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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 18 décembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants de Belgique, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 279 )M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« La chambre des avoués de Liège déclare adhérer au mémoire présenté par les avoués de Bruges conire le projet de loi sur l'expropriation forcée et prie la chambre, en cas d'adoption de ce projet de loi, d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de décréter le partage de la remise proportionnelle entre le notaire qui aura procédé à la vente et l'avoué qui aura été charge de faire les actes de procédure. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi.


« La chambre de commerce de Saint-Nicolas prie la chambre de ne pas approuver les clauses du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, qui sont relatives à l'assimilation du sel de source au sel de roche et à la faculté de transit accordée au sel de source. »

« Même demande du conseil communal de Thielrode. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.

M. Cools. - Messieurs, voici encore une chambre de commerce qui réclame contre le traité avec l'Angleterre, en ce qui concerne le sel de source. L'honorable baron de T'Serclaes avait demandé dans une séance précédente que les pétitions de cette nature fussent insérées au Moniteur. On a fait observer qu'il convenait que la section centrale examinât d'abord les pétitions pour voir si elles ne renfermaient rien qui s'opposât à leur publication.

Puisqu'il s'est écoulé depuis lors quelque temps et que les pétitions continuent d'arriver, je désirerais que la section centrale voulût bien ne pas tarder à se prononcer sur cette question de publication : il importe que le pays sache quelle est l'opinion des principaux centres industriels.

Je ne fais pas de proposition formelle. J'ignore si des membres de la section centrale sont présents, mais ceux qui seraient absents verront mon observation au Moniteur.

Je demande que la section centrale lève le plus tôt possible l'obstacle qu'on a oppose à la publication des pièces qui lui sont renvoyées.

M. Manilius. - L'honorable préopinanl vient de dire qu'il ne fait pas de proposition formelle : dès lors, je n'ai aucune objection à faire. Je crois cependant qu'on ne peut pas provoquer des renseignements de la part de la section centrale avant qu'elle n'ait fait son rapport. Lorsqu'elle déposera son rapport, elle donnera tous les renseignements nécessaires.

M. Delehaye. - La section centrale examinera très attentivement la question du sel d'Angleterre qui est l'une des plus graves de celles que soulève le traité avec la Grande-Bretagne.

Quant à la pétition de la chambre de commerce de Saint-Nicolas, je crois qu'il faut l'insérer dans les Annales parlementaires, comme émanant d'un corps constitué.

M. Van Iseghem. - Je demande que la même décision soit prise pour la pétition de la chambre de commerce d'Oslende, qui est arrivée hier.

- La chambre décide que les pétitions des chambres de commerce de Saint-Nicolas et d'Ostende seront insérées aux Annales parlementaires.

Rapport sur une pétition

M. Van Renynghe, rapporteur. - Messieurs, par pétition, date de Bruxelles, le 20 septembre dernier, le sieur Degroux, peintre d'histoire, demande à être relevé de la déchéance de la naturalisation, qu'il a encourue en laissant expirer le terme fixé par la loi pour faire sa déclaration.

Il allègue à l'appui de sa demande que c'est à son insu et par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, qu'il a été déchu de la faveur qu'il avait obtenue de la part de la législature.

Votre commission, appréciant ces motifs, propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1852

Discussion générale

M. Vermeire. - Messieurs, je désirerais présenter quelques observations relativement au chemin de fer ; je ne sais pas si, dans la discussion générale, on discute la question du chemin de fer. (Oui ! oui !)

M. Delfosse. - Quand on arrivera au chapitre du chemin de fer, parlera-t-on encore du chemin de fer ? Il y aurait double emploi. Il faudrait s'entendre pour ne pas perdre de temps.

M. le président. - La chambre juge-t-elle à propos, pour ce qui regarde le chemin de fer, d’ajourner le débat jusqu'à ce que nous soyons arrivés au chapitre concernant le chemin de fer ? (Non ! non !) Hier, on n' a fait que discuter le chemin de fer ; que nous entendions aujourd'hui ou plus tard les discours que nous avons encore à entendre, cela revient au même.

M. Delfosse. - Mais il ne faut pas entendre deux fois les mêmes discours.

M. le président. - Vous ne faites pas de proposition ?

M. Delfosse. - C'est une simple observation.

M. le président. - La discussion générale continue ; elle embrasse tous les articles du budget ; la parole est à M. Vermeire.

M. Vermeire. - Messieurs, en prenant la parole dans cette discussion, mon intention n'est pas d'examiner de nouveau toutes les questions qui se rattachent à l'exploitation des chemins de fer. Cet examen a déjà fait l'objet de diverses délibérations de la chambre à des époques fort rapprochées. C'est pour ce motif que je m'abstiens de rentrer dans tous ces détails. Cependant, je ferai observer que, partageant l'avis de l'honorable rapporteur de la section centrale, je crois que l'exploitation de nos chemins de fer est encore entourée de trop de complications, et j'ai été heureux de remarquer dans le discours prononcé dans la séance d'hier, par M. le ministre des travaux publics, qu'on s'occupe au ministère des travaux publics d'une nouvelle organisation qui simplifiera beaucoup les rouages de l'exploitation.

Messieurs, il y a quelques mois, nous avons discuté et adopté le tarif du transport des voyageurs sur le chemin de fer. Ce tarif, qui augmente légèrement le prix du transport, a été adopté dans la chambre, quoiqu'il fût ardemment combattu par le ministère.

Deux objections principales furent présentées conire cette tarification.

La première, c'est que toute nouvelle augmentation devait nécessairement diminuer le nombre des voyageurs ; la seconde, que cette même augmentation devait opérer un déclassement des voyageurs.

Nous, de notre côté, nous avons soutenu que cette observation était exacte quand il s'agissait d'une augmentation exagérée, mais qu'elle ne l'était plus quand l'augmentation était pour ainsi dire insignifiante, qu'alors le déclassement ne pouvait pas non plus s'opérer. En comparant les résultats obtenus par le nouveau tarif pendant cinq mois, avec ceux obtenus en 1850, nous trouvons que le déclasssemenl, au lieu de se faire des classes supérieures vers les classes inférieures, s'est opéré en sens inverse, c'est ainsi qu'en 1850 le nombre des voyageurs au total était pour la première classe de 9.75, pour la seconde 22.65 et pour la troisième 68.62 pour cent ; pendant les 5 mois que le nouveau tarif a été appliqué, le nombre des voyageurs a été pour la première classe de 11.11, pour la seconde 25.41 et pour la troisième 65.48.

Je sais qu'on ne peut pas comparer les cinq mois, pendant lesquels le nouveau tarif a fonctionné, avec un exercice entier ; aussi je n'attache pas à cette comparaison une trop grande importance ; seulement je veux dire que le déclassement qu'on craignait ne s'opère pas par le nouveau tarif.

Pour les recettes, en les comparant également, je trouve qu'un voyageur de première classe a produit, pendant les cinq mois de l'exploitation du nouveau tarif, 5 fr. 92 c. contre 4 fr. 64 c. qu'il avait rapportés pendant l'exploitation de 1850, de manière que la différence serait en plus, pour la première classe, de 1 fr. 28 c ; pour la deuxième classe, le produit a été de 2 fr.76 v. contre 2 fr. 42 ; différence 34 centimes, et pour la troisième classe l fr. 08 c. contre 99 centimes, différence, 9 centimes. On craignait que la troisième classe ne fît les frais de l'augmentation du tarif ; c'est encore l'inverse qui a en lieu, le voyageur de première classe paye en plus 1 fr. 28 c, le voyageur de deuxième classe 34 centimes et celui de troisième classe 9 centimes seulement.

Je cesserai ici mes investigations sur le tarif nouveau comparé au tarif ancien, parce que, comme je l'ai déjà dit, cette comparaison d'une exploitation de cinq mois avec celle d'un exercice entier ne peut pas être très exact. Je n'ai pas eu le temps de lire le relevé des 5 mois correspondants de l'année dernière pour les comparer aux 5 mois de cette année.

Quand nous avons discuté le projet de loi de travaux publici, l'honorable M. Rolin, l'ancien ministre, a attiré l'attention toute particulière de la chambre sur l'utilité qu'il y aurait à augmenter l'emprunt proposé à cette époque, de manière à achever les chemins de fer existants ; il demandait surtout qu'on achevât les stations. Il demandait encore qu'on augmentât le matériel d'exploitation pour satisfaire à tous les besoins ; il demandait, en troisième lieu, la construction de hangars pour abriter les marchandises.

L'absence de ces hangars est fort onéreuse pour les recetts du chemin de fer, parce que de grandes quantités de marchandises reprendront l'ancienne voie, si l'on ne cherche à y obvier bientôt. Ainsi je citerai isolément la station de Termonde. Les principales marchandises qui se transportent à cette station, ce sont les huiles en premier lieu. Eh bien, pendant les fortes chaleurs, nous sommes obligés de laisser les (page 280) huiles exposées aux rayons ardents du soleil, et, de cette manière, nous éprouvons des pertes énormes. Déjà plusieurs expéditeurs, ne voulant plus recevoir les réclamations qui leur sont faites de ce chef, préfèrent expédier leurs marchandises par une autre voie.

Nous avons à Termonde la principale importation des graines de lin à semer ; plusieurs navires y sont arrivés, de grandes réexportations doivent encore se faire par le chemin de fer ; en conduisant nos barils à la station, elles y restent souvent exposées à la pluie, et vous savez que l'humidité détériore la graine et qu'ainsi cela peut devenir très nuisible à l'agriculture même.

Le commerce du sel promet de prendre une grande extension à Termonde.

Les importations ont lieu, l'entrepôt se remplit, nous devrons encore exposer les sels dons la station, et le sel brut ne peut souffrir non plus de cet état de choses.

J'appellerai donc l'attention toute particulière de M. le ministre des travaux publics sur l'utilité qu'il y a de construire à Termonde, le plus tôt possible, un hangar sous lequel on pourrait abriter les marchandises qui sont exposées dans la station.

