Séance du 22 novembre 1851
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 87) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Turckx, ancien gardien de la maison d'arrêt de Furnes, prie la chambre de lui faire obtenir un emploi de gardien dans une prison. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Winckel demande à être admis à jouir du bénéfice de la loi du 4 mars 1851, qui dispense du grade d'élève universitaire quelques récipiendaires pour la candidature en sciences. »
- Même renvoi.
« Plusieurs industriels, négociants, propriétaires et habitants de Peruwelz prient la chambre d'accorder à M. l'ingénieur Maertens la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournay par Peruwelz. »
M. Allard. - Messieurs, cette pétition émane des habitants notables de Peruwelz, ville qui possède près de 10,000 habitants. Ils réclament l'exécution d'un projet de chemin de fer, présenté par M. l'ingénieur Maertens. Ce chemin de fer, parlant de Saint-Ghislain se dirigerait par Peruwelz vers Tournay.
Cette pétition, je crois, aurait dû être adressée au sénat qui doit s'occuper dans quelques jours de la loi sur les travaux publics. Je demande que la commission des pétitions soit invitée à nous faire un rapport lundi ou mardi prochain. La chambre renverra probablement cette pétition à M. le ministre des travaux publics qui jugera s'il n'est pas nécessaire de faire une proposition spéciale au sénat.
- Cette proposition est adoptée.
M. Osy, obligé d'être chez lui pour une affaire importante, demande un congé d'un jour.
- Ce congé est accordé.
M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, dans sa séance de ce jour, la section centrale a examiné le projet de loi qui ouvre des crédits supplémentaires au budget de l'intérieur des exercices 1850 et 1851, et qui a été amendé par le sénat. Elle m'a chargé de vous faire un rapport verbal sur cette affaire.
Vous savez, messieurs, que dans votre séance du 29 août 1851, vous avez voté plusieurs crédits supplémentaire au budget du département de l'intérieur des exercices 1850 et 1851. Nous étions alors au 29 août et l'exercice 1850 n'était pas clos. D'après la loi sur la comptabilité, un exercice n'est clos qu'au 30 octobre de l'année suivante. Cette loi a été portée au sénat.
Le sénat n'a pu s'en occuper que dans sa séance du 20 novembre courant.
Il a adopté le projet de loi, mais il n'a pu imputer une partie des crédits supplémentaires qui en faisaient l'objet, sur l'exercice 1850, cet exercice étant clos depuis le 30 octobre dernier. Il a donc dû les imputer tous sur l'exercice 1851 seulement.
De là, messieurs, le renvoi qui vous a été fait du projet de loi.
La section centrale à l'unanimité a reconnu qu'il était aujourd'hui impossible d'imputer des crédits supplémentaires sur l'exercice clos de 1850. Elle vous propose donc d'imputer ceux dont il s'agit sur l'exercice 1851, conformément à ce qui a été décidé par le sénat.
- Les divers amendements introduits dans le projet par le sénat sont successivement mis aux voix et adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 57 membres qui ont pris part au vote ; 3 membres (MM. Jacques, David et Delfosse) se sont abstenus.
Ont voté l'adoption : MM. Dumon (A,), Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Rodenbach, Roussed (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, T'Kint de Naeyer, Tremouroux,Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Denterghem, de Haerne, Delescluse, Deliége, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Renesse, de Royer, de Steenhault, Dcetriveaux, Devaux, de Wouters et d'Hoffschmidt.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Jacques. - Messieurs, j'approuve la rectification qui a été apportée par le sénat au projet de loi ; mais je me suis abstenu sur le fond par les mêmes motifs qui m'ont engagé à m'abstenir au mois d'août dernier.
M. David. - Je me suis abstenu par la même raison.
M. Delfosse. - Messieurs, lorsque le projet de loi a été soumis la première fois aux délibérations de la chambre, je me suis abstenu pour les motifs que j'ai fait connaître alors. Je me suis abstenu aujourd'hui pour les mêmes motifs.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je demanderai que la chambre mette à l'ordre du jour des sections le traité conclu entre les Pays-Bas et la Belgique ; on pourrait peut-être le mettre à l'ordre du jour mardi prochain.
- La chambre, consultée, décide que les sections seront convoquées mardi prochain, pour l'examen du traité avec les Pays-Bas.
« Art. 75. Lorsqu'un inculpé sera convaincu de plusieurs contraventions, il encourra la peine de chacune d'elles. »
M. le rapporteur, d'accord avec M. le ministre de la justice, a proposé la rédaction suivante :
« Art. 75. Tout individu convaincu de plusieurs contraventions encourra la peine de chacune d'elles. »
- Cette rédaction est adoptée.
