(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1251) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
MM. Le Hon et Rodenbach demandent un congé, le premier pour affaires particulières, le second pour raisons de santé.
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - Le bureau a composé de MM. Thiéfry, de Brouckere, de Man d'Attenrode, de T'SercIaes et Veydt la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la délimitation de la ville de Bruxelles, à l'esplanade de la porte de Namur.
M. Osy. - Messieurs, vous avez entendu avant-hier, à l'occasion du crédit foncier, plusieurs de nos honorables collègues, qui étaient favorables à la loi, refuser de la voter, parce qu'ils sont arrêtés par la grande intervention de l'Etat, et effectivement si vous parcourez les rapports faits par le gouvernement sur les crédits d'au-delà de 5 millions, qu'il a eus à sa disposition par diverses lois, vous verrez qu'il s'est mêlé de tout et que l'intervention de l'Etat devient vraiment effrayante.
Le gouvernement a non seulement fait des avances aux fabricants pour l'exportation de leurs produits, mais il s'est fait lui-même exportateur.
Il ne s'est pas borné à créer, sans une loi, des écoles agricoles et horticoles, mais le voilà qui loue des fermes avec la reprise même du bétail, pour devenir cultivateur. J'espère qu'aujourd'hui, ou à l'occasion du budget de l'intérieur, on nous donnera des renseignements exacts sur la location d'une grande ferme dans le Luxembourg, dont nous avons vu quelques détails au Moniteur. J'espère qu'on s'expliquera franchement sur les gaspillages d'écus publies à Cudenbourg, à Beveren, à Alost, (fabrique de soie), à Eecloo, à Oodegem.
Véritablement les dépenses en dehors du budget deviennent effrayantes ; il serait temps de s'arrêter et de retirer les autorisations de pouvoir disposer, pendant plusieurs années encore, des fonds qui doivent rentrer au trésor, par suite des divers crédits que nous n'avons ouverts que pendant les crises financières, alimentaires et politique de 1846 à 1848. Aujourd'hui il ne devrait plus se faire de dépenses qu'avec les crédits ouverts par le budget.
Au lieu d'emplojer le crédit de 500,000 fr. pour stimuler les défrichements et les irrigations, et de se borner à achever le canal de la Campine et faciliter les prises d'eau, le gouvernement dépense des fortes sommes pour faire lui-même les irrigations et pour revendre les terres irriguées ; il devient véritablement spéculateur en achetant et revendant des terres.
Il devient marchand de chaux, au lieu de se borner à faciliter la construction de bonnes voies de communication, et par le crédit de 500,000 fr. porté au budget pour les chemins vicinaux, nous avons facilité ce but.
Alors chacun serait à même de prendre de la chaux et d'autres matières fertilisantes, là où on le trouverait convenable et tout le monde serait placé sur la même ligne.
Le gouvernement devient également marchand de graines, d'essences résineuses et il établit des pépinières.
Vous conviendrez, messieurs, que toutes ces entreprises peuvent très bien se faire par le commerce et l'industrie privée.
Pour le drainage, au lieu de se borner à faire venir d'Angleterre les modèles de poteries nécessaires et celui des ustensiles de fabrication, vous avez des agents pour faire ces drainages pour le compte des particuliers, et vu les bonnes intentions du gouvernement et le désir de se mêler de tout, je vois dans le rapport de M. Leclerc qu'un certain nombre de propriétaires, encouragés par les dispositions bienveillantes du gouvernement, réclament l'envoi gratuit d'un ingénieur pour diriger les opérations du drainage, ainsi que les outils nécessaires au creusement des saignées.
Il est certain que ce que vous faites pour quelques-uns, il faut le faire pour tout le monde ; car il faut qu'il y ait de la justice dans vos distributions et générosités, car vous ne pouvez pas favoriser l'un au détriment de l'autre ; aussi je vois dans le rapport de la commission désignée pour l'examen des questions relatives au drainage (page 20 de l'exposé des motifs), qu'il s'agit de demander au gouvernement une avance annuelle de 200,000 fr. pour assainir une superficie d'environ 1,000 hectares de terre, et M. le rapporteur a raison de dire : « Que ce subside ne paraîtra pas trop considérable, si l'on a égard aux allocations bien plus importantes que l'Etat accorde aux autres industries. »
Vous voyez, messieurs, que nous sommes vraiment entrés dans une très mauvaise voie et qu'en voulant favoriser une industrie, tout le monde vient pour demander sa part et je ne sais véritablement pas ou nous nous arrêterons.
Voici bientôt quatre ans que le ministère actuel existe, et je ne vois pas quels sont ses principes, ni en commerce, ni en industrie, ni en agriculture ; tout ce que je vois, c’est qu’il distribue à pleines mains de l’argent aux plus habiles, aux plus insinuants et aux plus actifs.
Vous commencez par décréter des primes d'exportalion pour les cotons et les toiles de lin. Vous annoncez que vous donnerez 10 p. c. de prime de sortie, mais vous prévenez les industriels que vous l'abaisserez graduellement. Vous descendez la deuxième année à 7 1/2 ; on s'attendait, pour cette année, à une prime de 5 p. c ; mais, sans prévenir personne, vous annoncez que vous renoncez à ces primes. Tout le monde devait croire que, finalement, vous alliez rentrer pour toutes les industries dans une autre voie. Mais voilà que vous continuez à faire usage des crédits de 5 millions comme vous le trouvez convenable, et vous demandez un nouveau crédit pendant cinq ans pour irrigations, défrichement, drainage, distribution de chaux, de graines, etc., etc. Vous abandonnez le système des primes pour l'industrie, et vous demandez de nouveaux crédits pour continuer ce système pour l'agriculture.
L'agriculture avait raison de se plaindre que vous ne faisiez rien pour elle pendant que vous veniez si généreusement au secours d'autres industries. A son tour, l'industrie a raison de se plaindre que vous l'abandonniez aujourd'hui en continuant encore pendant 5 ans à donner des primes à l'agriculture.
Ayez au moins des principes pour toutes les branches de la richesse nationale, que tout le monde soit traité de même, et il n'y aura plus d'envieux ni de mécontents.
Je veux donc que le gouvernement se borne aux travaux pour les prises d'eau et qu'il abandonne ceux de défrichement et d'irrigation à la spéculation particulière.
Pour atteindre ce but, il ne faut pas au gouvernement le crédit de 500,000 fr. demandé, puisque, sur celui ouvert en vertu de la loi de 1847, il lui reste à recouvrer la somme de 224,000 fr. Si cette somme est utilement employée, mais que finalement vous abandonniez votre système de prime et de subside, vous aurez pendant quelques années des ressources suffisantes pour venir en aide à l'agriculture, mais seulement dans les bornes convenables pour un gouvernement ; c'est à l'aide de vos canaux et rivières que vous amènerez les eaux pour que les particuliers puissent continuer les irrigations, et maintenant que vous avez montré comment il faut le faire, le gouvernement doit s'abstenir de défricher lui-même. Nous voyons que la loi de l'honorable M. de Theux de 1847 a porté ses fruits, et je vois que lui-même et beaucoup d'autres particuliers achètent des bruyères pour les défricher.
Pour la chaux, il doit également s'abstenir, puisqu'il intervient d'une manière considérable dans les remises des prix, qui tournent en grande partie au profit des entrepreneurs, et comme vous ne pouvez pas fournir de la chaux à tout le monde, vous nuisez à celui qui ne peut pas, par sa position, en jouir.
Pour le drainage, vous pouvez aussi le laisser à la spéculation particulière.
Vous avez déjà assez de fabriques de poteries dans le pays pour fournir à tous les besoins ; et si le besoin s'en fait sentir dans quelques localités, les fabriques se formeront. On a déjà fait assez d'expériences dans le pays pour le drainage, pour que beaucoup de personnes soient à même de les entreprendre par leur propre expérience ou par des ingénieurs civils qu'on appellera comme pour d'autres ouvrages. Ayez seulement soin de faire connaître par des modèles les expériences qui se font à l'étranger, et qui vous seront communiquées par vos agents ; dans ce siècle de publicité, on est bien vite au fait de toutes les nouvelles inventions ; laissez, maintenant ce système d'assèchement à l'industrie privé.