Je crois devoir encore faire remarquer que le transport des marchandises à la station de Termonde augmente considérablement. Déjà l'année dernière cette importance a été évaluée à 80 mille francs, et, si mes renseignements sont exacts, il y aura à peu près d'un tiers en plus pendant l'exercice courant.

Il y a un dernier point de moindre importance sur lequel j'appelle également l'attention de M. le ministre des travaux publics.

L'année dernière, les convois partant de Bruxelles vers onze heures du matin et les convois parlant de Gand vers six heures du soir s'arrêtaient à la station de Wichelen. Cette année, il n'en est plus de même. La station de Wichelen est cependant assez importante, elle doit desservir douze communes d'une population de 25 mille habitants. Il résulte de ce que les convois ne s'arrêtent plus à la station de Wichelen, que les personnes qui se rendent au marché à Termonde ne peuvent pas s'en retourner par le convoi de midi et sont ainsi obligées de retourner à pied ou de séjourner dans la ville jusqu'à 4 heures du soir. De manière que c'est là encore un grand préjudice pour la station. Je recommande encore cet objet à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

M. Orban. - Messieurs, chaque année, l'éloge et la justification de l'administration du chemin de fer nous sont présentés par M. le ministre des travaux publics, et la plupart du temps, hier encore, ce n'est pas le talent qui fait défaut à l'accomplissement de cette tâche.

Cela n'empêche pas que l'administration du chemin de fer ne soit jugée sévèrement. Son extension exagérée, ses complications fâcheuses, le système de tarifs qu'elle a fait prévaloir, ont fait à nos finances un préjudice notable, et ont perdu dans l'opinion publique, tant en Belgique qu'à l'étranger, la cause de l'administration des chemins de fer par l'Etat.

Une pareille situation ne se corrigera pas d'elle-même. Il ne serait guère raisonnable d'attendre que nous puissions la corriger au moyen des renseignements qui nous seront fournis par l'administration ; car c'est cette administration elle-même qu'il s'agit de corriger, de condamner en quelque sorte.

La chambre a parfaitement compris cette vérité, et c'est pour cela que, depuis longtemps, elle a pensé que l'administration du chemin de fer devait faire l'objet de ses investigations particulières.

Beaucoup d'entre vous se rappellent qu'il y a quelques années on avait fait choix pour rapporteur du budget des travaux publics, d'un membre de cette assemblée, qui n'en fait plus partie, dont l'absence n'est pas regrettée par moi seul, qui dans l'examen du budget de la guerre avait fait preuve d'un talent remarquable et d'un remarquable esprit d'organisation pour examiner à son tour et porter la lumière dans le budget des travaux publics. Des circonstances indépendantes de la volonté de cet honorable membre ne lui ont pas permis de donner à son travail la portée qu'on en avait attendue.

Plus heureux aujourd'hui, nous devons à un de nos honorables collègues un rapport complet sur cette matière. Ce rapport va au fond de toutes choses. Il signale le mal et il indique les remèdes. Il présente les rapprochements les plus lumineux. Il peut être considéré en quelque sorte comme l'exposé des motifs complet et raisonné d'un système nouveau qui tendrait à rendre le chemin de fer aussi productif qu'il n'a été peu jusqu'à présent.

Malheureusement, messieurs, autant le rapporteur s'est montré courageux et pénétré du besoin d'introduire dans l'administration du chemin de fer d'importantes réformes, autant, je regrette de le dire, la section centrale s'est montrée peu disposée à le suivre dans cette voie.

Aux propositions les mieux formulées elle a répondu par une négation perpétuelle ; elle n'a pas discuté, elle s'est abstenue ; elle n'a rien adopté, elle a ajourné ; elle a fait une espèce de compromis perpétuel entre M. le ministre des travaux publics et l'honorable rapporteur, adoptant les explications de M. le ministre, qui cependant ne promettent pas d'amélioration sensible dans le système existant, et décrétant l'insertion au rapport des observations de l'honorable rapporteur qui sont, en tout point, la critique de ce système.

Messieurs, j'ai peine, je l'avoue, à comprendre une semblable manière de procéder. J'ai peine à comprendre un pareil système. Est-ce une déclaration d'incompétence pour la chambre ? Alors, messieurs, autant vaudrait déclarer que la chambre est incompétente pour faire le bien, pour apporter des améliorations dans la marche d'un service quelconque, Si ce n'est pas une déclaration d'incompétence, que peut invoquer la section centrale ? L'absence de lumières suffisantes ? Je demanderai alors pourquoi elle a repoussé la nomination d'une commission qui lui a été proposée.

Si la section centrale, par suite du peu de temps qu'elle a disponible, ne peut approfondir les questions qui lui sont soumises, une commission composée d'hommes spéciaux, ayant du temps devant elle, aurait pu remplir cette tâche déclinée par la section centrale et je ne crains pas de dire que c'était le véritable remède à la situation.

J'avoue, messieurs, que j'ai été profondément étonné de l'espèce de fin de non-recevoir qu'on a opposée à la formation d'une commission considérée par M. le ministre comme contraire à la division des pouvoirs, comme empiétant sur les attributions ministérielles.

Eh quoi, messieurs, est-ce que l'année dernière, dans des circonstances absolument identiques et pour les mêmes causes, on n'a pas décrété la formation d'une commission pour le budget de la guerre ? D'où viennent ces scrupules tardifs ? Quels peuvent être les motifs de résolutions si différentes dans des cas identiques ?

Messieurs, je regrette de devoir le dire, mais si l'on a été si facile à décréter la formation d'une commission, l'année dernière, c'est peut-être parce qu'on était convaincu que l'institution d'une commission ne pouvait pas amener d'économie dans le budget de la guerre, tandis que la nomination d'une commission aurait aujourd'hui pour résultat de prouver la possibilité d'économies et de réformes importantes.

Messieurs, on se montre quelquefois bien sévère pour l'ancienne majorité. L'injure ne lui est pas toujours épargnée. J'ai entendu dernièrement un honorable ministre déclarer que cette majorité avait été condamnée par le pays, tout comme si le pays pouvait condamner cette majorité, sans répudier l'ère de bonheur dont il a joui pendant qu'elle présidait aux destinées du pays ! Eh bien, messieurs, l'ancienne majorité n'a pas craint d'instituer des commissions et des enquêtes qui s'étendaient non seulement au pays entier, mais encore à l'étranger, et ces enquêtes ont jeté les lumières les plus vives sur des questions de la plus haute importance pour les intérêts du pays.

A voir la modestie de nos allures, à voir cette espèce d'abnégation avec laquelle nous nous effaçons tous les jours devant le pouvoir ministériel, on dirait, messieurs, qu'aujourd'hui comme en 1848, nous voulons conjurer ce qui se passe dans un pays voisin, réaliser ici pacifiquement ce qui s'y fait révolutionnairement. En 1848, au bruit du suffrage universel sortant d'une catastrophe, nous avons opéré chez nous une réforme électorale tellement large, tellement radicale que nous n'avons laissé à nos successeurs aucun moyen de faire un pas de plus dans cette voie sans violer ou sans changer la Constitution. Aujourd'hui nous semblons en quelque sorte nous transformer de nous-mêmes en corps législatif de l'empire, tant nous sommes empressés d'amoindrir nos prérogatives parlementaires. Quant à moi, je n'admire pas plus cette sagesse que je ne suis disposé à l'imiter.

M. Delfosse. - L'honorable M. Orban s'étonne d'une chose qui est fort naturelle. Si la section centrale n'a pas exprimé d'opinion formelle sur les observations de l'honorable rapporteur c'est qu'elle n'en a pas eu le temps. Le budget des travaux publics a été présenté à la fin du mois de février, l'examen en sections a été terminé avant la clôture de la dernière session, seulement quelques articles relatifs au chemin de fer avaient été tenus en réserve par la section centrale ; l'honorable M. de Brouwer, nommé rapporteur, avait promis de déposer son rapport le jour de la rentrée ; par des raisons qui vous ont été expliquées, le rapport n'a été lu à la section centrale que le 4 de ce mois. La section centrale a trouvé le rapport très remarquable, mais elle a dit à l'honorable M. de Brouwer : Il vous a fallu trois à quatre mois pour faire vos recherches, il nous faudrait le même temps pour en apprécier les résultats, nous nous bornerons donc à insérer vos observations dans le rapport, laissant à la chambre le soin de les apprécier, sans cela un budget présenté il y a dix mois, ne serait pas voté à la fin de l'année. La chambre attend le rapport avec impatience, et elle a raison ; ne la faisons pas attendre plus longtemps. Le rapport doit surtout être le résumé de l'examen en sections.

Nous avons voulu mettre la chambre en mesure de voter le budget avant la fin de l'année, nous croyons avoir bien fait. Si la chambre ne se croit pas suffisamment éclairée, elle peut demander un nouveau rapport soit à la section centrale, soit à une commission spéciale ; mais il ne faut pas perdre de vue que ce budget est le même que le budget précédent, il n'y a pas d'augmentation de dépenses.

L'honorable M. Orban n'a pas été heureux lorsqu'il a essayé de réhabiliter l'ancienne majorité et de la prôner aux dépens de la majorité actuelle. L'honorable membre devrait savoir que la majorité actuelle a fait disparaître, il y a deux ou trois ans, du budget des travaux publics, comme des autres budgets, bien des dépenses inutiles que l'ancienne majorité votait complaisamment.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). Messieurs, je dois ajouter une observation à celles que vient de présenter l'honorable président de la section centrale : c'est qu'on a d'autant plus de raison de s'étonner des critiques de l'honorable M. Orban, que, sur la question fondamentale, l'organisation proprement dite, mes idées se rapprochent de celles qui ont été développées par l'honorable rapporteur de la (page 281) section centrale. Hier, l'honorable rapporteur disait : « Mais sur le fond de la question, nous sommes d'accord. » En effet, messieurs, quel est le fond de la question ? C'est de faire disparaître de l'organisation actuelle du chemin de fer les rouages inutiles, les intermédiaires superflus, les lenteurs, les écritures trop compliquées, en un mot, c'est de restituer à l'organisation son véritable principe, de la comprendre comme la comprennent les hommes pratiques qui sont à la tête des compagnies concessionnaires les mieux entendues, comme on la comprend en Angleterre où l'on a fait prévaloir le principe de la spécialité des services. A la tête de ces services sont des agents qui, sans intermédiaires, correspondent directement avec le chef de l'exploitation et correspondront désormais avec le ministre dont l'impulsion sera ainsi plus directe, plus rapide, plus instantanée. Voilà le véritable fond de la question, et sur ce point je suis d'accord avec l'honorable rapporteur.

