ou bien l'extrait du registre du receveur de l'enregistrement relativement à ces différents baux, ou copie, également en forme, de l'extrait de la matrice cadastrale, soit enfin tous autres documents établissant la valeur locative ou vénale des biens à saisir ;

« 2° L'extrait des inscriptions prises sur le débiteur dans les divers arrondissements dans lesquels les biens sont situés, ou le certificat qu'il n'en existe aucune.

« La requête sera communiquée au ministère public et suivie d'une ordonnance portant, s'il y a lieu, permission de faire la saisie de tous les biens situés dans les arrondissements y désignés.

« Cette ordonnance ne sera susceptible d'aucun recours. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Au premier paragraphe, au lieu de : « partie des biens qui présentent le plus de valeur, » je proposerai de dire : « partie des biens ayant le plus de valeur. »

- L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.

Article 11

M. Lelièvre, rapporteur. - Je proposerai une addition à l'article 11. Cet article est ainsi conçu :

« Le créancier ayant un titre exécutoire non hypothécaire, pourra commencer l'expropriation dans plusieurs arrondissements, et la suivre jusqu'à la transcription de la saisie inclusivement. Mais, après l'accomplissement de cette formalité, il ne pourra continuer la poursuite que dans un seul arrondissement, à moins qu'il n'obtienne, selon les règles et les formes établies par les articles précédents, la permission de continuer dans plusieurs arrondissements. »

Il faudrait ajouter :

« Sans préjudice à ce qui est établi par l'article 6. »

Le but de cette phrase additionnelle est d'établir que, même dans le cas de notre article, l'expropriation simultanée peut toujours être poursuivie, lorsque les immeubles situés dans différents arrondissements, font partie d'une seule et même exploitation. Cela résultait déjà de la combinaison des dispositions des articles 6 et 11, mais nous voulons qu'il soit bien entendu que l'exception énoncée en l'article 6 doit être suivie, même dans le cas de la disposition que nous discutons.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'article 6 déclare que le créancier hypothécaire ne peut poursuivre que successivement l'expropriation forcée des biens situés dans différents arrondissements, à moins qu'ils ne fassent partie d'une seule et même exploitation.

Dans l'intention du gouvernement et de la commission, cette disposition est applicable au créancier chirographaire dont nous nous occupons plus spécialement à l'article 11. Comme cette disposition n'est pas répétée à l'article 11, on pourrait peut-être soutenir que l'article 6 n'est pas applicable. C'ebt pour cela que nous proposons de mettre à la fin de l'article 11 ces mots : « sans préjudice des dispositions de l'article 6. »

- L'article 11, ainsi amendé est adopté.

Article 17

« Art. 17 (673 du Code de procédure civile). La saisie immobilière sera précédée d'un commandement à personne ou au domicile réel ou élu dans le titre de la créance. Le commandement sera signifié dans la forme prescrite pour les exploits d'ajournement.

« En tête de ce commandement, il sera donne copie entière du titre en vertu duquel il est fait, si ce titre n'a déjà été signifié au débiteur, dans les trois années qui précèdent le commandement.

« Le commandement contiendra élection de domicile dans le lieu où siège le tribunal qui devra connaître de la saisie, et le débiteur pourra faire à ce domicile élu toutes significations, même d'opposition au commandement, d'offres réelles et d'appel.

« Le commandement énoncera que, faute de payement, il sera procédé à la saisie des immeubles du débiteur. L'huissier ne se fera pas assister de témoins. Il fera, dans les deux jours, viser l'original par le bourgmestre du lieu où le commandement sera signifié.

M. Lelièvre. - Au lieu de : « le commandement sera signifié dans (page 361) la forme prescrite par les exploits d'ajournement, » je propose de dire : « d'après le mode prescrit pour les exploits d'ajournement. » Cette énonciation est plus exacte que celle admise au premier vote. Je propose, en outre, de rédiger la dernière phrase du paragraphe final en ces termes : « Il fera, dans les deux jours, viser l'original par le bourgmestre du lieu où le commandement a été signifié. A défaut du bourgmestre, le visa sera apposé par l'un des échevins, et à défaut de ceux-ci, par l'un des conseillers communaux. » Cette disposition est plus claire et prévient toute difficulté à laquelle le visa peut donner lieu.

- L'article, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 20

« Art. 20 (675 du Code de procédure civile). Outre les formalités communes à tous les exploits, le procès-verbal de saisie contiendra :

« 1° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est faite ;

« 2° La mention du transport de l'huissier sur les biens saisis ;

« 3° L'indication des biens saisis, savoir : si c'est une maison, l'arrondissement, la commune, la rue, le numéro, s'il y en a, et, dans le cas contraire, deux au moins des tenants et aboutissants ; si ce sont des biens ruraux, la désignation des bâtiments, quand il y en aura, la nature et la contenance approximative de chaque pièce, l'arrondissement et la commune où les biens sont situés ;

« 4° La copie de la matrice cadastrale pour les immeubles saisis ;

« 5° L'indication du tribunal où la saisie sera portée ;

« 6° Constitution d'un avoué chez lequel le domicile du poursuivant sera élu de droit, et où pourront être faites toutes significations énoncées à l’article 17. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il faut ajoute l'article « les » avant le mot « significations » dans le dernier paragraphe.

- L'article, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 21

« Art. 21 (681 du Code de procéd. civ.). La saisie immobilière sera dénoncée au saisi dans les quinze jours qui suivront celui de la clôture du procès-verbal de la saisie, outre un jour par cinq myriamètres de distance entre le domicile du saisi et le lieu où siège le tribunal qui doit connaître de la saisie. - L'original sera visé dans les vingt-quatre heures par le bourgmestre. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme conséquence de l'article 17, je propose de substituer dans le dernier paragraphe, les mots : « conformément à l'article 17, » aux mots : « par le bourgmestre. »

- L'article 21, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 23

« Art. 23 (678 du Code de procédure civile). Si le conservateur ne peut procéder à la transcription à l'instant où elle est requise, il fera mention sur les exploits originaux, qui lui seront laissés, du jour et de l'heure où la remise lui en aura été faite. En cas de concurrence, la première saisie présentée sera seule transcrite.

« La transcription sera faite par le conservateur des hypothèques, sous peine de tous dommages-intérêts, au plus tard dans la huitaine de la remise des exploits de saisie et de dénonciation.

« Néanmoins la transcription prendra date du jour de la remise de ces exploits. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Au lieu de : « la première saisie », je propose d'énoncer : « la saisie présentée en premier lieu. »

- L'article, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 25

« Art. 25 (688 du Code de procédure civile). Si les immeubles saisis ne sont pas loués ou affermés, le saisi restera en possession jusqu'à la vente, comme séquestre judiciaire, à moins que, sur la demande d'un ou plusieurs des créanciers, il n'en soit autrement ordonné par le président du tribunal dans la forme des ordonnances sur référé.

« Ces créanciers pourront, néanmoins, après y avoir été autorisés par ordonnance du président, rendue dans la même forme, faire procéder à la coupe et à la vente en tout ou partie des fruits pendants par racines.

« Les fruits seront vendus aux enchères ou de toute autre manière autorisée par le président, dans le délai qu'il aura fixé, et le prix sera déposé dans la caisse des dépôts et consignations. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Dans le deuxième paragraphe, au lieu des mots : « en tout ou partie, » je propose de dire : « en tout ou en partie. »

- L'article 25, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 26

« Art. 26 (689 Code de procédure civile). Les fruits naturels et industriels recueillis par le saisi postérieurement à la dénonciation de la saisie ou le prix qui en proviendra, seront immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble par ordre d'hypothèque. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Le mot « hypothèque » doit être mis au pluriel.

- L'article 26, ainsi amendé, est adopté définitivement.

Article 29

« Art. 29 (691 Code de procédure civile). Les loyers et fermages seront immobilisés à partir de la dénonciation de la saisie, pour être distribués, avec le prix de l'immeuble, par ordre d'hypothèque. Un simple acte d'opposition, à la requête du poursuivant ou de tout autre créancier, vaudra saisie-arrêt entre les mains des fermiers et locataires qui seront tenus de déclarer, soit sur cet acte, soit par exploit séparé, le montant de leurs loyers et fermages échus et à échoir, et ne pourront se libérer qu'en exécution de mandements de collocation, ou par le versement des loyers et fermages à la caisse des consignations. Ils devront opérer ce versement à la première réquisition.

« A défaut d'opposition, les payements faits au saisi seront valables, et celui-ci sera comptable, comme séquestre judiciaire, des sommes qu'il aura reçues. »

M. Lelièvre. - Il faut mettre le mot « hypothèque » au pluriel. En outre, il est bien entendu que la phrase « en exécution de mandements de collocation » ne doit pas être prise dans un sens restreint. Les locataires et fermiers devrauent se libérer même par suite d’ordre amiable qui règlerait les droits des créanciers. En conséquence, tout acte, soit amiable, soit judiciaire, qui règle les droits des intéressés oblige les débiteurs à payer le montant de ce qu’ils doivent.

- L'article 29, avec la modification proposée par M. Lelièvre, est adoptée.

Article 31

« Art. 31 (693 Code de procédure civile). Néanmoins, l'aliénation ainsi faite aura son exécution si, avant le jour fixé pour l'adjudication, l'acquéreur consigne somme suffisante pour acquitter en principal, intérêls et frais, ce qui est dû aux créanciers inscrits, ainsi qu'au saisissant, et s'il leur signifie l'acte de consignation.

« Si les deniers ainsi déposés ont été empruntés, les prêteurs n'auront d'hypothèque que postérieurement aux créanciers inscrits lors de l'aliénation. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je propose de substituer aux mots : « Ce qui est du aux créanciers inscrits ainsi qu'au saisissant », ceux-ci : « les sommes exigibles dus aux créanciers inscrits, ainsi au saisissant. » Ce changement a pour but de mettre la disposition en rapport avec l'article 113 de la loi sur le régime hypothécaire.

- L'article 31, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 35

« Art. 35 (714 Code de procédure civile). Dans la quinzaine du dépôt au greffe, outre un jour par cinq myriamètres de distance entre le domicile du saisi et le lieu où siège le tribunal, assignation sera donnée au saisi à personne ou domicile, à l'effet de comparaître devant le tribunal, dans les délais déterminés par l'article 72 du Code de procédure, pour entendre statuer sur la validité de la saisie et sur le mérite des dires et observations concernant le cahier des charges, et nommer le notaire qui procédera à la vente. L'affaire sera instruite et jugée comme sommaire et urgente.

« En cas de non-comparution d'un ou plusieurs défendeurs, il ne sera pas pris défaut de jonction et les défaillants ne devront pas être réassignés.

« Si la saisie est déclarée valable, le jugement ordonnera au saisi de délaisser l'immeuble sur la signification qui lui sera faite du procès-verbal de l'adjudication définitive, sous peine d'y être contraint même par corps. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Au lieu des expressions : « dans les délais déterminés par l'article 72 du Code de procédure, » je propose de dire : « dans les délais déterminés par les articles 72 et 1035 du Code de procédure. » Le but de mon amendement est de décréter que le délai de huitaine établi par l'article 72 du Code de procédure sera augmenté des délais pour la distance. Cela est nécessaire afin que le saisi défendeur à la poursuite ait le terme nécessaire pour se présenter en justice.

- L'article, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Article 34

« Art. 34 (697 Code de procédure civile). Dans les quinze jours au plus tard après la transcription, le poursuivant déposera au greffe du tribunal le cahier des charges contenant :

« 1° L'énonciation du titre en vertu duquel la saisie a été faite, du commandement, du procès-verbal de saisie et des actes, jugements et ordonnances intervenus postérieuremeut ;

« 2° La désignation des objets saisis telle qu'elle a été insérée dans le procès-verbal ;

« 3° Les conditions de la vente. »

- Adopté.

Article 36

« Art. 36. Dans le même délai de quinzaine, sommation sera faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus dans les inscriptions, de prendre communication du cahier des charges, d'y contredire, s'il y échoit, et d'intervenir, s'ils le trouvent convenable, sur la demande dirigée contre le saisi, conformément à l'article qui précède. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. Si parmi les créanciers inscrits se trouve un vendeur de l'immeuble saisi, ayant à la fois le privilège et l'action résolutoire, il aura quinze jours, à partir de la sommation à lui faite en vertu de l'article précédent, pour opter entre ces deux droits, sous peine d'être déchu de l'action en résolution, et de ne pouvoir plus réclamer que son privilège.

« S'il opte pour la résolution du contrat, il devra, à peine de déchéance, le notifier au greffe du tribunal devant lequel se poursuit la saisie.

« La notification devra être faite dans le délai ci-dessus fixé, et suivie dans les dix jours de la demande en résolution.

« A partir du jour où le vendeur aura opté pour l'action en résolution, la poursuite en expropriation sera suspendue et ne pourra être reprise qu'après la renonciation, de la part du vendeur, à l'action résolutoire ou après le rejet de cette demande.

« Le poursuivant et les créanciers inscrits pourront intervenir dans l'instance en résolution.

« Les dispositions qui précèdent sont applicables au copermutant et au donateur. »

- Adopté.

Article 39

« Art. 39. Le jugement qui statue sur la validité de la saisie sera rendu dans les vingt jours à compter de l'expiration du délai de comparution. Dans le cas prévu par l'article 37, le tribunal, avant de statuer, attendra (page 362) l’expiration des délais accordés par cet article pour l’exercice de la demande en résolution.

« Si cette demande n’est pas formée, le tribunal statuera dans les 35 jours, à compter de l’expiration du délai de comparution, et dans les 45 jours à l’expiration du même délau, si la demande en résolution, après avoir été notifiée au greffe, n’est pas suivie d’assignation dans le délai prescrit.

« Il statuera sur les moyens de nullité, s'il en a été proposé, conformément à l'article 74 de la présente loi.