Le gouvernement est toujours un très mauvais et très coûteux exploitant, négociant et industriel, et un jour j'espère qu'on fera le compte des sommes énormes dépensées en pure perte, tant données en subsides que pour ériger des établissements agricoles et des fabriques ; ce sera vraiment effrayant. En général, tout le monde se jette sur le trésor pour profiter des crédits trop facilement accordés ; mais le même empressement n'existe plus lorsqu'il s'agit de rembourser, vous vous trouvez alors devant de grands embarras et des inimitiés. Vous créez des ennemis au gouvernement, ce qui, dans des moments difficiles, peut devenir très compromettant pour le pays. Vous avez été peut-être très charmés d'avoir pu être très prodigues pendant quatre ans, et d'avoir pu distribuer de l'argent à pleines mains, mais voici maintenant le revers de la médaille : il faut demander bien des remboursements, et communes et particuliers vous disent : Je ne puis rembourser. Finalement l'Etat se trouvera à découvert pour de fortes sommes. Vous avez des cautions qui souvent ne valent rien et des hypothèques sur des bruyères et même sur des terres à Santo-Tomas et dans les Etats-Unis.
Maintenant je vois que pour avoir pu faire une dépense de 581,000 fr. en vertu de la loi de 1847, vous avez dépensé 135,000 fr. en personnel et 7,000 fr. en impressions, total 142,000 fr. Ainsi plus du quart a été dépensé en personnel, études et recherches. Mais si vous avez employé d'autres fonctionnaires que ceux des travaux publics, ne faudra-t-il pas par la suite accorder des traitements d'attente et des pensions, et (page 1252) j'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien à ce sujet nous donner des renseignements.
Il me reste une dernière observation à faire sur une dépense de 14,500 francs pour études du plateu de Calmpthout. J'ai souvent entendu critiquer une pareille dépense et souvent entendu dire par des arpenteurs jurés, que si ce travail avait été confié à l'industrie privée, cela n'aurait pas coûté 500 fr. J'avais donc raison de dire que le gouvernement est un très mauvais exploitant et entrepreneur.
Par toutes ces considérations, je voterai contre le projet de loi, mais je laisse au gouvernement la somme de 224,000 fr., qui doit lui être remboursée, pour faire les travaux nécessaires et commencés pour amener les eaux et pour faire venir les modèles des nouvelles inventions pour le drainage.
Je ne puis manquer non plus de dire que si dans le projet de loi en discussion on ne vous demande qu'une vingtaine de mille francs pour le drainage, c'est que sur d'autres crédits on fait des dépenses pour le même objet, et véritablement on nous déroute par ces énormes dépenses, portées un jour sur le compte de fr. 500,000 dont nous nous occupons, et un autre jour sur le crédit de 1 million, ouvert par la loi du 31 juin 1849. 1849. Je vois par le compte rendu, le 13 février 1851, qu'on a entre autres fait une avance de fr. 5,000 à un industriel aux portes de la capitale, pour établir une fabrique de poteries ; cette somme est remboursable dans 3 ans sans intérêt, et l’on a pris en garantie ses machines, ustensiles et matériels. Je vous demande si d’autres potiers peuvent concourir, lorsque le voisin travaille avec des subsides du gouvernement ! Il est vrai qu'on fixe les prix de vente des tuyaux ; mais je vous le demande, quand il y a déjà 12 fabriques de tuyaux dans le pays et qu'il s'en établira d'autres (s'il n'y a pas de privilégiés), le gouvernement doit-il encore se mêler de fixer le maximum des prix de vente ?
N'entravez pas, par vos subsides et prêts d'argent (que vous ne pouvez pas accorder à tous), l'industrie privée ; par la concurrence et le désir de bien faire, on fera plus pour produire à bon compte qu'avec tous vos tarifs de maximum.
Mais l'industrie privée ne peut se développer aussi longtemps que vous suivrez ce même système vicieux d'accorder de l'argent à ceux qui sont les plus insinuants et les plus actifs, au détriment de la généralité, et presque toujours au détriment du trésor ; il faudra bien un jour rendre compte de toutes les sommes arriérées que vous ne pouvez récupérer.
L'honorable M. Rogier et beaucoup de ses amis se sont récriés, et à jute titre, contre le million Merlin du roi Guillaume, mais aujourd'hui, vous avez cinq millions Merlin, et en examinant avec la plus grande attention, je dois dire en conscience que vos dépenses depuis 1848, le roi Guillaume poursuivait, avec son million Merlin, un but beaucoup plus convenable que le ministère actuel.
Je ne puis mieux le définir qu'en ce que le roi avait pour but de créer de grands établissements pour s'affraichir de l'étranger et pour profiter de sa colonie des Indes, tandis que chez nous, depuis 1848, on dépense avec prodigalité, sans base fixe, sans principes et presque toujours d'une manière malheureuse.
La seclion centrale n'accorde pas au gouvernement l'autorisation de réemployer les remboursements sur l'ancien crédit de 500,000 francs mais elle accorde pour 5 ans, et seulement à la majorité de 4 voix contre 3 un nouveau crédit de 500,000 francs. Pour moi, je m'y oppose ; mais je laisse au gouvernement, pour achever ce qu'il a commencé, les 224,000 francs qui sont rentrés ou qui doivent rentrer sur les faits dépensés en vertu de la loi de 1847 ; par là au moins, tout en arrivant peu à peu au système de non-intervention du gouvernement, je n'arrête pas subitement ce qui est commencé ; mais je veux que nous rentrions le plus tôt possible dans la bonne voie. Pas de primes directes ni déguisées par vos subsides et votre intervention en tout et partout.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le discours de l'honorable préopinant est empreint, d'un bout à l'autre, d'un caractère tout particulier de sévérité pour ne pas dire d'acrimonie. Je ne m'en plains pas. L'honorable préopinant use de son droit, la chambre appréciera s'il en use avec modération et justice.
L'espèce de manifeste lancé contre le ministère actuel a besoin d'une nouvelle réponse, bien que souvent déjà nous ayons eu l'occasion de nous défendre sur ce terrain. Le gouvernement est accusé d'intervenir d'une manière exagérée dans tous les intérêts publics et privés ; il est accusé de le faire sans intelligence, sans équité, sans résultats utiles ; enfin, l'on va jusqu'à parler de gaspillage des écus publics, pour répéter l'expression dont on vient de se servir.
Il y a trois ans que le gouvernement, poussé en très grande partie par la chambre, par ceux qui, dans la chambre, envisageaient avec effroi la situalion intérieure du pays (et l'honorable M. Osy était à la tête de ces derniers), il y a trois ans que le gouvernement, cédant à cette impulsion qui venait surtout de cette chambre, demanda un sacrifice de deux millions, à consacrer aux besoins qui étaient nés de la situation. Cette somme fut votée sans résistance, à l'unanimité par la chambre.
En a-t-il fait un mauvais emploi ? Le gouvernement n'est-il pas parvenu à maintenir ce qu'on voulait avant tout maintenir, la tranquillité, l’ordre par le travail ? Maintenant que les dangers ont cessé, que l'ordre été maintenu, que le gouvernement a atteint un but qu'on croyait alors bien difficile à atteindre, on vient récriminer, scruter avec un soin minutieux, avec le désir de trouver le gouvernement en faute, quel emploi il a fait des fonds mis à sa disposition.
Eh bien, je livre, et je l'ai déjà dit, tous mes actes à la chambre. La commission des finances dont l'honorable membre fait partie, est en possession de tous les comptes fournis par le département de l'intérieur. J'appelle une discussion spéciale sur le rapport qui sera fourni par la commission des finances.