Mais, messieurs, l'honorable rapporteur a énuméré certains faits sur lesquels la section centrale était dans l'impuissance la plus absolue de se prononcer.

Moi-même, quand j'ai entendu la lecture de ce rapport, j'ai dû déclarer à la section centrale que,pour répondre à cette série considérable de faits isolés, il me faudrait également un temps assez long. Hier déjà j'ai fourni à la chambre quelques réponses à certaines allégations, à certains faits contenus dans le rapport de la section centrale. Si je devais aujourd'hui poursuivre l'examen détaillé du rapport, il me serait facile de convaincre la chambre que beaucoup de chiffres et de faits, produits par l'honorable rapporteur, ne sont pas d'une exactitude rigoureuse. Je devrais, à cet égard, entrer dans des détails que je veux épargner à la chambre, et qui prendraient un temps considérable. Je ne pense pas, du reste, que la chambre soit disposée à entrer dans une discussion de faits et de chiffres.

L'important, dans ce débat, c'est que sur la question fondamentale de l'organisation du chemin de fer, je fasse connaître les principes qui serviront de base.

Dès lors, pourquoi une commission ? Si l'honorable M. Orban, comme je suis autorisé à le croire par le discours qu'il vient de prononcer, place une entière confiance dans les idées émises par l'honorable M. de Brouwer, eh bien, qu'il se rassure, je suis, quant à la nécessité d'une réorganisation, complètement d'accord avec l'honorable rapporteur de la section centrale.

M. Orban. - Messieurs, c'est principalement sur la formation d'une commission que portait mon discours. Je ne doute nullement des excellentes intentions de M. le ministre des travaux publics et de son désir sincère d'apporter des améliorations dans l'administration du chemin de fer. Mais enfin, M. le ministre des travaux publics, comme tous ses prédécesseurs, et c'est là son rôle, est toujours dans cette situation fâcheuse, de ne pouvoir s'éclairer et s'inspirer que des idées de ses propres agents ; et c'est là une voie sans issue.

Il est essentiel de nommer une commission d'hommes spéciaux, chargée d'examiner ces questions qui préoccupent l'attention publique, de les examiner, en dehors des idées de l'adminisîralion, et peut-être en dehors des préventions exclusives qui régnent dans la chambre et dans l'opinion publique.

M. le ministre des travaux publics a dit que cette commissioné était d'autant moins nécessaire, que sur le fond des choses il est à peu près d'accord avec l'honorable rapporteur de la section centrale. Je ne puis pas admettre que cet accord existe. Tout le monde s'accorde, avec l'honorable rapporteur, pour reconnaître la complication excessive de l'administration des chemins de fer, pour proclamer que le nombre des employés du chemin de fer est excessif, eu égard à ce qui se voit ailleurs.

Eh bien, il résulte des observations faites par M. le ministre des travaux publics que nous ne devons, de sa part, attendre aucune amélioration, aucune économie de ce chef...

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai rien dit de.semblable.

M. Orban. - Je réponds à M. le ministre en citant ses propres paroles telles qu'elles sont consignées au rapport de la section centrale.

« Au surplus, ces modifications consisteront principalement en transpositions de chiffres. Elles n'auront, selon toute probabilité, aucune influence décisive immédiale sur l'ensemble des dépenses de personnel. On comprendra en effet qu'après les réductions considérables opérées, pendant ces dernières années, sur les dépenses de personnel, il serait difficile d'aller dès à présent plus avant, sans compromettre gravement les intérêts du service. »

Ainsi vous le voyez, messieurs, ce que se propose M. le ministre des travaux publics, ce sont des transpositions de chiffres, c'est une organisation qui restera aussi compliquée et aussi coùteuse que celle qui existe aujouru'hui. Est-ce là ce que vous voulez ? C'est à vous à répondre. En tout cas, vous savez ce que vous devez attendre des reformes que vous promet M. le ministre des travaux publics.

M. Cools. - Messieurs, je crois que l'incident consiste dans la nomination d'une commission. Je crois que c'est l'honorable M. Delfosse qui a ouvert la voie vers le résultat auquel nous devons tâcher d'arriver. Je crois que nous devons examiner s'il ne convient pas de faire nommer une commission qui examine à fond la question des chemius de fer. Ce serait le moyen d’en finir avec cette éternelle question. Tous les ans, les discussions recommencent ; elles prennent chaque année plus de développements ; cette année, la question est entrée dans une phase nouvelle (comme M. le minislre l'a reconnu lui-méme à la suite du rapport si concluant et si lumiimux de l'honorable M. de Brouwer. Il est de fait que la section centrale elle-même a jugé les doutes et objections soulevés par son rapporteur comme tellement graves qu'elle n'a pas osé se prononcer. Cependant le président de la section centrale reconnaît lui-même qu'il importe que leur examen soit sérieusement abordé.

Je demanderai donc aussi qu'une commission soit instituée. Cependant, je dirai que je n'irai pas aussi loin que l'honorable M. Delfosse l'a indiqué. Il demande positivement qu'une commission soit nommée...

M. Delfosse. - Je n'ai pas demandé cela.

M. Cools. - Je suis charmé d'apprendre que je me suis mépris sur la portée des paroles prononcées par l'honorable M. Delfosse ; il en résulte que nous nous entendrons plus facilement encore.

Je désire qu'une commission soit nommée, et il suffirait que le gouvernement voulût bien prendre l'engagement d'en instituer une, qu'il voulût prendre, pour les travaux publics, l'engagement qu'il a pris à l'égard de la question du budget de la guerre, pour que je fusse complètement satisfait.

Il importe que la question soit examinée à fond, non pas seulement au département des travaux publics, mais encore par une commission dans laquelle entreraient des éléments étrangers à ce département. Il faut que la question sorte de l'examen circonscrit des fonctionnaires chargés spécialement d'appliquer la loi sur le chemin de fer ; la question doit être généralisée.

Il y a un motif particulier pour qu'il en soit ainsi : on a reconnu assez généralement jusqu'ici que l'élément financier ne se fait pas sentir suffisamment dans l'examen des questions relatives au chemin de fer ; souvent même on a demandé que l'administration du chemin de fer fût rattachée au département des finances ; je désire que dans la commission à nommer, cet élément soit représenté ; je demande de plus qu'on y fasse entrer aussi quelques membres appartenant aux chambres législatives ou du moins étrangers au département des travaux publics, et qui soient complètement désintéresses dans la question.

Je le répète, si M. le ministre des travaux publics voulait prendre un engagement dans ce sens, je me déclarerais complètement satisfait ; mais dans le cas contraire, proposât-on même de faire nommer une commission par la chambre, je devrais me rallier à la proposition.

M. Delfosse. - Il paraît que j'ai été mal compris par l'honorable M. Cools. Je n'ai pas provoqué la nomination d'une commission qui serait chargée de rechercher les meilleures bases de l'organisation du chemin de fer. Je me suis borné à dire que, si la chambre ne jugeait pas notre rapport suffisant, elle pouvait demander un nouveau rapport, soit à la section centrale, soit à une commission spéciale.

On a parlé de la commission nommée pour l'examen des questions relatives à l'armée. Je ferai remarquer que ce n'est pas la chambre qui a imposé cette nomination au gouvernement. C'est le gouvernement qui a pris lui-même la résolution de nommer une commission, dans le but de mettre, autant que possible, l'armée en dehors des luttes parlementaires. Si M. le ministre des travaux publias veut prendre pour le chemin de fer la résolution qui a été prise pour l'armée, je serai le premier à le féliciter ; le devoir de tout ministre est de faire appel aux lumières des homms spéciaux et intelligents ; mais je dois supposer que M. le ministre a rempli ce devoir, puisqu'il s'est occupé de la réorganisation du chemin de fer et qu'il l'annonce comme prochaine ; il ne se sera pas, sans doute, livré à ce travail avant de s'être entouré des lumières désirables ; si ce travail ne répond pas à notre attente, la chambre pourra prendre ou provoquer toutes les mesures qui lui paraîtront utiles. Je désire, comme l'honorable M. Cools, que la lumière se fasse.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je comprendrais la nomination d'une commission à tout autre moment que celui où nous nous trouvons ; je la comprendrais si l'organisation n'était pas à la veille d'être faite ; je l'aurai comprise l'année dernière de même que je la comprendrais plus tard quand la nouvelle organisation aura fonctionné pendant assez longtemps pour pouvoir être jugée en parfaite connaissance de cause. Si alors ou estime que cette organisation ne répond point au but que l'on poursuit, que ses bases sont défectueuses, que l'économie n'y a pas présidé, il sera temps ; on avisera.

Mais en vérité, l'on ne conçoit pas que pareille proposition surgisse en ce moment.

Cette proposition est sans objet, et les critiques auxquelles on voudrait se livrer, seraient tout à fait prématurées.

Du reste, que la chambre veuille le remarquer. Cette organisation n'est pas l'œuvre d'un seul homme. Le minislre qui en est responsable a eu à s'entourer des lumières et de l'expérience des hommes qui ont fait de ces questions l'objet d'études toutes spéciales et pratiques.

M. Loos. - Je ne suis pas partisan des commissions à nommer par la chambre pour conseiller les chefs des départements ministériels Les nominations de commissions n'ont pas manqué, surtout auprès de l'adminiitration des chemins de fer. Si l'on constate des abus qu'il importe de réformer, ils nous ont été lègues par l'ancienne administration qui, on se le rappellera, ne manquait pas de s'entourer de commissioris derrière lesquelles les ministres trouvaient commode de s'abriter. C'est aux chefs des divers départements à s'entourer d'hommes capables et éclairés ; si les chefs des divers services ne sont pas à la hauteur de leur position, c'est aux ministres à en choisir d'autres, mais tout doit se faire sous leur responsabilité.