« Le jugement sera porté à la feuille d'audience ; il ne sera signifié qu'aux avoués des parties qui auront élevé des contestations, et ne sera pas susceptible d'opposition de la part des défaillants.

- Adopté.

Article 41

« Art. 41. Le cahier des charges déposé au greffe et l'expédition du jugement ou de l'arrêt seront remis au notaire chargé de la vente, laquelle devra avoir lieu trente jours au plus tôt et soixante jours au plus lard après la date du jugement ou de l'arrêt.

« En cas d'empêchement du notaire, le président du tribunal pourvoira à son remplacement par une ordonnance sur requête, laquelle ne sera susceptible ni d'opposition ni d'appel. »

- Adopté.

Article 42

« Art. 42 (684 Code de procédure civile). En exécution du jugement rendu conformément à l'article 39, le notaire commis dressera le placard annonçant la vente et contenant la date du jugement qui ordonne d'y procéder, la contenance, la désignation précise de la nature et de la situation des biens saisis, ainsi que le jour, l'heure et le lieu auxquels la vente sera faite.

« Des exemplaires de ce placard, imprimés sur timbre d'affiches, seront apposés au moins quinze jours avant l'adjudication :

« 1° A la principale porte des édifices saisis ;

« 2° A la principale porte de l'église et de la maison communale de la situation des biens ;

« 3° A la porte de l'auditoire du tribunal civil.

« 4° A la porte de l'auditoire du juge de paix de la situation des biens ;

« 5° A celle du notaire qui doit procéder à la vente.

« Dans le même délai, extrait de ce placard sera inséré dans deux des principaux journaux de l'arrondissement, et, s'il n'y en a pas, dans deux des principaux journaux de la province.

« L'insertion sera réitérée deux fois au moins dans les quinze jours qui précéderont l'adjudication.

« L'apposition des placards et l'insertion dans les journaux auront lieu, à la requête du saisissant, à la diligence du notaire et sous la responsabilité de ce dernier. »

M. Lelièvre. - Je propose de rédiger en ces termes le premier paragraphe de notre article : « dressera le placard annonçant la vente et contenant la date du jugement qui ordonne d'y procéder, la désignation précise de la nature et de la situation des biens saisis, leur contenance d'après le cadastre, ainsi que le jour, l'heure et le lieu auxquels la vente sera faite. »

Au n 4 au lieu de : « à la porte de l'auditoire du juge de paix de la situation des biens, » je propose de dire : « 4° à la porte de l'auditoire du juge de paix en présence duquel la vente doit avoir lieu. »

Enfin je propose de rédiger le paragraphe 8 en ces termes :

« Dans le même délai, extrait de ce placard sera inséré dans un des journaux qui se publient au chef-lieu de l'arrondissement, s'il y en a, et dans un des journaux publiés au chef-lieu de la province. »

La disposition sera plus claire et elle est du reste modelée sur la nouvelle loi hypothécaire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cette modification est proposée d'accord avec le gouvernement.

- L'article 42 est adopté, avec la modification proposée par M. Lelièvre.

Article 45

« Art. 45. Les frais de poursuite, y compris ceux des placards et insertions dans les journaux, seront taxés par le président ou l'un des juges du tribunal civil, et il ne pourra rien être exigé au-delà de la taxe.

« Le montant de la taxe sera publiquement annoncé avant l'ouverture des enchères, et cette annonce sera mentionnée dans le procès-verbal d'adjudication, sous peine de tous dommages-intérêts et même de poursuite disciplinaire contre le notaire. »

- Adopté.

Article 56

Art. 56 (713 du Code de procédure civile). Le notaire ne pourra, à peine de nullité de l'adjudication ou de la surenchère et de tous dommages-intérêts, recevoir comme surenchérisseurs :

« 1° Les juges qui sont intervenus aux jugements rendus sur la poursuite en expropriation, les officiers du ministère public qui ont donné des conclusions pour ces jugements, et le juge de paix qui assiste à la vente ;

« 2° Le saisi ;

« 3° L'époux du saisi ;

« 4° Le tuteur ou curateur du saisi ;

« 5° L'avoué du poursuivant, en son nom personnel ;

« 6° Les personnes notoirement insolvables.

« Néanmoins, la personne designée sous le n°5 pourra enchérir ou se rendre adjudicataire, si elle a une créance inscrite sur l'immeuble ou une créance chirographaire en vertu d'un titre exécutoire antérieur à la saisie.

« Le notaire pourra, dans tous les cas, requérir caution de l'adjudicataire.

M. Lelièvre. - Messieurs, je propose la disposiiton additionnelle suivante :

« Si la caution n'a pas été exigée lors de la vente, le tribunal sur la demande de l'un des créanciers inscrits ou même du saisi, pourra, selon les circonstances, ordonner que caution sera fournie par l'adjudicataire jusqu'à concurrence de la somme qui sera déterminée par le jugement. »

Mon but est de combler une lacune que présente le projet de loi. On conçoit, en effet, que souvent l'on n'exige pas caution au moment de la vente, parce qu'à cette époque l'adjudicataire présente toute sécurité. Mais cet état de choses peut changer et la position de l'acquéreur devenir périclitante. D'un autre côté, des causes nouvelles justifiant une demande de caution, peuvent rendre cette mesure tout à fait nécessaire.

Il est donc essentiel d'introduire une disposition sauvegardant les intérêts des créanciers et du saisi, les tribunaux apprécieront les faits et circonstances et pourront contraindre l'adjudicataire à fournir caution, moyen qui est souvent indispensable pour ne pas sacrifier les droits des intéressés. L'expérience a du reste souvent révélé la nécessité de la mesure que je propose, et ce sont les faits observés qui démontrent l'utilité de ma proposition.

- L'article 56 est adopté, avec la modification proposée.

Article 61

« Art. 61. L'adjudication ne sera signifiée qu'à la partie saisie ; cette signification sera faite à personne ou domicile et par extrait seulement.

« L'extrait contiendra les noms, prénoms, professions et domiciles du saisissant, de la partie saisie et de l'adjudicataire, le jour de l'adjudication, le prix pour lequel elle a été faite et le nom du notaire qui l’a reçue.

« Les demandes en nullité de l'adjudication seront formées, à peine de déchéance, dans les quinze jours de la signification dont il vient d'être parlé. Elles ne suspendent point l'exécution du jugement énoncé au paragraphe 3 de l'article 35.

« L'adjudicataire sera tenu de faire transcrire au bureau des hypothèques le titre dont il s'agit à l'article 57, et le conservateur devra faire mention sommaire de l'adjudication en marge de la transcription de la saisie. »

M. Lelièvre. - Messieurs, je crois devoir parler d'une question que soulèvera nécessairement le projet en discussion.

En France, l'on décide que l'adjudication sur expropriation forcée purge de plein droit toutes les hypothèques tant inscrites que celles qui doivent l'être. Comme nous l'avons exposé dans le premier rapport, ce principe n'est pas admis par la loi nouvelle qui permet l'inscription des privilèges et hypothèques jusqu'au moment de la transcription du titre d'acquisition (article 59 et 61, paragraphe 4 du projet).

Il doit en être ainsi d'après le principe écrit dans l'article premier de la loi hjpothécaire, principe général qui ne comporte aucune exception. La disposition dont il s'agit a introduit un système nouveau qui n'a plus rien de commun avec le régime antérieur. Le rapport du sénat sur l'article premier de la loi de révision en question ne laisse aucun doute sur l'intention du législateur de soumettre aux prescriptions de cet article le jugement d'adjudication, jugement qui constitue le titre de l'adjudicataire. Le paragraphe 2 de cet article premier est du reste clair et précis sur ce point ; par suite pour être conséquents, nous devons nécessairement admettre que la transcription de l'acte d'adjudication purge seule les hypothèques antérieures, et il doit en être ainsi à plus forte raison lorsqu'il s'agit du titre d'acquisition résultant de l'acte reçu par le notaire devant lequel la vente a dû se faire.

- L'article 61 est adopté.

Article 62

« Art. 62. L'adjudication ne transmet à l'adjudicataire d'autres droits à la propriété que ceux qui appartiennent au saisi.

« Néanmoins, l'adjudicataire ne pourra être troublé par aucune demande en résolution qui n'aurait pas été intentée conformément à l'article 57, ou jugée avant l'adjudication. »

M. Lelièvre. - Messieurs, l'art. 62 fait naître une question qui été résolue récemment par la cour de Bordeaux. Celle-ci a décidé que l'article 717 du Code de procédure civile (loi française de 1841), décrétant une disposition analogue à celle de l'article 62 du projet, ne s'applique qu'au cas d'une demande en résolution proprement dite, et non au cas d'une poursuite de folle enchère, formée contre le saisi par le précédent propriétaire.

Cette solution ne peut recevoir mon assentimeut ; la folle enchère est en réalité une véritable résolution, elle en a tous les effets, toute la portée et dès lors elle tombe sous le coup de l'article. 62.

D'ailleurs les motifs sur lesquels est fondée cette dernière disposition et qui ont pour objet d'assurer la solidité de l'adjudication, sont applicables à la folle enchère comme à la résolution proprement dile. La folle enchère n'est d'ailleurs qu'un mode spécial de résiliation et dès lors non seulement l'esprit, mais la lettre du projet repousse l'interprétation restrictive consacrée par l'arrêt de Bordeaux.

J'ai soumis ces observations, dans le but de démontrer quelle est la portée de l'article en discussion.

- L'article 62 est adopté.

Article 70

« Art. 70 (727 Code procédure civile) La demande en distraction de tout ou partie des objets saisis sera formée tant contre le saisissant que contre la partie saisie. Elle sera aussi formée, au domicile élu dans l’inscription, contre le créancier premier inscrit, et, si celui-ci est le poursuivant, contre le créancier dont l'inscription suit immédiatement.

« Si le saisi n’a pas constitué avoué dans la poursuite, le délai prescrit pour la comparution sera augmenté d'un jour par cinq myriamètres de distance entre son domicile et le lieu où siège le tribunal, sans que ce délai puisse être augmenté à l'égard de la partie qui serait domiciliée hors du territoire de la Belgique.

« Il ne sera pas pris défaut de jonction, et les défaillants ne devront pas être réassignés. ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je propose au dernier paragraphe de dire « ne seront » pas au lieu de : « ne devront » pas être réassignés.

- L'article 70 est adoplé avec cette modification.

Article 74

« Art. 74 (733 Code procédure civile). Les moyens de nullité ou de péremption contre la procédure qui précède le jugement de validité de la saisie devront être proposés, à peine de déchéance, avant la clôture des débats sur la demande en validité.

« S'ils sont admis, la poursuite pourra être reprise à partir du dernier acte valable, et les délais pour accomplir les actes suivants courront à dater du jugement ou arrêt qui aura définitivement prononcé sur la nullité. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Au lieu de : « du jugement ou arrêt », il faut dire « ou de l'arrêt ».

- L'article 74 est adopté avec ce changement.

Article 75

« Art. 75. Les moyens de nullité ou de péremption contre la procédure postérieure au jugement de validité seront proposés, sous la même peine de déchéance, au plus tard dix jours avant l'adjudication.

« La demande sera signifiée par extrait au notaire commis ; elle sera notifiée à l'avoué du poursuivant avec avenir pour la première audience. Il y sera statué avant le jour de l'adjudication, toutes affaires cessantes.

« Si les moyens sont admis, le tribunal annulera la procédure à partir du jugement de validité et en autorisera la reprise à partir de ce jugement.

« S'ils sont rejetés, il sera passé outre aux enchères ou à l'adjudication, sans qu'il soit besoin de signifier le jugement. Le jugement sera prononcé dans la huitaine. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je propose de supprimer le dernier paragraphe.

- L'article 75 est adopté avec ce retranchement.

Article 76

« Art. 76. Si, postérieurement au jugement qui ordonne la vente, il s'élève des difficultés d'exécution entre les parties, il y sera statué par le juge de référé.

- Cet article est adopté avec la suppression admise au premier vote.

Article 102

« Art. 102 (832 du Code de procédure civile). La réquisition prescrite par l'article 2185 du Code civil (115 de la loi de réforme hypothécaire) contiendra constitution d'avoué près le tribunal où la surenchère et l’ordre devront être portés.

« L'acte de réquisition de mise aux enchères contiendra,à peine de nullité de la surenchère, l'offre de la caution avec assignation à trois jours devant le même tribunal pour la réception de cette caution, à laquelle il sera procède comme en matière sommaire et urgente.

« Il ne sera pas pris défaut de jonction, et les défaillants ne devront pas être réassignés. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La loi hypothécaire étant promulguée, je propose de dire seulement « par l'article 115 de la loi de réforme hypothécaire » et de supprimer la mention de l'article 2185 du Code civil.

Je propose, en outre, au dernier paragraphe de dire « ne seront pas » au lieu de : « ne devront pas être » réassignés.

- L'article 102 est adopté avec les modifications proposées.

Article 105

« Art. 105. Ne seront point soumises à la surenchère les ventes publiques volontaires, mentionnées à l'article 98, à l'égard des créanciers inscrits qui, par exploit signifié en laissant les délais déterminés par l'article 72 du Code de procédure et aux domiciles élus dans les inscriptions, auront été appelés à l'adjudication. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Apres l'article 72 du Code de procédure, il faut ajouter l'article 1033 parce qu'il pourrait arriver que le domicile élu de l'assigné fût assez éloigné du chef-lieu d'arrondissement.

- L'article 105 est adopté avec cette addition.

