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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 9 avril 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1149) M. Ansiau procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Jouret frères réclament l'intervention de la chambre pour que la dénaturation des mélasses incristallisables puisse se faire au moyen de 1 ou 2 p. c. animal ou d'un acide quelconque. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

M. Faignart. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

-Cette proposition est adoptée.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Destriveaux. - Messieurs, le sieur Colpaert, huissier à Meulebeke (Flandre occidentale), a présenté, le 30 octobre 1850, une requête par laquelle il demande la naturalisation exigée par les lois, pour l'exercice des fonctions publiques.

Il conste d'une déclaration de M. le bourgmestre d'Ypres, datée du 29 novembre 1850, qu'il appert du registre de l'état civil et autres documents déposés dans les bureaux de cette ville, que Jacques-Ange-Benoît Colpaert, né en France, s'est marié à Ypres, le 15 avrill 1798S, à Jeanne-Geneviève Hennion, native de celle ville ; que ces époux étaient domiciliés en cette ville lors de la naissance de leur fils, Louis-Benoît Colpaert, le 11 septembre 1799, qui est le pétitionnaire ; qu'ils ont continue d'habiter Ypres jusqu'au décès de l'épouse Colpaert, arrivé le 14 septembre 1831, et que, le 16 juin 1867, Colpaert père n'a quitté son domicile, à Ypres, que pour le transférer en la ville de Bruges, où il le conserve encore.

Dans cet état de choses, votre commission des naturalisations,

Considérant que l'article 8 de la loi fondamentale de 1815 est évidemment applicable au pétitionnaire, et qu'en vertu de cette disposition et de la jurisprudence constante de la législature et de la cour de cassation, le sieur Colpaert possède la qualité de Belge, et jouit de la plénitude des droits qui en dérivent ;

Vu l'avis conforme de M. le procureur général près la cour d'appel de Gand, du 11 décembre 1850 ;

Vu l'avis, également conforme, de M. le ministre de la justice, en date du 21 décembre 1850,

A l'honneur de vous proposer l'ordre du jour, motivé sur ce que le sieur Louis-Benoit Colpaert ayant la qualité et les droits de citoyen belge, sa demande est superflue et sans objet, et d'en informer M. le ministre de la justice.

- La proposition de la commission des naturalisations est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi sur le crédit foncier

Discussion des articles

Article 4

M. le président. - La chambre est arrivée à l'article 4. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 4. Tout emprunteur s'oblige envers la caisse à payer annuellement, en deux termes égaux, cinq et un quart pour cent du capital nominal.

« L'excédant de cette annuité sur l'intérêt fixé par l'article 3 reçoit la destination suivante :

« Un pour cent est consacré à l'amortissement du capital ;

« Un huitième pour cent est versé au trésor public à litre de droits d'enregistrement et d'inscription ;

« Un huitième pour cent est retenu par la caisse pour faire face aux frais de recouvrement et d'administration. »

Dans un rapport supplémentaire, la section centrale propose, d'accord avec le gouvernement, de modifier le cinquième paragraphe de l'article 4 ainsi qu'il suit :

« Un pour cent consacré, la première année, à la formation du fonds de réserve, et les années suivantes, à l'amortissement du capital. »

M. Malou, dans la séance de ce jour, a dépose l'amendement suivant :

« Art. 4. Tout emprunteur s'oblige envers la caisse à payer, chaque semestre, la demi-annuité déterminée d'après la durée du prêt, conformément au tableau annexé à la présente loi.

« N. B. Le tableau indiquerait le tant pour cent à payer en acquit de chaque demi-annuité suivant la durée du prêt.

« Ces annuités comprennent :

« 1° L'intérêt à 4 p. c. ;

« 2° La somme nécessaire pour l'amortissement du capital ;

« 3° Les droits dus au trésor et qui seront avancés par la caisse ;

« 4° La prime d'assurance, s'il s'agit de propriétés bâties ;

« 5° Les dépenses d'administration de la caisse. »

M. Malou. - Messieurs, il y a entre le projet du gouvernement et l'amendement que j'ai l'honneur de présenter deux différences principales. La première c'est qu'au lieu de faire crédit pour les droits du trésor la proposition nouvelle oblige la caisse à faire l'avance de ces droits, sauf à les retrouver dans les annuités.

En faveur de cet amendement je crois pouvoir invoquer en premier lieu la Constitution. Vous ne pouvez pas faire deux catégories pour le payement de l'impôt : les uns payant tout comptant, les autres payant successivement par annuités et, par l'effet même de la combinaison, pouvant ne pas payer une partie des droits du trésor.

Il est beaucoup plus simple de laisser tous les citoyens, qu'ils aient recours à la caisse ou à une autre forme d'emprunt, sous le régime du droit commun, en ce qui concerne les droits du trésor public. Je ne pense pas que cet amendement puisse, en quoi que ce soit, détruire le mécanisme de l'institution, en dénaturer le principe.

Je disais tout à l'heure que celui qui s'adresserait à la caisse aurait cette faveur de pouvoir ne pas payer entièrement les droits dus à l'Etat.

En effet, il est de principe, une disposition formelle consacre qu'on a le droit de se libérer par anticipation. Par exemple, au bout de trois ou quatre ans, après avoir payé deux, trois ou quatre annuités, ceux qui se libéreraient auraient payé 3/8 p. c. au lieu d'avoir payé le droit intégralement.

On ne peut pas admettre cette exemption partielle. Je ne crois pas qu'il y ait moyen de tourner la difficulté, car on concevrait difficilement que le gouvernement quand il a fait crédit voulût faire payer le droit intégralement avant l'expiration du terme. La base même d'appréciation manquerait.

L'amendement que j'ai présenté à l'article 4 contient une autre disposition que je vais caractériser en quelques mots. Des institutions de crédit foncier existent. Un tableau indique le taux des annuités suivant la durée du prêt ; c'est-à-dire qu'il est facultatif de contracter l'emprunt pour un terme de 5 à 60 ans. Pour la plupart d'entre elles, les annuités déterminent le tant pour cent qu'il faut payer chaque année, suivant la durée du prêt.

C'est ainsi que pour 41 ans les annuités sont fixées à 6 et 1 centime pour cent, 5 pour l'intérêt et 1 et une fraction pour l'amortissement parce que à la 41ème année il manque dans un certain ordre d'idées une petite fraction pour compléter l'amortissement. Il est utile de laisser cette faculté. Dans la discussion générale j'ai fait remarquer que l'habitude des emprunteurs est de contracter pour 12, 15 ou 20 ans au plus. Y a-t-il quelque objection tirée du caractère de l'institution ? Peut-on repousser l'amendement comme dénaturant l'institution ?

Je ne le crois pas : il est aussi facile de joindre à la loi le tableau des annuités calculées suivant la durée des prêts, que d'y mettre un article déterminant la quotité fixe des annuités qui devra être payée pendant 42 ans.

On me dira peut-être que le débiteur aura toujours la faculté de se libérer de la partie des annuités non échues. Mais veuillez remarquer que pour celui qui s'adresse à la caisse, il y a une différence énorme entre la faculté de se libérer par anticipation et le règlement dans un terme appliqué à sa convenance de tout l'emprunt qu'il a fait à la caisse.

Si l'on me prouvait que l'amendement est incompatible avec le principe de la loi, je m'empresserais de le retirer ; car si j'ai été de la minorité, quand il s'est agi du principe de la loi, maintenant que la majorité a prononcé, je considère de mon devoir de m'associer à la discussion, pour améliorer, autant qu'il est en mon pouvoir, les divers articles du projet de loi.

Je demande que les honorables membres de la majorité veuillent bien se placer au même point de vue pour examiner les dispositions que je formulerai dans ce débat.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je désire beaucoup que toutes les lumières se produisent dans la discussion des articles, et que nous fassions en sorte, adversaires et partisans du projet de loi, de l'améliorer autant que possible, de sorte qu'il puisse produire les résultats que nous en espérons,

A ce point de vue, il m'est impossible d'accueillir l'amendement présenté par l'honorable M. Malou. Il consiste, si j'ai bien compris les développements qu'il vient d'en donner, à laisser au gouvernement la faculté de déterminer, par des tables qui seraient publiées avec la loi, différents modes d'amortissement au choix de l'emprunteur. L'emprunteur aura la faculté de se libérer à son choix en un terme de dix ans, de vingt ans, de trente ans, au lieu du terme fixe de 42 années qui est déterminé dans le projet de loi.

L'amendement a encore pour objet d'obliger les emprunteurs à acquitter les droits au moment de l'emprunt, conformément aux dispositions actuellement en vigueur sur le droit d'enregistrement, au lieu de le faire par fraction chaque année, comme le propose le gouvernement.

M. Osy. - La caisse ferait l'avance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la même chose. Comment la caisse ferait-elle l'avance ?

J'ai formulé la pensée de l'honorable M. Malou, en précisant bien que l'on veut faire acquitter le droit par l'emprunteur.

(page 1150) La caisse n'a pas de fonds pour cet objet. Elle ne pourra qu'obliger les emprunteurs, à emprunter une somme suffisante puur acquitter les droits dus au trésor. Ce sera donc une charge pour les emprunteurs. Etrange manière de favoriser les propriétaires fonciers !

Mais l'honorable M. Malou nous dit sur ce point qu'il n'a d'autre but que de faire respecter le principe constitutionnel déposé dans l'article 112 de la Constitution. Je crois que le scrupule de l'honorable membre n'est pas fondé. Que porte cet article 112 ? Qu'il ne peut être établi de privilège en matière d'impôt, que nulle exemption, nulle modération d'impôt ne peut être établie que par une loi. Constitue-t-on un privilège ? Non. Le privilège dans le sens de la Constitution, c'est une faveur accordée spécialement à un individu déterminé au préjudice des autres citoyens.

Mais, le droit pour tous, en suivant un certain mode, une certaine forme déterminée par la loi, de jouir des avantages que la loi offre, ce n'est pas un privilège. La loi ne restreint pas les avantages à certaines personnes ; ils sont accessibles à tous ; chacun peut en jouir. S'il en était autrement, messieurs, toutes les dispositions exceptionnelles qui se trouvent dans nos lois d'enregistrement ou dans d'autres lois spéciales pour des cas particuliers, constitueraient des privilèges dans le sens qu'y attache l'honorable M. Malou et seraient contraires à la Constitution. Lorsque la loi détermine que dans tels cas donnés, d'une manière générale, la perception de l'impôt aura lieu de telle façon ; que, dans tel autre cas, toujours d'une manière générale, pour tous ceux qui viendront réclamer cet avantage, l'impôt sera perçu de telle autre manière, la loi ne crée aucune espèce de privilège.

Il y a une grande utilité à maintenir la disposition. Il est incontestable qu'elle est proposée en faveur des débiteurs. C'est un avantage qui leur est fait, de payer par petites fractions au lieu de payer immédiatement l'impôt, et je crois que lorsque de toutes parts on réclame contre l'élévation des droits d'enregistrement, contre la difficulté pour les emprunteurs de les acquitter, lorsque l'on signale ces droits ainsi que les droits de mutation comme étant un obstacle à la libre circulation des biens, l'on aurait tort de vouloir aggraver, sans utilité réelle, la condition des emprunteurs.

L'honorable M. Malou nous dit que, d'après les dispositions du projet, les emprunteurs auraient la faculté de se soustraire au payement de l'impôt. Ceci, messieurs, serait plus grave. Si cela existait réellement, ce ne serait pas précisément le privilège dont parle l'article 112 de la Constitution, ce serait le moyen de s'exempter de l'impôt, moyen offert par la loi, ce qui serait parfaitement constitutionnel, puisque aux termes de Ja Constitution, une exemption d'impôts peut être établie par une loi, mais ce qui serait fâcheux, en ce sens que les droits que l'on veut conserver au trésor (c'est la pensée du gouvernement, c'est la pensée des honorables membres) seraient éludés.

Il n'en est rien, messieurs. Lorsque le débiteur voudra se libérer par anticipation, que sera-t-il obligé de faire ? Il sera obligé de racheter un certain nombre d'annuités. Il rachètera les annuités qui sont stipulées dans le projet de loi, et par conséquent, il acquittera les droits dus au trésor.

Ainsi sur ce point, la proposition de l'honorable M. Malou me paraît présenter des inconvénients ; elle détruirait l'économie du projet, elle aggraverait sans utilité la position des emprunteurs. Elle doit donc être écartée.

Quant aux annuités, je ne puis pas admettre le système que l'on propose. J'y ai pensé, j'y ai réfléchi, avant de m'arrêter à la disposition du projet de loi ; plusieurs fois, depuis que le projet a été présenté, des observations dans ce sens m'ont été soumises ; diverses personnes m'ont signalé les systèmes suivis par les compagnies et que l'honorable M. Malou voudrait introduire comme pouvant offrir des avantages.

Je persiste à y trouver de graves inconvénients.

Généralement lorsque des personnes empruntent, elles sont dans la croyance qu'elles pourront, à des époques qu'elles prévoient, se libérer. Elles contractent facilement l'obligation, mais elles ne sont pas toujours en mesure de l'acquitter.

Si l'on indique aux emprunteurs que moyennant une annuité déterminée elles pourront se libérer en dix ans, en quinze ans, il est très possible qu'elles s'empressent de contracter cette obligation, mais il est bien moins certain qu'elles pourront la tenir.

La caisse se trouverait alors dans l'obligation d'agir contre ces débiteurs, on aurait favorisé leur imprévoyance, on aurait amené les inconvénients contre lesquels on s'est élevé dans la discussion générale, c'est de provoquer des emprunts téméraires, et de placer les emprunteurs dans l'impossibilité de payer. En stipulant 42 annuités, on fait à l'emprunteur une excellente condition, parce que, en effet, l'annuité qu'il a à payer, tant pour acquitter l'intérêt que pour amortir la dette, est inférieure dans bien des cas à la somme que l'emprunteur acquitte aujourd'hui pour l'intérêt seul. On peut donc, en présence de ce fait, dire qu'il y a certitude que les emprunteurs pourront se libérer. Mais comme ils ont la faculté d'anticiper, quelle utilité y aurait-il à établir des annuités différentes, calculées sur un amortissement plus ou moins rapide ? Si l'emprunteur veut se libérer en vingt ans, par exemple, il acquittera chaque fois deux annuités au lieu d'une ; il rachètera des annuités et si à un moment donné, l'espérance qu’il avait conçue de se libérer en moins de 42 ans, ne se réalise pas, il n'y aura aucune contrainte à exercer contre eux. Il y a donc à la fois sécurité plus grande pour l'emprunteur et pour la caisse. A moins qu'on ne me donne des raisons plus péremptoires que celles qui ont été données jusqu'à présent, je pense que le système du gouvernement, plus favorable à l'emprunteur et offrant plus de sécurité à la caisse, doit être préféré.

M. le président. - M. T'Kint de Naeyer a proposé un amendement ; je ne sais pas s'il entend le rattacher à l'article 4.

M. T’Kint de Naeyer. - Mon amendement se rattache dans le fait à l'article 4. Je suis prêt à le développer.

M. Delfosse. - La proposition de l'honorable M. T'Kint de Naeyer n'est pas un amendement à l'article 4. L'honorable membre ne propose aucune modification à l'article 4 ; il propose de voter l'article 4 tel qu'il est présenté par la section centrale et le gouvernement. La proposition peut être considérée comme une disposition additionnelle ; mais il faut d'abord laisser voter l'article 4 ; alors M. T'Kint de Naeyer pourra développer son amendement, soit comme un article 5 nouveau, soit en le rattachant à l'article 7.

M. Cools. - La proposition de l'honorable M. T'Kint de Naeyer est si peu un amendement à l'article 4, qu'il se rattache tout aussi bien aux articles 6 et 7 qu'à l'article 4. Je crois, comme l'honorable M. Delfosse, qu'il faut d'abord terminer l'article 4.

Quand nous en serons aux articles suivants, moi-même j'aurai une proposition à soumettre à la chambre pour régler l'ordre de la discussion de manière à reculer l'examen de la proposition de M. T'Kint de Naeyer. De toute manière, j'appuie la proposition de l'honorable M. Delfosse de finir d'abord l'article 4.

M. T’Kint de Naeyer. - Je demande la parole sur l'article 4.

M. le président. - Nous continuons la discussion sur l'article 4. La parole est à M. T'Kint de Naeyer.

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, il me semble qu'il serait difficile de se prononcer immédiatement sur l'amendement de l'honorable M. Malou ; je pense que la chambre ferait bien de le renvoyer à l'examen de la section centrale. Je viens moi-même de déposer un amendement à l'article 7 ; il se rapporte à l'une des questions qui ont été traitées par l'honorable membre. Il est nécessaire que la loi donne au gouvernement l'autorisation d'établir les bases d'après lesquelles l'amortissement s'opérera.

Maintenant puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots du fonds de réserve.

Le fonds de réserve, d'après la disposition additionnelle que j'ai eu l'honneur de proposer à l'article 4, sera formé de la contribution d'un pour cent sur le montant des prêts et du bénéfice que la caisse fera. Ce bénéfice peut résulter d'un excédant sur le produit de 41 annuités, de la différence sur l'intérêt bonifié par les retardataires et enfin des sommes qui ne seront pas réclamées.

Le fonds se grossira d'ailleurs de ses propres intérêts.

La meilleure opération que la caisse puisse faire, c'est l'amortissement. Personne ne le contestera, cela est dans la nature des choses, eh bien, le fonds de réserve permettra de ne jamais interrompre l'amortissement. Les sommes disponibles seront appliquées en lettres de gage.

Le fonds de réserve étant appliqué en lettres de gage, il faudra lui payer chaque semestre les intérêts de ces obligations ; ces intérêts seront eux-mêmes employés à l'achat de lettres de gage. De cette manière toutes les opérations de la caisse tendront à amortir le plus promptement possible les lettres de gage qu'elle aura émises, c'est-à-dire à se libérer vis-à-vis des possesseurs de ces lettres.

S'il y a des retardataires, au lieu d'effectuer en espèces le payement des intérêts acquis aux lettres de gage appartenant à la réserve, ce payement pourra être fait au moyen de créances à charge de ces retardataires. Lors du recouvrement des arrérages et des indemnités dont elles sont passibles, le montant reviendra à la réserve.

La retenue d'un pour cent se justifie par le service que l'on rend à l'emprunteur seul et non pas aux détenteurs futurs de l'immeuble hypothéqué. D'un autre côté, la faculté du remboursement anticipatif n'est certes pas trop chèrement achetée par l'emprunteur au moyen d'un pour cent définitivement acquis à la réserve la première année du prêt. Comparativement à ce qui se passe en Allemagne, cette charge ne paraît pas onéreuse. En Gallicie, l'institution du crédit foncier exige 3 p. c, une fois donnés, pour parer à toutes les éventualités.