Je soutiens que le gouvernement, dans les circonstances où il s'est trouvé, a fait un emploi judicieux, utile, désintéressé au point de vue politique, des sommes qui ont été mises à sa disposition ; je soutiens qu’à aucune époque il ne les a traversées avec moins de préjudice pour le trésor public.
Voilà la thèse que je soutiens et qu'il me sera facile de démontrer, lorsque la commission des finances viendra rendre compte de l'examen qu'elle a dû faire des nombreux documents que je lui ai soumis.
Sans doute, messieurs, au milieu de circonstances difficiles, pressé de toutes parts par les sollicitations des communes, des individus, de nombreux collègues dans cette enceinte, il a pu arriver au gouvernement de faire quelques essais malheureux. Sans doute, messieurs, toutes les dépenses n’ont pas obtenu les mêmes résultats avantageux ; il ne est quelques-unes, et je ne le cacherai pas à la chambre, qui n’ont pas entièrement atteint le but que nous en espérions. Mais je soutiens que les dépenses devront être reconnues comme ayant été faites dans leur ensemble avec intelligence des besoins de la situation, et ne mériteront pas, de la part de la majorité, les reproches anticipés que, si injustement et si sévèrement, l'honorable préopinant vient nous faire.
Nous avons, dit-on, cinq millions à notre disposition. Où voyez-vous cela ? Où sont ces cinq millions ? La totalité des crédits spéciaux s'élève à 3 millions et demi que nous avons demandés depuis bientôt quatre ans que nous sommes au pouvoir.
Quand nous sommes entrés aux affaires, vous savez quelle était la situation des Flandres ; vous savez qu'on la regardait en quelque sorte comme désespérée ; vous vous rappelez qu'on chercha à déverser sur nous le ridicule ; on nous représenta comme des gens promettant beaucoup plus qu'ils ne pouvaient tenir, parce qu'il nous était arrivé de dire que la question des Flandres était une question d'honneur pour le gouvernement, une question d'honneur pour les Flandres elles-mêmes, parce que nous nous étions annoncés avec l'intention de nous appliquer avec ardeur, avec persévérance, à l'amélioration de ces malheureuses contrées.
Nous sommes venus vous demander pour premier crédit, quoi ? Une somme de 500,000 fr. A l'aide de cette somme de 500,000 fr., nous avons heureusement traversé l'hiver de 1847 à 1848. On aura beau vouloir maintenant méconnailre l'efficacité des mesures que nous avons prises ; elles sont aujourd'hui acquises à l'histoire du pays. Rien, messieurs, rien ne pourra démentir les éloges volontaires ou involontaires qui se sont élevés dans cette même enceinte, à la suite des mesures efficaces prises en faveur des Flandres.
Je sais, messieurs, quelle est l'ingratitude, l'injustice des partis. Aussi je n'attends pas de mes adversaires politiques qu'ils maintiennent aujourd'hui les paroles favorables que la force de la vérité leur arracha dans d'autres circonstances. Mais je m'en remets volontiers au jugement de mes amis politiques, au jugement du pays impartial.
Le gouvernement, poussé par le besoin d'intervenir en toutes choses, veut se mêler de tout, veut tout accaparer ! Non content d'intervenir dans les intérêts matériels, il a aussi le malheur, aux yeux de certains hommes, de vouloir intervenir dans les questions d'ordre moral et intellectuel. Oui, je l'avoue, le gouvernement professe que sa première mission est, sous le contrôle de la chambre, au grand jour de la publicité, d'intervenir dans les affaires d'intérêt matériel, dans les questions d'ordre moral chaque fois que la liberté, que l'initiative individuelle ne remplissent point la tâche qui doit être remplie dans l'intérêt du pays.
Il est une opinion qui nous attaque fréquemment aujourd'hui, au sujet de ce qu'on appelle notre système d'envahissement, d'accaparement. Cette opinion trouve cependant que si le gouvernement a le tort de se mêler de tout, il est une autre influence, une influence puissante qui, à l'exclusion du gouvernement temporel, devrait intervenir en toutes choses, devrait accaparer à elle toute l'action publique, la direction de la société tout entière.
Eh bien, messieurs, nous croyons qu'en fondant un gouvernement représentatif constitutionnel, le congrès national a voulu fonder quelque chose de bienfaisant et de puissant pour le pays. On n'a pas voulu fonder un gouvernement constitutionnel à la condition de n'en faire qu'une machine inerte, ou une espèce de gendarme chargé pour tout devoir de réprimer les désordres sans que jamais l'occasion lui fût donnée de faire sentir aux populations les effets de son intervention bienfaisante. A une certaine influence de répandre les bienfaits et les consolations sur la société ; au gouvernement temporel le rôle ingrat, odieux de lever les impôts et de réprimer les délits.
Non, messieurs, les sociétés modernes, les gouvernements modernes réclament autre chose, ont une autre mission à remplir.
Et le terrain, il faul le reconnaître, est mal choisi cette fois pour se (page 1235) livrer contre le gouvernement à ces accusations ridicules, permettez-moi de les qualifier ainsi, pour ne pas me servir d'une expression plus sévère et plus juste. Que faisons-nous en ce moment ? Nom demandons à la chambre les moyens d'exécuter une loi qui, nous le regrettons, n'est point notre ouvrage, une loi dont l'honneur revient à l'un de nos prédécesseurs, le représentant de Hasselt, M. de Theux ; cette loi a pour but de mettre entre les mains du gouvernement le pouvoir d'exproprier les communes qui n'entendraient pas cultiver leurs biens incultes.
Il est heureux pour cette loi de ne pas avoir été présentée dans ce temps-ci. Certes, si jamais loi porta ce caractère de socialisme, qu'on a si absurdement reproché à plusieurs de nos projets ; si jamais loi porta ce caractère, il faut le dire, c'est la loi à laquelle M. de Theux a eu l'honneur de donner son nom. Je me rappelle même qu'à cette époque où l'on parlait beaucoup moins de socialisme, l'on reprocha fortement à l'honorable M. de Theux d'avoir très peu de respect pour le droit de propriété, d'appliquer le principe extrême de l'expropriation pour cause d'utilité publique à des choses pour lesquelles ce principe n'avait pas été introduit jusque-là dans la législation.
Eh bien, messieurs, c'est pour continuer à exécuter cette loi pour laquelle la chambre ancienne a mis 500,000 francs à la disposition de mon honorable prédécesseur ; c'est pour poursuivre les mesures sorties de cette loi que nous venons vous demander le renouvellement des crédits qui ont été votés, il y a cinq ans, à la demande de l'honorable M. de Theux.
Avons-nous fait un bon usage des sommes mises à la disposition de notre honorable prédécesseur ? Nous croyous qu'oui ; car à travers les phrases peu obligeantes, il faut le dire, dont se compose pour les trois quarts le rapport de l'honorable M. de Man, en dépit des allusions malveillantes et des accusations injustes, on finit cependant par conclure à l'adoption de la demande de crédit. Même, soit hasard, soit la force de la vérité, de temps à autre, il échappe au rapporteur de dire qu'on a bien fait de prendre telle ou telle mesure, après même qu'on s'est appliqué à la critiquer en détail.
Le gouvernement, d'après l'honorable représentant d'Anvers, se fait défricheur de bruyères, vendeur de chaux, vendeur de graines ; le gouvernement ne fait pas cela, il pousse l'abus beaucoup plus loin : il ne vend pas la chaux, il ne vend pas les graines ; il donne la chaux, il donne les graines.
Le gouvernement ne défriche pas lui-même ; je ne sais où l'honorable représentant d'Anvers a vu que le gouvernement défrichait lui-même ; l'honorable préopinant n'a pas bien lu les comptes rendus. Qu'il me permette de lui rappeler en quoi consiste l'intervention du gouvernement.