« Art. 76. Au cas du concours d'un délit et d'une ou de plusieurs contraventions, les amendes seront cumulées, mais la peine de l'emprisonnement correctionnel sera seule prononcée. »
M. le rapporteur, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose la rédaction suivante :
« Art 76. En cas de concours d'un délit et d'une ou de plusieurs contraventions, les amendes seront cumulées, mais la peine de l'emprisonnement correctionnel sera seule prononcée. »
- Cette rédaction est adoptée.
« Art. 77. Au cas de concours de plusieurs délits, les peines seront appliquées sans qu'elles puissent néanmoins excéder le maximum de la peine la plus forte.
M. le rapporteur, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose la rédaction suivante :
« Art. 77. En cas de concours de plusieurs délits, les peines seront cumulées sans qu'elles puissent néanmoins excéder le double du maximum de la peine la plus forte. »
M. Lelièvre. - D'après le projet, l'emprisonnement et les peines criminelles sont cellulaires ; il y a ainsi aggravation notable de l'état actuel des choses. De là résulte la nécessité de réduire considérablement les peines, sinon nous aurons un Code pénal véritablement draconien. Or, au lieu de réduire les peines, le projet les augmente. C'est ainsi qu'en cas de concours de plusieurs délits, le maximum de la peine la plus forte peut seul être prononcé d'après le Code d'instruction criminelle, tandis que, d'après le projet en discussion, le juge pourra appliquer le double de ce maximum ; le concours de plusieurs infractions étant ainsi assimilé à la récidive, au mépris de tous les principes du droit criminel.
S'agit-il du concours de plusieurs crimes, l'article 80bis impose au juge l'obligation de prononcer le maximum de la peine la plus forte, tandis que ces crimes peuvent ne pas mériter une peine aussi grave. D'ailleurs de cette manière le concours de deux crimes est puni de la même peine que le concours de dix ou douze de ces méfaits.
Quant à moi, messieurs, je considère ces peines comme exorbitantes. Sous notre législation actuelle, les peines en définitive sont très douces parce qu'en vertu de la loi du 15 mai 1849, le juge peut les réduire dans de justes limites.
Eh bien, notre Code en n'autorisant le juge en cas de circonstances atténuantes qu'à réduire de deux degrés les peines exorbitantes établies par le projet en discussion, aggravera notablement l'état actuel de la législation au préjudice des accusés, et la loi nouvelle sera beaucoup plus sévère que celle que nous voulons coruger.
Quant à moi, je no puis donner mon assentiment à des dispositions quf, loin de réduire les peines et d'accorder aux juges un pouvoir modérateur, introduis nt un régime d'une excessive sévérité, incompatible avec nos mœurs et avec h justice.
La loi actuelle assimile le concours des délits à la récidive ; or, cela est contraire aux principes et à l'équité.
(page 88) Le récidif qui a déjà éprouvé les effets d'une condamnation et de ïa loi pénale est plus coupable que celui qui commet des délits successifs, sans avoir été réprimé. C'est donc à tort que l'on confond les deux hypothèses.
Du reste, le projet exagérant les peines établies par le Code pénal en vigueur, me semble (erratum, page 104) loin d'être sous ce rapport une amélioration.
M. Roussel, rapporteur. - Messieurs, une vive controverse divise les auteurs, et jusqu'à un certain point la jurisprudence, quant à la manière de réprimer le concours des infractions. Ce concours formera-t-il une circonstance simplement aggravante des faits punissables, ou bien appliquera-t-on à chaque infraction concurrente la peine que cette infraction a méritée d'après le Code ? Cest, je le répète, l'objet d'une très vive controverse.
Le savant M. Dupin, procureur général à la cour de cassation de France, par ses divers réquisitoires et par les tendances qu'il s'efforce d'imprimer aux arrêts de cette cour suprême, M. Dupin manifeste la pensée de se rapprocher autant que possible, dans l'application des lois au concours des infractions, de l'axiome : à chaque délit sa peine. D'autres (les auteurs clu Code d'instruction criminelle, par exemple) soutiennent que cet axiome à chaque délit sa peine est frappé d'impraticabilité. On ne peut se dissimuler que la maxime que je viens de citer n'ait quelque chose de séduisant au point de vue de la justice absolue.
En effet, au premier abord, on se demande pourquoi le coupable de dix infractions, sans condamnation intermédiaire, subirait une peine unique égale seulement à l'une des infractions qu'il a commises, tandis que l'auteur de plusieurs infractions, qui les commettrait successivement après condamnation séparée pour chacune d'elles, encourrait successivement chacune des peines applicables aux divers faits qu'il aurait posés.
A première vue cela paraît inadmissible, mais dans le rapport de votre commission j'ai eu l'honneur de faire observer que la force des choses et la nature purement relative de la loi ne permettent pas au concours des infractions l'application de la maxime implacable qui sert de base au cumul des peines.
Il n'y a que Dieu qui puisse la réaliser. La vie tout entière du criminel serait insuffisante à l'exécution de toutes les peines temporaires de détention, qu'il pourrait avoir méritées. Par le cumul général des amendes, l'on arriverait à absorber non seulement le patrimoine des accusés et de leur famille, mais encore leur patrimoine futur, c'est-à-dire que l'on infligerait des peines stériles par cela même qu'elles seraient inexécutables.