En Hanovre, les revenus du fonds de réserve sont les suivants :

Sur les créances inscrites au moment de l'établissement de l'institut de crédit :

a. Pendant les cinq premières années de l'inscription, 17/10 p. c.

b. De la sixième à la dix-septième année après l'inscription, 1/8 p. c.

Sur les prêts accordés aux intéressés après la fondation, à titre de contribution aux frais d'administration :

a. Pendant les cinq premières années, 2 p. c.

b. De la sixième à la dix-septième année, 1/2 p. c.

Il est vrai que ce fonds de reserve doit subvenir aux frais d'administration ; mais d'après le projet de loi, un huitième pour cent seulement sera retenu par la caisse, pour faire face aux frais de recouvrement et d'administration.

J'espère que le fonds de réserve deviendra assez important au bout de quelques années pour assurer l'exécution ponctuelle de tous les engagements de l'institution du crédit foncier, service des intérêts et remboursement du capital, dans les délais prévus.

Je ne me suis jamais dissimulé, tous les inconvénients du système des (page 1151) annuités supplémentaires. Il est désirable que l'on ne soit pas obligé d'y recourir.

Etablir le bilan de la caisse, chaque fois qu'un payement se fera par anticipation, déterminer la part de la perte afférente à chaque prêt, ne sont pas des choses si simples, si faciles, et qui soient toujours à l'abri de la contestation.

Le système d'annuités supplémentaires me semble encore imparfait à un autre point de vue. Il arrivera rarement que l'immeuble affecté en hypothèque à la caisse reste pendant 12 ans la propriété de l'emprunteur. Or, le dernier possesseur de l'immeuble pourrait éventuellement, d'après le projet, subir sa part des mauvaises chances de la caisse. Ainsi, celui qui acquerrait un bien gravé d'une inscription de dix mille francs au profit de l'institution, à l'échéance de la 40ème annuité, se trouverait débiteur de fr. 1,575 jusqu'à la 42èmeannuité inclusivement et d'une autre somme de fr. 1,575 pour les trois annuités supplémentaires, si la caisse est en perte.

Une combinaison qui aurait déterminé d'une manière absolue les charges auxquelles l'emprunteur doit souscrire eût sans doute été plus rationnelle et plus équitable, mais je reconnais que sur ce point, l'expérience nous fait complètement défaut.

Sans le fonds de réserve, j'aurais repoussé le système des annuités supplémentaires.

M. Mercier. - Messieurs, l'article 4 qui est en discussion, détermine le taux de l'intérêt, celui des frais d'administration et celui des droits à payer à l'Etat ; il institue, en outre, un fonds de réserve.

Je parlerai d'abord des droits à payer par l'Etat, afin d'entrer dans la discussion qui vient d'être entamée.

Messieurs, il y a véritablement privilège en faveur des personnes qui s'adressent à la caisse de crédit foncier, relativement à celles qui seront obligées d'avoir recours à un autre mode d'emprunt ; il y a privilège pour les premiers à ne payer que successivement, en 42 années, les droits dus à l'Etat, tandis que les autres emprunteurs sont tenus de les acquitter immédiatement ; et ce privilège est établi précisément en faveur de ceux dont la position est la moins gênée ; car tous ceux qui pourront se borner à emprunter le quart de la valeur de leurs propriétés bâties ou la moitié de celle de leurs autres biens-fonds, s'adresseront à la caisse du crédit foncier ; mais ceux dont la position est plus embarrassée et qui, par conséquent, sont plus dignes d'intérêt, seront obligés d'emprunter ailleurs ; ils ne jouiront pas de la même faveur. Il y a donc un véritable privilège pour ceux qui auront recours à la caisse du crédit foncier.

Ce n'est pas là le seul privilège. Lisez la page 42 de l'exposé des motifs du projet de loi ; là, M. le ministre des finances, après avoir déduit que le 1/8 p. c. donnera à peu près un produit égal à celui qu'on perçoit aujourd'hui, ajoute :

« Nous avons fait abstraction du produit du droit de timbre des bordereaux d'inscription et des actes de cession, de transport et de quittance ; le trésor en trouvera la compensation dans le nombre des prêts que les besoins de la conversion accroîtront encore temporairement »

Je veux bien croire avec M. le ministre des finances que le trésor trouvera momentanément cette compensation ; mais chaque individu qui traitera avec la caisse du crédit foncier jouira d'une faveur dont sont exclues les personnes qui iront emprunter ailleurs.

Il y a donc manifestement ici un second privilège ; les uns seront exempts du payement de certains droits ; les autres seront tenus de les acquitter.

Ce second privilège est encore accordé à ceux qui se trouveront dans une position meilleure que ceux qui, en raison de plus grands besoins, auront recours soit à des particuliers, soit à d'autres établissements.

Le respect que nous devons à la Constitution nous impose le devoir d'apporter des modifications à l'article 4, pour en faire disparaître le double privilège dont je viens de parler.

Je dirai maintenant un mot de l'intérêt. Je persiste à penser que si les lettres de gage sont abandonnées à la libre concurrence, elles ne seront pas négociées à un taux supérieur à 90 p. c. Si l'on réfléchit que ces obligations ne sont remboursables qu'en 42 années, par remboursements successifs, on reconnaîtra qu'un terme aussi long est de nature à éloigner les preneurs et, par conséquent, à exercer une influence défavorable sur le cours de ces obligations.

Si, par des moyens que j'appellerai factices, on parvient à élever le cours des lettres dégage au-delà de ce qu'il serait par l'effet de la concurrence, ce ne sera que temporairement ; et lorsque nous en serons à la disposition additionnelle qui concerne les moyens (la caisse des dépôts et consignations et la caisse d'épargne) il sera facile de démontrer que si on produit cet effet, ce ne pourra être qu'au préjudice de l'Etat.

Dans une précédente séance, M. le ministre des finances, en me répondant, a fait la remarque très juste : qu'une somme de 15 fr. 75 c. p. c. du capital emprunte, payable après la 42ème annuité, n'équivaut pas à une même somme, qui devrait être acquittée par l'emprunteur, au moment où s'effectuerait l'emprunt, et ne correspond même qu'à une somme de 2 fr. 80 c. qui serait versée à ce moment.

Mais il n'en est pas du moins vrai qu'après le temps révolu pour se libérer par l'effet de l'intérêt composé, l'emprunteur est encore soumis à l'éventualité d'acquitter une somme de 22 fr. 25 c. p. c. du capital emprunté.

Je vais donner la décomposition de ce chiffre. La 42ème annuité dans tous les cas est acquise à la caisse, vu que l'on forme un fonds de réserve ; les trois annuités éventuelles jointes à celle-là forment un total de 21 fr. p. c. ; en y ajoutant 1 fr. 25 c, p. c. que l'emprunteur aura payé de trop pour acquitter le capital emprunté dans les 41 années, on trouve quela somme qui peut être exigée au-delà du remboursement du capital par l'effet de l'intérêt composé s'élève, comme je l'ai dit. à fr. 22-25 p. c. ce qui fait à peu près un quart pour cent par annuité de plus que l'intérêt indiqué ; mais je me hâte de le reconnaître, il n'est pas probable que les trois annuités soient exigées ; au lieu d'un quart, l'augmentation d'intérêt pourra n'être de ce chef que de 1/8 p. c. en supposant qu'une seule des trois annuités supplémentaires soit prélevée ; en y ajoutant 1/8 p. c, prélevé pour (erratum, p. 1176) les frais d’administration, l'intérêt sera porté, à 4 1/4 p. c.

Si l'on tient compte de la perte effectuée sur la négociation, en supposant qu'elle ait lieu au cours 90 p. c, de l'intérêt du capital touché, s'élèverait par cette seule cause à 4 1/2 p. c., on aura un intérêt de 4 1/4 p. c.

Telle est la condition qui sera probablement faite à l'emprunteur près de la caisse du crédit foncier.

Il est à remarquer que, dans l'appréciation que je viens de faire, je n'ai tenu compte ni des frais de négociation des lettres de gage ni de la perte qui résulte de l'obligation de payer les annuités avant l'expiration du cinquième mois de chaque semestre.

Maintenant, je parlerai des frais d'administration.

M. le ministre pense-t-il qu'avec un huitième p. c. on pourra couvrir tous ces frais ? Je crains qu'il n'y ait à cet égard un mécompte. Ces frais peuvent être assez considérables ; M. le ministre convient que dans les premières années il est probable que les opérations ne seront pas considérables.

Il faudra cependant avoir un local pour l'administration de la caisse, un ameublement, des traitements assez élevés pour les administrateurs, des indemnités aux commissaires, des remises pour les receveurs chargés d'encaisser les annuités ; il y a un matériel à former. Je crains beaucoup qu'avec un huitième on ne puisse pas subvenir à toutes ces dépenses. Si dans la première année vous ne faites que pour 10 millions d'opérations, 1/8 p.c ne représentera que 12,500 fr. ; si ces opérations s'élèvent à 30 millions, 1/8 p. c. donnera fr. 37,500 ; à 40 millions fr. 50,000, enfin à 60 millions, fr. 65,000.

Quant au fonds de réserve, je ne puis qu'applaudir à sa formation ; je dois cependant présenter une observation à ce sujet ; car une mesure, bonne sous certains rapports, présente sous d'autres des inconvénients. La situation de ceux qui voudront se libérer avant d'avoir acquitté la 42ème annuité, va être aggravée ; la première annuité qui devait contribuer à réduire la dette formant maintenant le fonds de réserve, celui qui, après quatre années, voudrait se libérer aurait du chef de cette annuité, payé 1/4 p. c. d'intérêt de plus par an. Je fais cette observation non pour m'opposer à la création du fonds de réserve, mais pour faire voir que si la réserve est favorable à l'institution, elle est nuisible à une catégorie d'emprunteurs.

M. Osy. - Je ne suis pas convaincu, malgré tout ce que vient de dire M. le ministre des finances, qu'il n'y a pas de privilège en faveur de la caisse. En effet, tous les particuliers, toutes les sociétés sont obligés de payer 1 p. c. et 30 centimes additionnels quand l'acte est fait, tandis que pour ceux qui s'adresseront à la caisse foncière, on les affranchit de l'obligation de payer tout de suite ce 1-30 pour cent et on leur donne la faculté de se libérer en payant annuellement un huitième pour cent.

Je trouve là un privilège contraire à la Constitution. Il y a à cet égard une autre observation à faire :

La loi ne stipule que pour ce qui se passera entre l'emprunteur et la caisse, c'est-à-dire que l'emprunteur ne versera pas à la caisse la totalité des droits et qu'elle percevra un huitième p. c. pendant les 42 années ; je voudrais que la loi s'exprimât sur la dispense accordée à lat caisse de verser les droits au moment de l'emprunt, c'est-à-dire déterminât les rapports entre la caisse et le fisc. Il est bien dit que l'emprunteur payera un huitième à la caisse, mais non que le fisc dispense la caisse de payer le droit que payent les particuliers.

Lorsqu'on renverra l'amendement de M. Malou à la section centrale, car il serait impossible de le voter aujourd'hui, il faudra examiner s'il ne faut pas stipuler dans la loi l'exemption pour la caisse de payer immédiatement le droit d'inscription.

J'ai, comme l'honorable M. Mercier, fait des calculs pour savoir si le huitième pour cent pourra suffire pour couvrir les frais d'administration.

Nous avons vu que pour la caisse de retraite on demande 47,000 fr. au budget ; cependant il n'y a pas cinq administrateurs comme pour la caisse dont il s'agit.

Je crois pouvoir, sans exagération, dire que les frais d'administration de la caisse foncière se monteront au moins à 100,000 francs par an. Je calcule sur cinq administrateurs. Je ne sais pas quel traitement on leur donnera. Si on leur donne le même traitement qu'au directeur de la Banque Nationale, c'est une affaire de 30,000 fr. Il faudra bien donner une augmentation au président, voilà 40,000 fr. Il faut un local et des employés ; comme déjà les employés de la caisse de retraite coûtent 47,000 fr., voilà comment j'arrive au chiffre de 100,000 francs.

Or, pour payer 100 mille francs il faut que la caisse fasse pour 80 millions de prêts hypothécaires. Maintenant, je vous le demande, vous créez une caisse qui ne contiendra pas un écu, qui ne contiendra que du papier. Je vous demande s'il n'est pas à craindre qu'elle vienne à charge de l'Etat ; et le gouvernement devra nécessairement demander un crédit pour faire face aux dépenses des premières années ; car M. le ministre (page 1152) l’a dit : Il faudra dix et peut-êtrre vingt ans pour que la caisse fonctionne largement.

Il faudra bien des années avant qu'elle fasse pour 80 millions d'opérations.

Et je ne sais vraiment pas comment la caisse, n'ayant pas d'argent, pourrait suffire à ces 100,000 fr. de dépense. Je demande un renseignement à ce sujet.

M. Delfosse. - On a demandé le renvoi à la section centrale de l'amendement proposé par l'honorable M. Malou. Il y a des amendements que l'on devra peut-être renvoyer à la section centrale, mais je ne pense pas que l'amendement qui vient d'être présenté soit assez compliqué pour nécessiter un examen en section centrale. Si l'on admettait le renvoi à la section centrale, pour des amendements de cette nature, le projet ne serait pas voté d'ici à un mois.

Il n'y a que deux choses dans l'amendement de l'honorable M. Malou : il y a d'abord la question de savoir si la quotité de l'annuité sera fixée par la loi pour un prêt d'une durée déterminée, ou si cette quotité que la loi ne fixerait pas variera en raison de la durée des prêts. Cette question est très simple. M. le ministre des finances a répondu avec raison que, bien que la loi fixe la quotité de l'annuité, pour une durée déterminée, elle laisse à l'emprunteur la faculté de se libérer par anticipation. Le but de l'honorable M. Malou est atteint au moyen de cette disposition.

L'autre question est celle de savoir s'il faut que le trésor perçoive les droits entiers dès le principe, ou, comme le propose l'honorable ministre des finances, en 42 ans (dans ce dernier système, les droits dus au trésor seraient compris dans l'annuité) ; cette question est également fort simple. Ici se présente, il est vrai, la question du privilège ; mais elle a été débattue dans la discussion générale ; pendant 12 jours, on a soutenu qu'il y avait privilège ; on a combattu la loi au nom du privilège.

Il a été répondu, d'un autre côté, à cette accusation. Il a été répondu qu'il y a certains avantages attribués à l'établissement, parce que c'est un établissement d'utilité publique ; mais qu'il n'y a pas de privilège dans le sens de la Constitution ; il y aurait privilège, si l'on faisait une distinction entre ceux qui s'adresseront à la caisse ; mais tous ceux qui s'adresseront à la caisse seront placés sur la même ligne. Tous ceux qui ont une propriété d'une certaine valeur pourront s'adresser à la caisse et traiter avec elle aux mêmes conditions.

La section centrale se réunirait, qu'elle ne pourrait dire que ce qu'elle a dit : il est évident que si elle avait vu dans le projet de loi un privilège contraire à la Constitution, elle en aurait proposé le rejet : vous n'obtiendriez donc pas de la section centrale d'autres éclaircissements que ceux qu'elle vous a donnés ; elle ne vous aurait pas, je le répète, proposé l'adoption d'un projet de loi qu'elle aurait jugé contraire à la Constitution.

S'il y a d'autres amendements plus compliqués qui soient de nature à être renvoyés à la section centrale, je serai le premier à demander ce renvoi ; mais pour cette fois vous pourrez vous prononcer en connaissance de cause après la discussion, qui va probablement continuer.

Je n'ai pu m'associer aux attaques violentes qui ont été dirigées contre le projet de loi. Mais je suis prêt à répondre à l'appel que vient de nous faire l'honorable M. Malou, et à voler tous les amendements utiles qui viendraient de l'opposition.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois devoir encore dire quelques mots sur la question des privilèges, puisqu'on y insiste. Déjà dans la discussion générale j'ai fait remarquer que l'on se plaçait, selon moi, à un point de vue erroné, en prétendant qu'il y avait ici un privilège dans le sens de la Constilulion. Le privilège dans le sens de la Constitution est une faveur accordée à un individu, mais ce ne peut être l'avantage offert à tout le monde, ou à une catégorie de personnes qui se trouvent dans certaines conditions déterminées par la loi.

En voulez-vous la preuve ?

Vos lois établissent, par exemple, une accise sur certains objets. Tels sont obligés de payer l'accise au moment où ils présentent l'objet, tels autres jouissent d'un crédit à terme ou permanent. Est-ce un privilège ? Proposez-en la suppression en vertu de l'article 112 de la Constitution. Il est évident que c'est une faveur, un avantage offert à une certaine catégorie de personnes : mais toutes les personnes qui se trouvent dans les conditions voulues jouissent de cet avantage, et il n'est interdit à personne d'y prétendre. (Interruption.)

L'honorable M. Mercier me dit que pour les objets soumis à l'accise, c'est comme s'ils étaient en pays étranger. Est-ce qu'il suffirait donc d'une fiction pour légitimer un privilège qui, selon vous, serait proscrit par la Constitution ? Parlons au surplus d'objets soumis à l'impôt et pour lesquels on accorde aux négociants la faveur d'un crédit à terme ou d'un crédit permanent.

On permet de ne payer le droit que lorsque ces objets sont livrés à la consommation. On accorde un crédit pour acquitter ce qui est dû au trésor. Quel est le but, quel serait le résultat de la proposilion qui vous est actuellement soumise ? J'accorde un crédit pour acquiller les droits ; je donne quarante-deux années pour les payer ou un terme moindre ; car si on veut se libérer par anticipation, on sera obligé d’acquitter les droits.

Vous créez un droit de timbre pour les billets de banque ; vous dites que ceux qui émettront dts billets de banque dans les conditions déterminées par la loi jouiront de l'avantage de payer ce droit de timbre, mais sur les bons de caisse parfaitement assimilables aux billets de banque, sur d'autres effets analogues, émis par des négociants vous exigez un droit différent, direz-vous que c'est un privilège dans le sens de la Constitution ? A ce compte, vous auriez décrété bien des privilèges.

Si vous vouliez faire un retour sur votre législation, si l'on avait le loisir de rappeler les mille exceptions qui s'y rencontrent, vous seriez parfaitement convaincus que c'est par suite d'une confusion d'idées que l'on persiste à trouver un privilège dans la proposition soumise par le gouvernement.