Le gouvernement a d'abord demandé aux chambres, et il a obtenu les sommes nécessaires pour construire un canal qui doit, en traversant la Campine, aller de la Meuse à l'Escaut.
Je ne sais pas si l'honorable membre trouve que le gouvernement a eu tort d'intervenir. Non ; on veut bien accorder au gouvernement la permission de construire ces canaux. Mais, dans votre système, il faudrait abandonner à l'industrie privée tous ces travaux.
Voilà un premier acte posé par le gouvernement. Ce canal est jusqu'ici agricole ; si la chambre veut aider le gouvernement, il deviendra un canal commercial, quand il sera terminé d'Herenthals à Anvers ; ce canal servira alors en même temps au commerce et à l'agriculture.
Le gouvernement prépare sur les bruyères appartenant aux communes certains travaux qui ont pour but d'amener les eaux du canal vers les bruyères à irriguer. Quand ces travaux sont finis sous la conduite des ingénieurs qu'il faut bien payer, on demande aux communes si elles veulent cultiver elles-mêmes les bruyères ainsi préparées ou si elles veulent les mettre en vente.
Quand les communes consentent à la vente, c'est le cas général, le gouvernement ayant d'ailleurs le droit de les contraindre, les bruyères se vendent à certaines conditions, notamment à la condition de rembourser à l'Etat les frais d'appropriation supportés par lui, de sorte que le gouvernement rentre ainsi constamment dans ses dépenses.
Voilà en quoi consiste l'intervention de l'Etat. Après avoir construit un canal alimentaire, il fait les travaux nécessaires à l'irrigation, préside à la vente de ces bruyères et rentre dans les dépenses qu'il a faites pour exécuter les travaux préparatoires sur les bruyères. Est-ce là défricher directement soi-même ?
Maintenant les résultats obtenus sont-ils satisfaisants ? On peut aujourd'hui en appeler à la notoriété publique. Je fais un appel particulier aux représentants de la Campine. L'on a cité un honorable représentant qui vient de se porter acquéreur de bruyères ; je l'en félicite, c'est qu'il a reconnu que les travaux exécutés atteignaient le but qu'on s'est proposé.
Si l'on ne rendait pas justice ici aux efforts du gouvernement, nous pourrions recourir à ce qui a été publié par des ingénieurs étrangers, que nous n'avons pas l'honneur de connaître ; mais qui, s'étant rendus sur les lieux, ont donné pour exemple à suivre les travaux exécutés dans la Campine, non seulement à raison de la direction donnée aux travaux, mais à raison de l’économie qui a présidé à leur exécution. Et, en effet, messieurs, il résulte du compte rendu que vous avez sous les yeux, que toutes les diverses dépenses faites par le gouvernement seront entièrement ou presque entièrement recouvrées par lui, sauf les dépenses relatives au personnel.
On trouve ces dernières dépenses fort élevées : mais on ne tient pas compte des longues études préparatoires qui ont dû précéder l'exécution des travaux. On ne tient pas compte de la surveillance de la direction que ces travaux difficiles en eux-mêmes et très importants réclament. Pour ma part, je n'ai pas ajouté au personnel existant ; avant même l'exécution des travaux, avant que l’honorable M. de Theux fût venu présenter le projet de loi dont j’ai parlé, déjà il y avait dans la Campine un personnel qu’il fallait bien salarier. Qu’il fût payer par le département des travaux publics ou par le département de l’intérieur, c’était toujours la caisse de l'Etat qui payait ; on ne paye pas deux fois ces ingénieurs : ils reçoivent seulement une indemnité spéciale en raison des travaux spéciaux dont ils sont chargés.
Il n'y avait pas seulement la Campine anversoise et limbourgeoise dont il fallait s'occuper ; nous avons dans le pays d'autres contrées qui exigent les mêmes soins, qui méritent la même sollicitude. Nous n'avons pas d'eau à distribuer comme engrais aux Ardennes ; au lieu d'eau, le gouvernement a distribué de la chaux ; il l'a distribuée à un prix réduit, il a fait en sorte que les cultivateurs et en particulier les petits cultivateurs qui ne pouvaient pas obtenir jusque-là l'engrais si efficace de la chaux, pussent y atteindre par les prix réduits. Je me reconnais volontiers responsable de cette mesure ; j'en ai pris l'initiative, et je dois ajouter que cette mesure avait été indiquée dès l'année 1844 comme devant être appliquée aux terrains du Luxembourg, et que l'honorable M. de Theux avait également exprimé l'intention de faire cette distribution d'engrais à des prix réduits.
Les communes du pays (c'est la un fait que nous devons constater avec une sorte de fierté) jouissent d'une liberté presque absolue, de la plus grande indépendance. Mais enfin si les communes ne font pas usage de cette liberté, si au lieu de prendre l'initiative de la fertilisation de leurs terres, elles administrent avec inertie, si elles s'abliennent d'apporter à leurs propriétés les améliorations que leur intérêt leur conseille, que la science leur indique, croirez-vous convenable que, reproduisant dans l'avenir cet état de choses déplorable du passé, on ne fasse rien, absolument rien pour stimuler les communes, pour les forcer au besoin à améliorer leurs propriétés ?
C'est là le grand but de la loi que l'honorable M. de Theux a eu l'honneur de contresigner. Tant que je serai chargé de l'exécution de cette loi, je ne la laisserai pas dormir entre mes mains, je l'exécuterai avec prudence, mais avec énergie, et j'aurai raison, en vertu de la loi, des communes qui feraient une aveugle résistance à l'amélioration de leurs terres.
Je dois le dire, le gouvernement n'a pas eu l'occasion (ou du moins très rarement) de recourir à la contrainte judiciaire pour amener les communes à s'occuper de l'amélioration de leurs terres : presque partout, il y a eu bonne entente entre l'administration supérieure et les localités et déjà nous avons obtenu, pour l'amélioration des bruyères, une activité dix fois plus grande qu'avanl l'exécution de la loi.
Depuis 4 années 20 mille hectares ont été mis à l'élat de culture, ou préparés à la culture. Loin de moi de vouloir étouffer toute espèce d'initiative, et c'est avec bonheur que je puis constater devant la chambre que déjà beaucoup de particuliers, diverses sociétés particulières, suivant l'initiative, l'impulsion donnée par l'Etat, entrant dans une voie où l'on s'était abstenu d'entrer pendant des siècles, viennent de diriger leurs capitaux, leur industrie, leur activité vers les bruyères incultes : c'est là un résultat extrêmement favorable, dont nous devons tous nous applaudir ; et c'est là le produit du système que l'on reproche au gouvernement.
Nous vous l'avons répété à satiété, le rôle du gouvernement n'est pas de tout faire, pas plus que son rôle n'est de ne rien faire du tout ; son rôle est de stimuler, d'instruire, de récompenser ; et lorsque, dans un pays comme le nôtre, la liberté individuelle ne fait rien, ce n'est pas à dire que le gouvernement ne doive rien faire de son côté. Si par des mesures sages, en stimulant les communes, il a obtenu qu'elles améliorent leurs terres, il aura obtenu un grand résultat.
C'est, dans toutes les directions, ce que le gouvernement a fait, ce qu'il s'efforcera de continuer à faire, notamment pour l'agriculture.
Quand, d'ici à quelques années, le bon exemple aura gagné de proche en proche, quand les communes n'auront plus besoin d'encouragements directs, de stimulants, le gouvernement les abandonnera leurs propres forces. Les immenses bruyères qui se trouvent encore à l'état inculte s'amélioreront pour ainsi dire l'une par l'autre ; ce sera une heureuse contagion qui s'étendra successivement sur tous nos terrains incultes.
Nous avons encore 150 mille hectares de terrains incultes, susceptibles de culture.
Voici qu'en quatre années, nous avons encouragé, provoqué la culture (page 1254) de 20,000 hectares, qui représenteront, un jour qui n'est pas loin, car les effets sont rapides, une somme de 20 à 30 millions.