Le seul but de l'honorable M. Orban en prenant la parole a été, me (page 282) paraît-il, d'adresser quelques rccriminatioiisa l'adresse de la majorité. Il a comparé la situation du budget des travaux publics avec celle du budget de la guerre ; il semble avoir oublié que pour le budget de la guerre il existait un dissentiment profond auquel il s'agissait de mettre un terme. Dans une circonstance comme celle-là, il était urgent de rechercher les moyens de s'entendre, et à cet effet on a nommé une commission qu’on a bien fait de la nommer ; mais quand il s'agit de rechercher les lumières nécessaires pour bien diriger une branche essentielle d'administration, je pense que c'est un soin qui appartient à chaque ministre sous sa responsabilité.

Comme je le disais en commençant, sous les anciennes administrations qui se sont succédé c'est surtout dans l'administration du chemin de fer qu'il s'est produit le plus grand nombre de commissions. Nous avons eu une commission des tarifs dont faisaient partie des membres de l'assemblée ; il y en a eu d'autres encore pour diverses parties de l'exploitation ; quel en a été le résultat ? Chaque nouvelle commission venait jeter la perturbation dans les services dans lesquels elles se sont immiscées. Je suis donc porte à croire que s'il existe des abus à réformer, on peut dire que c'est grâce aux commissions qu'ils ont pu exister jusqu'à présent. C'est, je le répète, aux ministres à prendre conseil là où ils le jugent convenable ; ce n'est pas à la chambre à leur nommer des commissions our leur donner des conseils, ce serait les dégager de toute responsable.

M. Sinave. - L'honorable M. Clep et l'honorable M. de Muelenaere ont développé avec beaucoup de lucidité la situation grave où se trouve la vallée de l'Yser. Les faits avancés par ces mesieur sont vrais ; ils subsistent depuis nombre d'années. Si je suis d'accord avec ces messieurs sur cette situation, je ne le suis pas quant aux moyens d'y remédier. Il est vrai qu'en 1821 on a supprimé l'évacuation par la branche orientale de l'Yser. Cette branche, sur mon rapport à la province comme membre de la députation de la province, a été supprimée ; voici pourquoi : le commerce du Hainaut avec la France était dans une position très mauvaise.

Les bateaux de Condé qui chargeaient 200 à 300 mille kilog. étaient obligés de s'arrêter au sas de....... ; là on était obligé de les décharger pour transborder le chargement sur des bateaux de 50 mille kilog., ce qui détériorait la marchandise et augmentait singulièrement les frais. Pour donner de meilleures conditions au canal de Nieuport, il fallait supprimer l'écluse Larabere ; c'est ce qui a été fait ; mais on ne doit pas attribuer à la suppression de cette branche l'importance qu'on lui a donnée hier, car l'écoulement par la branche orientale de l'Yser était pour ainsi dire nul depuis nombre d'années.

Le moyen indiqué par ces messieurs consiste à évacuer les eaux de l'Yser, afin d'empêcher les inondations, par l'écluse de Finlé dans le canal de Loo à Furnes et à Nieuport par l'écluse de Furnes.

Dans mon opinion, ce moyen n'est pas praticable ; il est contredit par ce que nous avons constaté il y a 25 ans, non par un seul procès-verbal, mais par les inspections de nombre d'années ; nous avons reconnu que l'évacuation devait s'opérer en améliorant le cours de la rivière, en coupant les sinuosités et en élargissant l'écluse à Nieupurt.

Des travaux, quoi qu'il en soit, sont nécessaires et urgents ; les fonds sont votés ; c'est une question d'appréciation par les ingénieurs ; et je prie M. le minisire d'accélérer autant que possible l'exécution de ces travaux.

Le chemin de fer de l'Etat se trouve par continuation l'objet de commentaires dans cette enceinte, les investigations sont très actives, cependant on discutait encore hier sur le coût réel du chemin de fer.

Il faut donc avouer que nous nous trouvons, je ne sais comment, dans les ténèbres. Nous pouvons espérer, il est vrai, voir luire un jour la lumière.

Pour ma part, j'ai fait aussi des calculs et des comparaisons à perte de vue, et j'attendrai encore avant de me prononcer sur le parti qu'il conviendrait de prendre quant au chemin de fer. J'avoue que j'ai toujours incliné pour le système de livrer l'exploitation des chemins de fer à des entreprises particulières ; cependant, sans avoir encore une opinion arrêtée.

Je prie M. le ministre des travaux publics de ne pas croire que c'est un reproche que je veux lui adresser, quand même ce serait vrai. Mais je trouve que l'administration du chemin de fer ne marche pas avec la vigueur nécessaire ; il semble que le personnel est frappé de léthargie et marche machinalement. On peut l'assimiler à des automates. Ces lenteurs sont incompatibles avec l'acliviie qu'exige le commerce.

D'abord il exisic une grande lacune. Le gouvernement n'est pas responsable des valeurs qui lui sont confiées. C'est là une très grande perte pour les recettes.

Quant au transport des marchandises et surtout, comme je viens de le dire, pour le transport des petits colis qui ne sont pas a dédaigner, on devrait les expédier par tous les conçois.

Il existe aujourd'hui une perte de temps très considérable incompatible avec la célérité qu'exigent le commerce cl l'industrie.

Nous avons journellement plusieurs convois pour toutes les localités. Cependant, on ne remet les objets à domicile que le lendemain et souvent le surlendemain, et lorsqu'on donne les objets à des entreprises particulières seulement un instant avant le départ d’un convoi, la remise en est faite immédiatement après l’arrivée.

Je voudrais aussi voir achever la double voie déjà commencée, avant de continuer la construction de somptueuses stations qui absorbent des sommes considérables.

Dans mon opinion, on a très bien fait d'augmenler le tarif des voyageurs en ce qui concerne les diligences ct les chars à bancs.

Mais il en est tout autrement des waggons, surtout pour les petites distances. On vient de dire que celle augmentation est insignifiante. C.'est une erreur. Pour les petites stations et à de petites distances l'augmentation est de 50 p. c. Cest donc une perte totale pour la recette. On ne fait pas usage des chemins de fer pour ces petites distances.

Je passe maintenant lestement sur le chemin de fer pour arriver dans les dunes de la mer du Nord.

Il y a quelques années à peine que la chambre a voté des fonds pour la construction de l'écluse de mer à Heyst et pour le creusement du canal de Zelzaete. L'écluse de Heyst est totalement achevée pour le malheur du trésor, et le creusement du canal est seulement achevé pour une section sur trois, grâce à la pénurie où s'est trouvé le trésor.

Lors du projet de construction de l'écluse de Heyst, beaucoup d'objections furent adressées au gouvernement contre le choix du point de placement de celle écluse. Quoique je ne fisse plus partie, à cette époque de ia députation permanente, ayant eté destitué, j'ai néanmoins été l'un des opposants.

L'ingénieur en chef avait fixé la construction dans la digue mêrne du Comte Jean pour être certain de rencontrer un bon et sodide fondement. Les opposants,tlout en reconnaissant le fait avancé par l'ingénieur, prétendaient que cet emplacement était beaucoup trop rapproché de la mer, parce que dans cet endroit la digue du Comte Jean se trouve sur l'estran même.

L'ingénieur objectait que l'écluse de Calwyk était construite à peu près dans les mêmes conditions.

Ce fait est encore vrai ; mais on objecta par contre qu'il y avait une énorme différence entre la côte à Calwyk et la nôtre en ce que la marée, c'est-à-dire l'écart entre la haute et la basse mer à Calwyk n'est que de deux mètres à deux mètres et demi dans les eaux vives extraordinaires, et que notre côte présente une différence qui est de cinq à six mètres, que dans cette condition la différence de force du ressac pendant un ouragan est incalculable entre les deux positions.

Les opposants estimèrent qu'il était dangereux, impraticable de construire une écluse comme l'ingénieur proposait de la faire exécuter sur nos côtes.

Il était d'une nécessité indispensable de construire un avant-port en reculant l’écluse vers l'intérieur de manière à se trouver à l'abri direct de la mer.

Depuis l'achèvement de cette écluse, il n'est pas survenu encore un de ces ouragans complets que nous éprouvons annuellement deux ou trois fois. Le coup de vent de novembre dernier n'était qu'une tempête ordinaire, en ce que le vent passa immédiatement du nord-ouest au nord-est et à l'est. L'aelion n'a donc pas eu de durée.

Néanmoins l'écluse a passe un mauvais quart d'heure.

La jetée qui sauvegarde l'écluse a été emportée en grande partie dans un instant. Il ne pouvait en être autrement ; car cette jetée doit former un croissant de l'ouest au nord-est, pour protéger l'écluse ; elle présente le flanc au ressac et elle ne pourra résister par la suite qu'a force de grandes dépenses à renouveler à chaque instant et au moindre coup de vent.

Il est encore un fait digne de remarque, ce sont les moyens précaires qu'on est forcé d'employer pour préserver de la destruction les portes de l'écluse même.

Meesieurs, je bornerai pour le moment mes investigations à ce que je viens de dire. Je ne demande pas même à M. le ministre des travaux publics le montant du crédit qu'on sera obligé de demander à la législature pour réparer les désastres du mois passé.

Quant au canal de Zelzaete, avec les deux seclions achevées, on a acquis déjà la certitude que dans les crues d'eau extraordinaires, l'évacuation des eaux des terrains de la Flandre occidentale ne peut parfois s'opérer pendant 5 à 6 jours, parce que les eaux du canal s'élèvent avec rapidité au-dessus du sol. On se demande ce qu'il arriverait, s'il survenait de grandes crues d'eau occasionnées par le dégel et la fonte d'une grande quantité de neige. Cette circonstance ne s'est pas encore présentée depuis la construction du canal.