Article 107

« Art. 107. Pour parvenir à la vente sur enchère prévue par l'article 117 de la loi de réforme hypothécaire, le notaire commis par le jugement rendu conformément à l'article 104 de la présente loi, fera imprimer des placards qui contiendront :

« 1° La date et la nature de l'acte d'aliénation sur lequel la surenchère a été faite, et le nom du notaire qui l'a reçu ;

« 2°Le prix énoncé dans l'acte, s'il s'agit d'une vente, ou l'évaluation donnée aux immeubles dans la notification aux créanciers inscrits, s'il s'agit de tout autre acte ;

« 3° Le montant de la surenchère ;

« 4° Les noms, professions et domiciles du précédent propriétaire, du nouveau propriétaire et du surenchérisseur ;

« 5° L'indication sommaire de la nature et de la situation des biens aliénés ;

« 6° L'indication des lieu, jour et heure de l'adjudication.

« Ces placards seront apposés, quinze jours au moins et trente jours au plus avant l'adjudication, à la porte principale des édifices aliénés, à la principale porte de l'église et de la maison commune du lieu où les biens sont situés et à la porte extérieure du tribunal de l'arrondissement de la situation des immeubles.

« Dans le même délai, l'insertion des énonciations qui précèdent sera faite dans l'un des journaux publiés au chef-lieu de l'arrondissement et, s'il n'y en a pas, dans l'un des journaux imprimés dans la province.

« Elle sera réitérée, deux fois au moins, dans les quinze jours qui précéderont l'adjudication. »

M. Lelièvre. - Je propose de rédiger le n°5 en ces termes :

« L'indication sommaire de la situation des biens aliénés et leur contenance d'après la matrice cadastrale. »

L'avant-dernier paragraphe serait ainsi conçu :

« Dans le même délai, l'insertion des énonciations qui précèdent sera faite dans l'un des journaux publiés au chef-lieu de l'arrondissement, s'il y en a, et dans l'un des journaux imprimés au chef-lieu de la province. »

Cet article serait ainsi en harmonie avec l'article 42 que nous avons voté.

- L'article 107 est adopté avec la modification proposée.

Article 109

« Art. 109. Les créanciers inscrits ne seront appelés qu'à la première séance de l'adjudication, par exploit d'huissier signifié aux domiciles élus dans les inscriptions, en laissant les délais déterminés par l'article 72 du Code de procédure. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Je propose d'ajouter : L'article 1033. En conséquence on dirait : « en laissant les délais déterminés par les articles 72 et 1033 du Code de procédure. » Il est rationnel que les délais soient augmentés à raison de la distance.

- Cet article est adopté avec la mention de l'article 1033 après l’article 72 du Code de procédure.

Article 110

« Art. 110.Le surenchérisscur, même en cas de subrogation à la poursuite, sera déclaré adjudicataire si, au jour fixé pour l'adjudication, il ne se présente pas d'autre enchérisseur.

« Sont applicables au cas de surenchère les art. 45, 46, 48, 49, 50, 56, n 1, 5, 6, 57 et 62 de la présente loi, ainsi que les articles 81 et suivants relatifs à la folle enchère.

« Les formalités prescrites par les articles 48, 49, 102, 107, 108 et 109, § 1er, qui précèdent, seront observées à peine de nullité.

« Les nullités devront être proposées, à peine de déchéance, savoir : celles qui concerneront la déclaration de surenchère et l'assignation, avant le jugement qui doit statuer sur la réception de la caution ; celles qui sont relatives aux formalités de la mise en vente, dix jours au moins avant l'adjudication. Il sera statué sur les premières par le jugement de réception de la caution, et sur les autres, avant le jour de l'adjudication, toutes affaires cessantes.

« Aucun jugement ou arrêt par défaut en matière de surenchère sur aliénation volontaire ne sera susceptible d'opposition. Les jugements qui statueront sur les nullités antérieures à la réception de la caution, ou sur la réception même de la caution, et ceux qui prononceront sur la demande en subrogation intentée pour collusion ou fraude, seront seuls susceptibles d'être attaqués par la voie d'appel, dans la huitaine de la signification à avoué.

« L'adjudication, par suite d'une surenchère sur aliénation volontaire, ne pourra être frappée d'aucune autre surenchère, sauf toutefois ce qui est statué par l'article 87, en cas de folle enchère.

« Les effets de cette adjudication seront réglés, à l'égard du vendeur et de l'adjudicataire, par les dispositions de l'article 62.

« Les demandes en nullité devront être formées, à peine de déchéance, dans la quinzaine de la vente. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Au paragraphe 3, il faut se borner à indiquer l'article 109, et supprimer les mots « paragraphe premier », l'article 109 ne contenant qu'un paragraphe.

- L'article 110 est adopté avec la suppression des mots « paragraphe premier » au troisième paragraphe de l'article.

Article 111

« Art. 111. Dans la quinzaine qui suivra l'expiration du délai énoncé à l'article 61, pargaraphe 3, si l'adjudication n'est point attaquée, ou dans la quinzaine de la signification du jugement qui aura statué sur la demande en nullité, le notaire commis à l'adjudication ou, à son défaut, le dépositaire provisoire ou définitif de ces minutes, convoquera, à la requête de la partie la plus diligente, les créanciers inscrits aux jour, lieu et heure fixés par lui à l'effet de régler entre eux sur la distribution à l'amiable du prix de la vente.

« La convocation sera faite par lettres adressées aux domiciles élus dans les inscriptions et chargées à la poste, huit jours au moins.et quinze jours au plus avant celui de la réunion. Dans le même délai, elle sera annoncée dans l'un des journaux de l'arrondissement et, s'il n'y en a pas, dans l'un de ceux de la province.

« L'acquéreur et la partie saisie seront appelés à l'assemblée. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Je propose d'ajouter les mots « ou de l'arrêt », en conséquence on dira : « dans la quinzaine du jugement ou de l'arrêt qui aura statué sur la demande en nullité, etc. »

- L'article 111 est adopté avec cette modification.

Article 117 (nouveau)

(page 364) M. Lelièvre. - Je propose la disposition additionnelle suivante : « En cas d'aliénation autre que par expropriation, le juge-commissaire doit procéder à l'ordre, sera désigné conformément à l'article 114.

« Cette disposition est nécessaire, parce que les articles 108 et suivants ne sont relatifs qu'à l'ordre ouvert ensuite d'adjudication sur vente forcée. D'un autre côté, nous abrogeons l'article 751 du Code de procédure auquel se réfère l'article 776 du même Code, pour indiquer de quelle manière l'ordre sera ouvert à la suite d'aliénation volontaire. Il est donc essentiel d'indiquer par une disposition nouvelle qu'en matière d'aliénation autre que par expropriation, le juge-commissaire devant lequel il sera procédé à l'ordre, sera désigné conformément à l'article 114, c'est-à-dire sur réquisitoire adressé au président du tribunal civil. Tel est le but de mon amendement.

- Cet article est adopté.

Article 31

M. le président. - Nous avons laissé en suspens l'article 31 que M. le ministre propose de rédiger de la manière suivante :

« Art. 31 (693 du Code de procédure civile). Néanmoins, l'aliénation amsi faite aura son exécution si, avant le jour fixé pour l'adjudication, l'acquéreur consigne les deniers suffisants pour acquitter en principal et accessoires les sommes exigibles dues aux créanciers inscrits, ainsi qu'au saisissant, et s'il leur signifie l'acte de consignation.

« Si les deniers ainsi déposés ont été empruntés, les prêteurs n'auront d'hypothèque que postérieurement aux créanciers inscrits lors de l'aliénation. »

- Cet article, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.

77 membres répondent à l'appel.

75 membres répondent oui.

2 membres (MM. Peers et Orts) répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot et Verhaegen.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et les Pays-Bas

Discussion générale

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, la section centrale, à la majorité de 4 voix contre 3 soumet deux propositions à la chambre : la première, c'est l'ajournement de la discussion du projet de loi ; la seconde, c'est le rejet même du traité. Je repousse aussi énergiquement l'une que l'autre de ces propositions ; l'ajournement de la discussion, dans les circonstances actuelles, équivaudrait au rejet du traité ; je préférerais même le rejet à l'ajournement indéfini, parce qu'il donnerait au moins une position plus nette au gouvernement.

Avant, messieurs, d'aborder la discussion de ces deux propositions, je tiens à présenter à la chambre quelques considérations qui me paraissent dominer toute la question.

Le traité du 20 septembre ne doit pas être examiné isolément : il se lie intimement aux négociations qui sont ouvertes avec d'autres puissances ; il se lie au traité conclu avec l'Angleterre, le 27 octobre, et aux réformes que nous croyons indispensable d'apportir dans notre régime de droits différentiels.

Dans le cours de cette année, nous avons eu à conduire quatre grandes négociations commerciales. Par une coïncidence assez rare, et même fâcheuse que nous n'avons pas produite, nos grands traités avec les puissances qui nous avoisinent venaient à expirer presque simultanément : le traité du 1er septembre 1844, entre la Belgique et le Zollverein expire le 1er janvier prochain ; le traité du 29 juillet 1846 avec les Pays-Bas expire également le 1er janvier prochain ; le traité du 13 décembre 1845 avec la France expire dans le courant de l'année prochaine, enfin on sentait généralement la nécessité d'obtenir un arrangement commercial avec l'Angleterre.

La situation n'était donc plus la même qu'en 1844 et en 1846. Nous avions, en outre, à tenir grandement compte des changements extrêmement importants qui se sont opérés dans la législation de peuples voisins. Depuis 1846, messieurs, la Grande-Bretagne, comme vous le savez, a réformé toute sa législation maritime : au lieu d'un système de droits différentiels, elle a adopté le régime de la liberté commerciale. Cet exemple a été suivi par les Pays-Bas, par la Sardaigne et par d'autres nations encore.

Ces changements, messieurs, chacun l'a senti immédiatement, devaient exercer une très grande influenee et sur notre législation est sur les négociations que nous avions à ouvrir. Ce n'est donc point sans surprise que j'ai vu que l'honorable M. Malou, dans le rapport qu'il a déposé, au nom de la majorité de la section centrale, a, pour ainsi dire, passé sous silence cet événement, qui a ému, en quelque sort, le monde commercial. Il n'en tient absolument aucun compte, il se place toujours dans la situation de 1846 ; il raisonne comme si aucun changement important n'élait survenu dans la législation d'autres peuples ; comme si nous étions encore dans les mêmes conditions que quand le traité de 1846 a été conclu.

Il y a donc, sous ce rapport, une très grande différence entre la position que prend l'honorable M. Malou et celle que nous avons adoptée : l'honorable membre fait abstraction des changements opérés dans la législation d'autres peuples ; nous croyons, nous, que c'est là un fait de la plus haute importance et qui doit exercer la plus grande influence sur notre politique commerciale.

En 1844, quand on a proposé à la chambre le système des droits différentiels, on s'appuyait précisément sur l'exemple de l'Angleterre, sur celui de la Sardaigne, sur celui des Pays-Bas, qui avait aussi un régime modéré de droits différentiels ; ces exemples ont naturellement exercé la plus grande influence sur la détermination que les chambres ont eu à prendre à cette époque. Mais, je le demande à l'honorable M. Malou, si la loi du 21 juillet 1844 n'existait point, est-ce qu'on oserait aujourd'hui venir la proposer après les changements qui viennent d'être apportés à la législation anglaise, à celle des Pays-Bas, à celle de la Sardaigne et d'autres peuples ?

Je crois que personne, quel que soit son engouement pour les droits différentiels, n'oserait maintenant faire une semblable proposition ; et que si une telle proposition était faite, elle ne réunirait pas vingt voix dans cette enceinte.

M. l'abbé de Foere, auteur, dans ce pays, du système des droits différentiels, car les ministres de cette époque n'ont été en quelque sorte que les éditeurs du projet de loi ; l'honorable M. de Foere, dans le grand rapport qu'il a rédigé sur ce système, s'est constamment appuyé sur l'exemple de l'Angleterre ; et, en effet, l'exemple de l'Angleterre en matière commerciale doit exercer une immense influence en cette matière ; de sorte que, si l'honorable M. de Foere lui même avait prévu les changements qui se sont opérés dans cette législation qu'il prenait pour modèle, il y a lieu de croire qu'il n'aurait plus été aussi partisan de ce système.

Cela est tellement vrai, messieurs, que, quand on a eu connaissance, dans le pays, de la réforme anglaise, on s'est écrié de toutes parts que nous ne pouvions pas rester dans l'immobilité, que nous devions aussi introduire des réformes dans notre système.

Je pourrais citer bien des personnes qui attaquent maintenant le traité soumis à vos délibérations et qui alors demandaient au gouvernement de ne point tarder à adopter la réforme des droits différentiels.

Messieurs, le statu quo aurait de très grands dangers pour la Belgique ; si nous voulions conserver intact notre système de droits différentiels, il faudrait d'abord renoncer à conclure des traités avec l'Angleterre ou avec les Pays-Bas ; ce serait la négation de tout traité de commerce avec l'une et l'autre de ces puissances. Or, messieurs, qu'en résulterait-il ? D'abord nous serions constamment sous la menace de représailles : la Grande-Bretagne a déposé dans sa législation nouvelle le principe de la réciprocité ; et, à côté de ce principe, elle a, armé le gouvernement du droit de prendre des mesures de rétorsion vis-à-vis des nations qui n'adopteraient point cette réciprocité. Nous en étions déjà les victimes puisqu’une surtaxe de 20 p. c. pesait sur nos navires et que nous payions, en outre, des droits de port, fort élevés en Angleterre.

Dans les Pays-Bas, c'est la même chose. Le même principe a été déposé dans la loi du 8 août 1850. Le gouvernement néerlandais peut aussi, sans faire intervenir la législature, frapper de mesures de représailles le pays où il n'obtient pas la réciprocité. Ainsi, si nous n'avions pas de traité avec l'un et l'autre de ces Etats, nous serions exposés à nous voir menacés chaque jour de ce système de représailles ; et quand bien même cette menace ne se réaliserait pas, encore, messieurs, serait-elle de nature à jeter le trouble, l'incertitude, l'inquiétude dans nos relations avec les deux pays.