Dire- vous que l'exemption des droits d'enregistrement accordée aux élablissements charitables que je vous ai signalée dans une de vos dernières séances, pour les donations qui leur sont faites, constitue un privilége contraire à la Constitution, qu'il faut astreindre les donations faites à ces établissements aux mêmes droits que les donations faites à des particuliers ? Evidemment, non. Vous reconnaissez que vous pouvez accorder ces exemptions d'impôts.

Il ne faut pas confondre, messieurs, l'exemption de l'impôt, la Constitution le dit en toutes lettres, avec le privilège en matière d'impôt. Le privilège est proscrit, l'exemption ne l'est pas.

Eh bien, ici il n'y a ni privilège ni exemption. C'est le même droit offert à tous ceux qui se trouvent dans les mêmes conditions ; en d'autres termes, c'est comme si vous disiez : Pour tel contrat, tel droit d'enregistrement sera perçu. Or, il est bien clair qu'il est dans votre droit, qu'il est dans le domaine du législateur de stipuler ainsi.

Vous pouvez parfaitement dire : Tel contrat, dans telles conditions, supportera tel droit d'enregistrement ; tel contrat, dans telles autres conditions, supportera tels autres droits d'enregistrement. Eh bien, vous faites une loi en ce moment, et vous déclarez que tel contrat, fait dans telle forme, supportera tel droit d'enregistrement, d'après le mode que vous déterminez.

Un honorable membre qui siège à mes côtés, fait observer que la chambre a récemment encore ainsi décidé, en votant la loi sur les sociétés de secours mutuels ; elle a accordé, en votant cette loi, une exemption du droit de timbre et d'enregistrement.

- Un membre. - C'est pour tout le mode.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comment ! c'est pour tout le jnonde ? Nullement ; cet avantage n'est pas accordé aux sociétés de secours mutuels qui ne sont pas reconnues, que le gouvernement n'admettrait pas ; il est uniquement accordé aux sociétés de secours mutuels reconnues par la loi.

Cet exemple, cité par un honorable collègue, est parfaitement exact.

M. Coomans. - Les compagnies hypothécaires ont aussi été reconnues par la loi. Donnez-leur les mêmes avantages.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous vous trompez très fort. Ces compagnies ne sont pas des établissements d'utilité publique institués par la loi.

M. Coomans. - Elles existent en vertu de la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Est-ce que les compagnies qui se forment d'après les dispositions du Code de commerce, soit qu'elles se constituent en nom collectif, soit qu'elles aient la forme anonyme, deviennent des établissements d'ulilité publique dans le sens du projet que nous avons soumis à la législature ? Personne, je pense, ne le prétendra. Ces compagnies sont à l'établissement d'utilité publique, ce que les associations libres de secours mutuels sont aux sociétés de secours mutuels reconnues. Ce que vous accordez à celles-ci, vous ne l'accordez pas à celles là.

Vous avez donc décidé, en votant la loi sur les sociétés de secours mutuels, que celles qui se constitueraient d'après le mode indiqué, et que le gouvernement jugerait à propos de reconnaître, jouiraient de l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement. Eh bien, vous avez à décider aujourd'hui, précisément en constituant un établissement d'utilité publique, s'il y a lieu de faire participer le public qui voudrait recourir au nouveau mode d'emprunt, de l'avantage de payer par annuités, avantage qui ne constitue pas l'exemption de l'impôt, qui implique au contraire l'obligation de le payer, et qui peut même avoir pour effet de procurer au trésor une somme plus forte que celle qui serait perçue d'après les règles actuellement en vigueur.

L'honorable M. Mercier vous a fait une seconde observation. Il vous a dit qu'en fixant le taux de l'intérêt à 4 p. c, on n'arriverait pas à obtenir la négociation des lettres de gage au pair. Le raisonnement de l'honorable membre est celui-ci : Votre 4 p. c. (il prend le cours d'aujourd'hui) ne se négocie qu'au taux de 84 p. c. Eh bien, les lettres de gage à 4 p. c. ne se négocieront également qu'au taux de 84 ou tout au plus de 89 p. c.

Ce raisonnement ne me paraît pas le moins du monde exact. Je n'invoquerai pas seulement l'expérience ; je ne renverrai pas l'honorable membre aux cotes des fonds publics dans les pays voisins où l'on cote les lettres de gage et où il acquerrait la conviction qu'il y a une différence enlre le taux des lettres de gage et le cours des fonds publics. Mais son raisonnement, abstraction faite de toute expérience, est évidemment inexact ; il revient à soutenir que puisque l'on obtient 5 p. c. de l'argent que l'on place en fonds publics, il est clair qu'on doit obtenir également 5 p. c. de tout argent placé sur hypothèque. (Interruption.) Voilà votre raisonnement.

Eh tien, que fait l'honorable M. Mercier en parlant ainsi ? Il nie la dette hypothécaire ; il affirme, sous une autre forme, qu'il n'existe pas de placement sur hypothèque à 4 p. c. Or, il me semble que l'honorable membre se trompe.

M. Mercier. - (page 1153) J'ai dit le contraire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, vous ne dites pas, en réalité, le contraire. Vous raisonnez comme suit ; Puisque pour 100 fr. on obtient 5 fr. de rente en acquérant un titre de la dette publique, votre lettre de gage ne se vendra pas au pair, puisqu'elle ne donne que 4 p. c. Vous niez qu'on puisse placer à un taux d'intérêt moindre que celui que donnent les fonds publics. Or, vous savez parfaitement que beaucoup de sommes sont placées à un intérêt de 4 p.c. Il y a plus de 13,000,000 placés à 4 p. c. sur hypothèque.

D'où cela vient-il ? Cela vient de ce que les capitalistes se divisent en diverses catégories. Les uns aiment mieux la dette publique ; ils préfèrent un intérêt plus élevé au risque de perdre éventuellement quelque chose sur le capital. D'autres, au contraire, préfèrent la sécurité du placement et un intérêt moindre ; ceux-ci choisissent les placements hypothécaires. En vain la dette publique offrirait les plus grands avantages, en vain rapporterait-elle 6, 7 p. c, comme on l'a vu ; ces capitalistes ne se dirigent pas vers la dette publique ; ils persistent à chercher les placements hypothécaires.

On ne peut donc pas conclure, comme le fait l'honorable membre, et rien ne prouve que les lettres de gage ne se négocieront pas au pair. L'intérêt de 4 p. c. est celui qui, dans l'état actuel des choses, paraît le plus juste pour les placements qui se font sur hypothèque. Lorsqu'on place à un intérêt supérieur, cela résulte de diverses causes, notamment des risques plus grands qu'on a à courir, des vices de la législation. Or, en améliorant les moyens de crédit, on peut concevoir l'espérance de ramener l'intérêt au taux de 4 p. c.

L'honorable M. Osy, après l'honorable M. Mercier, a soutenu que les frais d'administration ne seraient pas couverts à l'aide du 1/8 p. c. Messieurs, j'ai indiqué dans l'exposé des motifs les calculs sur lesquels est basée cette appréciation. Certainement nul ne peut dire a priori que cette somme sera suffisante, comme nul ne peut dire qu'elle n'excédera pas de beaucoup ce qui serait nécessaire pour faire face aux frais de la caisse.

Si la moyenne des prêts d'une année est de 40 millions, ce qui a été supposé dans l'exposé des motifs, on aurait une somme de 26,000 francs, la première année ; mais l'honorable M. Osy s'est trompé lorsqu'il en a conclu que l'on n'aurait qu'une somme de 26,000 francs. C'est la première année que cela donne 26,0,00 fr., mais le huitième est versé tous les ans, et, par conséquent,si l'on prête 40 millions ; tous les ans la somme provenant du huitième augmentera annuellement de 26,000 francs ; ce sera donc 52,00 francs la deuxième année ; 78,000 francs la troisième année et ainsi de suite, et si l'on admet qu'un jour la dette hypothécaire actuelle, dont l'intérêt est de 4 à 6 p. c. soit convertie en lettres de gage, il y aura de ce seul chef une ressource annuelle de plus de 510,000 fr.

Il y a là quelque chose d'éventuel, j'en conviens : de combien seront les emprunts faits par l'intermédiaire de la caisse ? Tout est là. Si, pendant les premières années, on n'emprunte qu'une somme minime, il est clair que le huitième ne produira pas une somme suffisante pour couvrir les frais. Mais on peut agir d'une manière beaucoup plus prudente que ne le propose l'honorable membre ; d'abord il n'est pas nécessaire d'estimer ces frais à 100,000 francs, comme le fait M. Osy ; il me semble qu'il y a là beaucoup d'exagération. Il s'agit uniquement de l'administration de la caisse au centre. Le personnel, selon toute probabilité, au centre, ne sera pas fort considérable, puisque toutes les demandes d'emprunt seront instruites par les agents du département des finances.

Ensuite, messieurs, au début, lorsqu'on en sera à reconnaître le terrain, pourquoi le gouvernement irait-il, de prime abord, nommer des administrateurs avec 5 ou 6,000 fr., comme l'indique l'honorable M. Osy ? Pourquoi ne se bornerait-il point, par exemple, à abandonner à ces administrateurs la quotité de 1/8 p. c. qui peut leur être attribué. Ce huitième croîtrait à mesure des opérations de la caisse, et celle-ci se trouverait à l'abri de toute perte.

Mais le gouvernement trouvera-t-il des personnes disposées à se charger de l'administration à cette condition ? Je crois qu'il en trouvera, car il pourra très bien confier ces fonctions à des agents dont il dispose aujourd'hui. Rien ne s'oppose à ce que des fonctionnaires, connaissant parfaitement cette partie, soient chargés, au moins provisoirement, des fondions d'administrateurs, de manière à n'occasionner aucune perte à la caisse.

Je crois, messieurs, que ces observations répondent suffisamment aux craintes exprimées par M. Osy.

M. Vilain XIIII. - Dans aucun cas le gouvernement ne payerait le déficit de la caisse ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La caisse est, dans la réalité, une association entre les propriétaires emprunteurs et les prêteurs porteurs de lettres de gage. Le gouvernement ne serait pas plus responsable du déficit de cette société que de toute autre.

M. Rousselle. - Je ne conteste pas la validité des arguments que vient de présenter l'honorable ministre des finances ; je suis, au contraire, tout prêt à reconnaître qu'ils ont beaucoup de force ; mais je demande s'ils perdraient de leur force parce que la section centrale examinerait les questions soulevées par l'honorable M. Malou ? Dans ces questions, il y en a une qui me touche particulièrement, c'est celle qui concerne le privilège. Le privilège, pour moi, consiste en ce que celui qui emprunte d'un particulier n'est pas traité de la même manière que celui qui emprunte de la caisse de crédit foncier. Il me semble que la caisse pourrait payer à l'Etat les droits qui lui appartiennent en vertu de la loi générale et faire crédit à l'emprunteur qui rembourserait par annuités. C'est sous ce point de vue là que je désirerais que la section centrale voulût bien examiner la question. Le renvoi à la section centrale ne peut aucunement arrêter l'examen des autres articles de la loi. Par conséquent, messieurs, je viens appuyer le renvoi à la section centrale de l'amendement de l'honorable M. Malou en ce qui concerne la seule question que j'ai indiquée.

M. Mercier. - Messieurs, je n'ai jamais contesté que des capitalistes font des placements à 4 p. c ; au contraire, j'ai soutenu dans toute la discussion que lorsqu'on voulait emprunter seulement jusqu'à concurrence du quart d'une propriété bâtie ou de la moitié d'une propriété non bâtie, on trouvait dès à présent des capitaux à 4 p. c. et même au-dessous.

Il y a, messieurs, beaucoup de personnes qui ont confiance dans un emprunteur qu'elles connaissent et qui offre d'ailleurs un gage d'une valeur double de la somme qu'il s'agit de prêter, elles ne font aucune difficulté pour donner leurs capitaux à 4 p. c. d'intérêt, sûres qu'elles sont de rentrer toujours dans leur capital intégral ; elles savent que toutes obligations au porteur sont sujettes à certaines fluctuations, quelle que soit leur solidité ; elles ne voudront pas des lettres de gage à 4 p.c. au pair, tandis qu'elles se décideraient fort bien à prêter à 4 p. c, lorsqu'elles pourront apprécier la moralité de l'emprunteur, et en même temps la valeur de la propriété engagée.

Je me défie un peu, messieurs, des renseignements que nous trouvons dans les brochures que nous avons eues sous nos yeux, relativement au cours des lettres de gage ; souvent l'auteur choisit les époques et les exemples dans l'intérêt du système qu'il défend. M. le ministre des finances s'est égayé dernièrement en indiquant combien les faits sont quelquefois travestis par des écrivains étrangers qui après avoir traversé notre pays rendent compte de leurs découvertes ; eh bien il peut y avoir quelque chose d'analogue dans les ouvrages relatifs aux institutions de crédit foncier.

Deux honorables collègues me remettent à l'instant même la cote des lettres de gage en Bavière.Voici, d'après leurs indications, les cours de la bourse d'Ausbourg :

Dette publique à 4 p. c, 93

Lettres de gage à 4 p. c, 91.

Voilà donc dans cette circonstance les lettres de gage au-dessous du cours des fonds publics ; du reste, messieurs, je n'ai pas assimilé les lettres de gage aux fonds publics ; j'ai accordé aux lettres de gage un avantage de 6 p. c. sur les fonds publics. Je crois avoir été très large en supposant pour ces obligations le cours de 90 p. c, alors que nos fonds publics au même intérêt, qui sont remboursables en 34 ans environ par l'effet du rachat au-dessous du pair, ne sont cotés qu'à 84 p. c.

Je dirai encore un mot sur l'amendement de l'honorable M. Malou.

Je crois que les emprunteurs doivent mieux connaître leurs intérêts, chacun isolement, que nous-mêmes ; dès lors, il me semblerait que la proposition de l'honorable M. Malou mérite d'être sérieusement examinée ; il peut être intéressant pour des personnes d'emprunter pour 20 ans, au lieu de 42 ans. En Pologne, les prêts se font pour 20 années ; je tiens ce renseignement d'une personne qui possède des propriétés en Pologne ; un terme de 20 ans peut convenir à bien des personnes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je combats particulièrement cette disposition, parce que je la considère comme très fâcheuse et pour la caisse et pour les emprunteurs.

D'honorables membres ont pensé que l'institution pourrait avoir pour effet d'exciter les personnes à emprunter. Si cette crainte est fondée, il ne faut pas assurément, dans l'intérêt de la caisse et des futurs débiteurs, il ne faut pas établir des conditions que ceux-ci seraient tentés d'accepter par l'appât d'une libération plus prompte ; laissez les emprunteurs sous l'empire des dispositions du projet de loi : amortissement en 42 années, sauf pour les emprunteurs à se libérer plus tôt, s ils en ont le moyen et s'ils le jugent utile à leur intérêt ; ils pourront, par conséquent, jouir des avantages de la proposition qu'a faite l'honorable M. Malou.

M. Rousselle. - Messieurs, je demande que l'amendement de l'honorable M. Malou soit renvoyé à la section centrale, avec prière d'examiner la question qui touche le privilège. C'est dans ce sens seulement que je propose le renvoi. La section centrale pourrait examiner s'il n'y aurait pas moyen, comme je l'ai déjà dit, que la caisse, au moment de la passation des actes, payât à l'Etat les droits qui lui sont dus et qu'elle passât crédit à son emprunteur ; elle aura à examiner par conséquent si, pour parvenir à ce résultat, il n'y aurait pas de payement anticipatif à demander à celui-ci.

Cette question mérite toute l'attention de la chambre ; elle ne pourrait pas être débattue en une séance ; il faut un examen particulier de la part de la section centrale. Rien n'empêche que la chambre ne passe aux autres articles.

M. Delfosse. - Messieurs, je ne comprends pas que l'honorable M. Ruusselle insiste pour renvoyer à la section centrale l'examen de la question de savoir s'il y a un privilège dans la disposition qui nous occupe. J'ai déjàa eu l'honneur de dire à l'honorable membre que la section centrale s'est expliquée sur ce point ; la section centrale n'a pas vu de privilège dans le projet ; si elle y eût vu un privilège dans le sens de l'article 112 de la Constitution, elle n'aurait pas proposé l'adoption de la loi. La section centrale s'est donc expliquée, et elle devrait encore s'expliquer de la même maniere si on la consultait de nouveau ; elle ne dirait que ce qu’elle a déjà dit. Le renvoi à h section centrale n'aurait d'autre effet que de faire perdre du temps à la chambre.

(page 1154) L'amendement de l'honorable M. Malou, je suis sûr que l'honorable membre le reconaîtra lui-même, est un amendement sur lequel on peut se prononcer après une discussion en séance publique.

L'article 4 du projet de loi porte que l'emprunteur payera, pendant 42 ans, une annuité de 5 14 p. c ; l'honorable M. Malou prévoit le cas où le prêt aurait une durée moindre, et pour ce cas il voudrait qu'on indiquât, dans un tableau annexé à la loi, la quotité de l'annuité à payer. M. le ministre des finances a fait remarquer que l'emprunteur, aux termes d'une disposition du projet de loi, sera libre de rembourser par anticipation. Il y aura probablement un tableau indiquant ce qu'il faudra payer en cas de remboursement par anticipation, mais il n'est pas nécessaire que ce tableau soit annexé à la loi ; la caisse indiquera elle-même aux emprunteurs qui voudront se libérer par anticipation quelles sommes ils auront à payer.

Le but de l'amendement est par là atteint, et l'on peut se prononcer en connaissance de cause, sans qu'il y ait eu un examen spécial de la question en section centrale.

L'autre partie de l'amendement consiste à faire avancer en une fois par la caisse les droits dus au trésor. Cela n'est pas possible, la caisse n'aura pas de fonds au début de ses opérations ; ce seraient les emprunteurs qui devraient avancer ces droits, mais alors on ferait disparaître un des avantages de l'institution.

Je persiste à demander que la chambre se prononce, sans renvoi préalable à la section centrale, sur une question aussi simple, qui a été longuement débattue dans la discussion générale ; sans cela, on n'en finira jamais.

M. Malou. - Messieurs, si de l'aveu de l'honorable M. Delfosse lui-même, une partie de ma proposition, relative à l'article 5, ne devait pas être soumise à l'examen de la section centrale, je concevrais qu'on ne fît pas droit à la demande de quelques honorables collègues qui désirent un examen ultérieur de cette proposition ; mais puisqu'a l'article 5 se rattache une autre question qui doit être soumise à la section centrale, pourquoi ne pas joindre les deux choses !