Tout en consacrant plusieurs exceptions à cette règle, la commission nommée par le gouvernement avait proclamé le principe : à chaque délit sa peine. Toutefois, elle l'avait modifiée par deux considérations. La première toute d'humanité ; la seconde d'impossibilité.
Chaque fois qu'il lui semblait inhumain d'appliquer le principe préconisé par l'honorable procureur à la cour de cassation de France, la commission reculait devant le principe. Chaque fois qu'il lui a paru impossible de le réaliser, elle reculait encore. *
La commission législative a débattu avec beaucoup de soin les questions relatives au concours des infractions, elle a reconnu l'impossibilité d'admettre le cumul des peines comme principe dirigeant.
La multiplicité des exceptions,l'impossibilité qu'elles révèlent, démontrent clairement que ce cumul est repoussé en principe par la force des choses qui est la mesure de la justice attribuée à l'homme et à l'Etat.
Nous devions donc nous soumettre à une autre règle. Nous devions reconnaître en général que le concours des infractions n'est qu'une circonstance aggravante de l'infraction principale, de l'infraction la plus grave, sauf à ne pas méconnaître les exceptions, s'il s'en présentait.
Le projet de votre commission a donc procédé de cette manière ; il n'a point méconnu que pour les contraventions, par exemple, l'aggravation résultant du concours des infractions se résume dans le cumul des peines ; les quotités pénales sont tellement légères que leur cumul ne forme qu'une aggravation fort bien proportionnée à la circonstance aggravante issue du concours.
Après le dépôt du rapport, votre commission a établi, des conférences avec M. le ministre de la justice et avec M. Haus, rapporteur de la première commission. Dans ces conférences nous nous sommes appliqués à concilier le système représenté par l'axiome : « à chaque délit sa peine », et celui qui envisage le concours des infractions comme nécessitant une simple aggravation de la peine la plus forte.
Notre motif pour concilier, le voici : En général, et c'est aussi ma conviction, l'on ne fait un bon Code qu'en opérant un rapprochement entre les opinions diverses.
Dans les doctrines les plus absolues il y a quelque chose de vrai. Lorsqu'on parvient à trouver un milieu entre deux doctrines qui se combattent, souvent l'on arrive à la vérité. Nous en trouvons la preuve dans le Code civil, résultat d'une transaction perpétuelle. Aussi le Code civil est-il le meilleur de nos Codes.
Pénétré de ce désir de transaction, votre commission s'est arrêtée au système admis dans les amendements que vous avez sous les yeux.
Elle a conservé pour le concours des contraventions le cumul des peines, parce qu'il ne présente aucun danger. Vous venez de le voter dans l'article 65.
L'on a conservé le cumul des peines pécuniaires dans le cas d'un concours de délits et de contraventions, parce que les amendes qui doivent être infligées aux contraventions sont fort légères. Le taux en est déterminé ; par conséquent, nulle difficulté sous ce rapport.
Pour l'hypothèse du concours de plusieurs délits, se présentait la plus grande difficulté. Ce concours donne lieu à la question que l’honorable M. Lelièvre vient de soulever. Quant au concours des délits, il fallait tenir compte des nécessités pratiques. Tous les délits ne sont pas frappés de la même peine correctionnelle Il y aura des délits frappés de 8 jours, d'un mois, de deux mois d'emprisonnement, d'autres punis d'une simple amende.
Supposons qu'un homme commette quinze de ces délits, emportant chacun huit jours d'emprisonnement ou une simple amende ; en présence de ce concours, d'autant plus facile à réaliser que les délits sont moins graves, serait-il juste, serait-il équitable de n'infliger à cet homme qu'un maximum de huit jours d'emprisonnement ? N'y a-t-il pas là quelque chose de choquant ? Sur cette observation, dont nous n'avions pas tenu compte dans l'article 77 du projet amendé, nous avons pensé qu'il faut laisser au juge une faculté.
L'article 77 est encore un de ces articles facultatifs qu'un Code doit nécessairement contenir dans l'état de notre civilisation et de nos moeurs.
Il est évident que lorsqu'un concours de délits se présentera entouré de telles conditions, le maximum de la peine la plus forte sera atteint d'insuffisance.
Les petites infractions correctionnelles par leur reproduction continuelle causent un certain dommage à la société. Les grands crimes sont rares ; les infractions correctionnelles sont fréquentes. Il en résulte le besoin d'une proportion fort exacte, non seulement en ce qui concerne la récidive, mais aussi pour le concours des infractions.
Il existe encore une autre considération. Le délit correctionnel est un délit qu'on pourrait appeler municipal. Un voisin commet des délits à côté d'un autre voisin qui en commet de son côté. Rien ne serait aussi propre à faire douter de la loi que la répression identique de plusieurs infractions correctionnelles et d'une seule dans la même localité.