Il résulte des faits qui précèdent que si l'on venait à achever la troisième section, celle d'Eecloo à Zelzaete, en augmentant ainsi par Heyst l'évacuation des eaux qui se fait encore aujourd'hui par le Braekman, le canal de Zelzaele ne serait plus évidemment qu'une déception et la ruine de toutes les propriétés, soit de plus de 20,000 hectares, qui doivent déjà maintenant évacuer par ce canal.

Dans mon opinion il faut seulement borner les évacuations de Heyst aux deux sections actuellement achevées, et il faut supprimer la troisième section.

Je soumets cette opinion à l'appréciation de M. le ministre.

Les remarques que je viens de faire m'amènent naturellement à vous soumettre quelques reflexions sur le projet de construction du canal de Schipdonck et d'une écluse à la mer à proximité de la première.

Cette nouvelle écluse et ce nouveau canal se trouveront dans la même situation que l'écluse de Heyst et le canal de Zelzaete. Le canal de Schipdonck sera pour la Flandre occidentale une cause perpétuelle de perturbation, parce que les eaux de ce canal seront, constamment, sur toute l'étendue du territoire de la Flandre occidentale, de un a deux mètres plus élevées que les terrains riverains, et dans les grandes eaux, de trois a quatre mètres.

(page 283) Il en sera donc de ce canal comme il en est, depuis des siècles, de la Lieve. Chaque fois que les eaux de la Lieve ne peuvent s'évacuer promptement les riverains, c'est-à-dire ceux qui souffrent des eaux surabondantes viennent rompre les digues et inonder le nord de la Flandre occidentale.

J'en parle avec connaissance de cause. J’ai été, sous le précèdent gouvernement, pendant une quinzaine d'années commissaire spécial, avec pouvoir de requérir dans les deux Flandres la force armée pour réprimer ces graves désordres. Jamais je n'ai pu y parvenir. Les habitants de Balgerode et autres localités sont indomptables sous ce rapport. Ils trouvent que c'est tout naturel, que c'est leur droit de rompre les digues pour se soulager et se sauver eux-mêmes.

C'est à tel point que ces désordres subsistent encore aujourd'hui. Car l'année dernière, les mêmes faits se sont reproduits et ils se reproduiront toujours.

Il en serait airsi du canal de Schipdonck si jamais on venait à l'exécuter. On construirait ce canal pour aller aboutir où ? Dans les dunes, dans un pays sauvage où les seuls habitants sont des lapins et des lièvres, et cela sans avantage, sans utilité pour personne, même pour les citoyens que je viens de nommer.

Je conclus en déclarant qu'à mon avis l'ingénieur qui attacherait son nom à l'exécution d'un pareil projet et qui parviendrait à tromper la confiance du gouvernement, en présence de l'exemple que nous avons devant nous, aurait démérité de la patrie ; et si nous étions encore au temps des Romains et des Grecs, la moindre peine qu'il encourrait serait celle d'être banni et de porter à jamais le stigmate Heyst sur le front.

J'ai dit.

M. Moncheur. - Messieurs, tout ce qui concerne l'administration du chemin de fer domine nécessairement la discussion du budget des travaux publics. C'est de cet objet que je viens vous entretenir en peu de mots.

M. le ministre des travaux publics a dit hier que l'avenir du chemin fer était tout entier dans les péages. Cette proposition est vraie en elle-même, mais elle est incomplète.

L'avenir du chemin de fer n'est pas tout entier dans les péages, il est aussi dans l'application de bonnes mesures d'administration, de mesures propres à vivifier ces péages et à leur faire produire tout ce qu'ils peuvent et doivent produire.

Sans doute, messieurs, il est plusieurs modifications importantes, plusieurs améliorations à apporter immédiatement aux péages en ce qui concerne les marchandises. Ainsi l'une des principales modifications à y faire, selon moi, c'est d'établir le principe des tarifs ad valorem des colis. Ce principe doit être appliqué dans de justes limites, c'est-à-dire par catégories de marchandises.

Il est absurde, en effet, de faire payer une même somme pour le transport de ballots de soie, par exempte, et pour un poids semblable d'une marchandise pondéreuse de peu de valeur, comme des pierres de taille ou de la houille.

Ainsi, messieurs, les péages doivent nécessairement, et je suis d'accord avec M. le ministre sur ce point, recevoir une amélioration très notable, mais les questions d'administration doivent aussi faire l'objet d'un examen très sérieux de la part de la chambre, puisque ce n'est qu'à l'aide d'une bonne administration que les tarifs, même les meilleurs, deviennent réellement féconds.

L'année dernière, moi, je m'étais plaint de deux choses : La première, que nous ne fussions pas encore saisis d'un projet de loi sur le transport des marchandises ; la seconde, que le gouvernement eût adopté, en ce qui concerne certains chemins de fer concédés, un système que je crois non seulement injuste, mais encore mauvais sous tous les rapports ; à savoir, le système de l'interdiction du libre transit par les chemins de fer concédés lorsqu'ils offrent la plus courte distance.

Eh bien, je regrette de me retrouver aujourd'hui encore en présence des deux mêmes griefs. On annonce, il est vrai, la présentation prochaine du projet sur le transport des marchandises ; mais je déplore, quant à moi, le retard que cette présentation a éprouvé, parce qu'il a fait subir au trésor une perte très considérable.

C'est sans doute, messieurs, à l'excessive complication signalée par l'honorable rapporteur, comme existant dans l'administration centrale du chemin de fer, qu'on doit attribuer ce retard, que j'appellerai fatal ; car c'est ce qui a empêché M. le ministre des travaux publics d'arriver plus tôt à une conclusion sur cet objet important.

Je dis, messieurs, que ce retard a fait subir au trésor public une perte très considérable ; et, en effet, ce ne sont point quelques centaines de mille francs qu'on aurait perçues et qu'il faut espérer dans l'avenir d'une meilleure tarification, mais c'est de deux millions et demi à trois millions. Je citerai à cet égard une autorité que M. le minisire des travaux publics ne récusera pas, puisque c'est un ingénieur distingué de son département, qui a été charge par M. le ministre lui-même de faire un rapport sur l'application du tarif du 1er septembre 1848. Or, voici ce qu'on lit dans le rapport de M. Dandelin, rapport qui a été communiqué officiellement à la chambre :

« On devra demeurer convaincu que, dans un avenir prochain, un nouvel accroissement de 2 1/2 à 3 millions de francs pourrait encore se produire, sans majoration sensible du chiffre des dépenses.

« Pour ma part, j'ai la ferme conviction, qu'à moins d'événements politiques imprévus, ce résultat pourra être atteint dès l'année prochaine, par le seul fait de l'accroissement de produit du service des marchandises, si l'on veut donner à en service, toute l'extension, tous les développements dont il est susceptible. »

Ainsi, messieurs, d'après l'ingénieur dont je viens de citer les paroles et qui a fait une étude spéciale de cet objet, c'est uniquement par l'application de bonnes mesures adminislratives que l'on peut, que l'on doit espérer une augmentation de produits de deux à trois millions.

- Un membre. - Quelle est la date de ce rapport ?

M. Moncheur. - Il est du 4 juin 1850.

Messieurs, quant aux vices de l'administration en ce qui concerne le transport des marchandises, l'honorable auteur de ce rapport les signale. Il met le doigt sur la plaie et indique le remède ; j'espère que ce remède sera appliqué dans la loi que nous présentera M. le ministre des travaux publics. Il consiste surtout, messieus, à offrir toutes les facilités possibles aux expéditeurs. J'ajouterai qu'il faut inspirer à ceux-ci une plus grande confiance qu'ils n'ont aujourd'hui dans la manière dont le service se fait.

Pourquoi, messieurs, préfere-t-on, en général, les messages particuliers pour le transport des valeurs, par exemple, au chemin de fer de l'Etat ? Uniquement parce qu'on est convaincu que, dans le cas de perte, les réclamations aboutiront heaucoup plus rapidement et plus facilement lorsqu'on a affaire à des particuliers solvables, que lorsqu'on a affaire à l'administration du chemin de fer de l'Etat. Il faut détruire cette idée et établir la conviction contraire Ce n'est qu'ainsi que l'Etat pourra attirer à lui les transports qui se font aujourd'hui par les messagistes particuliers.

Messieurs, j'ai le premier, je pense, soulevé dans cette enceinte la question de la plus courte distance. Depuis lors cette question a fait de grands progrès ; elle a été traitée ici avec talent par plusieurs membres de cette chambre, et elle a également été traitée au sénat. Tout le monde à peu près, ce me semble, doit rester convaincu que le libre parcours par les voies concédées doit être la règle générale ; que ce système est le seul raisonnable, le seul conforme aux intérêts du commerce et de l'industrie ainsi qu'aux intérêts bien entendus du chemin de fer de l'Etat lui-même.

Messieurs, le système restrictif actuel du gouvernement est nouveau. Il constitue l'abandon du système antérieur du gouvernement lui-même ; et le libre transit par la plus courte distance par les chemins de fer concédés était dans les idées de l'ancienne administration, comme il a été dans les idées du nouveau ministère jusqu'en 1848 inclusivement. Ce n'est qu'alors qu'on a semblé vouloir l'abandonner, sans cependant oser le déclarer ouvertement, puisqu'on se borne à dire que la question est tenue en réserve ; mais elle ne peut pas rester plus longtemps dans cette position équivoque. Il faut qu'on prenne un parti.

J'ai dit, l'an dernier, qu'à l'avenir tous les chemins de fer existants en Belgique ne devaient former qu'un seul réseau, et que j'espérais qu'on ferait à cet effet des conventions, des arrangements avec les compagnies. Je ne sache pas qu'aucune convention de ce genre ait été faite jusqu'ici. J'ai affirmé tout à l'heure, messieurs, que le libre transport des marchandises par les chemins de fer concédés avait été le système de l'ancienne administration et de l'administration nouvelle jusqu'en 1848 ; je tiens à établir ces propositions ; et d'abord quant à l'ancienne administration, je défie qu'on cite un fait dont le contraire pourrait résulter. On a allégué, il est vrai, dans ce but, que la station du chemin de fer de Namur à Liége avait été décrétée par la loi de concession, comme devant être distincte de la station du chemin de fer de l'Etat.