La discussion qui vient d'avoir lieu a peut-être soulevé des doutes dans l'esprit de quelques membres de la section centrale ; l'amendement ne peut-il pas indiquer un moyen de solution, de nature à concilier les opinions ? Il n'y a donc aucun inconvénient à renvoyer l'amendement à la section centrale ; nous gagnerons du temps, en prononçant ce renvoi ; nous pourrons aborder l'examen des autres articles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant reconnaît que s'il ne s'agissait que de la disposition relative à l'article 4, on pourrait statuer dès maintenant. « Mais, dit-il, j'ai fait une autre proposition, relative à l'article 5 et qui devra être renvoyée à la section centrale ; la section centrale pourrait dès lors délibérer sur les deux points. »

Messieurs, je ne pense pas qu'il y ait lieu de renvoyer à la section centrale la proposition de l'honorable M. Malou, relative à l'article 5 ; elle consiste à dire que les lettres de gage seront divisées par séries. C'est un point que l'on pourra discuter immédiatement. Cet article nouveau n'est donc pas suffisant pour éterniser ce débat et obliger à continuer une discussion qui a occupe la chambre depuis le premier jour que la discussion a été ouverte.

Nous n'avons fait que discuter sur le point de savoir si les dispositions du projet renferment ou non un privilège. On a démontré à satiété que la loi n'en constitue pas dans le sens de la Constitution ; en effet, il n'y a pas privilège quand les mêmes avantages sont offerts à tous. Si on remettait ce point eu discussion, on n'en finirait pas.

- Le renvoi à la seclion centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. De Pouhon. - Si l'on conteste la qualification de privilèges aux faveurs qui sont faites à la caisse de crédit foncier, je crois qu'il faut rayer le mot « privilège » du dictionnaire, et pourtant il n'est pas déguisé dans le projet de loi. Je l'y vois employé plus d'une fois pour désigner des avantages exclusifs. Ces privilèges ne consistent pas seulement dans des droits extrajudiciaires, mais encore dans des modifications d'impôts qui seraient de nature à provoquer des emprunts à la caisse en vue de spéculations sur les droits de succession.

Je comprendrais que l'on soutînt la négation de privilèges vis-à-vis des emprunteurs, mais il n'en est pas de même à l'égard des capitalistes prêteurs qui ne peuvent offrir les mêmes avantages que la caisse de crédit foncier. Ce n'est pas un mince intérêt que représentent ces capitalistes, puisqu'ils prêtent 50 millions par an. L'exposé des motifs du projet du loi porte à 54 millions l'importance moyenne des prêts hypothécaires ; en attribuant 4 millions aux établissements spéciaux, il reste 50 millions représentant les prêts des particuliers. Ceux-ci ne sont pas dans une position égale avec la caisse de crédit foncier. Je persiste à considérer comme des privilèges les faveurs exclusives que le projet de loi accorde à cette nouvelle institution.

M. Lebeau. - Je ne sais si je dois combattre l'amendement, après le vote préliminaire qui me paraît singulièrement préjuger les dispositions de la chambre. Son honorable auteur, M. Malou, me semble lui-même en faire bon marché, du moins quant au privilège.

M. Malou. - Non ! non !

M. Lebeau. - Puisque vous le maintenez, je ferai, à mon tour, quelques observations.

Après les explications de M. le ministre des finances et les exemples qu'il a cités, je ne comprends pas comment on peut encore soutenir l’amendement de M. Malou, comme vient de le faire M. De Pouhon. Il y a vingt exemples dans les lois votées même tout récemment, des privilèges analogues, concédés par la législature sans qu'ils aient soulevé de discussions, de difficultés semblables à celles qu'on oppose aujourd'hui. On vous a déjà cité les caisses de secours mutuels ; on a donné l'exemption d'enregistrement et de timbre aux associations de secours mutuels libres, celles dont les statuts ne seront pas soumis à l'approbation du gouvernement. Voilà un privilège qui a été concédé, je crois, à l'unanimité.

Une autre industrie, c'est le prêt sur gage ; il n'est pas défendu, que je sache, d'ouvrir un établissement de prêts sur gage, du moins une telle interdiction me paraîtrait contraire à notre droit public ; mais il y a à côté de cela les monts-de-piété ; là vous avez accordé encore l'exemption du droit d'enregistrement et de timbre. C'est bien assurément aussi un privilège. Dans une autre occasion, vous avez exempté toute une catégorie de citoyens du droit de timbre. Je veux parler des pensionnaires de l'Etat. Tous les pensionnaires de l'Etat doivent produire un certificat de vie timbré. Il y a exemption pour ceux dont la pension n'excède pas certaine somme. Voilà encore une exemption, c'est-à-dire, selon vous, un privilège. Cette exemption, vous avez le grand tort de la confondre avec le privilège en matière d'impôt, tandis qu'elle n'est que l'exemption d'impôt prévue par la Constitution même.

M. De Pouhon vient, à son tour, de signaler le prétendu privilège dont jouira la caisse, à rencontre des sociétés libres, des banques hypothécaires, il ne s'aperçoit pas que lui-même, pendant plus d'une année, il n'a cessé de harceler le gouvernement pour qu'il présentât un projet qui contient le privilège dans huit de ses dispositions principales. Je veux parler de la Banque Nationale.

Est-ce que les autres bauques qui existent dans la capitale ou dans les provinces ne sont pas aussi dignes d'intérêt que les banques hypothécaires ? Vous avez interdit cependant à ces premières banques le privilège de l'émission de billets ; vous en avez donné le monopole, le privilège à la Banque Nationale. Vous ne pouvez pas contester cela. Si vous trouvez qu'on viole aujourd'hui la liberté d'industrie, vous avez aidé à la violer antérieurement.

Si l'on voulait se donner la peine de consulter le Bulletin officiel, je pose en fait qu'avant une demi-heure on trouverait vingt occasions où l'on a accordé des privilèges et, selon vous, violé la Constitution. Je crois donc, comme M. le ministre des finances, qu'on a bien fait de rejeter le renvoi à la section centrale, et qu'on fera bien de rejeter les amendements.

J'ai une observation à présenter sur une autre partie de l'amendement.

Je vous avoue que loin de voir dans l'établissement que le gouvernement va créer un établissement rival dont les bénéfices seraient le but principal, je craindrais plutôt qu'à ce point de vue le gouvernement ne fît pas une très bonne affaire.

Je crois, par exemple, qu'il y a des craintes à avoir sur l'insuffisance probable du 1/4 p. c. destiné à faire face aux dépenses d'administration et aux droits d'enregistrement, d'inscription hypothécaire, etc. Nous n'avons pas été à même d'apprécier, d'une manière bien précise jusqu'à présent, les calculs à l'aide desquels ou est parvenu à trouver dans 1/8 p. c, à payer pour les emprunteurs, l'équivalent du droit que le trésor public ne percevra pas dans la forme ordinaire.

J'appelle sur ce point l'attention de la chambre. Cela me paraît la mieux mériter que l'amendement que j'ai combattu tout à l'heure.

De ce chef, loin que le gouvernement fasse des bénéfices, et vienne faire concurrence à d'autres sociétés, il pourrait bien trouver un déficit. Ce qui prouvé, pour le dire en passant, qu'ici le gouvernement ne fait pas de l'industrie, mais qu'il constitue un établissement d'utilité publique.

Je ne demande pas que l'Etat bénéficie. Mais je demande qu'il ne perde pas. Nos finances ne sont pas dans une telle situation qu'on puisse à cet égard faire des sacrifices. Or il est encore douteux pour moi que le l/8 p. c. représente le droit que le gouvernement ne percevra pas dans la forme ordinaire.

D'abord il faut tenir compte du changement introduit dans le mode d'inscription hypothécaire ; elle ne devra pas pour la caisse être renouvelée tous les dix ans comme cela doit se faire aujourd'hui. Mais une fois prise, elle est permanente. Il y aura de ce chef nécessairement uue perte pour le trésor, qui ne doit pas rester sans compensation.

Après cela, je suis frappé des calculs dans lesquels est entré l'honorable M. Osy au sujet des frais probables d'administration. Je crois que ces frais n'aient pas élé appréciés à leur juste valeur. L'honorable ministre des finances a répondu que les frais d'administration, en ce qui concerne les préposés de l'enregistrement, et problement les conservateurs des hypothèques, seraient imputés sur le premier 1/8 p. c. à verser au trésor public, à titre de droit d'enregistrement et d'inscription.

Je pense que ce 1/8 p. c. doit être entièrement absorbé par la caisse du gouvernement, et que ce n'est que sur l'autre 1/8 p. c. qu'on doit payer les receveurs de l'enregistrement et les conservateurs des hypothèques. C'est pour moi une chose évidente : sans cela, il y aurait un déficit.

On dit : « 1/8 p. c. est versé au trésor public à titre de droits d'enregistrement et d'inscription. » Ce 1/8 p. c. doit donc être exclusivement (page 1155) acquis au trésor : C'est sur l'autre 1/8 p. c. que les employés du département des finances doivent être rétribués. C'est encore sur ce 1/8 p. c. qu'il faudra imputer les frais d'administration centrale.

J'avoue que j'ai des doutes sur la suffisance de ce tantième pour pourvoir à ces frais.

Je répète que je veux bien que l'on conserve à l'établissement qu'on va fonder le caractère d'établissement d'utilité publique ; que le gouvernement n'en fasse pas l'objet d'une spéculation ; mais je ne veux pas, surtout dans l'état actuel de nos finances, que cette institution puisse devenir onéreuse pour le trésor. Je déclare donc, que je conserve quelques doutes sur la suffisance du 1/8 p. c. destiné à pourvoir aux frais d'administration.

Je soumets ces observations à M. le ministre des finances, premier gardien des droits du trésor et qui n'a jamais décliné cette tâche.

Si de ce chef on demandait un nouvel examen, je ne m'y opposerais pas. Mais aucune proposition n'est faite : je ne suis pas en mesure d'en faire une ; car je n'ai pas en ma possession les calculs destinés à la justifier. Si donc on proposait de ce chef un nouvel examen de la section centrale, je serais disposé à l'accueillir.

M. Malou. - Messieurs, ce débat s'est beaucoup prolongé ; je n'y insisterais pas, s'il n'y avait pas une question constitutionnelle en jeu. On a beau dire, beau faire des distinctions, en fait, vis à-vis du trésor les citoyens ne seront pas égaux ; ceux qui s'adresseront à la caisse du crédit foncier auront terme pour payer les droits, tandis que ceux qui s'adresseront aux institutions particulières devront acquitter immédiatement les droits. Il y a là un privilège, une dérogation au droit commun que rien ne justifie, et toutes les distinctions du monde ne pourront pas prévaloir contre ce fait.

Si du moins c'était nécessaire ! Mais on n'a nullement prouvé qu'il fût nécessaire d'admettre cette dérogation au droit commun.

Si l'on veut faire un avantage à la caisse, qu'on fasse le même avantage à toutes les institutions analogues. Puisqu'on se plaint de l'exagération des frais, ce serait une très grande faveur de payer les droits par 42 ans. Mais quelles que soient les analogies qu'on a citées, l'esprit d'égalité qui est dans nos institutions ne permet pas d'accorder à la caisse un droit aussi exorbitant que celui-là. Quant à cette question, je crois qu'un examen approfondi n'aurait pas été inutile.

C'est avec la pensée d'améliorer la loi, que j'avais proposé de mettre l'institution en rapport avec celles qui existent dans le pays : si vous ne le faites pas, vous la placez dans une condition d'infériorité. Aujourd'hui les institutions analogues qui existent, et celles qui peuvent se fonder ont la faculté de régler, d'après les convenances des emprunteurs, la durée des prêts. La caisse du crédit foncier, telle qu'elle est organisée, n'offre rien d'analogue : il faut que tous les emprunteurs s'accommodent du terme de 42 ans.

On me dit que l'emprunteur pourra se libérer par anticipation. Mais il suffit de consulter le tableau des annuités pour se convaincre que ce n'est pas la même chose de payer par anticipation, ou de se libérer en annuités, réglées d'avance, choisies par chacun suivant sa convenance.

Il n'y a, ce me semble, aucun inconvénient à admettre cette faculté, et il y a plusieurs avantages à la consacrer dans la loi.

M. le ministre paraît se préoccuper des dangers d'engagements téméraires qui seraient pris par des emprunteurs. Mais comment se fait-il que le bien-être de l'humanité tout entière soit dans cette limite de 42 ans, qu'on ne puisse rester en deçà, qu'on ne puisse aller au-delà ? Il est évident que certains emprunts qui seront faits pourront être très convenablement contractés pour le terme de dix et de quinze ans, sans qu'il y ait là d'engagements téméraires.

Je persiste donc à demander l'adoption de mon amendement.

M. Dumortier. - Messieurs, il est incontestable que la loi contient des privilèges, et spécialement à l'article dont il est question. Or la Constitution porte en termes exprès : Les Belges sont égaux devant la loi. Maintenant qu'allez-vous faire par l'article en discussion ? Vous allez voter : Les Belges sont inégaux devant la loi. Voilà ce que vous allez voter.

L'égalité devant la loi, messieurs, est un principe qu'il ne faut jamais chercher à modifier. Je sais bien qu'il y a des circonstances où vous pouvez être obligés de faire des sacrifices en matière d'impôt, et la Constitution vous y autorise.

Mais il me semble que les exemples cités tout à l'heure par l'honorable M. Lebeau, pour combattre l'accusation de privilège, contre l’article en discussion prouvent précisément contre cet article. Que vous a dit l'honorable membre ? Mais vous avez voté un privilège, dans la loi relative aux sociétés de secours mutuels. Messieurs, ce privilège est très minime. Mais qu'est-ce que ce privilège ? C'est un privilège en faveur des pauvres, en faveur de ceux qui n'ont rien, en faveur des ouvriers.

Vous avez voté des privilèges, nous dit-on, en faveur des monts-de-piété ; vous avez exempté les monts-de-piété des droits d'enregistrement et de timbre. Messieurs, c'est encore un privilège en faveur des pauvres, en faveur de ceux qui n'ont rien. Le privilège n'est pas grand, mais enfin vous l'avez voté en faveur des pauvres.

Vous avez établi encore un privilège, nous dit l'honorable membre, en faveur des pensionnés de l'Etat ? Mais en faveur de quels pensionnés ? En faveur de ceux qui n'ont qu'une pension excessivement minime, qui n'ont qu'une pension de 600 fr., ce qui ne suffit pas pour vivre. Eh bien, ce privilège est encore en faveur des pauvres.

Agissez-vous de même dans la loi en discussion ? Mais vous faites précisément l'inverse. Vous créez un privilège en faveur du riche.

M. Delfosse. - Qui a besoin d'emprunter.

M. Dumortier. - En faveur du riche. Je répète l'expression, et non en faveur du pauvre que vous avez écarté par votre loi. Car vous avez rendu votre loi inaccessible au tiers des propriétaires de la Belgique. Il y aura un tiers des propriétaires, plus 17,000, qui ne pourront jamais arriver à la caisse. Ainsi vous avez un privilège en faveur des deux tiers des plus riches et contre le tiers qui est le moins riche. Le tiers qui est le moins riche, devra recourir à d'autres moyens d'emprunt et il devra payer immédiatement l'intégralité des droits, tandis que les deux tiers plus riches auront le privilège que votre loi veut leur accorder.

Eh bien, à mes yeux, cela est contraire à tout intérêt d'humanité. Je n'examine pas ici une question en principe, je l'examine en fait, et je dis qu'agir de la sorte, c'est agir contrairement à tout intérêt d'humanité. Je dis que si la chambre a consenti à des privilèges, c'est en vue de l'humanité, c'est pour les pauvres, et qu'au contraire ici vous établissez un privilège en faveur du riche et contre le pauvre. C'est donc la question renversée.

On a parlé du privilège qu'avait la Banque Nationale pour l'émission des billets. Oui, messieurs, on a admis un privilège. Mais quel est ce privilège ? C'est un privilège motivé sur l'utilité publique, et M. le ministre des finances lui-même nous l'a déclaré.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la même chose ici.

M. Dumortier. - Nous le verrons tout à l'heure. M. le ministre n'a pas voulu, et à mon avis il a été sage dans cette circonstance, il n'a pas voulu que l'émission du papier pût être trop considérable en Belgique ; il a compris qu'il fallait poser des limites à la circulation du papier, et nous devons lui rendre cette justice et cet hommage que depuis 2 ans il a singulièrement facilité la disparition d'une grande partie du papier-monnaie en Belgique. Mais dans le moment où l'on venait ainsi proclamer qu'il fallait reslreindre la circulation du papier monnaie, et que pour la restreindre, il fallait impérieusement, dans l'intérêt public, donner un privilège exclusif à une seule société, dans ce même moment on venait vous proposer d'émettre 80 millions de nouveau papier-monnaie. (Interruption.) Messieurs, c'est le chiffre que vous avez vous-même donné comme minimum. Vous avec dit : Il y a pour huit cents millions d'hypothèques en Belgique ; la caisse pourra certainement attirer à elle le dizième de ces prêts, c'est-à-dire 80 millions.

Ainsi dans le même moment où vous voulez restreindre la circulation du papier-monnaie en Uelgique, vous venez la quintupler.

Le privilège qui a été accordé à la banque est, je le répète, un privilège d'ordre public, un privilège qui tend à empêcher que le papier-monnaie n'envahisse le pays, ne se substitue au numéraire ; et la loi que vous faites est en contradiction flagrante avec le principe si sage que vous avez posé, puisqu'elle tend à quadrupler, à quintupler le papier-monnaie qui sera en circulation en Belgique.

Ainsi j'approuve la pensée qui a dicté la mesure proposée par M. le ministre des finances pour restreindre la circulation du papier en accordant un privilège à la Banque dans un intérêt d'ordre public ou dans un intérêt d'ordre supérieur. Mais précisément parce que j'ai approuvé le mobile de M. le ministre des finances à cette époque, et que je l'en ai félicité, je dois le désapprouver fortement aujourd'hui lorsqu'il rentre dans le système qu'il a combattu et auquel il avait cherché lui-même à opposer une barrière nécessaire et utile.

Messieurs, y a-t-il ici privilège quant à l'impôt ? Cela est de toute évidence, puisque en définitive, celui qui ne profitera pas de la loi devra payer en une seule fois les droits d'hypothèque, tandis que celui qui en profitera, payera ces droits en 42 ans.