Savez-vous, messieurs, quelle est l'importance de notre commerce d'échanges avec l'Angleterre et les Pays-Bas ?

Avec l'Angleterre, le mouvement commercial en 1850 s'est élevé à 85,000,000 de francs, valeur permanente ; nos exportations, à près de 42,000,000 de francs, et ces exportations tendent chaque année à augmenter, car en 1847 elles n'étaient que de 15,700,000 fr.

Dans ces 42,000,000 de francs, les produits de l'agriculture figurent pour 16,000,000 de francs.

Voilà notre mouvement commercial avec l'Angleterre, et, remarquez-le bien, les colonies anglaises n'y sont pas comprises. Or, à la suite du traité qui vous est soumis, notre pavillon et nos marchandises pourront se rendre dans les colonies anglaises sur le même pied que le pavillon et les marchandises de l'Angleterre. Il n'y a donc rien qui empêche que nous ouvrions dans ces immenses possessions de nouveaux débouchés d'une haute importance.

Nous rivalisons bien sur différents marchés avec l'Angleterre pour certains de nos produits ; nous pouvons également rivaliser avec elle dans ses colonies ; déjà dans l'Australie nous avons ouvert un nouveau débouché. Il a suffi que nous envoyions en Australie un navire et (page 365) quelques jeunes gens entreprenants pour que nous fissions des affaires avec ce pays éloigné.

Ainsi le marché de l'Angleterre et de ses colonies a une immense importance pour notre pays. Celui de la Hollande n'en a pas moins.

Le mouvement commercial avec la Hollande a été en 1850 de 77,000,000 de fr., valeur permanente. Nos exportations ont été de 40,000,000, et dans ces exportations les objets fabriqués figurent pour 27 millions de fr.

Le marché néerlandais est le plus important de tous ; il dépasse même celui de la France, pour le placement de nos produits manufacturés.

Si, messieurs, nous avions laissé compromettre ces relations, si, au lieu de vous apporter ces traités, nous étions venus vous dire qu'il nous était possible de conclure des traités avec l'Angleterre et les Pays-Bas, mais que nous y avions renoncé parce qu'il aurait fallu toucher à nos droits différentiels, vous nous eussiez certainement infligé le blâme le plus sévère, et vous eussiez eu parfaitement raison.

Messieurs, une seconde considération qui doit nous engager, même dans l'intérêt de nos ports de mer, à modifier notre système commercial, c'est que si dans les ports voisins on jouit du régime de la liberté, si on n'y rencontre aucune entrave, que les navires étrangers y soient placés sur le même pied que les navires nationaux, tandis que dans nos ports de mer, au contraire, nous conservions des surtaxes, des formalités, des entraves, n'est-il pas évident que les navires étrangers déserteront nos ports pour aller dans les ports voisins ?

Déjà, messieurs, le régime de la liberté a produit ce résultat. En Angleterre, par exemple, depuis les modifications qui ont été apportées au système commercial, le mouvement de la navigation étrangère a pris un développement immense sans nuire à la navigation nationale.

Il en est déjà de même dans les ports de la Hollande. L'influence de la nouvelle législation s'y fait également sentir.

Ainsi voilà une question qui doit aussi attirer l'attention d'Anvers bien plus, selon nous, que l'article 14 du traité du 20 septembre.

Une troisième considération, messieurs, doit encore engager la chambre à modifier nos droits différentiels : c'est la nécessité de simplifier une législation extrêmement confuse, extraordinairement compliquée. M. le ministre des finances vous a déjà fait connaître dernièrement quelle était cette extrême complication. Nous avons des droits différentiels pour les provenances directes, pour les provenances des entrepôts transatlantiques, pour les provenances des entrepôts européens, pour celles qui viennent des pays au-delà du cap Horn, du cap de Bonne-Espérance, du détroit de Gibraltar.

Tous ces droits varient également suivant les pavillons, selon que les marchandises sont importées sous pavillon national ou sous pavillon étranger.

Nous avons en outre une déduction de 10 p. c. qui est appliquée quelquefois aux importations sous pavillon national ; mais il faut pour cela que certaines marchandises ne soient pas déjà favorisées par le tarif. Cette déduction est quelquefois de 20 p. c. ou bien il y a au contraire une augmentation de 10 p. c.

Enfin nous avons aussi le système de la relâche qui donne lieu à de nombreuses difficultés.

Remarquons encore que la loi du 21 juillet 1844 a été modifiée à différentes reprises. Plusieurs brèches et des brèches très larges y ont été déjà apportées avant nous. Nous avons pu nous introduire au cœur de la place sans grande difficulté.

En 1846 on reprochait aussi à l'honorable M. Dechamps que le traité avec la Hollande faisait une brèche aux droits différentiels.

Ainsi, messieurs, toutes ces raisons doivent provoquer le gouvernement et les chambres à apporter, dans ce système de sages, de prudentes modifications.

La question que le gouvernement avait à examiner n'était pas celle de savoir si l'on devait modifier le régime ; tout le monde paraissait d'accord, il y a quelque temps, à cet égard ; ce n'est que depuis le traité du 20 septembre que certains reformateurs ont change d'avis ; mais c'était de savoir s'il ne fallait pas abroger entièrement les droits différentiels en présence des changements apportés à la législation de l'Angleterre et à celle des Pays-Bas.

Eh bien, le gouvernement a pensé que cette législation avait créé des intérêts, des habitudes respectables, qui exigeaient, dans tous les cas, des menagemeuts.

Ensuite, du moment que nous avions traité avec l'Angleterre et les Pays-Bas, la réforme totale des droits différentiels n'avait plus dans toutes les hypothèses le même degré d'urgence.

Voilà donc quelle a été l'opinion du gouvernement, opinion qui a précédé et domine les négociations : c'est qu'il fallait apporter une réforme modérée dans notre système, qu'il fallait simplifier cette législation si confuse, élaguer les articles de peu de valeur, faciliter l'accès de nos ports, faciliter le transit.

Ainsi, messieurs, on ne doit pas considérer le traité au point de vue assez restreint de savoir si telle concession est équivalente à telle autre si les avantages sont un peu plus considérables pour la Hollande que pour la Belgique ou pour la Belgique que pour la Hollande, en enflant surtout les prétendues concessions que nous eussions faites en toute hypothèse.

Les avantages, qui dominent dans les traites de commerce et ceux qui procurent cette sécurité, cette fixité dans les relations, qui en facilitent le développement, qui donnent la garantie que nul autre n'obtiendra des concessions plus favorables, qui resserrent les liens d'amitié entre les Etats, car la politique se lie intimement aux relations commerciales.

Souvent, messieurs, on considère dans les traités comme conditions défavorables des stipulations dont l'expérience vient, au contraire, démontrer l'utilité au point de vue du développement des relations internationales.

Toujours les intérêts auxquels on impose la moindre concession se prétendent sacrifiés, disent qu'ils sont perdus. Eh bien, l'expérience vient presque toujours aussi démontrer que ces craintes sont chimériques. Ainsi, en 1846, lorsque le traité fut conclu avec la Hollande, Anvers se plaignit ; elle fit valoir à peu près les mêmes considérations qu'aujourd'hui. On prétendit que le traité ferait le plus grand tort à Anvers ; on dit que c'était un traité léonin ; on réclama des modifications précisément en ce qui concerne la relâche, modifications que le gouvernement propose d'introduire aujourd'hui.

Dans les autres pays, il en est de même : quand on a discuté en France le traité conclu avec les Pays-Bas, les ports de mer se sont plaints amèrement ; voici comment les députés des ports de mer s'exprimaient à la chambre des députés en 1840. Ils disaient « que la navigation était frappée au cœur ; que l'industrie maritime était perdue ; que les ports français seraient condamnés à la misère. »

Eh bien, messieurs, je n'ai pas besoin de vous dire que les ports de mer français n'ont pas souffert le moins du monde à la suite du traité de 1840.

En Sardaigne, messieurs, quand on a présenté le traité conclu avec la Belgique, une opposition formidable s'est élevée. Un ancien ministre des finances, homme de beaucoup de mérite d'ailleurs, s'était mis à la tête de cette opposition. (Interruption.)

On prétendit que tous les intérêts de l'industrie du Piémont seraient perdus à la suite des réformes exigées par les traités. Eh bien, messieurs, savez-vous ce qui est arrivé ? C'est que maintenant on est très satisfait des modifications introduites par ces traités.

Je crois donc, messieurs, que ces oppositions qui se manifestent ne doivent pas trop nous émouvoir. Elles sont naturelles : ceux qui obtiennent des avantages par un traité ne disent ordinairement rien ; ceux, au contraire, qui se croient lésés, font entendre les plaintes les plus amères. N'avons-nous pas entendu les plaintes de la céruse, par exemple ? Eh bien, savez-vous quel tort nous faisons à la céruse ? Nous diminuons d'un et un cinquième pour cent les droits qui protègent la céruse, c'est-à-dire d'un centime par kilog. Le kilog de céruse vaut à peu près 70 centimes, de sorte, messieurs, que ce qui pourrait arriver de plus fatal, ce serait de devoir la vendre à 69 centimes. Voilà le douloureux sacrifice que nous imposons à la céruse.

Mais il ne faut pas croire, messieurs, que cette industrie soit dans une position fâcheuse : elle jouit presque exclusivement du marché intérieur. Il s'introduit à peu près pour 60,000 fr. de céruse, et je crois que c'est un bien : c'est un stimulant. Savez-vous, messieurs, quel est le montant des droits que nous percefons chaque année sur la céruse étrangère ? Ils s’élèvent à environ 4,000 fr. ; nous diminuons le droit d’un tiers ; c’est donc une diminution de 1,335 fr. Mais ce n’est pas tout : nous allons accorder à cette industrie la libre entrée de la matière première ; or, comme nous obtenons 8,000 fr. sur l’entée du plomb brut, l’abolition de ce droit constitue un avantage de 8,000 fr. Voilà la position que nous faisons à la céruse, industrie qui voit, du reste, ses exportations augmenter chaque année.

Je n'ai pas eu l'intention, messieurs, de blâmer l'industrie dont il s'agit, j'ai seulement voulu vous prouver combien les intérêts sont toujours prompts à s'alarmer.

Il est une autre catégorie d'opposants aux traités de commerce, ce sont ceux qui font des traités à loisir dans leur imagination, traités dans lesquels la Belgique obtient tous les avantages et n'accorde presque rien. Ceux-là disent : Vous auriez dû refuser telle concession, vous auriez dit obtenir tel avantage ; voilà ce que moi j'aurais obtenu. Il ne faut pas oublier, messieurs, qu'on est toujours deux dans les négociations et que les mêmes exigences que nous pouvons présenter se présentent aussi de l'autre côté.

Et quand on a affaire à des puissances considérables, souvent les conditions ne sont pas égales. On veut aussi que nous obtenions de grands avantages et que cependant nous sauvegardions certains principes. Ainsi nous avons un régime de droits différentiels ; si nous y portons atteinte, on se récrie. Nous avons le monopole de l'importation du sel d'Angleterre, il faut conserver ce monopole. Nous avons aussi à sauvegarder l'industrie de la pêche, et, enfin, comme les traités se font pricipalement dans l'intérêt de l'industrie, dans l'intérêt de l’exportation de nos produits, il faut bien se garder de toucher à une branche d'industrie quelconque.

Voilà la position qu'on nous fait. Si nous touchons à l'un ou à l'autre de ces intérêts, on prétend que le traité est inacceptable. Les traités de commerce sont cependant, messieurs, des traités de réciprocité : quend vous allez demander des faveurs à une puissance étrangère, elle vous dit avec raison : Qu'avez-vous à m'offrir en retour de ce que vous demandez ? Accordez-moi la réciprocité. Nous voulons, par exemple, obtenir de (page 366) l’Angleterre et des Pays-Bas les avantages de leur nouvelle législation et nous ne voulons accorder qu'une réciprocité partielle. Convenez que la résolution de ce problème n'était pas exempte de difficultés, et cependant nous avons réussi.

Nous obtenons en Angleterre l'assimilation complète ; nous l'obtenons aussi en Hollande, et nous n'accordons qu'une réciprocité partielle, puisque nous conservons les trois quarts de nos droits différentiels.

Etait-il possible d'obtenir mieux ? On se tromperait si l'on croyait que nous n'avons pas essayé toutes les combinaisons possibles dans nos longues négociations avec les Pays-Bas. Ces négociations ont duré six mois. A différentes reprises, elles ont été sur le point d'être rompues. Nos plénipotentiaires ont défendu avec talent et avec zèle le terrain pied à pied. Les plénipotentiaires néerlandais voulaient d'abord se borner à n'avoir qu'un traité de navigation d'où l'industrie aurait été exclue ; ils voulaient ensuite l'abrogation complète de notre système des droits différentiels ; ils voulaient des avantages beaucoup plus considérables sur la pêche et la réduction des faveurs accordées en 1846 pour notre industrie.

La lutte a été très vive sur ce terrain : les plénipotentiaires néerlandais voulaient la réduction de la protection pour notre pêche à 10 p. c. Plusieurs fois on a été sur le point de rompre les négociations. Ce n'est qu'après bien des débats qu'on est parvenu à s'entendre, et il on est résulté enfin le traité qui est soumis à la chambre.

Maintenant, messieurs, je n'entends pas aborder dans ce premier discours toutes les objections qui ont été formulées par la section centrale contre le projet de loi. Il en est une cependant à laquelle je désire répondre quelques mots immédiatement. C'est l'objection principale, c'est celle qui a ému si fort le commerce d'Anvers.