Je permets aux partisans du système du laisser faire de croire que la Belgique eût été beaucoup plus heureuse en continuant de vivre avec 130,100 hectares de terres incultes, lesquelles peuvent être cultivées ; mais, quant à moi, je pense que si le gouvernement parvient d'ici à vingt ans à enrichir le pays de 130,000 hectares de bonnes terres, de terres productives, que l'on blâme ou non le système de l'intervention de l'Etat, les résultats seront pour lui, les résultats parleront plus haut que les vaines frayeurs, que les préjugés qui s'élèvent aujourd'hui contre l'intervention de l'Etat.
Messieurs, ce n'est pas seulement par l'absence d'eau que nos plaines sont stériles ; il en est qui périssent faute de cet élément ; mais il en est aussi qui périssent pour être submergées. Certains territoires manquent d'eau ; certains autres en ont en trop grande abondance. Un des travaux dont nous allons à l’avenir non occuper dans la Campine, ce sera de procéder au déssechement des terrains marécageux.
Dans cet ordre d'idées, messieurs, le gouvernement a été amené à faire ce que les individus, ce que les communes ne faisaient pas. Il a encouragé le drainage. Il a envoyé un ingénieur en Angleterre pour étudier le système.
Cet ingénieur est revenu dans le pays ; il a été mis à la disposition de tous les propriétaires qui voudraient appliquer à leurs terres ce remède efficace, qui est maintenant si généralement en usage en Angleterre. Il a fait venir certains instruments ; il a répandu dans le pays, dans les localités qui lui ont été indiquées comme les plus propres à les utiliser, un certain nombre de machines destinées à faire les tuyaux.
Voilà, messieurs, tout son crime. C'en est un bien grand ; car il paraît que le gouvernement ne distribue ces faveurs qu'aux plus habiles, qu'aux plus actifs, qu'aux plus insinuants. Je déclare, messieurs, que je n'ai pas l'honneur de connaître un propriétaire sur cent parmi ceux qui ont demandé au gouvernement le concours de ses agents pour être éclairés sur les moyens les plus efficaces de drainer leurs terres.
Il existe des comices dans le pays ; c'est encore une création née de cette manie malheureuse qu'a le gouvernement de se mêler de la chose publique. Le gouvernement a aidé à la création des comices ; il a aidé les agriculteurs à s'associer pour mieux soigner leurs intérêts. Eh bien, ces comices répandus sur la surface du pays indiquent au gouvernement quelles sont les terres sur lesquelles le drainage pourrait être essayé ; sur la désignation des comices, le gouvernement envoie l'ingénieur, prête certains instruments. Voilà, messieurs, quels sont les grands crimes du gouvernement en ce qui concerne le drainage.
A-t-il dépensé des sommes énormes pour introduire cette innovation dans le pays ? Vvoycz les comptes rendus ; les sommes sont insignifiantes ; et puisque le conseil supérieur d'agriculture, composé d'hommes expérimentés et instruits, de ce que le conseil d'agriculture, dans sa dernière cession, a reconnu l'efficacité des moyens employés par le gouvernement, et, dans une espèce d'entraînement, a dit qu'il fallait consacrer 200,000 fr. par an au drainage, imitant de très loin ce que fait l'Angleterre, il ne s'ensuit pas que le gouvernement va vous demander de dépenser 200,000 fr. par an ; il se contentera de sommes beaucoup plus minimes ; et à mesure que l'action bienfaisante du gouvernement aura produit ses fruits, à mesure que l'initiative des communes, des particuliers, fera ce que jusqu'ici elle s'est abstenue de faire, l'action du gouvernement se retirera. La chambre est là, dans tous les cas, pour arrêter les désirs immodérés d'intervention qui pourraient se manifester de la part du gouvernement.
Si vous blâmez le système du gouvernement, si vous voulez l'arrêter dans cette manie dangereuse d'intervention, que vous lui reprochez, commencez par lui refuser les moyens d'action ; ne mettez pas de crédits à sa disposition et par là vous ferez tomber tout d'un coup le système contre lequel vous vous récriez. J'engage, quant à moi, ceux qui sont contraires au gouvernement en ces sortes de matières, je les engage à proposer la suppression de tout le crédit demandé. C'est le seul moyen pour eux d'en finir avec les dangers qu'ils signalent, dangers imaginaires heureusement.
Voici, messieurs, en termes généraux, quelle sera la destination du nouveau crédit que le gouvernement vous demande.
Il servira d'abord à créer en quelque sorte un nouveau bassin, à agrandir nos réservoirs destinés à fournir l'eau pour l'irrigation de bruyères dans la Campine.
Il servira, dans une moindre mesure, à préparer d'autres travaux d'irrigation sur d'autres points du pays. Il aidera à l'assèchement des terrains marécageux.
Le gouvernement continuera d'encourager dans les communes le reboisement de leurs terrains incultes ; il le fera, aidé des lumières et de l'expérience des commissions spéciales qu'il a nommées dans plusieurs de nos provinces.
Le gouvernement continuera d'user du crédit pour distribuer dans les Ardennes, jusqu'à ce qu'un moyen plus efficace lui ait été indiqué, la chaux à prix réduit ; mais il le fera avec réserve. Il comprend que ce système d'encouragement n'est pas de nature à se perpétuer à l'infini, qu'un temps viendra où il faudra y mettre un terme.
Voilà les principales dépenses qui seront faites à l'aide du nouveau crédit.
La section centrale demande qu'au nouveau crédit de 500,000 fr. ne puisse pas être jointe la somme d'environ 200,000 fr. qui a été dépensée sous forme d'avances, par le gouvernement, qui doit rentrer au trésor et qui, aux termes de la loi du 25 mars 1847, pouvait être remployée pendant 5 ans au même usage. Je crois que la chambre fera bien de laisser à la disposition du gouvernement les sommes dont il a fait l'avance et qui doivent lui rentrer. Sinon, messieurs, le gouvernement sera obligé probablement de venir demander encore un crédit extraordinaire d'ici à une année ou deux, attendu que, dans sa pensée, ces sommes, qui doivent rentrer avaient déjà reçu une destination. Si l'usage de ces sommes lui était refusé, il devrait imputer sur le crédit de 500,000 fr. les dépenses qu'il comptait imputer sur les 200,000 fr.
Je crois que, quand la chambre aura été éclairée par la discussion, elle n'hésitera pas à rejeter la proposition de la section centrale.
La chambre reconnaîtra l'efficacité des mesures prises en exécution de loi de mars 1847. Elle reconnaîtra aussi que toutes les autres mesures qui ne sont pas prescrites par cette loi, mais qui en sont naturellement sorties, que toutes ces mesures ont été dictées par le sentiment de l'utilité publique, qu'aucun autre intérêt n'a guidé le gouvernement dans l'emploi des fonds mis à sa disposition. Sous ce rapport, je voudrais que la discussion actuelle pût se prolonger : la chambre, je l'espère, verrait par les explications qui seront encore fournies s'il est nécessaire, qu'elle peut, sans aucune espèce de danger, en toute sûreté de conscience, continuer ce qui a été si heureusement commencé, qu'elle peut continuer à mettre le gouvernement à même d'exécuter cette partie de ce qu'on appelle son système qui est ici d'aider les communes, à fertiliser, à améliorer leur territoire inculte ; qui consiste aussi à donner des exemples, à donner l'impulsion aux particuliers, qui, sortant enfin de la torpeur dans laquelle ils se sont trop longtemps endormis, consentent aujourd'hui à mettre la main à l'œuvre, à suivre l'impulsion qui leur est donnée. De cette manière, messieurs, vous introduirez dans le pays successivement de larges améliorations, et vous ferez sentir, à cote des bienfaits moraux de nos libres institutions, les bienfaits matériels qu'on peut attendre d'un gouvernement constitutionnel représentatif, agissant sous sa responsabilité, conseillé, contrôlé par les mandataires de la nation.