Le premier résultat de ce privilège, ce sera, messieurs, une réduction dans le budget des recettes. Il est évident que si vous avez à recouvrer une somme déterminée, par exemple, une somme de 40,000 francs en droit d'hypothèque, et que vous restreigniez cette somme à 1,000 fr., vous créez à votre budget un déficit immédiat et réel de 39,000 fr.

Mais ce n'est pas tout. D'après la loi que vous avez récemment votée et qui n'est pas encoie approuvée par le sénat, celui qui prend une hypothèque doit la renouveler tous les 15 ans, de manière que ce renouvellement doit se faire trois fois en 45 ans. Ici on n'a pas de renouvellement à faire, on prend son hypothèque une fois pour toutes. C'est donc encore un privilège que vous accordez.

Eh bien, pour mon compte, je déclare que je ne veux pas de ces privilèges. Je ne veux pas de privilège en faveur de celui qui a de la fortune et au détriment de celui qui n'en a pas ou qui n'en a que très peu.

Je crois donc que l'objection, quant au privilège de l'impôt, est très fondée.

L'honorable M. Lebeau me paraît faire aussi une observation très juste, lorsqu'il vient nous dire que le 1 /8 p. c. ne suffira pas à tous les besoins. Mais savez vous, messieurs, ce que l'on fera ? Et je réponds ici à l'objection de l'honorable M. Lebeau. On prélèvera sur les impôts les sommes nécessaires pour faire face aux besoins.

M. Delfosse. - On a déclaré le contraire.

M. Dumortier. - Nous ne sommes pas dans un système déclaratif, nous sommes dans un système représentatif.

Toutes les déclarations ne sont rien contre la loi. Il est évident que lorsque vous aurez un déficit le trésor public sera appelé à y faire face ; or le déficit arrivera, il ne faut pas en douter.

Vous raisonnez toujours de l'existence d'un fonds de réserve ; mais ce fonds de réserve, combien d'années faudra-t-il pour le créer ? Ce n'est (page 1156) pas votre 1/8 p. c. qui le créera d'ici à longtemps. Votre fonds de reserre sera un fonds de réserve infinitésimal, un fonds de réserve homéopathique. Il faudra, pour le créer, un nombre d'années très considérable. Ainsi dans le commencement vous aurez ce que M. Pirmez a dit : une caisse de quatre planches dans laquelle il y aura « zéro ». Eh bien, comment ferez-vous face aux besoins qui se présenteront avant que vous ayez un fonds de réserve suffisant ?

Il est certain, messieurs, que tout ce projet repose sur une supposition qui sera évidemment démentie par les faits. Vous aurez évidemment un déficit pour le trésor, puisque vous ne percevrez plus que le quarante deuxième des droits d'enregistrement et d'hypothèque que vous percevez maintenant. Ce sera une perte de 41/42. Vous aurez ensuite nécessairement à faire face au déficit de la caisse, en ce qui concerne les frais d'administration. Eh bien, je trouve, pour mon compte, que tout cela aurait dû être un peu plus mûri, et je regrette que l'empressement de la chambre ne lui ait point permis de renvoyer l'article à la section centrale. Je crois que les observations présentées de tous côtés et l'amendement de mon honorable ami M. Malou méritaient bien un examen sérieux.

M. Cools. - De même que l'honorable M. Lebeau, j'ai été frappé des calculs présentés par l'honorable M. Osy. Moi aussi j'ai des doutes sur la question de savoir si 1/8 p. c. suffira pour couvrir tous les frais. Mais enfin je n'ai pas été extrêmement effrayé, parce que je crois que toutes les précautions ont été prises dans la loi pour que jamais l'Etat ne doive subvenir. Il faut cependant qu'à cet égard nous ayons toute satisfaction, tout apaisement. M. le ministre doit être un peu plus explicite sur le sens de différents articles. Je me suis fait ce raisonnement : Il se peut que le huitième ne suffise pas. M. le ministre a dit de quelle manière il se proposait de s'y prendre dans les premières années, les plus difficiles ; cependant il doute lui-même s'il trouvera des personnes qui voudront se charger de l'administration à la condition qu'il a indiquée. C'est possible, mais que risquons-nous à faire l'essai, puisqu'il est entendu que, ce cas se présentant, c'est la réserve qui doit couvrir provisoirement le déficit, sauf au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rendre l'administration moins coûteuse et rétablir ainsi le fonds de réserve dans son intégralité, si la chose est possible.

Je crois donc, messieurs, que nous avons là un premier apaisement. Pour plus tard les plus grandes précautions existent : nous avons les trois annuités supplémentaires dont il est parlé à l'article 6, et de plus la première annuité destinée à former le fonds de réserve et qui doit être payée par tout emprunteur, comme M. le ministre l'a expliqué.

Il est dit à l'article 6 que les trois annuités supplémentaires devront servir à couvrir les pertes. Je crois cependant que l'article 6 est insuffisant sous ce rapport, mais je ne puis pas m'étendre maintenant sur ce point ; j'ai proposé un amendement, nous l'examinerons quand nous en serons à l'article 6 ; je me borne à dire pour le moment, et m'en tenant provisoirement à la proposition du gouvernement, que dans tous les cas il doit être bien entendu que la perte dont il est fait mention comprend toute espèce de perte, quelle qu'elle soit ; il faut qu'à cet égard le sens de la loi ne soit pas douteux.

L'article 4 détermine la destination de chaque parcelle de l'annuité : 4 p. c. d'intérêt, 1 p. c. d'amortissement, 1/8 p. c. pour les frais d'administration 1/8 p. c. pour tenir lieu des droits d'enregistrement ; eh bien, plus tard l'emprunteur, se prévalant de ces spécifications, pourrait dire que la perte résultant des frais d'administration n'est pas à sa charge, que l'article 6 concerne uniquement la perte résultant de l'impossibilité où serait tel ou tel emprunteur de payer en temps utile ses annuités. Je crois que ce serait là une fausse interprétation, mais il faut s'expliquer, il doit être dit que l'article 6 s'applique à toutes les pertes quelconques.

Je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien nous donner quelques explications sur le point que je viens de soulever ; nous y reviendrons, du reste, lorsque nous aborderons l'examen de l'article 6.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier a renouvelé ses observations sur l'institution que nous proposons de créer, et j'ai appris, par ses nouveaux développements, s'il se trouve dans une erreur assez singulière, mais qui explique peut-être l'opposition qu'il fait au projet de loi : l'honorable membre paraît être convaincu que le gouvernement propose de décréter 80 millions de papier-monnaie. C'est là son principal argument.

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comment ! vous n'avez pas dit cela ?

- Plusieurs membres. - Si ! si ! vous l'avez dit.

M. Dumortier. - J'ai dit que vous aviez supputé que vous auriez 80 millions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De papier-monnaie. Eh bien, je dis que cette opinion de l'honorable membre explique peut-être son opposition au projet de loi, et nous devons le rassurer. Il ne s'agit pas de créer pour un seul centime de papier-monnaie : puisse l'effroi de l'honorable membre se calmer !

L'honorable membre croit que la plaisanterie relative à la caisse vide n'est pas encore usée ; il y revient, il y insiste d'une manière toute particulière. Il ne veut absolument voir qu'une caisse composée de quatre planches, ce qui serait nécessairement une caisse vide. (Interruption.)

J'ai eu l'honneur de faire observer à l'honorable M. Dumortier que la caisse, chargée de percevoir les annuités, recevra des fonds ; que la caisse, chargée d’opérer l’amortissement, recevra des fonds ; que la caisse, qui recevra 1 p. c. pour constituer un fonds de réserve, aura des fonds.

Voilà les fonds qui se trouveront dans cette caisse, et il est, par conséquent, très raisonnable et très logique de l'appeler : caisse du crédit foncier.

L'honorable membre nous a dit que le trésor allait nécessairement faire des pertes. Preuve, dit-il, on aurait un droit d'enregistrement à percevoir de 40,000 francs ; le trésor ne recevrait qu'un huitième pour cent francs, par conséquent, vous aurez un déficit de toute la différence.

M. Dumortier. - Quarante et un quarante-deuxièmes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je reproduis l'exemple que vous avez cilé. (Interruption). Au quarante-deuxième, si vous voulez. Où l'honorable membre a-t-il vu qu'on propose de réduire l'impôt ?

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Où a-t-il vu qu'on propose de réduire l'impôt d'une quotité quelconque ? On a établi qu'on percevrait annuellement un huitième de la somme empruntée pour tenir lieu des droits d'enregistrement et autres droits dus au trésor ; combien représentera ce huitième ? Voilà la question.

D'après les calculs qui ont été produits par le gouvernement, dans l'exposé des motifs, on est autorisé à penser que le gouvernement sera non seulement indemnisé entièrement par ce huitième, mais que, même après une certaine période, il percevrait annuellement une somme plus considérable. Il recevrait naturellement moins pendant les premières années.

Si l'on veut combattre ces calculs, qu'on produise des chiffres en opposition avec ceux du gouvernement, et la chambre pourra les apprécier.

Messieurs, des observations ont été faites quant aux frais d'administration. J'ai déjà dit que c'était là une chose tout à fait éventuelle, qu'il était très difficile d'établir des calculs à cet égard. On ne peut indiquer les chiffres que d'une manière approximative, car tout dépend de l'importance des opérations de la caisse. Si les opérations sont fort importantes, le huitième sera beaucoup trop pour payer les frais d'administration ; si les opérations sont relativement peu importantes, ce huitième pourra être insuffisant, et dans cette prévision, j'ai déjà dit comment le gouvernement devrait agir.

Le gouvernement doit faire commencer les opérations avec une administration peu onéreuse, et il lui sera possible, en utilisant les fonctionnaires qu'il a sous ses ordres, de pourvoir à l'administration de la caisse avec les sommes que produiront les opérations dans les commencements, quelle que soit l'importance de ces opérations ; ultérieurement, on déterminera la rétribution à payer aux administrateurs.

Si on ne craignait pas de grever les emprunteurs sans motif, s'il n'y avait pas à cela des inconvénients plus graves que ceux qu'on veut éviter, on pourrait sans doute stipuler un quart, au lieu d'un huitième.

L'honorable M. Cools demande s'il est bien entendu que le fonds de réserve est destiné à couvrir toutes espèces de pertes, même celles qui résultent des frais d'administration. Cela ne fait aucun doute à mes yeux. Le fonds de réserve est destiné à couvrir toutes les différences. C'est là peut-être une considération qui doit nous engager à ne pas aggraver la position des emprunteurs, à ne pas aller au-delà du huitième pour les frais d'administration.

M. Dumortier. - Messieurs, je n'ai nullement dit qu'il fût question de réduire l'impôt, et M. le ministre des finances se met encore une fois à côté de la question, en me faisant dire ce que je n'ai pas dit. J'ai dit qu'il était question de réduire, non l'impôt, mais la recette. Il est certain que quand une recette se paye en 42 années, au lieu de se payer en une année, il y aura un déficit de 41/42 dès la première année.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne s'agit pas de payer par quarante-deuxièmes, mais de payer un 1/8 p. c. chaque année pour tenir lieu des droits d'enregistrement.

M. Malou. - Messieurs, pour laisser à chaque membre la liberté du vote, et puisqu'il y a deux propositions dans mon amendement, il serait bon de mettre d'abord aux voix cette question de principe-ci :

« Les droits d'enregistrement et d'inscription seront-ils payés comptant ? »

M. Delfosse. - Payés par qui ? On ne peut pas mettre aux voix une question de principe aussi vague ; tout ce qu'on peut faire, c'est de mettre aux voix l'amendement par division, si la division est réclamée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est évident ! Cette question de principe n'est pas celle qui ressort du débat ; l'honorable M. Malou pose une question abstraite : Les frais d'enregistrement seronl-il payés comptant ? Or, il prétendait qu'ils devaient être avancés par la caisse. Est-ce là ce qu'il veut faire décider ?

M. Malou. — Eh bien, pour qu'il n'y ait plus d'équivoque possible, je propose de dire : « Les droits d'enregistrement et d'inscription seront-ils payés comptant par l'emprunteur ? »

(page 1157) - Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :

86 membres ont répondu à l'appel.

34 ont répondu oui ;

48 ont répondu non ;

4 se sont abstenus.

En conséquence, la question posée par M. Malou est résolue négativement.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Steenhault. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas eu le temps d'examiner cette question.

M. de T'Serclaes. - Je me suis abstenu parce que j'étais sorti quand on a développé l'amendement.

M. Rousselle. - J'aurais voulu qu'on examinât s'il n'y avait pas moyen de faire payer les droits par la caisse ; ma proposition ayant été rejetée, je n'étais pas suffisamment éclairé pour répondre sur la question posée.

M. T'Kint de Naeyer. - Je n'ai pu me prononcer sur une question que je n'avais pas eu le loisir d'examiner.

Ont répondu oui : MM. Vandenbranden de Reeth, Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Clep, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, De Pouhon, de Theux, Dumont (Auguste), Dumortier, Jacques, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Malou, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Roussel (Adolphe) et Thibaut.

Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Renynghe, Veydt, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Prévinaire, Sinave, Tesch, Thiéfry et Verhaegen.

- La seconde partie de l'amendement de M. Malou est mise aux voix et rejelée.

L'article 4 du gouvernement amendé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Vient maintenant l'article additionnel proposé par M. T'Kint de Naeyer.

M. T’Kint de Naeyer. - J'ai développé cet amendement. M. le ministre pense qu'il est préférable de le placer après l'article 7 ; je ne vois aucune objection à faire à cette transposition.

Article 5

M. Cools. - Il a été fait droit à une partie de la motion que j'ai faite, par ce que vient de dire M. T'Kint de Naeyer ; mais je crois que l'article 5, dans lequel il est question du remboursement, trouverait mieux sa place après l'article 7.

Après avoir voté l'article 4 déterminant la quotité des annuités, doivent venir l'article 6 dans lequel on fixe le temps pendant lequel l'annuité doit être payée, et ce qui doit être ajouté en cas de retard ; ensuite viendrait le remboursement dont il s'agit dans l'article 5 ; puis l'article 8 énonçant comment on peut se libérer anticipativement.

M. le président. - On pourra s'occuper du classement au second vote.

« Art. 5. Deux fois par an la caisse rembourse des lettres de gage jusqu'à concurrence des sommes disponibles à cet effet.

« Ces lettres sont désignées par le sort et remboursées à l'expiration du semestre qui suit le tirage ; elles cessent de porter intérêt à partir de cette époque. »

M. Malou. - Les deux articles que j'ai proposés remplacent l'article 5.

M. le président. - Voici ces deux articles :

« Art. 5. Les lettres de gage sont divisées par séries. Toutes celles qui sont délivrées à raison des prêts faits dans le courant d'un exercice forment une série.

« (Article nouveau.) La caisse emploi au rachat des lettres de gage, au fur et à mesure des rentrées, les sommes disponibles pour l'amortissement.

« Lorsque les rachats ne peuvent être opérés au-dessous du pair net, l'amortissement se fait au moyen d'un tirage au sort, quatre fois au moins par an.

« En ce cas, l'amortissement porte sur chaque série proportionnellement aux quantités qui seront en circulation.

« Les lettres de gage désignées par le sort sont remboursées trois mois après le tirage ; elles cessent de porter intérêt à partir de cette époque. »

M. Malou. - Messieurs, le projet de loi porte que les lettres de gage sont remboursées par la voie du tirage au sort deux fois par an et qu'elles cessent de porter intérêt six mois après qu'elles sont tombées au sort. Je me suis demandé si cette disposition était complète et si elle garantissait les intérêts des emprunteurs et les intérêts de la caisse, et j'ai cru devoir résoudre cette question négativement. Voici pourquoi.

L'opération par laquelle la caisse de crédit foncier est établie consiste à reconstituer le capital au moyen des intérêts composés. Cette reconstitution du capital dans un délai donné ne peut se faire qu'en ne perdant pas d'intérêts, Le jour où la caisse subit des pertes d'intérêts, les emprunteurs seront inévitablement forcés de payer des annuités supplémentaires ou bien la caisse sera en déficit. Il me semble qu'on ne peut pas échapper à cet inconvénient.

Si en effet l'on prend le tableau des intérêts composés, l'on se convainc que la reconstitution du capital n'est possible qu'en supposant qu'une somme payée soit immédiatement productive.

D'après le système du projet de loi, qu'arrivera-t-il, par exemple, si, pour rendre ma pensée bien sensible, la caisse de crédit foncier avait fait des prêts à concurrence de 120 millions ? La caisse aura à recevoir dans le courant d'une année six millions, de ces six millions il y aura une partie d'intérêt et une partie destinée à la reconstitution du capital par l'action immédiate de l'amortissement. Il y aura d'abord d'après le projet douze cent mille francs 1 p. c. affectés au service des intérêts.

Je suppose que ces rentrées se fassent régulièrement, et cela est ainsi lorsque le nombre des prêts et les sommes prêtées sont considérables. Dans cette hypothèse, la caisse réalisera pour l'amortissement chaque mois une somme de cent mille francs ; appliquez maintenant le projet de loi tel qu'il était conçu, à cette hypothèse, et vous verrez que la somme de cent mille francs reçue par exemple, pendant le mois de janvier sera improductive pendant 5 mois et demi ou 6 mois, celle qui sera reçue dans le courant du mois de février pendant 4 mois, ainsi de suite ; de sorte qu'en limitant l'action de la caisse à un amortissement par semestre, par voie de tirage au sort, et il en résultera nécessairement des pertes considérables d'intérêt et vous rendrez la reconstitution du capital impossible.

Il en serait autrement si une fois que la caisse aura reçu des fonds destinés à l'amortissement, elle pouvait placer ses fonds de manière à leur faire produire quatre pour cent. Mais il est connu de chacun d'entre vous que, pour un emploi temporaire des fonds, on ne peut espérer faire produire pour quelques mois plus de 4 p.c. La combinaison de la loi se résume donc à ceci : faire amortir immédiatement, dès que les rentrées s'opèrent, les lettres de gage, afin d'arriver à reconstituer le capital.

On pourra arriver peut-être à ce résultat, ou du moins à amoindrir ces inconvénients, en multipliant le nombre de tirages au sort, en faisant, par exemple, un tirage au sort tous les mois. Mais la difficulté subsisterait encore.

Mais est-il bien certain que vous soutiendrez mieux le crédit des lettres de gage au moyen de tirages au sort périodiques qu'au moyen du rachat continu ? C'est la question sur laquelle j'appelle l'attention de la chambre et en particulier celle de l'honorable ministre des finances. L'action de l'amortissement obligé des lettres de gage vient obliger à recevoir les remboursements. Celui qui désire conserver les lettres de gage dont il est détenteur, tandis que celui-là voudra, réaliser des lettres de gage, pourra ne pas trouver un prêteur constant qui soutienne le cours des lettres de gage.