Ce serait attribuer une peine au plus grand nombre de délits que de n'appliquer à leur concours aucune autre peine que le maximum de la plus forte. Avec le double facultatif, au contraire, il y a pour le délinquant un motif qui détermine le respect de la loi par le délinquant, lors même qu'il n'a point encore reçu l'application de la peine correctionnelle qu'il a méritée.
Telle est notre réponse aux observations de l'honorable M. Lelièvre ; théoriquement ces observations peuvent ne point manquer de justesse, mais dans la pratique, il devient impossible d'y faire droit.
J'arrive à un troisième point : c'est le concours d'un crime et d'un ou plusieurs délits ou d'une ou plusieurs contraventions. Là, messieurs, comme le crime et sa peine emportent nécessairement le délit et la contravention ainsi que leurs peines, le projet consacre l'absorption complète, même par le minimum de la peine criminelle. Le coupable d'un crime, d'un délit et d'une contravention ne mérite évidemment que la peine ordinaire, parce que les infractions et les peines moindres sont en quelque sorte anéanties par le crime et la peine criminelle.
Enfin, dans le cas où il se présente plusieurs crimes concurrents, l'on applique le maximum de la peine criminelle la plus forte.
L'article 365 du Code d'instruction criminelle prescrit seulement l'application de la peine la plus forte. Nous avons apporté à cette sanction une modification que je crois fort utile. Elle consiste à infliger au concours des crimes le maximum de la peine la plus forte. Il n'est pas juste, en effet, que l'auteur de plusieurs crimes soit puni de la même peine que l'auteur d'un seul, c'est-à-dire que le juge puisse infliger au premier le minimum de la peine. Le concours des infractions est une circonstance aggravante de l'infraction la plus grave.
Ajoutons, messieurs, qu'il n'y a dans le projet sur le concours des infractions aucune rigueur inutile contre les accusés. Vous avez réglé avec le plus grand soin les diverses quotités de peines criminelles. La différence ne sera que de 5 ans. Cette différence semble parfaitement méritée par l'auteur de deux ou de plusieurs crimes.
Les dispositions nouvelles présentées par votre commission me semblent justifiées.
- L'article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. le rapporteur, d'accord avec le gouvernement, propose de remplacer les articles 78 et 79 par un article 78 ainsi conçu :
« Lorsqu'un crime concourt soit avec un ou plusieurs délits, soit avec une ou plusieurs contravenlions, la peine du crime sera seule prononcée. »
- Cet article est adopté.
« Art. 80. Au cas de conviction de plusieurs crimes, le maximum de la peine criminelle la plus forte sera seul prononcé. »
M. le rapporteur, d'accord avec M. le ministre de la justice, a proposé l'amendement suivant :
« En cas de conviction de plusieurs crimes, la peine la plus forte sera seule prononcée. »
M. Delfosse. - « En cas de conviction », il faut dire : « en cas de concours », comme dans les articles précédents.
M. Roussel, rapporteur. - Il y a ici une observation pratique à faire. Je crois qu'il est assez utile que les articles ne commencent pas de la même manière ; alors les greffiers dans les grosses et les juges, même, dans le jugement, ne peuvent pas se tromper si facilement d'article.
Vous savez, messieurs, que les articles doivent être lus à l'audience, et en outre, insères dans les jugements.
On pourrait cependant conserver ici les mots : « en cas de concours », parce qu'entre les deux articles il y a l'article 78.
(page 89) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - « En cas de conviction », c'est une expression du code, toutefois je ne vois pas d'inconvénient à mettre : « en cas de concours ».
- L’article 80, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 80bis. Toutefois, si ces crimes emportent les travaux forcés à temps, la réclusion ou la détention, la cour prononcera le maximum de la peine la plus forte.
« La peine la plus forte est celle dont la durée est la plus longue. Si les peines concurrentes sont de la même durée, les travaux forcés et la réclusion sont considérés comme des peines plus fortes que la détention. »
- Adopté, avec la suppression du mot « concurrentes » proposée par M. A. Roussel, rapporteur, dans le deuxième paragraphe.
« Art. 81 (nouveau). Les peines de confiscation spéciale à raison de plusieurs crimes, délits et contraventions sont toujours cumulées. »
« Art. 82. Sont punis comme auteurs d'un crime ou d'un délit :
« Ceux qui l'ont exécuté ou qui ont coopéré directement à son exécution ;
« Ceux qui volontairement, par un fait quelconque, ont prêté pour l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime ou le délit n'eût pu être commis ;
« Ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, ont directement provoqué à ce crime ou à ce délit ;
« Ceux qui, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, ont provoqué directement à le commettre, sans préjudice des peines portées par la loi contre les auteurs des provocations générales à des crimes ou à des délits, même dans le cas où ces provocations n'auraient pas été suivies d'effet. »
M. Roussel, rapporteur. - Messieurs, d’accord avec le gouvernement, j'ai proposé de supprimer dans le troisième paragraphe le mot « volontairement ».