Mais, messieurs, ce fait ne prouve rien contre mon assertion ; car pourquoi avait-on alors décidé que celle station serait séparée de la station du chemin de fer de l'Etat ? C'est uniquement à cause du défaut d'espace pour établir ensemble, non pas les deux stations, mais les trois stations dont il s'agissait, à savoir, la station de l'Etat, la station de la ligne vers Liège et la station du Luxembourg.

Mais cela ne prouve nullement que ces stations n'auraient pas été reliées entre elles. On aurait fait par rapport à elles ce qu'on a fait pour réunir les deux stations de Bruxelles, celle du Nord et celle du Midi, c'est-à-dire qu'on les aurait reliées par un embranchement ; ce qui eût permis le libre accès d'une ligne à l'autre.

Ainsi, ce fait ne prouve absolument rien contre le système de libre transit qui prévalait dans tous les esprits lorsque les concessions ont été données, au point que les concessions n'eussent pas été demandées s'il n'avait pis existé.

Quant à la nouvelle administration, voici comment la question a été décidée après mûr examen :

« Fallait-il considérer chaque ligne concédée comme un tronçon complètement distinct du réseau de l'Etat ? Fallait-il interdire toute relation directe et obliger au transbordement et à la réinscription aux points de raccordement ?

« Fallait-il, au contraire, faire abstraction du mode d'exécution par les compagnies ; effacer toute distinction entre les chemins de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés ; s'efforcer de fusionner les uns et les autres en un seul réseau national, régi par un tarif unique, par des conditions identiques, sans obliger au transbordement ni à la réinscription ? Fallait-il faire jouir le commerce et l'industrie des réductions de distances introduites pir les lignes de jonction ?

« Ce dernier système, plus large, plus libéral, plus conforme aux vrais intérêts du commerce, de l'industrie et conséquemment aussi à l'intérêt bien entendu de l'Etat et des compagnies, fut préféré. »

(page 284) Or, ce principe a été appliqué aux chemins de fer concédés de Courtray à Bruges, de Jurbise à Tournay et de Landen à Hasselt. L'industrie et le commerce jouissent de l'application de ce principe dans les contrées qui avoisinent ces chemins de fer ; mais lorsqu'il s'est agi de l'appliquer également aux chemins de fer concédés de Manage à Mons et de Namur à Liège, on a hésité, et on hésite encore. Messieurs, ce n'est point juste, et c'est d'ailleurs diamétralement contraire, non seulement à l'intérêt bien entendu du pays, mais à la loi constitutionnelle elle-même.

En effet, lorsqu'on accorde l'exécution d'un chemin de fer, qu'est ce qui autorise le gouvernement à faire décréter par arrêté royal l'aliénation de propriétés particulières ? Evidemment ce n'est qu'un motif d'intérêt général ; or, si lorsque le travail est fait vous refusez au commerce et à l'industrie d'en profiter, si vous ne leur permettez pas d'en retirer l'avantage qu'ils étaient en droit d'en attendre, vous faites nécessairement disparaître le motif d'utilité publique, qui seul a justifié l'expropriation des héritages particuliers ; et cette expropriation devient une véritable illégalité. J'espère donc, messieurs, que cette question sera bientôt résolue d'une manière large et conforme à l'intérêt de tous, dans une loi prochaine qui nous sera présentée.

Avant déterminer, je me permettrai d'adresser aussi un reproche à l'administration du chemin de fer, relativement à la manière dont les ouvrages les plus nécessaires sont répartis entre les différentes localités du pays, notamment en ce qui concerne les stations et les hangars ou magasins destinés à la réception des marchandises.

Alors qu'un grand nombre de villes de troisième, quatrième et cinquième ordre et même jusqu'à de simples villages, sont pourvus de bonnes stations, un chef-lieu de province, Namur, ne possède pour station qu'une véritable baraque, et pour les marchandises il n'y existe réellement rien. Un tel état de choses ne peut point durer plus longtemps.

Je prie donc instamment M. le ministre des travaux publics de vouloir bien porter son attention toute particulière sur cet objet. Car aujourd'hui que par le chemin de fer de Liège à Namur les marchandises arrivent en abondance à la station de Namur, il n'y a moyen de les abriter nulle part, et je fais, à cet égard, pour Namur, des observations identiquement semblables à celles qui ont été présentées tout à l'heure par l'honorable M. Vermeire pour Termonde. Il ne suffit pas de vouloir transporter les marchandises, il faut encore offrir aux expéditeurs le moyen de les mettre à l'abri des intempéries de l'air pendant leur séjour à la station, ou bien les expéditeurs la déserteront.

Je demanderai aussi à M. le ministre des travaux publics s'il ne compte pas établir bientôt le télégraphe électrique sur cette voie de Namur qui, pour le dire en passant, semble déshéritée sous bien des rapports. Il est nécessaire de l'y établir, ne fût-ce que pour les besoins du service, et pour éviter les accidents qui arrivent parfois faute de ce moyen si prompt de communication. L'établissement du télégraphe électrique a eu lieu en Belgique d'une manière très économique et s'est effectué avec beaucoup d'intelligence.

Le crédit qui a été alloué par la chambre pour ces travaux n'a pas été absorbé ; il s'en faut même de beaucoup, si je suis bien informé.

J'espère donc que l'excédant et un nouveau crédit, s'il le faut, seront employés à établir le télégraphe électrique sur toutes les voies ferrées du pays, et notamment sur celle dont je viens de parler. Ce ne sera d'ailleurs que justice.

M. le président. - La parole est à M. de La Coste.

M. de La Coste. - Messieurs, je croyais trouver sur le bureau de la chambre une pièce que l'honorable rapporteur a promis de me remettre demain. Si la chambre est pressée de clore, je parlerai à propos de la discussion des articles.

M. de Breyne. - Messieurs, deux honorables collègues de la Flandre occidentale ont, dans la séance d'hier, appelé l'attention de la chambre et du gouvernement sur les travaux à exécuter à l'Yser, pour prévenir les nombreuses inondations de cette rivière, et pour parer aux dégâts considérables qui en résultent.

Comme habitant de la vallée de l'Yser, je crois qu'il est de mon devoir d'appuyer la réclamation faite par ces honorables membres, et je saisis cette occasion de joindre mes vœux aux leurs, pour que le gouvernement recherche les moyens efficaces de préserver une grande contrée de la Flandre occidentale d'inondations désastreuses et périodiques.

Pour vous donner une idée des dégâts causés par l'état de choses actuel, je n'ai besoin de vous citer que ce qui s'est passé dans le courant de l'année actuelle.

Deux fois, au printemps et à l'automne de cette année, l'Yser a inondé une vaste plaine de plus de cinq lieues d'étendue. L'inondation du printemps a fait perdre les semailles d'hiver, a été excessivement nuisible à la récolte du foin, et a causé des pertes sensibles à l'éleveur et à l'engraisseur, en retardant de deux mois la mise en pâture du bétail ; l'inondation de l'automne n'a pas permis de faire des semailles d'hiver et a fait rentrer à l'étable, avant l'époque ordinaire, les bestiaux qui pouvaient, durant six semaines à deux mois, trouver une nourriture saine et abondante dans les riches prairies et pâtures, situées dans le bassin naturel de cette rivière.

Mais, messieurs, ce n'est pas tout, les plus grands désastres sont causés pas les inondations d’été, lorsque ces inondations arrivent dans la saison de la récolte ou de la fenaison. C'est alors que les eaux ne ravagent pas seulement nos terres, mais engloutissent les produits de nos champs et causent la ruine complète d'un grand nombre de malheureux fermiers.

Messieurs, chercher un remède héroïque et efficace pour prévenir ces maux, je le reconnais, cela me paraît impossible ; mais atténuer le mal et le rendre moins fréquent, voilà ce qu'il faut tâcher de trouver. Il s'agit, d'après mon opinion, de rendre à l'Yser ses anciens moyens d'écoulement et d'améliorer ceux existant, ou de lui créer des voies nouvelles.

L'Yser n'était anciennement qu'un moyen de décharger les eaux d'une grande contrée gagnée sur la mer, et ne servait accessoirement à la navigation que pour des bateaux de certain tonnage, et de manière à ne jamais entraver l'écoulement des eaux. Mais le gouvernement hollandais, qui ne cessait de favoriser la navigation et le commerce, même au détriment d'autres industries, est venu changer cet état de choses, et, au moyen de certain travaux hydrauliques et de la fixation d'un niveau d'eau plus élevé, il est parvenu à faire arriver sur l'Yser des bâtiments d'une double et triple contenance.

Cette mesure, il faut en convenir, est utile et avantageuse à un grand nombre d'industries, et elle aurait été reçue avec reconnaissance par la généralité des intéressés si elle ne présentait pas une source de ruine pour l'agriculture. Or, si c'est dans l'intérêt général que l'on a enlevé à ï'agricullure une rivière qu'elle avait endiguée, et les moyens d'écoulement à la mer qu'elle avait construits, c'est à la généralité à l'indemniser des pertes que cet état de choses lui fait subir ; c'est donc à l'Etat et non à la province, à supporter cette charge ; c'est à l'Etat à reprendre l'administration d'une voie fluviale qui a aujourd'hui tous les caractères d'intérêt général ; c'est à l'Etat qu'incombent les dépenses nécessaires et urgentes d'amélioration à une rivière qui intéresse directement les arrondissements d'Ypres, de Furnes et Dixmude, et indirectement ceux de Bruges et d'Ostende.

J'espère que M. le ministre des travaux publics examinera attentivement la question de l'entretien de l'Yser, et qu'il la résoudra dans l'intérêt général.