L'opposition du commerce d'Anvers repose sur deux griefs : Un premier grief a d'abord été formulé : on ne s'en occupe plus guère aujourd'hui. C'est le grief qui consistait à dire : « Par suite du traité, les importations des entrepôts néerlandais pour les 35 articles de l'article 14, seront les plus favorisées, que les importations des lieux de provenance sous pavillon étranger. »

Voilà l'objection qui a paru d'abord, parce qu'on s'est tellement hâté qu'on n'a pas voulu attendre les explications du gouvernement. Eh bien, M. le ministre des finances, par le projet de loi qu'il a présenté hier, en conformité du système que nous avons adopté, a fait cesser ce grief. Il y a maintenant égalité pour les importations des trente-cinq articles, puisqu'on supprime tous droits différentiels sur ces articles.

Du reste, cette concession, comme je l'ai dit en commençant, est tout à fait dans le système du gouvernement ; ce que l'on considère comme une concession énorme, nous le considérons comme un avantage pour notre commerce lui-même, puisque cela simplifie une législation nuisible rien que par sa complication.

Le second grief, celui qui subsiste, c'est que les importations par canaux et rivières sont placées sur la même ligne que les importations par mer. C'est là le seul grief que je trouve encore dans la pétition du conseil communal d'Anvers. On ne parle plus de l'autre objection. Je dois le dire, malgré toute la consideration que m'inspire cette autorité, il y a plusieurs erreurs dans cette pétition. Voici comment le conseil communal s'est exprimé :

« L'article 14 du traité admet à importer, en Belgique, par canaux et rivières, aux droits des importations directes des pays de production par navires beiges, 35 articles de notre tarif, parmi lesquels il en est plusieurs qui sont d'une importance majeure pour notre commerce maritime. Ce principe, repoussé jusqu'à présent par les nations maritimes... »

C'est d'abord là une erreur de dire que ce principe a été repoussé par toutes les nations maritimes. Ce principe, messieurs, n'est pas une exception. Il n'y a plus que trois pays qui aient un regime de droits différentiels, l'Espagne, la France et la Belgique. L'Espagne.n'est pas même très éloignée de modifier son système de droits différentiels. Un projet de loi sur le tarif des douanes a été élaboré naguère en Espagne, et il a été fortement question d'y introduire des modifications au système des droits différentiels.

Mais le principe de l'égalité des droits pour l'entrée par canaux et rivières, et par terre à l'importation par mer, existe dans le Zollverein, dans le Hanovre, en Russie, en Autriche, en Sardaigne, en Grèce, en Turquie, et depuis la loi d'août 1850 en Hollande. Quand nous introduirons en Hollande des produits quelconques par canaux ou rivières ou par terre, ce sera aux mêmes conditions que par mer. Ainsi, il n'est pas exact de dire que le principe dont il s'agit est repoussé jusqu'ici par les nations maritimes ; c'est au contraire le principe contre lequel on s'élève qui forme l'exception.

Je continue la lecture de la pétition :

« Ce principe a été rejeté par l'Angleterre elle-même dans son nouvel acte de navigation, qui interdit au pavillon étranger la navigation du cabotage. »

Il est étrange de citer l'Angletterre quand il s'agit d'importations de provenance étrangère par canaux et rivières, ou par terre. L'Angleterre est là tout à fait hors de cauce, parce qu’elle ne reçoit que des importations par mer. L’exemple cité ne prouve donc rien.

Quant au cabotage, c'est une tout autre question. Il s'agit là du transport de produits quelconques d'un port de l'Angleterre vers un autre port du même pays.

Il est vrai que la France, comme le dit le conseil commurnal, a conservé ce régime. Mais la France est maintenant le pays le plus protectionniste du monde.

Si nous voulons prendre la France pour modèle en cette matière, il ne suffit pas de maintenir un droit différentiel en faveur des impartations par mer, il faut aussi élever nos tarifs, adopter une série de prohibitions, il faut adopter tout l'ensemble du système.

Maintenant quelle est l'importance de cette protection, que le port d'Anvers se plaint si amèrement de voir disparaître ? Savez-vous à combien s'élève la perte des droits occasionnée par la réduction de 10 p. c. ? Elle s'élève par an à la valeur de 40 à 80,00 fr. distribués sur toutes les importations par mer. Voilà donc cette grande protection qu'on va perdre par l'assimilation des importations par canaux et rivières, aux importations maritimes.

Messieurs, je me propose, dans le cours de la discussion, de revenir sur ce point, d'entrer dans tous les détails de la question ; je ne le ferai pas maintenant, parce que cela m'entraînerait trop loin et prolongerait trop ce premier discours ; je prouverai alors combien sont vaines les craintes du commerce d'Anvers.

Il y aune autre questionq ue soulèvent les réclamations d'Anvers et que je n'ai pas touchée, c'est celle de savoir s'il faut faire une différence entre les arrivages par terre et les arrivages par mer, si une industrie qui peut s'approvisionner avec plus d'avantage par une autre voie devrait être législativement forcée d'aller s'approvisionner dans un port de mer,

J'avoue que j'ai été étrangement surpris des craintes exagérées formulées par la ville d'Anvers, qui s'est écriée qu'elle ne pourrait plus lutter contre Rotterdam. Comment ! la Hollande nous accorde une assimilation complète ; nous pouvons introduire chez elle toute espèce de marchandises par canaux et rivières et par terre aux mêmes droits que par mer, comme la Hollande elle-même ; elle nous appelle à l'égalité complète, nous ne lui accordons qu'une assimilation restreinte, et le port d'Anvers craint qu'il lui soit impossible de lutter.

Il me serait pénible d'admettre un pareil raisonnement qui annoncerait une infériorité bien grande.

Je suis, au contraire, porté à croire que le régime qui conviendrait le plus à Anvers, c'est le régime de la liberté.

Si nous recherchons quels sont les ports les plus florissants, nous voyons que ce sont ceux qui jouissent de la liberté commerciale ; ainsi voyez Brème, Hambourg, les ports d'Angleterre, Gènes, Trieste.

Anvers, qui a une situation si admirable entre le Nord et le Midi de l'Europe, qui a un port magnifique auquel aboutissent des chemins de fer, des canaux, qui jouit, sur le pied d'égalité, de l'usage des eaux intérieures de la Hollande ; Anvers avec ses maisons commerciales si solides, connue sur tous les points du globe, avec sa réputation de crédit et ses relations si étendues, comment se ferait-il qu'Anvers ne pourrait pas soutenir la concurrence avec la Hollande ? Avant 1830 notre métropole commerciale était sur le pied d'égalité avec Rotterdam et Amsterdam, a-t-elle été écrasée dans cette lutte ? Pour les cuirs, le marché anversois a toujours été le premier des marchés ; même avant 1830, les arrivages de cuirs à Anvers étaient plus considérables que les arrivages de même nature à Rotterdam et à Amsterdam. Après 1830 jusqu'en 1844, Anvers n'a-t-elle pas continué la concurrence malgré les circonstances politiques ?

Ce qui manque peut-être à Anvers, c'est l'esprit d'entreprise ; j'ai entendu souvent exprimer cette opinion par l'industrie.

Ainsi, j'ai entendu de grands industriels dire : J'irais volontiers m'adresser au port d'Anvers, mais les négociants ne font pas d'exportations, les occasions sont rares et les frais plus élevés qu'ailleurs. Dès lors comment veut-on que j'aille de préférence à Anvers ?

Voilà le langage que tient, par exemple, la grande industrie de Verviers.

Ainsi, messieurs, si Anvers avait un esprit d'entreprise plus développé, si Anvers avait le régime de la liberté, je ne comprends pas la moindre raison qui l'empêcherait de lutter contre les autres ports de mer. Il en a tous les avantages, et de plus il en a qui lui sont particuliers ; il est donc à même de soutenir la concurrence. Je ne crains pas de dire que quand le traité aura été applique de quelques années, il en sera des craintes du port d'Anvers comme il en a été des craintes dus ports français dont je vous parlais tout à l'heure.

L'honorable M. Malou, en terminant son rapport, vous a dit que le traité du 20 septembre avec les Pays-Bas ne coûterait pas des équivalents suffisants. Suivant lui la balance penche entièrement du côté de la Hollande. Il m'est impossible d'entrer maintenant dans des développements, d'examiner toutes les questions que renferme le traité, puisque je ne veux traiter que des questions préliminaires ; je me bornerai à citer rapidement les trois grands intérêts qui y sont engagés le transit, la navigation, l'industrie. Eh bien, pour le transit nous avons la liberté la plus entière, nous sommes admis sur le pied d'égalité avec la Hollande elle-même, nous avons la liberté complète par les eaux intérieures, par canaux, par voie de terre ; nous au contraire nous avons maintenu des restrictions ; ainsi plusieurs articles sont encore prohibés ; pour d'autres nous n'accordons le transit que par le chemin de fer ; la réciprocité de notre côté n'existe donc pas.

Je sais qu'on dira que cela constitue néanmoins d'importants avantages pour la Hollande, je ne le nie pas ; il n'en est pas moins vrai que, sous le rapport du transit, nous n'accordons pas la réciprocité. Pour la navigation nous n'accordons pas non plus la réciprocité ; on nous accorde l'assimilation la plus complète, nous n’accordons qu'une assimilation restreinte. Pour l'industrie évidemment ces avantages sont plus (page 367) notables du côté de la Belgique, nous obtenons plus qu'en 1830. Ainsi, pour les trois grands intérêts, en n'est pas en droit de dire que nous n'obtenons pas d'équivalent.

Quant à nous, messieurs, nous considérons les traités qui vous sont soumis comme utiles à l'agriculture, au commerce et à l'industrie du pays. A notre agriculture, parce qu'ils donnent de la stabilité à nos relations avec deux pays voisins, relations d'une si haute importance ; parce qu'ils empêcheront qu'aucun trouble ne soit apporté dans ces relations ; à notre commerce, parce qu'il va obtenir la garantie des avantages que donnent les lois d'août 1849 et du 8 août 1850, dans les ports de l'Angleterre et de la Néerlande ; enfin à notre industrie, à raison des avantages que j'aurai, du reste, l'occasion de développer dans le courant de la discussion.

Maintenant, il est encore un autre point qu'il importe de ne pas perdre de vue ; c'est le côté politique du traité. Nous avons, tout le monde en est convaincu, le plus grand intérêt à rester dans les meilleures relations politiques avec la Hollande. Qu'arriverait-il si, écoutant les conseils de la majorité de la section centrale, vous repoussiez le traité ? Il y aurait rupture commerciale, je n'hésite pas à le dire : il y aurait, immédiatement une guerre de représailles ; et, vous le savez, messieurs, de la rupture commerciale à la mésintelligence politique il n'y a qu'un pas. J'espère donc que la chambre ne commettra pas la faute grave d'adopter la proposition de la section centrale.

M. Vermeire. - Messieurs, avant de me livrer à l'examen de la convention internationale soumise à nos délibérations, je désire motiver le vote d'ajournement de l'examen de cette convention que j'ai émis en section centrale.

La raison principale en est parce que le traité hollando-belge change complètement le régime commercial de la Belgique pour y substituer un autre régime qui n'a point été examiné et dont les conséquences n'ont point été appréciées par les intéressés.

En effet, il résulte du discours prononcé par M. le ministre des finances dans les séances des 26 et 28 novembre dernier, et par le projet de loi qui nous a été distribué hier au soir :

1° Que le droit intermédiaire (provenance directe) est supprimé et rendu commun au droit de production.

2° Que les faveurs accordées exclusivement au pavillon national sont supprimées, et

3° Que la relâche dans un port intermédiaire des navires de tout pavillon venant des pays transatlantiques ou d'un port situé au-delà du détroit de Gibraltar est autorisée à y prendre des ordres.

4° Un changement assez notable dans les droits d'entrée sur certains articles, et la suppression de tout droit pour certains autres articles.

Je n'ai pas besoin, messieurs, de dire que la suppression des faveurs accordées au pavillon national et la relâche dans les ports intermédiaires afin d'y prendre des ordres, rendue commune à tous les pavillons venant des pays transatlantiques ou du Levant est contraire au régime des droits différentiels.

Il faut donc que ce dernier régime ait été bien pernicieux aux intérêts de la Belgique, pour qu'une modification profonde vienne se produire d'une manière aussi spontanée.

Tout en faisant mes réserves sur ce nouveau projet de loi que nous examinerons plus tard, il ne me paraît point être déplacé de jeter un coup d'œil rapide sur les résultats commerciaux que nous avons obtenus sous le régime de la loi du 21 juillet 1844.

D'abord il est bon d'observer que la loi de 1821, vers laquelle nous semblons faire retour, et qui établissait en principe une protection de 6 p. c. et un droit d'entrée de 3 p. c. pour les matières premières, plus une faveur au pavillon national de 1/10 du montant des droits d'entrée, n'était pas aussi libérale qu'on le suppose, puisque à cette loi se trouvait lié le système colonial, protecteur de sa nature, et qui offrait un immense débouché aux produits industriels de la Belgique.

La perte des colonies justifie donc les mesures protectrices prises par le gouvernement belge de 1830-1847, en vue de maintenir l'activité et le travail dans nos manufactures et de reconquérir d'autres débouchés en remplacement des colonies néerlandaises.

La loi du 21 juillet 1844 constitue de toutes ces mesures l'acte le plus important. Quels ont été maintenant les résultats et les conséquences de ce régime commercial, sous le quadruple rapport de nos relations directes avec les pays transatlantiques, de l'accroissement de notre mouvement maritime vers ces parages, de la part que notre pavillon national a prise au mouvement maritime avec les pays hors d'Europe, et de l'accroissement de notre flotte marchande belge ?

1° Nos importations, commerce spécial, s'élevaient en 1842, à fr. 61,289,000, nos exportations à fr. 5,802,000. Elles ont augmenté progressivement d'année en année et ont atteint en 1850 à l'importation le chiffre de fr. 80,503,000 et à l'exportation celui de 21,778,000, c'est-à-dire que nos exportations ont quadruplé et que nos importations ont augmenté à raison de 70 p. c. En 1850, nos exportations ont dépassé nos importations de 27 millions pour le commerce spécial.