Cette suppression est proposée, parce que l'on craint que le jury qui doit être consulté sur les circonstances constitutives de la participation, ne se trompe sur la portée ce mot. En effet, ce terme se trouvant dans l'article 82, devrait se rencontrer dans toutes les dispositions du Code pénal qui concernent les crimes.
L'honorable M. Delfosse me faisait part tout à l'heure de l'idée de substituer aux mots : « une aide telle que sans leur assistance, etc. », ceux-ci : « une aide sans laquelle, etc. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois qu'il vaudrait mieux maintenir la rédaction primitive, sauf à y revenir au second vote. »
M. Delfosse. - J'avais indiqué ce changement à M. le rapporteur ; je n'y tiens pas.
M. Roussel, rapporteur. - Dans le dernier paragraphe, il faudrait substituer aux mots « n'auraient pas été suivies d'effet » ; ceux-ci : « n'ont pas été suivies d'effet ».
M. Coomans. - Messieurs, la rédaction n'est cependant pas indifférente, surtout en matière de peines criminelles. Il faut que la chambre se prononce, à moins qu'elle ne renvoie la rédaction à l'examen de la commission ; je pense que l'honorable M. Delfosse a raison de ne pas approuver la rédaction telle qu'on nous l'a soumise ; je désirerais moi-même une autre rédaction ; mais les mots « une aide sans laquelle » ne me semblent guère préférables à la rédaction primitive.
M. le président. - On pourrait adopter la rédaction primitive, sauf à y revenir au second vote (C'est cela). Cela est donc entendu.
- L'article 82 est adopté avec le retranchement du mot « volontairement » et avec la substitution des mots : « n'ont pas été suivies d'effet », à ceux-ci : « n'auraient pas été suivies d'effet ».
« Art. 83. Sont punis comme complices d'un crime ou d'un délit :
« Ceux qui ont donné des instructions pour le commettre ;
« Ceux qui ont procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui a servi au crime ou au délit, sachant qu'ils devaient y servir ;
« Ceux qui, hors le cas prévu par le paragraphe 3 de l'article 82, ont, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs du crime ou du délit dans les faits qui l'ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l'ont consommé. »
- Adopté.
« Art. 84. Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs, exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés, leur auront fourni habituellement logement, ou lieu de retraite ou de réunion, seront punis comme leurs complices. »
M. Roussel, rapporteur, propose, d'accord avec le gouvernement, la suppression du mot « ou » devant les mots « lieu de retraite ».
- L'article 84, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 85. Les complices d'un crime seront punis de la peine immédiatement inférieure en degré à celle qu'ils encourraient s'ils étaient auteurs ou coauteurs de ce crime.
« La peine prononcée contre les complices d'un délit ne pourra s'élever au-dessus des deux tiers de celle qu'ils encourraient s'ils étaient auteurs du délit. »
M. A. Roussel, rapporteur, propose, d’accord avec le gouvernement, les deux amendements suivant à l’article 85 :
1° Paragraphe premier. La rédaction du projet du gouvernement, sauf à remplacer les mots : « d'après la gradation, etc. », par ceux ; « conformément aux articles … du présent Code. »
Cette rédaction serait dès lors ainsi conçue ;
« Les complices d'un crime seront punis de la peine immédiatement inférieure à celle qu'ils encourraient s'ils étaient auteurs de ce crime, conformément aux articles ... du présent Code. »
2° Substituer paragraphe 2 la rédaction suivante :
« § 2. La peine prononcée contre les complices d'un délit n'excédera pas les deux tiers de celle qui aurait pu leur être appliquée s'ils étaient auteurs du délit. »
- L'article 85, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
« Art. 86. Ceux qui auront recelé ou fait receler des personnes qu'ils savaient avoir commis un ou plusieurs crimes non excusés en vertu de la loi, seront punis de huit jours d'emprisonnement au moins et de deux ans au plus, et pourront l'être en outre d'une amende de vingt-six à cinq cents francs.
« Sont exceptés de la présente disposition, les ascendants ou descendants, époux ouépouses même divorcés, frères ou sœurs, oncles ou neveux, tantes ou nièces des criminels recelés, ou leurs alliés aux mêmes degrés. »
M. Lelièvre. - Messieurs, ainsi que je l'ai exposé dans la discussion générale, il m'est impossible de me rallier à cette disposition, qui est surtout inique lorsqu'elle se réfère à des crimes politiques qui n'ont rien d'infamant, bien que la loi doive les réprimer.
En second lieu, je ne puis approuver l'addition proposée par la commission, qui parle de crimes non excusés par la loi. Mais des crimes excusés par la loi dégénèrent en délits, puisqu'ils ne sont frappés que da peines correctionnelles.