Il me semble donc, messieurs, qu'il faut établir ce double principe : rachat des lettres de gage lorsqu'il peut se faire à mesure des rentrées, et tirage au sort, mais à des époques plus rapprochées que dans le projet de loi, lorsque la caisse ne pourrait pas faire l'amortissement au dessous du pair, par voie de rachat.

Il y a dans l'amendement une autre distinction. D'après l'article 5 les lettres de gage, quelle que soit leur date, se confondent dans une masse sur laquelle l'amortissement agit indistinctement.

Je suppose que j'achète le n° 1, la première lettre de gage qui sera délivrée pour le premier prêt qui sera fait, suis-je certain que je serai remboursé par le tirage au sort, dans la période de 42 ans ? En aucune manière, parce que tous les prêts qui se succèdent forment un ensemble sur lequel l'amortissement agira indistinctement. C'est un très grand inconvénient pour les porteurs de lettres de gage ; ce n'est pas une obligation à terme ; quand même tous les emprunts seraient intégralement remboursés, une grande partie des lettres de gage peut ne pas avoir été comprise dans le tirage au sort.

Pour donner plus de valeur à ces lettres de gage, il faudrait composer un exercice, les diviser par séries sur lesquelles l'amortissement agirait proportionnellement à la quantité en circulation.

Ainsi, il y a deux idées distinctes dans cet amendement : d'une part éviter à la caisse une perte d'intérêt considérable qu'elle ne peut éviter, selon moi, d'après l'article 5, et constituer des séries de lettres de gage, de façon que ce ne soit pas une obligation à terme indéfini.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis d'accord que la division des lettres de gage par séries peut offrir des avantages. Le texte de la disposition de la loi est tel que rien ne s'oppose à ce que l'on fasse des séries, si l'on en reconnaît l'utilité. Dans ma pensée, ce point devait être abandonné à l'exécution.

(page 1158) Des mesures de ce genre pourront être prises pour que l'amortissement s'opère de telle sorte que le porteur de la première lettre de gage ne puisse s'en trouver encore détenteur après 42 ans. C'est ce que l'honorable membre voudrait éviter.

Sur le second point, je ne partage pas l'avis de l'honorable membre. Il pense que d'après les combinaisons du projet on expose la caisse à des pertes d'intérêt. Je ne crois pas que soit possible.

Comment le projet propose-t-il d'opérer ? D'amortir les emprunts en consacrant une quotité déterminée à l'amortissement.

Dans le semestre qui précédera le remboursement des lettres de gage, le tirage au sort aura lieu. Avant l'expiration du semestre, à la fin du cinquième mois, les payements ayant lieu en deux termes fixes et réguliers, les annuités seront acquittées. La quotité destinée à l'amortissement entrera dans la caisse du crédit foncier et sera employé au rachat des lettres de gage désignées par le sort. Il n'y aura donc aucune solution de continuité. Il n'y aura pas de pertes d'intérêts, pas de capitaux qui restent improductifs dans la caisse.

Je ne sais si l'honorable membre a bien précisé sa pensée, s'il a bien signalé les vices du projet de loi, mais je déclare que je ne les aperçois pas.

Le troisième objet de l'amendement est celui-ci : il faudrait amortir par le rachat au-dessus du pair net et à défaut par le tirage au sort. Je crois devoir m'opposer à cette combinaison qui rendrait facultatif le tirage au sort. Mes motifs sont ceux-ci : Si le tirage au sort n'est pas consacré, il me paraît incontestable qu'on favorisera l'agiotage. La disposition relative au tirage au sort aura précisément pour effet de maintenir les lettres de gage au pair ou peu au-dessous de pair à moins de circonstances exceptionnelles.

Il faudra une grande abondance de capitaux, pour que ceux que le sort aura désignés consentent à courir le risque d'être remboursés au pair des lettres de gage qu'ils auraient acquises à un taux plus élevé.

Ainsi le tirage au sort aura pour effet de maintenir les lettres vers le pair.

Si au contraire la caisse avait la faculté de racheter au-dessous du pair, il s'établirait beaucoup plus facilement des fluctuations sur le cours des lettres de gage ; par conséquent l'agiotage serait favorisé. C'est par ce motif que le projet a proposé d'une manière formelle le tirage au sort.

Si nous voulons que les lettres de gage soient maintenues au pair et ne soient pas soumises à des fluctuations considérables, je crois que c'est la proposition du gouvernement qui doit être adoptée.

M. Delfosse. - M. le ministre des finances a paru adhérer à la partie de l'amendement, qui consiste à diviser les lettres de gage en séries, dont les unes seraient remboursables avant les autres. Je ne sais si M. le ministre des finances y a suffisamment réfléchi, et s'il n'y aurait par un grand inconvénient à admettre cette proposition. Si vous divisez les lettres de gage en séries dont l'une sera remboursée avant l'autre, elles auront une valeur différente ; celles qui seront remboursables plus tard ne seront pas cotées au même taux que celles qui devront être remboursées plus tôt ; cela pourra être un obstacle au placement des lettres de gage, et nuire à leur circulation.

Je préférerais que l'on adoptât la proposition du gouvernement, en lui laissant le soin de prendre les mesures d'exécution qu'il jugera nécessaires. Il ne me semble pas utile qu'il y ait une différence entre les lettres de gage. Elles doivent être toutes sur la même ligne, il ne faut pas que les unes soient recherchées de préférence aux autres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans ma pensée, il convenait d'abandonner à l'exécution le point de savoir s'il y avait lieu de prendre des mesures pour que les lettres de gage de la première émission fussent toutes remboursées à la 42ème année.

M. Osy. - Je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Malou et de M. le ministre des finances qu'il faut diviser les letres de gage par séries. Si vous ne le faites pas à celui qui aura une lettre de gage ne sera pas certain d'être remboursé après 42 ans. Cela peut aller à l'infini, on ne saura jamais quand le remboursement aura lieu. Je crois que cette disposition doit être introduite dans la loi. Je n'aime pas l'exécution en dehors de la loi par des règlements. Il faut que le public sache à quoi s'en tenir.

Je n'admets pas avec M. le ministre des finances que les lettres de gage ne doivent être remboursées que par le tirage au sort. Elles ne se négocieront pas au pair aussi longtemps que vos 4 p. c. seront à 84. On préférera avec une marge de 16 p. c. prendre des fonds de l'Etat dans lesquels on a beaucoup de confiance. D'après la loi, nous prévoyons que l'emprunteur devra payer trois annuités si la caisse perd. Si vous admettez des chances de pertes, il faut admettre aussi des chances de gain. Si les lettres de gage sont à 90, je ne veux pas qu'on les rembourse au pair ; c'est alors qu'il y aurait agiotage. Ce ne serait pas la caisse qui en profiterait, ce serait l'empruntenr à qui l'on rembourserait des lettres de gage qu'il aurait achetées au-dessous du pair. Le gouvernement ne rembourse pas les fonds publics au pair, il les rachète à la bourse par la caisse d'amortissement. D'après la proposition du gouvernement, le remboursement se ferait au pair quel que fût le cours. Je voterai pour l'amendement proposé par l'honorable M. Malou.

M. Malou. - Je ne comprends pas très bien la réponse de M. le ministre des finances, en ce qui concerne les pertes d'intérêt. Je suppose, et c'est mon point de départ que les recettes faites par la caisse seront successives : ainsi un prêt est fait le 1er mai ; la première demi-annuité sera payée six mois plus tard. C'est bien ainsi que fonctionnent les institutions aujourd'hui existantes, si je ne me trompe et c'est ainsi qu'elles doivent fonctionner parce que c'est le seul moyen d'appliquer facilement les tables d'annuités. Eh bien, il résultera du système de la loi que les annuités reçues au commencement de l'année, par exemple, en janvier ou en février, ne pourront être employées que 4 ou 5 mois plus tard et par conséquent la caisse perdra toujours des fractions d'intérêt. Elle aura des fonds improductifs, et si elle a des fonds improductifs la reconstitution du capital dans le terme voulu vient à manquer.

Il faudrait donc supposer que toutes les échéances des annuités seront reportées à la même date, pour que l'observation de M. le ministre des finances fût fondée. Or, je ne crois pas que les choses puissent se passer ainsi ; dans la pratique l'intérêt court à partir de chaque prêt, car c'est alors que la lettre de gage est délivrée. Si on voulait procéder autrement, il y aurait un décompte compliqué à établir.

Ainsi le rachat par semestre ou le tirage au sort par semestre fait subir à la caisse une perte de plusieurs mois d'intérêt sur le montant des annuités qu'elle perçoit.

Je me préoccupe de cette question, par le motif que j'ai déjà indiqué bien des fois : si l'emprunteur n'est pas tenu éventuellement de la perte que la caisse aurait subie, et si l'Etat était responsable des erreurs commises dans la gestion de la caisse, nous pourrions peut-être moins insister sur ce point ; mais ici nous stipulons dans l'intérêt des tiers, et nous devons faire la loi de telle manière que ceux qui se confieront au crédit de la caisse ne soient pas victimes d'une erreur économique qui pourrait se glisser dans la loi. C'est pour cela que j'insiste, non pas en faveur de l'adoption immédiate de mon amendement, mais pour un examen approfondi.

Quelle réponse nous fait-on sur un autre point ? La crainte de l'agiotage si le rachat était substitué ou moins en partie au tirage au sort. On a renoncé au tirage au sort pour la dette publique.

Sans doute, messieurs, mais c'est parce qu'on avait intérêt à ce que le crédit public prît du développement et qu'en présence du tirage au sort la dette publique ne pouvait guère dépasser le pair.

Nous n'avons pas à prendre des mesures pour élever les lettres de gage au-dessus du pair ; ce qu'il faut rechercher, c'est de maintenir le cours le plus possible au pair et, autant que faire se peut, avec la plus grande régularité. Or, je le demande à toutes les personnes qui ont suivi des transactions de cette nature, n'est-il pas certain que lorsque vous avez sur le marché un acheteur qui se présente régulièrement, tous les jours, c'est une garantie puissante contre la dépréciation. Je suppose un instant qu'une crise se produise comme au mois de février 1848 ; décidez qu'il n'y aura d'acquisitions pour l'amortissement qu'au 1er juillet, par exemple cela produirait dans le cours des lettres de gage une perturbation très forte tandis que si la caisse du crédit foncier, qui doit être l'acheteur de ses propres valeurs, se présente sur le marché pour y faire des achats réguliers, si elle soulage le marché, il est évident que le cours se maintiendra beaucoup plus régulièrement et que les porteurs seront moins exposés à subir des pertes.

Je reproduis, d'ailleurs, une observation qui me paraît saillante : deux personnes ont chacune une lettre de gage ; l'une a besoin de réaliser son titre, l'autre désire le conserver ; que fait le tirage au sort ? La personne qui désire conserver sa lettre de gage est remboursée, l'autre est obligée de se présenter sur le marché pour vendre la sienne. Si cela n'arrivait que pour un seul titre, ce serait sans importance, mais cela peut arriver pour de grandes quantités.

La division par séries me paraît également indispensable, non pas avec spécification de la valeur de l'immeuble que la lettre de gage représente, mais avec un ordre d'amortissement.

Si les lettres qui ont été émises pendant la première série, par exemple, n'ont pas une dotation régulière d'amortissement, si cette dotation se confond dans la masse, c'est encore une fois une cause d'affaiblissement de la valeur des titres ; vous avez moins de chances de les voir graviter autour du pair.

Or, c'est là, je crois, le but auquel nous devons viser. Nous devons combiner toutes les dispositions de la loi de manière que les lettres de gage restent autant que possible au pair ou aux environs du pair. C'est dans cette pensée, messieurs, que j'ai proposé la disposition que je viens de développer.

M. Cans. - Messieurs, je demande le renvoi de l'amendement à la section centrale. Je crois qu'il y a des arguments très forts à présenter contre la division par séries ; mais si le renvoi à la section centrale est prononcé, je n'entrerai pas maintenant dans cette discussion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est évident, messieurs, d'après les explications de l'honorable M. Malou, qu'il a donné au projet une interprétation dont il n'est pas susceptible. Il est clair que, d'après le projet du gouvernement, les annuités doivent être payées par semestre régulier fixe.

M. Malou. - A dater du contrat.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non pas ; à époque fixe, la même pour tout le monde. Il y aura un décompte à faire avec chaque emprunteur pour ramener l'échéance de sa dette à l'échéance commune. Voilà comment il n'y aura aucune espèce de perte d'intérêt.

Il n'est pas possible d'admettre que chacun puisse payer, celui-ci au (page 1159) 1er janvier, celui-là au 1er mars, un autre au 1er avril ; il faut que toutes les annuités se payent à la même époque. L'honorable M. Malou a donc donné une fausse interprétation au projet pour étayer son raisonnement.

L'honorable membre insiste sur la disposition relative aux rachats à la bourse. Eh bien, par le même motif qu'il fait valoir, je repousse cet amendement. C'est pour que les lettres de gage gravitent constamment autour du pair qu'il veut le rachat au lieu du tirage au sort. Mais comment les lettres de gage pourront-elles le mieux s'approcher du pair ? S'il y a seulement faculté pour la caisse de racheter à la bourse, au cours du jour, les lettres de gage ne s'élèveront pas. Il n'y aura pas d'acheteurs pour les lettres de gage, au pair ; il n'y aura que des acheteurs au cours du jour. Les lettres de gage pourront donc subir toutes les fluctuations. Sans doute ce sera comme tout amortissement, une cause de ralentissement de la baisse, parce qu'il y aura un acheteur. Mais il n'y a pas de certitude pour l'acheteur d'être remboursé au pair, tandis que, dans le système du gouvernement, la voie du tirage au sort étant admise, le remboursement au pair n'est pas douteux. Voilà l'avantage que présente le tirage au sort.

Quant à la division par séries, j'ai dit que cela devrait être abandonné à l'exécution. Il peut y avoir quelque chose à faire dans le sens de l'opinion de l'honorable M. Malou, parce qu'après que la caisse aurait fonctionné pendant un certain nombre d'années, il arriverait que les obligations émises dans les commencements continueraient à rester dans la circulation. (Interruption.) Il n'y aurait pas d'inconvénient, dit-on ; mais il y aurait peut-être avantage à faire en sorte que tout porteur fût assuré d'un remboursement au pair.

Au reste, il n'est pas nécessaire d'insérer à cet égard une disposition dans la loi. Cela doit évidemment être abandonné à l'exécution, et c'est pour ce motif que je ne pense pas qu'il y ait lieu de renvoyer l'amendement à la section centrale.

- La chambre renvoie l'amendement à l'examen de la section centrale.

L'article 5 est tenu en réserve.

Article 6

« Art. 6 (projet du gouvernement ). L'annuité déterminée par l'article 4 doit être payée pendant quarante-deux années.

« Si, à la fin de la quarante-deuxième année, la situation de la caisse présente un bénéfice, il est fait restitution au débiteur de ce qu'il a payé pour le temps écoulé depuis l'extinction de sa dette.

« En cas de perte, le débiteur n'est tenu d'y contribuer que jusqu'à concurrence d'une quarante-cinquième annuité.

« Chaque moitié d'annuité doit être acquittée avant la fin du cinquième mois du terme semestriel.

« Toute somme non acquittée à l'échéance est passible d'un intérêt annuel de cinq pour cent ; cet intérêt sera dû pour chaque semestre commencé.

« Avant la fin du cinquième mois de chaque semestre, le débiteur peut rembourser, soit en numéraire, soit en lettres de gage, la totalité ou une partie du capital non encore amorti. Dans ce cas, il est tenu, pour sa libération définitive, d'acquitter un semestre d'intérêt du montant des sommes en numéraire qu'il aura payées par anticipation pour l'amortissement. »

« Art. 6 (projet de la section centrale). L'annuité déterminée par l'article 4 doit être payée pendant quarante-deux années.

« En cas de perte, le débiteur n'est tenu d'y contribuer que jusqu'à concurrence de trois annuités supplémentaires. »

Après un nouvel examen, la section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose de commencer par ces mots le deuxième paragraphe de l'article, tel qu'elle l'a présenté :

« Si la situation de la caisse présente un excédant de passif, le débiteur n'est tenu... »

M. De Pouhon déclare retirer l'amendement qu'il a présenté à l'artile 6.

M. le président. - M. Cools a présenté au paragraphe 2 un amendement ainsi conçu :

« Les pertes éventuelles sont supportées par les emprunteurs. Néanmoins la part contributive de chaque débiteur ne pourra, à moins de loi nouvelle, dépasser trois annuités supplémentaires. »

M. Cools. - Messieurs, l'article primitif a été modifié ; désirant me rapprocher, autant que possible, de la rédaction qui paraît être préférée par le gouvernement, je proposerai, à mon tour, pour la forme d'abord, de libeller ma proposition de la manière suivante :

« Si la situation de la caisse présente un excédant passif, il devra être comblé par les emprunteurs. Néanmoins la part contributive de chaque débiteur ne pourra, à moins de loi nouvelle, dépasser trois annuités. »

Messieurs, ma proposition a pour but plutôt une question de principe qu'une question d'application. Je crois qu'en règle générale les trois aunuités supplémentaires indiquées dans la loi seront plusque suffisantes. Il est même à présumer qu'elles laisseraient un excédant.

Pour mettre ce point en doute, on a indiqué des cas tout à fait exceptionnels. On a voulu prévoir celui, par exemple, où il arriverait un sinistre immense, par exemple un incendie dans le genre de celui qui a détruit en partie Hambourg, survenant dans une de nos grandes villes où un très grand nombre de bâtiments seraient obligés vis-à-vis de la caisse. On a encore cité un autre cas, c'est celui où il y aurait une contrefaçon des lettres de gage sur une grande échelle. Ce sont des cas tout à fait exceptionnels.

Mais enfin on est fondé à se demander ce qui arrivera si ce cas se présentent. Supposons, par impossible, que les trois annuités ne suffisent pas, qui devra combler le déficit ?

A cet égard, je trouve que la loi laisse subsister certains doutes.

Pour moi, je tiens surtout à une chose : c'est que la généralité des contribuables soit mise complètement hors de cause, c'est que dans aucun cas le trésor public ne doive subvenir.