En comparant la moyenne des annéees 1841, 1842 et 1843 à la moyenne des années 1849 et 1850, on constate encore que nos exportations vers les pays hors d'Europe ont triplé, tandis que nos importations ont augmente seulement de 70 p. c.

2° Le mouvement commercial maritime a augmenté de 50 p. c. Il était en moyenne de 1840 à 1844 de 51,000 tonnes. Il a atteint celui de 74,000 tonnes en 1850.

3° La grande navigation vers les pays hors d'Europe sous pavillon belge a plus que doublé.

4° Notre flotte marchande s'est sensiblement accrue. En 1844 nous avions seulement 134 navires d'un tonnage total de 21,974 tonnes, moyenne par navire 164 tonnes.

Aujourd'hui, en y comprenant les navires qui se trouvent sur les chantiers, nous possédons 180 navires d'un tonnage total de 41,631 t., moyenne par navire 231. Augmentation 20,660 tonn. ou 100 p. c.

Ainsi, messieurs, sous ce quadruple rapport il y a une amélioration sensible et une augmentation considérable dans nos relations.

Je sais bien que ce n'est ici ni le lieu ni la place de discuter l'utilité d'une flotte marchande ; je sais que le thème peut être soutenu dans les deux hypothèses, mais il n'en est pas moins vrai que l'importante industrie de la construction navale procure beaucoup de ressources au pays et distribue en main-d'œuvre des sommes énormes. La main-d'œuvre entre dans le coût total d'un navire pour plus de 30 p. c.

Il n'en est pas moins vrai aussi que l'Angleterre doit à son acte de navigation de 1660 l'accroissement formidable de sa flotte marchande qui en 1 1/2 siècle s'est élevé de 200,000 à 4,000,000 T., et que la Hollande, si elle n'avait pas eu sa flotte marchande, ne se serait jamais frayé la route vers les grandes Indes et n'y aurait point conquis ces grandes et belles possessions qui font aujourd'hui sa gloire et sa richesse.

Adam Smith, que l'on ne taxera certes pas de protectionisme, juge de la manière suivante les dispositions de l'acte de 1660 : « Elles (ces dispositions) sont aussi sages que si elles eussent toutes été dictées par la plus mûre délibération et les intentions les plus raisonnables. »

Aujourd'hui encore l'Angleterre ne réserve-t-elle pas à son pavillon le cabotage qui forme les 2/3 de son transport total, et la Hollande, le monopole de sa navigation vers Java et les affrètements fructueux de la société de commerce ?

Et dès lors, n'est-ce pas à tort, messieurs, que ces pays viennent se proclamer, à la face du monde, les apôtres de la liberté commerciale, ?

Mais revenons à notre sujet, dont nous avons été distraits pendant un moment.

En présence des faits avantageux produits à la suite de la loi de 1844, que je viens de constater, je crois que mon vote sur l'ajournement de la discussion du traité de commerce est pleinement justifié ; et il me semble que nous serions bien imprudents si, sans aucun examen impartial et approfondi, nous posions des actes isolés détruisant de pareils résultats. En Angleterre, on n'a admis la réciprocité des pavillons qu'après une longue enquête ordonnée par le parlement (1820-1822), et, en Belgique, le régime actuel n'a été inauguré qu'après de longs et minutieux examens, dans lesquels toutes les parties intéressées ont été entendues.

Je crois qu'un pays qui veut faire des traités de commerce doit avoir un système commercial d'après lequel il dirige ses négociations, que les traités doivent être les conséquences de ce système, mais que ce n'est pas l'inverse qui doit se produire.

Livrons-nous maintenant à un examen rapide du traité. Ainsi que je l'établirai plus loin, les deux pays contractants ont un intérêt égal de traiter. Les concessions réciproques doivent donc être équivalentes.

Déjà le traité de 1846 accordait à la Hollande des avantages plus nombreux que ceux que la Belgique recevait en retour. L'infériorité du traité de 1851 comparé à celui de 1846 est évidente. Le trésor belge fait des sacrifices plus grands, et les avantages réciproques qui résultent de l'ensemble du traité, ne peuvent se balancer ; cela résulte clairement du rapport de la section centrale.

Par les faveurs que l'article 14 du traité de 1846 accordait aux dix-huit articles à importer des Pays-Bas en Belgique, on modifiait, il est vrai, les droits différentiels dans leur application, mais on en conservait le principe. Ces dix-huit articles n'étaient acceptés en Belgique qu'au tarif des pays de provenance, c'est-à-dire au taux du tarif intermédiaire.

Le traité actuel ne conserve aucun droit différentiel en faveur du commerce direct, non seulement pour les 18 articles, mais il y ajoute encore 18 autres articles, en tout 36, lesquels, aux termes du nouveau traité, seront acceptés aux droits des importations directes effectuées sous pavillon belge du lieu ou selon le mode le plus privilégié par le tarif belge.

Plusieurs de ces articles ont, certes, une importance réelle, puisque les cuirs et peaux, les graines oléagineuses et l'indigo donnent lieu à une importation annuelle de près de 33 millions.

Il est vrai qu'en rendant d'application générale l'importation de ces 36 articles, on atténue le mal ; puisque, s'il n'en avait point été ainsi, on plaçait les ports néerlandais dans une position privilégiée relativement aux ports belges, lesquels, pour leurs importations directes des pays transatlantiques sous pavillon étranger, auraient acquitté des droits plus élevés que si les mêmes marchandises avaient été importées par les eaux intérieures de la Hollande. Aujourd'hui seulement on se crée une concurrence qui, certes, doit diminuer notre importance commerciale et influer désastreusement sur notre commerce maritime.

C'est contre les stipulations de l'article 14 que le commerce d'Anvers s'est le plus fortement élevé.

(page 368) En effet, cet article, en supprimant pour les marchandises y dénommées toute faveur au commerce maritime direct et au pavillon national, en rendant les entrepôts européens égaux aux pays de production, en mettant sur la même ligne les importations par rivières et canaux et les importations par mer, détruit tous les effets avantageux du régime différentiel sous lequel notre commerce et notre navigation ont prospéré depuis 1844.

Des doutes s'étaient élevés au sujet des importations des huiles de baleine des ports néerlandais ; je constate qu'ils ont été levés, et il résulte de la réponse faite à la section centrale et consignée à la page 27, ainsi que du projet de loi distribué hier au soir, que ce droit sera de fr. 12 30 l'hectolitre.

L'article 15 du traité de 1846 accordait au pavillon belge la faculté d'exporter de Java 4 mille lasts de denrées à des conditions privilégiées.

Cette faveur, bien que peu importante dans le passé, pouvait le devenir pour l'avenir, puisque les navires d'un fort tonnage que nous avons construits depuis cette dernière époque auraient pu faire usage de cette faculté.

La concession que nous faisons de ce chef est justement appréciée par le rapport de la setion centrale.

Pour le transit nous faisons de nouvelles concessions à la Hollande. Le traité de 1846 n'assurait aux Pays-Bas que le traitement de la nation la plus favorisée.

La convention accorde le libre transit en franchise de droit tant par le chemin de fer que par l'entrepôt de Liège (sauf pour les fers, les houilles, les poudres, les fils et tissus de lin ou de chanvre). Les concessions faites en retour par le gouvernement des Pays-Bas par l'exemption temporaire de certaines formalités accordées aux navires naviguant entre l'Escaut et le Rhin ne compensent point celles que nous avons faites de ce chef.

Je glisserai légèrement sur les articles du traité qui n'ont qu'une importance secondaire. Je n'examinerai pas non plus les avantages que la Hollande a recueilli, gratuitement de notre législation sur l'importation du bétail, mais je m'arrêterai un moment au dernier paragraphe de l'article 25, lequel laisse aux parties contractantes la faculté de rendre de droit commun les concessions qu'elles se font réciproquement.

Il semblerait que si cette mesure était prise par chacun des gouvernements contractants, les deux pays se trouveraient l'un vis à-vis de l'autre dans une position commune, mais avec un droit peu élevé. Toutefois il n'en est rien, la Hollande conserve toujours les autres avantages que nous lui concédons sur son café et son tabac, et se trouve, en outre, en position d'approvisionner quatre de nos principales provinces concurremment avec nos villes commerciales, sinon dans des conditions plus favorables.

La Belgique avait-elle donc recueilli tant de faveurs du traité de 1846, pour qu'il soit nécessaire que, dans le nouveau traité, elle fasse presque tous les frais des nouvelles concessions ? Je ne le pense pas. La Hollande, d'après moi, a autant besoin du débouché de la Belgique pour ses denrées, que nous avons besoin de son marché pour nos produits industriels, et ce qui le prouve, c'est qu'elle nous fournit annuellement pour 12 millions de matières premières, 26 millions de denrées et un million d'objets fabriqués, en tout 39 millions, tandis que nous ne lui avons envoyé en 1850 que pour 31 millions, différence en faveur de la Hollande 8 millions.

On le voit donc, les deux pays sont faits pour s'entendre, mais leur position respective n'est point telle que l'une doive faire tous les sacrifices, et l'autre recueillir tous les bénéfices.

Je n'examinerai pas, messieurs, quelle serait la position réciproque des deux pays, au cas que le traité ne fût point accepté.

Toutefois, je ne pense pas que les intérêts de la Belgique seraient plus fortement lésés que ceux des Pays-Bas.

En me résumant, je dois manifester le regret de ne pouvoir donner mon assentiment au traité hollando-belge :

1° Parce que, de fait, il change le régime actuel pour y substituer un autre régime qui n'a encore été soumis à aucun examen ;

2° Parce qu'il assimile les importations faites par les canaux et rivières aux importations maritimes ; que c'est là un principe qui n'est adopté dans aucun pays quelque partisan qu'il soit de la liberté commerciale.

3° Parce qu'il détruit la navigation sous pavillon belge par les avantages qu'il lui enlève et par suite qu'il porte un préjudice notable à la construction des navires, industrie qui a pris beaucoup de développements en Belgique et y est devenue très importante.

4° Parce qu'il amoindrit considérablement l'importance commerciale de la Belgique sans compensation industrielle suffisante ;

5° et enfin parce que, dans ma manière de voir, les concessions, sont plus considérables du côté de la Belgique que de celui de la Hollande.

J'ai dit.

M. de Steenhault. - Je dois en commençant, messieurs, vous faire un aveu qui vous paraîtra peut-être singulier, mais qui cependant n'en est pas moins nécessaire. Mon intention n'est pas tant de vous parler du traité en lui-même que d'une question qui s'y rattache indirectement.

Il s'agit pour moi de la question du bétail, question importante s il en fut, au point de vue de l'agriculture et de nos classes ouvrières.

L'opinion publique, les intérêts agricoles surtout, se sont émus du traité avec la Hollande, des pétitions nombreuses vous ont été adressées. J'ai cru devoir en dire un mot.

A ce titre, j'espere donc trouver grâce devant la chambre, d'autan plus que je ne serai pas long et que je ne vous demande que quelques minutes.

Vous êtes témoins depuis plusieurs années, messieurs, des plaintes nombreuses que font naître le prix élevé de la viande et la dépréciation du bétail, plaintes légitïmes, car si les consommateurs perdent d'un côté, l'agriculture souffre par la double influence des deux causes que je vous signale.

Non seulement il est désespérant de voir nos ouvriers presque complètement privés d'une nourriture que tout réclame pour eux, mais je vous précise, messieurs, et en ceci je ne crains pas d'être démenti par les honorables membres de cette assemblée que l'agriculture intéresse, que si l'état de choses actuel devait durer encore un très petit nombre d'années, vous aurez porté à l'agriculture un coup fatal dont elle ne se relèvera que bien difficilement. Et qu'on ne me taxe pas d'exagération. Je vais vous le prouver.

M. le ministre de l'intérieur a dit avec beaucoup de raison dans sa statistique agricole que les régions qui eu égard à la surface de leur territoire, entretiennent le plus grand nombre de têtes de bétail, sont celles où tout étant égal d'ailleurs, le sol donne les produits les plus riches et les plus abondants.

Diminuer le nombre, c'est diminuer les produits. C'est cependant ce qui se passe aujourd'hui.

Il y a, messieurs, un nombre de têtes de bétail strictement nécessaire à chaque exploitation, nombre en dessous duquel on ne peut rester sans ruiner son sol, mais qu'il faut dépasser si vous voulez obtenir des produits satisfaisants en qualité et en quantité.

Ceci ne peut se faire que lorsque le cultivateur est assuré de vendre sans perte. Aujourd'hui il arrive souvent qu'on ne peut plus se défaire du tout du bétail que l'on a.

Vous sentez que dès lors le cultivateur se réduit au plus strict nécessaire, et il reste même souvent en deçà de la limite extrême.

Vous pouvez m'en croire, messieurs, si la statistique de 1846 était à refaire, il s'en faudrait de beaucoup que l'on trouverait un nombre de têtes de bétail aussi élevé qu'alors.

Les résultats d'un pareil état de choses, je ne vous les énumérerai pas, ils sont suffisamment appréciables, quoiqu'ils aient l'inconvénient de ne sauter aux yeux que quand le mal est fait et profond.

Voyez, messieurs, combien il a fallu de temps à la Belgique pour se remettre du monopole hollandais de 1815 à 1827 ou 1830, et nous sommes encore bien loin d'avoir atteint le taux normal de têtes de bétail par hectare.

Si le raisonnement ne suffisait pas pour prouver que l'élève du bétail déchoit en Belgique, la statistique nous en donnerait des preuves évidentes.

Elle nous le démontre de la manière la plus claire, la plus nette. Qu'y trouve-t-on ?