Je ne suivrai point mes honorables collègues sur le terrain des moyens à employer ; je laisse ce soin à qui la charge en incombe, convaincu que dans des questions de cette nature, et surtout lorsqu'il s'agit d'opérer des changements au système de l'écoulement des eaux, il faut, avant tout, entendre les rapports des hommes de l'art, et ne prendre une décision définitive qu'après avoir consulté toutes les opinions.

En terminant, messieurs, je dois à la vérité de déclarer, et je crois que mes honorables collègues seront d'accord avec moi sur ce point, que l'administration provinciale ne reste pas inactive et ne cesse pas d'employer utilement les faibles moyens que le budget provincial met à sa disposition, pour entretenir la rivière en bon état. Pour preuve de ce que j'avance, je vous dirai que, il y a deux mois, l'on était sur le point de terminer le recreusemeut du bras oriental de l'Yser, au moment où la dernière grande crue est venue interrompre les travaux. Au reste, j'avoue que ces travaux, quelque utiles qu'ils soient, ne peuvent former que le premier jalon d'un grand projet que la province ne pourra jamais exécuter sans la puissante intervention de l'Etat.

M. Julliot. - Messieurs, lors de la création du premier chemin de fer belge, la loi a statué que le railway serait exploité par l'Etat à titre d'essai pour un an, ce qui voulait dire implicitement, que cet essai après avoir donné le chiffre de son produit dont on n'avait aucune idée, cette industrie devait être abandonnée comme toute autre industrie aux mains de l'intérêt privé, dont l'industrie, en effet, comme le commerce sont le domaine à l'exclusion des gouvernements.

Depuis cette époque aucune nouvelle loi n'a décrété cette exploitation par l'Etat d'une manière définitive ; le gouvernement exploite par conséquent d'année en année, à titre provisoire par suite du vote des crédits nécessaires à ce service ; et je suis fermement persuadé que les législateurs qui accordaient, en 1834, l'autorisation au gouvernement d'exploiter pour une année, à titre d'essai, avaient pu s'attendre à ce que l'Etat, cet être mystérieux et indéfini, dont la Constitution a eu le tort de ne pas limiter la nature des attributions, se serait exercé pendant seize ans consécutifs a faire des expériences in anima vili sur cet heureux prodige des temps modernes, qui mérite un meilleur traitement.

Cette situation est anormale et il faut en sortir. Il est vrai, la Constitution ne prescrit rien à l'égard des chemins de fer, tandis qu'elle décrète que tous les grands établissements politiques, financiers ou administratifs ne peuvent être confiés aux mains du gouvernemeul qu'en vertu de la loi ; tels sont entre autres l'armée, l'organisation judiciaire, la Banque Nationale, la cour des comptes et l'enseignement.

Mais, messieurs, notre nationalité improvisée en 1830, dont le berceau pendant toute la durée du congrès fut agité par le bruit du canon et les menaces des protocoles, a-t-elle permis d'entrevoir que cette société dont la durée paraissait problématique à bien des yeux, se serait honorée de l'initiative des chemins de fer sur le continent, à la surprise de tous ceux qui nous entouraient et je dirai presque à notre propre surprise ? Non, messieurs, la Constitution n'a rien pu prévoir ni statuer à cet égard, mais je dirai, préoccupée qu'elle était des abus possibles en toute matière, elle n'aurait pas plus abandonné le chemin de fer à l'arbitraire qu'elle n'y a abandonné des matières.de moindre importance financière.

Il n'est donc que trop vrai de dire, que l'Etat exploite son chemin de fer par condescendance et non pas en droit, il n'a pas d'autorisation explicite à montrer, ici vous appliquez le principe du laisser faire et du laisser passer des locomotives gouvernementales, où le principe n'a rien à voir ; et dans d'autres circonstances où il pourrait être si utile, vous le (page 285) repoussez. Il est évident que le rejet d'un crédit quelconque afférent à cette entreprise industrielle, rejet, du reste, qui serait légal par défaut de loi organique, en arrêterait immédiatement la marche. Nous devons, messieurs, sortir de ce provisoire, et le gouvernement doit pouvoir dire du chemin de fer ce qu'il disait de l'organisation militaire ; il nous disait : Vous ne pouvez par un vote de budget porter atteinte à une organisation qui a été faite par une loi spéciale. Si la loi vous déplaît, modifiez-la, mais tant qu'elle est debout vous la respecterez. Et le gouvernement était dans son droit.

Je ne puis assez appuyer sur cette considération ; car, en résultat, quelle est la solidité de la position de tous ces fonctionnaires qui ne sont pas couverts par une loi spéciale qui les reconnaisse ? Oh est leur radical ? Est-ce dans la nomination à des fonctions que la loi n'a pas décrétées, ou est-ce dans le vote annuel de leur traitement au budget ? Il me semble que l'un comme l'autre de ces actes revêt trop le caractère du provisoire pour qu'eux-mêmes ne désirent pas voir fixer leur position d'une manière définitive par la consécration de la loi ; d'ailleurs cet engouement et ces clameurs contre le fonctionnaire public sont passés de mode ; il est temps de relaver leur courage, et c'est dans l'intérêt de leur sécurité que j'élève la voix, quelles que soient les dispositions qu'on prendra par la suite ; si on a créé trop de places, ce n'est pas à ceux qui les occupent à en pâtir : ce reproche revient à ceux qui les ont créées, et à ce point de vue je dirai toujours : Poursuivez sans ménagement le fonctionnaire infidèle et concussionnaire, mais honorez et rétribuez bien tout fonctionnaire honnête et dévoué ; ayez en peu, mais payez-les bien, respectez toujours la position qu'ils ont acceptée de vous avec confiance, et accordez toujours autant que possible la préférence à nos nationaux, vous ne vous en trouverez pas plus mal.

D'un autre côté, messieurs, que gouvernementet chambres s'abstiennent religieusement d'exciter tout le monde à la carrière des emplois ; car en excitant, nous trompons une foule de braves gens qui, plus tard, sont des malheureux. A mon point de vue, la prétention de caser et de sauvegarder tout le monde, si elle n'était déplorablement inintelligente, serait hautement coupable.

Messieurs, je sais que les tendances que je montre à dessaisir l'Etat de l'exploitation de notre railway ne sont pas goûtées par tout le monde en Belgique, surtout pas par ceux qui se trouvent le mieux du statu quo ; ceux-la sont nombreux quoiqu'ils ne constituent qu'une minime fraction de la généralité ; je me souviens aussi que la première fois que je fis le procès au chemin de fer, on me trouvait exagéré, on eut l'air de me répondre que je devais être bien primitif, pour ne pas comprendre qu'un gouvernement se rendait très populaire en voiturant les touristes et les gens d'affaires ostensiblement à perte, tout en faisant payer d'une manière moins ostensible le supplément de ces prix de transport par la généralité des contribuables. J'étais à peu près seul à cette époque avec l'honorable M. de Man et mon honorable ami M. Pirmez pour protester contre cette espèce de spoliation couverte du manteau de la loi ; mais il n'en est plus de même, car il n'est pas de banc dans cette chambre dont ne soit partie une critique à l'adresse de l'exploitation de notre chemin de fer ; il en est un cependant que je vois d'ici et qui est encore pur de toute critique ; mais à un des coins de ce banc siège un honorable collègue qui pourrait nous faire de précieuses révélations à ce sujet, et il nous les fera, car ni le courage ni les bonnes intentions ne lui font défaut.

Je dois rendre à M. le minisire des travaux publics la justice de dire qu'il fait tout ce qui est humainement possible pour améliorer sans relâche le service dont il est moralement responsable ; mais vouloir n'est pas toujours pouvoir, et, pour ma part, je crois sincèrement qu'il est aussi impossible à un gouvernement constitutionnel d'exploiter fructueusement tous les détails d'un chemin de fer, qu'il lui serait impossible d'approvisionner la capitale de tout ce donl ses habitants ont besoin.

Messieurs, aux yeux de beaucoup de monde, ma proposition de reprendre à l'Etat l'entreprise industrielle du voiturage par chemin de fer, paraît absurde, elle paraît quasi-révolutionnaire ; ces personnes, loin d'être de mon avis, demandent que le gouvernement fasse beaucoup, qu'il fasse même tout, s'il le peut, puisqu'il fait si bien ; ils se disent : Etendons à sa dernière limite cette grande fiction de l'Etat à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde ; il ne s'agit après tout, que d'augmenter à chaque nouvelle intervention, le travail du percepteur des contributions, et pourquoi ne donnerait-on pas à ce fainéant autant de travail qu'il peut en supporter ? Voilà, messieurs, la logique unique de ceux qui attendent tout de l'Etat. Mais le règne de cette erreur n'est-il pas encore à sa fin ? Qui de nous ne reconnaît aujourd'hui qu'un peuple, qui attend tout, qui exige tout de l'Etat, s'habitue tellement à tout accepter du pouvoir, qu'il finit par en accepter jusque des coups de canon d'assez bonne grâce et sans trop murmurer ?

Vous me dispenserez d'en montrer du doigt l'exemple. Tournons plutôt nos regards vers ce Congrès de 1830, qui, en proclamant notre émancipation à la face des plus grands monarques plus irrités encore qu'ils n'étaient consternés, sut tenir tête à l'orage, non pas en s'appuyant sur cinq ou six hommes, mais sur l'énergie individuelle de chaque Belge. Lisez ces belles pages du Congrès où l'expression de l'énergie individuelle, dans les intérêts matériels, le disputait à l'indépendance de caractère en politique. Où étaient à cttle époque le clérical, le libéral, la discipline et ces myriades de clients actuels de vos budgets ? Comparez ces belles pages à nos annales actuelles qui, pour les trois quarts, ne contiennent plus que des réclames et des reproches de localité à localité pour en avoir trop pris dans le fond commun.

Sera-t-il donc dit que parce que depuis 1830 nous nous sommes créé des industries et une agriculture factices, de la navigation impossible et des transports officiels de personnes et de marchandises, nous continuerons à nous méfier de nous-mêmes, à ne rien espérer en dehors de cette unité en six personnes appelées ministres, n'ayant pas plus de taille que la plupart.des humains, et dont nous exigeons néanmoins qu'ils aient de la prévoyance, de l'aptitude, du courage et des subsides pour tout le monde, qui par contre sera dispensé d'en avoir ?