Voilà, messieurs, sous quel point de vue il faut savoir examiner le rôle et le caractère du gouvernement. Le gouvernement n'est pas un ennemi du pays. Le gouvernement, c'est vous-mêmes : il relève de l'opinion publique, il est comptable devant les chambres qui la représentent. Faire en principe la guerre au gouvernement, mais c'est faire la guerre en quelque sorte au pays lui-même.
M. David. - Messieurs, sans méconnaître l'utilité des irrigations, de certains défrichements, du drainage et du boisement de quelques terrains sans valeur aucune, je ne puis approuver le mode de procéder à ces divers travaux, propose par le gouvernement. La somme de 500,000 francs est demandée à titre de crédit de roulement pour cinq années, et les travaux doivent élre exécutés par le gouvernement ou à peu près.
Les crédits de roulement sont irréguliers et peu constitutionnels ; il est impossible aux chambres de les contrôler, il est bien difficile d'en tenir une comptabilité exacte au ministère qui, d'un autre côté, peut être entraîné à les dépasser en accordant des remplois, parce qu'il compte sur des remboursements qui se font attendre ou ne s'exécutent point. De plus, un personnel et des pertes prévues d'avance sur la chaux, les outils, les graines forestères, etc. ne peuvent réellement point être payés sur un crédit de roulement, bientôt absorbé par des dépenses qui ne doivent plus rentrer au trésor. Il est urgent, sage de refuser dorénavant ces sortes de crédit, et de prendre la détermination de faire figurer les sommes qu'ils comportent au budget annuel, colonne des charges extraordinaires, en inscrivant chaque année au budget des voies et moyens les rentrées probables sur les avances faites à divers titres.
S'il est bon que le gouvernement prenne l'initiative de certaines améliorations agricoles et cherche à les répandre par l'exemple et certains travaux d'essai exécutés sur une petite échelle, il est certain par contre qu'il doit en rester là, sans jamais se mettre en lieu et place de l'industrie privée. Cependant si le projet de loi est adopté tel qu'il est présenté, le département de l'intérieur deviendra entrepreneur d'irrigations, de défrichements, de drainage et de boisement avec une nouvelle myriade de fonctionnaires salaries et à pensionner par l'Etal. Il serait imprudent de procéder de la sorte, d'autant plus que par des moyens différents, moins coûteux et moins dangereux pour le trésor, des résultats identiques peuvent être obtenus.
En voici la démonstration ; pour la faire, je suivrai l'ordre dans lequel les besoins pour 1851 sont indiqués aux annexes du projet de loi.
De tous les moyens d'arriver promptement au défrichement et à la fertilisation du sol campinois, celui des irrigations est le plus rationnel, le meilleur et le moins coûteux. L'eau, qui remplace l'engrais, produit du foin, le foin permet d'élever du bétail et le bétail procure l'engrais nécessaire au défrichement des terres non irrigables. Que le (page 1255) gouvernement se borne en Campine à procurer et à distribuer l'eau pour les arrosages, qu'il se la fasse payer au moyen de la redevance annuelle (erratum, p. 1263) de 10, 7.50 et 5 par hectare, que je propose par un article additionnel, et vous verrez, messieurs, les communes, les particuliers et les associations continuer sur une vaste échelle les irrigations. On me dira peut-être que les communes seront souvent dans l'impossibilité, faute de ressources, de préparer leurs terrains à l'arrosage ; je répondrai à cette objection que toujours elles peuvent imposer des journées de corvée payables en nature et convertibles en argent, et que le gouvernement, armé de la loi du 25 mars 1847, est en mesure de les forcer à (erratum, p. 1263) vendre leurs terrains, à les donner à bail emphythéotique, à les partager entre les habitants moyennant redevance.
En adoptant cette marche, la plus convenable et en même temps la plus naturelle, le rôle du gouvernement consisterait uniquement à l'avenir dans la distribution des eaux à prendre dans nos canaux et rivières.
Il n'achèterait plus de terrains, il ne les préparerait plus à l'irrigation, il n'aurait plus de frais d'outillage, etc., et le personnel nombreux employé à des opérations multiples pourrait être considérablement réduit à partir de 1852, alors que le seul travail à exécuter par lui se bornerait à chercher, faire arriver et distribuer l'eau par des canaux et rigoles.
Des travaux de plusieurs catégories sont commencés d'après les anciens errements, il convient de les achever en 1851, donc il serait nécesssaire de destiner cette année encore :
Pour le personnel existant, fr. 28,800 ;
Pour le canal colateur destiné à faire rentrer dans le canal de Maestricht à Bois le-Duc en aval de l'écluse n° 17, les eaux de Caulille et Hamont, utilisées aux irrigations de Bocholt, etc., fr. 16,000 ;
Pour la continuation du canal colateur entre Arendonck et le 6ème biez de la deuxième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut, fr. 70,000.
Ensemble : fr. 114,800.
Quant à la préparation de 600 hectares de bruyère de Rethy, Neerpelt, Moll, Baelen et Desschel, pour une somme de 85,000 fr., il n'en serait plus question, d'après mon système.
La dépense de 16,000 fr. pour augmentation de la prise d'eau à Hocht peut être ajournée, d'après le compte rendu de M. le ministre de l'intérieur sur la loi de 1847, dans lequel il fixe à 4,000 hectares la quotité de terrain, irrigués enl 1853.
La rectification du Dommel doit incomber à l'administration des travaux publics, et la navigation du canal de la Campine, nulle aujourd'hui, n'exige pas encore de surcroît d'eau ; il devient ainsi tout à fait évident que la somme de 100,000 fr. peut être retranchée du crédit demandé.
Une somme de 22,000 fr. est aussi pétitionnée pour dépenses imprévues, mais elle doit être refusée afin de forcer enfin MM. nos ingénieurs à faire des calculs et des estimations à peu près justes.
Le parachèvement de la colonie de Lommel, consistant en construction d'un autel, en ameublement de l'église et mur de clôture du cimetière pour une somme de 6,406 fr. 77 c, doit être accompli au moyen des ressources des budgets de l'intérieur et de la justice.
J'arrive, messieurs, au second objet dont s'occupe le projet de loi, c'est-à-dire au défrichement des terres incultes. D'après, moi les défrichements ne doivent, quant à présent, point être entrepris en grand ; en effet aussi longtemps que, faute d'engrais suffisant, les terres arables en Belgique ne donnent en moyenne que 18 à 19 hectolitres de céréales par hectare, il serait imprudent d'éparpiller davantage les matières fertilisantes, et de les retirer aux terrains actuellement cultivés pour les répandre sans profit sur des terrains nouvellement défrichés et tous situés dans des localités d'un accè splus ou moins difficile, dénuées de routes et de bons chemins vicinaux.
C'est à la longue, au fur et à mesure de l'augmentation des populations que cette opération doit prendre de l'extension. C'est aux communes qui possèdent des terrains à les vendre, les louer ou partager aux habitants de la localité qui voudront les mettre en culture ; le gouvernement doit bien se garder, suivant moi, d'exproprier de pareils terrains ou de forcer les communes à les aliéner par parcelles de grande étendue ; ce système amène l'appauvrissement des usagers actuels, dans les contrées qui vivent de l'élevage du bétail et ruine ceux qui par ignorance ou séduits par les promesses trompeuses des théoriciens, se lancent dans ces opéralions de défrichement en grand.
Que le gouvernement se borne strictement à distribuer de la chaux à prix réduit et à favoriser les transports à bon marché des engrais, l'Ardenne saura profiter de cette faveur, des demandes de terrains seront adressées aux administrations communales par les habitants des localités ou par des étrangers qui viendront s'établir sur les lieux. Ainsi, il n'aura pas à se reprocher d'avoir compromis le présent, en vue d'une amélioration future très incertaine, si pas irréalisable.