Cette dénomination aurait en outre pour effet d'exclure du bénéfice de l'exception les faits criminels qui dégénèrent en délits, à raison des circonstances atténuantes ; or bien certainement ces faits ne constituent plus que des délits en vertu du principe général de l'article premier du projet.
Cependant, d'après l'addition de la commission, le recèlement de l'individu qui les aurait commis tomberait sous l'application de la loi.
Enfin, messieurs, à mon avis, l'exception du paragraphe second n'est pas assez large. C'est ainsi que celui qui aurait donné asile à son cousin germain serait atteint par la loi.
Il y a plus : deux individus épousent deux sœurs ; ils ne sont ni parents ni alliés, puisque l'affinité n'engendre pas l'affinité.
Eh bien, celui d'entre eux qui aura donné asile à l'autre sera puni conformément à notre disposition.
Pour moi, je ne puis souscrire à une prescription qui, contraire aux sentiments intimes de la conscience publique, peut, telle qu'elle est rédigée, donner lieu à de véritables injustices.
Pour que je donne mon assentiment à la proposition, il est indispensable :
1° que l'article ne s'applique qu'aux crimes que la loi punit de la peine de mort ou des travaux forcés, ce qui exclut les crimes politiques.
2° Que l'exception s'étende aux parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement.
3° Que cette exception s'étende à ceux dont les femmes sont parentes jusqu'au quatrième degré.
Dans ces conditions au moins la disposition ne présentera plus rien d'exorbitant. Ce sont ces considérations qui me portent à proposer de rédiger l'article en ces termes.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, il est regrettable que l'honorable M. Lelièvre, hier, lorsque nous étions en commission, n'ait pas cru devoir formuler un amendement ; il eût été possible de l'examiner, d'en calculer exactement la portée et de se prononcer.
Je ne puis, aujourd'hui que cet amendement est produit, dire à l'honorable M. Lelièvre, que je m'y rallie. Il est impossible qu'en semblable matière l'on prenne immédiatement une décision sans en connaître les conséquences.
Je ferai cependant remarquer à la chambre que la disposition telle que nous la proposons, se trouve déjà textuellement dans le Code actuel.
Textuellement, c'est peut-être trop dire ; mais une disposition beaucoup plus rigoureuse se trouve dans le Code pénal qui nous régit, et jamais elle n'a donné lieu au moindre inconvénient, au moindre danger.
Je défierais bien l'honorable M. Lelièvre de citer un seul cas où l'on ait trouvé que cette disposition eût engagé à repousser des individus auxquels l'hospitalité aurait dû être accordée.
J'ai entendu parler un de ces jours de l'affaire de la Valette, du général Wilson, qui a été, je crois, poursuivi. Mais, si ma mémoire est fidèle, ce n'était pas pour avoir recelé le coupable, c'était comme complice d'une évasion de détenu.
Il ne faut pas perdre une chose de vue, et c'est ce que l'honorable M. Lelièvre semble oublier : c'est que nous ne faisons pas un code pour les criminels, mais contre les criminels.
Nous faisons un code pour la société et contre les criminels.
Vous remarquerez, messieurs, que, bien loin d'être plus rigoureux que le Code actuel, nous étendons, au contraire, l'immunité aux oncles, neveux, tantes et nièces qui recèleraient des criminels, et nous réduisons à huit jours le minimum de la peine qui est de trois mois d'après la législation existante. C’est, par conséquent, rendre la disposition beaucoup moins rigoureuse que celle du Code, qui déjà, je ne saurais trop le répéter à la chambre, n'a donné lieu à aucune espèce d'inconvénient.
(page 90) Le recel d'individus notoirement criminels est un genre de complicité et, sous ce rapport, il faut frapper le coupable de ce fait d'une peine comme on frappe d'une peine l'individu qui a recelé des objets volés.
M. Roussel, rapporteur. - Il n'y a nul obstacle à supprimer les mots : «un ou plusieurs crimes non excusés en vertu de la loi, » pourvu qu'il soit bien entendu qu'il doit en être ainsi et que personne ne pourra être poursuivi pour avoir recelé l'auteur d'un crime déclaré excusable.
En ce qui concerne l'observation présentée par l'honorable M. Lelièvre, relativement au recel des condamnés politiques, il ne faut pas oublier d'abord que toutes les infractions politiques ne sont pas des crimes proprement dits. Un grand nombre de faits politiques constitueront de simples délits punissables au maximum de cinq ans d'emprisonnement. Le minimum de la détention avant été porté à cinq ans, les faits qui n'entraîneraient point cette peine, lors même qu'ils seraient politiques, n'auraient d'autre nature que celle de simples délits.
Devant cette grande catégorie de faits politiques, la remarque de l'honorable M. Lelièvre tombe entièrement. Son observation subsiste quant aux autres faits politiques qui pourraient être frappés d'une détention de cinq ans au moins. Ces faits, messieurs, présentent une incontestable gravité.