J'avoue volontiers, messieurs, que si je me trouvais à la tête du service du chemin de fer, en face de ce dédale, obligé de ne m'inspirer que de quelques hommes spéciaux intéressés par position à porter haut le drapeau de ce voiturage, je n'aurais pas cette confiance illimitée dans un si nombreux personnel qui abrite sa responsabilité derrière la mienne, cette confiance, du reste, est l'apanage d'un cœur honnête et généreux, mais qui, selon moi, a le tort d'élever les qualités de tout son monde au niveau des siennes propres, nivellement que je regarde comme assez dangereux ; car ne pouvant les contrôler tous, il ne me resterait d'autre ressource que celle de m'imaginer qu'ils sont tous comme moi, et il me semble qu'il y a trop de diversité dans les hommes pour que le hasard en ait jeté 2 à 300 dans le même moule pour la même administration.

Je n'ai parlé que principes généraux, j'abandonne les détails aux hommes spéciaux ; cependant je sens le besoin de dire que le rapport de l'honorable M. de Brouwer, quoique rédigé dans un style extrêmement modéré, nous en dit néanmoins assez pour faire comprendre que dans un document de la chambre on ne peut consigner tout ce que l'on pense ; mais l'idée d'une administration des plus vicieuses revient presque à chaque page et je dirai, confiance pour confiance, cet honorable membre qui depuis des années fait des sacrifices de temps et d'argent pour voir clair dans cette chambre obscure ne paraît pas du tout satisfait des découvertes qu'il a faites, et je vous avoue qu'à mon tour, confiant dans son expérience comme dans son dévouement à la chose publique, je me sens entraîné à partager la triste idée qu'il a de notre outillage voiturier.

Une chose pour moi est évidente, et je la tiens de source assez oflficielle, c'est que la moyenne de notre prix d'exploitation par l'Etat re vient à 67 mille francs par lieue et par an, et que la moyenne des compagnies concessionnaires en Belgique ne revient qu'à 22 ou 23 mille francs pour le même parcours ; maintenant j'accepte tous les considérants que l'on pourra me fournir pour démontrer que le chemin de l'Etat se trouve dans d'autres conditions, que le trafic est bien autrement considérable, et toutes autres raisons qu'on voudra me donner et que j'admets sans difficulté ; mais alors j'accorde 17 mille francs de plus par lieue comme compensation et je porte le coût à 40 mille francs, avec la conviction intime que je suis généreux, et alors je me demande : Que deviennent les 27 mille francs restant par lieue, qui, multipliés par 126 lieues de parcours, donnent un total de 3,402,000 francs ? Où cela passe-t-il ? Et je trouve la réponse dans la différence de l'intérêt que l'on porte à sa propriété et de l'absence de tout intérêt privé, alors qu'il s'agit de domaine public.

Pour faire comprendre par le public la valeur respective de ces deux intérêts, j'engage la presse indépendante à imprimer pendant un mois seulement, en tête de ses journaux : « Chemin de fer, exploitation par l'Etat, 67 mille francs par lieue de parcours et par an ; exploitation des compagnies concessionnaires, 23 mille francs. »

Je vous réponds qu'au bout d'un mois la pression de l'opinion publique aura plus fait pour mûrir la question que ne le feraient quatre-vingt-dix-neuf discours à la chambre.

Messieurs, l'honorable ministre a reproché hier à M. de Brouwer qu'il ne voyait que la petite question des dépenses ; mais évidemment l'honorable député de Malines pourrait dire au ministre : Vous ne voyez que les recettes ; pour moi, ces deux questions réunies ne sont pas la grosse question, la question culminante, la question de principe : je m'expliquerai tout à l'heure. M. le ministre a dit encore : Nous avons jusqu'à 4 1/4 pour cent du capital engagé, et encore n'êtes-vous pas contents. Et si on veut me permettre, à mon tour, de répondre à cet argument, je dirai : Peu m'importe que vous ayez 4, 5 ou même 10 p. c, s'il m'est démontré que le chemin de fer, mieux administré, pourrait en donner 15, ou si, en d'autres termes, dépensant beaucoup moins, vous pouviez baisser vos tarifs de 50 p. c, tout en conservant 5 p. c. d'intérêt, ce qui reviendrait au même.

Je dis donc que la recette et la dépense sont deux petites questions à côté de la question dominante que voici : Croyez-vous que l'Etat, avec une corporation de fonctionnaires, s'entre-heurtant, s'enrayaut, élevant des confins d'amour-propre, de dignité et de pouvoir entre eux, puisse mieux exploiter une entreprise industrielle, que ne le feraient quelques hommes habiles, aiguillonnés par toute l'âpreté du lucre qui s'attache à une grande entreprise, qui ne laisseront perdre ni un écu ni brûler une bâche, parce que nuit et jour ils se rappelleront que c'est pour eux qu'ils travaillent, ne croyez-vous pas que ces quelques hommes se disant que par le courage individuel ils peuvent chacun assurer une fortune à leur famille, exploiteront infiniment plus fructueusement pour eux comme pour le public ce grand élément d'échanges qui, après tout, est une entreprise mercantile, où l'on doit pouvoir traiter à tous (page 286) les prix pourvu que l'entreprise y trouve son intérêt ? Evidemment, messieurs, quiconque a la moindre notion d'industrie n'oserait le contester, à moins que son intérêt personnel ne l'exigeât, ce qui serait un argument de plus en faveur de mon principe.

Vous reconnaîtrez donc avec moi, que, quel que soit l'intérêt que retirera l'Etat de son capital, il consommera toujours improductivement une portion notable des recettes, qui ne le serait pas si l'exploitation était confiée aux mains de l'intérêt privé.

D'ailleurs, chaque fois que le gouvernement a baissé les tarifs des transports, il nous a assuré que les tarifs les plus modérés donnaient le plus de recettes ; ce n'est donc pas une élévation des tarifs que nous aurions à craindre des compagnies, mais plutôt un abaissement à espérer.

Un mot encore : Mais, me dira-t-on, vous avez perdu le droit de tenir le langage explicite que vous tenez. Avez-vous oublié que vous-même, vous avez naguère aggravé le mal ? Vous aussi vous êtes solliciteur. Vous avez proposé la garantie d'intérêt sur un chemin de fer pour votre arrondissement ; à cette occasion vous n'avez rien ménagé, vous avez passé à pieds joints sur vos principes et vous avez fini par aboutir. Nous y voilà : Oui, messieurs, c'est vrai, je n'ai rien ménagé pour que mon arrondissement vînt à figurer sur la liste des distributions, puisque liste de distribution il devait y avoir ; mais aussi vous voudrez bien vous souvenir que si sur le principe la majorité avait voté comme moi, il n'eût été question de rien. Je m'honore done d'avoir fait deux fois mon devoir au lieu de ne l'avoir fait qu'à demi ; car non seulement le principe une fois voté, de n'était plus mon droit de me faire admettre, c'était mon devoir. Et pour peu qu'on veuille réfléchir, on reconnaître qu'il n'y a rien d'illogique ni d'inconséquent dans les deux faits que voici : voter toujours contre le principe de nouveaux impôts et de dépenses, alors qu'elles me paraissent d'une utilité relative et souvent problématiques, en un mot, alors qu'elles se présentent pour être mal faites ; voilà mon premier devoir.

Puis quand la majorité en a imposé le sacrifice aux populations que je représente, ma conscience me dit que je dois éclairer le gouvernement sur la meilleure application à faire ; je dois alors démontrer que puisque le principe des faveurs est décrété, que ce Limbourg mutilé n'est que trop souvent déshérité de ces nombreux bienfaits qu'on prodigue si facilement sur d'autres points.

Je ne m'aperçois que trop que ceux qui sont les plus réservés, les plus sages sont oubliés pour les importuns. Il m'est démontré que le pouvoir s'occupe beaucoup plus des solliciteurs les plus tenaces, fussent-ils même ses adversaires, qu'il ne s'occupe de ses amis modestes qui restent à l'ombre pour ne pas trop importuner ceux qui ont leur sympathie.

Oui, messieurs, ces deux devoirs sont donc solidaires ; ils m'incombent tous les deux, et ne faire que la moitié de son devoir dans cette occurrence, c'est de l'incapacité ou de la niaiserie, et ce dernier rôle je ne l'accepte pas.

Je déclare avec sincérité qu'à l'avenir je remplirai ces deux devoirs à la fois, que chaque fois qu'on me présentera un principe de dépense qui me paraîtra peu d'accord avec l'intérêt de la généralité, je le repousserai, et du moment que le principe sera voté je ne serai plus, comme cela s'est présenté jusqu'à présent, le dixième dans le cabinet et les bureaux de MM. les ministres pour les éclairer, mais que j'y serai le premier ; je dis plus, je serai écouté parce que nos ministres sont justes et que je ne plaide que des causes justes.

D'ailleurs, qui de nous avouera, qu'alors qu'il se reconnaît dévalisé soit à l'aide de la loi, soit par quelque moyen plus expediltf, il ne se sent pas disposé à traiter avec son vainqueur, pour qu'il vous restitue quelque chose de ce qu'il vous a pris ? Je crois que tous, nous tenons à conserver ce que nous avons ou à récupérer ce qu'on nous a emprunté... Voilà donc ma conduite parfaitement expliquée et reconnue des plus logiques.

Messieurs, je ne ferai pas de proposition, quoiqu'on pourrait faire celle d'une loi spéciale qui décréterait définitivement l'exploitation par l'Etat ou par les compagnies concessionnaires. L'honorable M. Delfosse vient de prononcer un mot qui me sourit assez. Oui, une commission chargée d'examiner toutes les questions qui se rattachent au chemin de fer couperait court à bien des doutes et des soupçons ; mais le gouvernement doit conserver les coudes libres à cet égard jusqu'à nouvel ordre.

- La suite de la discussion générale est remise à demain.

La séance est levée à 4 1/2 heures.