La question a été examinée en section centrale, et je dois dire que les motifs qu'on a donnés pour maintenir la disposition telle qu'elle est formulée, ne sont pas très concluants ; pour moi, je ne m'en contente pas Que lit-on, par exemple, dans le rapport de le section centrale à la page 33 ?

« Quant à la question posée par la sixième section, à savoir comment il serait pourvu à l'insuffisance éventuelle, quoique peu probable, des moyens de remboursement, la section centrale est d'avis que cette insuffisance est non seulement peu probable, mais qu'elle est impossible, vu les précautions dont le projet entoure les opérations de la caisse et la solidarité des débiteurs jusqu'à concurrence de 21 1/4 p. c. du montant des prêts. »

C'est fort bien que la section centrale ait une grande confiance dahsses calculs, cependant elle n'est pas infaillible et si elle s'était trompée, qui serait responsable ?

Puis la section centrale ajoute :

« Aucune des dispositions du projet n'oblige, du reste, le gouvernement à intervenir. »

Non, aucune partie du projet n'impose cette obligation au gouvernement, mais on n'en trouve pas non plus, qui la fasse retomber sur d'autres, et ce serait là une lacune dans la loi.

Je suis d'accord avec la section centrale que l'éventualité est peu probable ; mais qui me dit qu'elle est impossible, que les calculs de la section centrale ne peuvent pas être complètement démentis par des événements extraordinaires, tels que ceux qu'on a déjà indiqués ?

Je n'ai pas à cet égard tous mes apaisements. Je crois que nous devons dire positivement que l'Etat n'a rien à voir dans la caisse du crédit foncier. Ici nous avons à choisir entre les emprunteurs et la généralité des contribuables, car il faut en définitive que la perte soit supportée par quelqu'un. Or, dans cette alternative je préfère beaucoup que ces pertes soient réparées par les emprunteurs qui auront couru les chances des obligations qu'ils contracteront.

Je propose donc d'insérer dans la loi ce principe : que les pertes éventuelles seront, dans tous les cas, à charge des entrepreneurs. Je regarde cette disposition comme fondamentale ; pour le surplus, je conçois qu'on désire donner une espèce de garantie aux emprunteurs, qu'on ne leur demandera pas trop ; c'est pour ces motifs que j'ajoute immédiatement après ce qui suit : « Néanmoins la part contributive de chaque débiteur ne pourra, à moins de loi nouvelle, dépasser trois annuités. »

On pourrait se demander s'il est bien nécessaire de dire qu'une loi nouvelle pourra changer la situation qui résultera de la loi que nous sommes occupés à voter. Cela me paraît indispensable.

Remarquez que les payements se font par annuités. Du moment que vous ne dites pas que la loi nouvelle pourra changer la situation des emprunteurs qui ont emprunté en se soumettant à l'éventualité de payer trois annuités en plus, en cas de perte, il pourrait arriver ceci : c'est que ces emprunteurs, dans le cas où, en vertu d'une loi nouvelle, vous voudriez leur faire payer, par exemple, quatre annuités au lieu de trois, vous répondraient : Vous ne pouvez pas demander plus que ce qui est stipulé dans mon contrat d'emprunt. Or, je veux que les emprunteurs soient avertis qu'ils courent toutes les chances qui peuvent se présenter plus tard.

Mais en même temps je désire leur donner la garantie qu'il faudra l'intervention d'une loi, pour changer leur situation, c'est-à-dire, pour étendre leur solidarité au-delà des trois annuités éventuelles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Au moment où le gouvernement va constituer la caisse, il faut se demander si, d'après les combinaisons adoptées, des pertes sont possibles ; et si des pertes sont possibles, à concurrence de quelle somme il faut le déterminer avec prudence, avec sagesse, de manière à éviter tout mécompte.

Les honorables membres qui ont la conviction que des pertes peuvent être éprouvées par la caisse doivent ou rejeter le projet ou y introduire des modifications qui mettent la caisse à l'abri de toute éventualité fâcheuse. Nous croyons que l'ensemble des dispositions proposées doit donner la conviction que des pertes ne sont pas possibles. C'est une affaire d'appréciation.

Si l'on considère qu'on ne peut prêter que sur la première moitié de la valeur de la terre et le premier quart libre de la valeur d'une maison ou d'une forêt, en prescrivant, en outre, des précautions qui doivent inspirer confiance, il est permis de croire que des pertes n'auront pas lieu. Mais si l'on ajoute que l'on constitue un fonds de réserve composé de 1 p.c. payé la première année par les emprunteurs, n'est-il pas raisonnable de penser qu'on a pourvu à toutes les éventualités ? Et pourtant, ce n'est pas tout ; dans la prévision, tout improbable qu'elle est, (page 1160) d'une perte sur les opérations ainsi faites, on stipule que les emprunteurs pourront être tenus à payer trois éventualités supplémentaires.

Dans de pareilles conditions, ne doit-on pas être entièrement rassuré ? Nous le pensons, et c'est pourquoi nous maintenons purement et simplement le projet.

Que veut M. Cools ? Il propose de déclarer que toutes les pertes seront supportées par les emprunteurs ; mais que, à moins d'une loi nouvelle, ils ne les supporteront que jusqu'à concurrence de trois annuités supplémentaires.

Vous le voyez : par l'effet d'une loi nouvelle l'emprunteur pourrait être tenu de payer non pas trois mais cinq ou six annuités supplémentaires. Il y aurait là une sorte d'effet rétroactif qui porterait atteinte à la convention.

La loi nouvelle ne pourrait stipuler que pour l'avenir ; on pourrait stipuler qu'à l'avenir les annuités supplémentaires pourraient être portées à un nombre plus grand. Mais au moment où il contracte, l'emprunteur doit connaître les obligations qui lui sont imposées. Au point de vue de l'emprunteur ce serait injuste.

Pour les emprunts qui viendraient ultérieurement, ce serait inutile ; car si après une certaine expérience, on croit qu'il y a utilité d'augmenter le nombre des annuités éventuelles, on pourra modifier la loi ; cela est de droit.

Je ne pense pas que la proposition de M. Cools puisse être accueillie.

On pourrait rédiger la proposition comme suit :

« Les pertes sont supportées par les emprunteurs à concurrence de trois annuités supplémentaires. »

M. de Mérode. - On devrait mettre dans la loi qu'on payera toutes les annuités nécessaires pour solder le déficit ; car s'il y a déficit, qui payera ? Il faut le dire. Il ne faut pas dire : Cela n'arrivera pas ; ce n'est pas là répondre ; car si cela arrive, que fera-t-on ? Pendant 42 ans, savez-vous ce qui peut survenir ? Pouvez-vous prévoir les bouleversements, les guerres, les séjours des armées étrangères, dans un pays exposé à être envahi, comme celui-ci l'a déjà été ? Vous ne voulez pas mettre un mot qui engagerait jusqu'à certain point les emprunteurs. C'est une manière singulière d'agir. On ne veut pas répondre ; il faut pourtant répondre quelque chose.

Il faut mettre toutes les annuités nécessaires. Si cela n'accommode pas la loi, cela accommode le bon sens, et le bon sens passe avant la loi.

M. Cools. - Je remarque par les explications qui ont été données par M. le ministre des finances, qu'on a une grande répugnance à laisser inscrire dans la loi le principe que, dans tous les cas, les pertes soient à la charge de l'association. On dit que les pertes ne sont pas à craindre, et c'est l'unique motif dont on se prévaut pour s'opposer à ce que la loi prévoie l'éventualité.

Il me semble, messieurs, qu'il faut que le caractère de la loi soit nettement défini, que les principes qui y seront déposés rendent absolument impossible toute confusion entre la caisse du crédit foncier et la caisse de l'Etat. Pour cela il faut dire dans la loi, sans réticence aucune, que toutes les pertes seront à charge de la société.

On parle d'appréciation ; on dit : Nous avons fait nos calculs, quant aux pertes, ce que nous proposons est suffisant pour y pourvoir. Messieurs, je suis tout disposé à l'admettre ; je crois que les trois annuités supplémentaires seront plus que suffisantes ; mais enfin, comme le dit l'honorable comte de Mérodc, l'avenir nous est inconnu ; nous ne savons pas les malheurs qui peuvent encore nous menacer.

On parle des emprunteurs. Eh bien, dans la suite de la loi nous pourrons prendre encore des précautions plus grandes pour les mettre à l'abri des pertes excessives. Ainsi, lorsque nous arriverons à la question de savoir jusqu'à quel point les agents de l'administration doivent être responsables des erreurs qu'ils peuvent commettre, nous aurons à examiner les idées très saines qu'a émises l'honorable M. Malou. Ce sont encore des garanties que nous pourrons offrir aux emprunteurs ; mais avant tout, offrons-en à la généralité du pays.

On parle d'effet rétroactif ; on dit : La mesure que vous proposez serait une injustice.

Messieurs, si dès à présent nous mettons dans la loi à quelles conditions les emprunts se feront, il est évident qu'il n'y aura pas d'injustice. Si nous prévenons dès à présent qu'une loi nouvelle pourra intervenir, tout le monde sera prévenu.

Cependant je conçois qu'à cet égard il y a quelque chose qui gêne le gouvernement. Tous ceux qui, comme moi, ont voté le principe de la loi, doivent désirer que l'institution puisse réussir. Autant je tiens à ce que la loi renferme toutes les dispositions que je regarde comme indispensables, autant aussi je suis peu disposé à demander qu'on y insère, sans nécessité, des dispositions qui pourraient nuire au projet. Le principe de non garantie est pour moi capital ; je regarde le surplus comme secondaire. Si le gouvernement voulait se rallier à la première partie de ma proposition, nous nous entendrions bien vite. Dans ce cas il me serait facile de me rapprocher du gouvernement, et je vais en indiquer le moyen :

Parmi les objections qui ont été faites contre la dernière partie de ma proposition, j'ai cru distinguer celle-ci : Nous fixons trois annuités, et plus tard, s'il le faut, on pourra changer la loi. C'est là ce qui pourra toujours se faire, mais ce qu'il est inutile de dire.

Messieurs, si j'avais la certitude que du moment que le déficit se présentera une proposition de loi vous sera faite, si je pouvais aussi bien connaître les dispositions des parlements futurs que je connais la volonté de cette assemblée de mettre la caisse de l'état à l'abri de toutes pertes, je n'insisterais pas. Mais on peut tarder de présenter une loi nouvelle, et pendant ce temps les pertes peuvent s'accumuler. C'est là ce qu'il faut prévoir, il faudrait, pour être suffisamment rassuré, avoir une garantie quelconque que l’éventualité prévue venant à se réaliser, on recourra sans retard à une loi nouvelle ou à tout autre moyen propre à mettre la caisse à même de faire face à tous les besoins. Cette garantie, on peut l'avoir, même en ne parlant pas dans la loi de changements à apporter à la quotité des annuités supplémentaires.

Il suffirait pour cela de formuler le paragraphe 2 de l'article 6 de la manière suivante :

« Si la situation de la caisse présente un excédant passif, il devra être comblé par les emprunteurs.

« Des arrêtés royaux détermineront le maximum de part contributive qui pourra être demandé à chaque débiteur. »

Rien de plus. Immédiatement après l'adoplion de la loi, le gouvernement prendrait un arrêté par lequel il fixerait la part contributive de chaque emprunteur au maximum de trois annuités supplémentaires. Mais cet arrêté royal ne continuerait à subsister que sous la responsabilité du gouvernement. Du moment où il y aurait déficit, le gouvernement devrait modifier cet arrêté. Nous aurions ainsi des garanties que nous ne trouverions pas dans une loi décidant que la part contributive de chaque débiteur ne pourra, dans aucun cas, dépasser trois annuités, quelque soit le chiffre des pertes.

Si le gouvernement pouvait se rallier à la disposition que j'indique, je retirerais la seconde partie de mon amendement. Jusque-là, je dois la maintenir.

M. le président. - M. Dumortier propose un nouvel amendement ainsi conçu :

« Dans aucun cas et dans aucune circonstance, l'Etat ne peut être appelé à subvenir aux besoins de la caisse. »

La parole est à M. Dumortier pour développer son amendement.

M. Dumortier. - Messieurs, mon but, en présentant l'amendement dont M. le président vient de donner lecture, est d'insérer dans la loi le principe que l'on a proclamé dans toute la discussion, à savoir que dans aucune circonstance, l'Etat ne devait pourvoir aux besoins de la caisse. Je désire que ce principe soit inscrit textuellement dans la loi, afin que preneurs et emprunteurs sachent quelle est la position réelle de la caisse. Il est indispensable, sous ce rapport, que le pays tout entier connaisse que nous n'entendons, en aucune manière, dans aucune circonstance, dans aucun cas quelconque, que le trésor public intervienne pour subvenir aux besoins de la caisse.

C'est là, messieurs, une question de principe qui doit dominer toutes les autres, si nous ne voulons pas, dans certaines circonstances, exposer le trésor public à des embarras, à des déficits.

Au reste, je le répète, ce que je propose est conforme à ce qui a été dit à plusieurs reprises, dans le cours de cette discussion et par le gouvernement et par les orateurs du parti ministériel.

Je pense donc que personne ne s'opposera à ma proposition.

M. de Theux. - Messieurs, je voterai pour l'amendement de l'honorable M. Dumorlier, afin qu'il ne reste aucune espèce d'illusion parmi les porteurs de lettres de gage. Il faut qu'ils sachent que s'il y a des déficits, les lettres de gage subiront une dépréciation, et qu'ils n'auront aucune espèce de titre à venir réclamer un supplément à charge du trésor public.

L'amendement de l'honorable M. Cools a certainement un côté utile pour soutenir la valeur des lettres de gage. Mais je trouve que cet amendement n'est pas suffisamment fondé en équité, à moins que l'on n'offre aux emprunteurs une espèce d'indemnité, correspondante à la charge éventuelle donl on veut les grever. Pour que cet amendement fût fondé en équité, il faudrait ajouter une autre disposition en vertu de laquelle tous les bénéfices que la caisse du crédit foncier peut faire viendront en diminution de la dette des emprunteurs. Alors il y aurait équité. Mais si vous vous borniez à augmenter éventuellement les charges de l'emprunteur et si vous laissiez les bénéfices de la caisse aux porteurs de lettres de gage, vous stipuleriez des conditions à tous égards onéreuses pour les emprunteurs.

D'après le projet de loi, messieurs, il y a uu contrat aléatoire entre les porteurs de lettres de gage et les débiteurs des intérêts et de l'amortissement. Si la caisse de crédit foncier bénéficie, les lettres de gage acquerront une plus grande valeur. Si au contraire la caisse subit des pertes, il y aura dépréciation de ces lettres de gage, et celui qui a couru la chance des bénéfices sur ces titres courra aussi la chance d'une dépréciation. Cela est dans l'équité.

Ainsi je ne pourrais adopter l'amendement de l'honorable M. Cools dans les termes dans lequel il est présenté. Je ne pourrais l'admettre que dans le cas où l'on stipulera que tous les bénéfices que la caisse pourra faire viendront en diminution de la dette des emprunteurs, je crois qu'il n'y a pas moyen de sortir de cette situation : ou il faut laisser la caisse dans la position que le gouvernement lui fait, ce qui est un contrat aléatoire entre le préteur et l'emprunteur, ou bien si l'on veut mettre les pertes éventuelles à charge de l'emprunteur, il faut stipuler aussi que les bénéfices éventuels doivent diminuer la dette.

M. le président. - M. F. de Mérode vient de déposer l'amendement suivant : « Si la situation de la caisse présente un excédant passif, les débiteurs sont tenus de couvrir le déficit. »

La parole est à M. de Mérode pour développer son amendement.

M. de Mérode. - J'ai expliqué les motifs de mon amendement, (page 1161) très brièvement il est vrai ; mais il n'est pas besoin d'observations bien longues pour en faire apprécier la portée.

On pourrait y ajouter, d'après les observations de l'honorable M. de Theux, que les bénéfices éventuels de la caisse seront comptés en déduction des pertes que pourraient faire les emprunteurs.

M. Delfosse. - Messieurs, si l'on admettait l'idée de l'honorable M. Cools et celle de l'honorable comte de Mérode, on renverserait le projet de loi. Autant voudrait ne pas faire de loi. Car quel est le propriétaire qui viendrait emprunter à la caisse, alors que la perte éventuelle ne serait pas limitée ?

Lorsque le propriétaire contractera avec la caisse, il saura, si le projet est adopté, jusqu'à quelle concurrence il s'engage, quelle perte il peut être exposé à subir. Il saura que cette perte n'ira pas au-delà de trois annuités supplémentaires, et qu'il ne la subira que lorsque le fonds de réserve aura été épuisé. A ces conditions, il se présentera des propriétaires pour emprunter à la caisse. Mais aux conditions de l'honorable M. Cools et de l'honorable M. de Mérode, il ne s'en présentera pas, on peut en avoir la certitude.

L'honorable M. Cools, partisan du projet de loi, présente, sans s'en douter, un amendement qui renverse le projet, qui serait fatal à l'institution qu'il s'agit de créer.

La crainte qui préoccupe cet honorable membre, c'est que la responsabilité de l'Etat ne soit engagée ; mais, messieurs, pour que la responsabilité de l'Etat fût engagée, il faudrait une disposition formelle, il faudrait qu'il fût dit dans la loi qu'en cas de perte, l'Etat interviendra. Or, la loi n'impose aucune responsabilité à l'Etat, et le gouvernement déclare qu'en cas de perte l'Etat n'interviendra pas. Vos craintes ne sont donc pas sérieuses.

Nous sommes tous d'accord sur le fond de l'amendement de l'honorable M. Dumortier ; nous sommes tous d'accord que l'Etat ne doit pas intervenir dans les pertes éventuelles.

Mais faut-il, parce que nous sommes d'accord sur ce point, adopter l'amendement de l'honorable M. Dumortier ? Cet amendement peut-il être inséré dans la loi ? Je dis que non, parce que ce serait introduire dans la loi une disposition non seulement inutile, mais inefficace. La disposition serait inutile, parce que, comme je viens de le dire, la responsabilité de l'Etat ne pourrait être engagée qu'en vertu d'une disposition formelle de la loi. La disposition serait inefficace, parce que vous ne pouvez lier les législateurs à venir. Vous ne pouvez interdire à vos successeurs d'accorder, s'ils le trouvent bon, à la caisse du crédit foncier, les secours dont elle pourrait avoir besoin dans des temps difficiles.

M. Malou. - Messieurs, le principe le plus essentiel d'une loi, c'est ce que j'appellerai la bonne foi. Il faut que l'on s'explique envers les emprunteurs, envers les contribuables, comme on le dit avec beaucoup de raison à côté de moi, et qu'il n'y ait d'équivoque dans aucune hypothèse.