MM. les gouverneurs du Luxembourg et de Namur demandent pour les distributions de chaux, en 1851, une somme de 44,000 fr., qui peut être accordée ; elle est loin d'atteindre le chiffre des sacrifices faits pour la Campine.
Le troisième objet pour lequel on réclame, par le projet de loi en discussion, une allocation, consiste dans le boisement de terrains communaux appartenant a certaines contrées du pays et principalement à l'Ardenne.
La seule industrie pratiquée et praticable en Ardenne, là où les voies faciles de communication manquent encore presque partout, est, vous le savez tous, messieurs, celle de l'élevage du bétail de diverses espèces ; sans le parcours en commun dans les pâturages des terrains vagues, elle se trouverait immédiatement anéantie, et les terres cultivées autour des villages et hameaux avec tant de persévérance et au moyen de l'engrais du bétail nourri sur les communaux pendant 6 mois de l'année, retourneraient bientôt à l'état de terres incultes ; ce malheur consommé, une grande partie des habitants de l'Ardenne, aujourd'hui relativement heureux, seraient ruinés et devraient chercher leur salut dans l'émigration. Le gouvernement ne peut avoir l'intention de réduire toute une partie du pays à la misère, et cependant, sans se douter des effets désastreux du boisement, il coopère, en favorisant cette transformation des pâturages en forêts, à la réalisation de la ruine de certaines contrées des Ardennes ; voici comment :
Pendant 10, 15 ou 20 années après le boisement, le parcours du bétail est interdit dans les jeunes forêts de résineux, seule essence adopté, par les comités de boisement ; quand ces forêts sont assez développées pour que le bétail ne puisse plus leur nuire, le terrain sur lequel elles croissent ne produit plus aucune espèce d'herbe, la mousse seule tapisse le sol. Inutile d'y conduire les animaux, ils n'y trouveraient aucune nourriture, les usagers doivent se défaire de tout ou partie de leurs bestiaux, selon le plus ou moins d'étendue de terrains occupés par les plantations.
Je pourrais, messieurs, vous prouver par des chiffres que le produit actuel de bien des pâturages en commun, situés dans les plaines, est supérieur à ce que donnera jamais une forêt de résineux de création à entreprendre ; l'opération serait un peu longue, et je me bornerai à vous indiquer les bases de mon calcul ; je suis certain qu'après les avoir examinées, vous serez de mon avis.
L'établissement d'un hectare de forêt de résineux coûte :
En achat du terrain, au moins 150 fr. ;
En frais de premier établissement, plantes, main-d'œuvre, fossé d'assainissement, etc., etc., au moins 60 fr.
Total 210 fr.
Si vous ajoutez à cette sommeles frais de gardiennat et les intérêts composés jusqu'à la première exploitation, soit à 40 ou 50 ans sur les fanges élevées, les contributions (erratum, p. 1263) à partir de 25 ans, etc., vous trouverez qu'à 40 ou 50 ans l'hectare ne vous donne que de la perte, en comparaison des produits qui n'ont pu être prélevés, pendant ces 40 ou 50 ans, sur le même terrain resté dans son état actuel.
Ces produits consistent aujourd'hui, messieurs, dans le pâturage, la récolte des bruyères pour litière, l'extraction des tourbes, etc. ; dans des communes que je connais, on peut les évaluer à 50 francs par hectare ; capitalisez cette somme jusqu'à 40 ou 50 ans, ajoutez chaque année cette même somme à la perte et vous trouverez, avec moi, que jamais les nouvelles forêts ne pourront compenser le déficit causé par leur création.
Les boisements ne doivent avoir lieu que dans les clairières des forêts communales ou dans les montagnes abruptes ne donnant aucun produit ; c'est aux communes et non au gouvernement qu'il incombe de procéder à ces améliorations ; il ne faut plus, messieurs, que le gouvernement distribue des graines forestières aux administrations communales ; celles qui leur ont été confiées jusqu'à présent ont été perdues ou à peu près, les pépinières établies ayant été négligées et n'ayant produit que très peu de jeunes sujets à mettre en place.
Nous avons en Belgique (erratum, p. 1263) 474 brigadiers et gardes des eaux et forêts, qui presque tous cultivent des pépinières pour les forêts de l'Etat, avec un personnel tout organisé et déjà payé ; qu'ils soient chargés de vendre à bon marché des jeunes plants aux communes qui veulent boiser des montagnes arides ou des clairières dans leurs forêt.
Je ne sais jusqu'à quel point la loi du 25 mars 1847 autorise le gouvernement à exproprier les communes pour former des forêls pour son compte, et je désirerais que des jurisconsultes de la chambre, après avoir examiné le texte de cette loi, voulussent bien décider la question. Quant à moi, je pense que la loi précitée ne donne point cette faculté au gouvernement. Mais en tout état de cause je demanderai à M. le minisire des finances, s'il lui convient d'augmenter l'étendue des forêts de l'Etat ; s'il avait cette intention, je prierais la chambre de donner son avis sur une pareille spéculation au moment où le gouvernement cherche lui-même à aliéner certains domaines boisés.
Les seules sommes nécessaires pour les opéralions du boisement sont, d'après moi :
Les frais du comité de boisement de Liège, 2,350 fr. ;
Frais du personnel et des commissaires spéciaux, 4,500 fr.
Dans le Luxembourg, 500 fr.
Total, 7,350 fr.
Car, messieurs, il n'est plus question d'exproprier 250 hectares de la ommune de Jalhay, pour une somme de 36,000 fr., et il ne peut plus s’agit de fournir dis graines, des oulils, etc., aux communes.
Pour terminer je m'occuperai du drainage, pour lequel une somme beaucoup trop forte est demandée, selon moi.
Une grande superficie de terrain reste en Belgique à un état véritable d’infériorité sous le rapport de la production agricole, par la seule raison (page 1256) que le sol, trop imprégné d'eau, ne se réchauffe pas et se maintient à une température peu favorable au développement de la végétation. L'expérience a prouve que le meilleur moyen de faire instantanément cesser cet inconvénient consiste dans l'opération du drainage, convenablement exécutée. Chacun connaît aujourd'hui l'efficacité, les avantages du drainage ; et les propriétaires de terres humides, soigneux de leurs intérêts, s'empresseront de l'appliquer dans leurs héritages ; l'impulsion est donnée, inutile dorénavant de faire des sacrifices à charge du trésor public, et il suffira, pour assurer et propager cette admirable innovation, que pendant quelques années encore M. l'ingénieur du drainage et ses deux aides soient chargés de donner les indications nécessaires pour bien faire, aux personnes qui voudront assainir par le drainage. Afin de répandre au plus tôt la science du drainage il conviendra aussi que MM. les ingénieurs attachés à cet important service aillent faire des démonstrations pratiques dans nos diverses écoles (erratum, p. 1263) agricoles, en les accompagnant d'explications relatives aux diverses natures de sol et au placement plus ou moins profond des tuyaux de drainage suivant la qualité du terrain, et qu'ils convoquent, par l'entremise des comices agricoles, le plus grand nombre possible de cultivateurs à ces leçons si intéressantes.
D'après ce qui précède et les explications qui vont suivre, les modifications ci-dessous pourront être introduites dans la demande de crédit du gouvernement dont le chiffre pour 1831 est de 21,452 fr.
Personnel (3 agents), doit être à maintenu pendant quelques années encore et coûtera 5,100 fr.
Quant à l'allocation pour fabriques de tuyaux de 12,000 francs, je la supprime. Les budgets du département de l'intérieur et des provinces portent chaque année des demandes de crédit pour achat de modèles de machines pour nos musées ; qu'au moyen de ces crédits on achète des machines nouvelles à drainer, à imiter par les constructeurs de machines du pays.