La distinction que l'on fait entre le crime politique et le crime ordinaire ne touche ni pour l'un ni pour l'autre à la nécessité d'obtempérer aux citations et à l'exécution des sentences criminelles. Quel est le but de l'article 86 ? C'est de ne pas permettre à un criminel reconnu tel, autrement la loi n'est pas applicable, d'échapper à la vindicte publique.
Parce qu'un homme a commis un crime politique, doit-il pouvoir trouver le moyen d'échapper à la répression ? Celui qui le recèle et qui le soustrait à l'action de la loi est-il moins coupable parce que le recelé n'a commis qu'une grave infraction politique ?
De deux choses l'une : ou l'accusé (s'il s'agit d'un accusé) est innocent ou bien il est coupable.
Dans le premier cas, la loi exige de lui qu'il se présente devant ses juges. Pourquoi se refuserait-il à cette injonction ? S'il est coupable, quel besoin y a-t-il de favoriser le crime politique non en lui-même mais dans la contumace de l'accusé ou l'exécution du condamné ? Le crime politique existe. En recelant l'auteur d'un crime fùt-il politique, on empêche la loi de recevoir application.
L'article 86 doit évidemment placer sur la même ligne tous les crimes en ce qui concerne le recèlement du criminel. Ce recèlement ne tient pas de la nature du crime commis par celui qui a été recelé ; il forme une infraction spéciale, c'est-à-dire violation de la loi ; le désir manifesté par des actes positifs d'empêcher la loi d'être exécutée.
Il me semble que les deux motifs que je viens d'indiquer excluent toute distinction des faits politiques dans l'article en discussion.
L'article 86 dit : « Celui qui a recelé l'auteur d'un crime. »
Peu importe que ce crime soit politique ou non. Cela ne fait rien au recèlement qui est par la loi envisagé comme un délit de désobéissance à la loi sociale, comme une faveur donnée par l'auteur du recèlement à la non-exécution de la loi répressive.
Pour terminer sur cet article je demanderai à l'honorable M. Lelièvre la permission de lui faire observer que son amendement parviendrait à exempter de la peine à peu près tout le monde.
Les cousins germains, messieurs, sont très nombreux dans les familles.
Ils auront, par l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, des lieux de refuge en grand nombre pour les criminels. Le ministère public devrait s'enquérir des liens de famille bien éloignés pour découvrir ceux qui se cachent.
Il ne faut pas, messieurs, pousser les exceptions trop loin ; sans cela la règle vient à s'effacer.
Comme le disait M. le ministre de la justice, l'article 86 est équitable et tout à fait dans l'intérêt de la société ; en exemptant de la peine celui qui, par humanité, aurait recelé un coupable, l'on ferait peut-être beaucoup de mal, et l'on innocenterait des personnes auxquelles l'honorable M. Lelièvre serait certainement d'avis qu'elle doit être appliquée.
M. Lelièvre. - J'ai à cœur de sauvegarder les intérêts de la société autant que M. le ministre de la justice ; ce n'est pas moi qui voudrais jamais affaiblir la répression en aucune matière et assurer l'impunité aux délinquants ; je ne le cède à qui que ce soit sous ce rapport. Mais, d'un autre côté, il faut être juste, il faut proportionner les peines aux délits, et ne pas déposer dans les lois des principes contraires à la justice età l'humanité. Les citoyens ont aussi des droits qu'il faut sauvegarder. Aussi, messieurs, tous d'accord sur le but, nous ne différons que sur les moyens.
Eh bien, messieurs, la disposition, telle qu'elle est énoncée au projet, a été critiquée par tous les jurisconsultes. L'assemblée constituante l'avait condamnée en abrogeant les dispositions des ordonnances de Blois et de Moulins, qui reproduisaient une prescription analogue.
Si donc je suis en erreur, je me trompe avec l'Assemblée constituante et j'aime à me tromper avec elle. Le Code pénal de 1810 a rétabli l'ancienne prohibition, eh bien, tous les auteurs ont blâmé cette disposition, surtout en tant qu'elle était relative aux crimes politiques que la loi doit nécessairement réprimer, mais qui certainement ne peuvent être comparés à des crimes contre les personnes et les propriétés. Mais le projet en discussion consacre même cette différence puisqu'on frappe ces sortes de méfaits non pas de la peine des travaux, mais d'une peine spéciale, de la détention ordinaire ou extraordinaire.
Or, je conçus qu'une personne qui recèle un individu coupable d'attentat aux personnes et aux propriétés, soit punissable ; mais considérera-t-on sous le même point de vue celui qui, mû par un sentiment d'humanité, aurait donné asile à un individu coupable seulement d'un crime politique, individu qui, en général, n'est pas frappé d'infamie par l'opinion, comme celui qui attente aux personnes et aux propriétés ?