Or, voici l'alternative : ou bien la solidarité existe, ou elle n'existe pas. Si la solidarité existe, vous avez tort de la borner à trois annuités supplémentaires ; si elle n'existe pas, dites-le dans votre loi. Il sera connu qu'au besoin, l'Etat peut être appelé à intervenir. Mais il faut qu'il n'y ait pas d'équivoque. C'est une question de loyauté.

On dit, messieurs, que ce serait renverser la loi que d'adopter un amendement qui dégagerait la responsabilité de l'Etat.

M. Manilius. - Nous voulons dégager la responsabilité des emprunteurs.

M. Malou. - Permettez ; je crois avoir compris que l'honorable M. Delfosse a signalé comme renversant la loi tout amendement qui dégagerait la responsabilité de l'Etat.

M. Delfosse. - Non ! non ! Si vous voulez me le permettre, j'expliquerai ma pensée.

M. Malou. - J'aurai mal compris l'observation de l'honorable M. Delfosse, et je renonce à celle que j'allais faire.

Je voulais seulement dire, messieurs, que nous devons déclarer dans la loi, ou que l'Etat est responsable, ou qu'il ne l'est pas. Mais le doute ne peut exister à cet égard. Il y a une disposilion à insérer dans la loi ; ce sera, si vous le voulez, que l'Etat est responsable ou qu'il ne l'est pas. Mais vous ne pouvez passer la chose sous silence, parce que ce serait une équivoque, et peut-être une cause de déceptions dans l'avenir.

Voici, messieurs, la position que se font nos adversaires. Ils nous disent : Il ne peut y avoir de perte ; cependant nous allons prévoir dans la loi qu'il y aura une perte, qu'il y aura une perte mais seulement jusqu'à concurrence de trois annuités supplémentaires. Voilà la logique à laquelle nous devons nous adresser en ce moment. Il n'y aura pas de perte, mais nous devons cependant fixer trois annuités pour le cas où il y aurait perte.

Voyns, messieurs, les faits. Quelle est la grande difficulté contre laquelle la caisse aura à lutter ? C'est, comme je le disais hier, l'absence d'intérêt personnel de la part de ceux qui prêtent ; ce sont ces éventualités qui, pour n'être pas prochaines peut-être, n'en sont ni moins réelles ni moins sérieuses, l'éventualité d'une dépréciation générale de la propriété, par suite d'une crise politique, d'une guerre, d'une invasion, d'un fléau quelconque.

Faut-il donc, messieurs, aller bien loin, pour trouver des exemples de pareilles dépréciations ? N'est-il pas connu que dans ce moment, on peut à raison de la situation politique, acheter, dans certains départements français, des propriétés à raison de 6, 7 et 8 p. c, tandis qu'il y a trois ans, elles avaient une valeur normale comme dans cotre pays ?

Je suppose donc un instant qu'aucune faute ne soit commise dans la gestion de la caisse, et je dis qu'il peut arriver des circonstances où la caisse sera en déficit et en déficit considérable. Je le répète, déclarez que dans ces cas vous payerez ou que les emprunteurs payeront, car enfin il faut bien que quelqu'un paye.

Messieurs, y a-t-il bien une panacée sérieuse dans la constitution du fonds de réserve ? D'après les propositions qui vous sont soumises, le fonds de réserve serait placé en lettres de gage. Or, toute l'opération de la caisse consiste à affecter ses rentrées au rachat des lettres de gage. Par conséquent voici quelle est cette réserve qu'on inscrit dans la loi : on inscrit dans la loi que la caisse rachètera ses lettres de gage, et que quand elle aura racheté ses propres obligations elle les conservera et dira : J'ai une réserve. C'est comme si, étant débiteur de 8 ou 10,000 fr. après avoir payé ma dette, je conservais le titre qui m'aurait été rendu et je disais : Voilà une magnifique réserve. La réserve que vous voulez constituer n'est donc pas une garantie réelle.

Dans la discussion générale, j'ai fait remarquer, et l'on n'a pas répondu à cette objection, combien cette solidarité bâtarde, incomplète, était injuste, aléatoire. Ainsi, ceux qui voudront se dégager de cette solidarité, pourront rembourser le prêt, et s'ils ont le bonheur de choisir un moment où la perte n'est pas encore constatée, bien que les prêts faits doivent occasionner cette perte, qui se révélera plus tard, ils seront dégagés de la responsabilité. Est-ce là de la justice ? Il y a un certain nombre de prêts faits : on n'a pas encore dû exproprier ; on ne sait pas s'il y aura perte, le bilan dans le moment où l'on vient se libérer, ne présente pas de perte ; et l'on est libre de se dégager de la solidarité, tandis que celui qui paye régulièrement ses échéances, à un jour donné, se trouve exposé à subir une perte qu'il n'a pu prévoir ni empêcher.

Et supposez un instant qu'une circonstance générale, qu'un fait comme celui auquel je faisais tout à l'heure allusion, vienne à se produire ; qu'il y ait une dépréciation sur toutes les propriétés, quel sera le résultat inévitable d'une pareille crise ? C'est que les causes aggravantes de la crise s'ajouteront pour ainsi dire continuellement à elles-mêmes, c'est-à-dire que le jour où la caisse sera menacée, ce sera à qui contractera d'autres emprunts pour pouvoir se libérer envers la caisse, parce que la solidarité en paraîtra effrayante. Vous aurez donc, dans cette hypothèse, mis dans l'institution même le germe de sa mort.

Je désire qu'on puisse résoudre ces objections, mais il ne suffit pas de nier les difficultés, il faut les rencontrer et s'attacher tous à les faire disparaître.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On semble, messieurs, chercher des difficultés à plaisir, on semble chercher des moyens d'entraver l'institution. Il n'est pas possible de se le dissimuler en entendant les observations qui viennent d'être présentées. On veut inscrire au frontispice de l'établissement : l'Etat n'est pas garant. Pourquoi ? Pourquoi voulez-vous insérer cette déclaration dans la loi ? A quoi bon ? Quelle est votre pensée ? Quel est le but que vons voulez atteindre ?' Dites-le !

M. Coomans. - Que l'Etat ne contribue pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, veuillez me dire en vertu de quel principe l'Etat pourrait être tenu à contribuer, en l'absence de toute déclaration de la loi. Si vous démontrez que l'Etat peut être tenu à quoi que ce soit, qu'on peut réclamer quelque chose de lui, vous aurez raison ; mais je le nie.

M. Coomans. - L'Etat gère, et chacun est responsable de sa gestion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vais citer quelques exemples pour prouver tout ce qu'a d'exorbitant ce que vous demandez. Vous avez institué une Banque nationale en vertu d'une loi. Cette Banque nationale est exposée à faire des pertes. (Interruption.)

Mon Dieu, oui ! elle a un capital ; mais faut-il encore répéter que l'institution que nous proposons de fonder a aussi un moyen de couvrir ses pertes ; c'est-à-dire un fonds de réserve composé d'un double élément : un pour cent des sommes empruntées, et, en outre, trois annuités supplémentaires ?

Vous avez donc institué une Banque nationale ; le gouvernement a nommé et continuera à nommer le gouverneur de cette banque ; il a nommé pour trois ans les administrateurs ; il nomme un commissaire qui peut s'opposer à toute espèce d'opération contraire soit à la loi, soit aux statuts, soit à l'intérêt général.

Il y a bien là une intervention réelle. Avez-vous dit que l'Etat n'est pas responsable ? Vos lois donnent le pouvoir au gouvernement de constituer des sociétés anonymes, le gouvernement approuve les statuts de ces sociétés. C'est comme si la législature intervenait, c'est une véritable délégation du pouvoir législatif. Le gouvernement nomme des commissaires qui surveillent les actes...

M. Coomans. - Il ne gère pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mon Dieu ! ce sont là des subtilités et rien de plus ; ici l'Etat ne gère pas ; il institue un établissement d'utilité publique qui a alors ses obligations et ses droits parfaitement distincts des obligations et des droits de l'Etat.

Vous constituez donc ces corps moraux ; vous intervenez d'une manière plus ou moins étendue dans leurs opérations ; ils font ultérieurement des pertes ; est-ce que les créanciers auront une action quelconque contre l'Etat lorsque l'Etat n'a pris aucun engagement ? Sans doute il peut arriver qu'on fasse des réclamations ; en 1848 des compagnies qui (page 1162) avaient fait de mauvaises spéculations sont venues réclamer le secours de l'Etat ; la même chose est arrivée a d'autres époques, sans qu'il y eût aucune espèce de garantie de la part de l'Etat, sans qu'il y eut aucune espèce de lien entre lui et les compagnies dont il s'agissait ; mais l'Etat s'est trouvé entièrement libre : il a examiné ce qu'il y avait à faire, mais ce n'est pas à titre de droit qu'on pouvait s'adresser à lui.

Ainsi, messieurs, lorsque vous constituez la caisse de crédit foncier, comme lorsque vous constituez d'autres corps moraux, vous ne contractez aucun engagement. Cela est de droit commun, et, dès lors, il ne faut pas le déclarer dans la loi. Lorsque l'Etat veut être garant, il le proclame. Vous avez établi une caisse de retraite et vous avez écrit sur le frontispice de cette caisse qu'elle est instituée sous la garantie de l'Etat. Lorsque vous avez voulu donner une garantie, vous l'avez déclaré, preuve que lorsque vous ne dites rien, la garantie n'existe pas.

Dans votre système l'Etat serait obigé de faire une réserve de ce genre chaque fois qu'il institue des corps moraux. Ainsi on établit des institutions religieuses, des institutions de bienfaisance ; elles n'ont pas de capital, elles peuvent essuyer des pertes ; est-ce que l'Etat est garant ?

Le principe est celui-ci : L'Etat n'est point garant. Vous ne pouvez donc pas admettre que quand l'Etat ne doit pas être garant il faille l'annoncer ; il faut au contraire que la garantie de l'Etat, pour exister, soit formellement stipulée.

Ainsi, messieurs, par le motif même qui dirige les honorables membres, je repousse la réserve qu'ils veulent introduire dans la loi.

M. Mercier. - L'honorable ministre des finances a demandé tout à l'heure : Dans quel but faites-vous cette observation ? Il a ajouté : En vertu de quel principe l'Etat peut-il être tenu ?

Voici, messieurs, pourquoi l'Etat peut et doit même être tenu. C'est parce que l'Etat, gérant de la caisse, fait la loi. Nous, qui représentons l'Etat, nous déclarons dans notre loi que l'emprunteur sera libéré après le payement de trois annuités supplémentaires ; or, quelle est la responsabilité qui pèse sur l'Etat à la suite de cette déclaration, si ce n'est pas que l'Etat doit suppléer ? (Interruption.) Vous libérez l'emprunteur... (Interruption.) Je dis que la déduction la plus logique est celle-ci : l'Etat est responsable.

Il faut que la loi exprime la pensée du législateur. Or, quelle est ici cette pensée ? Voulons-nous que ce soit l'emprunteur qui subisse la perte ? Non ; nous décidons que l'emprunteur sera libéré après le payement de trois annuités. Il ne reste donc plus que deux parties qui puissent subir la perte : c'est le prêteur et l'Etat. Eh bien, puisque c'est l'Etat qui affranchit le débiteur, il me semble que la déduction nécessaire à tirer de cet acte, c'est que l'Etat subira la perte. Si vous n'êtes pas de cet avis, dites-le dans la loi, dites que la perte tombera à la charge du prêteur, car c'est le seul qui reste encore en cause.

Je le repète, messieurs, il n'y a que trois parties qui puissent supporter les conséquences du déficit : Ou ce sera l'emprunteur, ou ce sera le prêteur, ou ce sera l'Etat ; eh bien, nous décidons que l'emprunteur n'est pas tenu au-delà du payement de trois annuités supplémentaires ; si vous n'ajoutez pas que ce sera le prêteur qui subira éventuellement la perte, on en conclura logiquement que ce sera l'Etat.

J'aborde un autre côté de la question. Tout à l'heure, on a dit : Vous ne trouverez pas d'emprunteurs si la perte n'est limitée. Mais, messieurs, n'est-ce pas là la condition des emprunteurs dans la plupart des associations allemandes ? Il y a solidarité, par conséquent chacun doit s'attendre, s'il y a perte, à en supporter sa part proportionnelle.

Si l'on adoptait, soit l'amendement de l'honorable M. Cools, soit l'amendement de l'honorable M. Dumortier, il n'y aurait qu'une simple solidarité, comme celle qui existe dans les associations allemandes ; je ne vois pas ce qui, dans cette solidarité, effraye tant ceux qui repoussent les amendements proposés ; ils craignent qu'il n'y ait pas d'emprunteurs qui osent se hasarder. Mais la position de ces derniers serait la même que celle des emprunteurs des associations allemandes ; là on ne paraît pas s'effrayer de cette solidarité.

J'appuie, messieurs, l'un et l'autre des deux amendements qui tendent tous deux au même but. Il faut qu'on sache qui sera responsable ; ce n'est pas l’emprunteur, nous le savons ; mais nous ignorons si ce sera le prêteur ou l'Etat.

M. Dumortier. - Messieurs, lorsqu'un particulier, quel qu'il soit, prête de l'argent à autrui, celui qui reçoit, celui qui gère les finances, est nécessairement responsable. Maintenant il s'agit desavoir si le trésor public sera ou ne sera pas responsable. Voilà toule la question.

- De toutes parts. - Tout le monde est d'accord que non.

M. Dumortier. - Mais si tout le monde est d'accord que non, pourquoi ne l'inscrit-on pas alors dans la loi ? C'est la chose la plus simple du monde. Alors vous évitez toutes contestations possibles devant les tribunaux. (Interruption.) C'est inutile, dit-on ; et pourquoi cela est-il inutile ? Parce que cela vient d'un côté de la chambre. Je ne puis voir d'autre motif d'opposition à l'amendement que parce qu'il est proposé par un côté de la chambre. Car enfin la disposition n'eût-elle pour but que d'empêcher que des procès n'interviennent devant les tribunaux encore devrions-nous l'inscrire dans la loi.

Lisez l'article 1572 du Code civil et vous vous convaincrez, messieurs que la disposition que je propose est indispensable. D'après cet article l'Etat sera responsable, parce que c'est lui qui gérera. Il est certain que tout le vice réside dans la gestion de l'Etat. Or, comme c'est l'Etat qui gère c'est l'Etat qui sera responsable. Oui, vous gérez ; vous avez beau le nier, et si un prêteur vient vous attaquer devant les tribunaux, les tribunaux vous condamneront.

Cette question est excessivement grave ; il y va de l'avenir du trésor public. Il n'est pas possible que lorsqu'on se dit tous d'accord pour proclamer qu'en aucun cas le trésor public ne peut intervenir dans les besoins de la caisse, on se refuse à inscrire cela dans la loi. Je ne conçois pas comment, logiquement, on pourrait ne pas mettre dans la loi ce qu'on a dans la bouche, à moins qu'on ne veuille pas d'une proposition bonne en elle-même, à cause du côté de la chambre dont elle émane (interruption) ; il ne peut pas y avoir d'autres motifs.

Mais, dit l'honorable M. Delfosse, vous ne pouvez pas lier vos successeurs. Mais que faisons-nous ici ? Nous faisons une loi qui lie nos successeurs ; car lorsque nous faisons une loi dont la durée est en quelque sorte perpétuelle, nous mettons nos successeurs dans l'impossibilité d'y porter remède ; c'est la différence qu'il y a entre les lois de ce genre et celles que nous votons chaque jour. Quand une chambre mauvaise (je parle d'une manière générale) fait une loi mauvaise, la législature suivante peut toujours l'abroger. Mais la loi que vous faites en ce moment est d'une nature telle qu'il sera impossible à vos successeurs de l'abroger, pourquoi ? parce qu'il y aura les intérêts de tiers à sauvegarder ; et vinssiez-vous à l'abroger, encore faudrait-il ménager ces intérêts pendant 42 ans.

J'engage donc l'honorable M. Delfosse qui est toujours à cheval sur les principes à y bien réfléchir, à ne pas lier nos successeurs, lui qui ne veut pas lier nos successions ; eh bien, la loi que nous faisons, lie nos successeurs ; et sous ce point de vue, je la regarde comme très mauvaise ; et je suis d'accord avec l'honorable membre que nous n'avons pas le droit de lier nos successeurs.

On vient nous dire qu'il semble que nous cherchions à entraver l'institution proposée. Et pourquoi chercherions-nous à entraver l'institution proposée ? Parce que nous demandons qu'on formule dans la loi ce que tout le monde déclare ici ?

De deux choses l'une : ou la déclaration que l'on fait, est sincère, ou elle ne l'est pas ; si elle est sincère, quel motif avez-vous pour vous refuser à l'inscrire dans la loi ? Et si vous vous refusez à cela, je serai en droit de douter de la sincérité de votre déclaration ; c'est-à-dire que dans votre pensée, le trésor public pourra intervenir un jour.

En effet, messieurs, il y a, dans une institution pareille, des éventualités de tout genre ; il peut y avoir des déficits, provenant, soit de détournements faits par un agent, soit d'une crise financière, soit d'une crise politique ; eh bien, il est de toute loyauté que, par la loi, le prêteur sache à quelles conditions il prête, ce qu'il doit attendre ou ne pas attendre du gouvernement. On ne peut pas se borner à faire ici une déclaration qui serait peut-être suffisante pour moi ; il faut que la loi contienne ce que porte cette déclaration ; car la loi seule, et non pas votre déclaration, fera la condition du contrat.

J'insiste donc fortement pour que la chambre prenne en considération la disposition que j'ai proposée : elle est conforme de tout point à la déclaration émanée de tous les bancs de la chambre ; et, je le répète, il n'y a aucun motif pour la rejeter, il n'y a aucun motif pour ne pas l'accepter.

M. le président. - M. Lelièvre a aussi déposé à l'article 26 un amendement qui est renvoyé à l'examen de la section centrale :

« § 7 nouveau. L'adjudication est indiquée par affiches. Ces affiches sont apposées, vingt jours au moins avant celui de l'adjudication, à la porte des bâtiments dont la vente est poursuivie, à la principale porte des communes de la situation des biens et à celle du notaire commis.

« § 8 nouveau. Quinze jours au moins avant celui indiqué pour la vente, celle-ci est annoncée dans un des journaux publiés au chef-lieu de l'arrondissement et, s'il n'y en a pas, dans l'un des journaux imprimés dans la province. »

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 5 heures moins un quart.