En premier lieu, que l'exportation des veaux qui, en 1849, a été de 11,526 têtes, est montée en 1830 à 16,236 sur une importation à peu près égale pour les deux années. Sans autre preuve, ce fait-là seul démontrerait à l'évidence combien l'élève du bétail a déchu et combien les agriculteurs sont pressés de se défaire de ce qu'ils ne peuvent élever sans perte.

Une seconde preuve, messieurs : en 1849, on a introduit 11,108 bœufs, vaches, bouvillons, taureaux et taurillons, dont 2,237 gras ; en 1850, on en a introduit 11,684 dont 2,990 gras. La proportion du bétail gras au bétail maigre est montée de 20 p. c. à 26 p. c. en 1850. C'est une nouvelle perte pour nos éleveurs et une nouvelle preuve de la décadence de cette industrie.

Pour les vaches prises isolément et dont l'introduction pourrai être considérée sous le rapport de l'amélioration des races comme une preuve de prospérité, la proportion est encore plus forte à notre désavantage. En 1849, on avait introduit environ 14 p. c.de vaches grasses ; en 1850, on en a introduit environ 26 p. c.

Le nombre des vaches qu'on pourrait croire destinées à repeupler nos étables a donc encore proportionnellement baissé.

Je le dis tout d'abord, messieurs, il y a pour moi deux buts à poursuivre, l'abaissement du prix de la viande et au moyen d'une consommation plus forte, un débit plus facile et plus certain pour le fermier. Pour les atteindre je n'ai pas, je dois le dire également, une très grande confiance dans les mesures douanières.

Ce qui se passe aujourd'hui prouve que j'ai raison.

Les droits ont été abaissés et le prix de la viande est resté ce qu'il était.

Nous avons fait là, permettez-moi l'expression, messieurs, un métier de dupe. Il y a eu perte sèche pour le trésor, avec avantage pour personne si ce n'est pour l'étranger.

C'est une remarque que le gouvernement, je l'espère, ne perdra pas de vue.

Ce qu'il y a à faire, je l'avoue, messieurs, je n'en sais trop rien jusqu'à présent,et je crois que plus d'un d'entre nous se trouve dans la même position. Tout le monde indique le mal, et personne ne l'explique.

Les uns le font dériver de la trop grande concentration de la fabrication de la viande ; les autres, du monopole soit des bouchers, soit des marchands ; d'autres encore, de notre régime douanier, ou de l'influence des chemins de fer qui, par la facilité du transport, pèserait sur nos marchés comme il a influé sur le marché de Passy, en permettant la concurrence au bétail de la Normandie.

(page 369) En définitive, messieurs, aucune opinion ne paraît concluante. L'énigme est restée debout ; et faute de solution on s'est croisé les bras.

Là, messieurs, est le mal ; il est réel ; et je conjure le gouvernement et M. le ministre de l'intérieur en particulier, de s'en occuper sérieusement.

Des enquêtes ont été faites, me dira-t-on, et n'ont rien produit.

Oui, messieurs, des enquêtes ont été faites ; mais je crois être dans le vrai en affirmant que pas une ne revêtait des caractères tels qu'on doive désespérer après.

Je demande donc formellement au gouvernement qu'il veuille bien renouveler l'épreuve, mais d'une manière sérieuse, impartiale, à l'abri de toute influence, de quelque part qu'elle vienne.

Si, dans ces termes, elle ne produisait rien, ce dont je doute ; si ce fait anormal du prix élevé de la viande et de la dépréciation du bétail devait fatalement nous rester inexpliqué ; si l'enquête nous prouvait enfin qu'il n'y avait rien à faire, eh bien, messieurs, il y aurait toujours cela de gagné, c'est que la situation serait nettement établie et que chacun saurait définitivement à quoi s'en tenir.

Quant au traité en lui-même, messieurs, bien que tous les intérêts matériels n'y auraient pas été complètement sauvegardés, ce dont je doute, dans la mesure de ce qui était possible, je voterai cependant pour son adoption, parce que je crois que notre position vis-à-vis de la Hollande, les intérêts politiques qui s'y rattachent, nous font une obligation de rester avec ce pays en de bonnes relations.

M. de Renesse. - Messieurs, si le traité du 20 septembre avec la Hollande peut être considéré, sous un certain rapport, comme avantageux à quelques intérêts du pays, il n'en est pas de même pour l'industrie agricole ; car, d'après l'article 12 de ce traité, l'on stipule formellement la franchise des droits de transit pour le bétail venant de la Hollande, ainsi que pour les chevaux, tandis que ce transit est interdit pour les fers, houilles, poudres et les tissus de lin ou de chanvre.

Il me semble que, par cette stipulation du traité, le gouvernement a de nouveau perdu de vue les intérêts de notre agriculture tout en favorisant quelques autres industries ; c'est encore appliquer ici le principe du libre échange pour l'industrie agricole, tandis que l'on maintient, même outre mesure, le système protecteur, pour d'autres produits naturels ou industriels, en défendant le transit de leurs similaires par notre territoire ; à la vérité, le gouvernement observe, à cet égard, que les restrictions au transit de ces produits résultent de l'état de nos relations avec des pays voisins ; néanmoins, l'on peut y objecter avec raison qu'il y a toujours deux poids et deux mesures dans la manière dont on traite ici l'agriculture comparativement à certaines autres industries privilégiées.

A plusieurs reprises, cependant, nos cultivateurs et éleveurs de bestiaux ont réclamé contre le transit libre du bétail de nos voisins du Nord, et surtout actuellement cette plainte est d'autant plus fondée qu'en général le bétail s'est vendu cette année-ci à un prix très modéré, et nos agriculteurs ont même eu de la peine à s'en défaire à un taux rémunératoire. Si le gouvernement veut que nos habitants des compagnes puissent s'adonner à l'élève et à l'engraissement du bétail, s'il désire que nous ne restions pas constamment, sous ce rapport, tributaires de l'étranger, il faut nécessairement que nous prenions des mesures pour que le bétail hollandais, en transitant par notre pays, ne nous fasse pas une concurrence ruineuse sur les marchés étrangers.

Il est notoire, pour tous ceux qui habitent les provinces frontières de la Hollande, que déjà avant 1850, et surtout depuis que nous avons notablement réduit les droits à l'entrée du bétail étranger, les marchands des Pays-Bas, passant par notre pays, préfèrent payer, pour leur bétail, un léger droit à l'entrée, que de se soumettre au droit de transit de 8 fr., et aux formalités de ce régime ; c'est pourquoi la statistique du transit, jointe aux développements du traité, n'a pu renseigner, pour 1850, que le nombre insignifiant de 179 têtes de gros bétail transitant par la Belgique vers la France ; si d'un autre côté, l'on compare la statistique du bétail entré dans ce pays, soi-disant pour la consommation, l'on trouve notamment que depuis 1845, le chiffre de 7,678 têtes de gros bétail venant des Pays-Bas a plus que doublé ; il me paraît en résulter qu'effectivement une partie de ce bétail doit avoir été dirigée vers la France.

En employant ce moyen, les marchands hollandais, viennent non seulement nous faire une rude concurrence sur nos différents marchés à portée de la France, mais en cas de non-vente en Belgique, ils passent les frontières françaises pour y concourir contre nous.

Déjà, en 1850, par la loi sur les denrées alimentaires, nous avons consenti à une forte réduction de droits à l'entrée du bétail hollandais, fixés, par le traité du juillet 1846, à 7 1/2 centimes et 5 centimes. le kilog., suivant la qualité du bétail auquel ils s'appliquaient, tandis que d'après la législation actuelle, ces droits ne sont plus que de 4 et de 2 centimes par kilog., sans que la Hollande nous eût accordé alors aucune compensation.

Il est incontestable que les habitants des Pays-Bas sont, en outre, dans de meilleures conditions que nos cultivateurs pour l'élève et l'engraissement de leurs bestiaux ; ils peuvent, par conséquent, les vendre à meilleur marché que nous ne saurions offrir les nôtres.

Les pâturages hollandais sont infiniment plus nombreux que ceux de Belgique, et sont en partie meilleurs ; ils s'y louent à des prix modérés, tandis que pour ceux de notre pays, il n'en est pas de même, puisqu'il est reconnu, en général, qu'en Hollande le prix de vente des prairies servant à l'élève et à l'engraissement du bétail, n'est pas de moitié si élevé que chez nous ; cela tient principalement à ce que, dans les Pays-Bas, l'on préfère placer les capitaux dans les fonds publics ou commerciaux ; les placements en fonds de terre n'y étant pas si recherchés que dans ce pays-ci.

Je dois témoigner mon regret de ce que, dans le traité avec la Hollande, le gouvernement n'ait pas tâché de sauvegarder plus sérieusement les intérêts de l'agriculture ; surtout, dans ce moment, où l'on a retiré à l'industrie agricole presque toute protection douanière, et où l'Etat fait, chaque année, des dépenses assez considérables, pour le défrichement de nos bruyères, pour l'irrigation et la création de prairies nouvelles, afin de provoquer l'élève du bétail ; or, cette industrie ne peut réellement gagner en importance, ni prendre de plus grands développements, que pour autant que l'éleveur, et ceux qui s'adonnent à l'engraissement du bétail, puissent obtenir une juste rémunération de leurs peines et de l'emploi de leurs capitaux. En permettant au bétail hollandais, non seulement de faire une rude concurrence sur les marchés de l'intérieur, par suite du léger droit de douane établi en 1850, mais en outre, d'après le traité en discussion, en accordant au bétail et aux chevaux venant delà Hollande, la faculté de transiter par la Belgique, sans payement de droits, l'on portera, il est probable, un grave préjudice à l'industrie agricole, et sous ce rapport, je ne pourrai approuver le traité avec la Hollande. Si, pour d'autres industries, le gouvernement a obtenu certaines modérations des droits de douane à leur entrée dans les Pays-Bas, je regrette qu'il n'ait pu obtenir un abaissement des droits en faveur des produits de l'industrie de la chapellerie de paille.

Cette intéressante industrie, qui réside dans quelques communes des provinces de Limbourg et de Liège, à proxiraimité de la ville de Maestricht, procure du travail et de l'aisance à environ 10,000 habitants de ces provinces, et met en mouvement chaque année plusieurs millions de francs ; elle ne réclame du gouvernement, ni primes, ni privilèges ; elle travaille avec ses propres fonds ; mais elle demande que dans les différents traités à intervenir, surtout avec les pays voisins, le gouvernement ne perde pas de vue ses intérêts, en obtenant des modifications à leurs tarifs de douanes, et qu'ainsi il lui procure des débouchés pour ses produits qui, particulièrement, sont frappés de droits presque prohibitifs en France ; à la vérité, les droits à l'entrée en Hollande, pour les produits de la chapellerie de paille, ne sont pas très élevés : ils sont de 6 p. c. pour les chapeaux confectionnés, et de 2 p. c. pour les tresses et agréments de paille ; mais si, pour d'autres produits de l'industrie belge, dont les droits à l'entrée en Hollande étaient fixés à 6 p. c, l'on est parvenu à obtenu une réduction, soit à 4 p. c, à 2 p. c. et même à 1 p. c, il me semble que nos honorables négociateurs auraient dû insister pour obtenir pareillement une réduction équitable, en faveur des produite d'une industrie dont, je crois, il n'y a pas de similaire dans les Pays-Bas, puisque chaque année, nos fabricants de chapellerie de paille sont obligés d'envoyer un certain nombre de leurs ouvriers en Hollande, pour y arranger les chapeaux de paille, d'après les convenances des habitants de ce pays ; ils avaient donc un certain intérêt à obtenir les concessions des plus favorables pour introduire en Hollande, et surtout dans la partie cédée du Limbourg, leur ancien débouché, les différents produits des leur industrie à des droits réduits.

J'espère que, dans les négociations à intervenir avec la France et le Zollverein, M. le ministre des affaires étrangères voudra bien insister auprès de nos plénipotentiaires, paur que les intérêts de l'intéressante industrie de la chapellerie de paille, ne soient point perdus de vue, et que l'on tâche d'obtenir pour ces produits des modifications favorables aux tarifs douaniers de ces pays.

(page 387) M. Delehaye. - Comme il y a encore un grand nombre d'orateurs inscrits contre le traité et qu'il n'y en a plus que deux ou trois inscrits en sa faveur, je demanderai s'il ne conviendrait pas d'entendre encore un orateur contre le projet.

- Plusieurs members. - Non ! non ! Allez ! allez !

M. Delehaye. - J'aborderai donc la question; mais je réclamerai la bienveillance de la chambre, attendu que je n'étais pas préparé à prendre aujourd'hui la parole.

Lorsqu'il s'est agi, il y a quelque temps, du traité avec la France, je vous disais qu'il ne serait pas étonnant qu'au même moment ce traité rencontrât une opposition égale au sein de la législature des deux pays. Le résultat a prouvé que j'avais raison. Cette fois, il en sera de même à la Haye, comme à Bruxelles. On se récriera des deux côtés, et l'un comme l'autre pays n'aura qu'à s'applaudir des bons effets que la convention est appelée à produire.

Ces dispositions, messieurs, s'expliquent facilement. Les conventions internationales ne sont basées que sur des concessions réciproques; ce sont des contrats qui ne confèrent des avantages qu'en proportion des sacrifices.

Ceux qui croient leurs intérêts lésés n'examinent que leur position ; ils se récrient sans égard pour le bien général. On a vu parfois des industries à peine effleurées prétendre que le sacrifice léger qu'on leur demandait devait peser davantage dans les considérations des négociateurs que tous les avantages accordés à la nation tout entière.

Pour ces industries, messieurs, nous chercherions vainement à les convaincre. L'évidence des faits pourra seul dissiper leurs alarmes.

En effet, messieurs, n'est-ce pas là ce que nous avons pu constater jusqu'à présent, relativement à tous les traités, comme relativement au traité qui est en discussion? Deux des orateurs qui m'ont précédé ont, au nom de l'agriculture, combattu fortement la disposition sur le bétail.