Les fabricanls de poteries, trouvant leur beau bénéfice au débit des tuyaux de drainage, achèteront de ces machines sans le concours du gouvernement. Aussi longtemps qu'il existera des fabricants favorisés travaillant avec des ustensiles fournis par l'Etat et qui ne leur coûtent rien, la concurrence ne pourra surgir, et les sociétés de drainage n'auront aucune chance en se formant. Les bons fabricants de drains feront d'immenses affaires, les mauvais n'auront point de clientèle. Ainsi la surveillance des fabriques est inutile.
Pour les essais de drainage exécutés avec le concours du gouvernement, il faut les limiter à ceux à faire dans les écoles agricoles, comme il est dit plus haut ; que les comices, subsidiés déjà par le gouvernement, portent une certaine somme à leur budget des dépenses pour les essais qu'ils voudront faire exécuter. On peut ainsi réduire le chiffre, tuyaux à fournir par le gouvernement, à fr. 1,000
Les frais de déplacement des ingénieurs, salaires, etc., des chefs ouvriers, devront être maintenus, mais pour être remboursés par les propriétaires qui auront recours aux agents du gouvernement : 1,618 fr. et639 fr., soit 2,257 fr.
Les travaux d'assainissement exécutés par des particuliers, le sont généralenement par des gens riches qui peuvent et qui doivent payer ces améliorations, le gouvernement n'a à intervenir que par les indications à donner par ses agents. Aiusi on peut supprimer le chiffre de 1,000 fr.
Quant aux études et expériences diverses, elles sont inutiles aujourd'hui ; il suffit de suivre les bons exemples de nos devanciers. Supprimez le chiffre de 500 fr.
Total pour drainage, 8,537 fr.
Les développements qui précèdent démontrent clairement que le crédit de 500,000 fr. demandé peut être réduit par nature de dépense à :
1° Pour les irrigations, à 114,800 fr.
2° Pour le défrichement, à 44,000 fr.
3° Pour le boisement, à 7,350 fr.
4° Pour le drainage, à 8,357 fr.
Ensemble 174,507 fr.
Ce chiffre de 174,507 fr. est loin d'atteindre la somme disponible et à rentrer sur les crédits alloués pour les mêmes objets par les lois des 26 décembre 1816 et 25 mars 1847 ; elle monte à 224,388 fr. 61 c, de sorte que les dépenses prévues pour 1831 peuvent être couvertes, sans ouverture de nouveaux crédits ; le projet de loi en discussion pourra être retiré sans inconvénient, et je le propose.
A partir de 1852 il conviendra et pour quelques années encore, de porter une certaine somme au bulget de l'intérieur pour l'objet qu nous occupe, tout en faisant figurer au budget des voies et moyens les rentrées à provenir sur ce crédit.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, puisque nous nous occupons de travaux destinés à favoriser le défrichement de nos bruyères, et qu'une partie du crédit demandé doit servir pour cet objet, je crois que c'est le moment d'appeler un instant l'attention de la chambre sur une circonstance que le gouvernement a peut-être un peu perdue de vue. Dans la séance du 26 janvier 1849, j'avais eu l'honneur de faire rapport à la chambre sur un très grand nombre de pétitions qui lui avaient été adressées par des communes de la Campine, réclamant toutes contre la disposition de la loi du 8 février 1843, qui impose aux propriétaires riverains des canaux de la Campine une part contributive dans les frais de construction de ces canaux.
Les pétitionnaires faisaient ressortir les graves inconvénients qui résultaient de ces dispositions. Ces dispositions, dans tous les cas, au lieu de favoriser le défrichement de la Campine, arrêtaient, au contraire, les efforts que l'on serait tenté de faire, à cause de cette menace d'être taxé d'une certaine redevance. Les réclamations dont il s'agit n'étaient pas isolées ; des corps très compétents en pareille matière, les conseils provinciaux d'Anvers et du Limbourg, auxquels s'étaient joints un grand nombre de particuliers, se sont également adressés au gouvernement et ont élevé les mêmes réclamations. La loi, d'ailleurs, n'était pas exécutée et paraissait même inexécutable En présence de ces motifs, qui avaient paru fondés, sérieux, graves, la commission des pétitions avait eu l'honneur de proposer à la chambre le renvoi de toutes ces pétitions à MM. les ministres des finances et des travaux publics, avec prière d'examiner, le plus tôt possible, s'il n'y avait pas lieu d'abroger la loi ou au moins d'y apporter de grandes modifications. Ces conclusions furent appuyées par plusieurs membres de la chambre et ensuite adoptées à l'unanimité.
Cependant, jusqu'à présent, le gouvernement ne nous a pas fait connaître ses intentions à ce sujet ; il me semble qu'il conviendrait de lever tout doute à l'égard de l'éxecution de cette loi ; car il faut que les propriétaires qui seraient tentés de se livrer aux travaux si ingrats du défrichement, sachent à quoi s'en tenir.
Lors de la discussion qui a eu lieu récemment dans cette enceinte, à l'occasion d'une proposition faite par l'honorable M. de Perceval, M. le ministre de l'intérieur a déclaré que, jusqu'à présent, le gouvernement n'avait pas pu exécuter ces dispositions. Pour moi, je pense que les motifs qui ont empêché l'exécution de la loi pour le passé existeront aussi pour l'avenir, et que, par conséquent, il y aurait lieu de faire cesser un état de choses aussi incertain, j'ajouterai aussi préjudiciable au défrichement de la Campine.
Car de deux choses l'une : ou les dispositions de cette loi sont bonnes, d'une exécution facile, de nature à favoriser le défrichement de la Campine, et alors je ne vois pas pourquoi l'on n'exécuterait pas la loi ; ou bien, ces dispositions sont mauvaises, de nature à arrêter le défrichement, et alors je ne vois pas pourquoi l'on reculerait devant une modification.
M. le ministre de l'intérieur, dans la discussion que je viens de rappeler, m'a fourni, d'ailleurs, les meilleurs arguments en faveur de la prorogation de la loi. Voici ce que l'honorable ministre disait dans cette discussion :
« Si le principe déposé dans la loi est équitable, il faut l'appliquer, non seulement aux améliorations procurées par l'arrosage, par la distribution de la chaux, mais à d'autres améliorations produites par d'autres travaux publics, par la voirie vicinale, par les routes pavées, par nos chemins de fer. »
Plus loin M. le ministre disait encore :
« Si l'on applique à la Campine le principe de l'intervention dans les frais de construction, à raison des bienfaits que lui procure le canal, il faudrait l'appliquer aussi à toutes les propriétés qui ont doublé, triplé de valeur par la construction du chemin de fer, de même que celles qui ont acquis un accroissement de valeur par la construction des chemin vicinaux, et ainsi de suite. »
M. le ministre disait enfin :
« Je reconnais aussi que si l'on commençait à appliquer le principe, il serait plus juste d'en faire l'application d'abord aux parties du pays qui sont depuis longtemps dans une voie de prospérité, qu'aux parties qui commencent seulement à sortir de l'état désert et sauvage où elles se trouvaient depuis des siècles, en l'absence de l'intervenlion de l'Etat. »
Or, messieurs, il est évident que ces dispositions n'ont jamais été appliquées, et il n'est pas probable qu'elles le soient jamais ; alors pourquoi vouloir faire application de ce principe à la Campine, qui est le pays le plus pauvre, le plus malheureux, le plus désert de la Belgique ?
Vous voyez donc, messieurs, qu'il est nécessaire de lever le doute qui existe par rapport à la loi de 1843 ; et tandis que nous allons voter des fonds pour favoriser le défrichement de nos landes, nous ne pouvons pas laisser subsister des dispositions législatives qui paralyseraient nos efforts.
J'espère donc que le gouvernement voudra bien donner quelques explications en réponse à mes observations.
- La suite de la discussion est remise à lundi.
M. le président. - M. le minisire de l'intérieur a fait parvenir à la chambre le tableau de l'emploi des fonds alloués pour le service de l'instruction primaire.
Je propose à la chambre d'ordonner le dépôt de ces documents sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est à 4 heures et demie.