Dans le sentiment intime de la conscience publique, on n'a jamais assimilé l'un à l'autre.
On dit que jamais disposition du Code pénal n'a donné lieu à des inconvénients.
Mais voyez le jurisconsulte Carnot, il donne des détails sur la condamnation dont ont été frappés en 1816 les Anglais qui avaient reçu seulement pendant quelques heures M. Lavalette, condamnés réellement pour recel et non pour complicité d'évasion, comme le dit inexactement M. le ministre, qui a fait erreur à cet égard, et savez-vous ce que dirent les prévenus à l'audience ? C'est qu'ils se seraient crus déshonorés s'ils avaient refusé asile au malheureux qui était venu le réclamer.
Aussi le même jurisconsulte considère le Code pénal sous ce rapport comme opposé aux sentiments hospitaliers qui caractérisent la nation française et qui caractérisent bien plus éminemment encore la nation belge. Il me paraît donc évident que pour que l'article 86 soit conforme à nos moeurs et à la justice il faut le restreindre aux crimes qui n'ont rien de politique, parce qu'en cette dernière matière on conçoit qu'on cède à des sentiments d'humanité et de générosité en donnant asile à un condamné.
Quant à l'exception, je pense qu'il faut l'étendre aux parents et alliés au quatrième degré parce qu'à ce degré on conçoit encore qu'on cède à des sentiments de famille, que la loi, bien loin de les affaiblir, doit encourager. Celui qui donne asile a son cousin germain ne cède-t-il pas à un sentiment honorable ? et comment la loi le réputerait-elle criminel alors que l'opinion publique applaudirait à sa conduite, alors que nous y applaudirions nous-mêmes ?
N'oublions pas, messieurs, que la disposition pénale est exceptionnelle et que dès lors il convient de ne l'admettre qu'avec des restrictions conformes au sentiment public.
Mais, messieurs, considérerez-vous jamais comme criminel celui qui aurait donné asile au beau-frère de son épouse ? Certainement non ; s'il n'y a pas entre deux individus qui ont épousé deux sœurs des liens de parenté ou d'affinité, il existe cependant des rapports intimes que la loi doit respecter et si la loi communale a pensé que ces deux individus ne pouvaient siéger ensemble au conseil communal, n'est-il pas juste qu'on prenne égard aux relations qui existent entre eux pour ne pas considérer comme criminel celui qui aurait donné asile à l'autre en cédant à des liens de famille que la loi positive ne foule jamais aux pieds impunément ?
Je demande que mon amendement soit examiné par la commission ; je ne m'oppose pas aux changements qu'elle croira devoir y apporter ; mais il me paraît évident qu'il y a quelque chose à faire dans l'intérêt de l'humanité concilié avec celui de la justice.
M. Delfosse. - Je pense qu'on ne peut pas s'opposer au renvoi à la commission et je ferai remarquer qu'il y a dans le deuxième paragraphe six « ou » qui doivent disparaître. Le dernier doit être remplacé par le mot « et ».
- Le renvoi à la commission est mis aux voix et ordonné.
« Art. 87. Ceux qui, sciemment, ont recelé, en tout ou en partie, des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, sont punis d'un emprisonnement d'un mois à quatre ans ; ils peuvent être condamnés à une amende de vingt-six à cinq cents francs.
« Ils pourront en outre être interdits de tout ou partie des droits mentionnés en l'article 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine.
« Ils pourront être placés par l'arrêt ou le jugement sous la surveillance spéciale de la police pendant le même nombre d'années.
« Néanmoins, lorsque la peine applicable aux auteurs du crime sera celle de la mort, des travaux forcés à perpétuité ou à temps, les receleurs désignés dans le présent article subiront la peine de la réclusion s'ils sont convaincus d'avoir eu, au temps du recelé, connaissance des circonstances auxquelles la loi attache les peines de ces trois genres. »
M. le rapporteur, d'accord avec le gouvernement, a proposé l'amendement suivant :
Paragraphe premier. Substituer « cinq » à « quatre » ans.
Paragraphe 2. Supprimer les mots « en outre ».
Paragraphe 4. Placer le mot « ou » après les mots « la mort » et supprimer les mots « ou à temps ».
Terminer cet article par les mots : « deux genres » au lieu de « trois genres ».
M. Roussel, rapporteur. - Il y a au deuxième paragraphe : « Ils pourront être interdits de tout ou partie. » Il faut dire : « En tout ou en partie. »
L'article est adopté avec l'amendement et le changement de rédaction proposés par M. le rapporteur.
(page 91) « Art. 88. Les faits de recel mentionnés en l'article précédent sont connexes aux crimes ou aux délits à l'aide desquels les objets recelés ont été enlevés, détournés ou obtenus. »
M. le rapporteur a proposé de remplacer le mot « recel » par celui de « recèlement. »
- L'article est adopté avec cette modification.
La séance est levée à trois heures.