Eh bien, je ne crains pas de le dire, si leurs prévisions pouvaient se réaliser, si ces préventions avaient une ombre de fondement, la section centrale eût rejeté le traité à l'unanimité. On dit que l'agriculture sera singulièrement atteinte par la disposition relative au bétail ; mais, messieurs, permettez-moi de le dire, ceux qui attaquent cette disposition se font une très fausse idée du traité.

Le traité permet, en effet, le libre transit ; mais, remarquez-le bien, le transit pour la France est pour ainsi dire nul : c'est entre la Hollande et la France que le transit peut être, pour nous, le plus préjudiciable ; mais les honorables membres qui critiquent la disposition dont je m'occupe en ce moment, ne tiennent aucun compte des changements survenus dans la situation de l'agriculture en France. Pourquoi, dans le département du Nord, le transit du bétail hollandais a-t-il été peu utile et celui du bétail belge sans importance ? C'est parce que dans ce département l'agriculture a pris une extension considérable ; parce qu'il s'y est établi des raffineries de sucre et d'autres industries, qui toutes avaient pour effet de favoriser considérablement l'élève du bétail.

Il est une autre circonstance qui vient encore corroborer mes observations, c'est l'immense marché anglais qui est ouvert aujourd'hui à nos exportations comme aux exportations de la Hollande ; le bétail y est plus cher qu'en France et qu'en Belgique ; on le dirige de préférence vers le marché anglais, alors que le marché français se rétrécit de plus en plus. (Interruption.)

On me dit qu'il s'agit de mesures douanières ; mais on ne remarque pas que ces mesures douanières n'empêchent pas la Belgique de prendre, de son côté, telles mesures qu'elle croirait nécessaires ; on perd de vue que le traité laisse, à cet égard, une liberté pleine et entière à la Belgique. Vous avez attaqué le traité au point de vue de l'agriculture ; vous avez cité le bétail ; eh bien, je vous ai dit et prouvé, je pense, que le transit accordé à la Hollande ne pouvait menacer la Belgique, et que, quant aux droits d'entrée du bétail, le traité nous laisse la faculté de les augmenter si elle le juge convenable à ses intérêts.

M. Coomans. - Mais vous ne le voulez pas.

- Un member. - On n'a pas confiance dans les mesures douanières.

M. Delehaye. - Il m'est impossible de rencontrer toutes les objections à la fois.

Je dis que, lorsqu'il me sera démontré qu'il faut modifier les dispositions douanières, je serai le premier à y prêter les mains.

On a invoqué les intérêts de l'agriculture ; eh bien, je les invoque aussi, et, sur ce point, je suis entièrement d'accord avec l'honorable préopinant; je dis aussi que la Belgique n'a pas suffisamment de bétail, que l'agriculture en réclame une quantité beaucoup plus considerable ; mais, messieurs, pour obtenir ce résultat, qu'importe-t-il de faire? Ne faut-il pas en faciliter l'arrivée dans le pays? (Interruption.)

Messieurs, je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

- Plusieurs members. - Si ! si !

M. Delehaye. - Permettez-moi, messieurs, de revenir sur ce point qui paraît être le grief le plus sérieux reproché à la convention. J'ai dit que le transit ne présentait plus le même degré de gravité depuis que le marché français était abondamment fourni par le bétail du département du Nord, et depuis que l'Angleterre offrait un débouché plus avantageux ; j'ai ajouté que, quant aux droits de douane, le traité ne changeait en rien la position de la Belgique ; mais, répondant aux observations du député de Bruxelles, et partageant son opinion quant à l'insuffisance du bétail, qu'il fallait, par tous les moyens possibles, chercher à accroître la quantité du bétail.

D'après moi, messieurs, le gouvernement agira sagement en favorisant l'entrée de ce qui constitue à mes yeux le véritable élément de prospérité pour l'agriculture.

Prenez des dispositions contre l'importation du bétail gras, mais gardez-vous de frapper de droits l'importation du jeune bétail qui constitue une véritable matière première dont l'industrie agricole décuplera la valeur.

Il me souvient que souvent à des époques peu reculées la chambre a été saisie de pétitions sollicitant les mesures que j'indique ici.

Je suis heureux que l'opposition m'ait fourni l'occasion d'examiner de nouveau cette importante question. En exposant au grand jour les griefs qu'on reproche, on nous permet de faire ressortir à notre tour les avantages qui nous poussent à donner notre assentiment à là convention.

Sans doute, messieurs, la Hollande a obtenu des concessions très grandes; mais elles sont l'équivalent de celles qui nous sont faites. Pour traiter avec ce pays, il ne faut pas perdre de vue quels sont les intérêts qu'il veut avant tout ménager ; pour lui, la question commerciale a tout autant d'importance que pour nous la question industrielle. Comme la Belgique, la Néerlande avait encore à ménager par la convention un autre intérêt, l'intérêt politique. Elle a compris cette question tout comme le gouvernement belge. Nos voisins savent fort bien que cette considération toute puissante ne serait point perdue de vue par les chambres législatives des deux pays qui seraient appelées à donner leur assentiment au traité.

C'est cette considération, jointe à l'appréciation des avantages réciproques que se font les deux pays, qui doit nous guider dans la discussion.

Passons à l'examen d'un autre reproche fait au traité.

Messieurs, nous avons entendu les vives réclamations de la ville d'Anvers, ville qui a toutes mes sympathies. Qu'il me sait permis de le dire, je crois qu'on a singulièrement exagéré le tort que le traité peut faire à notre métropole commerciale.

Que la ville d'Anvers se rappelle, je ne dirai pas comme M. le ministre des affaires étrangères, l'époque où nous étions réunis avec la Hollande et où elle se trouvait dans la même position que les ports hollandais ; je sais que la ville d'Anvers partageait alors les avantages qu'offraient les colonies hollandaises. Mais je rappellerai à la ville d'Anvers l'année qui a précédé le vote des droits différentiels. Elle ne se trouvait certainement pas alors dans une position aussi favorable que celle où elle se trouvera après l'adoption du traité.

Messieurs, j'ai voté contre la loi des droits différentiels : je l'ai fait avec une entière conviction, j'ai dit alors quelles seraient les conséquences de cette loi ; je l'ai dit avec la ville d'Anvers ; j'avais alors la ville d'Anvers tout entière avec moi pour protester contre cette loi. Mais que va-t-il arriver? La loi des droits différentiels disparaît-elle ? Non, elle est maintenue pour les principaux articles de notre commerce ; pour la plus grande partie des objets encombrants de notre marine, le traité ne portera aucune atteinte à cette loi, elle continuera à régir la matière, à faire la fortune de la ville d'Anvers, qui autrefois réclamait si vivement contre elle.

Messieurs, on dit encore que le traité a singulièrement blessé les intérêts de notre pêche nationale. Ici je suis heureux de le dire, la principale localité représentant la pêche nationale n'a pas jeté de hauts cris. Il faut en conclure que cette industrie ne sera pas gravement atteinte.

En effet, que réclame l'industrie de la pêche nationale ? Elle ne se dissimule pas que par le chemin de fer elle a extrêmement agrandi son marché. Elle sait parfaitement qu'à l'aide de cette voie de communication, elle est parvenue à fournir le poisson à la plus grande partie des villes de la Belgique et à des localités où jusqu'alors il avait été inconnu. Mais ce que réclame encore la pêche nationale, ce sont des modifications à quelques dispositions communales; c'est qu'on facilite l'entrée du poisson dans plusieurs de nos communes. Et qu'ici il me soit permis de citer avec bonheur, avec une fierté locale, la ville de Gand.

La ville de Gand a senti la nécessité de modifier son système à cet égard, elle a donné l'exemple; elle a dit : Nous demandons la protection pour nos industries ; faisons ce qui nous est possible pour d'autres industries. Et elle vient de modifier profondément, dans l'intérêt de la pêche nationale, son règlement sur la minque.

Ces modifications sont soumises au gouvernement, et je n'ai pas le moindre doute que, dans sa vive sollicitude pour la pêche nationale, il ne s'empresse d'adopter les dispositions que nous avons votées.

Il est encore d'autres dispositions qui ont été critiquées par la section centrale, notamment celle qui consiste dans la réduction des péages sur les canaux. Je vous avoue, messieurs, que cette réclamation m'a peu ému.

On a prétendu qu'il devait en résulter une grande diminution dans nos recettes. Mais cette diminution ne se présenterait que si les prévisions de la chambre et du gouvernement ne se réalisaient pas, c'est à-dire si la navigation n'augmentait pas. Mais si la navigation augmente considérablement, si par la réduction de ces péages nous parvenons à fournir à la ville de Liége, à la ville industrielle de Gand, les matières premières à des prix réduits, ne voit on pas que la perte que cette réduction entraînera momentanément pour le trésor sera richement compensée par la prospérité de notre industrie ?

Vous voulez, messieurs, que notre industrie lutte avec celle des pays étrangers, avec celle de l'Angleterre. Mais comment voulez-vous que (page 388) nous puissions lutter, si les matières premières, les matières qui nous sont d'une nécessité indispensable ne nous arrivent qu'avec des frais de voyage et de transport tellement considérables que pour certains établissements il s'agit d'une différence de 10, 12, 15 et même 20,000 fr., avec les établissements de l'Angleterre ? Soyons donc conséquents. Si nous voulons que nos industries puissent soutenir la lutte, facilitons-leur-en les moyens, réduisons les péages et soyez persuadés que la protection que vous accorderez de cette manière à nos industries sera autrement efficace que celle que l'on réclame.

Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire en commençant, je ne pensais pas prendre la parole aujourd'hui, j'aurais même désiré ne la prendre que demain. Mais comme les orateurs inscrits pour le traité sont peu nombreux je pourrai vous présenter encore quelques observations dans le cours de la discussion.

Qu'il me soit permis d'insister fortement sur un point. Si le traité n'était pas adopté, quelle en serait la première conséquence? C'est que nous retomberions dans le droit commun, tandis que l'Allemagne, et, je crois, d'autres nations encore, se trouveraient sur le marché hollandais dans une position privilégiée. Or ce droit commun serait la mort de notre commerce en Hollande. Il serait impossible à notre industrie si importante des draps, à notre industrie des cotons, à notre industrie des fils et tissus de lin de soutenir la concurrence. A des conditions égales nous pouvons lutter sur tous les marchés de l'Europe. Mais sur les marchés où les industries des autres pays jouissent de tarifs privilégiés, la concurrence devient impossible.

Messieurs, je ferai également valoir une considération sur laquelle a fortement appuyé l'honorable ministre des affaires étrangères, et qu'a invoquée l'honorable député de Bruxelles. C'est que je ne comprendrais pas qu'en présence des éventualités qui peuvent surgir à chaque instant, vous ne chercheriez pas à maintenir des relations amicales avec la Hollande.

Messieurs, qu'il me soit permis de le dire, la Hollande est nécessaire à la Belgique, comme la Belgique est nécessaire à la Hollande. Ces deux pays doivent se prêter la main. Ils ont vécu trop longtemps de la même vie pour qu'il ne leur reste pas d'anciens souvenirs nationaux qui doivent tourner au bien-être général.

D'ailleurs, ne vous le dissimulez pas, une grande partie de nos nationaux ont des intérêts immenses en Hollande. Une partie du territoire hollandais appartient encore à des propriétaires belges. Ce sont également des intérêts importants que vous avez à ménager. (Interruption.)

On me dit : On ne va pas contester leurs propriétés, A cela je ferai une réponse immédiate à l'honorable M. Malou qui appartient à la Flandre occidentale. Cet honorable membre sait qu'une partie de la rive gauche de l'Escaut appartient à des propriétaires de la Flandre occidentale. On ne confisquera pas ces propriétés; mais que fera-t-on? On prendra des mesures qui rendront difficile la culture de la terre par des Belges. (Interruption.)

Messieurs, rappelez-vous le passé. Je suis réellement étonné de l'opposition que rencontrent mes paroles. Dans le temps, on a pris de ces mesures. Ce système ne serait pas nouveau ; ne comprenez-vous pas que si vous rejetiez le traité, la Hollande, à tort, je le veux bien, envisagerait ce fait comme un acte de mauvaise relation, qu'elle pourrait prendre des mesures de représailles? Et que l'honorable M. Malou en soit persuadé, partout où elle pourrait nuire à nos intérêts, elle n'y manquerait pas.

Messieurs, nous ne sommes pas nés d'hier ; nous savons ce qui s'est passé en 1844 et à d'autres époques; recueillez à cet égard vos souvenirs.

Messieurs, je suppose un instant que le traité soit adopté par la Belgique, et qu'il soit rejeté par la Hollande. Ne croyez-vous pas que l'honorable M. Malou, tout le premier, viendrait vous dire : « Si la Hollande a repoussé le traité, c'est à nous à prendre des représailles? » Et j'ai la conviction que celui qui demanderait ces représailles, ne serait pas le moins bien écouté par le pays. Nous savons qu'en cas pareil, le pays serait heureux de voir ses représentants jeter le cri d'alarme et prendre des mesures de représailles.

C'est ce qui s'est présenté en Hollande, c'est ce qui s'est présenté en Belgique. Eh bien, messieurs, c'est ce que je ne veux plus. Je veux que la Belgique et la Hollande se prêtent un mutuel appui et se tendent désormais la main. J'appuie surtout la convention conclue avec la Hollande parce qu'elle a été vivement sollicitée par le pays : toutes les chambres de commerce y ont applaudi, et j'ai la conviction intime que quand notre métropole commerciale verra les avantages que le traité procure à l'industrie sans réaliser les craintes qu'il inspire, elle regrettera l'opposition qu'elle y fait aujourd'hui.

(page 369) - La séance est levée à quatre heures et demie.